Décrochage aérodynamique et atterrissage brutal
du British Aerospace BAe 3112 C-FNAY
exploité par Northwestern Air Lease Ltd.
à Fort Smith (Territoires du Nord-Ouest)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
L'avion BAe Jetstream 3112 (immatriculé C-FNAY et portant le numéro de série 768) exploité par Northwestern Air Lease Ltd effectue le vol PLR 734 entre Hay River et Fort Smith selon les règles de vol aux instruments (IFR). Après une approche IFR, PLR 734 effectue une procédure d'approche interrompue de la piste 11 puis entreprend une procédure complète d'approche de la piste 29. À une distance d'environ 0,2 mille marin du seuil, l'équipage aperçoit les feux stroboscopiques d'approche et s'apprête à atterrir. À 15 h 15, heure normale des Rocheuses, juste avant le toucher des roues, l'avion entre en décrochage aérodynamique et se pose brutalement. L'aéronef se maintient sur la piste en dépit de l'affaissement du train d'atterrissage principal gauche. Les deux membres d'équipage et les trois passagers ne sont pas blessés et sortent de l'aéronef par la porte principale gauche de la cabine. Aucun incendie ne se déclenche après l'impact.
Renseignements de base
La compagnie Northwestern Air Lease Ltd, basée à Fort Smith (Territoires du Nord-Ouest), est titulaire de certificats d'exploitation aérienne valides délivrés en vertu de la sous-partie 703, Exploitation d'un taxi aérien et de la sous-partie 704, Exploitation d'un service aérien de navette du Règlement de l'aviation canadien (RAC). Lors de l'accident en question, l'aéronef était exploité conformément à la sous-partie 704 du RAC.
L'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur. Rien n'indique que l'accident a été dû à une défaillance de la cellule ou à un mauvais fonctionnement d'un système.
L'aéronef était équipé d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR). Le CVR a été retiré de l'aéronef et envoyé au Laboratoire technique du BST pour analyse. Les données enregistrées sur le CVR couvraient la période de trente (30) minutes précédant l'accident.
L'équipage de conduite était titulaire des licences requises et possédait les qualifications nécessaires pour effectuer le vol conformément à la réglementation en vigueur. Le commandant de bord (CdB) avait environ 5 500 heures de vol à son actif, dont 3 000 heures sur type et 1 800 à titre de commandant de bord. Le copilote avait accumulé approximativement 500 heures de vol, dont environ 230 sur type.
Au cours du vol en question, le commandant de bord assis en place gauche était le pilote aux commandes (PF) et le copilote était le pilote qui n'était pas aux commandes (PNF). La journée de travail de l'équipage était conforme aux dispositions réglementaires. La fatigue n'a pas été un facteur.
Le vol assuré par PLR 734 avait débuté le 27 novembre 2008 à Fort Smith. L'aéronef devait décoller de Fort Smith pour un vol régulier aller et retour à destination de Yellowknife. L'équipage était arrivé à l'aéroport vers 6 h 30, heure normale des Rocheuses (HNR)Footnote 1, pour préparer le vol et le décollage avait eu lieu à 7 h 30.
À Yellowknife, avant de repartir pour Fort Smith, l'équipage s'est informé des conditions météorologiques et a déterminé que la visibilité au moment de l'arrivée à Fort Smith serait réduite à environ ½ mille terrestre (sm). Après consultation auprès des opérations aériennes de la compagne, il a été décidé que l'équipage repartirait pour Fort Smith comme prévu et que l'aéroport de dégagement serait celui de Hay River.
À l'arrivée à Fort Smith, l'équipage a effectué deux approches : une approche VOR RWY 11 (GNSS) et une approche VOR/DME RWY 29 (GNSS). Ne pouvant obtenir de références visuelles de la piste, l'équipage s'est dérouté vers Hay River où il a atterri à 10 h 40. Là, l'équipage a attendu pendant environ cinq heures que les conditions météorologiques s'améliorent.
Les conditions météorologiques prévues pour Fort Smith entre 11 h et 23 h étaient les suivantes : vent calme; visibilité de ½ sm dans du brouillard givrant; visibilité verticale de 500 pieds. Pendant la même période, il devait y avoir à Fort Smith des conditions météorologiques temporaires faisant état d'une visibilité de 6 sm sans phénomène météorologique significatif et d'un plafond à 600 pieds au-dessus du sol (agl).
Les conditions météorologiques signalées à 14 h pour Fort Smith étaient les suivantes : vent du 100° magnétique à 2 nœuds; visibilité de 1 sm dans de la brume; visibilité verticale de 400 pieds; température de −7 °C; point de rosée à −8 °C; calage altimétrique de 29,97 pouces de mercure (po Hg); remarques : brouillard occupant 8 octasFootnote 2 et visibilité de ½ sm vers le sud-ouest et le sud-est. Vers 15 h, les conditions météorologiques étaient les suivantes : vent du 170° magnétique à 2 nœuds; visibilité de ½ sm dans du brouillard givrant; visibilité verticale de 500 pieds; température de –7 °C; point de rosée à –8 °C; calage altimétrique de 29,98 po Hg; remarques : brouillard occupant 8 octas et visibilité au nord de 5/8 sm.
La visibilité s'étant améliorée à 1 sm, à 14 h 27, l'équipage a décollé de Hay River à destination de Fort Smith.
Visibilités d'atterrissageFootnote 3
Les visibilités d'atterrissage reliées à toutes les procédures d'approche aux instruments ne sont publiées qu'à titre consultatif. Leurs valeurs indiquent des visibilités qui équivaudraient, au moment de l'approche, aux références visuelles requises établies. Elles ne sont aucunement limitatives et ne sont publiées que pour permettre aux pilotes de juger s'il leur est possible de réussir un atterrissage lorsqu'ils comparent ces valeurs à celles des comptes rendus de visibilité de l'aérodrome vers lequel ils effectuent une approche aux instruments.
Pendant le vol, l'équipage a été avisé que la visibilité à Fort Smith était tombée à ½ sm. L'équipage a continué jusqu'à Fort Smith et a effectué une approche VOR RWY 11 (GNSS). Devant l'impossibilité d'établir le contact visuel, l'équipage a opté pour une procédure d'approche interrompue puis a effectué une procédure complète d'approche VOR/DME RWY 29 (GNSS) pour laquelle la visibilité recommandée était de 1 sm. (Voir l'Annexe A – Procédure d'approche VOR/DME RWY 29 (GNSS) à Fort Smith (T. N.-O.)
Une fois établi en approche finale de la piste 29, l'avion a été configuré de manière à ce que le train d'atterrissage soit sorti et que les volets soient réglés à 20°. La vitesse était de 130 nœuds. PLR 734 est descendu à l'altitude minimale de descente (MDA) de 1 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl), soit 329 pieds agl, avec l'intention de poursuivre jusqu'au point d'approche interrompue (MAP) situé à 0,7 DME (équipement de mesure de distance) du seuil de la piste 29.
Référence visuelle requiseFootnote 4
Désigne, à l'égard d'un aéronef qui approche d'une piste, la partie de l'aire d'approche de la piste ou la partie des aides visuelles que le pilote doit pouvoir observer pour estimer la position de l'aéronef et son taux de changement de position par rapport à la trajectoire de vol nominale.
À une distance d'environ 0,9 DME, les feux stroboscopiques d'approche ont été aperçus et il a été décidé d'atterrir. La puissance des moteurs a été ramenée au régime de ralenti vol et les volets ont été réglés à 35°. L'équipage a ralenti l'aéronef à la Vref normaleFootnote 5 de 105 nœuds et presque au même moment l'avertisseur de décrochage a retenti. Peu après, PLR 734 est entré dans un décrochage aérodynamique et a percuté la piste. Avant l'impact, il y a eu une augmentation de la puissance correspondant à une tentative de sortie de décrochage. Mais l'aéronef a heurté la piste avant qu'il ne soit possible d'arrêter la descente. Le manuel des procédures d'utilisation normalisées (SOP) de la compagnie indique qu'il peut y avoir une perte d'altitude de 200 à 600 pieds au cours d'un décrochage, selon la configuration de l'avion, le réglage de la puissance et la rapidité de l'intervention pour sortir du décrochage. D'après les calculs, la vitesse de décrochage en configuration d'atterrissage de l'avion accidenté était de 83 nœuds (sans contamination par le givrage). Un atterrissage effectué avec des volets réglés à 35° nécessite une longueur de piste de 3 700 pieds. La longueur de la piste de l'aérodrome de Fort Smith est de 6 000 pieds.
Les SOP du Jetstream de Northwestern Air Lease relatives aux approches directes de non-précision (sur 2 moteurs) sont les suivantes :
[Traduction]
La première étape de l'approche aux instruments se fait à une vitesse de 140 nœuds avec les volets à 10° jusqu'à ce que l'avion soit établi sur la trajectoire de rapprochement. Le long de la trajectoire de rapprochement et avant le repère d'approche finale [FAF], la vitesse descensionnelle normale est de 1500 pieds par minute (pi/mn). Bien sûr, ces recommandations peuvent être modifiées en fonction de l'altitude à perdre et de la distance disponible. Dès la mise en palier à l'altitude de survol de la balise et à environ 2 milles du FAF, le pilote aux commandes commence les vérifications précédant l'atterrissage en annonçant, « GEAR DOWN, LANDING CHECKS, FLAPS 20 » (TRAIN SORTI, VÉRIFICATIONS AVANT ATTERRISSAGE, VOLETS À 20°) et stabilise l'avion à 130 KIAS [vitesse indiquée exprimée en nœuds] avant d'atteindre le FAF. Dans des conditions normales, au passage du FAF, l'avion est descendu à l'altitude minimale de descente (MDA) à une vitesse de 1 000 pi/min. Les volets sont réglés à 35° dès que l'aéroport est en vueFootnote 6.
Un avis aux équipages du Jetstream 31 publié par British Aerospace en date du 20 novembre 2008, contenait la recommandation suivante :
[Traduction]
Pendant une approche aux instruments, les volets doivent être sortis à 35 ° en prévision de l'atterrissage au moment d'atteindre la radioborne ou l'altitude de 1 000 pieds, selon la première éventualité, et 500 pieds dans le cas d'une approche à vue. La vitesse devrait alors être maintenue à 130 nœuds. Il est important de ne pas ralentir à moins de 125 nœuds tant que l'avion n'est pas à moins de 200 pieds d'altitude. Ce n'est qu'à ce moment-là que la vitesse peut être réduite à la vitesse requise de survol du seuilFootnote 7.
Au moment de l'accident, la compagnie n'avait pas intégré le contenu de cet avis dans son manuel SOP.
PLR 734 s'est posé sur la piste 29 à environ 1 053 pieds au-delà du seuil et à gauche de l'axe de la piste. Tout porte à croire que l'extrémité de l'aile droite a heurté la piste à quelque 100 pieds avant le point d'impact initial. Le principal train d'atterrissage gauche s'est affaissé et l'avion a glissé sur 1 778 pieds avant de s'immobiliser sur la piste.
L'équipage et les passagers ont pu sortir de l'avion par la porte principale gauche de la cabine, malgré le fait que la porte ne pouvait être que partiellement ouverte parce que la partie arrière du fuselage reposait sur la piste.
Le personnel de l'aéroport et de la compagnie est arrivé sur les lieux et a amené l'équipage et les passagers à l'aérogare. Il n'y a pas eu d'incendie après l'impact, en dépit du fait que du carburant s'écoulait de l'évent de l'extrémité de l'aile gauche.
Les deux approches ont été effectuées dans des conditions de givrage d'intensité faible à modérée. L'accumulation de givre n'a pas été déterminée, mais d'après les photos de l'avion prises par le personnel d'exploitation de l'aéroport le jour de l'accident (17 h 4), il y avait une accumulation de givre et de glace transparente le long du bord d'attaque des ailes et sur les casseroles d'hélice. Pendant les approches, l'équipage n'avait pas mis en marche l'équipement de dégivrage de l'avion. On sait que le givre crée des turbulences sur la surface des ailes, ce qui les empêche de fournir la portance nécessaire pour maintenir l'avion en vol et ce qui augmente donc la vitesse de décrochage de l'avion. De plus, la formation de la glace augmente la traînée de l'aile, ce qui cause une diminution de la vitesse indiquée plus rapide que celle prévue au moment de la réduction de la puissance des moteurs. Selon le manuel des SOP de la compagnie, dans des conditions givrantes, la vitesse d'approche de référence (Vref) devrait être augmentée jusqu'à 10 nœuds et les boudins de dégivrage de la cellule devraient être mis en action. Lors des deux approches vers Fort Smith, l'équipage n'a pas fait fonctionner les boudins de dégivrage de la cellule ni augmenté la Vref.
Analyse
On sait que le givrage nuit aux performances d'un avion. Le fait est reconnu dans le manuel des SOP de la compagnie qui conseille d'accroître la Vref et de faire fonctionner les boudins de dégivrage de la cellule en cas de traversée de conditions givrantes. L'équipage n'a pris aucune de ces deux mesures préventives lors des deux approches à Fort Smith, sans doute parce qu'il était préoccupé par l'approche aux instruments dans des conditions difficiles. Pendant les deux approches, l'avion a traversé des conditions de givrage d'intensité faible à modérée, ce qui a causé l'augmentation de la vitesse de décrochage de l'avion.
L'équipage de PLR 734 a effectué une approche aux instruments de la piste 29 conformément à la réglementation en vigueur et selon les SOP de la compagnie applicables en l'absence de conditions givrantes.
La procédure d'atterrissage a été entamée dès que les références visuelles ont été établies, à 0,9 DME (à 0,2 nm du seuil) et à 329 pieds agl, soit bien en deçà de la visibilité recommandée de 1 sm. En conséquence, l'équipage a disposé de peu de temps et de distance pour configurer l'avion en vue de l'atterrissage.
Lorsque l'équipage réduit la puissance au ralenti vol et qu'il a sorti les volets à 35° afin de ralentir à la Vref normale de 105 nœuds, l'avion est entré en décrochage aérodynamique à cause de la diminution des performances causée par le givrage. L'avion était trop bas pour permettre à l'équipage d'effectuer une sortie de décrochage avant de heurter la piste.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Malgré la présence de conditions givrantes, les boudins de dégivrage de la cellule n'ont pas été mis en action, pas plus que la vitesse de référence n'a été augmentée pour contrecarrer les effets du givrage de l'avion.
- Un changement soudain de la configuration de l'avion, notamment une réduction de la puissance jusqu'au ralenti vol et une sortie des volets à 35°, a causé une décélération rapide de l'avion.
- L'avion a décroché à cause d'une diminution de ses performances provoquée par le givrage. L'avion était à trop basse altitude pour pouvoir sortir complètement du décrochage avant de heurter la piste.
Fait établi quant aux risques
- Au moment de l'accident, la compagnie n'avait pas intégré l'avis aux équipages dans ses procédures d'utilisation normalisées (SOP). Les équipages restaient donc dans l'obligation d'effectuer des changements de configuration à une étape avancée de l'approche, ce qui augmentait les risques d'approche non stabilisée.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A : Procédure d'approche VOR/DME RWY29 (GNSS) à Fort Smith (Territoires du Nord-Ouest) tirée du Canada Air Pilot
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