Rapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M19P0078

Collision avec un portique de déchargement
Navire porte-conteneurs Oakland Express, Terminal Fraser Surrey Docks (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Description du navire

    Le Oakland Express est un navire porte-conteneurs intégral d’une longueur hors tout de 294,04 m et d’une capacité de 4890 EVPNote de bas de page 1. Le pont, la salle des machines et les emménagements sont situés à environ 70 m à l’avant de la poupe. Le navire est doté de 36 baies pour conteneurs de 20 pieds – 28 devant les emménagements et 8 derrière – et d’un enregistreur des données du voyage (VDR)Note de bas de page 2.

    Le navire, construit en 2000 par Hyundai Heavy Industries Ltd., en Corée, est l’un des 7 navires-jumeaux construits pour l’entreprise Hapag‑Lloyd AG. En plus de posséder un grand mât sur leur axe longitudinal, le Oakland Express et ses navires-jumeaux sont munis d’un autre mât à tribord, sur lequel sont installés les feux pour la navigation dans le canal de SuezNote de bas de page 3, près de l’extrémité supérieure (figure 1).

    Sur le Oakland Express, le mât des feux pour la navigation dans le canal de Suez dépasse la quille de 53,75 m. La partie extérieure des dispositifs d’éclairage montés sur le mât rentre d’environ 1 m vers l’intérieur du côté tribord du navire. Les feux pour la navigation dans le canal de Suez sont intégrés au grand mât de la plupart des navires porte‑conteneurs, lequel se trouve généralement sur l’axe longitudinal du navire.

    Figure 1. Côté tribord du Oakland Express alors qu’il est accosté au terminal Fraser Surrey Docks (Source : BST)
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    Côté tribord du Oakland Express alors qu’il est accosté au terminal Fraser Surrey Docks (Source : BST)

    Déroulement du voyage

    À 12 h 18Note de bas de page 4 le 5 avril 2019, le Oakland Express, qui avait quitté Seattle, dans l’État de Washington (États‑Unis), pour se rendre au terminal Fraser Surrey DocksNote de bas de page 5 (Colombie‑Britannique) est arrivé à la station d’embarquement des pilotes de Sand Heads, à l’entrée du fleuve Fraser. Un pilote du fleuve Fraser est alors monté à bord et a échangé des renseignements avec le capitaine, qui lui a remis la fiche de pilotage du navireNote de bas de page 6. Cette dernière indiquait des tirants d’eau de 7,5 m à l’avant et 8,3 m à l’arrière, ainsi qu’un tirant d’airNote de bas de page 7 maximal de 46,0 m. Aucune défectuosité de la machinerie n’a été signalée, et le navire était en mode de commande manuelle. Le pilote a informé le capitaine que le navire serait emmené au poste d’amarrage no 7 et qu’il serait amarré côté tribord à l’aide de 2 remorqueurs. Le pilote et le capitaine ont aussi discuté des données sur les marées et les courants, de même que des conditions météorologiques prévuesNote de bas de page 8.

    Le pilote du navire a mis le cap sur le terminal Fraser Surrey Docks. À environ 14 h 24, les remorqueurs ont été attachés à l’avant et à l’arrière pour faciliter l’amarrage. Au moyen d’un radiotéléphone à très haute fréquence (VHF), le pilote de l’embarcation d’amarrageNote de bas de page 9 a indiqué au pilote du Oakland Express que le navire devait être amarré de manière à positionner la proue à la marque de 380 mNote de bas de page 10. Un amarreur a garé son camion à cet emplacement pour aider le pilote à aligner la proue du navire.

    Le navire a été manœuvré le long du poste d’amarrage de sorte que la proue se situait à quelques mètres de la marque de 380 m. La 1re amarre a été attachée à 14 h 48. Environ 2 minutes plus tard, le navire avançait lentement le long du poste d’amarrage en vue de son positionnement final, et l’un des dispositifs d’éclairage du mât des feux pour la navigation dans le canal de Suez est entré en collision avec la glissière pour câbles en guirlandeNote de bas de page 11 du portique no 4Note de bas de page 12.

    Par la suite, le navire a été éloigné du poste d’amarrage à l’aide des remorqueurs. Le portique no 4 a été déplacé loin du navire, et la position d’amarrage du navire a été modifiée. À 15 h 48, le navire a été amarré de sorte que la proue se situait à la marque de 340 m.

    Le dispositif d’éclairage a été endommagé lorsqu’il a frappé la glissière pour câbles en guirlande du portique no 4 (figure 2). De plus, la glissière s’est pliée sur une longueur d’environ 4 m et a été désalignée par rapport à la section horizontale sous la poutre (figure 3).

    Les données du VDR n’ont pas été sauvegardées après l’événement, ce qui a empêché le BST d’examiner les renseignements.

    Figure 2. Dommage au mât des feux (Source : BST)
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    Dommage au mât des feux (Source : BST)
    Figure 3. Dommage au portique (Source : BST)
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    Dommage au portique (Source : BST)

    Positionnement des portiques de déchargement

    Au moment de l’événement, 3 portiques se trouvaient à proximité du poste d’amarrage no 7 du terminal Fraser Surrey Docks. Ces portiques peuvent se déplacer sur des rails fixes le long de la ligne d’amarrage. Le portique no 3 n’était pas fonctionnel le jour de l’événement, et il était positionné en aval du fleuve, à l’extrémité du poste d’amarrage, aux fins d’entretien. Pour sa part, le portique no 4 se trouvait près de la marque de 600 m en vue de l’entretien des conteneurs dans les baies situées à l’arrière des emménagements du navire. Le portique no 5 était positionné près de la marque de 450 m, en vue de l’entretien de la baie située à l’avant des emménagements.

    En mars 2016, à la suite d’événements au cours desquels des navires qui, à l’arrivée ou au départ, se sont heurtés à un portique dont le bras était abaissé, ou un portique laissé dans une position où il pourrait entrer en collision avec le dévers avant ou arrière d’un navire, l’Administration de pilotage du Pacifique a publié un avis à l’industrieNote de bas de page 13, dans lequel elle réitère que les exploitants de terminaux doivent garder les portiques au centre ou aussi loin que possible des navires qui arrivent et qui partent, et que les bras des portiques doivent être relevés.

    Plan d’amarrage

    Au terminal Fraser Surrey Docks, les surintendants chargés de planifier et de superviser les activités de navigation déterminent la position définitive du navire au poste d’amarrage et en informent verbalement le premier amarreur, qui transmet ensuite l’information au pilote de l’embarcation d’amarrage par radiotéléphone à VHF. Finalement, le pilote de l’embarcation d’amarrage communique la position définitive au pilote du navire lorsque ce dernier s’approche du quai.

    Les surintendants avaient prévu que le navire Oakland Express serait amarré pour que la proue se situe à la marque de 340 m (figure 4). Le portique no 4 a été positionné à proximité des baies se trouvant tout juste derrière les emménagements, en vue de l’entretien de ces baies. Ce plan a été communiqué verbalement au premier amarreur avant l’arrivée du navire.

    Figure 4. Diagramme illustrant le plan d’amarrage original du Oakland Express (Source : BST)
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    Diagramme illustrant le plan d’amarrage original du Oakland Express (Source : BST)

    Lors de l’amarrage, on a observé que la position du portique no 4 nuirait au filage des amarres de garde arrière entre le navire et les bollards. Le premier amarreur a rectifié la position d’amarrage de 40 m pour l’amener à la marque de 380 m, afin de faciliter le filage des amarres de garde arrière (figure 5)Note de bas de page 14.

    Figure 5. Diagramme illustrant le plan d’amarrage modifié du Oakland Express (Source : BST)
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    Diagramme illustrant le plan d’amarrage modifié du Oakland Express (Source : BST)

    La position modifiée a été communiquée au pilote de l’embarcation d’amarrage, qui l’a ensuite transmise au pilote par radiotéléphone à VHF. Elle n’a pas été communiquée aux surintendants, car ces derniers n’étaient pas présents lors de l’amarrage. La modification de la position d’amarrage a causé la collision entre le mât des feux pour la navigation dans le canal de Suez et le portique no 4.

    Contraintes verticales à Fraser Surrey Docks

    Au terminal Fraser Surrey Docks, lorsque les bras des portiques sont relevés, ils ne sont pas perpendiculaires au quai, mais s’étendent vers la mer à un angle de 10° (figure 6), ce qui engendre une contrainte verticale d’environ 45,15 m dans le voisinage immédiat du poste d’amarrageNote de bas de page 15. La plupart des navires porte‑conteneurs conventionnels ne sont pas équipés d’un mât près de la muraille du navire et ne sont donc pas gênés par cette contrainte. Toutefois, la contrainte n’a pas d’incidence sur l’amarrage du Oakland Express et de ses navires-jumeaux lorsque ces derniers sont amarrés à quai du côté tribord, en raison de la proximité du mât des feux pour la navigation dans le canal de Suez avec la muraille du navire.

    Figure 6. Contrainte verticale du portique au poste d’amarrage (Source : BST)
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    Contrainte verticale du portique au poste d’amarrage (Source : BST)

    Le Oakland Express et ses navires-jumeaux ont fait escale au terminal Fraser Surrey Docks à 42 reprises au cours des 10 dernières années. L’exploitant du terminal avait préalablement déterminé que les portiques ne pouvaient pas être transportés au‑delà de la zone des emménagements de ces navires si ces derniers sont amarrés à quai du côté tribord. Il a donc élaboré une procédure de travail sécuritaire pour ce processus. Lorsqu’il est nécessaire qu’un portique soit déplacé au-delà des emménagements, la procédure consiste à faire pencher le navire vers le port d’environ 1 à 2 degrés et d’affecter du personnel à la surveillance des dégagements à bord du navire pendant le transport du portique. La procédure n’indique toutefois pas le risque de collision pendant l’amarrage ou l’appareillage.

    Mesures de sécurité prises

    Après l’événement, le terminal a pris les mesures suivantes :

    • révisé la procédure de positionnement du portique avant l’amarrage et l’appareillage des navires;
    • créé une exigence voulant que les surintendants soient présents au poste d’amarrage et qu’ils soient équipés de radiotéléphones à VHF pour communiquer avec les pilotes durant tous les mouvements de navires;
    • examiné l’incident, en collaboration avec les pilotes du fleuve Fraser, et commencé les réunions semestrielles, afin de discuter des points à améliorer et des plans pour l’avenir;
    • révisé la marche à suivre lorsqu’un portique passe à côté d’un mât ou d’une superstructure pendant son déplacement le long du poste d’amarrage.

    Messages de sécurité

    Il est important que les terminaux cernent les dangers et atténuent tous les risques lors de l’élaboration et de l’exécution des plans d’amarrage. De plus, les pilotes et les exploitants de terminaux doivent tenir compte des particularités de chaque navire et des directives publiées par les administrations de pilotage.

    Le Oakland Express et ses navires-jumeaux font l’objet d’une attention particulière en ce qui a trait au tirant d’air, en raison de la proximité du mât des feux pour la navigation dans le canal de Suez avec la muraille du navire. Les capitaines de ces navires doivent tenir compte de cette information et la communiquer aux pilotes et aux terminaux de manière proactive.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .