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Rapport d'enquête aéronautique A12Q0161

Atterrissage brutal et impact de la partie arrière du fuselage
du DHC-8-301 C-GUON
exploité par Jazz Aviation LP
à l'aéroport de Gaspé (Québec)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le DHC-8-301 (immatriculation C-GUON, numéro de série 143), exploité par Jazz Aviation LP sous l'indicatif JZA 8721, effectue un vol depuis l'aéroport des Îles-de-la-Madeleine (CYGR) (Québec) à destination de l'aéroport de Gaspé (CYGP) (Québec) avec 32 passagers et 3 membres d'équipage. À 14 h 12, heure avancée de l'Est, l'appareil fait un atterrissage brutal et la partie arrière du fuselage touche la piste. Après l'atterrissage, l'avion roule normalement jusqu'à l'aérogare et les passagers débarquent. Personne n'est blessé, mais par mesure de précaution, 8 passagers se rendent à l'hôpital pour être examinés. Tous les passagers retournent à l'aéroport pour prendre un vol à bord d'un aéronef de remplacement puisque le C-GUON a subi des dommages importants. La radiobalise de repérage d'urgence ne s'est pas déclenchée lors de cet événement.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le vol JZA 8721 à destination de l'aéroport de Gaspé (CYGP) (Québec) est le premier de 4 vols prévus cette journée pour l'équipage, qui se trouve déjà à l'aéroport des Îles-de-la-Madeleine (CYGR) (Québec). À 14 h 27Note de bas de page 1, le DHC-8-301 (DH8C) avec le numéro de série 143 et l'immatriculation C-GUON exploité par Jazz Aviation LP quitte CYGR avec 32 passagers et 3 membres d'équipage. Le co-pilote est le pilote aux commandes (PF) et le commandant est le pilote surveillant (PM).

En croisière à 14 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl), l'équipage reçoit l'autorisation du contrôle de la circulation aérienne d'effectuer une approche contactNote de bas de page 2 sur la piste 29 de CYGP. À 14 h 03Note de bas de page 3, le PF amorce la descente et se dirige directement vers le point de repère final OVUBI situé à 5,5 milles marins (nm) du seuil de la piste 29.

À 14 h 10, l'appareil intercepte la trajectoire d'approche finale à 5 nm de la piste, à une hauteur au-dessus de la zone de poser (HAT) d'environ 2400 pieds et à une vitesse de 138 nœuds. L'appareil rejoint la pente de descente optimale de 3° par le haut et poursuit son approche en descendant progressivement sous la pente de l'indicateur de trajectoire d'approche de précision (PAPI). À environ 170 pieds HAT, alors que l'appareil quitte la limite inférieure de la plage d'indication du PAPI, soit 4 lumières rougesNote de bas de page 4, le PF réduit la puissance, le taux de descente augmente et l'appareil se dirige vers le seuil de la piste. À une hauteur d'environ 45 pieds HAT, la puissance est réduite au ralenti alors que l'appareil est à 700 pieds avant le seuil de la piste et la vitesse passe VREFNote de bas de page 5+3, en décélération.

À 14 h 12, l'appareil fait un atterrissage brutal au cours duquel la partie inférieure du fuselage entre en contact avec la piste et le voyant « Touched RunwayNote de bas de page 6 » du système de contact du fuselage avec la piste s'illumine. Les premières traces des roues du train principal droit apparaissent à 109 pieds du seuil de la piste 29 (photo 1). Après L'atterrisage, l'appareil circule normalement à rebours et stationne devant l'aérogare à 14h16.

Photo 1. Points de toucher des roues et du fuselage
Image des points de toucher des roues et du fuselage

L'équipage effectue une inspection externe de l'appareil et communique au département de l'entretien ses observations des dommages subis. Par mesure de précaution, on offre aux passagers ayant ressenti une douleur au moment de l'impact à l'atterrissage de se faire examiner par un médecin à l'hôpital. Huit passagers sont examinés et tous retournent prendre un vol ultérieur avec un autre appareil.

1.2 Tués et blessés

Aucun

1.3 Dommages à l'aéronef

L'examen de l'appareil a révélé des traces d'impact et de frottement sur les revêtements, les raidisseurs structuraux et les longerons de la partie inférieure du fuselage (photo 2). Des dépressions et déformations de revêtement ont été observées sur les surfaces latérales du fuselage sous les ailes et sous l'empennage.

Photo 2. Dommages observés sous la partie inférieure du fuselage (source : Jazz Aviation LP)
Image du dommages observés sous la partie inférieure du fuselage

L'inspection suivant l'atterrissage brutal a été effectuée selon les consignes du manuel d'entretien de l'aéronefNote de bas de page 7 du DH8C. De plus, des réparations temporaires ont été complétées avant que soit effectué le vol de convoyage au centre de réparations du fabricant situé à l'aéroport international de Montréal–Mirabel (Québec).

1.4 Autres dommages

Sans objet

1.5 Renseignements sur les membres d'équipage

Commandant de bord Co-pilote
Licence Pilote de ligne Pilote de ligne
Date d'expiration du certificat médical 1er octobre 2012 1er novembre 2012
Heures de vol totales 11 700 4500
Heures de vol dans les 90 derniers jours 139 122
Heures de vol sur type dans les 90 derniers jours 139 122
Heures libres avant la prise de service 13 13

L'équipage de conduite possédait les licences et les compétences nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur.

Le commandant de bord est titulaire d'une licence de pilote de ligne valide, délivrée en août 1991. Au moment de l'évènement, le commandant totalisait environ 11 700 heures de vol, dont 6600 heures sur les différents modèles de Dash-8, desquelles environ 6000 étaient à titre de commandant de bord. Le commandant travaillait pour le compte de la compagnie depuis septembre 1995. Son entraînement périodique semestriel approuvé en remplacement du contrôle de la compétence du pilote (CCP) avait eu lieu en mars 2012.

Le co-pilote est titulaire d'une licence de pilote de ligne valide, délivrée en février 2008 et avait cumulé environ 4500 heures en temps de vol total, dont environ 700 heures sur les différents modèles de Dash-8. Le co-pilote travaillait pour le compte de la compagnie depuis mars 2011 et a réussi son CCP sur le DH8C en juillet 2012.

Dans les jours précédant le début de cette affectation de 3 jours, le commandant de bord avait bénéficié de 2 jours de congé alors que le co-pilote avait travaillé les 3 jours précédents. Au premier jour de cette affectation, les 2 pilotes ont effectué une série de 5 vols qui se sont terminés à CYGR aux environs de 23 h. Le lendemain, l'équipage se présente à l'aéroport à 13 h 50 pour y effectuer le vol en question. L'équipage avait disposé d'une période de repos en conformité avec les dispositions du Règlement de l'aviation canadien (RAC). Rien n'indique que les membres de l'équipage étaient en état de fatigue à la suite d'un manque de sommeil ou d'un problème lié à la santé au début de leur journée de travail.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

1.6.1 Généralités

Le C-GUON est un DH8C, soit une version du DHC-8-100 (DH8A) allongée de 11,3 pieds, permettant ainsi d'augmenter le nombre maximum de passagers transportés de 36 à 50 (figure 1). Les hélices ont un diamètre de 13 pieds. Comme pour les autres avions dont les moteurs sont montés sous les ailes, lorsque la puissance est augmentée, la portance est augmentée par l'écoulement d'air sur les 26 pieds d'aile. En contrepartie, lorsque la puissance est réduite au minimum, les hélices nuisent à l'écoulement d'air, et donc à la portance sur 26 pieds d'aile.

Figure 1. Longueur du DH8A (en haut) vs DH8C (en bas) (source : Air Canada Jazz DASH 8 AOM Volume 1: Aircraft Operating Manual [31 janvier 2005], Figure 10-1, page 10.7.5, et Figure 10-18, page 10.25-23)
Dessine du longueur du DH8A (en haut) vs DH8C (en bas)

L'appareil a décollé de CYGR avec une masse de 38 350 livres et s'est posé à CYGP avec une masse estimée à 37 230 livres. La masse et le centrage de l'aéronef respectaient les limites prescrites par le fabrican

Tableau 2. Renseignements sur l'aéronef
Fabricant De Havilland (Bombardier)
Type et modèle DHC-8-301
Année de construction 1989
Numéro de série 143
Certificat de navigabilité Valide
Nombre d'heures de vol cellule 50 880
Nombre de cycles de la cellule 58 725
Moteurs 2, Turbopropulseur (PW123)
Masse maximale autorisée au décollage 41 100 livres (18 643 kg)
Masse maximale autorisée à l'atterrissage 40 000 livres (18 144 kg)
Types de carburant recommandés  Jet A, Jet A-1, JP5, JP8, Jet B, JP-4
Type de carburant utilisé Jet A1

1.6.2 Entretien

L'entretien du C-GUON est effectué par l'organisme de maintenance agréé de Jazz Aviation LP (numéro 21-92), selon un calendrier de maintenance approuvé par Transports Canada (TC). Selon les dossiers de la compagnie, le C-GUON était certifié, équipé et entretenu par la compagnie conformément aux règlements en vigueurNote de bas de page 8 et aux procédures de l'organisme de maintenance approuvé. L'examen des documents techniques de l'aéronef démontre que les consignes de navigabilité applicables ont été effectuées en conformité avec le programme de maintenance.

Aucune défectuosité technique n'avait été consignée pour l'aéronef avant l'événement et l'appareil ne présentait aucune anomalie. Rien n'indique qu'il y ait eu une défaillance de la cellule ou un mauvais fonctionnement d'un système pendant le vol.

1.6.3 Radiobalise de repérage d'urgence

Le C-GUON est équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) pouvant transmettre sur les fréquences 121,5 MHz, 243 et 406 MHz. L'ELT et l'antenne, installées dans l'axe longitudinal de l'arête dorsale de l'appareil, n'ont pas été endommagées. Dans l'événement en cause, l'ELT ne s'est pas déclenchée puisque l'impact affectait principalement l'axe vertical.

1.6.4 Système d'avertissement et d'alarme d'impact

L'appareil est équipé d'un système d'avertissement et d'alarme d'impact (TAWS). Le système génère des alertes de rapprochement du relief éventuellement dangereux et émet des rappels à 50, à 40, à 30, à 20 et à 10 pieds au-dessus du sol (agl). Le TAWS du C-GUON a été envoyé au Laboratoire du Bureau de la sécurité des transports (BST) pour que sa mémoire soit téléchargée et que l'on détermine si des alertes ont été générées pendant le vol. Aucun journal d'événement n'était en mémoire, donc aucun renseignement lié au vol en question n'était disponible. La perte du journal d'événement est liée à la version du logiciel utilisé, mais n'a aucune incidence sur la capacité du système à produire des alertes en vol. Ce problème de stockage du journal a été réglé dans une version ultérieure du logiciel.

1.6.5 Géométrie du DH8C lors de l'approche et de l'atterrissage

L'assiette du DH8C se situe entre 2° et 3° en cabré lorsqu'en approche finale sur une pente de 3°, en configuration d'atterrissage avec les volets à 15° et à VREF+5 nœuds (figure 2). Normalement, l'assiette est augmentée d'environ 2° lors de l'arrondi pour l'atterrissage, et l'appareil se pose avec une assiette située entre 4° et 5° en cabré (figure 3).

Figure 2. Assiette du DH8C en approche
Image de l'assiette du DH8C en approche
Figure 3. Assiette du DH8C à l'atterrissage
Image de l'assiette du DH8C à l'atterrissage

Lorsque les amortisseurs oléopneumatiques du train principal sont en extension, le sabot de queue entre en contact avec la piste lorsque l'assiette en cabré atteint un angle de 11,9° (figure 4). Toutefois, lorsque les amortisseurs oléopneumatiques du train principal sont complètement compressés, par exemple lors d'un atterrissage brutal, la partie inférieure du fuselage percute la piste à un angle de 6,8° en cabré (figure 5). Les données sur l'angle d'impact du fuselage ne sont pas publiées dans le manuel d'utilisation d'aéronef (AOM) du DH8C.

Figure 4. Impact du fuselage, amortisseurs oléopneumatiques du train en extension
Image de l'impact du fuselage, amortisseurs oléopneumatiques du train en extension
Figure 5. Impact du fuselage, amortisseurs oléopneumatiques du train compressés
Image de l'impact du fuselage, amortisseurs oléopneumatiques du train compressés

Selon les renseignements recueillis, 16 cas d'impact du fuselage du DH8C sont survenus de par le monde entre 1992 et 2012, dont 2 au Canada impliquant Jazz Aviation LP. À la suite de ces impacts du fuselage survenus de par le monde, le fabricant a créé, en 2003, une vidéo de formationNote de bas de page 9 portant sur l'importance du contrôle de l'assiette en cabré lors de l'atterrissage du DH8C et du DH8D. Bien que le DH8D soit environ 23 pieds plus long que le DH8C, lorsque les amortisseurs oléopneumatiques du train sont compressés lors d'un atterrissage brutal, les 2 appareils subiront un impact du fuselage à environ 7° en cabré.

En outre, la vidéo souligne l'importance de la surveillance de l'assiette en cabré, et l'importance de contrôler un taux de descente excessif par une application de puissance et non par une augmentation de l'assiette en cabré près du sol.

Dans l'événement en cause, les pilotes du DH8C de la compagnie n'avaient pas visionné cette vidéo. L'AOM ne contenait pas les détails de cette technique recommandée par le fabricant et aucune formation particulière n'était fournie aux pilotes à cet égard.

Selon le système de gestion de la maintenance (Trax) de la compagnie, pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2012, il y a eu 1 impact de fuselage de DH8A et 2 impacts de fuselage de DH8C.

En 2011, les différents modèles de Dash-8 de Jazz Aviation LP ont effectué au total 161 659 vols, soit en moyenne 443 vols par jour. Aucun des pilotes rencontrés au cours de la présente enquête n'a eu à reprendre les commandes d'un Dash-8 à l'atterrissage alors qu'il était le PM.

1.6.6 Hauteur entre les yeux et les roues et entre les yeux et la trajectoire des roues

La hauteur entre les yeux et les roues (EWH) est la distance verticale entre les yeux du pilote et la partie la plus basse de l'aéronef en position d'atterrissage (figure 6). Cette hauteur varie entre moins de 4 pieds et jusqu'à 45 pieds pour certains gros porteurs comme le Boeing 747.

Figure 6. Hauteur entre les yeux et les roues (EWH) et entre les yeux et la trajectoire des roues (EWPH)
Illustration de l'hauteur entre les yeux et les roues et entre les yeux et la trajectoire des roues

Le Laboratoire du BST a calculé l'EWH du DH8C à 10,4 pieds. Cependant, au moment où les yeux du pilote passent le seuil de la piste, les roues ne l'ont pas encore atteint. Il faut donc tenir compte de la distance horizontale et verticale que les roues doivent parcourir pour atteindre le seuil. Cette hauteur verticale entre les yeux du pilote et la trajectoire des roues (EWPH) est 11,9 pieds pour le DH8C. La hauteur EWPH est utilisée pour déterminer la hauteur des roues au moment où celles-ci franchissent le seuil de piste. Certains documents utilisent l'EWH et l'EWPH sans distinction, pourtant la différence représente 1,5 pied pour le DH8C. Le présent rapport utilise le calcul de l'EWPH, puisqu'il représente plus précisément la hauteur des roues au franchissement du seuil que l'EWH qui est indépendant de la trajectoire. Les données de l'EWH et de l'EWPH ne sont pas publiées par le fabricant et n'apparaissent pas dans l'AOM du DH8C.

Le pilote doit connaître l'EWPH de l'appareil afin d'être conscient de la distance des roues sous sa trajectoire, en particulier lors d'une approche à vue, et ainsi comprendre l'impact d'une déviation sous la trajectoire d'approche normale de 3°.

Dans le rapport d'enquête aéronautique A07A0134, le BST a constaté des lacunes dans la connaissance de l'EWH des pilotes, ainsi que la difficulté à trouver ces données, et a recommandé que :

le ministère des Transports veille à ce que l'information sur la hauteur entre les yeux et les roues (EWH) soit directement accessible aux pilotes qui exploitent des avions de plus de 12 500 livres.
Recommandation A09-03 du BST

L'objectif de la recommandation était que TC oblige les fabricants à publier l'information sur l'EWH dans les documents des aéronefs approuvés qui sont utilisés par les membres des équipages.

Suite à la recommandation, TC a publié de l'information visant les indicateurs visuels de pente d'approche et l'EWH. De plus, les fabricants canadiens ont été avisés de l'existence de cette information, ainsi que de la possibilité que les exploitants communiquent avec eux pour obtenir l'EWH des appareils. Le Bureau note dans son évaluation du 6 mars 2013 que les mesures prises par TC, quoique louables, n'atteignent pas l'objectif de la recommandation A09 03. La réponse est jugée en partie satisfaisante. Puisque TC a indiqué qu'aucune autre mesure n'est envisagée, le risque associé à cette recommandation demeure.

1.7 Conditions météorologiques

Le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) diffusé à 14 h faisait état des conditions météorologiques suivantes : vents de surface de 350° vrai (V) de 11 nœuds et visibilité au sol de 15 milles terrestres (sm), quelques nuages à 4000 pieds agl et un plafond de 18 000 pieds agl. Température de 19 °C avec point de rosée de 8 °C et calage altimétrique de 29,72 pouces de mercure.

La prévision d'aérodrome (TAF) pour CYGP, émise à 9 h 41, valide à compter de 10 h et en vigueur jusqu'à 20 h, prévoit des vents de 320° V de 8 nœuds et une visibilité de plus de 6 sm avec un plafond nuageux de 6000 pieds agl.

L'approche et l'atterrissage se sont déroulés en conditions météorologiques de vol à vue. À CYGP, au moment de l'événement, les conditions météorologiques et le gradient du vent sous 6000 pieds n'étaient pas propices aux conditions de courants descendants liés aux ondes de relief ou au cisaillement du vent.

1.8 Aides à la navigation

Sans objet

1.9 Télécommunications

CYGP est un aéroport non contrôlé situé dans l'espace aérien de classe E et muni d'une zone d'utilisation de fréquence obligatoire (MF) sur une distance de 5 nm autour de l'aéroport, jusqu'à une altitude de 3100 pieds asl. La station d'information de vol (FSS) de Mont-Joli fournit les renseignements ayant rapport avec les phases d'arrivée, de départ et au transit dans la zone MF.

1.10 Renseignements sur l'aérodrome

1.10.1 Généralités

CYGP compte une piste (11/29) en asphalte, qui mesure 4490 pieds de longueur, sur 150 pieds de largeur (Annexe B). L'altitude de zone deNote de bas de page 10 poser (TDZE) de la piste 29 est 98 pieds asl; toutefois l'élévation exacte du seuil de la piste 29 est 89 pieds asl.

L'aéroport est muni d'un système de balisage lumineux d'aérodrome télécommandé de type KNote de bas de page 11, qui allume tout le balisage lumineux d'aérodrome incluant le PAPI. La piste 29 est munie de balisage d'approche de type ADNote de bas de page 12, de feux de seuil de piste, de feux de bord de piste à intensité moyenne variable à 3 intensités et d'un PAPI de catégorie P2, qui convient aux avions avec une EWH inférieure à 25 pieds. Une inspection visuelle est effectuée tous les jours et une inspection complète, qui comprend une vérification de l'angle de la pente donné par le PAPI, a lieu tous les 3 mois. La dernière inspection complète a été effectuée le 17 juin 2012.

Le PAPI (P2) de CYGP est installé à 730 pieds du seuil de la piste 29 et il est ajusté pour indiquer une pente de 3°. Cette installation procure une indication « sur la pente » quand les yeux passent le seuil de piste à une hauteur de 38 pieds agl. Puisque l'EWPH du C-GUON en approche sur la pente est 11,9 pieds, les roues traversent le seuil de piste à une hauteur d'environ 26 pieds agl.

1.10.2 Indicateurs de pente d'approche

Un indicateur de pente d'approche est un dispositif lumineux visible à une distance d'au moins 4 nm et disposé de façon à fournir une indication visuelle de la pente d'approche souhaitée vers une piste (généralement de 3°). Un aéronef suivant l'indication « sur la pente » d'un aéroport agréé est assuré de franchir les obstacles en toute sécurité, avec un minimum de 6° de part et d'autre du prolongement de l'axe de piste, et ce, jusqu'à une distance de 4 nm du seuil de la pisteNote de bas de page 13.

Les indicateurs de pente d'approche ou indicateurs visuels d'alignement de descente (VGSI) comportent différents types de systèmes, dont le PAPI.

Le PAPI comprend 4 feux installées sur le côté gauche de la piste, disposées en barre de flanc (figure 7). En changeant la distance des unités lumineuses à partir du seuil, il est possible d'assurer une marge de franchissement adéquate aux avions ayant des EWH différentes. En effet, la hauteur de franchissement du seuil (TCH) augmente proportionnellement à la distance du PAPI au le seuil (figure 8).

Les catégories de PAPI sont regroupées selon l'EWH d'un aéronef en configuration d'approche comme suit :

Selon ces critères, un PAPI (P2) est requis pour assurer une TCH adéquate au DH8C.

Figure 7. Indicateur de trajectoire d'approche de précision (PAPI) (source : Manuel d'information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC), TP 14371 [18 octobre 2012], AGA – Aérodromes, section 7.6.2.3)
Illustration de l'indicateur de trajectoire d'approche de précision
Figure 8. Hauteur de franchissement du seuil (TCH) en fonction du type de PAPI
Illustration de l'hauteur de franchissement du seuil (TCH) en fonction du type de PAPI

La plupart des PAPI aux aéroports et aérodromes utilisés par les DH8C sont de catégorie P2. Cependant, il existe quelques exceptions, comme ceux de Rimouski (Québec) et de Roberval (Québec), qui sont munis de PAPI (P1), et de Bathurst (Nouveau-Brunswick), qui est équipé d'un APAPI (AP).

Il est important de noter que pour un pilote en approche, les PAPI P1, P2 ou P3 sont absolument identiques, vus du poste de pilotage. Pour savoir quel type de PAPI est installé, le pilote doit consulter les renseignements d'aérodrome à sa disposition.

Les pilotes rencontrés dans le cadre de la présente enquête ne connaissaient pas les limites des PAPI installés et utilisés aux aérodromes desservis par le DH8C. Les pilotes savent que différents types de PAPI existent, mais, en général, ignorent les limites qui définissent les catégories de PAPI.

Le rapport d'enquête aéronautique A07A0134 du BST a révélé que dans l'ensemble, les pilotes connaissent mal les différents types de VGSI (dont le PAPI) et leurs limites. En conséquence, tant que les pilotes n'auront pas acquis une bonne compréhension des différents types de VGSI en usage et de l'importance de leurs limites sur la sécurité, il se peut qu'ils continuent à suivre des guidages visuels ne convenant pas nécessairement à l'avion qu'ils pilotent. Dans ce même rapport, publié en 2009, le BST a, entre autres, recommandé que :

le ministère des Transports exige que les pilotes reçoivent une formation sur les indicateurs visuels d'alignement de descente (VGSI) pour leur permettre de déterminer si le système utilisé convient au type d'avion qu'ils pilotent.
Recommandation A09-04 du BST

Depuis 2007, TC a publié plusieurs documents sur les VGSI et maintient, en 2013, que les pilotes reçoivent de la formation dans le cadre de leurs cours privés, commerciaux et de vol de nuit. Toutefois, TC n'a pas démontré au BST que cette formation est dispensée lorsque des pilotes sont entraînés sur des avions plus gros, ayant une EWH plus élevée, donc une marge de franchissement du seuil plus critique.

Dans son évaluation du 6 mars 2013, le Bureau a fait le constat heureux que l'information sur les VGSI a été distribuée à plusieurs endroits. Toutefois, le Bureau est préoccupé de constater que TC n'a pas pris les mesures pour s'assurer, par exemple, lors des contrôles de compétence des pilotes, que ces derniers peuvent déterminer si le VGSI qu'ils utilisent est approprié pour leur avion. La réponse de TC est jugée en partie satisfaisante. TC a indiqué qu'aucune autre mesure ne sera prise pour le moment. En conséquence, le risque associé à cette recommandation demeure.

1.11 Enregistreurs de bord

1.11.1 Enregistreur de données de vol

Le C-GUON est muni d'un enregistreur numérique de données de vol (FDR). Le FDR a été soumis au Laboratoire pour qu'il soit examiné et pour en extraire les données enregistrées.

1.11.2 Enregistreur de la parole dans le poste de pilotage

L'appareil est équipé d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) d'une durée nominale d'enregistrement de 30 minutes. Le CVR est conforme aux exigences du RAC. L'enregistrement débute à 14 h 53 min 41 s et cesse à 15 h 24 min 31 s, soit 1 h 8 après la fin du vol. Par conséquent, les conversations et les sons dans le poste de pilotage pendant l'approche et l'atterrissage ont été remplacés par des enregistrements plus récents.

Le Règlement sur le Bureau de la sécurité des transports en vigueur au moment de l'accident prévoyait explicitement que le propriétaire, l'exploitant et tout membre d'équipage étaient tenus de conserver et de protéger les éléments de preuve relatifs à l'accident ou à l'incidentNote de bas de page 14.

À la suite de l'urgence électrique en vol d'un DH8C exploité par la même compagnie en 2009, les enregistrements CVR avaient été perdus, car une fois stationné, l'appareil n'avait pas été mis en quarantaineNote de bas de page 15. La compagnie a depuis mis en place des mesures afin que les données CVR soient préservées. Toutefois, les enregistrements CVR n'ont pas été préservés lors du présent événement parce que l'équipage s'est seulement rendu compte que l'incident devait être signalé après que l'ampleur des dommages à l'aéronef a été constatée.

1.11.3 Enregistrement d'images (vidéo)

À la suite de l'enquête du BST sur l'accident du vol 111 de Swissair survenu en Nouvelle-Écosse en 1998, le Bureau a fait, entre autres, une recommandation sur l'enregistrement d'images dans le poste de pilotageNote de bas de page 16. Transports Canada n'entend poursuivre aucune action liée à l'enregistrement d'images dans le poste de pilotage.

Comme le C-GUON n'est pas équipé d'un dispositif d'enregistrement d'images (vidéo), des renseignements critiques, qui auraient pu aider les enquêteurs à reconstituer avec plus d'exactitude la séquence des événements ayant mené à l'incident, ne sont pas disponibles.

1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

Les premières traces des roues du train principal droit apparaissent à 109 pieds du seuil de la piste, suivi de celles du train principal gauche et finalement des marques de contact du fuselage à 114 pieds du seuil de la piste. Toutes les traces sont alignées avec le centre de la piste 29. Le Laboratoire du BST a utilisé un modèle du DH8C tridimensionnel de conception assistée par ordinateur pour aligner l'appareil avec les traces sur la piste et établir l'assiette de l'appareil à environ 7° en cabré avec les amortisseurs oléopneumatiques du train principal comprimés par l'atterrissage brutal.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

L'enquête n'a révélé aucun élément médical ou pathologique qui aurait pu avoir une incidence sur l'exercice des fonctions des membres de l'équipage de conduite.

1.14 Incendie

Aucun

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

Sans objet

1.16 Essais et recherches

1.16.1 Trajectoire d'approche

Après avoir téléchargé les données FDR, le Laboratoire du BST a créé des tracés du vol, dont plusieurs de l'approche et de l'atterrissage. Pour des fins de comparaisons, les tracés des 6 approches et atterrissages précédents ont été superposées à ceux de l'approche et l'atterrissage de l'événement en question.

Puisque la position provenant du système de positionnement mondial (GPS) n'est pas enregistrée par le modèle de FDR utilisé par l'avion accidenté, le Laboratoire du BST a calculé la vitesse-sol pour établir la trajectoire de descente de l'appareil à partir du point d'impact connuNote de bas de page 17. Cette trajectoire a ensuite été comparée à l'alignement de descente du PAPI.

Les données du radioaltimètre ne sont pas enregistrées. En conséquence, la trajectoire n'a pu être établie avec précision sous 40 pieds agl en raison de l'effet sol sur la lecture de l'altimètre barométrique.

Le Laboratoire du BST a ajouté les 5 indicationsNote de bas de page 18 du PAPI aux tracés de vol pour obtenir une visualisation de la trajectoire de l'appareil en comparaison à la pente optimale d'approche de 3° au centre de l'indication du PAPI (Annexe C – Tracés FDR).

Une fois établi en approche finale, l'appareil a rejoint la limite supérieure d'indication du PAPI, soit 4 lumières blanches, à environ 3,5 nm du seuil de la piste, à 1300 pieds HAT et à une vitesse de 130 nœuds. Le graphique à l'annexe C montre qu'à environ 1,5 nm du seuil de la piste, à 500 pieds HAT, l'appareil est sur la pente optimale et sa vitesse est de 119 nœuds (VREF+16).

L'appareil descend progressivement sous la pente optimale pour atteindre la limite inférieure d'indication du PAPI, soit 4 lumières rouges, à 0,5 nm du seuil de la piste, à 170 pieds HAT et à une vitesse de 115 nœuds (VREF+12). À ce moment, la puissance est réduite de 15 % à 9 %, la vitesse diminue, le taux de descente augmente légèrement et l'appareil descend sur une pente d'environ 3,8°.

La réduction de la puissance au ralenti débute 4 secondes, soit environ 700 pieds, avant d'atteindre le seuil de la piste; l'appareil est à environ 45 pieds HAT et sa vitesse est de 106 nœuds (VREF+3). L'assiette en cabré diminue très légèrement et il y a une augmentation soudaine du taux de descente.

Au passage du seuil de la piste, la vitesse de l'appareil est de 100 nœuds (VREF−3) à la baisse et l'assiette en cabré augmente rapidement à un taux de 5° par seconde. L'appareil fait un atterrissage brutal à une vitesse de 98 nœuds (VREF−5). La partie inférieure du fuselage percute la piste 0,03 seconde après le premier toucher des roues, alors que l'assiette atteint 7° en cabré et la force de décélération dépasse 3,4 gNote de bas de page 19.

1.16.2 Descente sous la pente trajectoire d'approche optimale de 3°

La descente au-dessous de la pente de descente optimale de 3° n'est généralement pas recommandée. Le BST a déjà souligné cette lacune de sécurité, entre autres, dans son rapport d'enquête aéronautique A07A0134 sur les circonstances entourant un accident lié à un atterrissage avant la piste d'un appareil qui utilisait un point de visée près du seuil de la piste. Toutefois, les procédures normalisées de certains exploitants acceptent ou incitent à cette pratique dans certaines circonstances lors d'un atterrissage court.

En 2011, un appareil exploité par Jazz Aviation LP a fait un atterrissage avant la piste à l'aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de MontréalNote de bas de page 20. L'approche était sous la pente pour effectuer un atterrissage court avec l'objectif de sortir sur la voie de circulation A4, et l'appareil s'est posé environ 40 pieds avant le seuil de la piste 06 droite. La roue gauche du train principal gauche a heurté une lumière du seuil de la piste. L'appareil n'a pas subi de dommage, outre une entaille sur un pneu.

1.16.3 Approche stabilisée et gestion de l'énergie

À la suite des recommandations de son groupe de travail sur la réduction des accidents liées à l'approche et à l'atterrissage (ALAR), la Flight Safety Foundation (FSF) a créé et distribué une trousse à outils ALAR, visant à réduire le nombre d'accidents liés à l'approche et à l'atterrissage (ALA).

La trousse à outils de la FSF définit l'approche stabilisée, dont l'altitude minimale à laquelle une approche devrait être stabilisée, ainsi que tous les éléments d'une approche stabiliséeNote de bas de page 21. Un des éléments reconnus est une vitesse qui se situe entre la VREF et VREF + 20 nœuds. Des limites précises de déviation excessive pour les éléments d'approche, ainsi qu'une limite d'altitude de stabilisation, fournissent aux pilotes (PF et PM) une base de référence commune, réduisant ainsi la possibilité d'ambiguïté entre les pilotes. Dans ce contexte, les déviations sont détectées plus rapidement, les appels surviennent plus rapidement et seront précis.

Selon le groupe de travail, une approche non stabilisée était un facteur déterminant dans 66 % des ALA et des incidents graves de par le monde entre 1984 et 1997. Ceux-ci étaient liés à une gestion incorrecte de l'énergie, et dans 36 % des cas, ils sont survenus alors que l'appareil volait lentement, bas, ou les deux lors de l'approcheNote de bas de page 22.

En 2013, des recherches plus poussées indiquent qu'environ 3 à 4 % de toutes les approches sont non stabilisées et que 97 % de celles-ci se poursuivent jusqu'à l'atterrissageNote de bas de page 23. Lors de son enquête (A11H0002) sur l'accident du vol FAB6560 à Resolute Bay (Nunavut), le BST a fait ressortir le besoin de réduire le nombre d'approches non stabilisées qui se poursuivent jusqu'à l'atterrissage. Le Bureau a recommandé que :

Transports Canada exige que les exploitants régis par la sous-partie 705 du RAC surveillent les approches non stabilisées qui se poursuivent jusqu'à l'atterrissage et en réduisent la fréquence.
Recommandation A14-01 du BST

La FSF rappelle dans sa note d'information sur la gestion de l'énergieNote de bas de page 24 que l'incapacité de l'équipage d'évaluer ou de gérer la condition énergétique de l'aéronef en approche est souvent citée comme étant la cause de l'approche non stabilisée. Un déficit d'énergie (ou même un surplus d'énergie) peut entraîner un ALA ou un incident lié à la perte de contrôle, l'atterrissage avant la piste, un atterrissage brutal, un impact du fuselage avec le sol ou une sortie en bout de piste.

La condition énergétique d'un aéronef est évaluée en fonction des paramètres de vol suivants :

Une des tâches primaires de l'équipage consiste à surveiller et à contrôler la condition énergétique de l'appareil en utilisant toutes les références disponibles pour maintenir une condition énergétique appropriée pour la phase du vol et pour corriger une condition de faible énergie ou de haute énergie. Ce contrôle de l'énergie implique un équilibre entre la vitesse, la puissance, la traînée et la trajectoire de vol.

La vitesse d'approche est d'ordinaire légèrement derrière la courbe de puissance minimale d'approche, donc la vitesse est instable en décélérationNote de bas de page 26. Une réduction de vitesse exige une augmentation de la puissance pour maintenir la trajectoire. En conséquence, la tendance en décélération augmente si la puissance n'est pas augmentée.

1.17 Renseignements sur les organismes et la gestion

Jazz Aviation LP est détenteur d'un certificat d'exploitation aérienne valide. Au moment de l'événement, la compagnie exploitait une flotte de 130 appareils, dont 79 différents aéronefs de modèle DH8A, DH8C et de DH8D. Ces appareils sont exploités aux termes de l'article 705 de la sous-partie 5 de la partie VII du RAC, qui régit l'exploitation des entreprises de transport aérien.

Depuis 2009, la compagnie dispose d'un système de gestion de la sécurité (SGS) approuvé par TC. Selon le manuel du SGS de la compagnie (intitulé Jazz Corporate Safety and Quality Manual), certains aspects du SGS sont délégués à un département indépendant et gérés par celui-ciNote de bas de page 27 afin d'arriver à une approche coordonnée et intégrée à la sécurité pour l'ensemble de l'entreprise.

Selon le manuel d'exploitation de la compagnie (MEC), les enregistreurs de données de vol et de conversations doivent être préservés et protégésNote de bas de page 28. De plus, lorsqu'un incident ou événement survient en vol, le disjoncteur du CVR ne peut être déclenché qu'après l'arrivée à la porte d'embarquementNote de bas de page 29. Toutefois, rien n'indique qu'il doit être désactivé immédiatement après le vol.

1.17.1 Procédures d'exploitation normalisées

Les procédures d'exploitation normalisées (SOP) des DH8A et DH8C de la compagnie sont publiées dans le volume 2 du Manuel d'utilisation d'aéronef (AOM) Dash-8. Les SOP incorporent des appels normalisées qui doivent être faites par les équipages afin de coordonner le travail du PF et du PM, et pour signaler les déviations de la norme.

Des appels sont requise pendant l'approche :

Aucun appel de déviation n'a été fait lors de l'approche et de l'atterrissage à CYGP.

Selon les facteurs d'approche stabilisée, en conditions normales, l'appareil doit être stabilisé à 1000 pieds au-dessus de l'aérodrome [HAA] lors d'une approche en conditions météorologiques de vol aux instruments et 500 pieds HAA en conditions météorologiques de vol à vue. Pour être considéré comme stable, l'appareil doit être en configuration d'atterrissage et avoir :

Selon les SOP, si un impact du fuselage survient (suite auquel le voyant « Touched Runway » s'illumine), le commandant de bord doit immédiatement en aviser le contrôle de la circulation aérienne (ATC) ainsi que la régulation des vols. L'ATC n'a pas été avisé qu'un impact du fuselage est survenu.

1.17.2 Approche à vue et atterrissage normal

Lors de l'approche à CYGP, la masse estimée d'atterrissage du C-GUON était 37 230 livres et la VREF était 103 nœuds. La vitesse ciblée en approche finale est 120 nœuds avec le train sorti et les volets à 15°. Ultérieurement, la vitesse devait être réduite pour que l'appareil soit stabilisé à 108 nœuds (VREF+5) avec le train sorti et les volets à 15° avant 500 pieds HAA, soit la limite pour atteindre un état stabilisé.

1.17.3 Atterrissage court

Pour effectuer un atterrissage court, les SOP recommandent d'être établi avec le train sorti, les volets à 35° et de maintenir une pente de descente convenable à une vitesse de VREF+5. En fin d'approche, la vitesse est réduite pour passer le seuil de piste à la VREF, à une hauteur de 30 pieds agl, tout en ciblant un toucher des roues dans les premiers 500 pieds de la piste.

1.17.4 Procédure de remise des gaz

Selon les SOP, le fait de ne pas atteindre ou de maintenir un état stabilisé est un motif pour effectuer une approche interrompue. Selon le MECNote de bas de page 30, l'équipage de conduite entame une procédure de remise des gaz, entre autres : « si l'avion n'est pas stabilisé à l'altitude minimale de stabilisation définie dans les procédures spécifiques de l'avion ou sous cette altitude. Cette altitude ne doit pas être inférieure à 500 pi agl ».

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Prise de décision dans un environnement dynamique

Les pilotes prennent des décisions dans des conditions changeantes où l'information disponible est le reflet de l'environnement dynamique dans lequel évolue l'appareil. Plusieurs modèles ont été élaborés pour expliquer le processus décisionnel des pilotes dans ces environnements dynamiques. À la base, ces modèles reposent sur des principes similaires selon lesquels le processus décisionnel est une boucle composée de 3 étapes séquentielles : la conscience de la situationNote de bas de page 31, la prise de décision et l'observation de la performance résultant de la décision.

L'équipage doit être conscient de la situation réelle pour prendre une décision appropriée. Dans un cockpit, les contre-vérifications et la communication efficace entre les membres de l'équipage de conduite réduisent les erreurs de perception.

La conscience de la situation est le résultat de 3 étapesNote de bas de page 32 : la perception des éléments de la situation réelle, la compréhension de cette situation, et la projection dans le temps de cette situation. Entre autres, la formation, les connaissances, l'expérience et les préconceptions du pilote sont des facteurs individuels qui influencent sa compréhension de la situation.

La charge de travail mental est un élément qui agit sur le processus de prise de décision. Elle peut se définir comme étant la quantité d'information devant être analysée à un moment donné. La charge de travail mental augmente en fonction de la quantité et de la complexité de l'information reçue. Lors de situations anormales ou urgentes, les pilotes doivent analyser de l'information complexe et possiblement conflictuelle afin d'avoir une compréhension exacte de la situation, essentielle à la mise en œuvre d'un plan approprié. Une surcharge d'information peut contribuer à une conscience erronée de la situation.

Lorsqu'ils subissent une surcharge d'information, les pilotes se concentrent fréquemment sur une partie de l'information au détriment de l'ensemble de la situation. Cette canalisation de l'information est bénéfique seulement si le pilote a choisi l'information pertinente.

Selon la FSF, une approche stabilisée sur la pente optimale est reconnue comme étant un élément qui réduit la charge de travail et augmente la connaissance de la situation de l'équipage en fournissant plus de temps pour la surveillance de la trajectoire, le taux de descente et les tendances de la vitesse, donc l'état énergétique de l'appareilNote de bas de page 33.

1.19 Techniques d'enquête utiles ou efficaces

Sans objet

2.0 Analyse

2.1 Généralités

L'approche et l'atterrissage se sont déroulés en conditions météorologiques de vol à vue et rien n'indique que celles-ci aient joué un rôle dans cet événement. Tous les systèmes de l'appareil fonctionnaient normalement. L'équipage était qualifié et rien n'indique que la fatigue ait pu jouer un rôle dans l'événement. En conséquence, l'analyse se concentre sur les actions de l'équipage, ainsi que les éléments disponibles pour encadrer l'approche et l'atterrissage.

L'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) du C-GUON a une durée nominale d'enregistrement de 30 minutes et a été désactivé 1 h 8 après l'arrivée de l'appareil à l'aérogare. Puisque les enregistrements CVR n'ont pas été préservés, des données pouvant être utiles à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports (BST) ont été perdues. En conséquence, il est possible que des lacunes de sécurité ne soient pas détectées.

2.2 L'approche et l'atterrissage

2.2.1 Généralités

L'appareil intercepte l'axe de piste en approche finale au-dessus de la pente de descente optimale de 3°, pour l'atteindre à environ 1,5 nm du seuil de la piste. À ce moment, l'appareil est à 500 pieds au-dessus du sol (agl) à une vitesse de 119 nœuds (VREF+16) et ne rencontre pas les critères d'approche stabilisée de la compagnie lors d'une approche à vue. Le pilote surveillant (PM) ne fait aucun appel, et le pilote aux commandes (PF) poursuit l'approche. La poursuite de l'approche, alors que l'appareil ne satisfait pas aux critères d'approche stabilisée, est citée par la Flight Safety Foundation (FSF) comme déterminant dans 66 % des accidents liés à l'approche et à l'atterrissage (ALA) et des incidents graves.

Un des critères d'approche stabilisée des SOP est que la vitesse soit à VREF+5. Toutefois, les SOP ne fournissent pas d'instructions précises quant à la limite de vitesse à laquelle une remise des gaz est obligatoire. Il est peu probable que l'intention des SOP soit qu'il faille interrompre l'approche, si un écart de quelques nœuds survient alors que la vitesse cible est VREF+5. En conséquence, la décision d'effectuer une remise des gaz est prise en fonction de la tolérance à l'excès de vitesse de chaque pilote dans les conditions existantes. La différence entre cette tolérance de chacun des pilotes peut réduire l'efficacité du travail en équipe et aboutir à la poursuite d'une approche instable.

La FSF recommande, entre autres, l'utilisation d'une plage de vitesse acceptable en approche entre VREF et VREF+20, avec une directive précise de remise des gaz si la vitesse n'est pas à l'intérieur de cette plage. En conséquence, l'équipage garde une certaine flexibilité opérationnelle, mais avec une limite précise à laquelle l'approche doit être interrompue.

L'absence de plage précise de vitesse à respecter, tel que le recommande la FSF, laisse aux pilotes la possibilité de décider de la nécessité d'effectuer une remise des gaz, selon leur expérience et les réalités opérationnelles actuelles. La répétition d'atterrissages réussis suite à une approche non stabilisée peut amener les pilotes à sous-estimer les risques et à croire que l'activité n'est plus dangereuse.

2.2.2 Descente sous la pente

Lors de l'approche à l'aéroport de Gaspé / Michel Pouliot (CYGP), l'appareil descend progressivement sous la pente optimale de 3° pour atteindre la limite inférieure d'indication de l'indicateur de trajectoire d'approche de précision (PAPI), soit 4 feux rouges, à 0,5 nm du seuil de la piste, à 170 pieds agl avec une vitesse de 115 nœuds (VREF+12). À ce moment, le PF réduit la puissance, la vitesse diminue et le taux de descente augmente légèrement. La réduction de la puissance alors que l'appareil se trouve déjà sous la pente indique une intention d'effectuer un toucher des roues près du seuil de la piste 29.

Cette descente intentionnelle sous la pente optimale de 3° réduit la marge de franchissement d'obstacle et augmente le risque de collision avec des obstacles en approche ou d'un atterrissage avant la surface de la piste.

2.2.3 Atterrissages courts

Pendant le vol ayant mené à l'incident, l'équipage de conduite ne suivait pas la procédure des SOP pour les atterrissages courts, puisque l'atterrissage à CYGP n'était pas considéré comme nécessitant l'application de cette procédure. L'approche en question est effectuée en configuration normale d'atterrissage (volets à 15°) avec une descente sous la pente optimale de 3° en utilisant un point de visée plus près du seuil.

Selon les SOP, pour effectuer un atterrissage court, la trajectoire est établie en utilisant un point de visée à l'intérieur des premiers 500 pieds du seuil de piste tout en passant le seuil de la piste à 30 pieds agl à une vitesse de VREF.

Par exemple, si un pilote choisit un point de visée à 300 pieds du seuil de la piste et qu'il franchit celui-ci à 30 pieds, la trajectoire de descente sera de 5,7°. À une VREF de 103 nœuds, l'appareil aura un taux de descente de 1041 pieds par minute, soit un taux de descente plus élevé, à une vitesse plus basse que lors d'un atterrissage normal. En conséquence, si les pilotes suivent les SOP du DH8C précisément dans l'exécution d'un atterrissage court, l'appareil franchit le seuil de piste en condition énergétique réduite, et est à risque d'un atterrissage brutal ou d'un atterrissage brutal avec un impact de la partie arrière du fuselage avec la piste.

Il n'y a pas de guidage visuel ou électronique pour effectuer une descente de 5,7° pour respecter les consignes d'atterrissage court. Puisque les pilotes utilisent presque toujours une pente de descente de 3°, à l'exception des atterrissages courts, il est probable que certains d'entre eux utilisent la descente habituelle avec un point de visée à 300 pieds du seuil de la piste.

En configuration pour un atterrissage normal sur une pente de descente de 3° avec un point de visée à 300 pieds du seuil de la piste, les yeux du pilote franchiront le seuil de la piste à hauteur de 15,7 pieds. Puisque le DH8C a une hauteur verticale entre les yeux du pilote et la trajectoire des roues (EWPH) de 11,9 pieds, les roues franchiront le seuil de la piste à une hauteur de 3,8 pieds.

Dans les mêmes conditions, si le point de visée est déplacé au centre des chiffres situés à 170 pieds du seuil de la piste, les yeux du pilote franchiront le seuil de la piste à une hauteur de 8,9 pieds agl et les roues toucheront le sol 57 pieds avant le seuil de la piste si l'arrondi est manqué. La réduction du taux de descente durant la manœuvre d'arrondi permet donc aux roues d'atteindre la piste.

Cette manœuvre laisse très peu de place à l'erreur. Si, pour quelque raison que ce soit, l'appareil se pose seulement 1 seconde plus tôt que prévu, les roues toucheront le sol 12 pieds avant le seuil de la piste, puisqu'à 108 nœuds (VREF+5) l'appareil se déplace à 182 pieds à la seconde. En conséquence, si les pilotes adaptent les SOP du DH8C dans l'exécution d'un atterrissage court pour éviter une approche à forte pente en condition énergétique réduite, en utilisant un point de visée proche du seuil tout en suivant une pente habituelle de 3 degrés, ils sont à risque d'un atterrissage avant la piste.

2.2.4 Hauteur entre les yeux et les roues

Au moment de l'événement, l'information sur la hauteur entre les yeux et les roues (EWH) n'était pas disponible aux pilotes de DH8C de la compagnie. En conséquence, plusieurs pilotes pourraient ne pas se rendre compte à quel point les roues franchissent le seuil de la piste avec une marge réduite lorsque le point de visée est près du seuil de la piste.

Dans le rapport d'enquête aéronautique A07A0134Note de bas de page 34, le BST a fait la recommandation A09-03 visant à assurer que l'information sur l'EWH soit directement accessible aux pilotes. Depuis, Transports Canada (TC) a entrepris quelques mesures pour améliorer la prise de conscience de cette question de sécurité. Toutefois, ces mesures ne contraignent pas les fabricants à publier cette information sur l'EWH. En conséquence, l'implantation de la recommandation du BST dépend uniquement de la volonté des fabricants de publier les renseignements ou des exploitants d'obtenir ces renseignements pour les transmettre aux pilotes.

2.2.5 Système d'indicateur de trajectoire d'approche de précision

Les PAPI sont conçus et catégorisés en fonction de l'EWH des aéronefs. Le PAPI (P2) installé à CYGP procure une marge de franchissement du seuil adéquate pour les aéronefs dont l'EWH peut atteindre 25 pieds. Toutefois, certains aérodromes utilisés par les DH8C sont munis d'un PAPI (P1) ou d'un indicateur de trajectoire d'approche de précision simplifié (APAPI ou AP) qui ne sont adéquats que pour des aéronefs dont l'EWH ne dépasse pas 10 pieds. En conséquence, le DH8C ayant une EWPH de 11,9 pieds aura une marge de franchissement réduite à ces aérodromes, s'il suit la pente indiquée.

Puisqu'il n'est pas possible de discerner, visuellement, la différence entre un PAPI (P1) et un PAPI (P2), il est primordial que les pilotes connaissent les différences entre les catégories de PAPI, en plus de connaître l'EWPH, afin qu'ils soient conscients des conséquences d'une descente sous la pente optimale de 3°.

Dans le rapport d'enquête aéronautique A07A0134, le BST a aussi fait la recommandation A09-04 visant à assurer que les pilotes reçoivent de la formation sur les indicateurs visuels d'alignement de descente (VGSI), tels que le PAPI. TC a publié depuis plusieurs documents sur les VGSI. Toutefois, aucune mesure n'a été prise pour s'assurer que les pilotes vérifient la catégorie de VGSI, par exemple lors du contrôle de la compétence du pilote (CCP).

2.2.6 La gestion de l'énergie en approche

L'énergie de l'appareil en approche dépend, entre autres, de la vitesse et de sa tendance, de la vitesse verticale et de la puissance. Lorsque l'appareil descend sous la pente en courte finale à CYGP, la puissance est réduite, la vitesse diminue et le taux de descente augmente légèrement. À environ 700 pieds avant le seuil de la piste, à 45 pieds agl, en décélération alors que la vitesse passe 107 nœuds (VREF+4), le maintien de la puissance est critique au contrôle de l'énergie qui est déjà en diminution.

En approche du seuil de piste à la VREF, l'appareil se retrouve déjà derrière la courbe de puissance minimale en approche, où la réduction de vitesse exige une augmentation de la puissance pour maintenir la trajectoire. La décélération en courte finale tend à indiquer un état énergétique déficitaire et non pas un état stabilisé. Néanmoins, la puissance est réduite au ralenti et une augmentation soudaine du taux de descente est ressentie par l'équipage.

Il est probable que l'augmentation soudaine du taux de descente soit attribuable à une combinaison de facteurs, tels que :

Ces facteurs réunis ont entraînés une diminution de la portance et provoquent l'augmentation soudaine du taux de descente.

Le PF a réagi en appliquant une commande prononcée en cabré sans augmenter la puissance. Toutefois, la vitesse passe 100 nœuds (VREF−3) en décélération et l'appareil n'a plus l'énergie nécessaire pour réduire le taux de descente avec uniquement un changement d'assiette. Immédiatement après l'impact des roues (0,03 seconde), le fuselage entre en contact avec la piste alors que l'assiette passe à environ 7° en cabré.

Ni le commandant de bord ni le co-pilote n'ont reconnu la situation liée au faible état énergétique de l'appareil.

Lorsqu'un taux de descente plus élevé survient près du sol, le fabricant recommande aux pilotes de résister à la tentation d'augmenter l'assiette en cabré, mais plutôt d'augmenter la puissance tout en limitant l'assiette en cabré à 6° pour diminuer le taux de descente. Puisque les hélices ont un diamètre de 13 pieds, l'augmentation de la puissance augmente l'écoulement d'air sur 26 pieds d'aile, augmentant ainsi la portance même si la vitesse n'a pas le temps de changer. L'équipage n'avait pas reçu de formation liée à cette recommandation du fabricant.

2.2.7 Surveillance de l'approche et prise de décision

Une gestion des ressources en équipe efficace requiert que les pilotes conviennent d'un plan commun pour effectuer l'approche et l'atterrissage; le breffage d'approche est généralement utilisé à ces fins. Compte tenu du manque de données CVR, il n'a pas été possible d'évaluer l'interaction entre les membres de l'équipage pendant l'approche.

Le PF concentrait son attention à l'extérieur pour effectuer la manœuvre d'atterrissage au point visé et n'a pas décelé le déficit énergétique de l'appareil. Pendant ce temps, le PM concentre lui aussi son attention à l'extérieur et n'a, lui non plus, pas décelé la diminution énergétique en courte finale à temps pour intervenir.

Le commandant n'a jamais eu à intervenir au point de reprendre les commandes lors d'atterrissages exécutés par un co-pilote. Le co-pilote a une expérience de vol considérable et avait démontré un bon niveau de maîtrise de l'appareil lors des vols de la journée précédente. Ces expériences passées positives peuvent avoir eu une influence sur le niveau d'alerte et, par conséquent, sur le temps de réaction du commandant dans le rôle du PM.

Lors de l'approche, l'appareil atteint la limite inférieure d'indication du PAPI, soit 4 feux rouges, à 0,5 mille marin du seuil de la piste, à 170 pieds agl à une vitesse de 116 nœuds (VREF+13). À ce moment, soit 17 secondes avant l'impact sur la piste, le PF réduit la puissance, la vitesse diminue et le taux de descente augmente légèrement. Contrairement aux SOP, aucun appel n'a été fait de la part du PM lorsque l'appareil est descendu sous la pente du PAPI à une vitesse supérieure à celle des critères d'approche stabilisée. Un appel aurait pu inciter le PF à soit corriger la pente d'approche et la vitesse, soit préciser ses intentions.

Selon la FSF, une approche stabilisée sur la pente optimale de 3° est reconnue comme étant un élément qui réduit la charge de travail. En conséquence, le PM dispose de plus de temps pour partager son attention entre les tâches de surveillance de la trajectoire à l'extérieur et à l'intérieur pour surveiller l'état énergétique de l'appareil.

Puisque la déviation sous la pente du PAPI est survenue près du sol, le PM disposait de peu de temps pour identifier le risque puis déterminer et pondérer les options de façon coordonnée avec le PF. Avant d'intervenir, le commandant (qui dans le cas présent était le PM) prend en considération : l'impact du changement de la trajectoire en fonction de sa perception des intentions du PF, les conditions entourant l'approche, la performance du PF ainsi que sa limite personnelle de tolérance au risque pour assurer la sécurité du vol.

Alors que le PM évaluait la situation en portant son attention à l'extérieur, le PM n'a ni anticipé ni perçu le mouvement du PF qui réduit la puissance à 4 secondes de l'atterrissage. Le PM ne perçoit que l'augmentation soudaine du taux de descente quelques secondes plus tard. Le PF réagit par une commande prononcée en cabré à 2 secondes de l'impact et l'appareil réagit 1 seconde avant l'impact avec un taux de variation d'assiette d'environ 5° par seconde. Par conséquent, il n'était pas possible pour le PM de réagir à temps pour rattraper l'atterrissage dans ces conditions particulières. La seule technique de rattrapage disponible à ce moment-là était celle préconisée par le fabricant, soit une augmentation immédiate de la puissance tout en limitant l'assiette en cabré à 6° de la part du PF.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L'application d'une commande excessive en cabré pour réduire le taux de descente a causé une assiette en cabré. Cette assiette, combinée à un atterrissage brutal qui compressait les amortisseurs oléopneumatiques, s'est traduite par l'impact de la partie inférieure du fuselage sur la piste, causant des dommages importants à la structure de l'appareil.
  2. Le pilote surveillant portait son attention à l'extérieur et n'a pas reconnu la perte d'énergie à temps pour aviser le pilote aux commandes ou intervenir et ainsi prévenir l'atterrissage brutal.
  3. L'appareil a franchi le seuil de la piste en condition d'énergie insuffisante pour stopper le taux de descente uniquement par une augmentation de l'assiette en cabré au moment de l'arrondi.
  4. L'équipage n'avait pas reçu la formation sur la technique préconisée par le fabricant lors de taux de descente plus élevé qu'à la normale près du sol. En conséquence, le pilote aux commandes n'a ni limité l'assiette en cabré ni augmenté la puissance pour réduire le taux de descente, et le fuselage a percuté la surface de la piste.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Lorsque les pilotes descendent sous la pente d'approche optimale de 3°, il y a un risque accru de collision avec des obstacles en approche et d'atterrissage avant la surface de la piste.
  2. Si les pilotes suivent les SOP du DH8C précisément dans l'exécution d'un atterrissage court, l'appareil franchit le seuil de piste en condition énergétique réduite, et est à risque d'un atterrissage brutal ou d'un atterrissage brutal avec un impact de la partie arrière du fuselage avec la piste.
  3. Si les pilotes adaptent les SOP du DH8C dans l'exécution d'un atterrissage court pour éviter une approche à forte pente en condition énergétique réduite, en utilisant un point de visée proche du seuil tout en suivant une pente habituelle de 3 degrés, ils sont à risque d'un atterrissage avant la piste.
  4. Si les équipages n'ont pas une connaissance suffisante des limites des différents indicateurs visuels d'alignement de descente, ils pourraient continuer à suivre des guidages visuels qui ne garantissent pas une marge de franchissement du seuil suffisante, ce qui augmente le risque d'un atterrissage avant le seuil de la piste.
  5. Si les pilotes n'ont pas directement accès aux données de la hauteur entre les yeux et les roues, ils pourraient continuer à faire des approches avec un indicateur visuel d'alignement de descente qui ne convient pas au type d'avion qu'ils pilotent, ce qui augmente le risque de franchir le seuil de piste avec une marge de sécurité réduite.
  6. Lorsque les données de l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) ne sont pas disponibles pour l'enquête, leur non-disponibilité pourrait empêcher de constater et de transmettre des manquements à la sécurité pour améliorer la sécurité des transports.
  7. Si les critères d'approche stabilisée ne comprennent pas de plage de vitesse acceptable, il pourrait y avoir confusion entre les pilotes pendant une phase critique du vol, augmentant le risque d'un accident lié à l'approche et à l'atterrissage.

3.3 Autres faits établis

  1. L'utilisation de dispositifs d'enregistrement d'images (vidéo) qui comprendraient des images du poste de pilotage permettrait d'améliorer la sécurité des transports en fournissant aux enquêteurs un moyen objectif et fiable de déterminer rapidement ce qui s'est passé.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Jazz Aviation LP

Jazz Aviation LP a pris les mesures de sécurité suivantes :

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le 21 mai 2014. Il est paru officiellement le .

Annexes

Annexe A – Liste des rapports du Laboratoire du BST

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Annexe B – Carte d'aérodrome

[en anglais seulement]

Image du carte d'aérodrome, décrit au section 1.10.1
NON DESTINÉE À LA NAVIGATION

Annexe C – Tracés FDR

[en anglais seulement]

Graphe des tracés FDR, décrit au section 1.16.1