Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A20P0080

Collision avec le relief
Aberdeen Helicopters Ltd.
Airbus Helicopters AS 350 B2 (hélicoptère), C-FAHC
Stewart (Colombie-Britannique), 45 NM NNW

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Déroulement du vol

    Le 17 août 2020, l’hélicoptère Airbus Helicopters AS 350 B2 (immatriculation C-FAHC, numéro de série 2898) exploité par Aberdeen Helicopters Ltd. (Aberdeen) effectuait un vol opérationnel suivant les règles de vol à vue (VFR) à l’appui d’un projet d’exploration minérale. Le pilote a entamé ses tâches à 6 h 52Note de bas de page 1 en transportant les membres de l’équipe du quart de jour vers leurs sites de forage respectifs à la montagne Nickel (Colombie-Britannique) et en ramenant les membres de l’équipe du quart de nuit au camp Garibaldi, situé à 9 milles marins (NM) au nord-ouest de la zone de forage. Le pilote a ensuite récupéré 2 travailleurs du camp, les a déposés sur la montagne et, vers 7 h 50, s’est posé à un endroit appelé zone de rassemblement Volcano, à environ 1 NM au sud-est du site de l’installation de forage 27 (figure 1).

    Figure 1. Vue de la montagne Nickel avec la route de l’hélicoptère avant son arrivée finale à l’installation de forage 27 (ligne unie) et peu avant l’accident (ligne pointillée), d’après le système de positionnement mondial (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Vue de la montagne Nickel avec la route de l’hélicoptère avant son arrivée finale à l’installation de forage 27 (ligne unie) et peu avant l’accident (ligne pointillée), d’après le système de positionnement mondial (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    Étant l’unique occupant de l’aéronef, le pilote a retiré le panier de stockage externe, ravitaillé l’aéronef en carburant et accroché une élingue de 75 pieds en prévision de la prochaine tâche, qui consistait à déplacer une plateforme de forage démontée de l’installation de forage 27 vers l’installation de forage 7, située à environ 1400 pieds au nord-ouest. La première série de levages entre les installations de forage a commencé vers 8 h et s’est poursuivie jusqu’à environ 8 h 42, moment où le pilote a regagné la zone de rassemblement Volcano pour se ravitailler en carburant.

    Le pilote a regagné l’installation de forage 27 vers 8 h 54 pour reprendre les activités d’élingage visant à déplacer la plateforme de forage. Au cours de l’une des 11 levées, le pilote a indiqué qu’il devait se placer en vol stationnaire en raison d’une visibilité réduite avant de pouvoir poursuivre le levage. La visibilité s’est améliorée et le transfert de la plateforme s’est poursuivi. Vers 10 h 06, le pilote est retourné dans la zone de rassemblement Volcano pour se ravitailler en carburant.

    À 10 h 22, le pilote a regagné l’installation de forage 27 pour déplacer le dernier morceau de la plateforme de forage. Après que le contremaître de forage eut accroché la charge à l’élingue de l’hélicoptère, le pilote a indiqué que du mauvais temps approchait et qu’il n’était pas en mesure de transporter la charge. Le chargement a été décroché et l’aéronef s’est placé en vol stationnaire durant environ 1 minute. À 10 h 24, le pilote a reculé pour s’éloigner de la pente descendante de l’installation de forage (vers le sud-ouest) à une vitesse sol d’entre 1 et 2 nœuds, puis il s’est arrêté environ 200 pieds plus loin. Il est ensuite revenu vers l’installation de forage, et l’équipe de forage a demandé si elle devait enlever l’élingue. Le pilote a dit que ce n’était pas nécessaire, et à 10 h 25 min 40 s, il a fait pivoter l’aéronef, puis a commencé à accélérer sur une trajectoire sud-ouest. À ce moment-là, de fortes pluies se sont déclarées.

    Au cours des 30 secondes suivantes, les données du système de positionnement mondial (GPS) ont permis de constater que l’hélicoptère a gardé le cap au sud-ouest et qu’il a accéléré jusqu’à atteindre une vitesse sol d’environ 70 nœuds à des altitudes GPS situées entre 5600 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) et 5500 pieds ASL. À 10 h 26 min 02 s, le pilote a largué l’élingue de l’hélicoptère sur le flanc de la colline à environ 800 pieds à l’ouest de l’installation de forage 27, et 9 secondes plus tard, l’hélicoptère a amorcé un virage à droite à un taux d’environ 5° par seconde. Le changement d’altitude pendant ce virage était de moins de 100 pieds. Le virage s’est poursuivi jusqu’à 10 h 26 min 27 s, lorsque l’hélicoptère est entré en collision avec le relief.

    Le pilote a été mortellement blessé. L’aéronef a été détruit par la collision et par l’incendie qui s’en est suivi.

    Recherches

    Lorsque la forte pluie a commencé, l’équipe de forage à l’installation de forage 27 s’est réfugiée dans la cabane de survie du site de forage. Elle en est ressortie environ 15 minutes plus tard et, présumant que l’hélicoptère attendait dans la zone de rassemblement Volcano, a tenté de communiquer avec le pilote par radio. L’équipe à l’installation de forage 7 a également essayé de communiquer avec le pilote par radio. Aucune des 2 équipes n’a réussi. Les équipes de forage ont entrepris une recherche au sol dans leurs environs immédiats et, vers 11 h 11, une recherche aérienne a commencé avec un autre hélicoptère d’Aberdeen utilisé pour le projet d’exploration. La recherche aérienne s’est concentrée sur les endroits où l’hélicoptère aurait pu se poser pour attendre que les mauvaises conditions météorologiques passent. Après cette première recherche infructueuse, le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage (JRCC) de Victoria (Colombie-Britannique) a été avisé à 12 h 36 et un avion des services de recherche et de sauvetage a été chargé des recherches à 14 h 22.

    À 14 h 28, le pilote de l’autre hélicoptère de la compagnie, qui avait entrepris une recherche par balayage de la montagne Nickel vers 14 h 07, a informé le camp qu’il avait localisé le site de l’écrasement et que l’écrasement n’offrait aucune chance de survie. À 14 h 53, le JRCC a été informé et l’avion des services de recherche et de sauvetage a interrompu ses recherches.

    Renseignements sur l’aéronef

    L’aéronef de l’événement à l’étude était un hélicoptère AS 350 B2 d’Eurocopter France (aujourd’hui Airbus Helicopters) construit en 1996. Il était muni d’un turbomoteur Honeywell LTS101-700D-2 (numéro de série LE-46088C), installé conformément au certificat de type supplémentaire SR01647SE de Soloy LLC. Il était également muni d’un indicateur d’assiette et rien n’indiquait que cet instrument était défaillant. Au moment de l’événement, l’aéronef avait accumulé environ 14 215,8 heures de vol au total.

    Les dossiers indiquent que l’aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation et aux procédures approuvées en vigueur. L’hélicoptère ne présentait aucune anomalie connue avant le vol à l’étude et il était exploité dans les limites prescrites de masse et de centrage. L’hélicoptère était muni d’une radiobalise de repérage d’urgence (ELT) 406AF-Compact de marque Kannad. Le Centre canadien de contrôle des missions n’a pas reçu de signal émis par l’ELT de l’aéronef, et aucun signal n’a été détecté par l’autre hélicoptère de la compagnie pendant la recherche. En raison de la nature de l’impact et de l’incendie qui s’en est suivi, l’enquête n’a pas permis de déterminer pourquoi aucun signal n’a été transmis.

    Renseignements sur l’épave et sur l’impact

    L’épave a été retrouvée à environ 5500 pieds ASL sur un flanc de montagne abrupt (figure 2). Les dommages étaient typiques d’un impact violent. La majeure partie de l’aéronef a été consumée par l’incendie après impact, à l’exception de la poutre de queue et du plancher de la cabine.

    Figure 2. Lieu de l’événement le 26 août 2020; vue vers le nord-est (Source : BST, avec annotations du BST)
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    Lieu de l’événement le 26 août 2020; vue vers le nord-est (Source : BST, avec annotations du BST)

    Les 3 pales du rotor principal sont restées attachées à la tête du rotor et présentaient des dommages dus à l’impact caractéristiques de la grande énergie rotative du système rotor, de même que des dommages thermiques. Les signatures d’impact et les marques sur le rotor de queue et l’arbre d’entraînement étaient caractéristiques d’un arbre d’entraînement du rotor de queue en rotation à l’impact. La continuité fonctionnelle du système de commandes de vol et du système d’entraînement du rotor principal n’a pu être établie en raison des dommages causés par les forces de l’impact, mais on a pu retracer la continuité du système de commandes de vol aux commandes de vol et aux tringleries restantes des systèmes du rotor principal et du rotor de queue. Le moteur a également été endommagé par les forces de l’impact, et l’incendie a endommagé les zones externes où sont montés les accessoires. Le 1er étage du compresseur présentait des dommages au bord d’attaque caractéristiques de l’aspiration de terre ou de roches.

    L’examen effectué après l’accident n’a révélé aucun signe qu’une défaillance de la cellule ou qu’un mauvais fonctionnement d’un système s’était produit avant ou pendant le vol à l’étude.

    Renseignements sur le pilote

    Le pilote détenait une licence canadienne de pilote professionnel – hélicoptère, et il était titulaire d’un certificat médical valide de catégorie 1, ainsi que d’une qualification de type pour l’hélicoptère AS 350 B2. Il avait accumulé plus de 2800 heures de vol, dont au moins 900 heures sur ce type d’hélicoptère et plus de 200 heures à bord de l’aéronef de l’événement à l’étude. C’était le deuxième été qu’il passait à voler dans cette région, au service de cette société d’exploration.

    Aberdeen Helicopters Ltd. était autorisée par Transports Canada (TC) à effectuer des opérations VFR dans des conditions de visibilité réduite de ½ SM en espace aérien non contrôlé, et le pilote avait achevé l’entraînement annuel en vol VFR par visibilité réduite de la compagnieNote de bas de page 2,Note de bas de page 3.

    L’examen de l’horaire de travail et de repos du pilote a permis d’écarter la fatigue comme facteur.

    Renseignements météorologiques

    L’accident s’est produit dans un secteur où il est bien connu que les conditions météorologiques changent rapidement. C’est tout à fait normal dans une région où l’air humide du littoral se heurte aux montagnesNote de bas de page 4. La station d’observation météorologique pour l’aviation la plus proche du lieu de l’événement se trouve à Stewart (CZST) (Colombie-Britannique), à 45 NM au sud-sud-est du lieu de l’accident. À 10 h, les conditions météorologiques étaient les suivantes : vent variable soufflant à 2 nœuds, visibilité de 3 milles terrestres (SM) dans de la faible pluie et de la brume, nuages fragmentés à 700 pieds au-dessus du niveau du sol (AGL), couvert nuageux à 6000 pieds AGL, température et point de rosée de 12 °C, et calage altimétrique à 29,87 pouces de mercure.

    Des renseignements météorologiques provenant du camp minier d’Eskay Creek, situé à 10 NM à l’est du lieu de l’accident, étaient disponibles, mais les données recueillies par cette station se limitaient à l’humidité relative, à la température de l’air et à une jauge de précipitations. Au moment de l’accident, la température était d’environ 12 °C avec une humidité relative de 100 % et des précipitations allant de faibles à modérées.

    La prévision de zone graphique, en vigueur à 11 hNote de bas de page 5 pour la zone située près du lieu de l’accident, indiquait un front froid supérieur traversant le secteur vers le nord-ouest à 30 nœuds. On prévoyait des précipitations d’averses, avec une visibilité variant entre 2 et 6 SM dans de la faible pluie et de la brume. Un couvert nuageux, dont la base se situait entre 1500 et 3000 pieds pieds ASL et le sommet à 12 000 pieds ASL, était attendu dans la région, et des plafonds fragmentés (de 25 % à 50 %) situés entre 500 et 1000 pieds AGL étaient aussi prévus. De plus, les prévisions indiquaient des zones isolées (25 % ou moins) de nuages altocumulus castellanus s’élevant à 16 000 pieds ASL avec une visibilité de 1 SM dans des averses de pluie et de la brume, et des visibilités locales (25 % ou moins) de ½ SM dans de la faible pluie et du brouillard avec des plafonds à 200 pieds AGL.

    Le camp Garibaldi disposait d’une connexion Internet, mais l’enquête n’a pas permis de déterminer si le pilote avait consulté des renseignements météorologiques en ligne avant le vol. Afin de déterminer les conditions actuelles, le camp communiquait de coutume avec les équipes de nuit sur la montagne, chaque matin, pour obtenir des renseignements météorologiques directs. Le matin de l’accident, on a rapporté que le temps était dégagé et pluvieux. Par dégagé, on entendait que les sites de forage n’étaient pas obscurcis par les nuages.

    Opérations aériennes sous la pluie

    En ce qui concerne les opérations aériennes sous la pluie, le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada stipule ce qui suit :

    Une illusion optique peut se produire au cours des vols par temps de pluie. La pluie sur le pare-brise, en plus de diminuer considérablement la visibilité, donne lieu à un phénomène de réfraction. Cette illusion est attribuable à deux causes. Tout d’abord, par suite de la diminution de la transparence du pare-brise lorsqu’il est couvert de pluie, l’œil voit l’horizon au-dessous de sa position réelle (à cause de la réaction de l’œil à la différence de clarté qui existe entre la partie claire supérieure et la partie sombre inférieure). En outre, la forme et les motifs qu’affectent les rides formées par la pluie sur le pare-brise, surtout dans le cas d’un pare-brise incliné, font paraître les objets plus bas qu’ils ne sont en réalité. L’illusion d’optique peut être produite par l’une ou l’autre de ces deux causes, ou par les deux à la fois; dans ce dernier cas, où elle est évidemment plus grande, l’erreur est de l’ordre d’environ 5° d’angle. C’est ainsi que le sommet d’une colline ou d’une montagne se trouvant à ½ NM en avant d’un aéronef peut sembler être à 260 pieds plus bas (230 pieds à ½ SM) qu’il ne l’est en réalité.Note de bas de page 6

    Enregistreurs embarqués

    Après un accident mortel sans survivant ni témoin, il se peut qu’une enquête ne permette jamais d’en déterminer les causes et facteurs contributifs exacts, à moins que l’aéronef ne soit muni d’un enregistreur de bord. Les avantages que présentent les données de vol enregistrées pour les enquêtes sur les accidents d’aéronefs sont bien connus et documentésNote de bas de page 7. À la suite d’un événementNote de bas de page 8 survenu le 13 octobre 2016, au cours duquel un Cessna Citation 500 sous immatriculation privée est entré en collision avec le relief et a causé des blessures mortelles au pilote et aux 3 passagers, le Bureau a recommandé que

    le ministère des Transports oblige l’installation de systèmes d’enregistrement des données de vol légers chez les exploitants commerciaux et exploitants privés qui n’y sont pas actuellement tenus.
    Recommandation A18-01 du BST

    Dans sa réponse de septembre 2020, TC a indiqué être d’accord avec cette recommandation et avoir préparé un projet d’avis de proposition de modification au règlement rendant obligatoire l’installation de systèmes d’enregistrement des données de vol légers dans les aéronefs existants et nouvellement construits. Dans son évaluation de décembre 2020 de la réponse de TC, le BST a indiqué que les progrès de TC dans l’élaboration d’un règlement sur les systèmes d’enregistrement des données de vol légers sont considérés comme des mesures positives. Toutefois, tant que le règlement ne sera pas finalisé, les risques associés à la lacune de sécurité cernée dans la recommandation A18-01 continueront d’exister. Par conséquent, le Bureau a estimé que la réponse à la recommandation A18-01 dénotait une attention en partie satisfaisanteNote de bas de page 9.

    Message de sécurité

    Les vols VFR dans des conditions de visibilité réduite, qu’elles soient causées par des précipitations ou des phénomènes d’obscurcissement, sont dangereux, particulièrement en montagne. Dans les régions où les conditions météorologiques changent rapidement, il est important que les pilotes et les exploitants aériens établissent des limites opérationnelles et des procédures pour maintenir un contact visuel avec le relief en tout temps.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .