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Rapport d'enquête ferroviaires R17Q0088

Collision à un passage à niveau
VIA Rail Canada Inc.
Train de voyageurs P60321-25
Point milliaire 77,2, subdivision de La Tuque de la
Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Hervey-Jonction (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

L'événement

Le 25 octobre 2017, vers 12 h 15Note de bas de page 1, le train de voyageurs no P60321-25 (le train) de VIA Rail Canada Inc., avec 8 voyageurs à bord, a quitté la gare de Hervey (Québec) à destination de Senneterre (Québec). Le train était composé de la locomotive VIA 6443, d'un fourgon à bagages et d'une voiture-coach. Il pesait environ 250 tonnes et mesurait 225 pieds de longueur. L'équipe du train était composée d'un mécanicien de locomotive aux commandes (MAC) et d'un mécanicien de locomotive responsable (MR). Les 2 répondaient aux exigences de leurs postes respectifs, ils satisfaisaient aux exigences en matière de repos et de condition physique, et ils connaissaient bien le territoire.

Vers 12 h 30, le train roulait vers l'ouest à 39 mi/h et s'approchait d'un passage à niveau privé au point milliaire 77,2 de la subdivision de La Tuque de la Compagnie des chemins nationaux du Canada (CN) (figure 1). Les phares avant et de fossé de la locomotive étaient allumés à pleine intensité. Étant donné qu'il s'agissait d'un passage à niveau privé, le train n'était pas tenu de siffler à l'approche du passage à niveau. Alors que le train se trouvait à environ 550 pieds à l'est du passage à niveau, le MAC a aperçu un camion semi-remorque (camion) chargé de billots qui franchissait le passage à niveau. Il a immédiatement appliqué le frein d'urgence et actionné le sifflet et la cloche. Le train n'a pas pu s'immobiliser avant le passage à niveau et a heurté la partie arrière de la remorque environ 9 secondes plus tard.

Figure 1. Lieu de l'accident (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens), avec annotations du BST

Après l'arrêt complet du train, l'équipe a lancé un appel d'urgence à la radio, comme l'exige la réglementation. Les voyageurs ont été pris en charge par le directeur des services de bord. Aucun n'a été blessé. Les voyageurs ont été conduits en taxi à leur destination. Par précaution, 2 voyageurs ont été examinés à l'hôpital. Le conducteur du camion a subi des blessures mineures et a été transporté à l'hôpital.

Au moment de l'accident, il faisait 6 °C et le ciel était nuageux.

Examen des lieux

L'accident a eu lieu à un passage à niveau privé menant à un site d'exploitation acéricole et forestière, à environ 6 milles à l'ouest de la gare de Hervey. Un chemin de gravier donne accès au passage à niveau et croise la voie ferrée à 90 degrés.

Le passage à niveau privé est situé à environ 1000 pieds du début d'une courbe de 4° vers la gauche pour un train circulant en direction ouest. Cette courbe s'étend sur approximativement 1870 pieds. Le passage à niveau est équipé d'une protection passive des 2 côtés de la voie sous forme d'un panneau d'arrêt et d'un panneau de passage à niveau privé.

Par suite de l'accident, le poteau portant les panneaux du côté nord de la voie a été arraché et le planchéiage de bois a été endommagé.

Le matériel roulant a déraillé, en demeurant debout et attelé. La locomotive s'est immobilisée à environ 260 pieds à l'ouest du passage à niveau. Elle a subi des dommages à la face avant de la cabine, au phare de fossé et aux raccords de droite ainsi qu'au chasse-pierres. Le fourgon à bagages et la voiture-coach ont subi certains dommages. L'arrière de la voiture-coach s'est immobilisé à environ 30 pieds à l'ouest du passage à niveau.

Le camion a été poussé dans le fossé et s'est couché sur le côté gauche, perpendiculairement à la voie, dans le quadrant nord-ouest du passage à niveau (figure 2).

Figure 2. Lieu du déraillement au point milliaire 77,2 de la subdivision de La Tuque

Le chargement de billots s'est renversé et le châssis de la remorque a été tordu. Approximativement 200 litres de diesel se sont déversés du réservoir de carburant du camionNote de bas de page 2.

Des sillons étaient visibles sur les traverses à partir d'environ 20 pieds à l'est du passage à niveau et s'étendaient le long de la voie vers l'ouest jusqu'aux roues avant de la locomotive. Les traverses ont été entaillées et certaines ont été détruites. Les roues déraillées ont martelé les selles de rail et les crampons à l'intérieur du rail sud sur une longueur d'environ 275 pieds. Le rail nord a été renversé et on a observé des marques de roue le long de l'âme qui s'étendaient vers l'ouest jusqu'à l'avant de la locomotive. Une longueur d'environ 250 pieds de rail a dû être remplacée.

Renseignements sur la subdivision et la voie

La subdivision de La Tuque du CN est constituée d'une voie principale simple qui relie Cap-Rouge (Québec), point milliaire 0,0, à Fitzpatrick (Québec), point milliaire 125,4. Les mouvements de train y sont contrôlés par le système de la régulation de l'occupation de la voie, conformément au Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada, et supervisés par un contrôleur de la circulation ferroviaire du CN en poste à Montréal (Québec).

Dans le secteur où l'accident s'est produit, le trafic ferroviaire consistait en 2 trains de marchandises et 1 train de voyageurs par jour. La voie était de catégorie 3 selon le Règlement concernant la sécurité de la voie (RSV) approuvé par Transports Canada (TC). La vitesse autorisée dans cette zone était de 35 mi/h pour les trains de marchandises et de 40 mi/h pour les trains de voyageurs.

La voie était composée de longs rails soudés de 115 livres fabriqués par Algoma en 1973. Le rail était posé sur des selles à double épaulement et fixé à chaque traverse à l'aide de 4 crampons par selle. Des anticheminants encadraient 1 traverse sur 2. Le ballast était composé de pierre concassée. Les inspections avaient été effectuées conformément aux dispositions du RSV. La dernière inspection visuelle de la voie, qui avait eu lieu le 24 octobre 2017, n'avait révélé aucun défaut.

Renseignements sur le conducteur et le camion semi-remorque

Le conducteur du camion satisfaisait aux normes en matière de repos et de condition physique et répondait aux exigences de son poste. Il avait environ 35 années d'expérience dans la conduite de camions lourdsNote de bas de page 3. Il était employé par une entreprise de camionnage. Il travaillait généralement entre 10 et 11 heures par jour du lundi au jeudi, et 7 heures le vendredi, terminant sa journée vers 12 h. La journée de l'accident, il avait commencé son quart de travail le matin vers 5 h, et il allait livrer son troisième chargement de la journée. Depuis environ 1 semaine, il chargeait des billots au site d'exploitation forestière situé juste au sud du passage à niveau et avait déjà emprunté le passage à niveau à 4 reprises. Il savait que la voie ferrée était en service, mais n'avait pas vu passer de train à ce passage à niveau au cours de la dernière semaine.

Le camion était constitué d'un tracteur de marque International de 2011 et d'une remorque de transport de billots de marque Manac de 2014. L'ensemble mesurait environ 65 pieds et avait un poids brut d'environ 100 000 livres. Le camion et la remorque étaient immatriculés dans la province de Québec, et leur dernier entretien préventif avait été effectué en août 2017 et juillet 2017 respectivement. Tous les défauts constatés avaient été corrigés.

En tenant compte des caractéristiques du camion, il lui aurait fallu environ 14 secondes pour franchir la distance à partir du panneau d'arrêt jusqu'au point de dégagement du passage à niveauNote de bas de page 4.

Lignes de visibilité

Les lignes de visibilité à un passage à niveau doivent laisser aux usagers suffisamment de temps pour voir un train approchant du passage à niveau et y réagir. Dans le cas d'un passage à niveau équipé d'un panneau d'arrêt, les lignes de visibilité sont mesurées à partir du point d'arrêt. Au passage à niveau où est survenu l'événement, la ligne de visibilité vers l'est à partir de l'approche sud était d'environ 550 pieds. Un train de voyageurs allant à 40 mi/h franchit cette distance en environ 9 secondes. Par conséquent, même si un conducteur fait son arrêt et ne constate aucun train à l'approche, un véhicule qui ne peut pas franchir ce passage à niveau en moins de 9 secondes risque d'être heurté par un train.

Passage à niveau privé

Lors de la construction du passage à niveau, les lignes de visibilité étaient fondées sur un véhicule type correspondant à un camion lourd à unité simpleNote de bas de page 5. Toutefois, au fil des années, la végétation avait poussé dans les environs du passage à niveau, ce qui a eu une incidence sur les lignes de visibilité. Le passage à niveau n'avait pas subi d'inspection réglementaire au cours des 5 années précédentes.

Au printemps 2016, le propriétaire du terrain avait acheté le site d'exploitation acéricole et forestière, ce qui comprenait le passage à niveau en cause. Environ 1 semaine avant l'événement, des camions semi-remorques avaient commencé à transporter des billots à partir de ce site.

Mesures prises

Le 25 octobre 2017, le CN a imposé une limitation temporaire de vitesse de 25 mi/h pour les trains au passage à niveau. À cette vitesse, compte tenu des lignes de visibilité existantes vers l'est, un train serait visible pendant environ 15 secondes avant d'occuper le passage à niveau.

À la suite de cet événement, TC a inspecté le passage à niveau et a déterminé que les lignes de visibilité étaient insuffisantes pour permettre à un camion lourd de franchir le passage à niveau en toute sécurité. TC a émis un avis le 20 novembre 2017 demandant au CN de résoudre cette situation. En date de mars 2018, la limitation de vitesse de 25 mi/h était encore en vigueur au passage à niveau.

Après l'événement, le CN a communiqué avec le propriétaire du passage à niveau au sujet de la nécessité d'une ligne de visibilité sur une plus grande distance. En prévision de la réponse du propriétaire, le CN a dégagé les lignes de visibilité en tenant compte du nouveau type de véhicules et de la vitesse autorisée sur la voie.

Message de sécurité

Depuis 2008, 226 accidents mettant en cause des camions lourds à des passages à niveau passifs sont survenus sur des voies sous réglementation fédérale au Canada. Le temps de franchissement d'un passage à niveau varie en fonction du type de véhicule. Par conséquent, l'adéquation des lignes de visibilité d'un passage à niveau dépend de la vitesse maximale autorisée sur la voie et du temps qu'il faut à un véhicule donné pour accélérer et franchir le passage à niveau.

Il est important que l'information sur un passage à niveau soit communiquée à toutes les parties intéressées afin que des mesures de sécurité pertinentes puissent être prises au besoin.

Ceci conclut l'enquête à portée limitée du BST concernant cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport d'enquête le , qui a été officiellement publié le .

Note en bas de page

Note 1

Les heures sont exprimées en heure avancée de l'Est.

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Note 2

Après l'accident, des travaux d'assainissement de l'environnement ont été effectués et terminés.

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Note 3

Les camions lourds sont généralement considérés comme ceux ayant un poids brut de plus de 11 000 livres.

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Note 4

Transports Canada, Guide servant à déterminer les lignes de visibilité minimales aux passages à niveau à l'intention des autorités responsables du service de voirie et des compagnies de chemin de fer (2015), section 2.2.2 : Calculer les lignes de visibilité à partir du point « d'arrêt », graphique 1 : Courbes d'accélération.

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Note 5

Les camions lourds à unité simple sont des véhicules ayant généralement une longueur de 37,7 pieds, 2 ou 3 essieux, et un poids brut maximal de moins de 50 000 livres.

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