Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A19P0187

Collision avec le relief
Cessna 172H, C-GECG
Aéroport de Tofino/Long Beach (Colombie-Britannique), 31 NM NW

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Contexte

    Le vol à l’étude a été effectué au nom de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) du département du Commerce des États-Unis dans le cadre du programme d’aéronefs du Global Greenhouse Gas Reference Network Note de bas de page 1. Le programme recueille des échantillons d’air à des altitudes et à des endroits spécifiés en Amérique du Nord et les stocke pour analyse ultérieure.

    Le pilote dans l’événement à l’étude avait effectué ces vols d’échantillonnage aérien de la NOAA près du phare d’Estevan Point (Colombie-Britannique), à sa discrétion, environ tous les 12 jours depuis 2002. Ces vols commenceraient normalement par une montée jusqu’à 17 500 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL), où le 1er échantillon d’air serait prélevé. Le pilote descendrait ensuite se mettre en palier à 15 500 pieds ASL pour prélever l’échantillon suivant. Il continuerait à descendre et se mettrait en palier à 8 autres altitudes déterminées d’avance pour prélever des échantillons. Le dernier échantillon d’air serait prélevé à 1000 pieds ASL dans les environs d’Estevan Point. Pour ces vols, l’aéronef n’est pas entré dans des espaces aériens dans lesquels des communications radiophoniques bidirectionnelles avec les services de la circulation aérienne étaient nécessaires.

    Déroulement du vol

    Le 21 décembre 2019, l’aéronef Cessna 172H d’immatriculation privée (immatriculation C-GECG, numéro de série 172-55070) effectuait un vol selon les règles de vol à vue (VFR) à partir de l’aéroparc Courtenay (CAH3), en Colombie-Britannique, avec seulement le pilote à bord. Peu de temps après son départ de CAH3, l’aéronef est apparu sur le radar à 11 h 32 Note de bas de page 2, franchissant 1900 pieds ASL. À 12 h 03, l’équipage de conduite a mis l’avion en palier à 17 400 pieds ASL. Pendant les 15 minutes suivantes, il a suivi la trajectoire de vol prévue pour la mission d’échantillonnage de l’air selon une trajectoire conforme aux vols précédents d’échantillonnage de l’air, y compris un changement de code de transpondeur à 12 h 14.

    Lorsque l’aéronef a atteint 9500 pieds ASL à 12 h 17, il n’a pas été mis en palier pour effectuer l’échantillonnage comme il était prévu. Au lieu de cela, il a franchi 9500 pieds ASL en descente sur une route stable en direction sud-ouest, et a poursuivi sa descente pendant 4 minutes à une vitesse sol de 80 à 100 nœuds et à une vitesse moyenne de 1800 pi/min, jusqu’à ce qu’il ne soit plus visible à l’écran radar. Le dernier écho radar a été capté à 2800 pieds ASL. Il n’y avait aucune indication sont laquelle des communications radio seraient provenues de l’aéronef.

    Le GPS (système de positionnement mondial) de l’équipement d’échantillonnage de la NOAA à bord de l’aéronef a indiqué que ce dernier s’est immobilisé à 12 h 22 (figure 1). Il avait heurté des arbres et avait percuté le sol près du bras Stewardson (Colombie-Britannique). Le pilote a subi des blessures mortelles. L’aéronef a été détruit. Aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact.

    Figure 1. Trajectoires du vol à l’étude et du vol d’échantillonnage précédent, d’après les données du GPS de NAV CANADA et de la National Oceanic and Atmospheric Administration (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
    Image
    Trajectoires du vol à l’étude et du vol d’échantillonnage précédent, d’après les données du GPS de NAV CANADA et de la National Oceanic and Atmospheric Administration (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    Remarque : Les données de vol pour le vol du 27 novembre proviennent du GPS de la NOAA, qui ne saisit que les données du 1er au dernier échantillon.

    Lorsque le pilote n’est pas rentré chez lui au moment prévu, des recherches terrestres et aériennes ont été lancées. On a appelé le service de police local à peine moins de 4 heures après l’accident, et environ 5 heures et demie se sont écoulées entre le moment de l’accident et le moment où le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage de Victoria a été avisé d’un aéronef possiblement disparu. La radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de l’aéronef de 121,5 MHz a émis un signal qui a aidé l’aéronef de recherche et sauvetage (SAR) à trouver le lieu de l’événement vers 20 h. En raison de la mauvaise visibilité, des nuages et des pluies abondantes, le personnel de SAR n’a pu se rendre sur les lieux avant le lendemain matin.

    Renseignements sur le pilote

    Le pilote détenait un permis de pilote de loisir et était titulaire d’un certificat médical valide de catégorie 4. Le permis était valide pour les avions et hydravions monomoteurs, dans des conditions VFR de jour. De plus, le pilote détenait une licence de pilote de planeur délivrée initialement en 1995. L’enquête n’a pas permis de déterminer le nombre total d’heures de vol du pilote.

    Renseignements sur l’épave et sur l’impact

    L’épave a été retrouvée à environ 2600 pieds ASL sur le flanc abrupt et densément boisé d’une montagne, à 31 milles marins (NM) au nord-ouest de l’aéroport de Tofino/Long Beach (CYAZ), en Colombie-Britannique. Les dommages étaient typiques d’un impact de faible énergie (figure 2).

    Figure 2. Lieu de l’événement le 12 février 2020, vue vers l’ouest (Source : BST)
    Image
    Lieu de l’événement le 12 février 2020, vue vers l’ouest (Source : BST)

    Quelques cimes et branches d’arbres ont été brisées. Au lieu où l’événement s’est produit, les arbres avaient une hauteur moyenne d’environ 150 pieds; l’écorce des arbres se trouvant le plus près de l’aéronef portait des marques sur les 60 pieds inférieurs, principalement sur les côtés faisant face à l’est-sud-est; la trajectoire de vol de l’aéronef jusqu’au lieu de l’événement à partir du CAH3 était d’est-nord-est. Les marques sont conformes à la trajectoire du GPS de la NOAA, qui montrait que l’aéronef avait effectué un virage vers la droite au cours des 20 dernières secondes de vol.

    Les bouchons des 2 réservoirs d’aile étaient fixés; les 2 réservoirs d’aile ont été endommagés et aucun carburant n’a été trouvé dans les réservoirs. L’odeur qui demeurait dans les réservoirs de carburant correspondait à celle de l’essence automobile. Le sélecteur de carburant était réglé à BOTH. Une note trouvée sur la planche à genoux du pilote sur les lieux de l’événement indiquait que l’aéronef avait quitté CAH3 avec 87 litres (23 gallons américains) de carburant. Un vol d’échantillonnage d’air typique consommerait environ 50 litres (13 gallons américains) de carburant.

    L’hélice à pas fixe en aluminium est restée fixée au vilebrequin du moteur. Les 2 pales des hélices étaient pliées en forme de S et 1 pale était très endommagée sur le bord d’attaque. Le capot d’hélice avait été écrasé. Ces indications concordent avec l’hélice qui tournait et le moteur qui produisait de la puissance au moment de l’impact. Toutefois, il a été impossible de déterminer précisément la quantité de puissance produite. Au cours de l’examen du moteur, rien n’a été décelé qui aurait empêché le moteur de produire de la puissance.

    Un GPS portatif a été récupéré sur les lieux, mais la tension interne de la pile ne prenait plus en charge la mémoire interne et aucune information sur la trajectoire de vol n’a pu être récupérée.

    L’aéronef était muni d’une bouteille d’oxygèneNote de bas de page 3 à laquelle était reliée une canule nasaleNote de bas de page 4. La soupape de la bouteille d’oxygène était en position OFF et il restait environ 500 lb/po2.

    Les tubes du volant de commande de gauche et de droite ont été cassés à 6 pouces de leur volant de contrôle respectif, ce qui est conforme au fait qu’ils étaient pleinement tirés, ou que la gouverne de profondeur était dans une position de cabrage. Les sièges et les rails de siège du pilote et du copilote n’ont pas été endommagés.

    Les volets étaient entièrement rentrés et le compensateur de profondeur a été trouvé en position neutre. Comme le moteur était partiellement éloigné de la cellule de l’aéronef, il a été impossible de déterminer les positions des commandes du moteur, de la chaleur du carburateur, de la manette de poussée et de richesse du mélange au moment de l’impact. L’aéronef était équipé d’un circuit de réchauffage de tube de Pitot; toutefois, en raison de la nature de l’impact, il a été impossible de déterminer la position de l’interrupteur avant l’accident.

    Renseignements sur l’aéronef

    L’aéronef dans l’événement à l’étude était un Cessna 172H fabriqué par la Cessna Aircraft Corporation en 1967. À l’origine, il était équipé d’un moteur Continental O-300D de 145 hp. En février 2006, le moteur a été mis à niveau; il a été remplacé par un Lycoming O-360-A4M de 180 hp conformément au certificat de type supplémentaire (STC)Note de bas de page 5 SA4428SW. L’aéronef n’était pas certifié pour le vol dans des conditions météorologiques de vol aux instruments ni dans des conditions givrantes connues.

    Le carburant utilisé dans l’aéronef était un mélange de carburant d’aviation 100LL et d’essence automobile. L’enquête a permis d’établir que ce mélange de carburant avait été utilisé par le pilote depuis de nombreuses années. Il existe un STC sur l’essence automobile pour cette cellule et ce moteur; toutefois, les dossiers techniques de l’aéronef n’indiquaient pas que ce STC avait été obtenu.

    La dernière inspection annuelle de l’appareil a eu lieu le 29 janvier 2019. Au moment de l’événement, l’aéronef avait accumulé environ 4324 heures de vol au total.

    Les dossiers indiquent que l’aéronef était équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur. Rien n’indiquait une défaillance de la cellule ou un mauvais fonctionnement d’un système avant ou pendant le vol.

    Renseignements météorologiques

    La station d’observation météorologique pour l’aviation la plus proche du lieu de l’événement se trouve à CYAZ, à 31 NM, au sud-est. Un message d’observation météorologique spéciale d’aérodrome (SPECI) a été émis à 12 h 25 et indiquait ce qui suit :

    • vents calmes;
    • visibilité de 10 milles terrestres (SM) avec des averses de pluie;
    • nuages épars à 2500 pieds au-dessus du sol (AGL), plafond de nuages fragmentés à 3000 pieds AGL, y compris des cumulonimbus et une couverture nuageuse à 4700 pieds AGL;
    • température 6 °C, point de rosée 5 °C;
    • calage altimétrique 29,75 inHg.

    Selon les prévisions de vents en altitude en vigueur au moment de l’événement, pour les altitudes comprises entre 6000 et 12 000 pieds ASL, les vents devaient passer de 280 °vrais (V) à 230 °V à 13 nœuds, augmentant régulièrement à 28 nœuds, les températures passant de −5 °C à −17 °C. À 18 000 pieds ASL, on prévoyait que le vent serait de 220 °V à 61 nœuds avec une température de −28 °C.

    Les prévisions locales graphiques (LGF) publiées le 21 décembre à 9 h 46 et valides à 10 h montraient, pour le secteur où s’est produit l’événement, des plafonds de cumulus fragmentés de 2000 à 4000 pieds ASL, avec des sommets à 12 000 pieds ASL et une visibilité qui devait être supérieure à 6 SM. Les prévisions comprenaient des cumulus bourgeonnants occasionnels avec des sommets à 22 000 pieds ASL et des visibilités de 4 à plus de 6 SM dans de légères averses de pluie et de la brume. Des plafonds fragmentés étaient prévus de 800 à 1500 pieds AGL avec une visibilité locale de 2 SM dans de légères averses de pluie et de la brume. De plus, les LGF pour le secteur où s’est produit l’événement comprenaient des cumulus bourgeonnants et de fréquents cumulonimbus isolés avec des sommets à 26 000 pieds ASL et une visibilité de 2 SM dans des orages et de la pluie avec des rafales pouvant atteindre 30 nœuds. Le niveau de congélation prévu était d’environ 2500 pieds ASL.

    Des foudroiements ont été enregistrés près du lieu de l’événement entre 10 h et 13 hNote de bas de page 6 et des nuages à développement vertical ont été observés sur l’imagerie satellitaire météorologiqueNote de bas de page 7 juste au sud du lieu de l’événement (figure 3).

    Figure 3. Image satellite visible des nuages prise par GOES-15 environ 15 minutes après l’événement (Source : Environnement et Changement climatique Canada, avec des annotations du BST)
    Image
    Image satellite visible des nuages prise par GOES-15 environ 15 minutes après l’événement (Source : Environnement et Changement climatique Canada, avec des annotations du BST)

    Les dangers associés aux cumulus bourgeonnants et aux cumulonimbus sont les suivants : les tornades, la turbulence, les lignes de grains, les microrafales, les courants ascendants et descendants violents, le givrage, la grêle, les éclairs, les parasites atmosphériques, les fortes précipitations, les faibles visibilités et les plafonds basNote de bas de page 8.

    Le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC) Note de bas de page 9 décrit plusieurs baisses de rendement lorsque de la glace s’accumule sur diverses surfaces de l’aéronef. La glace sur les ailes peut réduire la portance, accroître la traînée et réduire l’angle de décrochage de l’aile. La présence de glace sur l’hélice peut réduire l’efficacité et créer des vibrations à cause d’un déséquilibre. La glace sur le pare-brise peut réduire ou obstruer complètement la vue vers l’avant.

    Radiobalise de repérage d’urgence

    L’avion était équipé d’une ELT de 121,5 MHz. Depuis le 1er février 2009, les satellites Cospas-Sarsat ne surveillent plus la fréquence des radiobalises de détresse de 121,5 MHz.

    En 2016, à la suite de son enquête sur l’impact sans perte de contrôle d’un hélicoptère Sikorsky S-76A à Moosonee (Ontario)Note de bas de page 10 survenu en mai 2013, le BST a constaté que plus de la moitié de tous les aéronefs immatriculés au Canada qui doivent être munis d’une ELT utilisent un modèle qui émet un signal que le système Cospas-Sarsat ne détecte pas.

    Le Bureau a donc recommandé que :

    le ministère des Transports exige que tous les aéronefs immatriculés au Canada et aéronefs étrangers effectuant des vols au Canada pour lesquels une radiobalise de repérage d’urgence (ELT) est obligatoire soient équipés d’une ELT de 406 mégahertz conformément aux normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale.
    Recommandation A16-01 du BST

    Dans sa plus récente réponse, Transports Canada a indiqué que le processus de réglementation visant à rendre obligatoire le transport d’une ELT de capacité de 406 MHz dans les aéronefs immatriculés au Canada et les aéronefs étrangers exploités au Canada continue de progresser. La modification finale devrait paraître dans la Partie II de la Gazette du Canada à la fin du printemps 2020.

    À condition que les nouvelles exigences demeurent telles qu’elles sont publiées dans la Partie I de la Gazette du Canada, une fois qu’elles seront entièrement mises en œuvre, cette modification à la réglementation réduira ou éliminera de façon substantielle la lacune de sécurité visée par la recommandation A16-01. Toutefois, tant que le règlement, qui rend obligatoire le transport d’une ELT d’une capacité de 406 MHz, ne sera pas en vigueur, les risques pour la sécurité des transports persisteront.

    Messages de sécurité

    Dans l’événement à l’étude, l’aéronef volait dans un secteur où l’on prévoyait des nuages de convection, du givrage et des conditions météorologiques de vol aux instruments. Bien que l’enquête n’ait pu déterminer si l’un de ces facteurs avait eu une incidence sur le vol à l’étude, il est important que les pilotes évaluent toutes les données météorologiques disponibles avant le départ, planifient d’autres trajectoires et respectent en tout temps les limites de leur aéronef et des privilèges conférés par leurs licences ou permis.

    Le système de satellites Cospas-Sarsat ne détecte que les signaux émis par les ELT de 406 MHz. Par conséquent, les occupants d’aéronefs équipés uniquement d’une ELT de 121,5 MHz peuvent être exposés à des retards du service de SAR, qui pourraient mettre leur vie en danger à la suite d’un événement.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .