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Le 30 novembre 2020
Directeur général, Aviation civile
Transports Canada
Re :
Avis de sécurité aérienne A20O0029-D1-A1
Statut d’envol inexact transmis par les transpondeurs et son effet sur les systèmes de surveillance des pistes et d’alerte de conflit
Le , à 9 h 48, heure normale de l’Est, un Embraer 190‑100 (immatriculation C‑FMZW), exploité par Air Canada sous le numéro de vol ACA 1037, avec à son bord quatre membres d’équipage et 83 passagers, effectuait un décollage de la piste 06L à l’aéroport international Lester B. Pearson (CYYZ) de Toronto (Ontario). Au cours de la course au décollage de l’aéronef, un Boeing 777‑300 (immatriculation C‑FJZS), exploité par Air Canada sous le numéro de vol ACA 606, avec à son bord 14 membres d’équipage et 345 passagers, a reçu l’ordre s’aligner sur la piste 06L et d’attendre. Peu après, le contrôle du trafic aérien a donné au Boeing 777 l’autorisation de décoller alors que l’Embraer 190 se trouvait toujours sur la piste.
Pendant qu’il effectuait toujours la course au décollage, l’Embraer 190 a frappé un oiseau et a interrompu le décollage; l’aéronef avait atteint une vitesse anémométrique d’environ 148 nœuds. L’équipage de conduite a effectué un appel radio sur la fréquence de la tour pour l’informer de l’interruption du décollage. Au même moment, l’équipage de conduite du Boeing 777 a relu l’autorisation de décollage sur la même fréquence et a commencé sa course au décollage. Les transmissions radio simultanées n’ont pas été détectées : ni le contrôle du trafic aérien ni l’équipage de conduite du Boeing 777 n’ont entendu l’appel radio de l’Embraer 190 concernant l’interruption du décollage.
Pendant sa course au décollage, l’équipage de conduite du Boeing 777 a constaté que l’Embraer 190 était toujours sur la piste et a interrompu son décollage; l’aéronef a atteint une vitesse d’environ 134 nœuds avant de s’immobiliser sur la piste. À ce moment, les deux aéronefs se trouvaient sur la piste, séparés par une distance d’environ 3800 pieds. Personne n’a été blessé. Les aéronefs n’ont subi aucun dommage. L’enquête no A20O0029 du Bureau de la sécurité des transports (BST) se poursuit.
L’Embraer 190 est équipé d’un transpondeur Honeywell et d’un système d’avionique intégré Honeywell Primus Epic. La fonction d’avertissement de suivi du système Honeywell Primus Epic utilise une logique logicielle qui détermine que l’aéronef est en vol lorsque la vitesse indiquée de l’aéronef dépasse 50 nœuds. Toutefois, l’aéronef peut toujours être au sol. Le résultat de cette détermination est utilisé par le transpondeur pour transmettre le statut d’envol de l’aéronef (c.‑à‑d. en vol ou au sol). Cette configuration de transpondeur existe sur tous les avions Embraer E‑jets, dont plus de 1500 ont été produits. On sait que ces transpondeurs sont également installés sur des aéronefs fabriqués par Dassault, Gulfstream, Learjet et Textron Aviation (anciennement Cessna).
De nombreux autres constructeurs d’aéronefs intègrent d’autres paramètres pour déterminer le statut d’envol de l’aéronef. Certains peuvent d’abord utiliser un paramètre de référence air-sol (weight-on-wheels), puis utiliser la vitesse comme vérification du caractère raisonnable. Dans certains cas, d’autres aéronefs ne tiennent pas compte du paramètre de référence air-sol et considèrent l’aéronef comme étant en vol lorsque la vitesse au sol est supérieure à 100 nœuds. Le système Primus Epic fonctionne de cette façon, mais utilise un seuil de vitesse de 50 nœuds, une vitesse à laquelle il est impossible pour de nombreux aéronefs équipés de ces avioniques de s’envoler.
De nombreux fournisseurs de services de trafic aérien utilisent des systèmes avancés de guidage et de contrôle de la circulation de surface (A‑SMGCS), qui fournit aux contrôleurs un affichage en temps réel de la circulation d’aéronefs et d’autres véhicules sur les aires de manœuvre de l’aérodrome. Les systèmes de surveillance des pistes et d’alerte de conflit (RMCA) sont un sous‑système de l’A‑SMGCS et ils sont conçus pour détecter et surveiller les conflits et les dangers potentiels comme les incursions sur piste, et en avertir les contrôleurs du trafic aérien. Les RMCA utilisent habituellement les données des radars de surveillance au sol et des transpondeurs d’aéronef pour calculer et déterminer s’il existe un conflit, puis générer une alerte au besoin. Les alarmes et les alertes indiquent aux contrôleurs de transmettre de nouvelles instructions aux aéronefs ou aux véhicules qui sont en danger. Les RMCA ne sont pas l’équipement nécessaire pour les aéroports, mais sont actuellement utilisées dans plus de 50 grands aéroports dans le monde.
Le système de surveillance des incursions sur piste et d’alerte de conflit (RIMCAS) d’Indra Navia est un type de RMCA. Au total, 15 aéroports, y compris CYYZ, utilisent un RIMCAS et au moins 36 aéroports aux États‑Unis utilisent des systèmes semblables. Le logiciel RIMCAS d’Indra Navia peut être configuré pour évaluer divers paramètres afin de déterminer si un aéronef est en vol ou au solNote de bas de page 1. Puisque le RIMCAS est configurable, il est adapté à la topographie et aux activités de l’aéroport afin de réduire au minimum les fausses alertes, tout en veillant à ce que le niveau de sécurité soit suffisant et à ce que les avertissement soient émis en temps opportun.
Au moment de l’événement, le RIMCAS d’Indra Navia utilisé à CYYZ était configuré pour utiliser les données de la transmission du transpondeur de l’aéronef comme indication principale qu’un aéronef avait décollé. Dans ce contexte, lorsque la vitesse de l’Embraer 190 a dépassé 50 nœuds pendant sa course au décollage, les données reçues du transpondeur de l’aéronef ont fait en sorte que le RIMCAS a déterminé que l’aéronef était en vol, même si ce n’était pas le cas. Puisque le RIMCAS considérait que l’Embraer 190 n’était plus sur la piste, il n’a pas détecté de conflit lorsque le Boeing 777 a commencé sa course au décollage et n’a émis d’alerte que bien après que les deux aéronefs aient interrompu leur décollage respectif et aient décéléré. Le contrôleur n’était pas au courant du conflit avant les interruptions de décollage, et n’a pas donné de directives pour résoudre le conflit.
Cet événement souligne l’importance de veiller à ce que ces systèmes transmettent, reçoivent et valident un statut d’envol exact afin de pouvoir en tirer le meilleur parti au point de vue de la sécurité. Les fabricants de systèmes de transpondeurs d’aéronefs et de systèmes A‑SMGCS équipés de RMCA, ainsi que les autorités de certification et les fournisseurs de services de circulation aérienne, sont encouragés à collaborer pour s’assurer que ces systèmes interagissent efficacement pour transmettre, recevoir et valider un statut d’envol exact. Cela permettra de s’assurer que les alertes fonctionnent comme prévu pour réduire le risque de collisions sur les pistes.
Le BST apprécierait être informé de toute mesure prise à cet égard, puisqu’elle pourrait être incluse dans notre rapport d’enquête. Une fois l’enquête no A20O0029 achevée, le Bureau publiera son rapport d’enquête sur cet événement.
Veuillez agréer l’expression de nos sentiments les meilleurs.
Original signé par
Natacha Van Themsche
Directrice des enquêtes – Air
Bureau de la sécurité des transports du Canada
cc:
- Ingénieur en chef, Honeywell Aerospace
- Directeur, Politique et renseignements sur la sécurité – Transports Canada, Aviation civile
- Président et chef de la direction, NAV CANADA
- Gestionnaires des produits pour les systèmes des tours, INDRA NAVIA
- Directeur des enquêtes sur les accidents, Federal Aviation Administration
- Division des recommandations de sécurité, chef, National Transportation Safety Board
- Centro de Investigação e Prevenção de Acidentes Aeronáuticos du Brésil (Centre d’enquête et de prévention des accidents aéronautiques) (CENIPA)
- Directeur exécutif, Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne