Rupture d'un pipeline de produits raffinés
à la canalisation principale
de 273,1 millimètres de diamètre
exploitée par Pipelines Trans-Nord Inc.
au poteau kilométrique 63,57
près de Saint-Clet (Québec)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 7 décembre 2002 vers 10 h 53, heure normale de l'Est, la compagnie Pipelines Trans-Nord Inc. livrait des produits pétroliers raffinés à la station de la compagnie située à Cornwall (Ontario), quand une surpression a entraîné la rupture de la canalisation principale entre la station de pompage de Como et la station de pompage de Lancaster, près de Saint-Clet (Québec). Environ 32 mètres cubes de combustible diesel à basse teneur en soufre se sont répandus dans le secteur et se sont déversés dans le réseau de drainage de Saint-Emmanuel. La compagnie a récupéré la plus grande partie du produit répandu. Il n'y a eu aucune victime.
Renseignements de base
Le 7 décembre 2002, Pipelines Trans-Nord Inc. (PTNI) livre des produits pétroliers raffinés provenant du bassin de raffinage de Montréal (Québec), à destination des installations de stockage du terminal d'Ottawa (Ontario). Ce mouvement de produit, parti de la station de pompage de la compagnie, à Montréal, a fait l'objet d'une recompression à la station de pompage de Como (Québec) et à celles de Lancaster et de Farran's Point (Ontario) (voir la représentation schématique du réseau à l'annexe A).
À 10 h 43, heure normale de l'Est,Note de bas de page 1 l'opérateur du centre de contrôle (OCC) du pipeline, posté au centre de contrôle de la canalisation principale de la compagnie, à Richmond Hill (Ontario), commande une série d'opérations afin d'entreprendre une livraison à pleine charge vers Cornwall, au poteau kilométrique 119,09 (poteau milliaire 74,5). L'OCC règle d'abord le robinet de contrôle d'admission à 3585 kilopascals (kPa), soit une pression manométrique de 520 livres au pouce carré (lb/po²), de façon à maintenir la pression dans la canalisation principale et à éviter une surpression. Deux minutes plus tard, l'OCC commande l'ouverture du robinet de prélèvement de la station de Cornwall puis la fermeture de la station de pompage de Farran's Point (voir le schéma de la station de Cornwall à l'annexe B), suivie de la fermeture de la canalisation latérale d'Ottawa et des robinets du terminal d'Ottawa.
À 10 h 52, l'OCC commande la fermeture complète de la vanne de sectionnement de la canalisation principale de Cornwall, laquelle se trouve un peu en aval du point de livraison à Cornwall. La fermeture de la vanne est complète à 10 h 53, de sorte qu'on entreprend la livraison à pleine charge des produits raffinés destinés à Cornwall. À ce moment, sans que l'OCC l'ait commandé, le robinet de prélèvement de Cornwall commence à se fermer et arrive à la position de fermeture complète après 23 secondes. Le collecteur associé au compteur de produits de Cornwall déclenche alors une alarme après avoir détecté une surpression. La pression dans la canalisation principale mesurée à Cornwall atteint 7019 kPa (pression manométrique de 1018 lb/po²), de sorte que la station de pompage de Lancaster (voir à l'annexe C le schéma représentant la station de Lancaster) se ferme automatiquement à la suite de la surpression. Les données du réseau de contrôle du système et d'acquisition des données (SCADA) montrent qu'une perturbation du fonctionnement s'est produite à ce moment. De plus, l'OCC constate que la pression dans la canalisation principale a chuté brusquement alors que la pression à l'admission de la station de Lancaster est passée rapidement de 875 kPa (pression manométrique de 127 lb/po²) à 7460 kPa (pression manométrique de 1082 lb/po²) avant de retomber à 193 kPa (pression manométrique de 28 lb/po²).
À 10 h 54, la pression dans la canalisation principale à Cornwall a atteint 6047 kPa (pression manométrique de 877 lb/po²). L'OCC règle le robinet de contrôle d'admission de la station de Cornwall à une pression de 8964 kPa (pression manométrique de 1300 lb/po²) et commande l'interruption de la livraison en provenance de Montréal. À ce moment, l'OCC soupçonne une rupture de la canalisation et commande l'isolement du pipeline en retirant du réseau la station de pompage de Como, poteau kilométrique 51,17 (poteau milliaire 32).
À 10 h 55, on constate qu'à la station de Cornwall, la pression dans la canalisation principale a atteint 7143 kPa (pression manométrique de 1036 lb/po²) et qu'elle est retombée immédiatement à 4937 kPa (pression manométrique de 716 lb/po²). On complète la fermeture des stations de pompage de Como et de Lancaster, ce qui permet d'isoler ce tronçon du pipeline et d'empêcher l'arrivée de tout autre produit à cet endroit. L'OCC signale l'événement au personnel des services d'exploitation, précisant que l'événement a probablement eu lieu entre les stations de Cornwall et de Como. Au cours de leur intervention, les services d'exploitation dépêchent une patrouille aérienne de la PTNI.
À 10 h 56, l'OCC reçoit une alarme d'équilibrage de ligne indiquant que l'oléoduc a laissé fuir une quantité de produit, dont on déterminera par la suite qu'il s'agit d'environ 32 mètres cubes de combustible diesel à basse teneur en soufre.
À 12 h 55, la patrouille aérienne de la PTNI signale la présence d'une tache laissée par un produit sur l'emprise de la PTNI, dans un champ situé à l'est du réseau de drainage de Saint-Emmanuel, un peu à l'est de Saint-Clet, en l'occurrence au poteau kilométrique 63,57 (poteau milliaire 39,5). Au point de rupture, il y a un trou dans le sol qui recouvre le pipeline. Ce trou mesure 91 cm de diamètre. À environ 180 m (588 pieds) à l'est du fossé de drainage de Saint-Emmanuel, lequel est partiellement recouvert de neige, une surface de 18 m sur 12 m est couverte de combustible. La rupture s'est produite au milieu du champ d'un agriculteur, auquel on peut accéder en passant sur un pont qui enjambe le fossé de drainage de Saint-Emmanuel. Le fossé de drainage et ses tuyaux d'argile sont visibles à partir de la route voisine du lieu de l'événement. Une vingtaine d'années avant l'événement, un tiers a heurté le même segment de canalisation et a causé des dommages mécaniques au pipeline. Le propriétaire précédent des terrains a admis précédemment à la PTNI qu'il avait installé les tuyaux d'argile une vingtaine d'années avant la rupture.
Vers 13 h 40, les premières équipes de la PTNI arrivent sur les lieux et déterminent qu'il y a eu une rupture de la canalisation. Le personnel local d'intervention de la PTNI est au courant de la présence de tuyaux d'argile sur les lieux de l'événement, mais il ne fait qu'une reconnaissance générale des environs. Il n'inspecte pas en détail le réseau de drainage. À 14 h 22, le personnel des services d'exploitation de la PTNI arrive sur les lieux de l'événement avec la remorque servant au confinement et à la récupération des déversements de pétrole, et il établit un chantier et entreprend les opérations de confinement, d'isolement et de nettoyage des lieux de l'événement.
À 16 h 10, en aval des lieux de l'événement, le personnel sur place de la PTNI ferme une vanne de canalisation principale à commande manuelle qui est située à Saint-Polycarpe (Québec). Contrairement à d'autres compagnies de pipeline, la PTNI n'a pas d'entente d'assistance mutuelle avec une autre compagnie de pipeline voisine ou avec une personne locale qualifiée et compétente pour assurer la fermeture manuelle des vannes de sa canalisation en cas d'urgence.
À 16 h 32, pendant qu'il se dirige vers les lieux de l'événement après être parti de Toronto (Ontario), le directeur technique responsable des services d'exploitation de la PTNI communique avec le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) en utilisant le numéro d'urgence pour l'aviser des préoccupations de la compagnie quant à la présence d'un réseau de drainage agricole à l'ouest de la zone du pipeline qui a été affectée par la rupture, et .qui pourrait faire office de conduit donnant accès au réseau de drainage de plus grande taille. Le directeur technique signale qu'une quantité de produit pourrait s'écouler dans le tuyau d'argile et que la compagnie a mis en œuvre son plan d'intervention d'urgence.
On entreprend l'excavation de la canalisation au cours de la soirée du 7 décembre. Le 8 décembre à 3 h 15, les équipes d'exploitation exposent un tuyau de drainage en plastique de 10 cm (4 pouces) qui se trouve à proximité de la conduite rompue. Elles ne tardent pas à déterminer que le produit répandu s'est écoulé dans les tuyaux d'argile et s'est infiltré jusque dans le réseau de drainage de Saint-Emmanuel, parcourant environ deux kilomètres vers l'aval en direction du fleuve Saint-Laurent. Le personnel d'exploitation construit une rigole et installe un barrage de rétention pour recueillir le produit répandu à l'aide d'un camion-citerne sous vide. Le sol contaminé est excavé et retiré des lieux. Le pipeline est remis en service le 8 décembre à 19 h 44.
Des représentants de l'Office national de l'énergie (ONE) et du ministère de l'Environnement du Québec étaient présents sur les lieux.
Conditions météorologiques et température du produit raffiné
Au moment de l'événement, la température de jour était de −2 °C, il y avait des chutes de neige modérées et des vents forts soufflaient de l'ouest. La température du produit transporté était de 13 °C.
Exploitation de la canalisation principale
L'exploitation quotidienne du réseau de canalisations était commandée à distance par un OCC à partir du centre de contrôle de la canalisation principale. Dès sa nomination, chaque nouvel OCC suivait une formation sur l'exploitation des pipelines et notamment sur la façon de déterminer les pressions de consigne du réseau. L'OCC qui était de service lors de l'incident avait suivi une formation à titre d'OCC stagiaire, lors de laquelle il avait appris les aspects relatifs à l'exploitation du réseau de la PTNI. Toutefois, il n'avait suivi aucune autre formation visant le perfectionnement de ses compétences ou l'apprentissage de nouvelles méthodes de gestion et de contrôle de l'exploitation des pipelines, jusqu'à ce qu'il ait atteint le niveau d'OCC attitré (environ six mois plus tard). Même si l'OCC avait accès à des documents de référence concernant le système SCADA, il s'agissait surtout de documentation sur support informatique (menus d'aide). La PTNI a fait savoir que cette méthode de formation était conforme aux exigences du Règlement sur les pipelines terrestres de l'ONE et de la norme CAN/CSA Z662 de l'Association canadienne de normalisation (CSA) intitulée Réseaux de canalisations de pétrole et de gaz (CSA Z662). Même si les OCC avaient accès à divers manuels et documents qui étaient à leur disposition au centre de contrôle, on ne leur avait pas fourni de manuels exposant les politiques, les pratiques et les normes de l'entreprise en matière d'exploitation des pipelines.
Les opérations d'entretien de la canalisation dans les sections de Montréal et d'Ottawa et de Kingston (Ontario) étaient supervisées à partir de Lancaster, situé au poteau kilométrique 97,85 (poteau milliaire 61,2). Les stations de Lancaster et de Como sont les deux seules du réseau de la PTNI qui ne sont pas munies d'un clapet antiretour du côté refoulement de la station. La compagnie avait installé plusieurs isolateurs de débit et capteurs/transmetteurs de haute pression réglés pour une pression de 8274 kPa (pression manométrique de 1200 lb/po²), et une vanne de contrôle de la pression réglée à une pression de refoulement de 8619 kPa (pression manométrique de 1250 lb/po²). Quand une augmentation de la pression est détectée, le clapet se ferme automatiquement si la pression maximale dépasse la valeur de consigne de 8619 kPa (pression manométrique de 1250 lb/po²). Dans ce cas-ci, la station est automatiquement mise hors ligne, mais la surpression transitoire peut se répercuter au-delà de la station puisque la station n'est pas pourvue d'un robinet d'arrêt. À Como et Lancaster, les vannes de commande de la station ont des points de refoulement de consigne variables, qui vont d'un minimum de 2069 kPa (300 lb/po²) à un maximum de 11 032 kPa (1600 lb/po²), mais sont habituellement réglées à 8619 kPa (1250 lb/po²). L'OCC ne peut pas régler la vanne à plus de 8274 kPa (1200 lb/po²). Ces vannes ne se ferment complètement que si la pression réelle du pipeline est supérieure à la valeur de consigne de 8619 kPa (1250 lb/po²). En cas d'augmentation de la pression, si la vanne de contrôle ne parvient pas à maintenir la pression en deçà du point de consigne, les pompes s'arrêtent dès que la valeur de consigne est atteinte, de façon à supprimer la source de pression. Un expert-conseil indépendant a déterminé que l'installation de clapets antiretour aux stations de Como et de Lancaster pourrait empêcher partiellement qu'une onde de surpression transitoire se répercute vers l'amont à partir de Lancaster.
La pression d'exploitation maximale approuvée par l'ONE entre Cornwall et Como est de 8274 kPa (pression manométrique de 1200 lb/po²). L'article 4.14 de la norme CSA Z662 exige qu'on équipe les canalisations de dispositifs de contrôle de la pression et de dispositifs de protection contre la surpression pour éviter que la pression d'exploitation maximale ne soit dépassée. À Cornwall, la station de comptage est dotée de son propre système de protection du collecteur, muni d'une soupape de décharge. Toutefois, il n'y avait aucune protection contre les surpressions dans la canalisation principale. Plutôt, la pression d'exploitation maximale du pipeline était réglée en fonction des points de consigne des stations de Como et de Lancaster, lesquels sont établis à 8618 kPa (pression manométrique de 1250 lb/po²). Pour le réseau de la PTNI, les dispositifs de protection contre la surpression sont normalement installés à la source de pression, c'est-à-dire aux stations de pompage. Comme le paragraphe 4.14.1.2 de la norme CSA Z662 prévoit qu'on « doit installer un dispositif de protection contre la surpression pour assurer que la pression d'exploitation maximale n'est pas dépassée de plus de 10 % ou 35 kPa (pression manométrique de 0,005 livre au pouce carré), selon la valeur la plus élevée », la PTNI est tenue d'assurer une protection contre la surpression à une valeur de 9100 kPa (pression manométrique de 1320 lb/po²). La PTNI croit qu'en assurant cette protection à une valeur de 8618 kPa (pression manométrique de 1250 lb/po²) et dans les stations locales où la réaction serait instantanée, elle va au-delà des exigences de la CSA en matière de protection contre la surpression.
Opérations à Cornwall
Avant que le réseau soit automatisé, on actionnait manuellement le robinet de contrôle d'admission de la station de Cornwall à l'intérieur d'une gamme étroite de pressions d'exploitation. La pression d'exploitation maximale de la station de comptage avait été fixée à 965 kPa (140 lb/po²) afin de protéger la station et le matériel connexe. On a isolé la station de Lancaster avant d'entreprendre une livraison à pleine charge à destination de Cornwall à partir de la canalisation principale, afin de réduire le risque d'obturation et de surpression transitoire .de la canalisation principale à partir de la station de Lancaster au cas où la station de Cornwall se fermerait subitement. Il fallait aussi empêcher l'ouverture du robinet de prélèvement de Cornwall lorsque la pression dans la canalisation principale était supérieure à 2413 kPa (350 lb/po²).
Depuis l'automatisation du réseau en 1993, il n'a pas été nécessaire de fermer la station de pompage de Lancaster, mais la compagnie a maintenu à 965 kPa (140 lb/po²) le réglage du robinet de contrôle d'admission de Cornwall. Un dispositif de contrôle de la pression a été installé aux fins de la protection de la station. Quand la pression atteint ou dépasse les 965 kPa (140 lb/po²), la commande logique locale d'automatisation est programmée pour fermer rapidement (en moins de 10 secondes) le robinet de contrôle d'admission. Après l'automatisation de la station de Cornwall en 1995, les OCC n'ont pas reçu d'instructions particulières quant aux pressions d'ouverture de la conduite.
La PTNI a aussi mis au point un algorithme mathématique permettant à son système SCADA de gérer la situation au cas où la pression dans la conduite à Cornwall monterait jusqu'à 6895 kPa (pression manométrique de 1000 lb/po²). La station de Lancaster se fermerait et s'isolerait du réseau pour se protéger de l'éventuelle surpression transitoire, et ce même si la pression de refoulement était inférieure à la valeur de consigne de 8619 kPa (1250 lb/po²). Cependant, la station de Como n'aurait pas réagi à la fermeture de celle de Lancaster et aurait continué de pomper, entraînant une augmentation de la pression en ligne entre Como et Lancaster.
Le robinet de contrôle d'admission de la station de Cornwall est un robinet de type Fisher, modèle 1007, dont la compagnie a fait l'achat en 1954. Il était équipé d'un opérateur électro-hydraulique de type Fisher, modèle 350, dont la compagnie avait fait l'acquisition en 1978. Le robinet de contrôle d'admission faisait l'objet d'un entretien annuel, le dernier ayant été fait le 16 octobre 2002. Les travaux d'entretien comprenaient le remplacement de l'huile hydraulique et du filtre à huile, et l'étalonnage du robinet de contrôle d'admission en fonction du signal de sortie de l'interface informatique. Après l'événement, la PTNI a vérifié tous les réglages de l'équipement à la station de Cornwall, et n'a relevé aucun écart par rapport aux valeurs de consigne qui aurait pu déclencher le changement d'état non commandé du robinet de prélèvement et la fermeture due à une pression élevée dans le collecteur. Tous les systèmes ont fonctionné comme prévu.
Au cours de 2002, la PTNI a connu huit fermetures de pipeline pendant la livraison de produits raffinés destinés à Cornwall; deux de ces fermetures ont touché la station de Lancaster. Pour le reste des pipelines relevant de la réglementation fédérale qui font partie de l'industrie, on a signalé une seule autre fermeture au cours de la même période. Les jours en question, l'OCC essayait de maximiser l'écoulement du produit destiné à Cornwall et de terminer la livraison de produit à Ottawa quand une surpression a été déclenchée par la fermeture non commandée du robinet de prélèvement. Les fermetures ont été dues à des mauvais fonctionnements liés à divers paramètres, dont des changements de réservoirs de stockage, le mauvais fonctionnement de robinets d'expédition et la fermeture non prévue de robinets. Lors de toutes ces fermetures non prévues, le système SCADA a enregistré une pression de 8274 kPa (pression manométrique de 1200 lb/po²).
Une fermeture non prévue d'un pipeline interrompt brusquement l'écoulement du liquide en mouvement, ce qui occasionne une surpression hydraulique. L'énergie cinétique qui se libère sous la forme d'une onde de pression transitoire peut causer un accroissement de la pression d'exploitation du système, détruisant les instruments d'enregistrement, les pompes, les conduites, les raccords et les robinets. L'onde de choc hydraulique qui en résulte se déplace à la vitesse du son dans la canalisation jusqu'à ce qu'elle se bute contre une vanne de canalisation principale fermée ou un clapet antiretour fermé, après quoi elle revient vers son point d'origine. L'onde de choc hydraulique repart de nouveau en sens inverse, et va et vient de cette façon jusqu'à ce que le frottement ait dissipé la surpression ou jusqu'à ce qu'un élément de la canalisation se brise. Les exigences du BST en matière de déclaration des événements veulent que les compagnies de pipeline signalent les situations de surpression.
Réseau de contrôle et d'acquisition des données
Le fonctionnement du système SCADA de la PTNI est similaire à celui des autres systèmes SCADA pour ce qui est de l'affichage et de l'enregistrement des données. Toutefois, pour ce qui est de l'enregistrement des données sur la pression, le système SCADA de la PTNI enregistre les données à des intervalles de 15 secondes afin d'établir les tendances, et consigne les données sur les événements à des intervalles de 5 secondes. D'après la PTNI, cette façon de procéder va au-delà des exigences de la norme CSA Z662 et de l'ONE. Un peu avant l'événement, le système SCADA indiquait que la pression dans la canalisation principale était de 3585 kPa (520 lb/po²) à Cornwall. Toutefois, le gradient hydraulique relatif au produit transporté dans le réseau indiquait une pression de 4668 kPa (677 lb/po²). On a aussi relevé un écart entre les données enregistrées par le système SCADA et les données observées lors d'une autre fermeture imprévue. Le 9 mai 2003, tandis que les techniciens de la PTNI faisaient l'essai d'équipements à Cornwall, une anomalie a entraîné la fermeture de la station de Lancaster. Au cours de cette fermeture, les techniciens ont mesuré une fluctuation de pression qui a atteint une valeur de 9660 kPa (pression manométrique de 1401 lb/po²), et l'OCC a observé dans le pipeline une pression de 9308 kPa (pression manométrique de 1350 lb/po²), alors que le système SCADA n'enregistrait que 8274 kPa (pression manométrique de 1200 lb/po²). Pour obtenir des données locales sur le pipeline, les techniciens de la PTNI se sont servis d'un ordinateur personnel relié à un automate programmable dont les lectures se faisaient à une fréquence élevée, soit à des intervalles de 2 secondes. La PTNI indique qu'à la station de Cornwall, la protection contre les surpressions est réglée à une valeur de 140 lb/po² et que la canalisation principale entre les stations de Cornwall et de Lancaster dispose d'une protection supplémentaire dont la valeur limite est fixée à 6895 kPa (pression manométrique de 1000 lb/po²). De même, la PTNI a indiqué que la protection contre la surpression à la station de Lancaster est réglée à 8619 kPa (pression manométrique de 1250 lb/po²), de façon à éliminer toute source de surpression. Cependant, lors des essais de la PTNI, les dispositifs de protection installés n'ont pas protégé le système contre les surpressions.
Historique du pipeline
Le tronçon du pipeline qui a été affecté par la rupture a été fabriqué en 1952 par Stelco, et il est fait de tuyaux d'acier d'une résistance de 317 mégapascals (American Petroleum Institute 5LX, nuance X-46) dont les soudures sont faites grâce à la méthode de soudage par résistance électrique. La section de tuyau a un diamètre extérieur de 273,1 mm (10 pouces) et une paroi de 7,8 mm (0,307 pouce) d'épaisseur.
Le pipeline a été enfoui à une profondeur minimale de 0,60 m (2 pieds). Sur les lieux de l'événement, la conduite était à une profondeur de 0,61 m. En 1987, la PTNI a abaissé le pipeline en travers des fossés de drainage situés à chaque extrémité du champ dans lequel l'événement a eu lieu. Les courbures les plus rapprochées (vers le haut et vers le bas) qu'on a relevées sur le terrain se trouvaient à chaque extrémité de la propriété, au franchissement des fossés.
La conduite montrait un revêtement externe fait d'émail goudronné et elle était protégée contre la corrosion par un système de protection cathodique. Le pipeline a fait l'objet d'un essai hydrostatique d'une durée de 24 heures à une pression minimale de 10 342 kPa (1500 lb/po²). En 1952, la Commission des transports du Canada a autorisé la PTNI à exploiter le pipeline à une pression d'exploitation maximale de 8274 kPa (pression manométrique de 1200 lb/po²). Il y a un écart d'élévation nominal entre le lieu de la rupture, dans la parcelle 11, dont l'altitude est estimée à 53,3 m au-dessus du niveau de la mer (asl), et la vanne de sectionnement de Saint-Polycarpe, dont l'altitude est estimée à 52,5 m asl. La station de pompage de Lancaster, à l'ouest, a une altitude estimative de 53 m asl.
Le réseau de canalisations de la PTNI va de Montréal à Ottawa et à Toronto et se rend dans le sud de l'Ontario. Le pipeline est un fournisseur principal d'hydrocarbures pétroliers raffinés destinés aux villes et aux aéroports. En 1952, l'emprise du pipeline passait dans des zones rurales qui étaient éloignées des populations des villes voisines de l'itinéraire du pipeline. Toutefois, au cours des 53 dernières années, la population de chacune des agglomérations voisines s'est accrue, au point que la PTNI a connu des problèmes d'empiétement. Il s'agit notamment de tiers qui accèdent illégalement aux propriétés de la compagnie sur toute la longueur de son réseau, et qui causent des dommages au pipeline ou des pannes de celui-ci. Dans certains cas, la compagnie n'a été informée de ces activités de tiers que bien longtemps après les faits. Avant l'accident, la dernière inspection à pied de la canalisation principale entre Montréal et Cornwall avait eu lieu le 2 mai 2002. Aucune anomalie n'a été signalée à la surface de l'emprise du poteau kilométrique 61,14 au poteau kilométrique 64,20 (du poteau milliaire 38,2 au poteau milliaire 40,1). Lors de la dernière patrouille aérienne, le 2 décembre 2002, il n'y avait aucune observation à signaler au sens des procédures d'inspection aérienne de la PTNI.
Programme de gestion de l'intégrité
Dans le cadre de son programme de gestion continue de l'intégrité, la PTNI a procédé à six inspections internes de son réseau depuis 1980 (en 1980, en 1988, deux fois en 1993, et deux fois en 1998) et a utilisé pour ce faire divers types et modèles d'outils d'inspection interne. À la fin d'un passage de l'outil d'inspection interne, le fournisseur procédait à une première analyse de la qualité des données brutes pour s'assurer que celles-ci étaient « utilisables ». S'il relevait un problème quant aux données enregistrées, le fournisseur devait procéder à un nouveau passage de l'outil d'inspection interne. Après que le fournisseur a confirmé que les données brutes étaient utilisables, les données ont été transmises à la PTNI à des fins d'analyse et, le cas échéant, de creusages de confirmation dans les secteurs désignés du réseau de pipelines. L'analyse détaillée initiale des données brutes était habituellement assurée par deux employés à temps plein de la PTNI. Ces employés ont sélectionné des sites et ont demandé au fournisseur de l'outil de faire des analyses plus poussées.
Les analystes des données d'inspection interne ont suivi une formation de quatre semaines en 1982 à l'université du Texas. Le cours en question portait sur l'interprétation des résultats des tests d'intégrité produits par le système d'inspection interne dont on disposait alors. Les analystes des données de la PTNI ont participé par le passé à des séances de formation et des conférences commanditées par les fournisseurs, mais ils n'ont suivi aucune formation additionnelle sur les nouvelles générations d'outils d'inspection interne.
Au cours de l'inspection de 1980, les dossiers d'inspection interne ont révélé une perte de 15 à 30 % du métal due à la corrosion, sur les lieux de l'événement, avec un écart de plus ou moins 10 %. Cette particularité a été classée au niveau « 1 » par le fournisseur de l'outil, ce qui signifie que le défaut resterait enfoui et ne serait pas excavé. L'outil ne pouvait pas faire la distinction entre une perte de métal, un enfoncement, ou une déformation. Les brûlures de soudage à l'arc, les fissures et les rainures longitudinales n'étaient pas détectables. Même si une politique de la compagnie datant de 1982 exigeait qu'on établisse une corrélation entre toutes les indications et les plans, les profils et les livres de renvoi de la compagnie concernant le réseau de pipelines, aucune corrélation de ce genre n'a été établie.
Lors de l'inspection de 1988, l'outil a relevé une particularité sur les lieux de l'événement que le fournisseur n'a pas pu coter et que la PTNI n'a pas sélectionnée en vue d'une enquête ultérieure. L'outil de 1988 était plus perfectionné que celui de la version antérieure de 1980. Grâce à l'interprétation des données, il était possible de faire une distinction assez précise entre les pertes de métal et les enfoncements. Toutefois, l'outil employé en 1988 n'identifiait pas les pertes de métal dans une courbure ou un enfoncement de la conduite. Les particularités longitudinales, comme des rainures, étaient indétectables.
Au cours de 1993, la compagnie a contrôlé le pipeline à l'aide de l'appareil Pipetronix d'inspection interne par sondage ultrasonique, lequel enregistre un nombre accru de paramètres. Avant l'inspection, un dimensionnement du diamètre interne du pipeline a permis de déceler une particularité sur les lieux de l'événement (poteau kilométrique 63,57), en l'occurrence une ovalisation de 1,27 cm (0,5 pouce). Le registre a confirmé qu'il s'agissait d'un enfoncement mesurant 9,8 mm (0,4 pouce) de profondeur et 3986 mm (13 pieds) de longueur. Comme la profondeur correspondait à 3,5 % du diamètre extérieur de la conduite, soit une valeur inférieure à la valeur seuil de 6 % dont il est question dans la norme CSA Z662 (en vigueur au moment de l'exécution de travaux de correction sur le terrain), la compagnie a déterminé qu'il n'était pas nécessaire de prendre d'autres mesures. Un expert-conseil, auquel la PTNI a demandé de participer à l'interprétation des résultats, a examiné les données de 1993 et de 1988 et a déterminé que la particularité en question était une courbure de la conduite, après avoir comparé sa longueur et déterminé qu'elle avait des similitudes avec des courbures connues. Ni la PTNI, ni l'expert-conseil, ni le fournisseur de matériel d'inspection interne n'ont recommandé un examen de cette particularité. La compagnie n'a pas procédé à une excavation de vérification sur le terrain.
En 1998, la compagnie a de nouveau choisi de faire passer un outil de dimensionnement avant d'envoyer l'outil d'inspection interne Pipetronix servant à détecter la perte de flux magnétique. Sur les lieux de l'événement, l'outil de dimensionnement a découvert à la surface de la conduite (poteau kilométrique 63,57) une particularité qu'il a identifiée comme étant une ovalisation de 1,27 cm (0,5 pouce) dont la longueur approximative était de 3,81 m (12,5 pieds). Les résultats de l'inspection, ainsi qu'un examen que la PTNI a fait des données du balayage de type C et des données relevées par les capteurs, ont révélé la présence d'une distorsion correspondant à une déformation de la conduite. La compagnie a cru qu'il s'agissait de la même particularité dont on avait déterminé au préalable qu'il s'agissait d'une courbure de la conduite sur le terrain. Elle a aussi cru que l'absence de signal de perte de métal lors des contrôles ultrasoniques et des contrôles d'inspection interne quant à la perte de flux magnétique avait caché la nature et la gravité du défaut. Malgré la politique de 1982 de la compagnie, exigeant qu'on établisse une corrélation entre toutes les indications et les plans, les profils et les livres de renvoi de la compagnie par rapport à la construction originale, cette indication n'a pas été consignée de cette façon. D'après les rapports des sondages Kaliper de 1993 et de 1998, le seul élément notable contenu dans les deux rapports finaux avait trait aux dimensions de la particularité relevée sur les lieux de l'événement.
Habituellement, on installe des courbures dans un pipeline afin de suivre les contours du sol ou de permettre des changements de hauteur de la conduite de part et d'autre des routes, des chemins de fer, des fossés et d'autres obstacles. La longueur maximale de ces courbures dépend du diamètre, de la nuance et de la limite d'élasticité de la conduite. Dans le cas de la conduite affectée par l'événement, la longueur maximale d'une courbure serait d'environ 2,13 m (7 pieds), compte tenu des normes en vigueur en 1952, à l'époque de la construction. La géométrie du pipeline, y compris l'emplacement des courbures sur le terrain, figure dans les fiches d'alignement de l'emprise qu'on trouve dans les plans, les profils et les livres de renvoi de la compagnie. Ces documents ne montraient pas la présence d'une courbure sur le terrain sur les lieux de l'événement.
L'examen des dossiers relatifs aux six inspections internes révèle que plusieurs zones de corrosion ont été signalées sur toute la longueur du réseau de canalisations. Durant la période de remise en état de la conduite nue de 10 pouces, entre 1962 et le milieu des années 1970, on a recouru au soudage par bain de fusion pour réparer certaines de ces zones de corrosion. Même si des compagnies de pipeline l'utilisaient à cette époque, le soudage par bain de fusion est réputé pour produire des microfissures dans le métal de base de la conduite, sous les dépôts de matériau de soudage. La norme CSA Z662 n'autorise pas l'utilisation de cette méthode pour les pipelines transportant des produits liquides. Du franchissement de Rivière-des-Prairies (poteau milliaire 5,4) à Farran's Point (station de Cornwall), on a exécuté 754 soudures par bain de fusion sur le pipeline de la PTNI.
Activités non autorisées de tiers
Pendant l'exécution des travaux de réparation, le personnel de la PTNI a remarqué que deux types de revêtements avaient été posés sur la conduite dans le secteur touché par la rupture : le revêtement original en émail goudronné appliqué en 1952 et une seconde forme de revêtement appelée « enduit à chaud », qui consiste en un enduit traditionnel dont la PTNI se sert pour réparer le revêtement endommagé. Le revêtement a été rapiécé longitudinalement de part et d'autre, sur une distance totale de 3,66 m (12 pieds). Aux deux extrémités de l'enduit à chaud, on a aminci le revêtement goudronné de façon que la transition entre les deux revêtements soit lisse. L'examen des dossiers de la PTNI concernant la réparation des dommages causés au pipeline et au revêtement ne montrait aucune donnée relativement à cette réparation du revêtement, ou à l'écaillage et aux dommages mécaniques causés par la rupture de la section du pipeline.
Les dossiers de la PTNI indiquent que le propriétaire précédent des terrains où l'événement a eu lieu avait réalisé des travaux non autorisés sur le pipeline de la PTNI en 1976, en 1981 et en 1983. Près des lieux de l'événement, on avait fait deux excavations non autorisées, et le pipeline avait été endommagé une fois. Le 30 juillet 1981, un propriétaire a procédé à un travail non autorisé de curage de fossés à environ 523 m (1715 pieds) à l'ouest des lieux de l'événement. Le 6 octobre 1983, un propriétaire a procédé à un autre travail non autorisé de curage de fossés à environ 180 m (588 pieds) à l'est des lieux de l'événement. Dans les deux cas, aucun dommage affectant la conduite n'a été signalé. Le 3 novembre 2000, un entrepreneur de drainage a heurté la canalisation principale à environ 497 m (1628 pieds) à l'est des lieux de l'événement, causant des dommages au pipeline à la position trois heures, sur une distance de 2,01 m (6,58 pieds). Le propriétaire précédent avait admis au personnel de la PTNI qu'il avait installé les tuyaux d'argile plus de 20 ans auparavant.
Essais métallurgiques et analyse hydraulique
Un bout de la conduite brisée, mesurant environ 8 m (26 pieds) de longueur, a été expédié au Laboratoire technique du BST. L'analyse (rapport LP 113/02) a révélé que la rupture s'était produite à la position trois heures et avait causé une déchirure rectangulaire en « gueule de poisson » qui mesurait environ 1 m (40 pouces) de longueur. La rupture était parallèle au cordon longitudinal de la conduite et se trouvait à une distance de 9 à 10 cm (de 3,5 à 4 pouces). La rupture s'est produite dans une zone où la conduite était déformée et montrait un écaillage d'origine mécanique. La conduite a été déformée d'environ 10 mm vers l'intérieur, ce qui correspond à 3,5 % du diamètre extérieur. À sa surface externe, des rainures et des enfoncements longitudinaux s'étendaient sur 2,7 m (9 pieds) passé la zone de rupture.
La rupture semblait récente, à l'exception d'une série de zones semi-circulaires le long de la surface de rupture initiale. Des fissures préexistantes atteignaient une profondeur maximale correspondant à 40 % de l'épaisseur nominale de la paroi de la conduite et avaient pris naissance dans la région affectée par un écaillage ou dans des dommages d'origine mécanique qui touchaient la surface externe de la conduite.
Pour une température de 10 °C, soit la température d'exploitation de la conduite, les résultats des essais CharpyNote de bas de page 2 ont donné une valeur moyenne de 7 joules (5 pieds-livres). Ces valeurs sont convenables, compte tenu des matériaux employés en 1952, mais les normes actuelles exigent au minimum une valeur de 27 joules (19,9 pieds-livres) dans le cas d'une conduite dont le diamètre extérieur est inférieur à 457 mm (18 pouces). Dans le cadre de l'analyse purement théorique, faisant appel à des hypothèses générales, qu'on a effectuée au Laboratoire technique du BST, les calculs ont révélé que la pression statique nécessaire pour causer la rupture du pipeline aurait été de l'ordre de 11 032 à 15 169 kPa (pression manométrique de 1600 à 2200 lb/po²).
Dans une lettre en date du 7 mars 2005, la PTNI a présenté une copie d'un rapport d'analyse hydraulique portant sur cet événement, qui a été rédigé par un expert-conseil et daté du 28 février 2005. À partir des résultats de la simulation hydraulique, qui a tenu compte des dossiers du système SCADA de la compagnie, on a tiré les conclusions suivantes au sujet de l'événement :
- À partir de l'état stabilisé, la pression maximale au point de rupture a pu atteindre 9032 kPa (pression manométrique de 1310 lb/po²) quand on a fermé tous les robinets du côté aval de la station de Cornwall sans tenir compte de ce qui se passait dans le pipeline en amont.
- Compte tenu des données du système SCADA sur l'événement, la pression maximale au point de rupture a pu atteindre 8039 kPa (pression manométrique de 1166 lb/po²) avant la rupture survenue à 10 h 54 min 38 s, quand les robinets du côté aval de la station de Cornwall ont été fermés.
- L'installation de clapets antiretour aux stations de Como et de Lancaster aurait pu empêcher partiellement qu'une onde de surpression transitoire se répercute vers l'amont à partir de la station de pompage de Lancaster, et faire en sorte que la pression maximale au point de rupture soit de 7364 kPa (pression manométrique de 1068 lb/po²).
- Les clapets antiretour aux stations de Como et de Lancaster auraient pu empêcher que le liquide en provenance de la station de Lancaster en aval s'échappe de la conduite au moment de l'incident. Toutefois, le clapet antiretour en amont à la station de pompage de Como a dû être moins efficace dans ce cas-ci en raison de l'écoulement positif en aval du point de rupture.
Analyse
Au début de la livraison à Cornwall, tout semblait fonctionner normalement dans le pipeline. Tous les robinets ont fonctionné conformément aux commandes données et aucune activité inhabituelle n'a été signalée. Pendant que l'OCC tentait de maximiser la vitesse d'écoulement vers Cornwall et de terminer la livraison vers Ottawa, une surpression s'est produite à la suite de la fermeture non commandée du robinet de prélèvement. Sans que l'OCC ait donné quelque instruction que ce soit, le robinet de prélèvement de la station de Cornwall est passé brusquement de la position d'ouverture complète à celle de fermeture complète après qu'une surpression dans le collecteur a causé le déclenchement du signal d'alarme de l'OCC et la fermeture du réseau. Une surpression a alors été générée dans la canalisation principale, a parcouru le pipeline vers l'amont en direction de Montréal et a causé une rupture de la conduite dans une zone qui était affectée par des dommages causés par un tiers.
Après l'événement, la PTNI a vérifié les réglages de l'équipement à Cornwall et n'a trouvé aucune anomalie quant aux valeurs de consigne qui pouvaient déclencher un mouvement non commandé du robinet de prélèvement et une fermeture consécutive à une surpression du collecteur. Le mouvement du robinet de prélèvement et la surpression subséquente ont résulté des tentatives de l'OCC qui essayait de maximiser la vitesse d'écoulement vers la station. L'analyse portera principalement sur les opérations menées à Cornwall, et sur l'inspection et l'entretien du pipeline.
Exploitation du pipeline
En 2002, la PTNI a connu huit fermetures de pipeline pendant la livraison de produits raffinés à Cornwall. Ce nombre est excessif si on le compare au reste de l'industrie des pipelines, et il donne à penser que les procédures de livraison et la configuration de la station de Cornwall souffrent de certaines lacunes. Par exemple, en raison de l'absence des dispositifs de protection contre les surpressions de la canalisation principale qui sont exigés par l'article 4.14 de la norme CSA Z662, l'exploitation du pipeline est très sensible aux fluctuations mineures de la pression, ce qui pourrait expliquer le nombre relativement élevé de fermetures de la station.
Quand le réseau a été automatisé en 1993, la compagnie a conservé une pression de consigne de 965 kPa (140 lb/po²) pour le robinet de contrôle d'admission de la station de Cornwall, de façon à protéger la station de comptage. Le point de pression de consigne est contrôlé par l'intermédiaire d'un logiciel automatisé qui déclenche la fermeture du robinet de prélèvement dès que le point de consigne est dépassé. Quand le point de consigne a été dépassé, le robinet de contrôle d'admission s'est fermé complètement dans un délai de sept secondes, générant une saute de pression dans la canalisation principale. Ces sautes de pression donnent lieu à des fermetures du réseau, et occasionnent souvent des pressions supérieures à la pression d'exploitation maximale du pipeline. La compagnie n'a donné à l'OCC aucune instruction concernant la manœuvre du robinet de contrôle d'admission de la station de Cornwall. Vu l'absence de clapet antiretour à Lancaster et l'absence de protection contre les surpressions dans la canalisation principale, ces fermetures entraînent une saute de pression qui se répercute vers l'amont au-delà de la station de Lancaster et se dirige vers la station de Como. Il s'ensuit que la canalisation principale subit des contraintes et une charge de fatigue considérables qui peuvent entraîner la rupture de la conduite, comme dans l'événement à l'étude.
Acquisition et contrôle des données
Un des principaux éléments du système SCADA consiste à contrôler la pression interne afin d'assurer l'exploitation sûre et efficiente du pipeline. Tout en surveillant les conditions de pression, le système SCADA réagit rapidement aux situations qui s'écartent des conditions et pressions sûres d'exploitation autorisées par l'article 4.14 de la norme CSA Z662 et approuvées par l'ONE.
Les registres du système SCADA de la PTNI ont montré que la pression maximale n'a jamais dépassé les 8274 kPa (1200 lb/po²), alors que la pression maximale exigeant la fermeture à Como et à Lancaster était fixée à 8619 kPa (1250 lb/po²), ce qui est supérieur à la pression d'exploitation maximale approuvée par l'ONE. On a aussi noté un écart entre les données enregistrées par le système SCADA et les données observées, dans le cas d'une autre fermeture non programmée lors de laquelle les pressions observées par les techniciens de la PTNI et par l'OCC ont été supérieures aux valeurs enregistrées par le système SCADA. Étant donné que le système SCADA enregistrait les données à des intervalles de 5 secondes, mais n'enregistrait les données sur les tendances qu'à des intervalles de 15 secondes, il y avait des événements importants qui n'étaient pas enregistrés.
Le système SCADA a été incapable de consigner le moment où la limite supérieure de 8274 kPa (1200 lb/po²) a été dépassée, en raison des réglages et de l'étalonnage établis par la compagnie et des durées de balayage. Il a été impossible de déterminer les raisons qui expliquaient les écarts entre les pressions enregistrées et les pressions observées pendant les opérations normales. Donc, alors que le système SCADA indique un fonctionnement sûr et conforme à la réglementation et aux normes en vigueur, le pipeline est dans les faits exposé à des contraintes plus fortes qui accroissent les risques de rupture. Le système SCADA n'identifie et n'enregistre pas de façon uniforme les événements dangereux qui affectent périodiquement l'exploitation du pipeline. Par conséquent, le système SCADA ne bénéficie pas d'une configuration optimale permettant d'assurer une gestion fiable de la sécurité du pipeline.
Formation des opérateurs du centre de contrôle
La formation initiale des OCC leur a appris à faire face aux situations normales et aux situations d'urgence au cours de l'exploitation. Cependant, il n'y a eu aucune mise à jour de cette formation de façon à assurer une efficience accrue des centres de contrôle de la canalisation principale et une sécurité accrue du réseau. La PTNI n'a pas donné de notes d'orientation à l'OCC au sujet du robinet de contrôle d'admission de la station de Cornwall, ni de manuels exposant clairement les politiques, les pratiques et les normes de l'entreprise concernant l'exploitation du pipeline dans les conditions normales et pendant les situations d'urgence. Par conséquent, l'OCC a fixé certains paramètres d'exploitation qui excédaient la pression d'exploitation maximale. Par exemple, le fait de réamorcer la station de Cornwall à une pression de 8964 kPa (1300 lb/po²) ou de régler à 8619 kPa (1250 lb/po²) la pression de fermeture maximale des stations de Como et de Lancaster n'est pas conforme à l'article 4.14 de la norme CSA Z662 et excède la pression d'exploitation maximale approuvée par l'ONE, ce qui occasionne des contraintes et une fatigue excessives qui affectent le pipeline.
Essais métallurgiques et analyse hydraulique
La rupture de la conduite a résulté de la propagation, sous l'effet d'une contrainte ponctuelle, de fissures préexistantes qui avaient pris naissance dans une région affectée par un écaillage et des dommages d'origine mécanique qui affectaient la surface externe de la conduite. Les précriques ont été passives pendant un certain temps et se sont oxydées considérablement. Il a été impossible de déterminer si la rupture a été causée par la fatigue ou par une fissuration accentuée par les conditions environnementales.
Compte tenu de la taille des précriques et de la résistance de la conduite à la traction, la pression statique théorique nécessaire pour causer la rupture du pipeline aurait été de l'ordre de 11 032 à 15 169 kPa (pression manométrique de 1600 à 2200 lb/po²).
Les valeurs basses obtenues au terme de l'essai Charpy concordent avec une rupture fragile consécutive à la propagation des fissures observées sur la conduite défectueuse, comme l'indiquent l'aspect poli de la rupture et la présence de chevrons dans la zone de fracture.
L'analyse hydraulique de mars 2005 a révélé qu'il s'était produit sur les lieux de l'événement une surpression supérieure à la pression d'exploitation maximale approuvée par l'ONE lorsque le robinet s'est fermé à la station de Cornwall. Cette analyse a été faite à l'aide des données limitées fournies par le système SCADA de la PTNI, lequel n'enregistre pas tous les événements. Le rapport a déterminé que la pression maximale à l'endroit de la rupture a pu atteindre 9032 kPa (pression manométrique de 1310 lb/po²) lorsque les robinets en aval se sont fermés à la station de Cornwall sans qu'on tienne compte de ce qui se passait en amont. Le rapport de l'expert-conseil n'a pas traité de la situation en tenant compte de tout ce qui survenait dans les installations en amont, et plus particulièrement du fait que la station de Como continuait de pomper en direction de la section et accroissait ainsi la mise en pression de la ligne, ce qui allait donner lieu à l'événement. L'analyse s'est limitée au fonctionnement du pipeline à l'état stabilisé. Pendant le fonctionnement à l'état stabilisé, la pression d'exploitation normale est d'environ 5930 kPa (pression manométrique de 860 lb/po²). Toutefois, on a entrepris la transition vers une livraison à pleine charge à destination de Cornwall, de sorte que, d'après le rapport, la pression sur les lieux de l'événement a été de l'ordre d'environ 8039 kPa (pression manométrique de 1166 lb/po²). Le transitoire de pression combiné à l'augmentation de la mise en pression en provenance de la station de pompage de Como, laquelle ne s'était pas fermée à la suite de l'augmentation de la pression dans le pipeline, ont occasionné des conditions de fonctionnement non stabilisé. Alors que l'enquête a déterminé que le produit acheminé dans le pipeline était à 13 °C, l'expert-conseil a utilisé une température de 10 °C aux fins du calcul des pressions. De plus, le rapport a utilisé une valeur homogène pour établir la densité des produits raffinés, alors que la densité réelle n'était pas homogène. Chacune de ces hypothèses a dû influer directement sur les résultats définitifs de l'analyse hydraulique, et à plus forte raison si la canalisation était déjà sous pression.
L'étude faite par le Laboratoire technique du BST et l'analyse hydraulique de la compagnie ont donné des valeurs conformes aux pressions qu'on aurait signalées sur les lieux de l'événement à la suite de la fermeture de la station de Cornwall et du transitoire de pression subséquent. Lors de l'analyse hydraulique, on a calculé une pression estimative de 9032 kPa (pression manométrique de 1310 lb/po²) à l'état stable, sans tenir compte des événements en amont, alors que le BST, dans le cadre d'une analyse purement théorique faisant appel à des hypothèses générales, a calculé une valeur allant de 11 032 à 15 169 kPa (pression manométrique de 1600 à 2200 lb/po²).
Le fait que les stations de Lancaster et de Como aient été dépourvues de clapets antiretour a entraîné un accroissement des pressions maximales sur les lieux de la rupture et de la quantité de produit qui a été expédiée dans le pipeline à partir de Lancaster et qui s'est déversée dans le réseau de drainage de Saint-Emmanuel sur les lieux de l'événement.
Programme d'inspection interne
Bien que le programme d'inspection interne ait signalé des anomalies sur les lieux de l'événement à plusieurs occasions, la façon dont la compagnie s'y est prise pour interpréter les anomalies s'est avérée déficiente. À partir de 1980, en se fiant à l'interprétation des résultats du premier passage de l'outil d'inspection interne, lequel a eu lieu en 1980, la compagnie, les fournisseurs d'outils d'inspection interne et un expert-conseil ont tous conclu que les indications d'inspection interne relevées sur les lieux de l'événement ne représentaient pas un danger. Après avoir reçu les résultats des inspections internes de 1993 et de 1998, la compagnie n'a pas accordé suffisamment de crédit à la technologie plus récente, et ce même si les capacités de détection et d'interprétation des outils d'inspection interne s'étaient grandement améliorées depuis 1980. Les résultats des inspections internes de 1993 et de 1998 démontraient clairement qu'il y avait un seul défaut important du pipeline sur les lieux de l'événement. On n'a fait aucune excavation sur place pour s'enquérir de ce défaut. Si la compagnie avait examiné les cartes-tracés, elle se serait vraisemblablement rendu compte qu'il n'y avait pas de courbure sur le terrain à cet endroit. En outre, si la compagnie avait effectué un calcul technique standard pour déterminer la longueur de tuyau nécessaire pour une courbure sur le terrain, elle aurait conclu que la particularité signalée sur les lieux de l'événement ne correspondait pas aux dimensions courantes d'une courbure sur le terrain.
En 1980, l'outil d'inspection interne était peu fiable et les analystes des données d'inspection interne n'avaient pas encore suivi une formation officielle sur l'interprétation des résultats des contrôles de l'inspection interne de l'intégrité des pipelines. Il est donc possible que les conclusions initiales qu'on a tirées en 1980 aient été erronées et qu'il y ait effectivement eu un enfoncement dans la conduite à cette époque. À partir de 1982, les analystes des données d'inspection interne ont suivi une brève formation sur l'interprétation des résultats des contrôles de l'intégrité des pipelines au moyen de l'inspection interne. Du fait des limitations technologiques de l'outil à cette époque, les méthodes d'interprétation laissaient beaucoup de place à la subjectivité. En outre, les analystes des données d'inspection interne avaient très peu d'occasions d'interpréter les données d'inspection interne, étant donné que ces essais de contrôle de l'intégrité n'avaient lieu qu'une fois tous les cinq ans.
Les résultats des essais subséquents faits en 1988 ont aussi dû faire l'objet d'une interprétation subjective. Encore là, les analystes des données d'inspection interne ont conclu à l'absence de danger. En 1993, lorsqu'on a reçu les résultats obtenus par un outil plus perfectionné de contrôle de l'intégrité par inspection interne, au sujet duquel les analystes n'avaient suivi aucune formation officielle, les analystes ont réexaminé les résultats de 1988. Il est vraisemblable que les analystes des données d'inspection interne ont réexaminé les résultats de 1988 en utilisant les mêmes méthodes subjectives qu'ils avaient apprises en 1982. Ils ont conclu que les résultats des essais d'inspection interne de 1993 ne représentaient aucun danger, mais ont considéré que ces résultats confirmaient leurs conclusions précédentes quant à l'absence de danger.
À partir de 1998, la technologie de contrôle de l'intégrité des pipelines exigeait une interprétation beaucoup moins subjective. Toutefois, faute d'avoir reçu une formation sur la fiabilité de cette technologie plus récente, les analystes ont dû avoir de la difficulté à déterminer si les résultats des essais d'intégrité plus perfectionnés de 1998 étaient plus concluants que ceux des essais précédents. Cela a dû être particulièrement difficile du fait que leurs conclusions avaient été confirmées à trois reprises et avaient tenu pendant 18 ans sans événement. Il est donc vraisemblable que les analystes des données d'inspection interne ont erronément traité les résultats obtenus grâces aux technologies plus anciennes (en 1980, 1988 et 1993) et à la technologie plus récente (en 1998) comme s'ils avaient tous le même degré de fiabilité. Ainsi, les résultats de 1998 ont été regroupés avec ceux des inspections précédentes et ils n'ont pas dû se démarquer suffisamment pour que les analystes se rendent compte qu'il y avait effectivement un danger. La confirmation répétitive voulant que les résultats de 1980, de 1988 et de 1993 ne signalent aucun danger a probablement donné lieu à un préjugé de confirmationNote de bas de page 3 qui, combiné à l'absence de formation sur la fiabilité des nouvelles méthodes de contrôle de l'intégrité, a amené les analystes à conclure que les résultats des essais d'intégrité de 1998 indiquaient aussi qu'il n'y avait aucun danger.
Réparation des dégâts dus à la corrosion
L'utilisation du soudage par bain de fusion pour réparer des dommages dus à la corrosion n'est pas autorisée par la norme CSA Z662, et cette méthode est réputée pour produire des microfissures dans le métal de base de la conduite. Avec le temps, la présence de microfissures peut occasionner des fuites et une rupture du pipeline, surtout si le pipeline fonctionne à la pression d'exploitation maximale ou à une pression voisine de celle-ci. Pour assurer la sécurité du public, il est donc primordial qu'on identifie les endroits où cette méthode de soudage a été employée et qu'on fasse un suivi approprié.
Activités non autorisées de tiers
La compagnie tient des dossiers détaillés sur les dommages causés au pipeline et les réparations du revêtement dans les endroits connus et identifiés. Toutefois, les écaillages et les dommages d'origine mécanique causés à la conduite et la réparation du revêtement que l'on a notés à proximité de la section affectée par la rupture n'ont pas été consignés. Ces dommages ont fort vraisemblablement été causés par un tiers, et ce même si le revêtement utilisé pour la réparation a été installé dans les règles de l'art et même s'il s'agit du type d'enduit dont la PTNI s'est toujours servie pour réparer les revêtements endommagés.
La compagnie a déjà signalé des activités non autorisées de tiers le long de l'emprise de son réseau de pipelines. Ces activités ont causé des dommages au pipeline ainsi que des ruptures de celui-ci. Dans certains cas, la compagnie n'a appris que beaucoup plus tard que le pipeline avait subi des dommages, même si une patrouille aérienne survole l'emprise du pipeline une fois par semaine.
Intervention d'urgence
Un des principaux objectifs du plan d'intervention d'urgence consiste à contenir les déversements d'hydrocarbures. Une fois sur place, le personnel d'intervention de la PTNI a entrepris immédiatement le processus de confinement, d'isolement et de nettoyage. Toutefois, le personnel de la PTNI n'a pas fait une inspection et une surveillance exhaustives des lieux à son arrivée. Il ne s'est pas rendu compte que le produit répandu s'était infiltré dans les tuyaux d'argile, même si le personnel sur place était au courant de la présence de ces tuyaux dans le district de Saint-Clet. De plus, il n'a pas remarqué le pétrole répandu quand il a franchi le pont d'un agriculteur qui enjambe le fossé de drainage de Saint-Emmanuel, dans lequel le produit s'était écoulé en direction du fleuve Saint-Laurent. Par conséquent, le déversement de produit sur les lieux de l'événement n'a pas fait l'objet de mesures adéquates de confinement et a causé des dommages à l'environnement qui auraient pu être évités. Cela met en évidence une lacune importante du plan d'intervention d'urgence de la compagnie. Si une inspection exhaustive des lieux avait été faite, le personnel aurait trouvé les tuyaux d'argile. La procédure normalisée aurait alors consisté à bloquer l'extrémité des tuyaux d'argile afin d'empêcher les produits raffinés d'entrer dans le réseau de drainage de Saint-Emmanuel.
À partir du centre de contrôle de la canalisation principale, l'OCC commande la fermeture des vannes automatisées de façon à limiter le volume de produit répandu. Toutefois, on peut réduire ce volume encore davantage en fermant les robinets à fermeture manuelle situés entre les vannes automatisées. Bien que l'intervention d'urgence de la PTNI ait été rapide, la fermeture des robinets à fermeture manuelle par les employés de la compagnie a pris plus de temps.
Lors de cet événement, le volume de produit répandu a été relativement peu considérable en raison du terrain plat et de la faible pente du pipeline. Cependant, la géométrie n'est pas aussi favorable dans d'autres secteurs du réseau de la PTNI. Par conséquent, des ententes d'assistance mutuelle conclues soit avec une autre société de pipeline soit avec des gens de l'endroit, et visant la fermeture manuelle des vannes du pipeline de la PTNI en cas d'urgence, permettraient de réduire au minimum les déversements de produits et les dommages environnementaux dans l'ensemble du réseau de la PTNI. L'installation de clapets antiretour aux stations de Lancaster et de Como aurait empêché l'écoulement du produit après l'événement, et la présence d'un clapet antiretour à la station de Lancaster aurait empêché que le produit qui fuyait en aval de Lancaster s'échappe à l'endroit de la rupture de la conduite.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le fonctionnement non commandé du robinet de prélèvement automatique de la station de Cornwall a entraîné une fermeture non planifiée de la station à un moment où la mise sous pression de la canalisation augmentait du fait des opérations à la station de Como ainsi qu'une surpression de l'ordre de 11 032 à 15 169 kPa (pression manométrique de 1600 à 2200 lb/po²), ce qui a causé la rupture de la canalisation.
- En raison de l'absence de clapet antiretour à la station de Lancaster et de l'absence de dispositifs de contrôle du débit et de protection contre la surpression dans la canalisation principale, la forte fluctuation de pression s'est répercutée vers l'amont au-delà de la station de Lancaster, soumettant la canalisation principale à de fortes contraintes qui ont entraîné la rupture de la conduite.
- La rupture de la conduite a résulté de la propagation, sous l'effet d'une contrainte ponctuelle, de fissures préexistantes qui avaient pris naissance dans une partie du pipeline affectée par un écaillage et des dommages d'origine mécanique qui affectaient la surface externe de la conduite et qui résultaient de travaux de construction non autorisés exécutés par un tiers.
- On a conclu de façon répétée que les indications de l'inspection interne sur les lieux de l'événement correspondaient à une courbure sur le terrain et ne représentaient aucun danger.
- Même si la fiabilité de l'outil d'inspection interne s'est grandement améliorée depuis 1980, le manque de formation sur la nouvelle technologie d'inspection interne et les occasions peu fréquentes d'interpréter les résultats des inspections de l'intégrité ont vraisemblablement amené les analystes des données d'inspection interne à conclure en 1993 et en 1998 qu'il n'y avait aucun danger sur les lieux de l'événement.
- Si la compagnie avait fait un creusage sur place, avait examiné les cartes-tracés ou avait effectué un calcul technique standard, elle se serait vraisemblablement rendu compte que la particularité détectée par l'outil d'inspection interne ne correspondait pas à une courbure sur le terrain.
Faits établis quant aux risques
- L'absence de dispositifs de protection contre la surpression et de dispositifs de contrôle du débit dans la canalisation principale fait en sorte que l'exploitation des pipelines est très sensible aux fluctuations mineures de la pression quand on essaie de maximiser le débit à destination de la station de Cornwall; cela pourrait expliquer le nombre relativement élevé de fermetures à cette station.
- L'écart entre les données du réseau de contrôle du système et d'acquisition de données (SCADA) et les données observées indique qu'alors que le système SCADA indique un fonctionnement sûr, le pipeline est dans les faits exposé à des contraintes plus fortes qui accroissent les risques de rupture.
- L'absence de formation d'appoint et de manuels de référence sur les politiques, les pratiques et les normes de l'entreprise signifie que certains paramètres d'exploitation du pipeline ne sont pas conformes aux normes de l'Association canadienne de normalisation, et que la pression était supérieure à la pression d'exploitation maximale approuvée par l'Office national de l'énergie, de sorte que le pipeline était exposé à des contraintes et à une fatigue excessives.
- Le fait de ne pas identifier et surveiller les secteurs où l'on a utilisé la méthode de soudage par bain de fusion constitue un risque pour la sécurité du public dans le secteur du réseau de pipelines.
Autres faits établis
- La fermeture soudaine du robinet de prélèvement et la fermeture ultérieure du pipeline et la saute de pression ont résulté d'une augmentation de pression excédant la valeur de consigne établie par l'opérateur du centre de contrôle, au moment où celui-ci essayait de maximiser l'écoulement du produit destiné à Cornwall et de terminer la livraison de produit à Ottawa.
- Le personnel de la compagnie n'a pas fait une inspection et une surveillance exhaustives à son arrivée sur les lieux. Par conséquent, le déversement de produit sur les lieux de l'événement n'a pas fait l'objet de mesures adéquates de confinement et a causé des dommages à l'environnement qui auraient pu être évités.
- Des ententes d'assistance mutuelle conclues soit avec une autre société de pipeline soit avec des gens de l'endroit, et visant la fermeture manuelle des vannes du pipeline en cas d'urgence, permettraient de réduire au minimum les déversements de produits et les dommages environnementaux dans l'ensemble du réseau de Pipelines Trans-Nord Inc.
- Même si une patrouille aérienne survole l'emprise du pipeline une fois par semaine, la compagnie a déjà signalé des activités non autorisées de tiers qui ont causé des dommages à son pipeline.
Mesures de sécurité
Mesures de sécurité prises
Pipelines Trans-Nord Inc. (PTNI) a examiné les données historiques d'inspection interne du tronçon allant du raccordement Sainte-Rose à la station de pompage de Farran's Point. On a relevé et excavé quatre autres particularités, dont on a déterminé qu'il s'agissait d'enfoncements dans le pipeline. Près des lieux de l'événement, on a aussi relevé deux emplacements additionnels qui ont été associés à des activités non autorisées. La compagnie a excavé un de ces deux emplacements.
La compagnie a indiqué avoir entrepris un examen de ses méthodes d'exploitation. Par la suite, elle a abaissé la pression dans la canalisation principale à la station de Cornwall, faisant passer la pression de consigne de 3585 kPa (520 lb/po²) à 3310 kPa (480 lb/po²), avant de reprendre les livraisons.
Au printemps de 2003, la compagnie a procédé à une étude de dimensionnement suivie d'une inspection interne. Elle a fait savoir qu'elle avait excavé le pipeline à huit emplacements additionnels. Sur réception des rapports d'inspection interne, la PTNI a entrepris un examen exhaustif des données et a procédé à une analyse « joint par joint » de tout son réseau.
La compagnie a modifié ses méthodes d'analyse pour faire en sorte qu'il y ait une corrélation exacte entre les déformations de la conduite interprétées comme étant des courbures sur le terrain et les particularités connues de la topographie ou du tracé de la canalisation. Elle planifie de réexaminer tous les dossiers d'inspection interne pour s'assurer qu'il n'y a pas particularités ou d'enfoncements critiques similaires à celui de Saint-Clet dans l'ensemble du pipeline. Des experts-conseils externes dont on a retenu les services ont terminé l'examen de toutes les données historiques d'inspection interne entre Hamilton (Ontario) et la station de pompage de Farran's Point. Des travaux supplémentaires d'excavation sont prévus.
Quand les techniciens de la PTNI font l'essai de l'équipement de la station de Cornwall, et pour éviter une fermeture de l'installation par inadvertance, la PTNI a modifié ses opérations pour faire en sorte d'isoler la station de Lancaster avant de procéder à des livraisons directes à destination de Cornwall.
L'Office national de l'énergie (ONE) est conscient du manque d'homogénéité dans l'interprétation des exigences en matière de protection contre la surpression dans les pipelines de produits liquides, exigences qui sont énoncées dans la norme CAN/CSA Z662 de l'Association canadienne de normalisation (CSA) intitulée Réseaux de canalisations de pétrole et de gaz (CSA Z662). La protection contre la surpression est censée protéger le pipeline en cas de défectuosité du contrôle de la pression. Toutefois, le contrôle de la surpression n'est pas censé limiter la pression à la pression d'exploitation maximale approuvée. Il est plutôt conçu de façon que la pression dans le pipeline ne dépasse jamais la pression d'exploitation maximale de plus de 10 %. L'ONE procède actuellement à la révision des exigences et s'adressera au comité de normalisation de la norme CSA Z662 et à l'ensemble de l'industrie pour obtenir des éclaircissements sur cette question. Quand les parties intéressées auront transmis les renseignements voulus, l'ONE entend continuer de contrôler la conformité à la norme lors de l'examen continu de l'exploitation des pipelines (vérifications, inspections et examens de demandes).
L'ONE est conscient des problèmes d'intégrité qui pourraient être dus à des soudures par bain de fusion mal exécutées. Des discussions continues ont eu lieu entre le personnel de l'ONE et la PTNI au sujet des soudures par bain de fusion qu'on trouve dans le réseau de la PTNI. La compagnie a signalé qu'elle a exécuté des soudures par bain de fusion sur ses pipelines pendant quelques années à partir de la décennie 1960, et qu'elle a cessé d'en faire depuis que les soudures en question ont été interdites par la norme CSA Z183, en 1977.
Récemment, la compagnie a adressé à l'ONE un rapport, en date du 4 janvier 2005, dans lequel il est question des soudures par bain de fusion qu'on trouve dans le réseau de la PTNI. Le personnel de l'ONE étudie actuellement ce rapport. L'ONE entend continuer de collaborer avec la PTNI pour s'assurer que celle-ci a mis sur pied un programme de surveillance de l'intégrité des soudures par bain de fusion existantes. L'ONE contrôlera les progrès du programme de surveillance des soudures par bain de fusion de la PTNI quand il procédera aux vérifications et aux inspections voulues dans le cadre de ses activités continues de surveillance de l'exploitation des pipelines.
Depuis l'événement, l'ONE et la PTNI ont cherché ensemble des façons d'améliorer la sécurité en se basant sur les leçons qu'ils en ont tirées. L'ONE continue de collaborer avec la PTNI afin de s'assurer que celle-ci dispose d'un plan efficace d'intervention d'urgence efficace et s'efforce de réduire le nombre d'incidents qui résultent de dommages causés par des tiers. L'ONE a discuté à de nombreuses reprises avec la PTNI pour s'assurer que celle-ci affecte des employés compétents aux évaluations de l'intégrité, comme les analyses d'inspection interne. L'ONE reconnaît que la PTNI a fait une analyse des données relatives aux passages précédents de l'outil d'inspection interne et qu'elle a réévalué et modifié sa façon d'évaluer les défauts, et notamment les déformations des conduites identifiées grâce aux données d'inspection interne.
L'ONE s'est entretenu avec la PTNI au sujet de la conformité aux exigences en matière de pression d'exploitation maximale, afin de s'assurer que la PTNI a doté son réseau de pipelines d'un système convenable de contrôle de la pression. L'ONE continuera de communiquer avec la PTNI et compte obtenir des éclaircissements auprès de l'industrie et du comité de normalisation de la norme CSA Z662 au sujet des exigences concernant la protection contre la surpression dans les pipelines servant au transport de produits liquides.
À long terme, l'ONE continuera d'examiner et de surveiller la façon dont la PTNI gère l'intégrité de son pipeline, tout comme il continuera de surveiller la situation quant aux problèmes éventuels d'intégrité qui sont signalés dans l'industrie des pipelines, notamment les problèmes liés aux soudures par bain de fusion, les défauts de fabrication des conduites et la corrosion. L'ONE s'est engagé à informer les autres compagnies des leçons apprises à la suite de cet événement dans le cadre de ses activités de surveillance continue de l'exploitation des pipelines (vérifications, inspections et examens de demandes).
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports au sujet de cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A - Représentation schématique du réseau de canalisations de Pipelines Trans-Nord Inc., de la station de pompage de Montréal au terminal d'Ottawa
Annexe B - Représentation schématique de la station de comptage de Cornwall
Annexe C - Représentation schématique de la station de pompage de Lancaster
Annexe D - Sigles et abréviations
- asl
- au-dessus du niveau de la mer
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- cm
- centimètres
- CSA Z662
- norme CAN/CSA Z662 intitulée Réseaux de canalisations de pétrole et de gaz
- CSA
- Association canadienne de normalisation
- DI
- détecteur d'interface
- DTD
- détecteur de température à distance
- h
- heures
- HP
- puissance en horsepower
- ID
- isolateur de débit
- kPa
- kilopascals
- lb/po²
- livres au pouce carré
- m
- mètres
- m3
- mètres cubes
- min
- minutes
- mm
- millimètres
- OCC
- opérateur du centre de contrôle
- ONE
- Office national de l'énergie
- PTNI
- Pipelines Trans-Nord Inc.
- RAM
- redresseur en amont
- RAV
- redresseur en aval
- s
- secondes
- SCADA
- réseau de contrôle du système et d'acquisition de données
- TP
- transmetteur de pression
- V
- volts
- ° C
- degrés Celsius