Chavirement
Petite embarcation «CHARLOTTE EXPLORER 4»
Nord-ouest de l'île Hippa
Archipel de la Reine-Charlotte
(Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le «CHARLOTTE EXPLORER 4» (CE4) et ses deux occupants ont été déclarés en retard lorsque la petite embarcation n'est pas revenue au navire-mère, le «CHARLOTTE EXPLORER», dans la soirée du 12 septembre 1995. L'équipage du navire-mère a entrepris, à l'aide d'autres petites embarcations, des recherches qui se sont poursuivies toute la nuit. À l'aube, d'autres bateaux ainsi qu'un hélicoptère se sont joints aux recherches. Le «CE4» a été retrouvé renversé sur une plage à l'extrémité nord-ouest de l'île Hippa. Peu après, l'équipage de l'hélicoptère a aperçu les corps des deux occupants dans un lit de varech près de la côte.
Le Bureau a déterminé que le «CE4» affrété, qui pêchait en solitaire avec le moteur hors-bord très probablement arrêté, a chaviré après avoir dérivé dans une zone de varech et de rochers à l'intérieur de laquelle l'effet combiné de la marée et de la houle favorisait la formation localisée de grosses lames pouvant atteindre ou même dépasser les sept mètres avec des crêtes déferlantes. Les consignes de la compagnie fréteuse concernant la pêche en solitaire, le maintien d'un contact radio et l'exécution de patrouilles pour assurer la sécurité des clients n'ont pas été respectées. On a pris un certain temps à constater que la petite embarcation était en retard et à commencer les recherches. En l'absence de témoins, la cause, l'heure et le lieu exacts du chavirement n'ont pu être déterminés.
1.0 Renseignements de base
1.1 Fiche technique des bâtiments
Nom | « CHARLOTTE EXPLORER 4 » | « CHARLOTTE EXPLORER » |
---|---|---|
Numéro officiel | 13K106085 | 810531 |
Port d'immatriculation | Vancouver (C.-B.)Note de bas de page 1 | Vancouver (C.-B.) |
Pavillon | Canada | Canada |
Jauge brute | N/D | 821 tonneauxNote de bas de page 2 |
Jauge nette | N/D | 436 tonneaux |
Longueur | 5,18 m | 52,73 m |
Équipage | 2 personnes | 15 personnes |
Construction | 1993, Port Coquitlam (C.-B.) | 1966, Jefferson, Indiana (É.-U.) |
Propriétaires | Sewells Marine Group Horseshoe Bay (C.-B.) | B5000 Holdings Ltd. West Vancouver (C.-B.) |
1.1.1 Renseignements sur les bâtiments
Le «CHARLOTTE EXPLORER 4» (CE4) est un bateau non ponté en aluminium comportant deux pupitres placés au milieu; il est propulsé par un moteur hors-bord dont les commandes se trouvent sur le pupitre de tribord, tout comme la roue de gouverne. La coque en V, à faible tirant d'eau et à bouchain simple, comporte un double-fond étanche de même que des caisses de flottabilité à l'avant et à l'arrière (voir la photo 1 de l'annexe E). Il y a à l'avant un caisson muni d'une porte où sont arrimés les gilets de sauvetage. Derrière ce caisson, on retrouve un bac pour recevoir les prises, qui a ses propres orifices d'assèchement. Le cockpit est aussi autopurgeur grâce à la présence de nables à l'arrière, dans les hanches bâbord et tribord.
Le «CHARLOTTE EXPLORER» est un navire sismologique transformé dont la timonerie est placée à l'avant. Les emménagements occupent toute la longueur du pont principal ainsi que les deux tiers avant du pont supérieur. La partie arrière du pont supérieur est découverte et on y arrime les petites embarcations pendant le trajet en provenance et à destination de l'archipel de la Reine-Charlotte. Rendu dans l'archipel de la Reine-Charlotte, le «CHARLOTTE EXPLORER» sert de navire-mère pour 18 petites embarcations non pontées en aluminium ainsi que d'hôtel pour les clients.
1.2 Déroulement du voyage
Le mardi 12 septembre 1995 était l'avant-dernier jour de la saison de pêche, après quoi le «CHARLOTTE EXPLORER» devait retourner à son mouillage d'hiver à Vancouver (C.-B.).
Deux clients, un homme et une femme tous deux âgés de 76 ans, ont quitté le «CHARLOTTE EXPLORER» entre 7 hNote de bas de page 3 et 7 h 30 à bord du «CE4» qui leur avait été attribué pour la durée de leur séjour de pêche. Ils sont entrés en contact par radio avec le «capitaine de pêche du matin» sur la voie 69 du poste très haute fréquence (VHF) du bateau. Ils sont ensuite partis du mouillage du bras Nesto pour se rendre du côté nord-ouest de l'île Hippa, où on les a vus pêcher au large des lits de varech au cours de la matinée.
Huit petites embarcations étaient sorties avec des clients et une autre avec des membres d'équipage à bord. Sept autres avaient été dégréées en prévision du retour à Vancouver. Le capitaine de pêche du matin, qui patrouille les zones de pêche pour prêter main-forte aux clients qui le désirent, a aperçu le «CE4» au milieu d'un groupe qui pêchait du côté sud de la pointe nord-ouest de l'île Hippa. Personne ne se rappelle avoir vu le «CE4» après que le capitaine de pêche l'eut aperçu et eut communiqué par radio avec ses occupants vers midi.
Le matin, le capitaine de pêche du matin a remarqué que la marée avait tendance à éloigner les embarcations de l'île. Il a aussi noté qu'il y avait des lames déferlantes atteignant sept mètres de hauteur à la pointe nord-ouest de l'île Hippa. Il s'attendait à ce que la marée se renverse et commence à pousser les embarcations vers l'île après le lunch. Il a quitté son service à 13 h, et le «capitaine de pêche de l'après-midi» l'a remplacé.
On avait l'habitude à bord du «CHARLOTTE EXPLORER» de surveiller étroitement les allées et venues des clients quand le temps était mauvais. Cependant, il faisait beau le jour de l'accident, et le capitaine de pêche du matin n'a pas jugé nécessaire de faire un rapport complet de la situation à son remplaçant de l'après-midi. Lorsque celui-ci et un client ont quitté le «CHARLOTTE EXPLORER» à bord de l'embarcation du capitaine de pêche de l'après-midi, il y avait trois embarcations de clients à quai. Le capitaine de pêche de l'après-midi n'a pas procédé à un recensement complet des autres embarcations par radio, mais il est sorti pour patrouiller et pêcher avec un client. Il est sorti du passage Hippa par l'entrée ouest et a doublé l'île Hippa par le nord; c'est là que le capitaine de pêche du matin lui avait dit que pêchaient les bateaux de clients. Lorsqu'il est arrivé au large du phare de la pointe de l'île Hippa, il n'y avait pas de bateaux de clients. Il est resté à cet endroit et y a pêché en dehors du varech.
Le capitaine de pêche de l'après-midi a parlé à certains des clients par radio pendant l'après-midi, mais pas avec les occupants du «CE4». Ce n'est que vers 16 h, lorsqu'il s'est déplacé vers l'extrémité sud du passage Hippa pour y pêcher, que le capitaine de pêche a aperçu pour la première fois une des autres embarcations (le «CHARLOTTE EXPLORER 12»), qui se trouvait à l'extrémité sud-ouest de l'île Hippa; il y avait cinq autres bateaux dans le secteur.
Vers 17 h 30, le capitaine de pêche de l'après-midi a reçu un message radio selon lequel l'embarcation des membres d'équipage qui pêchaient dans le passage sud revenait au navire-mère. Il a alors cru qu'aucune embarcation ne manquait à l'appel, puisqu'il y avait cinq bateaux de clients qui pêchaient dans le passage sud alors que trois autres se trouvaient encore au navire lorsqu'il avait quitté celui-ci plus tôt. Comme il n'avait pas été prévenu par radio qu'une de ces embarcations était retournée pêcher dans l'après-midi, il présumait que les trois embarcations étaient toujours au navire.
