Rapport d'enquête maritime M96M0178

Explosion dans le système d'échappement
de la machine principale
du navire porte-conteneurs panaméen
« CAPE CHARLES »
au quai du terminal-conteneurs de Ceres
Halifax (Nouvelle-Écosse)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Pendant les préparatifs de l'appareillage, la machine principale a été prélubrifiée et démarrée en marche arrière après l'injection d'air comprimé. Quand le moteur s'est mis à tourner, il s'est produit, dans la section supérieure du système d'échappement, une explosion qui a endommagé la trémie inférieure de l'économiseur ainsi que le capuchon du tuyau d'échappement, et un nuage de suie est sorti de la bouche de la cheminée. Le capuchon a atterri sur le pont supérieur du navire. Après l'explosion, on a immédiatement placé les commandes de la machine à la position « stop ». Il n'y a eu ni blessé ni pollution. Le système d'échappement de la machine principale a subi des avaries mineures et le capuchon du tuyau d'échappement a été lourdement endommagé.

    Renseignements de base

    Fiche technique du navire

    Nom « CAPE CHARLES »
    Port d'immatriculation Ville de Panama
    Pavillon Panama
    Numéro officiel 8601381
    Type Porte-conteneurs
    Jauge brute 41 843 tonneaux
    Longueur 236 m
    Construction 1986, Imabari Zonen K.K., Marugame, Japon
    Propulsion 1 diesel Mitsubishi-Sulzer à 8 cylindres, modèle RTA84, 24 126 kW
    Propriétaire Silvanus Shipholding S.A., Panama

    Le moteur Mitsubishi-Sulzer RTA84 installé sur le « CAPE CHARLES » est un diesel à deux temps, à crosse et à balayage uniflux, dont l'alésage est de 840 mm et la course de 2 400 mm. Le moteur consomme du combustible de 380 centistokes en mer et pendant les manoeuvres.

    L'huile de graissage des chemises de cylindres, un lubrifiant spécial pour cylindres (TARO de Texaco), arrive aux cylindres par des buses de graissage. Ces buses de graissage sont disposées tout autour et au sommet de chaque cylindre, et elles sont alimentées par une pompe qui est actionnée par l'huile du circuit de graissage du palier moteur.

    Dans une situation d'urgence, on peut se servir de l'huile du circuit de graissage provenant du palier de crosse pour entraîner la pompe. Il suffit pour ce faire d'ouvrir et de régler un clapet qui détourne l'huile de la vanne régulatrice de débit. Le cas échéant, il peut être nécessaire de régler le fonctionnement du moteur ou de doser le débit d'huile afin d'assurer une lubrification correcte des chemises de cylindres.

    Les mécaniciens du navire ont apparemment constaté que le clapet de dérivation fuyait légèrement lors de l'examen du moteur auquel ils ont procédé après l'explosion. De plus, selon les témoignages, le réservoir de lubrifiant à cylindres contenait environ 230 litres de moins qu'il aurait dû lorsqu'on l'a vérifié après l'explosion.

    Le gaz d'échappement de chaque cylindre s'écoule dans le collecteur d'échappement, d'où il pénètre dans les turbosoufflantes.

    À la sortie des turbosoufflantes, le gaz d'échappement passe par le côté tribord de la trémie inférieure de l'économiseur. Cette trémie consiste en une boîte métallique ouverte dans le haut, d'environ 3 890 mm de hauteur sur 5 371 mm de longueur au sommet et 4 081 mm de longueur dans le bas. Sa largeur est de 2 620 mm au sommet et de 2 284 mm au bas. La tôle du fond et des côtés a 4,5 mm d'épaisseur. Un orifice d'évacuation est percé dans la tôle du fond.

    Le gaz d'échappement pénètre dans l'échangeur de chaleur et monte dans le faisceau tubulaire sur une distance de 8 440 mm. L'échangeur de chaleur est coiffé d'un raccord de réduction profilé de 825 mm de hauteur qui aboutit au tuyau d'échappement circulaire. Du haut de l'échangeur de chaleur, le gaz d'échappement monte directement dans le tuyau d'échappement pour s'échapper à l'air libre par le capuchon de la cheminée.

    La chaleur produite à l'aide de l'échangeur de chaleur des gaz d'échappement est utilisée pour le chauffage domestique, pour préchauffer le mazout lourd et pour entraîner un groupe de turbo-alternateurs. Dans les ports, c'est une chaudière à combustible liquide qui fournit la chaleur nécessaire au chauffage domestique et au préchauffage du carburant. L'électricité est fournie par des groupes de génératrices diesels.

    Au cours d'une visite de suivi du navire, pendant le chargement et le déchargement de conteneurs, on a constaté que la température de l'économiseur se situait entre 154°C dans la partie inférieure et 109°C dans la partie supérieure.

    Le 30 décembre 1996, au terminal de conteneur de Ceres, on a prélubrifié la machine principale et on y a injecté de l'air comprimé pendant les préparatifs de l'appareillage. On n'a pas signalé de fuite de liquide au robinet de décompression. On a fait démarrer la machine principale en marche arrière à partir du poste de commande passerelle.

    Peu après la mise en marche de la machine, les occupants de la passerelle ont entendu un fort bruit, suivi du fracas de l'écrasement du capuchon du tuyau d'échappement sur le pont supérieur au-dessus des emménagements, au milieu d'un nuage de suie et de poussière.

    L'examen du système d'échappement effectué après l'accident n'a révélé aucun dommage aux conduits d'échappement de la machine principale ni aux turbosoufflantes. La tuyauterie d'échappement reliant les turbosoufflantes à la trémie inférieure de l'économiseur était elle aussi intacte.

    On a noté certains dommages externes à la trémie dans la partie inférieure de l'économiseur. Les côtés avant et arrière de la trémie montraient un renflement marqué, et les panneaux isolants recouverts de tôle étaient aussi déplacés pour la plupart. On a aussi noté un renflement de la tôle de la trémie sur les faces avant, arrière et tribord, côté admission, au-dessus de l'orifice d'admission des gaz d'échappement.

    À l'intérieur, on a relevé dans le fond de la trémie des déchirures pouvant atteindre 300 mm de longueur à certains endroits où les raidisseurs internes rejoignent la tôle des côtés. Il y avait aussi d'autres déchirures de la tôle ainsi qu'une légère flexion des cornières internes de renfort dans les côtés et au fond.

    L'intérieur était uniformément recouvert de suie, mais ne semblait pas avoir été attaqué par le feu.

    Aucun dommage visible aux tuyaux des échangeurs de chaleur de gaz d'échappement n'a été signalé. On a constaté sur toute la hauteur, un léger déplacement de certains panneaux isolants tôlés sur les côtés de l'échangeur de chaleur.

    De façon générale, on pouvait noter une légère déformation de la tôle de l'échangeur de chaleur.

    Une inspection interne des tubes de l'échangeur de chaleur de gaz d'échappement a été faite après l'enlèvement des panneaux d'accès. On a constaté qu'à partir des deux tiers de leur hauteur environ, les tubes étaient propres et exempts de la suie légère trouvée ailleurs.

    Les ramoneurs paraissaient indemnes et fonctionnaient normalement quand on les a essayés en présence d'un inspecteur de la société de classification.

    Le capuchon, dont la masse est d'environ 800 kg, a subi de lourds dommages lorsqu'il a été éjecté du sommet de la cheminée et a atterri sur le pont supérieur.

    Lorsque le navire est à quai pour le chargement et le déchargement, l'équipe de la salle des machines procède à des travaux d'entretien courants.

    L'examen des injecteurs de la machine principale auquel on a procédé après l'explosion n'a apparemment révélé aucune anomalie.

    Selon l'équipage, l'explosion serait survenue dans le conduit d'échappement, avant les turbosoufflantes, à cause d'une accumulation d'huile de graissage des chemises de cylindres qui aurait pris feu.

    Dans une affaire mettant en cause un navire de tonnage similaire à bord duquel un incendie a éclaté dans un économiseur, on a noté que le fabricant du moteur avait affirmé dans un bulletin d'entretien que la suie imbibée d'huile pouvait s'enflammer à des températures aussi basses que 150°C.

    Analyse

    Pendant toute la période où le navire était amarré au terminal-conteneurs pour manutentionner la cargaison, on a continué à préchauffer le combustible du moteur. L'eau de refroidissement circulait dans tout le moteur. L'huile de graissage circulait continuellement vers les paliers principal et de crosse, de même que le combustible dans le circuit de combustible.

    La lubrification des chemises de cylindres est interrompue pendant les périodes d'arrêt, puisque le débit d'huile vers le moteur hydraulique qui entraîne les pompes d'huile de graissage de chemises est réglé selon la demande de combustible de la machine.

    En cas d'urgence, l'huile du circuit de graissage provenant du palier de crosse peut servir à entraîner la pompe de graissage; il suffit d'ouvrir et de régler un clapet qui détourne l'huile de la vanne régulatrice de débit.

    Les mécaniciens du navire ont constaté lors de l'examen de la machine auquel ils ont procédé après l'explosion que le clapet de dérivation fuyait légèrement. Ils ont aussi indiqué qu'après l'explosion, le réservoir d'huile de graissage des cylindres contenait environ 230 litres de moins qu'il l'aurait dû.

    Si le clapet de dérivation fuyait alors que le moteur était arrêté, de l'huile devait atteindre les graisseurs de cylindres. Selon la position du piston dans le cylindre, de l'huile a pu s'accumuler sur les têtes de piston.

    Avant de mettre le moteur en marche, on commence normalement par ouvrir le robinet de décompression de chaque culasse et par faire tourner le moteur à l'aide du vireur. Une accumulation de combustible, d'huile ou d'eau dans les cylindres se révèle alors par un jet diffusé qui s'échappe du robinet de décompression pendant qu'on fait tourner le moteur.

    Nulle mention n'a été faite de la présence de tels jets diffusés au niveau des robinets de décompression. Cela semble indiquer qu'il n'y avait pas d'accumulation importante de liquide dans un des cylindres avant le démarrage de la machine.

    Si le clapet de dérivation était ouvert alors que le moteur tournait, une quantité excessive d'huile de graissage de chemises de cylindres a dû parvenir au moteur pendant le voyage de l'Europe au Canada, provoquant une accumulation de vapeur d'huile dans le système d'échappement.

    Compte tenu de l'absence de dommages ou de traces de feu dans le conduit d'échappement, de l'absence de survitesse ou d'avaries aux turbosoufflantes, du léger renflement et des déchirures dans la trémie inférieure ainsi que du fait que tous les tubes de l'économiseur étaient intacts, il semble que le gros des forces libérées par l'explosion ait emprunté la voie de moindre résistance, s'élevant vers le haut pour éjecter le capuchon en cours de route.

    La preuve matérielle ainsi que les dommages observés semblent indiquer que l'explosion s'est produite près du haut de l'échangeur de chaleur de gaz d'échappement. De plus, ce secteur était exempt de la suie légère retrouvée dans le reste du système d'échappement.

    L'absence de suie semble indiquer que ce secteur a été soumis à une chaleur très intense, et donc que c'est là que l'explosion s'est produite.

    Il n'a pas été possible de déterminer avec certitude l'origine des vapeurs inflammables.

    Compte tenu de la perte de 230 litres d'huile de graissage de chemises de cylindres et du fait que les injecteurs étaient apparemment dans un état satisfaisant, il est possible qu'une partie de l'huile de graissage des chemises se soit infiltrée dans l'économiseur pendant que le moteur était en marche.

    L'inflammation a été provoquée, selon toute probabilité, par une étincelle qui a été transportée par les gaz d'échappement lorsque le moteur a été mis en marche.

    Faits établis

    1. Une explosion s'est produite dans la partie supérieure de l'économiseur, dans le système d'échappement de la machine principale, lorsque des vapeurs inflammables ont pris feu après le démarrage du moteur.
    2. La force de l'explosion a été suffisante pour éjecter le capuchon de la cheminée et endommager la trémie inférieure.
    3. Il n'a pas été possible de déterminer quelle était la matière combustible qui s'est enflammée dans le circuit d'échappement.

    Causes et facteurs contributifs

    L'explosion qui s'est produite dans le système d'échappement du navire porte-conteneurs « CAPE CHARLES » a été provoquée par des gaz inflammables qui ont pris feu dans la partie supérieure de l'économiseur.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité prises

    Pour éviter la répétition de tels accidents, Univan Ship Management Ltd. a envoyé à tous ses navires munis de moteurs Sulzer des séries RLA, RLB et RTA, des instructions pour que le clapet de dérivation soit muni d'un dispositif de blocage et soit inspecté périodiquement pour déceler les fuites éventuelles.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du président, Benoît Bouchard et des membres, Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.