Déraillement de train en voie principale
VIA Rail Canada Inc.
Train no 14
Point milliaire 15,27, subdivision de Newcastle de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Coal Branch (Nouveau-Brunswick)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 4 avril 2019, vers 12 h 35, heure avancée de l’Atlantique, le train de voyageurs no 14 de VIA Rail Canada Inc. (VIA) (VIA 14 ou « le train ») roulait vers l’est à environ 60 mi/h lorsque les 2 derniers wagons (VIA 7600 et VIA 8711) ont déraillé au point milliaire 15,27 de la subdivision de Newcastle de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN). VIA 14 traversait le passage à niveau du chemin Lakeville lorsque les 2 voitures passagers ont déraillé, sans se renverser. Le train s’est immobilisé avec la locomotive de tête au point milliaire 14,2. Trois passagers ont subi des blessures légères. Aucune marchandise dangereuse n’a été en cause.
1.0 Renseignements de base
Vers 10 h 15Note de bas de page 1 le 4 avril 2019, un contremaître du CN effectuant une inspection de la voie dans un camion rail-route est passé dans la zone de l’événement, sans signaler de condition anormale de la voie. Le train de marchandise no 569 du CN, formé de 1 locomotive et de 3 wagons, est également passé dans cette zone vers 10 h 38; aucune inégalité de la voie n’a été signalée par l’équipe.
Le train no 14 de VIA était formé de 2 locomotives de série 6400 en tête (VIA 6418 et VIA 6421), de 13 voitures Renaissance et de 1 voiture ParcNote de bas de page 2 (ou voiture-dôme) à alimentation électrique de service (AES). Il y avait 94 passagers et 14 employés de VIA à bord.
Vers 7 h 50 le 4 avril 2019, VIA 14 s’est arrêté à Campbellton (Nouveau-Brunswick) pour effectuer un changement d’équipe. L’équipe d’exploitation était formée de 2 mécaniciens de locomotive qualifiés : un mécanicien de locomotive aux commandes et un mécanicien de locomotive responsable. Le mécanicien de locomotive aux commandes occupait le côté droit de la cabine de la locomotive. Le mécanicien de locomotive responsable occupait le côté gauche de la cabine et était chargé de diverses tâches comme les communications radio, la consignation des autorisations reçues et l’intervention en cas d’urgence.
1.1 L’événement
Le 4 avril 2019, vers 12 h 35, alors qu’il se dirigeait vers l’est à environ 60 mi/h, VIA 14 s’approchait du passage à niveau public du chemin Lakeville au point milliaire 15,27 de la subdivision de Newcastle à Coal Branch, au Nouveau-Brunswick (figure 1). Alors que les locomotives franchissaient le passage à niveau, l’équipe d’exploitation a senti que le train passait sur des inégalités de la voie. Quelques secondes plus tard, l’équipe a reçu un appel radio du directeur des services, qui se trouvait dans la 4e voiture, signalant qu’il y avait eu un choc violent. L’équipe d’exploitation a discuté de la situation et a attribué le choc violent signalé aux inégalités de la voie qu’elle avait ressenti quelques secondes plus tôt; elle a envisagé de signaler le problème au CN aux fins de suivi.
Alors que VIA 14 s’approchait d’un pont situé au point milliaire 14,9, environ 1950 pieds à l’est du passage à niveau, le manipulateur a été déplacé du cran 5 au cran 8 (pleine puissance). Alors que le train traversait le pont, il a commencé à ralentir de manière imprévue. L’équipe d’exploitation a cherché la cause de la perte de vitesse et a remarqué, par les rétroviseurs extérieurs de la locomotive, les signes d’un déraillement possible de la queue du train. L’équipe a amorcé le serrage des freins, immobilisant le train de façon contrôlée au point milliaire 14,2, à un peu plus de 1 mille du passage à niveau (figure 2). Les freins ont été serrés 1 minute et 9 secondes après que les voitures eurent déraillé et que le train eut ralenti à environ 15 mi/h.
Après inspection, l’équipe d’exploitation a constaté que les 2 dernières voitures avaient déraillé sans se renverser et étaient toujours attelées au train (figure 3). Aucun freinage d’urgence n’a été déclenché par la conduite générale ou par un occupant du train.
Conformément aux exigences réglementaires applicables, l’équipe d’exploitation a fait un appel d’urgence au contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF). Les intervenants d’urgence, composés du service d’incendie local de Beersville-Harcourt, des ambulanciers paramédicaux et de la Gendarmerie royale du Canada, ont été dépêchés et sont arrivés sur les lieux environ 15 minutes plus tard. Trois des passagers, ayant subi des blessures mineures, ont été évalués sur place par les ambulanciers. Environ 4 heures après le déraillement, tous les passagers avaient été transférés dans des autobus et avaient quitté le lieu de l’événement dans ce moyen de transport de rechange.
Au moment de l’événement, la température était de 1 °C, le ciel était couvert et la visibilité était bonne. La nuit précédente, 9 cm de neige étaient tombés dans le secteur.
1.2 Examen des lieux
Au passage à niveau du chemin Lakeville, il manquait une section du champignon de rail d’environ 119 pouces de longueur du côté nord de la voie au point milliaire 15,27. On a déterminé qu’il s’agissait du point de déraillement. La section manquante de la voie s’était brisée en multiples fragments, dont la majorité a été récupérée dans les environs du passage à niveau. Des marques au sol ont été remarquées sur la surface du passage à niveau et sur le côté extérieur de la voie. L’écartement des rails mesuré à l’extrémité ouest du passage à niveau était de 57 pouces, ce qui est inférieur à la limite d’écartement admissible (57 ½ pouces). De l’usure a été constatée à la base du rail au niveau des selles.
Au point milliaire 14,9 de la subdivision de Newcastle du CN, il y avait un pont d’acier à tablier ajouré. Le pont avait une longueur de 133,5 pieds et s’appuyait sur 2 culées de pierres, 2 piles de pierre et une assise de pont de béton. Sur le pont, la voie était constituée de rails de 100 livres, avec des contre-rails (aussi appelés rails Jordan)Note de bas de page 3 de 100 livres installés à 9 pouces des rails de roulement. La culée de pierre du côté nord-ouest du pont avait été endommagée par la collision avec l’une des voitures déraillées. Les contre-rails et environ 100 traverses avaient également subi des dommages au cours de l’événement (figure 4 et 5).
Les 2 voitures de queue de VIA 14 avaient déraillé :
- La 14e voiture (VIA 8711) avait fait dérailler tous ses essieux montés, mais était demeurée en position verticale. Les essieux montés, les châssis de bogie, le réservoir d’air et les divers éléments du système de freinage avaient été endommagés. Des marques d’impact étaient visibles dans le coin droit du bout B, probablement causées par le contact avec la culée du pont au cours du déraillement.
- La 13e voiture (VIA 7600) avait fait dérailler ses 2 essieux montés arrières, mais était demeurée en position verticale. Le dessous de la voiture, les essieux arrière, le châssis de bogie et divers éléments du système de freinage avaient été endommagés.
Le reste du train n’avait pas déraillé. Tous les essieux montés de la 2e à la 12e voiture présentaient des marques d’impact sur les roues du côté nord, probablement causées par le contact avec le rail brisé (figure 6). Ces marques étaient progressivement moins visibles sur les essieux montés des voitures vers la tête. Sur les locomotives et la première voiture, aucune marque n’était visible sur les essieux montés.
L’intérieur de la 14e voiture (VIA 8711) avait été endommagé. Des articles non fixés, comme des cafetières et des chaises pliantes, s’étaient déplacés dans la voiture. Des bancs et des fauteuils repliables s’étaient détachés, bloquant une porte vers les chambres à coucher (figure 7). Des panneaux du plafond s’étaient partiellement détachés au-dessus de la section des sièges panoramique (figure 8).
Le soufflet de la plateforme entre la 14e voiture et la 13e voiture était comprimé et décentré. Cependant, le passage entre ces 2 voitures n’était pas obstrué.
1.3 Évacuation des passagers de VIA 8711
Au cours du déraillement, les 6 occupants (5 passagers et 1 employé des services dans les trains) de la 14e voiture ont tenté de ne pas être ballottés en se tenant à des éléments de la cabine solidement fixés. Une fois le train complètement immobilisé, l’employé des services dans les trains de la 14e voiture a donné verbalement des instructions d’évacuation d’urgence. Puisque la voiture de devant (13e voiture) avait déraillé, l’employé des services dans les trains a d’abord envisagé de faire évacuer les 5 passagers par les sorties normales et de secours. Cependant, les passagers n’aimaient pas l’idée de sortir du train, dans le froid, en empruntant les portes et les marches disponibles. Après avoir évalué la situation, et avec l’aide du directeur des services, les 5 passagers ont été évacués de la 14e voiture vers la section avant du train, en passant par la 13e voiture.
1.4 Renseignements sur le train
VIA 14 est un train de voyageurs qui effectue la liaison Montréal-Halifax 3 fois par semaine. Le jour de l’événement, il était composé de 2 locomotives et de 14 voitures. Le train avait subi une inspection autorisée avant son départ de Montréal. Treize des voitures étaient des voitures Renaissance, dont certaines étaient configurées pour des passagers assis et d’autres pour offrir des chambres à coucher, des douches et des aires de dîner et de bagages. La 13e voiture (VIA 7600), une voiture Renaissance vide, était utilisée comme voiture de transitionNote de bas de page 4 entre la voiture-dôme et les autres voitures Renaissance du train.
La 14e voiture (VIA 8711), une voiture-dôme, était une voiture-lit construite par la compagnie BUDD en 1954.
Chaque voiture du train était munie de poignées de freinage d’urgence que les occupants de la voiture pouvaient utiliser pour déclencher un freinage d’urgence. La 14e voiture (VIA 8711) avait 3 de ces poignées de freinage. Lorsqu’une poignée de freinage est actionnée, les freins d’urgence sont appliqués à chaque voiture et chaque locomotive pour immobiliser le train.
1.5 Renseignements sur le personnel
1.5.1 Équipe d’exploitation
Les 2 mécaniciens de locomotive étaient qualifiés pour leur poste respectif et satisfaisaient aux exigences de repos et d’aptitude au travail. Tous deux connaissaient bien le territoire et avaient commencé leur quart de travail sur VIA 14 à Campbellton à 7 h 10, le 4 avril 2019.
1.5.2 Employés des services dans les trains
Le personnel des services dans les trains était composé de 11 employés de service : un directeur des services, un coordonnateur des services, un coordonnateur des services adjoints et 8 préposés principaux. Un employé de l’entretien de l’équipement était également à bord. Tous les employés répondaient aux exigences de leurs fonctions respectives et connaissaient bien le territoire.
Les employés des services dans les trains, qui sont chacun affecté à une section particulière du train, sont responsables d’assurer la sécurité et le confort des passagers. Habituellement, c’est le directeur des services qui communique avec l’équipe d’exploitation par radio, au besoin.
1.6 Moyen de communication pour le personnel des services dans les trains
Chaque employé des services dans les trains reçoit une radio portative personnelle et un téléphone cellulaire. Les radios portatives, qui offrent une capacité de communication immédiate au moyen d’un bouton d’émission-réception, sont utilisées par les employés des services dans les trains tout au long de leur quart de travail pour communiquer avec leurs collègues et avec le directeur des services sur une fréquence exclusive. Ces radios portatives sont également utilisées dans les situations d’urgence, conformément aux procédures d’appels d’urgence de VIANote de bas de page 5.
Dans l’événement à l’étude, les numéros des membres de l’équipe d’exploitation n’étaient pas enregistrés dans le menu de composition rapide du téléphone cellulaire des services dans les trains.
Il n’est pas inhabituel que le directeur des services utilise une fréquence radio exclusive différente pour communiquer avec l’équipe d’exploitation, au besoin. En cas d’urgence, les autres membres du personnel des services dans les trains peuvent également joindre directement l’équipe d’exploitation en réglant leur radio portative à la fréquence appropriée.
Ces radios portatives ont une pince de ceinture intégrée (figure 9).
VIA offre également aux employés des services dans les trains différents types d’étuis pour radio (figure 10). Ces accessoires, que les employés de VIA sont libres d’utiliser ou non, protègent les radios des chocs externes et permettent aux employés de porter la radio plus facilement.
Dans l’événement à l’étude, l’employé des services dans les trains qui se trouvait dans la 14e voiture avait attaché sa radio portative à sa ceinture au moyen de la pince de ceinture en plastique intégrée. En raison des importantes forces dynamiques générées par le déraillement de la voiture, la radio s’est détachée de la ceinture de l’employé, a été projetée hors de la portée de l’employé et a perdu sa batterie. Ainsi, l’employé ne disposait plus que de son téléphone cellulaire, et n’avait aucun moyen pour communiquer immédiatement avec l’équipe d’exploitation.
Après le déraillement, alors que le train était toujours en mouvement, l’employé des services dans les trains s’accrochait à un élément fixe de la cabine et ne pouvait pas atteindre l’une des poignées de freinage d’urgence de la voiture.
Depuis 1997, le BST a enquêté sur 3 autres événements mettant en cause des problèmes associés à la fixation de la radio (annexe A).
1.7 Renseignements sur la subdivision
La subdivision de Newcastle du CN est une voie principale unique qui s’étend de Catamnount, au Nouveau-Brunswick (point milliaire 0,0), à Campbellton (point milliaire 173,2). Les mouvements de train y sont régis par le système de régulation de l’occupation de la voie (ROV), conformément au Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada, et ils sont supervisés par un CCF en poste à Montréal. Le territoire du ROV est sans signalisation (également appelé zone exempte de signalisation) : les mouvements sont contrôlés au moyen d’autorisations, de permis d’occuper la voie, de bulletins de marche et d’autres instructions. Puisqu’il n’y a aucun système centralisé pour surveiller l’intégrité la voie sur le territoire du ROV, les rails endommagés ne sont pas systématiquement détectés en temps réel. Par conséquent, le système s’appuie sur les inspections de la voieNote de bas de page 6 et les rapports des équipes d’exploitation pour déterminer où des problèmes de voie sont susceptibles d’apparaître.
La circulation ferroviaire dans la région du passage à niveau est d’en moyenne 2 trains par jour (voyageurs et marchandises), avec un tonnage annuel moyen d’environ 1,1 million de tonnes brutesNote de bas de page 7.
1.8 Détails de la voie
La voie est entretenue comme une voie de catégorie 3 selon le Règlement concernant la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada (TC), aussi appelé Règlement sur la sécurité de la voie (RSV). La voie est principalement formée de longs rails soudés de 100 livres posés sur des traverses en bois et du ballast. La vitesse maximale autorisée est de 60 mi/h pour les trains de voyageurs et de 40 mi/h pour les trains de marchandises.
1.9 Passage à niveau du chemin Lakeville
Le passage à niveau du chemin Lakeville au point milliaire 15,27 est un passage à niveau public protégé par des panneaux standards de passage de voie ferrée (croix de Saint-André) et des panneaux d’arrêt. Le passage à niveau est constitué de planches de bois, de rails de 100 livres, d’un garde-boue de caoutchouc et d’une surface asphaltée. Il est situé à environ 100 pieds d’une route à 2 voies. L’épandage de sel et de sable est fréquent sur cette route en hiver.
1.10 Inspections et entretien de la voie
1.10.1 Exigences réglementaires et de la compagnie pour les inspections et l’entretien des voies
Le RSV énonce les normes minimales d’entretien et les exigences d’inspections de la voie connexes. Les règles stipulent que « [c]haque chemin de fer doit définir par écrit ses exigences en matière d’usure et de retrait des railsNote de bas de page 8 ». Elles ne comportent aucune disposition concernant la corrosion des rails.
Afin de fournir d’autres directives concernant les inspections et l’entretien de la voie, le CN a élaboré ses Normes de la voie de l’Ingénierie, qui respectent ou surpassent les exigences du RSV. Ces normes ne contiennent aucune exigence particulière concernant la corrosion des rails en général ou la corrosion de l’âme du rail en particulier.
Bien que les organismes de réglementation en Amérique du Nord ne mentionnent pas expressément la corrosion parmi les éléments à inclure dans les inspections de la voie, un organisme de réglementation en Australie le fait dans son manuel sur les irrégularitésNote de bas de page 9, sans toutefois préciser de limite à ne pas dépasser.
1.10.2 Inspections et entretien de la voie dans la subdivision de Newcastle
Les inspections de la voie par le CN dans la subdivision de Newcastle étaient effectuées à des fréquences prédéterminées, conformément au RSV.
Dans les environs du passage à niveau du chemin Lakeville, les plus récentes inspections de la voie étaient les suivantes :
- Une inspection visuelle par véhicule rail-route le 4 avril 2019. Aucun défaut n’avait été relevé.
- Une inspection ultrasonique de détection des défauts de rail le 28 décembre 2018 par Herzog Services, Inc. Aucun défaut de rail interne n’avait été relevé dans ce secteur.
- Une inspection de l’état géométrique de la voie le 4 octobre 2018. Aucune anomalie n’avait été relevée.
L’enquête n’a pas permis de déterminer la date de la dernière remise en état du passage à niveau du chemin Lakeville.
1.10.3 Techniques d’inspection de la voie
Les inspections visuelles sont conçues pour permettre la détection des défauts visibles dans la structure de la voie, comme les rails endommagés ou le surécartement. Elles sont menées par un inspecteur de voies qualifié, normalement à bord d’un véhicule rail-route. Pendant que le véhicule se déplace sur les rails, l’inspecteur cherche des anomalies en écoutant les bruits et en inspectant visuellement les éléments de la voie. Une inspection visuelle plus détaillée peut également être effectuée à pied, au besoin. Aux passages à niveau, en raison de la structure même du passage, seul le champignon du rail est habituellement exposé et peut faire l’objet d’une inspection visuelle. L’âme et le patin du rail ne sont en général pas visibles, à moins d’enlever la structure du passage.
L’inspection ultrasonique de détection des défauts de rail est la méthode privilégiée pour détecter les défauts de rail internes. Ce type d’inspection est effectué au moyen de matériel roulant spécialisé ou de véhicules rail-route modifiés. Les ondes ultrasoniques sont envoyées dans le rail, par le haut, pour chercher les défauts internes. Les données recueillies sont alors analysées et transmises à la compagnie de chemin de fer afin qu’elle prenne les mesures appropriées. Ce type d’inspection n’est actuellement pas conçu pour détecter la corrosion de l’âme et du patin du rail aux passages à niveau.
Les inspections de l’état géométrique de la voie sont effectuées afin de mesurer plusieurs éléments de la géométrie de la voie, comme l’alignement, le nivellement transversal, la surface, l’écartement et l’usure des rails. Ces inspections peuvent être effectuées par un véhicule rail-route spécialisé, un matériel roulant autopropulsé ou un wagon modifié.
Aucune de ces techniques d’inspection de la voie n’est expressément conçue pour mesurer l’épaisseur de l’âme du rail.
1.10.3.1 Contrôles ultrasoniques de détection des défauts de rail
Les contrôles ultrasoniques offrent une façon rentable et efficiente pour contrôler les défauts dans le rail. Un programme régulier de contrôles ultrasoniques aide à réduire au minimum le nombre de ruptures de rail qui se produisent au cours de l’exploitation des trains en détectant les défauts avant qu’ils ne deviennent des ruptures. La technologie pour l’inspection ultrasonique (c.-à-d. le matériel, les logiciels et les algorithmes de détection des défauts) est en constante évolution, ce qui permet d’améliorer la capacité de détecter des défauts présentant un intérêt particulier.
Le Manual for Railway Engineering de la American Railway Engineering and Maintenance-of-Way Association (AREMA) présente des lignes directrices en matière de rendement minimal recommandé des contrôles ultrasoniques des railsNote de bas de page 10. Cette ligne directrice est souvent utilisée comme comme fondement d'une entente entre le fournisseur de contrôles de rail et la compagnie de chemin de fer concernant la norme de rendement minimal acceptable.
Comme pour toutes les méthodes de contrôle non destructif, les contrôles ultrasoniques ont des limites. Bien que la technologie réussisse en général à détecter les défauts dans le champignon du rail, elle est moins efficace pour détecter les défauts situés plus profondément dans l’âme ou le patin du rail. La capacité de détecter les défauts dépend de leur taille et de leur orientation et peut être affectée par les conditions de surface du rail, comme la présence de graisse ou de saletés sur le champignon du rail, ce qui est courant aux passages à niveau.
Les contrôles ultrasoniques pourraient être utilisés pour détecter la perte de matière, comme la corrosion, dans l’âme en repositionnant les scanneurs, mais ils ne sont présentement pas conçus pour le faire. Par exemple, cette technologie pourrait être utilisée dans des endroits où un seul côté de l’âme du rail est accessible. Les contrôles ultrasoniques actuels ne peuvent pas être utilisés pour détecter la perte de matériel dans l’âme du rail aux passages à niveau sans retirer la surface du passage à niveau.
1.11 Examen du rail rompu
Dans l’événement à l’étude, une section du champignon de rail d’environ 119 pouces de longueur manquait du côté nord du passage à niveau du chemin Lakeville (point milliaire 15,27). Au cours du déraillement, cette section de rail s’était brisée en plusieurs morceaux, dont la majorité a été récupérée aux environs du passage à niveau. Environ 7 pouces du patin du rail, 12 pouces du champignon du rail et quelques segments de l’âme sont restés introuvables. Les morceaux récupérés du rail rompu ont été envoyés au laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa aux fins d’examen approfondi (figure 11).
Le rail était un long rail soudé de 100 livres fabriqué par Sydney en 1989. On a noté ce qui suit :
- Des multiples morceaux de rail récupérés, 1 morceau, situé à entre 40 et 46 pouces du point de fracture le plus à l’est du rail, présentait une entaille profonde sur le côté extérieur.
- Tous les fragments de rail montraient une forte corrosion généralisée, particulièrement sur l’âme et le patin du rail.
- Il y avait eu une perte importante de matière (figure 12). L’âme du rail s’est corrodée jusqu’à atteindre une épaisseur d’environ 0,16 pouce (4 mm) à son point le plus mince, près du centre du passage à niveau, soit moins du tiers de son épaisseur originale de 0,56 pouce (14,28 mm) (figure 13).
- L’âme du rail rupturé avait une épaisseur d’environ 0,43 pouce (11 mm) à son extrémité est et une épaisseur d’environ 0,28 pouce (7 mm) à son extrémité ouest.
L’examen du laboratoire n’a révélé aucun défaut interne préexistant dans le rail. La possibilité d’impacts externes a été éliminée en raison de la direction et de la forme des marques de collisions sur le rail.
L’examen des surfaces de fracture portait à croire que les fragments du champignon du rail dans la partie est du rail rompu étaient tombés du côté intérieur du rail, alors que le reste des fragments du champignon du rail était tombé du côté extérieur. Toutes les surfaces de fracture des fragments de rail avaient une apparence granulaire grossière typique des fractures par contrainte excessive. On n’a relevé aucun signe de fatigue.
Les écailles de corrosion sur le rail à l’étude ont été analysées par spectrométrie de rayons X à dispersion d’énergie dans un microscope électronique à balayage. On a noté ce qui suit :
- Une région analysée contenait principalement de l’oxyde de fer, avec des traces de sodium et de chlore.
- D’autres régions contenaient de nombreux éléments étrangers à l’acier et à l’oxyde de fer : le sodium, le silicium, le chlore, le magnésium, l’aluminium, le potassium et le calcium.
Ces éléments étrangers se trouvent habituellement dans les sables et les sels, qui sont en général épandus par les autorités routières pour gérer la neige et la glace et sont souvent transférés depuis la surface de la route.
L’amincissement de l’âme du rail, qui a amoindri la capacité du rail à résister aux charges verticales et latérales, a été causé par la corrosion. La corrosion du rail se produit lorsque les aciers ordinaires réagissent aux conditions environnementales, entraînant l’oxydation. Les aciers ordinaires ont des taux de corrosion plus faibles dans les atmosphères ouvertes sèches, mais le taux de corrosion augmente en présence d’humidité et de chlorures ou dans les environnements salins.
Aux passages à niveau, le rail peut être exposé à des débris routiers, comme le sel et le sable déposés par les véhicules qui passent, créant un environnement corrosif.
1.12 Signes et indicateurs d’un déraillement pour les membres de l’équipe d’exploitation
Pour l’équipe d’exploitation, le premier indice qu’une ou plusieurs voitures du train ont déraillé est souvent le freinage d’urgence déclenché par la conduite générale du train ou par un occupant d’une voiture (c’est-à-dire un passager ou un employé des services). Lorsqu’il n’y a pas de freinage d’urgence, les membres de l’équipe d’exploitation doivent compter sur des indices dans le comportement du train ou sur les renseignements provenant d’autres sources, comme le personnel des services dans les trains ou les employés ferroviaires en bordure de la voie.
Dans l’événement à l’étude, les 2 voitures qui ont déraillé étaient demeurées en position verticale et attelées; l’avant-dernière voiture est était restée plus ou moins alignée avec le reste du train, alors que la dernière voiture était clairement de travers. La conduite d’air flexible qui reliait le matériel roulant déraillé ne s’est pas déconnectée et, par conséquent, aucun freinage d’urgence n’a été déclenché par la conduite générale du train.
Dans le cas d’un freinage d’urgence déclenché par un occupant d’une voiture, un des occupants doit tirer sur l’une des poignées de freinage d’urgence dans la voiture, ce qui entraîne le serrage automatique des freins d’urgence du train. Dans l’événement à l’étude, les occupants de la 14e voiture, y compris l’employé des services dans les trains, s’étaient agrippés à des éléments fixes de la cabine afin d’éviter d’être projetés par les importantes forces dynamiques lors du déraillement et, par conséquent, ils n’ont pas pu atteindre et actionner l’une des poignées de freinage d’urgence.
Alors que le train traversait le passage à niveau, les membres de l’équipe d’exploitation ont été secoués et, ensuite, un choc violent leur a été signalé par la 4e voiture. L’équipe d’exploitation a attribué ces événements à des inégalités de la voie au passage à niveau et n’a pas immédiatement envisagé qu’un déraillement s’était produit. À ce moment, le train montait une pente de 1,0 %, et alors qu’il s’approchait du pont, son manipulateur avait été graduellement poussé jusqu’à la position de plein régime. Lorsque le train a commencé à perdre de la vitesse, l’équipe a d’abord soupçonné une perte de puissance de la deuxième locomotive. Puisqu’ aucune alarme ni aucun avertissement ne s’est déclenché pour indiquer une perte de puissance, l’équipe a cherché une autre cause. En regardant dans les rétroviseurs latéraux de la locomotive, l’équipe a vu des signes d’un déraillement possible à l’arrière du train. Elle a alors serré les freins, arrêtant le train en douceur et de manière contrôlée. Les freins ont été serrés 1 minute et 9 secondes après que les voitures eurent déraillé et que le train eut ralenti à environ 15 mi/h.
L’équipe d’exploitation n’a pas été rapidement informée du déraillement par l’employé des services dans les trains qui était dans la 14e voiture. Cet employé avait perdu sa radio au cours du déraillement et n’avait aucun moyen de communiquer immédiatement avec le reste de l’équipe.
Depuis 1991, le BST a enquêté sur 4 autres événements dans lesquels un train VIA ayant déraillé a continué de rouler sur l’emprise ferroviaire sans que l’équipe d’exploitation se soit immédiatement rendu compte du déraillement (annexe B)Note de bas de page 11.
Ailleurs dans le monde, par exemple en Europe, on mène depuis quelques années des activités de recherche et développement sur des technologies électroniques et mécaniques permettant de reconnaître les signes précurseurs de déraillement et de détecter les déraillements. La mise au point de systèmes électroniques capables de reconnaître et d’atténuer les signes précurseurs de déraillement est en cours, mais des systèmes mécaniques qui peuvent être adaptés aux châssis de bogie du matériel roulant existant sont disponiblesNote de bas de page 12. Ces appareils mécaniques à fonctionnement pneumatique comprennent notamment le Knorr-Bremse EDT101, qui peut être utilisé dans les activités de transport de marchandises et de voyageursNote de bas de page 13, et le Wabtec MDV100, qui peut être utilisé dans les activités de transport de marchandises. Ces appareils, qui déclenchent un freinage d’urgence lorsqu’ils détectent un déraillement et qui ne requièrent aucune alimentation électrique, sont présentement utilisés par plusieurs compagnies de chemin de fer européennes, mais leur mise en œuvre n’est toutefois pas obligatoire. Aucun système embarqué spécialisé de détection des déraillements n’est présentement utilisé au Canada.
1.12.1 Modèle mental de l’équipe d’exploitation
Bien que les modèles mentaux et les présomptions relatives à l’environnement soient utiles pour aider une personne à filtrer et organiser de grandes quantités de renseignements, et à prendre les mesures qui s’imposent, rapidement et sans erreur, il peut y avoir une certaine discordance lorsque le modèle mental ne correspond pas à la réalité. Ainsi, lorsqu’une personne reçoit des renseignements qui vont à l’encontre de ses attentes, sa réponse a tendance à être plus lente ou inappropriée.
Il n’est pas rare que les équipes d’exploitation doivent composer avec des inégalités de la voie au cours des cycles de gel et de dégel susceptibles de se produire au moment de l’année où l’événement à l’étude a eu lieu. Lorsque des trains sont exploités dans ces circonstances, les modèles mentaux et les attentes des équipes sont probablement dictés par leurs expériences antérieures et leur formation. Ainsi, par défaut, les équipes seront portées à poursuivre l’exploitation normale du train.
Lorsqu’un moteur subit une perte de puissance en montée sur une voie en pente, le train ralentit et des avertissements ou des alarmes s’affichent dans la cabine de la locomotive. Lors de l’exploitation de trains sur une voie en pente, les réactions des membres de l’équipe sont fondées sur leurs expériences antérieures et sur leur formation.
1.13 Sécurité des voyageurs
1.13.1 Exigences réglementaires concernant la sécurité des voyageurs en cas d’urgence
Le Règlement relatif à la sécurité des voyageursNote de bas de page 14 de Transports Canada énonce les normes minimales de sécurité relatives à la façon dont les compagnies de chemin de fer s'occupent des voyageurs. Ces règles exigent qu’un plan écrit soit en place pour assurer la sécurité des voyageurs dans une situation d’urgence et renvoient à la Circulaire no O-6 de l’Association des chemins de fer du Canada (ACFC) intitulée Sécurité des voyageurs et directives en cas d’urgenceNote de bas de page 15.
La circulaire de l’ACFC présente la méthode pour effectuer une évacuation lors d’une urgence. Elle indique ce qui suit :
12.2 Méthode d’évacuation
Il faut choisir la méthode d’évacuation qui offre le plus de sécurité et le moins d’inconfort possible pour les voyageurs. Il faut éviter de faire sortir les gens sur la voie, à moins qu’il n’y ait pas d’autre issue possible. Les méthodes d’évacuation à privilégier sont, dans l’ordre :
- d’une voiture à une autre voiture;
- du train au quai d’une gare;
- du train à un passage à niveau public ou privé;
- d’un train à un autre;
- du train à la voieNote de bas de page 16.
Selon la circulaire de l’ACFC, le personnel de bord doit être formé, évalué et qualifié en ce qui concerne le plan de sécurité des voyageurs de la compagnie ferroviaire, y compris les premiers soins et l’évacuation sécuritaire des voyageurs au cours d’une urgence.
Les procédures de préparation aux situations d’urgences et d’intervention en cas d’urgence de VIA sont incluses dans le document Guide Services dans les trains de la compagnie.
1.13.2 Exigences réglementaires en matière de sécurité des voyageurs
Le Règlement relatif à l’inspection et à la sécurité des voitures voyageursNote de bas de page 17 de TC énonce les normes minimales de sécurité applicables aux voitures de voyageurs exploitées par les compagnies de chemin de fer dans des trains circulant à des vitesses ne dépassant pas 125 mi/h (200 km/h). Ces exigences réglementaires s’appliquent au nouvel équipement commandé après le 1er avril 2001 et comprennent des dispositions concernant la fixation des sièges des voyageursNote de bas de page 18.
1.13.3 Voitures-dômes de VIA Rail Canada Inc.
VIA exploite présentement environ 110 voitures à alimentation électrique de service (AES) pour offrir des services spécialisés comme les salles à manger et les chambres à coucher, ainsi que les voitures-dômes. Les voitures AES dans la flotte de VIA sont des voitures plus vieilles construites entre les années 1940 et 1960. Par conséquent, elles ne sont pas assujetties aux normes de sécurité modernes mises en place par le Règlement relatif à l’inspection et à la sécurité des voitures voyageurs.
Les voitures plus agées de la flotte de VIA, y compris les voitures-dômes, ont subi plusieurs mises à niveau au fil des années. Les mises à niveau de sécurité dans les voitures-dômes comprenaient l’installation de fenêtres de sortie de secours, la fixation de divers meubles et l’installation de dispositifs de retenue pour les bagages de cabine. Cependant, les chaises pliantes et d’autres articles pour s’asseoir n’ont pas été fixés.
En 2018, VIA a lancé le « Programme Héritage », qui vise à rénover et à moderniser une grande partie du matériel de sa flotte, y compris certaines des voitures AES. La flotte de voitures-dômes, que VIA entend maintenir en service pendant jusqu’à 25 ans encore, ne fait pas partie de ce programme de rénovation.
Chaque voiture-dôme dans la flotte de VIA comprend 3 chambres à coucher, 24 sièges permanents fixes dans le dôme (6 rangées de 2 paires de sièges tournés vers l’avant) et un salon panoramique à l’arrière. Le salon panoramique arrière est généralement meublé de 10 chaises longues tournées vers l’intérieur. Chaque chaise longue est mobile et pèse environ 60 livres. Les chambres à coucher comprennent en général un banc repliable fixé ainsi que 2 chaises pliantes individuelles, qui ne sont pas fixées.
Il y a 4 portes de sortie d’urgence dans chaque voiture-dôme :
- 2 près des escaliers, à gauche et à droite, à l’avant de la voiture;
- 1 accessible par la porte de la plateforme à l’avant de la voiture;
- 1 à l’arrière de la voiture.
Plusieurs fenêtres de sortie de secours sont situées dans les chambres à coucher, le buffet-bar et la section du dôme.
1.13.4 Enquêtes précédentes du BST concernant des problèmes relatifs à la sécurité des occupants dans les trains de voyageurs
Depuis 1997, le BST a enquêté sur 6 événements ferroviaires où un certain nombre de problèmes relatifs à la sécurité des occupants ont été cernés (annexe C)Note de bas de page 19. Les problèmes relevés comprenaient des meubles et des bagages non fixés, ainsi que des sorties de secours inaccessibles ou insuffisantes.
Bien que VIA n’ait apporté aucune rénovation majeure aux voitures plus anciennes depuis les années 1990, elle a mis à niveau les dispositifs de retenue des bagages de cabine et a installé un plus grand nombre sorties de secours. Des améliorations ont également été apportées aux procédures et aux instructions d’intervention en cas d’urgence. Ces mesures ont été jugées par TC comme étant des changements acceptables pour résoudre les problèmes de sécurité.
1.14 Rapports de laboratoire du BST
Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :
- LP088/2019 – Failed Rail Examination [Examen du rail rompu]
2.0 Analyse
L’analyse portera sur la corrosion des rails, les méthodes d’inspection des voies, l’utilisation de la radio par les employés des services dans les trains et la sécurité des voyageurs.
2.1 L’événement
Le déraillement s’est produit lorsque le rail s’est rompu sous le train alors que ce dernier franchissait le passage à niveau public au point milliaire 15,27 de la subdivision de Newcastle de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN). Au passage à niveau, alors que le train se déplaçait à approximativement 60 mi/h, les membres de l’équipe d’exploitation ont senti que le train passait sur des inégalités de la voie. Les inégalités de la voie aux passages à niveau ne sont pas inhabituelles au cours du cycle de gel et de dégel, parce que les changements dans la densité du sol modifient légèrement la géométrie de la voie. Quand la 4e voiture est passée sur le passage à niveau, ses occupants ont ressenti un choc violent. Le directeur des services dans les trains se trouvant à bord de cette voiture a immédiatement signalé le choc violent à l’équipe d’exploitation par radio. L’équipe d’exploitation a attribué le choc violent signalé aux inégalités de la voie déjà ressenties et a poursuivi l’exploitation normale du train.
Le rail nord s’était progressivement fracturé sous l’effet des forces normales exercées par le matériel roulant alors que le train franchissait le passage à niveau, et les 13e et 14e voitures ont déraillé. Les voitures déraillées, qui sont demeurées attelées et en position verticale, ont continué de se déplacer sur la structure de la voie sur une distance de 1 mille.
Aucun freinage d’urgence n’a été déclenché par la conduite générale ou un occupant du train. Alors que la 14e voiture se déplaçait, déraillée, les occupants, qui s’étaient agrippés à des éléments fixes de la cabine pour éviter d’être ballottés, n’ont pas pu atteindre l’une des poignées de freinage d’urgence de la voiture. L’employé des services dans les trains se trouvant dans la 14e voiture n’a pas pu communiquer immédiatement avec l’équipe d’exploitation pour l’avertir du déraillement, puisque sa radio portative a été projetée hors de sa portée lors du déraillement.
Inconscient que les 2 dernières voitures avaient déraillé, le mécanicien de locomotive aux commandes a continué d’exploiter le train normalement, le maintenant à plein régime afin de maintenir sa vitesse dans la montée. Éventuellement, la résistance générée par les 2 voitures déraillées a commencé à ralentir le train. Le train perdant continuellement de la vitesse, l’équipe d’exploitation a commencé à chercher la cause du ralentissement.
Le mécanicien de locomotive a continué à exploiter le train normalement jusqu’à ce que l’équipe d’exploitation se rende compte du déraillement. Le mécanicien de locomotive a alors amorcé un serrage des freins, immobilisant le train de façon contrôlée.
2.2 Évaluation de l’état des rail aux passages à niveau
Les structures de passage à niveau sont exposées aux débris sur la chaussée, comme le sel et le sable, qui peuvent être déposés par les véhicules qui passent. Par nature, ces structures retiennent l’humidité et les débris, créant un environnement dans lequel les rails sont plus vulnérables à la corrosion que s’ils étaient à l’air libre. Avec le temps, cette corrosion peut entraîner l’amincissement de l’âme du rail.
Au Canada, il y a environ 6500 passages à niveau sous réglementation fédérale dans des subdivisions à faible tonnage annuel, où la circulation ferroviaire annuelle moyenne est de 1,1 million de tonnes brutes par mille ou moins. Dans le cadre des pratiques normales d’entretien des voies ferroviaires, les rails installés aux passages à niveau situés dans des subdivisions à tonnage annuel élevé doivent probablement être remplacés en raison de l’usure normale avant que la corrosion affecte la force du rail. Aux passages à niveau situés dans les subdivisions à faible tonnage annuel, comme le passage à niveau du chemin Lakeville, il n’est généralement pas nécessaire de remplacer le rail aussi souvent en raison de l’usure plus lente du rail.
2.2.1 Épaisseur de l’âme
Les fragments récupérés sur le site de l’événement montraient une forte corrosion généralisée, particulièrement sur l’âme et le patin. L’examen du laboratoire n’a révélé aucun défaut interne préexistant dans les fragments récupérés. Cependant, l’âme du rail s’était corrodée jusqu’à atteindre une épaisseur d’environ 4 mm à son point le plus mince, soit moins de ⅓ de son épaisseur originale.
Cette importante perte de matière de l’âme, en raison de la corrosion, a eu des répercussions sur la capacité du rail à résister aux charges dynamiques verticales et latérales associées aux interactions roues-rails. L’âme du rail qui s’est fracturé s’était amincie en raison de la corrosion, à un point tel qu’elle ne pouvait plus supporter les forces normales exercées par les trains.
Le passage à niveau du chemin Lakeville est situé à environ 100 pieds d’une route à 2 voies. L’épandage de sel et de sable est fréquent sur cette route en hiver. Ces abrasifs ont été probablement transférés par les véhicules qui franchissaient le passage à niveau du chemin Lakeville en provenance de la route, et ils sont entrés dans la structure du passage à niveau, créant un environnement corrosif à l’intérieur de la structure. Avec le temps, les conditions environnementales au passage à niveau, en particulier les effets du sel épandu sur la route en hiver, ont entraîné une corrosion accélérée de l’âme du rail.
2.2.2 Inspections et entretien de la voie
Le Règlement concernant la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada (TC), aussi appelé Règlement sur la sécurité de la voie (RSV), décrit les normes minimales d’entretien de la voie et les exigences connexes en matière d’inspection de la voie. Le RSV ne comprend aucune disposition particulière concernant la détection et l’évaluation de la corrosion des rails, y compris la corrosion ou l’amincissement de l’âme du rail, ce qui est particulièrement important aux passages à niveau où la structure du passage à niveau peut retenir des substances corrosives (p. ex. le sel épandu sur la route) et l’humidité et empêcher l’inspection de l’âme du rail.
Les exigences réglementaires incluses dans le RSV sont les dispositions minimales que les compagnies de chemin de fer sont tenues de respecter. Chaque compagnie de chemin de fer peut ajouter des exigences en matière d’inspection adaptées à ses propres activités.
Les Normes de la voie de l’Ingénierie (NVI) du CN offrent d’autres directives qui respectent ou surpassent les exigences du RSV, y compris des exigences supplémentaires en matière d’inspection qui correspondent aux activités du CN. Cependant, les NVI du CN ne comprennent aucune disposition particulière concernant la corrosion des rails, y compris la corrosion de l’âme du rail.
Les inspections de la voie par le CN dans la subdivision de Newcastle étaient effectuées à des fréquences prédéterminées conformément au RSV de TC, aux exigences réglementaires applicables et aux NVI. Cependant, les inspections visuelles ou ultrasoniques de la voie n’avaient pas permis de détecter la corrosion de l’âme du rail au passage à niveau, puisque l’âme du rail était masquée par la surface du passage à niveau. Afin d’évaluer l’état de l’âme et du patin des sections de rail aux passages à niveau, il peut être nécessaire d’enlever périodiquement certaines parties de la structure du passage à niveau.
Si l’amincissement de l’âme du rail causé par la corrosion n’est pas évalué à des intervalles appropriés, particulièrement aux passages à niveau, qui sont plus vulnérables aux effets des environnements salins, les rails avec des sections d’âme compromises peuvent ne pas être détectés, ce qui augmente le risque d’une rupture en service.
2.3 Communications au cours des urgences
En situation d’urgence, il est essentiel pour la sécurité que les employés des services dans les trains et les membres des équipes d’exploitation puissent communiquer entre eux.
Chaque employé des services dans les trains reçoit une radio portative comme moyen principal de communication. L’employé des services dans les trains qui occupait la voiture-dôme avait attaché sa radio à sa ceinture au moyen de la pince en plastique intégrée. En raison des importantes forces dynamiques subies dans la voiture au cours de la séquence de déraillement, la radio de l’employé des services dans les trains s’est détachée de sa ceinture et a été projetée hors de sa portée, le privant de son principal moyen de communication instantanée avec les autres employés. Par conséquent, l’employé n’a pas été en mesure d’avertir immédiatement l’équipe d’exploitation du déraillement.
La pince de ceinture en plastique intégrée à la radio n’était pas suffisante pour s’assurer que la radio demeure attachée à l’employé au cours de cette urgence. Par conséquent, l’employé n’a pas été en mesure d’informer l’équipe d’exploitation de l’urgence en temps opportun. Il n’avait pas utilisé l’un des divers types d’étuis pour radio que VIA met à la disposition de ses employés et qui auraient pu empêcher l’employé de perdre sa radio.
2.4 Indices et indications du déraillement
Afin de détecter le déraillement d’une ou plusieurs voitures dans un train, les membres de l’équipe d’exploitation comptent principalement sur un freinage d’urgence déclenché par la conduite générale du train ou par un occupant d’une voiture.
Dans un déraillement où il y a freinage d’urgence provenant de la conduite générale du train, les sections de la conduite d’air flexible qui relie le matériel roulant se séparent, ce qui provoque le serrage des freins d’urgence du train. Cependant, ce ne sont pas tous les déraillements qui déclenchent un serrage des freins d’urgence; par exemple, lorsque quelques voitures d’un train déraillent, mais restent debout et attelées au reste du train, la conduite d’air flexible qui relie le matériel roulant ne se sépare pas toujours. Dans l’événement à l’étude, la conduite d’air flexible reliant le matériel roulant ne s’est pas séparée.
Dans le cas d’un freinage d’urgence déclenché par un occupant d’une voiture, un des occupants doit tirer sur l’une des poignées de freinage d’urgence dans la voiture, ce qui entraîne le serrage automatique des freins d’urgence du train. Dans l’événement à l’étude, les importantes forces dynamiques lors du déraillement ont forcé les occupants de la 14e voiture à s’agripper à des éléments fixes de la cabine afin d’éviter d’être projetés. Par conséquent, ils n’ont pas pu atteindre l’une des poignées de freinage d’urgence.
Lorsqu’il n’y a pas de freinage d’urgence déclenché par la conduite générale du train ou par un occupant, les équipes d’exploitation doivent s’appuyer sur les autres indications disponibles pour détecter les problèmes d’exploitation du train. Ces indications comprennent les changements dans les forces dynamiques du train qui en affectent le comportement, ainsi que les renseignements provenant d’autres sources, comme les appels radio du personnel à bord ou des employés ferroviaires en bordure de la voie.
Dans l’événement à l’étude, pendant que les locomotives traversaient le passage à niveau à environ 60 mi/h, les membres de l’équipe d’exploitation ont été secoués, ce qu’ils ont attribué à des inégalités de la voie, conformément à leur modèle mental et à leurs attentes. Quelques secondes après, ils ont reçu un appel radio du directeur des services, qui se trouvait dans la 4e voiture, signalant qu’il y avait eu un choc violent. Les membres de l’équipe d’exploitation ont discuté de la situation et, conformément à leur modèle mental et à leurs attentes, ont attribué le choc violent signalé aux inégalités de la voie qu’ils avaient ressenties quelques secondes plus tôt.
L’équipe d’exploitation ne s’est pas immédiatement rendu compte qu’un déraillement s’était produit. Lorsque le train, qui montait une pente de 1,0 % à plein régime, a commencé à ralentir, l’équipe, conformément à son modèle mental et à ses attentes, a d’abord attribué la perte de vitesse à une perte possible de puissance de la deuxième locomotive. Puisqu’aucune alarme ni aucun avertissement ne s’est déclenché pour indiquer une perte de puissance, et puisque le train continuait à perdre de la vitesse, l’équipe a commencé à chercher une autre cause. En regardant dans les rétroviseurs latéraux de la locomotive, l’équipe a vu des signes d’un déraillement possible à l’arrière du train. Elle a serré les freins et a arrêté le train de manière contrôlée.
Si une équipe d’exploitation ne se rend pas immédiatement compte qu’un déraillement a eu lieu, les mesures appropriées ne seront peut-être pas prises à temps, ce qui augmente le risque de dommages indirects et de blessures aux occupants.
Dans l’événement à l’étude, l’équipe d’exploitation n’a serré les freins qu’après s’être rendu compte du déraillement, soit environ 1 minute et 9 secondes après le point initial de déraillement. Plusieurs compagnies de chemin de fer en Europe ont commencé à mettre en œuvre des systèmes de détection des déraillements à bord de leur matériel roulant existant. Ces systèmes non obligatoires aident à détecter les signes précurseurs de déraillement sur les trains de marchandises et de voyageurs à haute vitesse. Aucun système ou appareil embarqué de détection des déraillements n’est actuellement utilisé au Canada.
2.5 Sécurité des voyageurs
Le Règlement relatif à l’inspection et à la sécurité des voitures voyageurs s’applique à l’équipement commandé après le 1er avril 2001. Ce règlement ne comprend aucune exigence particulière concernant les meubles intérieurs de l’équipement plus vieux qui est toujours en cours d’utilisation dans le service aux voyageurs.
La conception des voitures-dômes de VIA est restée pratiquement inchangée depuis leur construction originale, il y a environ 70 ans. VIA prévoit maintenir ces voitures en service jusqu’à 25 ans de plus, mais aucune modernisation de ces voitures n’est prévue dans un avenir rapproché.
Dans l’événement à l’étude, les voitures en déraillement sont restées en position verticale et attelées au train. L’intérieur de la voiture-dôme a été endommagé au cours de la séquence de déraillement, alors que de nombreux articles non fixés ont abruptement bougé ou été déplacés. De plus, des meubles pliables non fixés ont bloqué les portes des chambres à coucher.
