Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 4 octobre 2021, l’hélicoptère Kaman Aerospace Corporation K-1200 (immatriculation C-FZVM, numéro de série A-94-0053) exploité par Black Tusk Helicopter Inc. effectuait des opérations de débusquage par hélicoptère dans les environs de la baie Killam, dans le bras Jervis (Colombie-Britannique) Le pilote était seul à bord. Après une pause-midi, le pilote a repris le transport des grumes d’un bloc de coupe à un enclos océanique à environ 0,6 mille marin au nord-ouest. À 13 h 2 min 19 s, heure avancée du Pacifique, l’hélicoptère a quitté le bloc de coupe avec un chargement de 3 grumes dans la pince de débardage. Environ 75 secondes plus tard, l’hélicoptère a largué les grumes dans l’enclos, a amorcé un virage lent de 180° et a entamé une montée pour revenir au bloc de coupe. À 13 h 03 min 42 s, heure avancée du Pacifique, l’hélicoptère a amorcé une descente rapide. Environ 4 secondes plus tard, il a percuté l’eau dans l’enclos et a coulé. L’hélicoptère à l’étude était équipé d’une radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de 406 MHz; toutefois, aucun signal n’a été reçu par les organismes de recherche et sauvetage. La compagnie, qui avait été en contact radio régulier avec le pilote, a lancé des recherches immédiates sur les lieux de l’événement et a ensuite appelé les services d’urgence. Pendant les opérations de recherche et sauvetage, des portions des 4 pales de rotor principal ont été retrouvés.
L’hélicoptère a été localisé à l’aide d’un sonar 8 jours après l’événement. Le pilote a été mortellement blessé. L’enquête n’a pas permis de retrouver et de récupérer l’hélicoptère en entier. Toutefois, d’après les débris et les dommages à l’hélicoptère, l’enquête a relevé que l’hélicoptère a subi un bris de son système de rotors doubles principaux en vol avant d’entrer en collision avec le plan d’eau.
Le laboratoire du BST a effectué divers essais sur les parties de pales de rotor principal qui ont été retrouvées et a relevé que la perte du corps arrière du servo-volet sur la pale de rotor principal 0517B a entraîné une perturbation de la trajectoire de la pale qui a causé un déséquilibre cyclique et une vibration soudaine du rotor gauche, la vibration aéroélastique des 3 autres pales de rotor et la défaillance de la structure du pylône gauche. Cela a entraîné la collision entre une pale du rotor gauche et une pale du rotor droit qui a donné lieu à un bris du système rotor en vol. L’enquête a également permis de déterminer que la rupture du joint de collage entre la cloison d’extrémité intérieure et le corps arrière du servo-volet sur la pale de rotor principal 0517B a probablement provoqué une fissure de fatigue du revêtement du servo-volet, entre le longeron en D et le corps arrière, qui a progressé jusqu’à ce que le corps arrière du servo-volet se détache en vol. Si la qualité du joint de collage entre la cloison d’extrémité intérieure et le corps arrière des servo-volets des pales de rotor principal du Kaman K-1200 n’est pas uniforme, l’intégrité structurelle du servo-volet peut s’en trouver compromise, ce qui entraîne un risque que le servo-volet ne soit pas capable de résister à des charges aérodynamiques normales.
Bien que l’hélicoptère eut été équipé d’une ELT de 406 MHz, l’ELT a été submergée à la suite de la collision avec le plan d’eau, et aucun signal n’a été reçu par les organismes de recherche et sauvetage. Dans l’événement à l’étude, puisque le pilote était en communication radio régulière avec la compagnie, l’équipe locale a été en mesure de repérer les lieux de l’événement rapidement et de commencer les recherches dans le secteur. Des ELT automatiques largables peuvent être installées sur les aéronefs qui survolent des plans d’eau. Elles se détacheront de l’aéronef et demeureront à la surface de l’eau pour transmettre à la fois les coordonnées GPS (système de positionnement mondial) et le signal de 121,5/406 MHz. Par conséquent, les aéronefs qui survolent des plans d’eau s’exposent au risque que les opérations de recherche et sauvetage soient retardées s’ils ne sont pas équipés d’une ELT automatique largable.
L’hélicoptère à l’étude n’était équipé ni d’un enregistreur de données de vol, ni d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage, et la réglementation en vigueur n’en exigeait pas. Bien que la disponibilité d’autres sources de données ait permis d’obtenir des renseignements importants pour la présente enquête, il a été impossible de déterminer les manœuvres exactes de l’hélicoptère dans les derniers moments, non plus que le temps écoulé entre les derniers points de données et la collision avec la surface du plan d’eau.
Après un accident mortel sans survivant ni témoin, il se peut qu’une enquête ne permette jamais d’en déterminer les causes et les facteurs contributifs exacts, à moins que l’aéronef soit équipé d’un enregistreur de bord. L’événement à l’étude démontre que si les enregistrements de données de vol et de conversations de poste de pilotage ne sont pas disponibles pour une enquête, il y a un risque que les lacunes de sécurité ne soient pas cernées pour améliorer la sécurité des transports.
À la suite de l’événement à l’étude, Kaman Aerospace Corporation (Kaman) a effectué des essais pour vérifier la navigabilité du servo-volet; toutefois, Kaman prévoit de procéder à une évaluation plus poussée de la résistance à la fatigue du volet.
De plus, les instructions de maintenance et d’entretien du modèle Kaman K-1200 K-MAX ont été révisées le 1er juin 2023. Lors de la dernière révision, des instructions ont été ajoutées concernant la réparation des fissures longitudinales dans la peinture suivant la ligne de collage de la cloison d’extrémité intérieure du servo-volet. Les instructions stipulent que le volet doit être retiré du service si la fissure se propage au-delà de la couche de peinture.
Le 19 juillet 2023, le BST a émis un avis de sécurité du transport aérien à Transports Canada (TC) pour informer le ministère que, dans au moins 2 accidents mortels de Kaman K-1200, un servo-volet de rotor principal avait subi des fissures de fatigue avant qu’une défaillance catastrophique se produise et que le corps arrière du volet se détache du longeron. La lettre soulignait également que le temps nécessaire pour que les fissures du volet progressent jusqu’à une rupture catastrophique était inconnu, et que la mesure dans laquelle la charge de vol selon la phase de vol et les interventions du pilote contribue à cette progression doit faire l’objet d’un examen plus approfondi. TC a précisé qu’il surveillerait le secteur pour déterminer si d’autres ruptures de servo-volets se produisent et qu’il pourrait prendre au besoin des mesures intérimaires en attendant la ou les mesures correctives de la FAA.
1.0 Renseignements de base
1.1 Déroulement du vol
Le 4 octobre 2021, l’hélicoptère Kaman Aerospace Corporation K-1200 exploité par Black Tusk Helicopter Incorporated (Black Tusk) effectuait des opérations de débusquage par hélicoptère dans les environs de la baie Killam, dans le bras Jervis (Colombie-Britannique). La zone de rassemblement des hélicoptères se trouvait à Agamemnon Bay (Colombie-Britannique), à environ 0,5 mille marin (NM) à l’est d’Earls Cove (Colombie-Britannique) et à environ 4 NM au sud-ouest des blocs de coupe. Black Tusk disposait également d’un chaland-citerne sans équipage amarré le long de la rive ouest de Killam Bay et en aval des blocs de coupe. Elle offrait une zone d’atterrissage à proximité en cas d’urgence et stockait du carburant aviation pour ravitailler l’hélicoptère pendant les opérations forestières quotidiennes (figure 1).
Un 2e hélicoptère de la compagnie, le Bell Helicopter 206B (immatriculation C‑FHQH), était également stationné à Agamemnon Bay avec un pilote de soutien. Cet hélicoptère servait principalement à transporter les équipes d’exploitation forestière vers les blocs de coupe et à fournir tout soutien supplémentaire nécessaire à l’exploitation forestière.
Vers 7 h 05Les heures sont exprimées en heure avancée du Pacifique (temps universel coordonné moins 7 heures)., le pilote de l’événement à l’étude et le gestionnaire de l’exploitation forestière se sont rencontrés à la zone de rassemblement et ont discuté de l’état d’avancement de l’exploitation forestière, des préoccupations liées à la sécurité ou à la production, ainsi que de ce qui était prévu ce jour-là. Le pilote de soutien a ensuite transporté le gestionnaire de l’exploitation forestière et un câbliste vers 2 blocs de coupe distincts où ils devaient chacun câbler des grumes en vue de leur transport par hélicoptère ce jour-là.
Le pilote de l’événement à l’étude, accompagné du technicien d’entretien d’aéronef (TEA) sur place, a commencé à préparer l’hélicoptère à l’étude pour la journée. Ils ont vérifié les liquides de l’hélicoptère, les pales de rotor principal, la pince de débardage hydraulique et le carnet de bord. L’hélicoptère a décollé vers 7 h 55, la pince de débardage étant suspendue au crochet ventral par une longue élingue de 200 pieds. Avant le départ, le pilote a effectué un bref vol stationnaire pendant que le TEA effectuait une vérification de l’apex[Traduction] « L’apex est l’endroit où les cônes du rotor [principal] semblent se croiser devant l’aéronef. » (Source : Kaman Aerospace Corporation, Kaman K-1200 Rotorcraft Flight Manual, revision 9 [30 juin 2021], section 10 : Functional Check Flight Information, Rigging Checklist, Step 10, p. 10-13) pour confirmer visuellement que les commandes de vol de l’aéronef étaient correctement réglées. L’hélicoptère a ensuite quitté la zone de rassemblement et est arrivé au 1er bloc de coupe (KIL006H)Chaque bloc de coupe est identifié par un code alphanumérique qui figure sur les permis d’exploitation forestière et qui est reconnu par le gouvernement provincial. vers 8 h, où le gestionnaire de l’exploitation forestière était en train de câbler des grumes.
L’aéronef a effectué 74 toursDans l’industrie de l’exploitation forestière par hélicoptère, 1 tour correspond au vol de l’enclos au site de ramassage, au ramassage de 1 chargement de grumes, au vol de retour vers l’enclos et au largage du chargement de grumes dans l’enclos. à partir de 3 blocs de coupe différents dans le projet de Killam Bay, comme suit :
- 31 tours suivis d’un arrêt de ravitaillement au chaland-citerne
- 39 tours suivis d’un arrêt de ravitaillement au chaland-citerne
- 4 tours suivis d’un arrêt de pause-repas au chaland-citerne
Environ 49 minutes plus tard, l’aéronef a quitté le chaland et a effectué 4 tours de l’enclos au bloc de coupe KIL006H, situé à 0,6 NM au sud-est. Au 5e tour, l’aéronef a quitté le bloc de coupe avec un chargement de 3 grumes dans la pince de débardage à 13 h 2 min 19 s Environ 75 secondes plus tard, l'aéronef a largué les grumes dans l’enclos, a amorcé un virage lent de 180° et a entamé une montée pour retourner au bloc de coupe. À 13 h 3 min 42 s, à la suite d’une transmission radio de routine au gestionnaire de l’exploitation forestière, l’aéronef a entamé une descente rapide. Environ 4 secondes plus tard, il a percuté l’eau dans l’enclos et a coulé (figure 2).
Le gestionnaire de l’exploitation forestière et le câbliste qui se trouvaient sur le flanc de la montagne ont entendu une forte détonation qui provenait de la zone de l’enclos. Le gestionnaire de l’exploitation forestière a tenté de communiquer avec le pilote à plusieurs reprises pendant environ 3 minutes à l’aide d’une radio très haute fréquence (VHF) portative. Puisqu’il ne recevait pas de réponse et ne voyait pas l’hélicoptère revenir, il a envoyé l’hélicoptère de soutien de Agamemnon Bay voir ce qui se passait dans l’enclos.
En arrivant à l’enclos, le pilote de soutien a vu des fragments de pales de rotor principal et une pellicule d’huile flottant à la surface de l’eau; le reste de l’hélicoptère et le pilote n’étaient pas visibles. Le pilote de soutien a continué à ratisser les environs et la ligne de rivage pendant environ 5 minutes avant d’atterrir sur le chaland-citerne et de communiquer avec le siège social de Black Tusk pour faire activer le plan d’intervention d’urgence. Le pilote de soutien a ensuite quitté le chaland-citerne, puis est allé chercher le gestionnaire de l’exploitation forestière avant de poursuivre les recherches dans l’enclos. Après plusieurs autres passages et en l’absence de tout autre signe du pilote ou de l’hélicoptère, l’équipage a quitté l’enclos pour aller chercher le câbliste dans le bloc de coupe nord et est retourné à la zone de rassemblement pour profiter d’un service cellulaire fiable et communiquer avec les services de recherche et sauvetage.
À 13 h 47 min 28 s, le gestionnaire de l’exploitation forestière a appelé les services d’urgence 911 à partir de la zone de rassemblement, tandis que le pilote de soutien et le TEA retournaient à l’enclos pour poursuivre les recherches avec l’hélicoptère de soutien. Le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage de Victoria (Colombie-Britannique) a alors lancé une recherche secondaire dans la zone de l’enclos en demandant l’aide de plusieurs navires et d’un hélicoptère Cormorant des Forces armées canadiennes. Le premier navire est arrivé vers 14 h 7, suivi de l’hélicoptère Cormorant 7 minutes plus tard. Les navires ont récupéré des fragments des 4 pales de rotor principal qui flottaient à la surface de l’eau. Les fragments de pale ont été retrouvés à l’extérieur de l’enclos, près de sa bordure nord-est, et un gros morceau de pale a été trouvé dans le périmètre des grumes de l’enclos. Aucune autre trace de l’hélicoptère n’a été trouvée sur l’eau.
L'hélicoptère à l'étude était muni d'une radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de 406 MHz; cependant, aucun signal n’a été reçu. L’hélicoptère a été localisé par sonar 8 jours après l’événement à une profondeur de 96 m et a été récupéré 6 jours plus tard à l’aide d’une équipe de plongeurs et d’un véhicule sous-marin téléguidé.
1.2 Personnes blessées
Le tableau 1 ci-dessous indique les blessures subies.
1.3 Dommages à l’aéronef
1.4 Autres dommages
1.5 Renseignements sur le personnel
Le pilote détenait une licence de pilote professionnel – hélicoptère et il était titulaire d’un certificat médical valide de catégorie 1. Le 15 avril 2021, il avait suivi le cours K-1200 Helicopter Pilot Training: Pilot Experience Level 1 Course (formation de pilote d’hélicoptère K-1200 : cours d’expérience de pilote de niveau I) dans les installations de l’avionneur. Le cours comprenait :
- 6,3 heures de vol, 43 atterrissages et 27 levées de charges externes au cours de 9 vols en solo sur l’hélicoptère K-1200;
- 2,4 heures de vol, 15 atterrissages et 17 pannes de système dans le simulateur d’entraînement au vol K-1200;
- une formation au sol sur la familiarisation avec le K-1200 et les inspections avant le vol.
Le temps de service de vol et les périodes de repos du pilote respectaient les limites fixées dans le manuel d’exploitation de Black TuskBlack Tusk Helicopter Inc., Operations Manual, modifié le 1er janvier 2021, section 4, annexe D : Flight Time, Flight Duty Time and Rest Period Limitations.. D’après un examen de l’horaire de travail et de repos du pilote, rien n’indique que la fatigue a nui au rendement du pilote.
1.6 Renseignements sur l’aéronef
L’hélicoptère Kaman K-1200, également connu sous le nom de K-MAXLe nom K-MAX fait l’objet d’un droit d’auteur appartenant à Kaman Aerospace Corporation. Il sert à identifier l’hélicoptère Kaman K-1200 dans de multiples publications du fabricant et dans l’industrie., est spécialement conçu pour les opérations de transport aérien et se compose d’un système de 2 rotors principaux engrenants à 2 pales, sans rotor de queue (figure 3). Le fuselage étroit et la configuration monoplace offrent une visibilité optimale vers l’avant, à gauche, à droite et à la verticale. L’hélicoptère est équipé d’un turbomoteur Honeywell T5317A-1Le certificat de type a été transféré à Ozark Aeroworks LLC le 6 mai 2022. et d’un train d’atterrissage à 3 roues.
L’hélicoptère à l’étude avait été acheté neuf auprès de l’avionneur et importé au Canada en mars 2021, avec un total de 8,4 heures de vol cellule accumulées au cours des essais en vol de production. Le certificat de navigabilité canadien a été émis le 17 mai 2021.
L’hélicoptère était entretenu selon un cycle d’inspection progressif conformément au calendrier de maintenance de la compagnie approuvé par Transports Canada (TC). Dans un cycle d’inspection progressif, les tâches d’inspection annuelle ou par intervalle de 100 heures sont réparties en 4 zones pour couvrir les systèmes et les composantes connexesKaman Aerospace Corporation, Kaman Model K-1200 K-MAX Maintenance and Servicing Instructions, révision 43 (1er juin 2021), chapitre 05 : Time Limits/Maintenance Checks, section 05-20-10 : Progressive Inspection – Maintenance Practices, sous-section A, General, p. 201.. Une zone est inspectée toutes les 25 heures et, lorsque les 4 zones sont inspectées, toutes les tâches de l’inspection annuelle ou par intervalle de 100 heures sont complétées, et le cycle se répète.
La tâche d’inspection du servo-volet, qui est dans la zone 1, exige que le servo-volet soit retiré pour une inspection visuelle. Aucune fissure n’est permise dans le recouvrement du volet et dans la corne d’équilibrage du volet. La dernière inspection de zone 1 consignée dans le carnet de bord remontait à 62,1 heures de vol avant l’événement à l’étude et datait du 24 septembre 2021.
De plus, l’inspection pré-vol exige une inspection visuelle in situ du servo-volet avant chaque volIbid., section 05-20-01 : Preflight Inspection – Maintenance Practices, p. 210 et 211.. La dernière inspection pré-vol, consignée comme une inspection « quotidienne » dans le carnet de bord, avait été effectuée par le TEA après le dernier vol le 3 octobre 2021.
Il n’y avait aucune défectuosité enregistrée non corrigée au moment de l’événement.
* Ozark Aeroworks LLC est le titulaire actuel du certificat de type.
1.6.1 Système de rotors principaux
Les rotors sont déphasés de 90° et inclinés vers l’extérieur de 12,5° par rapport à l’axe vertical pour permettre à chaque pale de dégager le moyeu du rotor opposé. Chaque rotor est composé de 2 pales, et chaque pale est contrôlée par un servo-volet qui est incliné par les commandes du pilote pour produire la manœuvre de vol souhaitée.
Chaque arbre de rotor est supporté indépendamment par un pylône conique en alliage d’aluminium qui est supporté par 1 jambe de force avant et 1 jambe de force arrière et qui est relié à une transmission principale commune. Selon le fabricant, les jambes de force sont conçues pour supporter environ 85 % de la portance générée par le système de rotor principal. De plus, les 2 pylônes sont reliés l’un à l’autre près du sommet par un tirant de raccordement.
1.6.1.1 Pales de rotor principal
Chaque pale de rotor principal a une surface portante monocoque à profil cambré où le revêtement de la pale est un élément essentiel de la conception structurelle et supporte une part importante de l’effort de torsion pendant le fonctionnement de la pale. Chaque pale de rotor est constituée d’un longeron en épinette de Sitka laminé, d’une âme en nid d’abeille et d’un bord de fuite en fibres de carbone, et elle est enveloppée d’un revêtement en composite à base de fibres de verre (figure 5). La largeur du longeron en bois varie tout au long de la pale. À partir du servo-volet vers le bout de la pale, les revêtements supérieurs et inférieurs se prolongent au-delà du bord de fuite pour former une languette de bord de fuite.
Chaque pale du rotor a une envergure de 289 pouces et une protection contre l’érosion en acier inoxydable sur les 114 pouces extérieurs du bord d’attaque (figure 6). La section de la pale située entre la station du rotor (STA)Le numéro de station du rotor correspond à la distance par rapport au centre du moyeu du rotor principal et est enregistré en pouces. 115 et la STA 165, du côté intérieur du servo-volet, est la section de travail élastique de la pale et a été conçue pour avoir une rigidité en torsion relativement faible. Lorsque le pilote modifie la position du servo-volet à l’aide des commandes, un effort de torsion est imposé à la pale, et cette section permet à la pale de se tordre et de changer l’angle d’attaque, ce qui produit ensuite la portance nécessaire pour la phase de vol.
Les 2 ensembles rotor ont chacun 2 pales de rotor qui sont appariées par l’avionneur. Les paires de pales de l’hélicoptère à l’étude étaient les suivantes : les pales portant les numéros de série 0517A et 0517B étaient installées sur le moyeu du rotor de gauche, tandis que les pales portant les numéros de série 0520A et 0520B étaient installées sur le moyeu du rotor de droite.
Toutes les pales de rotor principal de l’hélicoptère à l’étude avaient été installées à l’état neuf au moment de la fabrication et avaient accumulé 949,6 heures de vol « Le temps dans les airs, pour la tenue des dossiers techniques, est la période qui commence au moment où l’aéronef quitte la surface du sol pour se terminer au moment où il touche la surface du sol au point d’atterrissage suivant ». (Source : Transports Canada, DORS/96-433, Règlement de l’aviation canadien [RAC], paragraphe 101.01(1)). Elles étaient assujetties à 2 consignes de navigabilité (CN) émises par l’autorité de certification, la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis, et adoptées par TC :
- CN 2015-14-04Federal Aviation Administration, Airworthiness Directive (AD) 2015-14-04 (29 juin 2015)., qui exige le retrait et l’inspection du longeron de la pale avant les 3000 premières heures de service et, par la suite, à des intervalles ne dépassant pas 1000 heures de service.
- CN 2010-26-11Federal Aviation Administration, Airworthiness Directive (AD) 2010-26-11 (14 décembre 2010)., qui exige le retrait du service de chaque ensemble de pales une fois qu’il a accumulé 8000 heures de service.
Selon la réglementation, le propriétaire d’un aéronef doit respecter les exigences de toutes les CN applicablesTransports Canada, DORS/96-433, Règlement de l’aviation canadien (RAC), alinéa 605.84(1)b). et ne peut pas prolonger les tâches obligatoires au-delà des intervalles de temps publiés dans la consigne de navigabilitéTransports Canada, Normes de service aérien commercial, Norme 625 : Normes relatives à l’équipement et à la maintenance des aéronefs, alinéa 625.86(8)d).. Au cours de l’enquête, on a remarqué que le document Kaman Model K-1200 K-MAX Maintenance and Servicing Instructions avait été révisé le 1er mars 2016 et avait augmenté l’intervalle de retrait et d’inspection des pales, le premier retrait et inspection devant avoir lieu après 3025 heures, puis toutes les 1025 heures par la suiteKaman Aerospace Corporation, Kaman Model K-1200 K-MAX Maintenance and Servicing Instructions, révision 43 (1er juin 2021), chapitre 05 : Time Limits/Maintenance Checks, section 05-10-00 : Component Overhaul Removal Internal, sous-section B, Rotor, Note 2, p. 1..
1.6.1.2 Servo-volet
Un servo-volet est une gouverne fixée à la pale de rotor principal et inclinée par les commandes du pilote pour modifier l’angle d’attaque et la portance résultante de la pale. Le servo-volet a une envergure de 35 pouces et pivote sur la tige du volet, qui est montée entre 2 supports de volet sortant du corps arrière de la pale de rotor à la STA 190 et à la STA 226, avec une sangle diagonale du côté intérieur. L’inclinaison du servo-volet est commandée par la biellette de commande, qui est montée sur le point de pivotement inférieur de la corne d’équilibrage à l’extrémité intérieure du volet (figure 7).
La structure monocoque du servo-volet est principalement constituée de composite à base de fibres de carbone et d’une protection en acier inoxydable contre l’érosion sur le bord d’attaque. Les principaux composants structurels sont le longeron en D et le corps arrière, qui comprend la poutre en I, les couches des profilés en C et la languette du bord de fuite. Le longeron en D et le corps arrière sont enveloppés d’un mince revêtement. Les couches des profilés en C avant et arrière sont collées aux surfaces intérieures des revêtements supérieurs et inférieurs, ainsi qu’à la surface arrière du longeron en D et à la surface avant de la languette du bord de fuite, respectivement (figure 8).
Les ouvertures aux extrémités intérieure et extérieure du corps arrière du servo-volet sont scellés par des cloisons d’extrémité (figure 9). Chaque cloison d’extrémité est faite de composite de carbone tissé laminé et est insérée dans l’ouverture du corps arrière, puis ses languettes sont collées aux revêtements inférieurs et supérieurs au moyen d’un adhésif. De plus, la surface concave avant de la cloison d’extrémité intérieure est collée à la surface convexe du raccord de pivot du volet. Pour contrôler l’épaisseur des lignes de collage adhésif de manière à assurer une résistance de collage optimale, un canevas est placé sur la surface de collage avant l’application de l’adhésif et l’insertion subséquente de la cloison d’extrémité.
1.6.2 Moteur
Le turbomoteur de l’hélicoptère à l’étude a été fabriqué à l’origine le 4 décembre 1975 par Honeywell en tant que moteur de modèle T5313B. Après 4803,7 heures de fonctionnement, le moteur a été converti en T5317A-1 le 24 août 2019. La conversion a été effectuée par Ozark Aeroworks LLC, un centre agréé d’entretien et de révision du moteur T53. Le moteur est équipé d’un compresseur axial à 5 étages, d’un compresseur centrifuge à un étage, d’une turbine de générateur de gaz à 2 étages et d’une turbine de puissance à 2 étages. Lors de la conversion et de la révision, tous les principaux composants rotatifs internes ont été remplacés, ce qui a permis de remettre à zéro le nombre de cycles du moteur. Le moteur a également été équipé d’un régulateur de carburant, d’un régulateur de survitesse et d’une rampe de distribution carburant révisés.
1.6.3 Circuit hydraulique auxiliaire
Immédiatement après son importation au Canada, l’hélicoptère a été modifié par l’ajout d’un système hydraulique auxiliaire. Le système hydraulique auxiliaire a été installé conformément au certificat de type supplémentaire SR01561SE que TC a accepté d’après l’approbation de la FAA. Le système hydraulique est un système autonome dont la pompe est montée sur la bosse d’entraînement inutilisée située à l’avant de la transmission principale.
Le système hydraulique de l’hélicoptère à l’étude fournissait une assistance hydraulique pour actionner la pince de débardage hydraulique par l’intermédiaire de 2 tuyaux hydrauliques qui longeaient toute la longue élingue. Les tuyaux hydrauliques sont reliés au système de la cellule par 2 raccords à déconnexion rapide montés sur le côté droit du fuselage, au même endroit que le crochet de charge. Les raccords sont conçus pour se désengager automatiquement si la longue élingue est relâchée.
Lorsque l’aéronef a été récupéré dans l’eau, l’enquête a révélé que les tuyaux hydrauliques de la pince de débardage étaient toujours connectés aux raccords à déconnexion rapide. Les enquêteurs ont vérifié le fonctionnement du largage par déconnexion rapide sur le site de récupération et ont constaté que les conduites hydrauliques de la pince de débardage se déconnectaient des raccords en appliquant une force minimale à la main. Les enquêteurs ont aussi constaté la présence de liquide hydraulique dans les deux tuyaux hydrauliques.
1.6.4 Masse et centrage
Lors de la certification initiale de l’hélicoptère en tant que giravion de catégorie normale en août 1994, l’aéronef a été approuvé pour une masse maximale au décollage de 6000 livres avec une charge externe maximale de 6000 livres, soit une masse totale de l’aéronef de 12 000 livres pendant les opérations de levage. En octobre 1999, la FAA a modifié les normes de navigabilité applicables aux giravions de catégorie normale, autorisant l’augmentation de la masse maximale au décollage du giravion jusqu’à un maximum de 7000 livres si le nombre de sièges passagers n’était pas supérieur au nombre certifié le 18 octobre 1999Federal Aviation Administration, Code of Federal Regulations (CFR), titre 14, partie 27, sous-alinéa 27.2(b)(2)(ii).. En conséquence, en juin 2005, l’hélicoptère à l’étude a reçu l’approbation d’une masse maximale au décollage augmentée à 7000 livres sans charge externe. La masse totale de l’aéronef avec la charge externe était toujours de 12 000 livresFederal Aviation Administration, Kaman K-1200 Type Certificate Data Sheet (TCDS) No. TR7BO, révision 6 (23 mars 2020), notes 7, 8 et 11, p. 4 et 5..
Au moment de l’événement, l’aéronef était exploité avec une longue élingue de 200 pieds munie d’une pince de débardage à commande hydraulique qui ne contenait plus de charge de grumes. L’ensemble pesait environ 750 livres. Le pilote a ravitaillé l’aéronef à la barge 21 minutes avant l’événement, mais l’enquête n’a pas permis de déterminer la quantité de carburant ajoutée ou la masse totale résultante de l’aéronef.
1.7 Renseignements météorologiques
La station d’observation météorologique pour l’aviation la plus proche se trouve à l'aéroport de Powell River (CYPW) (Colombie-Britannique), 23 NM à l'ouest du lieu de l’événement. Le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) pour CYPW, émis à 13 h et valide au moment de l’événement, faisait état des conditions suivantes :
- vents du 250° vrai (V), de directions variables du 190° au 300°V, à 3 nœuds;
- visibilité de 30 milles terrestres;
- quelques nuages à 1100 pieds, quelques nuages à 5000 pieds, nuages épars à 15 000 pieds, et ciel couvert à 18 000 pieds;
- température de 11 °C et point de rosée de 9 °C;
- calage altimétrique de 29,27 pouces de mercure.
À leur arrivée sur le lieu de l’événement, les équipes d’intervention de l’hélicoptère de soutien de la compagnie, de l’hélicoptère de recherche Cormorant et du navire du détachement maritime de la côte Ouest de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont toutes signalé que les conditions météorologiques étaient les suivantes : vents et état de la mer calmes, avec un couvert nuageux en altitude. D’autres photos et vidéos recueillies au cours de l’enquête ont permis de vérifier ces conditions.
Les conditions météorologiques ne sont pas considérées comme un facteur dans l’événement à l’étude.
1.8 Aides à la navigation
1.9 Communications
Black Tusk a intégré des radios portatives VHF et une fréquence spécifiée par la compagnie pour les communications entre le pilote de l’hélicoptère à l’étude, les câblistes et le pilote de soutien dans la zone de rassemblement. La compagnie utilisait également des téléphones satellites comme autre source de communication, avec des téléphones situés dans l’hélicoptère à l’étude et l’hélicoptère de soutien et, selon l’éloignement des blocs de coupe, à la disposition des câblistes au sol.
Dans l’événement à l’étude, une bonne communication radio VHF a été établie avec le pilote de soutien et le TEA dans la zone de rassemblement, où un service de téléphonie cellulaire fiable était disponible. Par conséquent, les câblistes n’avaient pas de téléphone satellite au bloc de coupe.
Le jour de l’événement, les opérations se sont déroulées normalement, le pilote de l’hélicoptère à l’étude étant en communication régulière avec l’équipe d’exploitation forestière par l’intermédiaire du système radio VHF de l’hélicoptère et de radios portatives. Aucune communication du pilote de l’hélicoptère à l’étude n’a fait état d’une quelconque anomalie opérationnelle tout au long de la journée ou d’une quelconque détresse lors de la dernière transmission reçue quelques instants avant l’événement.
1.10 Renseignements sur l’aérodrome
1.11 Enregistreurs de bord
Pour le système de suivi automatisé des vols, Black Tusk avait équipé l’hélicoptère à l’étude d’un dispositif de suivi par satellite Guardian Mobility G4 doté d’une antenne externe, qui fournissait des données relatives à l’heure, à la position et au mouvement fondées sur le système mondial de navigation par satellite (GNSS). Les données étaient enregistrées toutes les 2 minutes environ, ce qui était trop peu fréquent pour que la trajectoire de l’hélicoptère soit suffisamment détaillée pour permettre une analyse du vol.
L’hélicoptère était également équipé d’un système de surveillance dépendante automatique en mode diffusion (ADS-B), qui permet aux aéronefs de diffuser des données en utilisant le réseau ADS-B par satellite de NAV CANADA/Aireon. Les données ADS-B comprenaient 2 paramètres d’altitude : le niveau de vol et la hauteur géométrique. Le niveau de vol est l’altitude de la pression barométrique (selon la norme de 29,92 pouces de mercure), et la hauteur géométrique est la hauteur GNSS au-dessus de l’ellipsoïdeL’ellipsoïde est le plan de référence théorique de la surface de la Terre que les systèmes de positionnement mondial utilisent pour mesurer la hauteur au-dessus du sol. mesurée par l’équipement GNSS embarqué de l’aéronef. Cependant, différentes manœuvres de l’hélicoptère et une quelconque turbulence en vol peuvent altérer la précision de l’altitude barométrique ou de l’altitude GNSS. Dans l’événement à l’étude, on a constaté une contradiction entre les paramètres d’altitude pour le point de données final.
En outre, les données ADS-B comprenaient des renseignements sur la vitesse sol, la trajectoire et la vitesse verticale géométrique. L’expérience a démontré que la précision de ces paramètres varie considérablement en raison des limites inhérentes à la conception du système ADS-B. Dans l’événement à l’étude, ces limites étaient aggravées par le fait que l’aéronef volait à une vitesse et à une altitude très basses, et à proximité d’un terrain montagneux.
Après un accident mortel sans survivant ni témoin, il pourrait être impossible d’en déterminer les causes exactes et facteurs contributifs au cours d’une enquête, à moins que l’aéronef ne soit muni d’un enregistreur de bord. Les avantages que présentent les données de vol enregistrées pour les enquêtes sur les accidents d’aéronefs sont bien connus et documentés.Rapports d’enquête sur la sécurité du transport aérien A22P0111, A21O0056, A20P0080, A19P0187, A19P0176, A18P0080, A17P0170, A16A0032, A15P0081, A14Q0148, A14W0127, A13H0002, A12W0031, A12C0005, A11H0001, A11P0106, A11C0047, A11W0048, A11O0031, A11Q0028, A11P0117, A10P0244, A09P0187, A09A0036, A07W0150, A07Q0063, A06W0139, A05C0187, A05W0137, A03H0002, A02W0173 et A01W0261 du BST.
À la suite d’un événementRapport d’enquête aéronautique A16P0186 du BST. survenu le 13 octobre 2016, au cours duquel un aéronef Cessna Citation 500 sous immatriculation privée est entré en collision avec le sol et a causé des blessures mortelles au pilote et aux 3 passagers, le Bureau a recommandé que
Dans sa réponse de janvier 2023 à cette recommandation, TC a indiqué qu’il était d’accord en principe avec cette recommandation et qu'il avait publié un Avis de proposition de modification (APM) en décembre 2021 qui proposait des modifications à la réglementation rendant obligatoire l’installation d’enregistreurs de données de vol légers (LDR) dans les aéronefs existants et leur installation dans les aéronefs nouvellement construits. TC a reçu des contributions et des commentaires importants du secteur qui ont donné lieu à une réévaluation de l’approche et de la portée des exigences en matière de LDR. TC élabore actuellement un nouvel APM révisé dont la publication était prévue au début de 2023, et les modifications réglementaires proposées devaient être publiées dans la Partie I de la Gazette du Canada au début de 2024. Toutefois, dans sa réponse la plus récente datée de décembre 2023, TC a indiqué que la date d’échéance des livrables pour la publication de l’APM avait été reportée à 2024-2025 en vue d’une analyse supplémentaire. Aucun échéancier pour la publication dans la Partie I de la Gazette du Canada n’a été précisé.
Par conséquent, à l’égard de la réponse de TC à la recommandation A18-01, le Bureau estimait que son évaluation était impossibleRecommandation A18-01 du BST : Installation obligatoire de systèmes d’enregistrement des données de vol légers, à l’adresse https://www.bst-tsb.gc.ca/fra/recommandations-recommendations/aviation/2018/rec-a1801.html (dernière consultation le 17 janvier 2024)..
1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact
Le fuselage de l’hélicoptère a été localisé par sonar 8 jours après l’événement et trouvé à environ 400 pieds de la dernière position enregistrée par le système ADS-B. Un véhicule sous-marin téléguidé équipé d’une caméra a été déployé. Il a montré que la longue élingue munie de la pince de débardage hydraulique était toujours attachée au crochet ventral de l’hélicoptère. La longue élingue était drapée sur le câble transversal sous-marin de l’enclos à une profondeur d’environ 33 m de la surface, le fuselage se trouvant du côté sud-ouest du câble à 96 m de profondeur et la pince de débardage se trouvant du côté nord-est du câble à 36 m de profondeur. Dans ces conditions, le fuselage et la pince de débardage étaient suspendus au-dessus du fond de l’océan.
L’équipe de récupération a remonté la pince de débardage à la surface et l’a retirée de la longue élingue, puis a utilisé celle-ci pour remonter le fuselage. Une fois que l’épave s’est trouvée sur le pont du chaland de récupération, les enquêteurs ont mis à l’essai le levier de dégagement manuel du crochet de charge situé sur le levier de pas collectif et ont constaté que le système de dégagement fonctionnait normalement.
Le fuselage était en grande partie intact, mais l’avant de l’hélicoptère présentait d’importants dommages par flambage et compression, représentatifs d’une assiette en piqué au moment de l’impact. Puisque le dessous et les côtés du fuselage étaient également très peu endommagés, les enquêteurs ont déterminé que l’aéronef était entré dans l’eau en piqué, à un angle de près de 90°. Selon le manuel de vol du giravion, la limite d’attitude avec une charge est de 25° en cabré ou en piquéKaman Aerospace Corporation, Kaman K-1200 FAA Approved Rotorcraft Flight Manual, revision 9 (30 juin 2021), section 2 : Limitations, Flight Limitations–WITH LOAD, p. 2–4..
Le stabilisateur horizontal était resté entier, les plans fixes verticaux étant toujours présents de chaque côté. Cependant, le stabilisateur était tordu vers le bas sur le fuselage, le bord d’attaque du plan vertical droit présentait une bosselure importante juste au-dessus du stabilisateur, et la partie inférieure du plan vertical gauche était écrasée.
La poutre de queue était entière et séparée du fuselage à la jonction de la poutre de queue; le câble de commande du palonnier, le câblage électrique et le câblage de l’antenne étaient les seules connexions restantes reliant la poutre de queue au fuselage. La partie supérieure avant du plan fixe vertical arrière était écrasée selon une configuration cylindrique, puis s’effondrait près de la partie inférieure arrière. Le palonnier était resté fixé au plan fixe vertical et n’avait que peu bougé.
Le moteur complet était resté fixé à la cellule; seul le support en caoutchouc avant gauche s’était séparé. Cependant, la structure du fuselage s’était rompue devant les supports avant, des deux côtés, faisant en sorte que le moteur était fortement incliné vers l’arrière. De plus, le haut du carter de combustion s’était déformé et le tuyau d’échappement avait été écrasé de bas en haut. L’arbre de transmission KaflexArbre de transmission de conception exclusive de Kaman avec des accouplements flexibles à chaque extrémité. était manquant et il y avait un trou de sortie dans le capotage du moteur. Les accouplements de l’arbre de transmission à chaque extrémité étaient restés fixés au moteur et à la transmission, et une empreinte de rotation a été trouvée sur le cadre du fuselage, sous l’accouplement de la transmission.
La partie inférieure de l’ensemble de la transmission principale était restée fixée au fuselage. Les pylônes de gauche et de droite s’étaient séparés de la transmission au niveau des brides de fixation, puis s’étaient détachés de l’hélicoptère, tout comme les mâts, les moyeux de rotor et les jambes de support.
Les trains d’atterrissage avant et droit étaient restés en place. Le support de train d’atterrissage était sectionné près de l’extrémité extérieure gauche, et l’ensemble du pneu et de la jambe de support de gauche n’était resté fixé au support que par la conduite de frein.
1.12.1 Configuration radiale des débris
Peu après l’événement, les coordonnateurs ont utilisé des photos, des coordonnées GPS et des observations visuelles pour reconstituer la configuration des débris et la trajectoire possible de l’hélicoptère après sa dernière position connue. Les débris de l’hélicoptère ont été localisés sur un arc de 228° autour de la dernière position en vol connue de l’hélicoptère (figure 10).
La grande section de pale du rotor principal a été identifiée comme étant la pale 0517B de l’ensemble rotor gauche et a été localisée à environ 335° et 475 pieds de la dernière position connue de l’hélicoptère. Cette pale de rotor a percuté une grume du périmètre de l’enclos et s’y est logée, ce qui a permis de déterminer sa trajectoire avec une certitude relative. Deux fragments de pale ont été identifiés comme étant les pales 0520A et 0520B du rotor de droite et ont été retrouvés à environ 85° et 60°, respectivement. Un 3e fragment a été trouvé à proximité, mais les enquêteurs n’ont pas été en mesure de déterminer de quelle pale de rotor il provenait. Les emplacements des 3 fragments n’ont pu être qu’estimés en raison de la dérive océanique.
Les enquêteurs ont travaillé en coordination avec le National Transportation Safety Board des États-Unis (NTSB) afin de calculer une zone de probabilité permettant de localiser des parties de la 4e pale du rotor (0517A). En conséquence, lors d’un second déploiement sur le site, en janvier 2022, la pointe de la pale 0517A a été localisée avec succès sur le flanc d’une colline boisée, à environ 205° et 750 pieds de sa pale de rotor 0517B jumelée. La pointe de la pale a permis de déterminer qu’un autre fragment de pale qui avait été trouvée à la surface de l’océan faisait partie du revêtement inférieur de la pale 0517A.
Enfin, une partie du cadre de fenêtre du poste de pilotage provenant du pare-brise avant se trouvait également sous l’eau à environ 203° et 175 pieds de la dernière position connue de l’hélicoptère et à environ 120 pieds des débris les plus proches du système de rotor principal et de la transmission. Le cadre de la fenêtre du poste de pilotage est une partie structurelle du fuselage avant. Par conséquent, l’enquête a permis de déterminer que l’emplacement du cadre indiquait la position approximative de l’impact dans l’enclos.
1.12.2 Examen du moteur
Un examen préliminaire du moteur a été effectué par les enquêteurs dans les installations du BST à Richmond, avec l’aide de l’avionneur et du motoriste. Il a été établi que les 2 tringleries de commande moteur reliant le poste de pilotage au régulateur de carburant étaient continues au moment de l’événement. Les ruptures et la séparation des tubes de commande du moteur dans le fuselage étaient cohérentes avec des forces de surcharge dues à l’impact. Les enquêteurs ont également constaté qu’il y avait du carburant dans la conduite d’alimentation en carburant du moteur et que le filtre à huile ne contenait pas de débris.
Le moteur a ensuite été expédié aux installations du motoriste, où il a été démonté et examiné en présence de spécialistes du motoriste, du NTSB et de la FAA.
Les 5 étages du compresseur axial présentaient une combinaison de dommages aux aubes : des dommages dus à l’impact des aubes, de la matière manquante et des aubes pliées dans le sens opposé à la rotation. De plus, les aubes du compresseur des 3 premiers étages ont été trouvées séparées de leur emplanture – les 34 aubes du 1er étage, 7 aubes du 2e étage et 1 aube du 3e étage – ce qui est cohérent une rotation à grande vitesse du moteur pendant l’ingestion d’eau. Toutes les défaillances des aubes du compresseur ont été causées par une surcharge, sans aucun signe de rupture par fatigue préexistante.
Les buses de la turbine de générateur de gaz contenaient des projections métalliques mineures qui sont cohérentes avec des températures élevées dans la section de la chambre de combustion lorsque des débris métalliques ont pénétré dans le flux d’air.
1.12.3 Examen du système de rotor principal, des pales de rotor principal et des composants connexes
1.12.3.1 Examen de la transmission du rotor principal
Lors de la récupération de l’épave, les pylônes de gauche et de droite ont été trouvés séparés de la transmission principale. Le pylône du rotor de droite, le mât, le moyeu et les jambes de support ont été récupérés dans le champ de débris. La partie supérieure du pylône du rotor de gauche, l’arbre du rotor, le moyeu et les jambes de support n’ont pas été récupérés, à l’exception d’une petite partie restante de la jambe avant gauche qui était encore fixée au fuselage.
La transmission principale n’a pas pu être tournée. Les carters de la transmission ont été partiellement désintégrés après immersion dans l’eau salée et ne contenaient plus tous les composants internes. Des perforations du carter de la boîte de transmission ont été relevées, et des dépôts blancs ressemblant à du ciment avaient rempli les cavités à l’intérieur de la boîte d’engrenages.
1.12.3.2 Examen des pylônes de rotor principal
Les morceaux du pylône de gauche récupérés s’étaient brisés principalement sous l’effet de multiples fractures sur la circonférence. Cela est cohérent avec une charge dynamique dont la direction change rapidement. Les surfaces ne présentaient aucun signe de flambage par compression ou d’impact avec d’autres objets. Un examen approfondi des traits de fracture annulaires a révélé plusieurs points d’inflexion aigus (ou ruptures ligamentaires), ce qui indique que 2 traits de fracture de direction opposée et à de niveau légèrement différent sont rejoints (figure 11). Les ruptures situées à 5 pouces au-dessus du bas du pylône semblaient s’être propagées à la fois de l’intérieur et de l’extérieur, et les ruptures situées au bas du pylône, de l’intérieur vers l’extérieur.
Le pylône du rotor de droite, le moyeu et l’engrenage planétaire ont été récupérés. Le pylône était cassé en 2 morceaux et s’était séparé de la transmission principale sous l’effet de la rupture de 16 des 21 boulons des brides de raccord (figure 12). Les 5 boulons qui ne s’étaient pas rompus étaient situés du côté extérieur et retenaient une petite partie de la bride de raccord de la transmission. Les 2 pièces du pylône avaient été séparées l’une de l’autre par une rupture transversale intérieure qui s’est propagée vers l’extérieur; la moitié de la rupture intérieure présentait une lèvre de cisaillement de 45° qui est cohérente avec une rupture par traction dans le sens vertical. De plus, la surface extérieure du pylône présentait un flambage par compression dans le sens vertical. Les caractéristiques combinées des dommages du pylône de droite indiquent que le pylône aurait été plié vers l’extérieur, provoquant la rupture intérieure en traction et le flambage extérieur en compression.
Le tirant de raccordement reliant les 2 pylônes présentait un flambage par compression et s’était rompu sous l’effet de la compression dans son sens longitudinal. Cela indique que le pylône gauche aurait été déplacé vers l’intérieur en direction du pylône de droite avant que celui-ci ne se rompe du côté extérieur.
L’examen des surfaces de rupture des jambes de support disponibles et des restes des supports de raccordement inférieurs indique que les jambes et les supports se sont rompus sous l’effet d’une contrainte excessive. Aucun signe de dommage ou de défaut préexistant n’a été trouvé sur les jambes.
1.12.3.3 Examen des pales de rotor principal et des servo-volets
L’examen a permis de constater que les dommages aux pointes de 3 pales de rotor principal (0517A, 0520A et 0520B) et à 2 servo-volets (des pales 0520A et 0520B) présentaient des caractéristiques similaires entre elles, mais différentes de celles de la 4e pale, 0517B, et de son servo-volet (annexe A). En particulier, les joints de collage de 3 pales de rotor et de 2 servo-volets s’étaient complètement rompus au niveau du bord de fuite et une partie du revêtement du corps arrière avait été arrachée, ce qui est cohérent avec des dommages attribuables aux vibrations aéroélastiques.
Les vibrations aéroélastiques sont un mouvement cyclique incontrôlé de torsion et de flexion d’une pale de rotor, qui se produit lorsqu’un système de rotor vibre à cause d’un déséquilibre. Sous l’effet des forces aérodynamiques, la pale se déplace de haut en bas ou se tord d’avant en arrière. Les vibrations aéroélastiques deviennent problématiques lorsque la conception du système de rotor ne permet pas d’amortir l’énergie des oscillations, lesquelles augmentent alors en amplitude jusqu’à ce que les limites de la conception structurelle du système de rotor soient dépassées et que le système de rotor subisse une défaillance catastrophique. En raison de la torsion violente qui peut se produire, les vibrations aéroélastiques introduisent une contrainte de cisaillement excessive dans le joint de collage du bord de fuite d’une pale de rotor, et, une fois le joint de collage du bord de fuite rompu et ouvert, les revêtements du corps arrière de la pale n’ont plus la rigidité suffisante pour maintenir leur forme contre les forces aérodynamiques et sont arrachés par l’écoulement d’air à grande vitesse.
1.12.3.3.1 Pale de rotor 0517A
Le joint de collage du bord de fuite s’était rompu et s’était ouvert complètement. L’examen de la surface de rupture sur le morceau de revêtement inférieur séparé a révélé 2 modes de défaillance :
- une rupture interlaminaireUne rupture interlaminaire est définie comme une rupture [traduction] « dans le plan stratifié, dans lequel les couches se sont séparées ». (Source : E. Greenhalgh, Failure Analysis and Fractography of Polymer Composites [Woodhead Publishing Limited, 2009], p. 37) entre le revêtement inférieur en fibre de verre et la couche de fibre de carbone au niveau du joint de collage du bord de fuite;
- une rupture intralaminaireUne rupture intralaminaire désigne une rupture [traduction] « à travers l’épaisseur dans laquelle seule la matrice ou les interfaces entre les fibres et la matrice ont été rompues ». (Source : Ibid.),Un composite à base de polymères est une microstructure collée qui comporte une matrice, fonctionnant comme un adhésif, qui lie toutes les fibres ensemble selon un motif défini. à l’intérieur de la bande de bord de fuite en composite de carbone.
L’examen au microscope électronique à balayage (MEB) de la surface de la rupture intralaminaire sur la bande du bord de fuite a révélé la présence de cavités (cusps), une caractéristique d’une rupture matricielle qui indique que le mode de défaillance en cause était le cisaillementE. Greenhalgh, Failure Analysis and Fractography of Polymer Composites (Woodhead Publishing, 2009), Chapter 4: Delamination-dominated failure in the polymer composite, p. 186 à 188.. Les cavités semblent roulées ou détériorées, ce qui indique que la rupture s’est produite de manière progressive sous l’effet d’une charge cyclique plutôt que sous l’effet d’une surcharge instantanée.
Le servo-volet de la pale de rotor 0517A n'a pas été récupéré.
1.12.3.3.2 Pale de rotor 0517B
La partie extérieure de la pale de rotor 0517B a été récupérée et s’était séparée de son emplanture à la STA 51. Le longeron en bois laminé s’était rompu sur une certaine longueur entre la STA 51 et la STA 93. La rupture comprenait également un délaminage du longeron, de sorte que l’extrémité rompue du longeron en bois avait la forme d’un cure-dent. Cette forme est cohérente avec une rupture par flexion vers l’avant alors qu’une force centrifuge importante s’exerce sur la pale. Le longeron s’est rompu à un 2e endroit, à la STA 134, montrant des signes de délaminage limité.
La protection en acier du bord d’attaque extérieur ne présentait aucun signe d’impact ou de déformation, et une partie importante du corps de la pale à la pointe était manquante. L’âme en nid d’abeilles restante avait été arrachée et comprimée dans le sens longitudinal vers l’intérieur. Le bord de fuite de la pointe extérieure de la pale s’était détaché de la pale à la STA 234, mais le joint de collage du bord de fuite était resté intact (figure 14).
Le servo-volet de la pale de rotor 0517B était le seul dont le corps arrière s’était détaché complètement du longeron en D. Le corps arrière du servo-volet n'a pas été récupéré. L’examen visuel des revêtements supérieurs et inférieurs restants du servo-volet (composés des couches extérieures et intérieures et de la couche du profilé en C avant) a révélé que les ruptures et les défaillances dans le sens de l’envergure présentaient des caractéristiques différentes.
- La zone I mesurait jusqu’à 3 ¾ pouces.
- La zone II allait de 3 ¾ à 16 ½ pouces.
- La zone III allait de 16 ½ `jusqu’à la pleine largeur de 35 pouces dans le sens de l’envergure, jusqu’à l’extrémité extérieure.
Dans la zone I, la couche extérieure s’était rompue à environ 1/8 de pouce à l’arrière du longeron, tandis que les couches intérieures et les couche des profilés en C du revêtement supérieur s’étaient rompues à l’endroit même où elles rejoignent le longeron. Il n’y avait aucun signe que la couche du profilé en C avant s’était détachée de la surface arrière du longeron. Dans la zone II, la rupture des couches extérieure et intérieure du revêtement supérieur s’était produite à la surface arrière du longeron, et la couche du profilé en C avant s’était partiellement détachée de la surface arrière du longeron. Dans la zone III, la rupture du revêtement supérieur s’était produite à environ 1 pouce à l’arrière du longeron, avec des ruptures secondaires dans des sens opposés.
Le revêtement inférieur s’était détaché de la surface inférieure du longeron, à l’exception d’une section de 6 ¾ pouces à l’extrémité intérieure (figure 16). Le décollement était progressif, puisqu’il se propageait vers l’extérieur. De plus, la couche du profilé en C avant était restée collée au côté arrière du longeron et s’était rompue dans son coin inférieur, là où elle fait la transition entre la couche intérieure du revêtement inférieur et le côté arrière du longeron.
- un amas de poudre fine compactée et des extrémités de fibres arrondies dans la couche extérieure;
- des extrémités de fibres rompues usées et à peine visibles dans la couche du profilé en C avant;
- des cavités matricielles en rouleaux, qui sont associés à la rupture par fatigue des composites à base de polymèresIbid., chapitre 5 : Fatigue failures of polymer composites, p. 248 et 264..
L’examen au MEB du revêtement inférieur à l’extrémité intérieure du volet a révélé que le faisceau de fibres de la couche extérieure n’affleurait pas le reste des faisceaux de fibres. Le faisceau était également recouvert d’un dépôt de corps étranger contenant des éléments généralement associés à une contamination environnementale, ce qui indique que les dommages étaient préexistants.
L’examen visuel de la surface convexe du raccord de pivot du volet a montré que le canevas n’était pas présent sur 90 % de la zone de collage sur cette surface et qu’il était en grande partie exempt d’adhésif, ce qui indique qu’il a été déplacé avant l’application de l’adhésif. De plus, plus de 50 % de la surface de collage était dépourvue d’adhésif et ne présentait aucun signe de rupture. L’examen au microscope optique des zones de collage a révélé qu’en plus de la rupture du joint de collage, la cloison d’extrémité intérieure présentait des ruptures intralaminaires du composite à base de fibres de carbone, comme l’indiquent les restes de fibres de la cloison d’extrémité sur la corne d’équilibrage du volet (figure 17).
1.12.3.3.3 Pale de rotor 0520A
L’emplanture de la pale 0520A était restée attachée à la poignée de la pale du rotor principal, et la pale s’était séparée à la STA 57. Aucune trace d’impact n’a été relevée sur la poignée, l’emplanture ou la protection du bord d’attaque de la pale (figure 18).
La pointe de la pale a perdu la majeure partie du bord de fuite et une bonne partie des revêtements supérieurs et inférieurs. Les dommages étaient les plus importants à la pointe et diminuaient progressivement vers l’intérieur. L’examen du revêtement inférieur du bord de fuite restant de la pointe a montré que le joint de collage entre le revêtement inférieur et le revêtement supérieur s’était rompu.
Le servo-volet de la pale 0520A présentait des dommages similaires à ceux de la pale de rotor, les revêtements étant arrachés à la pointe extérieure et les dommages diminuant vers l’intérieur. De plus, ce qui restait du bord de fuite montrait également que les joints de collage s’étaient rompus entre le revêtement inférieur et le revêtement supérieur.
La cloison d’extrémité intérieure du volet présentait une fissure dans le joint de collage entre la cloison d’extrémité et le volet. Le joint de collage a été inspecté au moyen de la tomographie assistée par ordinateur, qui a révélé un espace entre la surface concave de la cloison d’extrémité et la surface convexe du raccord de pivot du servo-volet. La tomographie a également permis de voir qu’une grande partie des 2 languettes de la cloison d’extrémité ne touchait pas les surfaces de contact intérieures respectives des revêtements des servo-volets, ce qui a réduit la zone de collage par rapport à la surface disponible.
Avec le temps, les fissures peuvent conduire à des ruptures du revêtement en raison d’un délaminage potentiel causé par les propriétés physiques et mécaniques des composites laminésIl existe généralement une concentration indésirable de contraintes élevées au bord libre des structures composites laminées, phénomène souvent appelé l’effet de bord libre, en raison de la nature anisotrope des propriétés physiques et mécaniques des composites laminés, ce qui tend à provoquer un délaminage et d’autres dommages à la structure. (Sources : Mittelstedt, C. et coll., « Free-Edge Effects in Composite Laminates—A Review of Recent Developments 2005–2020 », Applied Mechanics Reviews, Transactions of ASME, vol. 74 [18 janvier 2022], et Herakovich, C. T. et coll., « Free strain concentration in real composite laminates: Experimental-Theoretical correlations », Interim report 46–NASA-Virginia Tech Composite Program [aux termes de la Cooperative Agreement NCC1-15 de la NASA] [juillet 1984])., par les vibrations et par la dégradation des matériaux due à l’exposition aux éléments de l’environnement.
1.12.3.3.4 Pale de rotor 0520B
Comme pour le longeron de la pale 0517B, l’extrémité rompue du longeron de la pale 0520B avait la forme d’un cure-dent (STA 32). Un morceau de bois du longeron stratifié s’était détaché et révélait une zone brun foncé sur la surface de rupture, ce qui indiquait que l’adhésif avait cédé dans le boisOn présume que l’adhésif utilisé pour le collage du bois du longeron en bois laminé est de couleur brune.. Immédiatement à l’extérieur de la séparation, une bosselure semi-circulaire a été trouvée sur la surface inférieure, juste en dessous du bord d’attaque. Le diamètre de la bosselure est cohérent avec la section circulaire d’un galet de renvoi de pale de rotor,Le galet de renvoi de la pale de rotor principal fait partie du système de commande du servo-volet.qui se trouve sur le dessus de toutes les poignées de pale.
L’emplanture de la pale 0520B était restée reliée à la poignée du rotor principal. La surface inférieure de la pale présentait, entre la STA 30 et la STA 41, une série de marques d’impact à motifs allant du bord d’attaque au bord de fuite ainsi que de l’extérieur vers l’intérieur. Les espaces entre ces marques d’impact correspondaient aux espaces entre les têtes de boulons sur chaque poignée de pale de rotor. La plupart des extrémités des boulons de la poignée de la pale avaient également été cisaillées (figure 19).
Immédiatement à l’extérieur du servo-volet, le revêtement supérieur présentait une rupture partielle en forme de V qui partait du bord de fuite. Cela indique que la pointe de la pale s’est pliée vers l’avant par rapport à la partie intérieure. Plus à l’extérieur, le bord d’attaque s’était complètement rompu et présentait une déformation en compression et en torsion au niveau du trait de fracture. Les revêtements supérieurs et inférieurs avaient été partiellement arrachés de la pointe de la pale, et les joints de collage s’étaient complètement rompus au niveau du bord de fuite.
Le servo-volet de la pale 0520B présentait des dommages similaires à celui de la pale 0520A. Les revêtements à l’extrémité extérieure étaient arrachés et, sur la partie restante de la surface rompue du servo-volet, il y avait une rupture du joint de collage sur le bord de fuite entre le revêtement inférieur et le revêtement supérieur. Cependant, l’examen visuel du servo-volet de la pale 0520B a révélé une fissure continue dans les joints de collage entre la cloison d’extrémité intérieure du volet et le revêtement inférieur. Il a été déterminé que la fissure mesurait 13 pouces de long, dont 5 pouces traversaient toutes les couches du revêtement inférieur et les 8 pouces restants ne traversaient que la couche extérieure du revêtement inférieur (figure 20).
À l’instar du servo-volet de la pale 0520A, une tomographie assistée par ordinateur a été effectuée sur le joint de collage de la cloison d’extrémité intérieure du volet de la pale 0520B. L’analyse a révélé un espace similaire entre les 2 languettes de la cloison d’extrémité et les surfaces de contact intérieures respectives des revêtements (figure 21).
Le volet a ensuite été coupé le long de la corde du servo-volet, à 2 pouces de l’extrémité intérieure, pour examiner l’intégrité du joint de collage avec le servo-volet. Les enquêteurs ont découvert que le joint de collage entre la surface concave de la cloison d’extrémité et la surface convexe du raccord de pivot s’était complètement rompu. De plus, le canevas s’était déplacé à l’extérieur de la zone de collage, et il y avait des signes de ruptures intralaminaires du composite à base de fibres de carbone, similaires à celles relevées sur le volet 0517B.
1.12.3.4 Examen des supports des servo-volets et des biellettes de commande
Les pales de rotor principal 0517B, 0520A et 0520B présentaient des dommages causés par l’impact du servo-volet sur les supports intérieurs des volets, mais aucun dommage sur les supports extérieurs. Dans tous les cas, les multiples bosselures d’impact sur les supports correspondaient à la fois à l’emplacement et aux dommages de la tête des boulons de fixation des biellettes de commande.
Les biellettes de commande des servo-volets des pales 0517B et 0520B étaient pliées le long du centre longitudinal de la biellette, ce qui est cohérent avec un flambage par compression. La biellette de commande du volet de la pale 0520A n’était pas pliée.
Les enquêteurs ont effectué un essai sur la pale 0520A du rotor principal pour déterminer à quel angle d’inclinaison la tête du boulon de fixation de la biellette de commande entrerait en contact avec le support intérieur du servo-volet. Le volet étant fixé à la pale du rotor principal, la tête du boulon de la biellette de commande entrait en contact avec le support lorsque le bord de fuite du servo-volet était abaissé d’environ 30° par rapport à la corde de la pale du rotor principal. Le servo-volet est conçu pour fonctionner normalement avec le bord de fuite relevé.
1.12.4 Examen du panneau des voyants de signalisation et du tableau principal des voyants d’avertissement
Le panneau des voyants de signalisation et le tableau principal des voyants d’avertissement ont été récupérés et examinés au laboratoire du BST. Le panneau des voyants de signalisation contenait 24 voyants étiquetés, chacun muni de 2 ampoules internes, et le tableau principal des voyants d’avertissement contenait 3 interrupteurs étiquetés, chacun muni de 4 ampoules internes. Les dommages d’envergure aux filaments qui ont été relevés étaient cohérents avec un impact unique à haute énergie de l’hélicoptère avec la surface de l’eau.
Les 7 voyants d’avertissement suivants étaient probablement allumés au moment de l’impact :
- XMSN PRESS (pression d’huile de la transmission principale)
- XMSN LOW (niveau d’huile de la transmission principale)
- ENG PRESS (pression d'huile de moteur)
- ENG LOW (niveau d'huile moteur)
- GENERATOR
- MASTER CAUTION (indique que d’autres voyants d’avertissement sont allumés)
- ROTOR (régime du rotor principal faible)
Les circuits d’huile de la transmission principale et du moteur possèdent chacun un réservoir d’huile non pressurisé qui est situé au-dessus du poste de pilotage et qui dépend de la gravité pour maintenir une alimentation constante en huile vers la pompe de pression d’huile. Bien que les données indiquent que les voyants d’avertissement de niveau d’huile et de pression d’huile étaient probablement allumés à l’impact pour les deux circuits, l’enquête n’a pas permis de déterminer l’effet que les dommages à la transmission principale, le piqué prononcé et l’assiette légèrement inversée ont eu sur les circuits d’huile et les indications afférentes.
1.13 Renseignements médicaux et pathologiques
1.14 Incendie
Il n’y avait aucun signe d’incendie soit avant ou après l’événement.
1.15 Questions relatives à la survie des occupants
Au moment de l’événement, le pilote portait un casque de vol et le harnais de sécurité à 5 points comprenant une ceinture sous-abdominale, une ceinture-baudrier et une sangle d’arrimage. Le pilote ne portait pas de vêtement de flottaison individuel, et la réglementation en vigueur ne l’exigeait pas.
L'accident n'offrait aucune chance de survie en raison des forces d’impact.
1.15.1 Radiobalise de repérage d’urgence
L’hélicoptère était équipé d’une ELT Kannad AF-H Integra de 406 MHz. Aucun signal n’a été reçu, mais l’enquête n’a pas permis de déterminer si cela était attribuable à une défaillance de l’ELT ou à son immersion dans l’eau.
Une ELT à largage automatique peut être installée sur les aéronefs qui survolent des plans d’eau. En cas d’accident, elle se détache de l’aéronef et reste à la surface de l’eau pour transmettre les coordonnées GPS et les signaux 121,5/406 MHz aux services d’urgence. Aucun appareil de ce type n'était installé sur l’hélicoptère à l’étude, et la réglementation ne l’exigeait pas.
1.16 Essais et recherche
1.16.1 Essai d’une pale de rotor principal et d’un servo-volet
Le 8 juin 2022, le fabricant de l’aéronef a effectué un essai d’équilibrage dynamique de rotorUn essai d’équilibrage dynamique de rotor consiste à monter les pales de rotor principal sur un banc d’équilibrage dynamique de rotor, qui permet de faire tourner les pales de rotor et de mesurer les forces aérodynamiques à des vitesses de rotation et avec des commandes sélectionnées. sur un ensemble de pales de rotor principal dans ses installations afin de [traduction] « démontrer la stabilité aéromécanique du [servo-]volet dans un état dégradé »Kaman Air Vehicles, Memo D490/SG-3489, K-MAX Servo-Flap Whirl Test with Inboard Closeout Removed (29 juin 2022).. Pour l’essai, 1 cloison d’extrémité intérieure de servo-volet a été enlevée sur 1 des 2 pales (figure 22). Aucun dommage n’a été provoqué au servo-volet pour simuler une fissure dans le cadre de cet essai.
L’essai d’équilibrage dynamique de rotor a été effectué à la vitesse de rotation du rotor principal de 270 tr/minFederal Aviation Administration, Kaman K-1200 Type Certificate Data Sheet (TCDS) No. TR7BO, révision 6 (23 mars 2020), p. 1. lorsque le moteur est en marche, avec des changements progressifs du pas collectif du servo-volet jusqu’à un réglage maximal du pas collectif de 61 % – aucune commande cyclique n’a été induite pour protéger le banc d’essai. Les données d’essai ont permis de comparer la charge vibratoireLa charge vibratoire est la charge aérodynamique résultante qui est appliquée au servo-volet lorsque l’écoulement de l’air est modifié sur le volet en raison des vibrations induites. sur le servo-volet entre la configuration de l’essai d’équilibrage dynamique de rotor avec la fermeture intérieure manquante et l’essai en vol de certification par la FAA du K-MAX avec des ensembles de pales de rotor intacts en vol stationnaire hors de l’effet de sol avec une charge externe (tableau 4).
En raison des limitations de l’équipement, les servo-volets et les pales de rotor principal dans l’essai d’équilibrage dynamique n’ont pas été soumis à toutes les charges de vol autorisées pendant le fonctionnement normal de l’hélicoptère, par rapport à l’essai en vol aux fins de certification. En outre, bien que l’essai ait démontré que le servo-volet ne s’est pas rompu immédiatement en l’absence de la cloison d’extrémité intérieure, les effets de fatigue à long terme pouvant découler de la rupture des joints de collage de la cloison d’extrémité intérieure n’ont pas été étudiés.
1.16.2 Simulation dynamique
Le laboratoire du BST a construit un modèle de simulation dynamique généré par ordinateurLe logiciel Autodesk Inventor Professional (version 2022) a été utilisé pour la simulation. pour vérifier ce qui suit :
- l’ampleur de la charge déséquilibrée imposée au système de rotor et de la déviation de trajectoire entre les 2 pales de rotor en cas de défaillance de l’un des servo-volets;
- l’état du système de rotor principal qui a permis aux boulons d’une poignée de pale du rotor de gauche de heurter la pale 0520B du rotor de droite entre la STA 30 et la STA 41.
1.16.2.1 Charges déséquilibrées et déviation de la trajectoire des pales de rotor
La simulation dynamique a modélisé 1 paire de pales de rotor principal de l’aéronef reliées à un arbre de rotor commun par une goupille de basculement. La fonction d’amortissement du battement en traînée des amortisseurs mécaniques de friction et des goupilles verticale du rotor principal de l’aéronef n’était pas incluse dans la simulation afin de simplifier le modèle.
Le poids approximatif d’un hélicoptère partiellement avitaillé muni d’une longue élingue et d’une pince de débardage vide a été utilisé pour calculer la portance produite par les pales de rotor principal. La vitesse de rotation du rotor principal a été réglée au régime normal de l’hélicoptère, soit 270 tr/min, et la portance a été appliquée à 40 pouces des pointes des pales du rotor. La simulation s’est ensuite appuyée sur le principe que la masse de l’hélicoptère resterait constante et que les pales du rotor produiraient une portance négligeable en cas de défaillance des servo-volets.
La simulation a commencé avec un système de rotor principal et des servo-volets fonctionnant normalement. Une force de portance équivalente à l’accélération verticale de 2 gLa simulation a utilisé une force de portance équivalente à un facteur de charge de 2 g sur l’hélicoptère pour comprendre le changement de charge qui s’opère dans le plan horizontal (charge latérale) sur l’arbre du rotor lorsque la force de portance est augmentée.,Le g est une unité de mesure de la force générée par l’accélération verticale en raison de la gravité. Une accélération de 1 g est égale à 9,8 m/s². de l’hélicoptère a été appliquée de manière égale à chaque pale pour établir la trajectoire de référence des pales de rotor et la charge sur l’arbre du rotor. La simulation a été lancée une 2e fois et a simulé une défaillance d’un servo-volet en réduisant à 0 la portance sur 1 pale du rotor.
La simulation a démontré que, dans le cas d’une défaillance d’un servo-volet, les 2 pales s’écartent considérablement de leur trajectoire et provoquent une importante charge latérale cyclique et déséquilibrée sur l’arbre du rotor. La charge latérale déséquilibrée oscille ensuite dans une configuration circulaire lorsque les pales du rotor tournent autour de l’arbre du rotor, ce qui transmet la charge latérale accrue sur le pylône et les structures de support (Tableau 5). Selon le fabricant, il n’y a ni eu d’essai ni de modélisation analytique de la réponse structurelle dynamique du pylône et de ses jambes de support à la charge latérale, car cela n’était pas exigé par la certification de l’aéronef.
L’ampleur de l’écart de trajectoire des pales de rotor et de la charge latérale déséquilibrée sur l’arbre du rotor dépend fortement de la portance qu’on demande aux pales de rotor de produire au moment de la défaillance des volets. L’hélicoptère à l’étude se trouvait à la phase de montée initiale en vue de retourner au bloc de coupe, et les pales du rotor produisaient une force de portance accrue pour imprimer à l’hélicoptère une accélération verticale supérieure à 1 g lorsque le servo-volet s’est rompu. Cependant, en raison du manque de données de vol, l’enquête n’a permis de simuler ni la force de portance précise, ni la déviation de trajectoire des pales de rotor et la charge latérale déséquilibrée appliquée au système de rotor qui en ont résulté.
1.16.2.2 Heurt des pales du rotor
La simulation dynamique visant à examiner le contact des pales de rotor qui a été relevé sur l’emplanture de la pale 0520B (voir la figure 19 de la section 1.12.3.3.4, Pale de rotor 0520B) a été construite de la même façon que l’hélicoptère à l’étude : les 2 arbres de rotor ont été décalés de 12,5° par rapport à l’axe vertical et espacés de 48 pouces au sommet des arbres, avec des pales de rotor de la bonne longueur utilisant la bonne corde. Les rotor droit et gauche ont été réglés pour être perpendiculaires l’un à l’autre afin de tenir compte du différentiel de phase pendant la rotation des pales du rotor. La vitesse de rotation a été à nouveau fixée à 270 tr/min.
La simulation a montré qu’il existe 2 cas dans lesquels les boulons d’une pale du rotor de gauche peuvent entrer en contact avec le dessous d’une pale du rotor de droite en raison d’une réduction de l’espace vertical entre les deux. Dans les deux cas, les points d’impact sur la pale du rotor droit se situaient entre la STA 55 et la STA 75, soit environ 25 pouces à l’extérieur de la zone d’impact trouvée sur la pale 0520B du rotor de droite de l’aéronef à l’étude.
De plus, la simulation a démontré que, d’après le sens de rotation des pales du rotor, la direction des marques sur la pale 0520B du rotor de droite était cohérente avec un contact avec la pale 0517B du rotor de gauche. Cependant, la simulation n’a pas permis de déterminer l’effet que les pylônes déplacés avaient eus sur la direction de l’impact.
1.16.3 Rapports de laboratoire du BST
Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :
- LP128/2021 – Surveillance Data Analysis [analyse des données de surveillance]
- LP148/2021 – NVM [non-volatile memory] Data Recovery [Récupération des données de la mémoire non volatile]
- LP154/2021 – Annunciator Analysis [Analyse des voyants annonciateurs]
- LP021/2022 – Main Rotor Transmission Examination [Examen de la transmission du rotor principal]
- LP049/2022 – Failure of Main Rotor Blades and Servo Flaps in K-MAX-Helicopter [Défaillance des pales du rotor principal et des servo-volets dans l’hélicoptère K-MAX]
1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion
Black Tusk est une compagnie privée établie à Squamish (Colombie-Britannique) qui détient un certificat d’exploitation aérienne pour les opérations régies par les sous-parties 702 (Opérations de travail aérien) et 703 (Exploitation d’un taxi aérien) du Règlement de l’aviation canadien. La compagnie se spécialise dans les opérations de transport lourd, y compris le débardage aérien, la construction de précision et la lutte aérienne contre les incendies. La compagnie fournit également des services de taxi aérien pour la région locale.
La compagnie est également un organisme de maintenance agréé par TC avec les capacités suivantes :
- travaux non spécialisés sur tous les types d'aéronefs de la flotte;
- réparation et modification des tôles sur tous les types d’aéronefs de la flotte;
- révision de composants pour les hélicoptères des séries Bell 206A/B et 214B;
- maintenance spécialisée du moteur Honeywell T5508D.
1.18 Renseignements supplémentaires
1.18.1 Enquêtes du National Transportation Safety Board
Le 16 juin 2010, un hélicoptère Kaman K-1200 (immatriculation N134WC) s’est écrasé à environ 5 miles à l’ouest de Donnelly (Idaho, États-Unis). L’hélicoptère effectuait des opérations de débardage aérien et soulevait activement une grosse grume lorsque 2 témoins oculaires ont vu ce qui semblait être une section extérieure de 1 pale de rotor se séparer, ce qui a été suivi d’une forte détonation. La maîtrise de l’hélicoptère a été perdue et l’hélicoptère est entré en collision avec le relief. Le pilote a été mortellement blessé.
Le rapport final sur l’accident d’aviation produit par le NTSBNational Transportation Safety Board (NTSB), Aviation Accident Final Report WPR10FA295 (8 mars 2012). a déterminé que la cause probable de l’accident était la collision de 2 pales de rotor principal contrarotatives, survenue pour des raisons indéterminées, ce qui a entraîné une perte de maîtrise.
Le 24 août 2020, un hélicoptère Kaman K-1200 (immatriculation N314) s’est écrasé près de Pine Grove (Oregon, États-Unis) L’hélicoptère effectuait des opérations avec réservoir héliporté lorsque la communication avec le pilote a été perdue. Le GPS de bord a indiqué que l’hélicoptère ralentissait et descendait en approche du lieu de l’immersion sur la rivière White avant l’événement. Un 2e hélicoptère a localisé l’épave et a trouvé le fuselage reposant sur le côté droit avec la longue élingue toujours fixée au crochet de charge. Les pales du rotor principal de gauche s’étaient séparées au niveau de leur emplanture. De grandes sections ont été retrouvées à environ 500 et 560 pieds de l’épave principale, tandis que des parties des pales du rotor principal de droite sont restées attachées au moyeu du rotor et sont restées à moins de 81 pieds de l’épave principale. Le pilote a été mortellement blessé.
Le rapport final sur l’accident d’aviation produit par le NTSBNational Transportation Safety Board (NTSB), Aviation Accident Final Report WPR20LA283 (26 avril 2023). a déterminé que la cause probable de l’accident était la défaillance en vol du servo-volet d’une pale du rotor de gauche, qui aurait entraîné la collision des 2 rotors engrenants et la dislocation en vol qui s’en est suivie.
1.18.2 Autres événements
L’avionneur a reçu des rapports faisant état de 3 incidents de servo-volets en vol qui avaient conduit à des atterrissages réussis. Ces incidents ont été consignés dans les rapports intitulés K-1200 Routine Field Service Reports.
En avril 2004,Kaman K-1200 Routine Field Service Report, 3 avril 2004. un hélicoptère Kaman K-1200 effectuait des opérations d’exploitation forestière et, alors qu’il se trouvait à proximité de l’enclos, le pilote a ressenti une forte vibration accompagnée d’un bruit de détonation. Le pilote a réussi à poser l’hélicoptère et, après inspection, il a été déterminé que le boulon arrière du support extérieur du servo-volet s’était rompu.
En avril 2009,Kaman K-1200 Routine Field Service Report, 6 avril 2009. un hélicoptère Kaman K-1200 était en vol stationnaire et se préparait à effectuer un levage externe pendant des opérations sismiques lorsque l’hélicoptère a subi de fortes vibrations verticales accompagnées d’un bruit de détonation. L’hélicoptère est devenu difficile à maîtriser et s’est mis à tourner sur la gauche. Le pilote a largué la longue élingue et a pu poser l’aéronef avec succès, sans endommager la cellule. Après l’arrêt de l’appareil, on a constaté qu’un servo-volet du rotor gauche était manquant et s’était séparé des supports du servo-volet.
En août 2014,Kaman K-1200 Routine Field Service Report, 11 août 2014. un hélicoptère Kaman K-1200 était en vol stationnaire avec une charge d’eau de 5000 livres au-dessus d’un incendie lorsque l’ensemble des pales du rotor de gauche s’est mis à se déplacer de façon irrégulière, ce qui a provoqué des vibrations importantes et réduit les caractéristiques de maniabilité. Le pilote a largué l’eau et s’est dirigé lentement vers un site d’atterrissage en effectuant de petits ajustements des commandes de vol, des réglages de puissance et du régime du rotor. L’hélicoptère s’est posé avec succès et, comme lors de l’incident de 2004, l’inspection après vol a révélé que le boulon arrière du support extérieur du servo-volet s’était rompu, de sorte que le servo-volet n’était plus relié qu’au support intérieur.
À la suite de l’événement de 2014, l’avionneur a publié un bulletin de service obligatoireKaman, Aerospace Corporation, Service Bulletin No. 114, One Time Torque Check of Inboard and Outboard Flap Brackets (16 avril 2014). qui exigeait une vérification ponctuelle du couple des ferrures de fixation des supports de servo-volets intérieurs et extérieurs.
Dans les 3 événements, on ne sait pas très bien quel rôle ou quel effet les sollicitations du pilote ont eu sur la préservation de l’intégrité du système de rotor principal pour permettre un atterrissage réussi. Le manuel de vol du giravion ne contient aucune procédure d’urgence indiquant aux pilotes comment réagir à une défaillance des servo-volets en vol.
Aucun de ces 3 événements n’a fait l’objet d’une enquête par le NTSB.
1.19 Techniques d’enquête utiles ou efficaces
Au cours de l’enquête sur l’événement survenu en octobre 2021 au Canada, les enquêteurs du BST ont appris que le NTSB enquêtait simultanément sur l’accident survenu le 24 août 2020 à Pine Grove. Par conséquent, les équipes d’ingénierie des deux organismes, de concert avec l’équipe d’ingénierie de l’avionneur, ont pu discuter et comparer les constatations de l’examen de chaque épave, noter les cohérences dans le comportement structural du servo-volet, et mieux comprendre la séquence de la désintégration du système de rotor principal.
2.0 Analyse
Dans l’événement à l’étude, il n’y avait ni témoin oculaire ni donnée de vol enregistrée à bord, et l’enquête n’a pas permis de trouver et de récupérer tout l’hélicoptère. Par conséquent, l’analyse technique menée pendant l’enquête s’est appuyée sur un travail à reculons à partir de la distribution des débris, du contact et des interactions des pales de rotor principal, et des dommages subis par l’aéronef.
2.1 Désintégration en vol et distribution des débris
Le fuselage et la pince de débardage ont été trouvés suspendus au-dessus du fond de l’océan par le câble transversal sous-marin de l’enclos. En raison du mou inhérent dans le câble et des courants marins, il est probable que l’hélicoptère se soit déplacé sous l’eau d’un point plus rapproché de la ligne de rivage vers l’endroit où il a été découvert 8 jours plus tard.
Les dommages par déformation et compression du fuselage avant de l’hélicoptère indiquent que l’hélicoptère a heurté la surface de l’eau dans une position proche du piqué, faisant en sorte que les forces d’impact se sont exercées vers l’arrière. Cependant, les dommages relevés sur les pylônes étaient cohérents avec un déplacement et une flexion des mâts dans le sens latéral. Par conséquent, les ruptures et les séparations des pylônes étaient indépendantes de l’impact avec l’eau. De plus, les composants du système de rotor principal et de la transmission ont été trouvés regroupés dans l’enclos, à environ 100 à 200 pieds du point d’impact probable déterminé par une partie du cadre de la fenêtre du pare-brise avant. Compte tenu de ces facteurs et de la trajectoire de l’hélicoptère après sa dernière position connue, la défaillance catastrophique du système de rotor principal a été instantanée et s’est produite avant que le fuselage ne pénètre dans l’eau.
Les débris des pales de rotor principal ont été trouvés éparpillés à une distance considérable de la dernière position en vol connue de l’hélicoptère et du point d’impact probable. Une grande section de la pale de rotor principal 0517B et la pointe de la pale de rotor principal 0517A ont été trouvées dans des positions fixes, en des sens presque opposés et à 750 pieds l’une de l’autre, tandis que plusieurs fragments de pale de rotor ont été trouvés flottant à l’extérieur de l’enclos. Compte tenu de l’attitude en piqué de l’hélicoptère au moment de l’impact, il a été déterminé que la répartition radiale des pales de rotor n’était possible que si l’aéronef avait eu une trajectoire de vol relativement horizontale au-dessus de la surface de l’eau au moment de l’événement.
Le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis (É.-U.) a constaté une configuration similaire de la distribution des débris au sol lors de l’enquête sur 2 accidents impliquant des hélicoptères Kaman K-1200. Dans les deux cas, le NTSB a conclu que les hélicoptères avaient subi des défaillances du système de rotor principal pendant le vol.
2.2 Défaillance des pylônes
Les servo-volets de pale de rotor principal sont inclinés par les commandes du pilote et produisent une force aérodynamique qui confère un couple de rotation (torsion) à la pale de rotor et crée l’angle d’attaque requis pour la portance. En cas de défaillance d’un volet, la pale touchée produira une portance considérablement réduite.
Le laboratoire du BST a effectué une simulation dynamique qui a démontré que la défaillance de 1 servo-volet sur 1 des 2 pales de rotor entraînera perturbera la trajectoire des 2 pales et engendrera une charge latérale cyclique et déséquilibrée sur l’arbre du rotor et les structures de pylône. Dans l’événement à l’étude, le servo-volet s’est rompu lorsqu’une force de portance accrue a été exercée sur les pales de rotor pendant la phase de montée initiale du vol. La simulation dynamique a permis de confirmer que l’augmentation de la force de portance exercée sur les pales au moment de la défaillance du servo-volet aurait perturbé davantage la trajectoire des pales et aurait engendré une plus forte charge latérale déséquilibrée sur le pylône et les structures de support.
Sur l’aéronef à l’étude, la configuration de défaillance du pylône de gauche était représentative d’une charge dynamique dont la direction changeait rapidement en raison de la rotation continue du rotor principal. Cette charge oscillante et déséquilibrée a provoqué des fractures à de multiples endroits et en des sens opposés sur le pylône. Les principaux traits de fracture sont apparus des côtés intérieur et extérieur du pylône, probablement parce que la rigidité du pylône dans le sens latéral de l’hélicoptère était relativement plus faible que vers l’avant et vers l’arrière, où les jambes étaient montées. Les fractures se sont ensuite propagées dans le sens latéral au cours des cycles de charge, ce qui exclut la possibilité que la défaillance d’une jambe de support ait été à l’origine de l’accident.
Après la défaillance du pylône de gauche et des jambes de support, le pylône de gauche a été déplacé vers l’intérieur vers le pylône droit, ce qui a provoqué le flambage longitudinal en compression du tirant de raccordement, la fracture intérieure en traction du pylône de droite et le flambage extérieur en compression du revêtement du pylône de droite lorsqu’il s’est plié vers l’extérieur. La fracture transversale intérieure du pylône droit s’est propagée vers l’extérieur, et le pylône s’est alors séparé de la transmission principale.
2.3 Pales de rotor principal
Des vibrations aéroélastiques ont été introduites dans le système de rotor principal lorsque le corps arrière du servo-volet de la pale de rotor 0517B s’est détaché du longeron en forme de D, ce qui a entraîné une réduction importante de la portance de la pale de rotor, alors que la pale 0517A jumelée continuait à produire de la portance. Les pales de rotor ne tournaient plus sur la même trajectoire, ce qui a causé un déséquilibre du rotor et des vibrations dans le pylône de gauche. La vibration a ensuite été transmise au pylône de droite via la liaison par le tirant de raccordement et a provoqué des vibrations aéroélastiques dans le rotor droit (voir l’annexe B pour une représentation simplifiée du déroulement de la désintégration en vol).
Les extrémités de 3 des 4 pales de rotor principal ont subi des vibrations aéroélastiques qui ont provoqué la rupture complète des joints de collage du bord de fuite et l’arrachement de certaines parties des revêtements de pale du corps arrière. Dans le cas de la pale de rotor 0517A, le fragment de revêtement inférieur a été trouvé dans l’eau et loin de la trajectoire de la pointe de la pale, qui a été trouvée sur le flanc de la montagne. Il est donc probable que le fragment de revêtement inférieur se soit détaché de l’extrémité de la pale à la suite de vibrations aéroélastiques avant la séparation de l’ensemble de la pointe de la pale, et que, par conséquent, les vibrations aéroélastiques des pales de rotor principal se soient produites avant que les pales se détachent de l’hélicoptère. L’examen au microscope électronique à balayage (SEM) de la pointe de la pale 0517A a permis de confirmer que la rupture du joint de collage du bord de fuite était principalement attribuable à une rupture par cisaillement, ce qui est signe de vibrations aéroélastiques.
À l’inverse, le bord de fuite de la pointe de la 4e pale du rotor, 0517B, était intact et n’a pas subi de dommages dus aux vibrations aéroélastiques. Toutefois, le corps de la pointe de la pale s’est rompu sous l’effet de l’impact vertical avec le périmètre de l’enclos, comme l’indique la compression de l’âme en nid d’abeilles dans le sens longitudinal intérieur. Ainsi, pendant les vibrations en vol et le déséquilibre du rotor, la pale 0517B n’a pas été soumise aux charges aérodynamiques de torsion exercées par la position du servo-volet lorsque le volet est devenu inefficace en raison de la séparation du corps arrière du volet. La pale du rotor était neutre sur le plan aérodynamique et produisait beaucoup moins de portance.
Après la fracture de surcharge et le déplacement du pylône de gauche, la pale 0520B du rotor de droite a été heurtée par une pale du rotor de gauche entre les stations de rotor 30 et 41, ce qui a causé des marques d’impact à motifs et un cisaillement des boulons de pale. La simulation dynamique effectuée par le laboratoire du BST a permis de confirmer que l’impact de la poignée d’une pale du rotor de gauche sur la pale 0520B du rotor droit n’a pu se produire à cet endroit qu’après la rupture de 1 pylône et son déplacement vers l’autre pylône. La simulation a également permis de déterminer que le sens des marques d’impact sur la pale du rotor 0520B (allant du bord d’attaque de la pale au bord de fuite et de l’extérieur vers l’intérieur) découlait probablement d’un contact avec la pale 0517B du rotor de gauche. De plus, l’examen des extrémités des ruptures de longeron près des emplantures des pales 0517B et 0520B a révélé une forme en cure-dent similaire, qui était cohérente avec l’action d’une force centrifuge importante sur la pale et avec une rupture par flexion vers l’avant, où les pales se seraient pliées vers l’avant par rapport à leurs emplantures.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
La perte du corps arrière du servo-volet de la pale de rotor principal 0517B a perturbé la trajectoire de la pale, ce qui a provoqué un déséquilibre cyclique et une vibration soudaine du rotor gauche, des vibrations aéroélastiques sur les 3 autres pales de rotor ainsi que la défaillance de la structure du pylône gauche. Cela a conduit à la collision entre une pale du rotor gauche et une pale du rotor droit, entraînant la désintégration en vol du système de rotor.
2.4 Servo-volets
Parmi les 3 servo-volets récupérés, les servo-volets des pales 0520A et 0520B présentaient des ruptures du joint de collage du bord de fuite et des revêtements arrachés à la pointe extérieure, à l’instar des pales de rotor principal qui les accueillaient; par conséquent, ces 2 servo-volets avaient été soumis au même mécanisme de vibrations aéroélastiques. De plus, les supports intérieurs des servo-volets avaient été touchés par les têtes des boulons de fixation des biellettes de commande, ce qui n’aurait été possible que si l’inclinaison des servo-volets avait atteint une grande amplitude d’oscillation au-delà de la plage de braquage et dans le sens inverse. Le flambage par compression de la biellette de commande du servo-volet de la pale 0520B est une preuve supplémentaire que l’inclinaison du servo-volet avait été poussée au-delà de la plage de braquage autorisée.
Le servo-volet de la pale 0517B avait également subi des dommages en raison des vibrations aéroélastiques, comme l’indiquent la déchirure bidirectionnelle des revêtements et le fait que la tête du boulon de la biellette de commande avait touché le support intérieur. Toutefois, ces dommages ne s’étaient produits que dans la zone III de la défaillance, lorsque la longueur de la rupture du revêtement supérieur intérieur a atteint 16 ½ pouces, soit 47 % de la largeur totale du volet, qui est de 35 pouces. Par conséquent, il a été déterminé que les vibrations aéroélastiques du servo-volet de la pale 0517B ne s’étaient produites qu’après que sa structure dans la partie intérieure (zones I et II) eut subi des dommages importants.
2.4.1 Collage des servo-volets
Les servo-volets sont fabriqués en matériaux composites dont l’intégrité structurale critique repose en grande partie sur la force du collage par produit adhésif. Cependant, l’examen des 3 volets récupérés a révélé les lacunes suivantes dans les zones de collage entre la cloison d’extrémité intérieure et le servo-volet :
- Le servo-volet de la pale 0517B présentait des zones dépourvues d’adhésif.
- Les servo-volets des pales 0517B et 0520B présentaient une épaisseur de joint de collage incontrôlée en raison du déplacement du canevas.
- Les surfaces de collage des servo-volets des pales 0520A et 0520B présentaient des zones dépourvues d’adhésif.
Les servo-volets des pales 0520A et 0520B présentaient des fissures visibles dans les joints de collage entre les cloisons de fermeture intérieures et les servo-volets; ces fissures s’étaient probablement développées au cours de l’exploitation. Avec le temps, ces fissures conduiraient probablement à des ruptures du revêtement venant exclusivement de l’extrémité intérieure en raison d’un décollement potentiel causé par les propriétés physiques et mécaniques des composites laminés, par les vibrations attribuables à une cloison d’extrémité partiellement collée, de même que par la dégradation des matériaux attribuable à l’exposition aux intempéries. En particulier, le servo-volet de la pale 0520B présentait une fissuration du joint de collage entre la cloison d’extrémité intérieure et le servo-volet, qui s’était étendue jusque dans le revêtement inférieur. Toutefois, la fissure n’a pas entraîné de défaillance catastrophique du volet, probablement pour les raisons suivantes :
- La taille de la fissure n’a pas atteint le seuil critique nécessaire à une défaillance catastrophique.
- Le servo-volet résiste mieux à une fissure dans le revêtement inférieur que dans le revêtement supérieur parce que la charge aérodynamique nominale sur le servo-volet s’exerce vers le bas, ce qui exerce une tension sur le revêtement supérieur et une compression sur le revêtement inférieur.
Si la qualité du joint de collage entre la cloison d’extrémité intérieure et le corps arrière du servo-volet des pales de rotor principal du Kaman K-1200 n’est pas uniforme, l’intégrité structurale du servo-volet peut être compromise, ce qui peut faire en sorte que le servo-volet ne pourra pas résister aux charges aérodynamiques normales.
Le servo-volet de la pale 0517B été examinée au SEM. La région des ruptures initiales du revêtement supérieur à l’extrémité intérieure présentait un frottement important des surfaces de rupture des couches ainsi que des signes de rupture par fatigue dans la couche du profilé en C avant, ce qui indique que le revêtement était fissuré avant la défaillance catastrophique du système de rotor principal dans l’événement à l’étude. De plus, l’érosion des extrémités des fibres du revêtement inférieur et le dépôt d’un corps étranger indiquent qu’un joint de collage rompu entre la cloison d’extrémité intérieure et le servo-volet a exposé la partie intérieure à l’environnement avant l’événement. Par conséquent, il est probable que la rupture des joints de collage entre la cloison d’extrémité intérieure et le servo-volet a été l’événement déclencheur conduisant à la fissuration des revêtements des servo-volets.
2.5 Enregistreurs de vol
L’aéronef était équipé d’un système de suivi par satellite Guardian Mobility G4 et d’un système de surveillance dépendante automatique en mode diffusion (ADS-B). Les enquêteurs se sont appuyés sur les données ADS-B pour reconstituer la trajectoire de vol, car les intervalles de signalement du système de suivi par satellite étaient trop espacés pour rendre possible une analyse détaillée du vol. Les données ADS-B ont fourni des renseignements importants sur l’événement à l’étude, mais les manœuvres exactes de l’hélicoptère dans les derniers instants n’ont pu être déterminées en raison des limites de conception du système et des conditions d’exploitation qui étaient présentes. De plus, aucun des deux dispositifs n’enregistre de données relatives au fonctionnement de l’hélicoptère ou aux paramètres de bord associés.
- 3 rapports Kaman Routine Field Service faisant état d’une défaillance d’un servo-volet sur une pale de rotor principal, qui s’est soldée par un atterrissage réussi;
- 2 rapports du NTSB sur des événements entraînant une défaillance catastrophique des pales de rotor principal.
Dans 2 des 3 incidents qui se sont soldés par un atterrissage réussi, la défaillance du servo-volet s’est produite alors que l’hélicoptère était en vol stationnaire. L’enquête n’a pas permis de déterminer quelle était la phase de vol lors du 3e incident. Par contre, dans l’événement à l’étude et dans les 2 incidents du NTSB qui ont entraîné une défaillance catastrophique du système de rotor principal, l’hélicoptère se trouvait dans une phase de vol en montée ou en arrêt de descente. Dans les 5 cas, la combinaison de la phase de vol et de la charge sur les pales de rotor de l’hélicoptère a probablement été un facteur déterminant quant à savoir si la défaillance des volets se traduisait par un atterrissage réussi ou par une défaillance du système de rotor principal étant hors du contrôle du pilote. Cependant, ni le seuil de charge des pales de rotor, ni l’effet des commandes du pilote n’ont pu être déterminés en raison du manque de données de vol.
2.6 Émetteur de localisation d’urgence automatique largable
Les communications radio régulières entre les pilotes et les câblistes, la présence des câblistes sur le flanc de la montagne et l’hélicoptère de soutien dans la zone de rassemblement ont aidé l’équipe locale de la compagnie à localiser le lieu de l’événement et à effectuer des recherches immédiates dans la zone. Cependant, sans signal ELT, les services d’urgence ont été avisés par téléphone cellulaire 44 minutes après l’événement; le 1er navire et un hélicoptère Cormorant des Forces armées canadiennes sont arrivés sur place 27 minutes plus tard.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.
- La perte du corps arrière du servo-volet de la pale de rotor principal 0517B a perturbé la trajectoire de la pale, ce qui a provoqué un déséquilibre cyclique et une vibration soudaine du rotor gauche, des vibrations aéroélastiques sur les 3 autres pales de rotor ainsi que la défaillance de la structure du pylône gauche. Cela a conduit à la collision entre une pale du rotor gauche et une pale du rotor droit, entraînant la désintégration en vol du système de rotor.
- La rupture du joint de collage entre la cloison d’extrémité intérieure et le corps arrière du servo-volet de la pale de rotor principal 0517B a probablement fait naître une fissure de fatigue dans le revêtement du servo-volet, entre le longeron en forme de D et le corps arrière, qui s’est étendue jusqu’à ce que le corps arrière du servo-volet se sépare en vol.
3.2 Faits établis quant aux risques
- Si la qualité du joint de collage entre la cloison d’extrémité intérieure et le corps arrière du servo-volet des pales de rotor principal du Kaman K-1200 n’est pas uniforme, l’intégrité structurale du servo-volet peut être compromise, ce qui peut faire en sorte que le servo-volet ne pourra pas résister aux charges aérodynamiques normales.
- Si des enregistrements de données de vol et de poste de pilotage ne sont pas disponibles dans le cadre d’une enquête, il y a un risque que des lacunes de sécurité ne soient pas cernées afin d’améliorer la sécurité des transports.
- Les aéronefs qui survolent un plan d’eau risquent de connaître des retards des interventions de recherche et sauvetage s’ils ne sont pas équipés d’une radiobalise de repérage d’urgence à déploiement automatique.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
4.1.1 Bureau de la sécurité des transports du Canada
Le 19 juillet 2023, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a émis l’Avis de sécurité du transport aérien A21P0107-D1-A1 à Transports Canada (TC). L’avis informait TC que dans au moins 2 accidents mortels d’hélicoptères Kaman K-1200, un servo-volet de rotor principal avait subi des ruptures par fatigue avant qu’une défaillance catastrophique se produise et que le corps arrière du volet se détache du longeron. Il indiquait également que le temps nécessaire pour que les ruptures de volet progressent jusqu’à une défaillance catastrophique était inconnu, et que la mesure dans laquelle la charge de vol selon la phase de vol et les interventions du pilote contribue à cette progression doit faire l’objet d’un examen plus approfondi.
Le 23 août 2023, TC a répondu à l’avis de sécurité A21P0107-D1-A1 du BST. Dans sa réponse, TC a affirmé que c’est la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis qui est responsable de la navigabilité de l’aéronef Kaman K-1200, conformément à l’Annexe 8 à la Convention relative à l’aviation civile internationale de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Selon TC, la FAA envisage des mesures correctives.
TC était satisfait des instructions actuelles du fabricant relatives au maintien de la navigabilité, qui prescrivaient une inspection visuelle du servo-volet avant chaque vol. Puisqu’il y a seulement 2 aéronefs et 2 exploitants au Canada, TC ne croit pas que des mesures immédiates soient nécessaires, malgré les conséquences graves découlant d’une défaillance d’un servo-volet. TC surveillera le secteur pour déterminer si d’autres ruptures de servo-volets se produisent et pourrait prendre au besoin des mesures intérimaires en attendant la ou les mesures correctives de la FAA.
4.1.2 Kaman Aerospace Corporation
4.1.2.1 Essais sur le servo-volet
Le 5 février 2024, Kaman Air Vehicles, une division de Kaman Aerospace Corporation (Kaman), a présenté à la FAA un rapport sommaire sur les essais qu’il a effectués sur le servo-volet du K-MAXKaman Air Vehicles, Report T-1531: KMAX Servo Flap Testing (K915101) (5 février 2024).. Le but des essais était de vérifier la navigabilité du servo-volet en employant 4 essais différents :
- L’évaluation de la résistance statique d’une partie de volet
- L’évaluation de la fatigue d’une partie de volet
- L’évaluation de la fatigue d’un volet entier
- L’évaluation de l’impact d’un volet entier
4.1.2.1.1 Évaluation de la résistance statique et de la résistance à la fatigue d’une partie du volet
L’essai de résistance statique d’une partie du servo-volet a mis en évidence que le mauvais alignement des couches de composite en fibre de carbone réduit la résistance statique de la jonction entre le corps arrière et le longeron du volet de jusqu’à 30 %. Toutefois, la résistance de la jonction dépassait tout de même à [traduction] « toutes les conditions de charge attendues dans le domaine de vol avec une marge supérieure à 1,5 »Ibid..
L'essai a également mis en évidence que les cloisons de fermeture du servo-volet, d’abord considérée comme étant uniquement des carénages aérodynamiques, sont des composants structurels du servo-volet et augmentent ultimement sa force et sa rigidité de jusqu’à 100 % et 150 % respectivement.
L'essai d’évaluation de la fatigue d’une partie du servo-volet consistait à évaluer la propagation d’une fissure induite artificiellement et d’une fissure induite par surcharge dans la jonction entre le longeron et le corps arrière du volet. Il a été conclu que [traduction] « le volet est résistant à la propagation de fissures et qu’il n’est probablement pas la cause de la défaillance »Ibid..
4.1.2.1.2 Évaluation de la fatigue et de la résistance à l’impact du volet en entier
L’essai d’évaluation de la fatigue du servo-volet en entier a été effectué sur un servo-volet entier connecté à une section partielle d’une pale de rotor principal de Kaman K-1200. L’essai consistait à appliquer au corps arrière une charge cyclique pendant une durée corrélée au nombre d’heures de vol que le volet endurerait avant d’être retourné à Kaman pour l’inspection initiale à 3000 heures de vol. Le servo-volet a été inspecté, et aucun dommage ni défaillance n’a été relevé.
L’essai d’évaluation de l’impact du servo-volet entier a été effectué pour déterminer si un coup sur le bord d’attaque du volet pouvait induire une défaillance dans la jonction entre le longeron et le corps arrière. Lors de l’essai, on a constaté qu’un impact important sur le bord d’attaque en acier inoxydable entraînait des dommages localisés dans le composite en fibres de carbone en-dessous, mais le longeron et la couche de revêtement extérieur ne présentaient ni rupture ni défaillance.
Kaman prévoit d’effectuer d’autres essais sur la résistance à la fatigue du servo-volet entier afin d’évaluer la résistance à la fatigue du volet.
4.1.2.1.3 Examen par le laboratoire du Bureau de la sécurité des transports
Le laboratoire du BST a examiné le rapport sommaire de Kaman et a déterminé que les conditions suivantes étaient présentes dans l’événement à l’étude, mais n’étaient pas comprises dans l’essai sur la fatigue du servo-volet :
- la force centrifuge, la charge torsionnelle et la charge de flexion dans le sens de l’envergure s’exerçant sur le servo-volet;
- l’effet de l’environnement sur le composite en fibre de carbone;
- les vibrations induites sur le servo-volet par une cloison d’extrémité partiellement collée.
De plus, le rapport sur les essais ne mentionnait pas l’emplacement et le type des défauts artificiels (interlaminaires, intralaminaires et translaminaires) qui ont été induits sur le servo-volet dans le cadre de l’essai sur la résistance à la fatigue.
D'autres essais sont nécessaires pour comprendre la navigabilité du servo-volet.
4.1.2.2 Révision du manuel d’entretien du modèle K-1200 de Kaman
Les instructions pour l’entretien et la réparation du modèle K-1200 K-Max de Kaman ont été révisées le 1er juin 2023. Lors de cette dernière révision, des instructions ont été ajoutées concernant la réparation de fissures, dans le sens de la corde, de la peinture sur le joint de collage de la cloison d’extrémité interne du servo-volet. Les instructions stipulent que le volet doit être retiré du service si la fissure s’étend au-delà de la couche de peintureKaman Aerospace Corporation, Kaman Model K-1200 K-MAX Maintenance and Servicing Instructions, Révision 44 (1er juin 2023), chapitre 62 : Rotors, section 62-10-01 : Rotor Blade Flap – Maintenance Practices, sous-section E, Repair Inboard Flap Closeout, p. 207..
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 25 septembre 2024. Le rapport a été officiellement publié le 30 octobre 2024.