Perte de maîtrise au décollage
Immatriculation privée
Van’s Aircraft, Inc. RV-14A (aéronef de construction amateur), C-GXIV
Aéroport de Calgary/Springbank (CYBW) (Alberta)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu. Les pronoms et les titres de poste masculins peuvent être utilisés pour désigner tous les genres afin de respecter la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (L.C. 1989, ch. 3).
Déroulement du vol
Le 16 mai 2025, le pilote d’un aéronef de construction amateur Van’s Aircraft, Inc. RV-14A sous immatriculation privée (immatriculation C-GXIV, numéro de série 140988) avait l’intention d’effectuer le vol inaugural de l’aéronef. À 7 h 14Les heures sont exprimées en heure avancée des Rocheuses (temps universel coordonné moins 6 heures), sauf indication contraire., le pilote a fait une première tentative de décollage à partir de la piste 17 de l’aéroport de Calgary/Springbank (CYBW) (Alberta). Après que l’aéronef eut atteint une vitesse indiquée maximale de 85,2 nœuds (KIAS) lors de la course au décollage, la performance de l’aéronef a semblé inférieure à ce que le pilote avait prévu et celui-ci a interrompu le décollageLes données relatives à la vitesse anémométrique ont été extraites du système d’instruments de vol électronique de l’aéronef.. Le pilote a alors circulé au sol pour retourner au seuil de la piste 17 et a effectué une 2e tentative de décollage à 7 h 24.
Lors de la 2e tentative, l’aéronef a gagné environ 10 à 20 pieds de hauteur et atteint une vitesse maximale de 98,4 KIAS. Lorsque l’aéronef a franchi le seuil de la piste 08, et à une vitesse de 97 KIAS, le pilote a interrompu le décollage, car il lui a de nouveau semblé que la performance de l’aéronef était inférieure à ce qu’il avait prévu. L’aéronef est descendu et le train d’atterrissage avant a touché la piste en premier. L’aéronef a ensuite rebondi, a repris son envol, est entré dans une oscillation induite par le pilote (PIO)Voir la section intitulée Oscillation induite par le pilote du présent rapport pour obtenir une description de ce phénomène., puis a dérivé vers la gauche de la surface pavée de la piste. L’aéronef est descendu et a percuté la zone gazonnée du côté gauche (est) de la piste 17 (figure 1).
Le train d’atterrissage principal droit s’est détaché de l’aéronef et a percuté le stabilisateur horizontal droit. Le train d’atterrissage principal gauche s’est affaissé et s’est replié vers l’arrière sous le fuselage, et le train d’atterrissage avant s’est affaissé vers l’arrière. L’hélice a touché le sol et les 3 pales se sont rompues (figure 2). La zone de la cloison pare-feu dans la partie avant du fuselage a également été lourdement endommagée.
Le pilote a été grièvement blessé, mais a été en mesure de s’extirper du poste de pilotage. Il n’y a pas eu d’incendie après l’accident et la radiobalise de repérage d’urgence s’est activée.
Renseignements météorologiques
Les conditions météorologiques étaient propices pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue et n’ont pas été retenues comme facteur dans cet événement.
Renseignements sur le pilote
Le pilote détenait la licence appropriée pour effectuer le vol conformément à la réglementation en vigueur. Il était titulaire d’une licence de pilote privé – avion pour monomoteurs terrestres. Le pilote avait commencé sa formation au pilotage en vue d’obtenir cette licence en septembre 2012 et avait passé le test en vol en juin 2014. Au moment où il avait satisfait à toutes les exigences pour obtenir la licence de pilote privé, le pilote avait accumulé 169,6 heures de vol au total.
Le pilote a ensuite effectué des vols régulièrement jusqu’en 2018. Aucun temps de vol n’a été accumulé en 2019 et 2020. En 2021, le pilote a accumulé 1,2 heure de vol, et en 2022, il a effectué 5,9 heures de vol. En 2023, le pilote a commencé une formation sur un RV-7A de Van’s Aircraft, IncLe RV-14A de Van’s Aircraft est similaire dans sa conception et sa construction à un RV-7A. Les principales différences sont que le RV-14A est environ 10 % plus grand et a un profil aérodynamique d’aile différent. et a effectué 3 vols totalisant 7,5 heures de vol. En 2024, le pilote a effectué 3 autres vols dans un RV-7A, totalisant 8,5 heures. En avril 2025, en préparation du premier vol sur son RV-14A, le pilote a de nouveau effectué 3 vols de familiarisation dans un RV-7A, totalisant 7,2 heures de vol.