Les articles non fixés dans une voiture peuvent causer des blessures dues aux impacts secondaires et peuvent nuire à l’évacuation des voyageurs. Bien que certains des problèmes de sécurité des occupants cernés dans des enquêtes antérieures du BST concernant des articles non fixés dans l’équipement destiné aux voyageurs aient été résolus par VIA (comme la fixation de divers meubles et l’installation de dispositifs de retenue pour les bagages de cabine), la fixation d’articles non fixés comme les chaises pliantes n’a toujours pas été effectuée. Si les articles non fixés dans les voitures ne sont pas fixés convenablement, ils peuvent se déplacer lors d’une urgence et nuire à l’évacuation, ce qui augmente le risque de blessures pour les occupants.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.
- Le déraillement s’est produit lorsque le rail s’est rompu sous le train alors que ce dernier franchissait le passage à niveau public au point milliaire 15,27 de la subdivision de Newcastle de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN).
- Le rail nord s’était progressivement fracturé sous l’effet des forces normales exercées par le matériel roulant alors que le train franchissait le passage à niveau, et les 13e et 14e voitures ont déraillé.
- L’âme du rail qui s’est fracturé s’était amincie en raison de la corrosion, à un point tel qu’elle ne pouvait plus supporter les forces normales exercée par les trains.
- Les inspections visuelles ou ultrasoniques de la voie n’avaient pas permis de détecter la corrosion de l’âme du rail au passage à niveau, puisque l’âme du rail était masquée par la surface du passage à niveau.
- Alors que la 14e voiture se déplaçait, déraillée, les occupants n’ont pas pu atteindre l’une des poignées de freinage d’urgence de la voiture.
- L’employé des services dans les trains se trouvant dans la 14e voiture n’a pas pu communiquer immédiatement avec l’équipe d’exploitation pour l’avertir du déraillement, puisque sa radio portative a été projetée hors de sa portée lors du déraillement.
- Le mécanicien de locomotive a continué à exploiter le train normalement jusqu’à ce que l’équipe d’exploitation se rende compte du déraillement. Le mécanicien de locomotive a alors amorcé un serrage des freins, immobilisant le train de façon contrôlée.
3.2 Faits établis quant aux risques
Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.
- Si l’amincissement de l’âme du rail causé par la corrosion n’est pas évalué à des intervalles appropriés, particulièrement aux passages à niveau, qui sont plus sensibles aux effets des environnements salins, les rails avec des sections d’âme compromises peuvent ne pas être détectés, ce qui augmente le risque d’une rupture en service.
- Si une équipe d’exploitation ne se rend pas immédiatement compte qu’un déraillement a eu lieu, les mesures appropriées ne seront peut-être pas prises à temps, ce qui augmente le risque de dommages indirects et de blessures aux occupants.
- Si les articles non fixés dans les voitures ne sont pas fixés convenablement, ils peuvent se déplacer lors d’une urgence et nuire à l’évacuation, ce qui augmente le risque de blessures pour les occupants.
3.3 Autres faits établis
Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.
- Avec le temps, les conditions environnementales au passage à niveau, en particulier les effets du sel épandu sur la route en hiver, ont entraîné une corrosion accélérée de l’âme du rail.
- Le Règlement sur la sécurité de la voie ne comprend aucune disposition particulière concernant la détection et l’évalution de la corrosion des rails, y compris la corrosion de l’âme du rail, ce qui est particulièrement important aux passages à niveau où la structure du passage à niveau peut retenir des substances corrosives (p. ex., le sel épandu sur la route) et l’humidité et empêcher l’inspection de l’âme du rail.
- Aucun système ou appareil embarqué de détection des déraillements n’est actuellement utilisé au Canada.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
4.1.1 Bureau de la sécurité des transports du Canada
Le 13 mai 2019, le BST a publié l’Avis de sécurité ferroviaire 06/19 intitulé « Veiller à des pratiques efficaces et uniformes de surveillance de l’état des rails aux passages à niveau ». L’Avis de sécurité ferroviaire indiquait ce qui suit :
Compte tenu des difficultés associées à la détection des défauts de rails aux passages à niveau, Transports Canada devrait examiner la façon dont la surveillance de l’état des rails est effectuée aux passages à niveau et fournir des directives (au besoin) afin de s’assurer que ces inspections sont menées d’une manière efficace et uniforme.
La réponse de Transports Canada en date du 17 juin 2019 indiquait ce qui suit :
[...] la compagnie de chemin de fer doit :
- effectuer une [...] recherche [des défauts internes], ou
- déclasser la voie de manière à en rétablir la conformité jusqu’à ce qu’une recherche valable des défauts internes puisse être effectuée; ou
- retirer le rail de la voie.
4.2 Préoccupation liée à la sécurité
4.2.1 Amincissement de l’âme du rail causé par la corrosion
Les structures de passage à niveau sont exposées à des débris routiers, comme le sel et le sable, qui peuvent être déposés dans le cadre de l’entretien hivernal des routes et par les véhicules qui passent. Par nature, ces structures retiennent l’humidité et les débris, ce qui crée un environnement dans lequel les rails sont plus vulnérables à la corrosion que s’ils étaient à l’air libre. Cette corrosion peut, avec le temps, entraîner l’amincissement de l’âme du rail. Dans le cadre des pratiques normales d’entretien des voies ferroviaires, les rails installés aux passages à niveau situés dans des subdivisions à tonnage annuel élevé doivent probablement être remplacés en raison de l’usure normale avant que la corrosion affecte la force du rail. Aux passages à niveau situés dans les subdivisions à faible tonnage annuel, comme le passage à niveau du chemin Lakeville, il n’est généralement pas nécessaire de remplacer le rail aussi souvent en raison de l’usure plus lente du rail. Au Canada, il y a environ 6 500 passages à niveau sous réglementation fédérale où la circulation ferroviaire annuelle moyenne est de 1,1 million de tonnes brutes par mille ou moins. Dans l’événement à l’étude, le rail au passage à niveau du chemin Lakeville, qui était en service depuis environ 30 ans, s’était corrodé à un point tel que l’âme du rail ne pouvait plus résister aux charges verticales et latérales, ce qui a entraîné sa rupture en service.
Le Règlement concernant la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada (TC), aussi appelé Règlement sur la sécurité de la voie (RSV), qui établit les dispositions réglementaires concernant l’inspection et l’entretien des voies, n’exige pas expressément la détection et l’évaluation de la corrosion des rails, y compris la corrosion de l’âme du rail. Les méthodes d’inspection des voies présentement mises en œuvre par l’industrie des chemins de fer sont les inspections visuelles du rail et la détection ultrasonique des défauts du rail. Ces méthodes ne sont pas spécialement conçues pour détecter la corrosion de l’âme et du patin du rail aux passages à niveau, et leur capacité de détection est entravée par les structures des passages à niveau. Afin de pouvoir effectuer une évaluation complète de l’état du rail à un passage à niveau, il faut exposer entièrement le rail en retirant la structure du passage à niveau.
La vie utile d’un passage à niveau routier varie et est affectée par de nombreuses variables comme la circulation, les conditions météorologiques et les pratiques d’entretien hivernal des routes. En général, les compagnies de chemin de fer ont des programmes en place pour inspecter régulièrement l’état des éléments des passages à niveau afin de déterminer si des travaux de remise en état sont nécessaires. Au cours de la remise en état, la structure du passage à niveau est habituellement retirée, ce qui expose le rail et permet d’examiner et d’évaluer l’état du rail et de l’âme du rail. Une évaluation exhaustive de l’aptitude fonctionnelle du rail devrait inclure une inspection pour vérifier la présence d’une éventuelle détérioration causée par la corrosion. Puisque ce type d’inspection n’est pas mentionné dans le RSV, il n’est peut-être pas effectué systématiquement sur le terrain. Par conséquent, le Bureau s’inquiète du fait que les dispositions concernant l’inspection des voies aux passages à niveau ne comprennent pas l’exigence d’évaluer la corrosion de l’âme du rail; par conséquent, d’autres passages à niveau pourraient présenter une corrosion de l’âme du rail, ce qui pourrait entraîner des ruptures du rail en service.
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .
Annexes
Annexe A – Enquêtes antérieures du BST concernant des problèmes associés à la fixation des radios
Événement | Date | Résumé | Blessures |
---|---|---|---|
R97H0009 | 1997-09-03 | Le train no 2 de VIA Rail Canada Inc. (VIA), roulant vers l’est à 67 mi/h, a déraillé au point milliaire 7,5 de la subdivision de Wainwright de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), près de Biggar, en Saskatchewan. Une défaillance des paliers de locomotive a entraîné le déraillement de 13 et des 19 voitures et des 2 locomotives. Les radios des membres de l’équipe d’exploitation se sont détachées au cours du déraillement. Après le déraillement, seulement 1 des 2 radios portatives a pu être retrouvée. Les employés des services dans les trains ne portaient pas de radios sur eux, rendant la communication radio difficile. | 1 mort et 13 blessés graves (voyageurs) |
R99H0007 | 1999-04-23 | Le train no 74 de VIA, qui roulait en direction est sur la voie principale nord à Thamesville, en Ontario, est arrivé à la hauteur d’un aiguillage en position renversée, a traversé sur la voie principale sud et a déraillé au point milliaire 46,7 de la subdivision de Chatham du CN. Deux employés situés dans les voitures qui avaient des dispositifs de communication bidirectionnelle ont perdu leurs radios portatives et un téléphone cellulaire au cours de l’accident. La radio bidirectionnelle et le téléphone cellulaire fournis au directeur des services étaient tous deux dotés de pinces de ceinture. Les 2 pinces de ceinture se sont ouvertes au cours du déraillement et de la collision; la radio et le téléphone ont été perdus. Un mécanicien de locomotive assis dans la voiture club lors de l’accident avait détaché sa radio de sa ceinture et l’avait posée sur l’accoudoir. Au cours de l’accident, le 2e mécanicien de locomotive a perdu sa radio lorsqu’elle a été projeté vers l’avant dans la voiture. | 4 blessés graves (1 membre de l’équipe et 3 voyageurs) et 2 morts (membres de l’équipe) |
R01M0024 | 2001-04-12 | Le train no 15 de VIA, constitué de 2 locomotives et de 14 voitures, a déraillé à un aiguillage de voie principale à manœuvre manuelle au point milliaire 46,45 de la subdivision de Bedford du CN à Stewiacke, en Nouvelle-Écosse. Un cadenas d’aiguillage standard du CN utilisé pour verrouiller l’aiguillage avait été trafiqué. Les 2 locomotives et les 2 premiers wagons ont continué sur la voie principale, mais les voitures suivantes ont pris une route divergente sur une voie adjacente. Neuf des voitures ont déraillé, et un bâtiment d’approvisionnement agricole et la voie industrielle ont été détruits. Les radios portatives s’étaient détachées au cours du déraillement. | 9 blessés graves (voyageurs) |
Annexe B – Enquêtes antérieures du BST dans lesquelles des trains de voyageurs déraillés ont continué d’avancer sans que l’équipe d’exploitation se rende compte du déraillement
Événement | Date | Résumé | Blessures |
---|---|---|---|
R91H0006 | 1991-01-31 | Le train no 37 de VIA Rail Canada Inc. (VIA), roulant à 30 mi/h et transportant 137 voyageurs, a déraillé au point milliaire 72,9 de la subdivision d’Alexandria de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) en raison de la défaillance d’un essieu sur la 1re voiture. Le train a parcouru 1,5 mille, sans que l’équipe d’exploitation soit consciente du déraillement, jusqu’à ce que la voiture déraillée provoque le déraillement de la locomotive. | Aucune |
R95Q0014 | 1995-02-23 | Le train no 15 de VIA a fait dérailler la voiture VIA 8709, une voiture-dôme, et a pris en écharpe un wagon couvert vide au point milliaire 86,07 de la subdivision Montmagny du CN à Saint-François, au Québec. L’équipe d’exploitation était inconsciente du déraillement jusqu’à ce qu’elle en soit informée par les employés des services dans les trains par radio. La voiture-dôme avait parcouru environ 1 mille alors qu’elle était déraillée. | Aucune |
R96T0095 | 1996-03-21 | Le train no 60 de VIA, roulant vers l’est à environ 30 mi/h, a fait dérailler la voiture-coach no 3336 au point milliaire 301,4 de la subdivision de Kingston du CN. L’actionneur de freins avait subi une défaillance, ce qui a fait traîner la roue et créé un méplat de 15 pouces. Le train a parcouru près de 1 mille avec la voiture déraillée avant que l’équipe d’exploitation en soit avisée par un employé en bordure de voie. | Aucune |
R08M0015 | 2008-03-12 | Le train no 15 de VIA a fait dérailler 5 voitures en raison d’un rail rupturé au point milliaire 23,32 de la subdivision de Mont-Joli du CN et s’est immobilisé sur un pont. Le train avait parcouru environ 3200 pieds avant que l’équipe d’exploitation ne réalise que le train ne réagissait pas normalement. Le train a été arrêté et, après inspection, l’équipe a réalisé que 5 voitures avaient déraillé. | Aucune |
Annexe C – Enquêtes antérieures du BST concernant des problèmes de sécurité des occupants dans les trains de voyageurs
Événement | Date | Résumé | Blessures |
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R97H0009 | 1997-09-03 | Le train no 2 de VIA Rail Canada Inc. (VIA), roulant vers l’est à 67 mi/h, a déraillé au point milliaire 7,5 de la subdivision de Wainwright de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), près de Biggar, en Saskatchewan. Une défaillance des paliers de locomotive a entraîné le déraillement de 13 et des 19 voitures et des 2 locomotives. Après le déraillement, les débris et les articles non fixés dans les voitures ont nui à l’évacuation et ont aggravé les blessures aux voyageurs. Un certain nombre de problèmes relatifs à la sécurité des occupants ont été cernés dans cette enquête, y compris :
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1 mort et 13 blessés graves (voyageurs) |
R99S0100 | 1999-11-09 | Le train no 85 de VIA est entré en collision avec un camion à benne à un passage à niveau au point milliaire 33,54 de la subdivision de Guelph de la Goderich-Exeter Railway Company et a déraillé. Un certain nombre de problèmes relatifs à la sécurité des occupants ont été cernés dans cette enquête, y compris :
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2 blessés graves |
R00M0007 | 2000-01-30 | Le train no 14 de VIA, roulant vers l’est sur le Chemin de fer de la côte est du Nouveau-Brunswick, a été détourné de la voie principale dans la ville de Miramichi, au Nouveau-Brunswick, par un aiguillage de liaison orienté et verrouillé en position renversée. Le train est entré dans la voie de triage adjacente au point milliaire 65,1 de la subdivision de Newcastle du CN, tout en roulant à environ 29 mi/h, et est entré en collision avec 11 voitures stationnaires. Un certain nombre de problèmes relatifs à la sécurité des occupants ont été cernés dans cette enquête, y compris :
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7 blessés graves |
R01M0024 | 2001-04-12 | Le train no 15 de VIA, constitué de 2 locomotives et de 14 voitures, a déraillé à un aiguillage de voie principale à manœuvre manuelle au point milliaire 46,45 de la subdivision de Bedford du CN à Stewiacke, en Nouvelle-Écosse. Un cadenas d’aiguillage standard du CN utilisé pour verrouiller l’aiguillage avait été trafiqué. Les 2 locomotives et les 2 premiers wagons ont continué sur la voie principale, mais les voitures suivantes ont pris une route divergente sur une voie adjacente. Neuf des voitures ont déraillé, et un bâtiment d’approvisionnement agricole et la voie industrielle ont été détruits. Un certain nombre de problèmes relatifs à la sécurité des occupants ont été cernés dans cette enquête, y compris :
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9 blessés graves |
R05E0008 | 2005-01-31 | Le train no 1 de VIA, roulant vers l’ouest, a été frappé par un camion grumier roulant vers le sud au passage à niveau public au point milliaire 92,26 de la subdivision d’Edson du CN. En raison de la collision, les 2 locomotives et les 9 voitures ont déraillé. Un certain nombre de problèmes relatifs à la sécurité des occupants ont été cernés dans cette enquête, y compris :
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plusieurs blessures mineures |
R06V0119 | 2006-05-28 | Le train de voyageurs RMV 1-28 de Rocky Mountaineer a fait dérailler 5 voitures et 2 voitures du personnel au point milliaire 68,3 de la subdivision Mountain du Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée. Un certain nombre de problèmes relatifs à la sécurité des occupants ont été cernés pour cet événement :
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Blessures mineures |