Recommandation sur la sécurité du transport maritime M94-21

Réévaluation de la réponse à la recommandation en matière de sécurité maritime M94-21

Arrimage de la cargaison en vue de la sécurité

Contexte

Alors que le Celine Metz se dirigeait vers le large dans le golfe du Saint-Laurent, la mer a donné au navire un mouvement de roulis prononcé qui a provoqué le ripage de la cargaison dans les cales. Le Celine Metz a pris de la gîte. Devant l’impossibilité de redresser le navire, le capitaine a décidé de rebrousser chemin vers le port afin d’assujettir la cargaison. Avant d’entreprendre la traversée de l’Atlantique, le navire a dû retourner au port une seconde fois pour corriger un problème semblable, quoique moins sérieux.

Le Bureau a effectué son enquête et a publié le rapport M91L3033 le 15 décembre 1994; il a déterminé que le Celine Metz a pris de la gîte à cause du ripage de la cargaison non assujettie dans les cales.

Recommandation M94-21 du Bureau (janvier 1995)

La règle 5 du chapitre VI de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS), qui porte sur l'arrimage et l'assujettissement, stipule ce qui suit :

Il faut charger, arrimer et assujettir les cargaisons et les unités de transport qui sont transportées en pontée ou dans les cales de manière à éviter, autant qu’il est possible dans la pratique et pendant toute la durée du voyage, les dangers, les avaries au navire et les blessures aux personnes à bord, et les pertes de cargaison par-dessus bord.

Lors de 12 voyages transatlantiques en direction est effectués en 1991, le Celine Metz et ses 4 navires-jumeaux ont été chargés dans les ports de Montréal et de Québec de la même façon que lors du voyage en cause, et ce, sans qu’aucune mesure particulière n’ait été prise pour assujettir la cargaison dans les cales. Aucun ripage de la cargaison n’a été signalé lors de ces voyages. Ces méthodes de chargement et d’assujettissement, bien qu’elles aient donné de bons résultats pendant les mois d’été, ne convenaient pas aux conditions hivernales.

L’arrimage et l’assujettissement de marchandises diverses s’avèrent coûteux en ce qui a trait aux matériaux et à la main-d’œuvre, et entraînent des frais d’exploitation élevés. Les travaux d’assujettissement faits conformément aux règles qui régissent l’industrie sont habituellement exécutés par des débardeurs, comme des charpentiers de marine au service de la compagnie de manutention locale, sous la surveillance du surintendant des opérations cargo (le subrécargue), les officiers du navire et, la plupart du temps, d’un inspecteur des cargaisons embauché par les propriétaires ou les assureurs du navire.

Il incombait au capitaine d’accepter ou non le plan d’arrimage et d’assujettissement proposé par le subrécargue; toutefois, pour économiser des frais de main-d’œuvre, le capitaine n’a pas accepté que les débardeurs assujettissent la cargaison dans les cales pendant que le navire était au port. On a sous-estimé les conséquences que pourrait avoir le ripage de la cargaison non assujettie dans les cales pendant la traversée de l’Atlantique Nord en décembre.

Au cours des 10 dernières années, on a signalé aux autorités canadiennes au moins 66 événements attribuables au ripage de la cargaison à bord de cargos pour marchandises diverses; 75 p. 100 de ces événements se sont produits entre les mois de novembre et d’avril. C’est en décembre qu’ont eu lieu le plus grand nombre d’incidents signalés, soit 23. De ces 66 événements, 35 concernaient le ripage en pleine mer de la cargaison en pontée, et 25 avaient trait au ripage en pleine mer de la cargaison dans les cales (dans les 6 autres cas, des marchandises non assujetties étaient tombées dans la cale pendant le chargement au port).

En vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada (LMMC), les gardiens de port doivent inspecter les cargaisons de grain, de bois d’œuvre en pontée et de concentrés. Le 12 janvier 1994, le Bureau de commerce de Montréal a décidé de fermer son bureau de gardien de port et de laisser à la Garde côtière canadienne (GCC) la responsabilité d’assurer l’arrimage sécuritaire de la cargaison des navires. Toutefois, le chargement et l’arrimage des marchandises diverses ne sont pas visés par les inspections courantes que font les gardiens de port des services de la Sécurité des navires de la GCC. Il incombe aux propriétaires et aux capitaines de veiller à ce que leurs navires soient en état de navigabilité et chargés de façon sécuritaire en tout temps.

Étant donné la fréquence des événements maritimes mettant en cause le ripage de la cargaison, et en raison des conséquences éventuelles de tels événements, le Bureau s’inquiète du fait que des cargos pour marchandises diverses soient autorisés à traverser l’Atlantique Nord pendant les mois d’hiver alors que la cargaison dans les cales n’est pas chargée ou assujettie de façon adéquate. Par conséquent, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports élargisse le cadre des activités des gardiens de port de la Garde côtière canadienne, de façon qu'ils inspectent aussi l'arrimage et l'assujettissement de la cargaison dans les cales et de toutes les cargaisons en pontée, à bord des navires qui appareillent de ports canadiens.
Recommandation M94-21 du BST

Réponse du Bureau à la recommandation M94-21 (avril 1995)

Le ministre des Transports n’accepte pas la recommandation.

Conformément à l’article 24(6) de la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports, la recommandation n’est pas acceptée pour les raisons suivantes :

  • Il incombe sans équivoque aux capitaines et aux officiers de cargos pour marchandises diverses de s’assurer que l’arrimage des cargaisons à bord est adéquat, et ce, avec l’aide d’inspecteurs privés de cargaisons possédant l’expertise requise dans ce domaine.
  • En vertu de la Convention STCW, le personnel certifié requis doit se trouver à bord de tous les navires.

De plus, l’Organisation maritime internationale (OMI) a ajouté le Code international de gestion de la sécurité (code ISM) à la SOLAS pour donner d’autres responsabilités aux propriétaires exploitants des navires. La recommandation supplanterait ces conventions internationales.

Le nombre d’incidents causés par ce type de problème ne justifie pas les ressources nécessaires à la mise en œuvre de la recommandation. Ainsi, un investissement considérable ne se traduirait que par une amélioration négligeable de la sécurité. Au cours des dernières années, environ 5600 navires étrangers ont visité des ports canadiens; de ce nombre, seuls quelques navires ont subi ce problème.

Toutefois, la GCC continuera à exercer un contrôle de certains problèmes, dont l’arrimage inadéquat des cargaisons, lorsqu’elle recevra des plaintes liées à des navires inaptes à la navigation, ou lorsque le contrôle d’un navire par l’État du port permettra de constater qu’un navire n’est pas adéquatement chargé; ces navires pourraient être retenus jusqu’à ce que leur cargaison ait été correctement arrimée et assujettie.

Évaluation du Bureau de la réponse à la recommandation M94-21 (juillet 1995)

Le ministère des Transports invoque un certain nombre de raisons expliquant son refus de la recommandation, mais fonde ce refus principalement sur le fait que la supervision de l’arrimage adéquat à bord de cargos pour marchandises diverses est la responsabilité des capitaines et des officiers de ces navires. Dans sa réponse, le ministère reconnaît l’existence de ce problème, mais indique que le nombre d’accidents causés par celui-ci ne justifie pas les ressources nécessaires à la mise en œuvre de la recommandation. De plus, le ministère s’attend à ce que le code ISM adopté par l’OMI en 1994 donne de nouvelles responsabilités aux propriétaires de navires et aux entreprises de gestion en ce qui concerne notamment le chargement et l’arrimage sécuritaires des cargaisons. Toutefois, ces nouvelles mesures s’appliquant aux cargos ne seront mises en œuvre que dans 7 ans.

En attendant, la GCC continuera à exercer le contrôle de l’arrimage inadéquat des cargaisons lorsqu’elle recevra une plainte à la suite d’un contrôle d’un navire par l’État du port. Si on constate qu’un navire n’est pas adéquatement chargé, on peut le retenir jusqu’à ce que son chargement ait été correctement arrimé et assujetti.

Dans sa réponse, le ministère n’a pas indiqué la prise de nouvelles mesures relatives à l’arrimage sécuritaire des cargaisons dans les cales. Toutefois, le Bureau est d’accord avec la position du ministère en ce qui concerne le nombre d’événements impliquant des cargaisons incorrectement arrimées et est conscient des ressources considérables qu’il faudrait investir pour améliorer la situation.

À la lumière de ces renseignements, on estime que la réponse est en partie satisfaisante.

Un gardien de port peut effectuer des inspections pour évaluer l’état et l’arrimage de cargaisons de grain dans les cales et de cargaisons en pontée, dont des cargaisons de bois d’œuvre, de grain ou de concentrés. On effectue de la surveillance par l’intermédiaire des contrôles de l’État du port; toutefois, ces contrôles ne comprennent pas l’inspection des cargaisons dans les cales. Il n’existe pas de règlements relatifs à l’inspection d’autres cargaisons dans les cales. TC considère que le dossier de cette recommandation est clos.

Conséquemment, le Bureau a attribué l’état inactif au présent dossier de lacune.

Mise à jour de Transports Canada concernant la recommandation M94-21 (décembre 2014)

Dans le cadre du régime de réglementation actuel de Transports Canada, l’article 104 du Règlement sur les cargaisons, la fumigation et l’outillage de chargement exige que le capitaine de tout navire effectuant un voyage international respecte les dispositions de la règle 5.6 du chapitre VI de la SOLAS en ce qui concerne l’assujettissement de la cargaison et qu’un manuel d’assujettissement de la cargaison approuvé se trouve à bord.

TC ne croit pas qu’il s’agit d’un problème répandu et n’a pas connaissance d’un incident récent causé par l’arrimage inadéquat de cargaisons dans les cales.

Les inspecteurs de la sécurité maritime effectuent des inspections obligatoires de cargaisons en pontée de grain, de concentrés ou de bois d’œuvre, ainsi que des inspections sur place de marchandises dangereuses transportées par conteneur, car il s’agit de cargaisons à risques élevés. S’il existe des raisons suffisantes de croire que l’arrimage d’une cargaison à bord d’un navire n’est pas conforme aux règlements correspondants de l’OMI, on peut ajouter au contrôle du navire par l’État une vérification visant à déterminer si l’équipage du navire se réfère au manuel d’assujettissement de la cargaison approuvé lors de l’arrimage des cargaisons.

Les marchandises générales ne font pas partie du groupe à risques élevés. Le capitaine assume la responsabilité finale en ce qui concerne l’arrimage sécuritaire de la cargaison selon le manuel d’assujettissement de la cargaison approuvé du navire. Comme le régime d’inspection actuel est adéquat, des ressources suffisantes sont allouées à l’inspection des cargaisons à risques élevés.

Conséquemment, le Bureau a attribué l’état actif au présent dossier de lacune le 1er avril 2015.

Réponse de Transports Canada à la recommandation M94-21 (décembre 2015)

TC a indiqué qu’aucune mise à jour ne s’appliquait à cette recommandation pour 2015.

Réévaluation par le Bureau de la réponse à la recommandation M94-21 (mars 2016)

De 1994 (l’année où la recommandation a été émise) à 2015, on a signalé au BST seulement 5 événements liés à l’arrimage des cargaisons dans les cales et 2 événements liés aux cargaisons en pontée à bord de cargos pour marchandises diverses. Aucun de ces événements n’a causé de décès, de pollution ou d’avaries majeures aux navires. Le Bureau considère que les risques définis dans la recommandation M94-21 sont faibles en raison de l’envergure du commerce de marchandises diverses au Canada, la faible fréquence des événements, et l’absence de conséquences graves.

En raison du régime d’inspections actuel, des exigences liées à l’utilisation d’un manuel d’affranchissement de la cargaison et des faibles risques définis dans la recommandation, on juge que la réponse est entièrement satisfaisante.

Le présent dossier est fermé.