Au moment de l’événement, le pilote avait accumulé un total de 380,5 heures de vol.
Renseignements sur l’aéronef
L’aéronef modèle RV-14A de Van’s Aircraft, Inc. est un aéronef biplace (côte à côte) de construction amateur, entièrement en aluminium. L’aéronef de l’événement était équipé d’un moteur Lycoming YIO-390 à 4 cylindres de 215 ch et d’une hélice tripale MT-Propeller à vitesse constante. L’aéronef a une vitesse de décrochage (VS) d’environ 47 KIASVan’s Aircraft Total Performance, https://www.vansaircraft.com/rv-14/#aircraft-details-2 (dernière consultation le 6 novembre 2025).. Étant donné la pratique universellement acceptée d’utiliser une vitesse de référence d’approche à l’atterrissage (VREF) égale à 1,3 fois la VS, la vitesse approximative lors de l’approche finale à l’atterrissage est de 61 KIAS.
La masse et le centre de gravité de l’aéronef se trouvaient dans les limites prescrites.
Système d’instruments de vol électroniques
L’aéronef était équipé d’un système d’instruments de vol électroniques Garmin G3X Touch. Le constructeur doit configurer et calibrer tous les composants installés. En l’occurrence, le constructeur devait configurer et calibrer l’indicateur de position du compensateur de profondeur sur l’écran principal de vol ainsi que le sens de déplacement du vérin du compensateur de profondeur lui-même afin d’assurer le bon fonctionnement du système de compensation de la profondeur.
Système de compensation de la profondeur
L’aéronef était muni d’un système électrique de compensation de la profondeur. Ce système se compose principalement de 4 composants :
- Interrupteur du compensateur de profondeur (situé sur la poignée du manche du pilote)
- Indicateur de position du compensateur de profondeur (situé sur l’écran principal de vol du pilote)
- Vérin électrique du compensateur de profondeur et ensemble de volet compensateur de profondeur (situé dans l’ensemble de gouverne de profondeur gauche)
- un boîtier de commande
L’examen initial de l’aéronef après l’accident a révélé que l’indicateur de position du compensateur de profondeur indiquait une déflexion complète nez vers le haut et que le volet compensateur de profondeur était en position de déflexion complète nez vers le bas. Une inspection et des essais ultérieurs ont révélé que ce que montrait l’indicateur de position du compensateur de profondeur du système correspondait à la position et à l’actionnement de l’interrupteur du compensateur de profondeur, mais que le vérin du compensateur de profondeur lui-même fonctionnait en sens inverse et déplaçait le volet compensateur de profondeur dans la direction opposée.
L’enquête n’a pas permis de déterminer si l’inversion du système de compensation de la profondeur avait joué un rôle dans l’événement à l’étude et, dans l’affirmative, lequel. La liste de vérification utilisée par le pilote pendant le vol à l’étude comprenait un élément « FLIGHT CONTROLS – FREE/CORRECT » (« COMMANDES DE VOL – LIBRES ET CORRECTES »), mais n’identifiait pas spécifiquement une vérification du système de compensation. Le fabricant du kit d’avion a indiqué qu’avec le volet du compensateur de profondeur à pleine déflexion nez vers le bas, et à une vitesse anémométrique de croisière typique, il faudrait exercer environ 40 livres de force sur le manche pour maintenir un vol en palier. Le pilote ne se souvenait d’aucune force inhabituelle sur les commandes lors de l’une ou l’autre des tentatives de décollage.
Moteur
Même si le constructeur de l’appareil avait effectué plusieurs essais du moteur au sol avant la 1re tentative de décollage, le moteur n’avait jamais été poussé à pleine puissance au sol pour confirmer des performances satisfaisantes. Un examen des données moteur enregistrées dans le système Garmin G3X Touch et de la vitesse anémométrique atteinte lors des 2 tentatives de décollage indique que la performance du moteur n’a probablement pas contribué à l’événement.
Représentant du ministre - Aviation de loisir
Le représentant du ministre – Aviation de loisir (RM-AL) est une personne déléguée par Transports Canada (TC)Gouvernement du Canada, Loi sur l’aéronautique (L.R.C., 1985, ch. A-2), paragraphe 4.3(1). qui est autorisée à inspecter les aéronefs de construction amateur au Canada et à délivrer le premier certificat spécial de navigabilité de la catégorie de construction amateur lorsque l’aéronef est terminé. Ce pouvoir est délégué à une personne qui satisfait aux exigences applicables en matière de formation et d’expérience, et est valide pour une période de 3 ans. Au besoin, l’Aviation civile de Transports Canada (TCAC) assure la supervision des personnes titulaires du pouvoir délégué de RM-AL. MD-RA Inspection Service, une entité commerciale, offre, dans le cadre d’une entente avec TC, des services de soutien administratif aux RM-AL qui inspectent et certifient des aéronefs de construction amateur au nom du ministre des Transports; l’entité n’exerce aucune fonction réglementaire, TC vérifie périodiquement les dossiers d’aéronef achevés que MD-RA Inspection Service lui présente.
Les RM-AL effectuent également des inspections de projets d’aéronefs à différentes étapes d’assemblage, ainsi qu’une inspection finale lorsque l’aéronef est terminé, avant le 1er vol. L’aéronef de l’événement à l’étude avait fait l’objet de toutes les inspections, dont la dernière avait eu lieu le 18 avril 2025. Dans le cadre de cette dernière inspection, le système de compensation de la profondeur a été approuvé par signature et aucun problème n’avait été relevé. Le moteur avait également été approuvé par signature comme ayant été inspecté et mis à l’essai au sol. Les données recueillies au cours de l’enquête indiquent qu’aucun essai au sol du moteur n’a été effectué en présence du RM-AL lors du processus d’inspection finale.
Oscillation induite par le pilote
La PIO, aussi appelée marsouinage ou porpoising en anglais, peut représenter un défi notable pour les pilotes lors de la phase d’atterrissage d’un vol. Comme l’explique la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis dans son Airplane Flying Handbook [traduction] : « en cas de rebond mal récupéré à l’atterrissage, l’avion se présente nez devant, ce qui déclenche une série de mouvements imitant les sauts et plongeons d’un marsouin »Federal Aviation Administration (FAA), FAA-H-8083-3C, Airplane Flying Handbook (2021), chapitre 9 : Approaches and Landings, p. 9-34.. Comme dans le cas du vol à l’étude (figure 3), la série d’oscillations va en s’amplifiant.
Plusieurs facteurs peuvent contribuer à l’oscillation induite par le pilote à l’atterrissage, dont les caractéristiques de maniabilité inhérentes à l’aéronef, la technique du pilote et les conditions environnementales comme la turbulence ou le cisaillement du vent. Les aéronefs d’aviation générale sont généralement équipés de commandes mécaniques directes, qui peuvent être plus sensibles aux sollicitations brusques. Par conséquent, les pilotes doivent acquérir un bon sens de la synchronisation et de la coordination, de même que de la finesse aux commandes, surtout durant la phase critique à basse vitesse de l’approche finale.
Une formationTransports Canada, TP 1102F, Manuel de pilotage, 4e édition (révisée en août 2004), exercice dix-huit : Approche et atterrissage, section « Rattrapage après de mauvais atterrissages », p. 132. axée sur la reconnaissance du début de la PIO et la pratique de sollicitations fluides et mesurées des commandes peuvent aider les pilotes à réduire les oscillations et à améliorer la sécurité globale à l’atterrissage. S’il n’y a pas assez de compensation de profondeur ou de stabilisation, l’avion peut toucher le sol la roue de nez en premier, provoquant un mouvement de PIO.
La PIO peut aussi résulter d’une mauvaise gestion de la vitesse. Par exemple, lorsqu’une approche est trop rapide, un aéronef a tendance à flotter au-dessus de la piste, et le pilote peut tenter de le forcer à atterrir avant qu’il ne soit prêt à se stabiliser. Cela peut entraîner plusieurs résultats différents, le premier étant que l’avion est brièvement soulevé dans les airs par des rafales de vent, des bosses sur la piste ou même de légères sollicitations des commandes. Le deuxième est que la roue avant entre en contact avec la surface de la piste en premier et rebondit. Ce mouvement est rapidement suivi par une surcorrection par le pilote, qui pousse les commandes vers l’avant et manque de synchronisation et de coordination au moment de l’arrondi suivant, ce qui fait que la roue avant touche à nouveau la surface de la piste en premier et que la séquence se répète avec des oscillations d’amplitude croissante. Une PIO peut aussi se produire sans contact avec la piste, lorsque le pilote surcorrige ou manque de synchronisation et de coordination dans la sollicitation des commandes pendant l’arrondi lors de la phase d’atterrissage du vol. Si la PIO est forte et le pilote sollicite les commandes et augmente la puissance trop tard ou de façon incorrecte, il peut involontairement aggraver les oscillations, ce qui pourrait provoquer des dommages, voire l’effondrement du train avant au moment de l’impact avec le sol.
Pilote de sécurité
Bien que TC ne fournisse aucune directive spécifique aux constructeurs et pilotes sur la réalisation de premiers vols dans des aéronefs expérimentaux ou de construction amateur avec un pilote supplémentaire (également appelé pilote de sécurité), la FAA a publié une circulaire d’information (AC 90-116) sur la présence d’un pilote supplémentaire pendant les essais en vol de la phase I)Federal Aviation Administration (FAA), Advisory Circular (AC) 90-116: Additional Pilot Program for Phase I Flight Test (2014).,Les essais en vol de la phase I sont les essais en vol qui doivent être réalisés pendant les 25 premières heures d’exploitation de l’aéronef et se dérouler dans un rayon de 25 milles marins de l’aéroport désigné indiqué dans les conditions d’exploitation dans le cadre du Certificat spécial de navigabilité. Lors de ces essais, aucun passager ne peut être embarqué..
Cette circulaire fournit des informations détaillées et des directives concernant l’Additional Pilot Program (APP) (programme de pilote supplémentaire) pour les essais en vol d’aéronefs expérimentaux. L’APP a été créé pour améliorer la sécurité en faisant progresser les compétences du constructeur et pilote et en atténuant, grâce à l’embauche d’un pilote qualifié supplémentaire, les risques associés aux essais en vol de la phase IFederal Aviation Administration (FAA), Advisory Circular (AC) 90-116: Additional Pilot Program for Phase I Flight Test (2014), p. 1.. La participation à l’APP est entièrement optionnelle et offre une autre méthode pour mener des essais en vol de phase I. La méthode conventionnelle, selon laquelle un pilote effectue des essais en vol en solo pendant la phase I, n’est ni abordée ni modifiée par cette AC et demeure une option viable pour ceux qui choisissent d’effectuer les essais en respectant les limites opérationnelles de l’appareil.
Bien que l’AC 90-116 ne s’applique pas intégralement aux constructeurs et pilotes canadiens, elle met en évidence l’examen par la FAA de plus de 10 ans de données historiques issues d’accidents d’avions expérimentaux de construction amateur. Notamment, l’AC affirme que [traduction] « l’utilisation d’un pilote qualifié supplémentaire pour atténuer les risques associés à la perte de contrôle lors du vol de phase I, dans des circonstances contrôlées, est judicieuse. »Ibid., p. 2.
Messages de sécurité
On rappelle aux personnes qui construisent et entretiennent des aéronefs de construction amateur de vérifier que toutes les commandes de vol fonctionnent dans la bonne direction et dans les limites correctes de déplacement avant de tenter le premier vol et après toute maintenance des commandes de vol effectuée sur l’appareil.
Il est essentiel que les RM-AL s’assurent que tous les éléments de l’inspection sont couverts et vérifiés avant de signer la documentation pertinente.
On rappelle aux pilotes l’importance de reconnaître l’apparition d’une PIO et d’appliquer la bonne technique de récupération.
Pour la sécurité du vol, il peut être avantageux pour les pilotes d’aéronefs de construction amateur d’engager un pilote expérimenté et qualifié pour la réalisation des essais en vol de la phase I.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 19 novembre 2025. Le rapport a été officiellement publié le 26 novembre 2025.