Le capitaine de pêche de l'après-midi a pêché avec le client jusqu'à 18 h ou 18 h 30, puis il est retourné au «CHARLOTTE EXPLORER» en passant par l'entrée sud du passage Hippa. Pendant le trajet de retour, il a aperçu cinq embarcations, trois dans le passage sud et deux du côté nord de l'île. En entrant dans le bras Nesto, il a vu plusieurs bateaux rassemblés à la tête du bras, et dont les occupants observaient une ourse et des oursons s'ébattant sur la rive.
L'une des embarcations s'était échouée à la marée descendante, et le capitaine de pêche a tenté en vain de la touer pour la dégager. Il a fini par abandonner l'embarcation échouée pour revenir s'en occuper plus tard, et il a pris à son bord les occupants de celle-ci pour les ramener au navire-mère. Une fois revenu au «CHARLOTTE EXPLORER», vers 20 h 15, il a compté les embarcations et s'est rendu compte qu'il en manquait une (le «CE4»).
Le capitaine de pêche de l'après-midi a averti le capitaine de pêche du matin qu'il manquait une embarcation, puis il est retourné avec son bateau à la pointe Marchand dans le passage Hippa afin de tenter de contacter le «CE4» sur son poste VHF. Il y a plusieurs secteurs de cette zone où la réception radio est difficile; le navire-mère n'est pas toujours capable de rejoindre les embarcations parties en excursion. Par ailleurs, selon l'endroit où ils se trouvent, les capitaines de pêche qui patrouillent à l'extérieur du bras Nesto sont souvent capables d'établir le contact radio, même avec les postes beaucoup moins puissants qu'ils ont dans leurs embarcations.
Lorsque le capitaine de pêche n'a pas reçu de réponse de l'embarcation manquante, il en a averti le représentant de la compagnie, qui est l'agent de liaison entre les clients, le capitaine du navire, les capitaines de pêche et l'équipage du navire. Les recherches ont débuté à 20 h 35.
Les recherches, sous la direction du représentant de la compagnie et du capitaine, se sont poursuivies toute la nuit, jusqu'à ce qu'on repère l'embarcation manquante sur une plage à 8 h, le 13 septembre 1995.
1.3 Victimes
Équipage | Passagers | Autres | Total | |
---|---|---|---|---|
Morts | - | 2 | - | 2 |
Disparus | - | - | - | - |
Blessés graves | - | - | - | - |
Blessés légers/ indemnes | - | - | - | - |
Total | - | 2 | - | 2 |
Les autopsies ont révélé que la mort des deux occupants du «CE4» était due à la noyade.
1.4 Opérations de recherches et sauvetage
L'équipage du «CHARLOTTE EXPLORER» a commencé les recherches à 20 h 35 le 12 septembre 1995, après que le capitaine de pêche de l'après-midi eut tenté sans succès d'entrer en contact par radio avec le «CE4», depuis l'extérieur de l'entrée du bras Nesto.
À 20 h 35, trois embarcations conduites par des membres de l'équipage du «CHARLOTTE EXPLORER» ont été envoyées pour procéder à une fouille systématique de différents secteurs : l'une dans la baie Skelu, une deuxième dans la baie Athlow et une troisième du côté ouest de l'île Hippa. Les secteurs de recherche avaient été déterminés d'après des renseignements fournis au représentant de la compagnie par d'autres clients qui se trouvaient à bord du «CHARLOTTE EXPLORER», et selon lesquels les occupants du «CE4» avaient dit, la veille, qu'ils allaient tenter leur chance dans la baie Athlow. Aucune des personnes qui ont participé aux premières recherches n'était au courant que le capitaine de pêche du matin avait aperçu le «CE4» à midi à la pointe du phare sur l'île Hippa.
Les embarcations ont terminé les premières recherches à 23 h 30. Comme celles-ci avaient été infructueuses, le capitaine a prévenu la station radio de la Garde côtière (SRGC) de Prince Rupert. La SRGC a diffusé un bulletin d'information maritime (BIM) demandant aux navires se trouvant dans les parages de rester vigilants au cas où ils apercevraient l'embarcation manquante. La SRGC a aussi communiqué avec le Centre de coordination du sauvetage (CCS) d'Esquimalt (C.-B.) pour déclencher une opération de recherches et sauvetage (SAR).
L'équipage du «CHARLOTTE EXPLORER» a poursuivi les recherches à l'aide des embarcations du navire pendant toute la nuit. Le capitaine a contacté deux compagnies aériennes locales afin de retenir les services d'un hélicoptère et d'un avion pour aider aux recherches après le lever du jour. Pendant ce temps, le CCS d'Esquimalt a pris des dispositions pour qu'un avion Buffalo se rende sur les lieux à l'aube pour participer aux recherches, de même qu'un hélicoptère Sikorsky de la Garde côtière canadienne (GCC) basé à Prince Rupert (C.-B.).
À 6 h 40 le 13 septembre, l'avion Buffalo était à Sandspit (C.-B.) à faire le plein de carburant pour les recherches et, à 6 h 50, les secteurs de recherche attribués aux embarcations ont été déterminés après consultation entre les hélicoptères et le «CHARLOTTE EXPLORER». Les embarcations, dont plusieurs étaient conduites par des clients, ont quitté le navire-mère à 7 h 20, et à 7 h 45, elles étaient toutes à pied d'oeuvre, prêtes à entreprendre les recherches.
À 7 h 55, le capitaine de pêche du matin a aperçu une embarcation chavirée sur la rive, à l'extrémité nord-ouest de l'île Hippa, juste au sud du phare. Vers 8 h 10, il a confirmé que l'embarcation renversée était bien le «CE4» et on a continué les recherches pour retrouver les occupants dans l'eau. Deux personnes du «CHARLOTTE EXPLORER» ont été débarquées et ont fouillé le littoral dans les deux directions en partant du bateau échoué. D'autres personnes du navire-mère sont débarquées pour récupérer l'embarcation.
L'avion Buffalo, l'hélicoptère Sikorsky et les embarcations ont poursuivi les recherches. À 10 h 15, on a aperçu un corps dans le varech à environ 250 mètres à l'ouest-sud-ouest de l'embarcation échouée et, à 10 h 45, un second corps a été repéré non loin de là dans le même lit de varech. Les membres d'équipage ont hissé les deux corps dans les embarcations. Les deux victimes portaient des combinaisons de flottaison isothermes de pêche Mustang de modèle marin 1800, constituées d'une veste et d'une salopette à grande bavette.
Pour fournir un meilleur soutien, la combinaison Mustang comporte un collet que le porteur peut gonfler en soufflant dans un tube. L'homme n'avait pas gonflé le collet de sa combinaison. La femme avait réussi à gonfler partiellement le sien, d'environ 15 p. 100 en volume (voir la photo 2 de l'annexe E), mais ce n'était pas suffisant pour lui fournir un soutien efficace dans l'eau. Les deux victimes avaient perdu ou enlevé leurs bottes en caoutchouc dans l'eau.
Après avoir repêché les corps, on a remarqué plusieurs pièces d'équipement de l'embarcation qui flottaient sur l'eau entre la plage où le bateau a été trouvé et l'endroit où on a repêché les corps des victimes.
1.5 Avaries à l'embarcation
Le «CE4» était lourdement endommagé lorsqu'on l'a retrouvé sur la plage (voir aussi la section 1.11).
1.6 Emplacement de l'équipement de l'embarcation
Certaines pièces de l'équipement de l'embarcation ont été aperçues dans le lit de varech au large de la plage où l'embarcation a été retrouvée. Un des articles ainsi retrouvés était un harpon à flétan avec son flotteur en plastique.
1.7 Certificats
Le «CE4» a une décalcomanie de petites embarcations de Transports Canada ainsi qu'une homologation de type.
Le «CHARLOTTE EXPLORER» possédait les certificats exigés par la Loi sur la marine marchande du Canada pour le type d'opération et la zone d'exploitation.
1.8 Antécédents du personnel
1.8.1 Clients
Les deux clients étaient des citoyens américains âgés.
L'homme possédait de nombreuses années d'expérience de la pêche sportive en mer et il avait fait un voyage de pêche réussi dans l'archipel de la Reine-Charlotte l'année précédente à bord du «CHARLOTTE EXPLORER». Apparemment toutefois, même si c'était un pêcheur chevronné, son expérience de la manoeuvre de petites embarcations était limitée.
La femme, une amie de longue date de l'homme, n'avait à peu près pas d'expérience de la pêche en mer et pas la moindre expérience de la manoeuvre d'embarcations.
1.8.2 Officiers et membres de l'équipage
Le capitaine du «CHARLOTTE EXPLORER» est titulaire d'un brevet canadien de capitaine au long cours. Il commandait le navire depuis quatre ans, pour le même type d'opération.
Le capitaine de pêche du matin occupait ses fonctions depuis quatre ans. Auparavant, il avait été matelot pendant trois ans. Il ne possède pas de brevet maritime, et il n'avait pas besoin d'en avoir pour les fonctions qu'il exerçait.
Le capitaine de pêche de l'après-midi avait quatre ans d'expérience comme marin-pêcheur commercial et quatre autres années comme guide de pêche sportive. Il s'était joint à l'équipage du «CHARLOTTE EXPLORER» comme capitaine de pêche deux ans auparavant. Il ne possède pas de brevet maritime, et il n'avait pas besoin d'en avoir pour les fonctions qu'il exerçait.
Le représentant de la compagnie en était également le président, et il représente la compagnie pendant ses visites de service à bord du «CHARLOTTE EXPLORER». Il possède 40 ans d'expérience dans l'exploitation de marinas et de services touristiques avec son entreprise familiale, dont cette opération fait partie. Il ne possède pas de brevet maritime en bonne et due forme et il n'avait pas besoin d'en avoir pour les fonctions qu'il exerçait.
1.9 Conditions météorologiques et marées
Environnement Canada possède deux stations d'enregistrement dans le secteur de l'accident. La station météorologique de Kindakun Rocks se trouve à 15 milles au sud-sud-est du phare de l'île Hippa tandis que la bouée de West Moresby est à 63 milles au sud du phare de l'île Hippa. La station de Kindakun Rocks est équipée pour enregistrer la pression atmosphérique et la température de l'air, de même que la vitesse et la direction des vents, tandis que la bouée de West Moresby mesure la température de l'air, les creux de vagues, la période de la houle, l'amplitude maximale de crête à creux, la vitesse et la direction des vents ainsi que des rafales.
Les conditions météorologiques sont généralement les mêmes à l'île Hippa, à Kindakun Rocks et à la bouée de West Moresby, tous des secteurs exposés en plein océan Pacifique.
Le 12 septembre 1995, pour la période de 6 h 28 à 23 h 28, la station de Kindakun Rocks a enregistré des températures de l'air entre 13 et 15 °C ainsi que des vents soufflant généralement du nord ou du nord-ouest à des vitesses variant entre deux et neuf noeuds.
Pour la même période, la bouée de West Moresby a enregistré des températures de l'air de 15 à 16 °C ainsi que des vents de 4 à 10 noeuds, soufflant généralement du nord ou du nord-ouest. Les creux de vagues se situaient entre 2 et 3,6 m, et l'amplitude maximale du creux à la crête a atteint 7 m à 13 h 35. La période de la houle dépassait les 11 secondes, ce qui indique qu'il s'agissait de houle océanique; dans le secteur, les lames d'origine éolienne ont une période comprise entre quatre et neuf secondes.
Les marées à Port Louis, qui se trouve à 10 milles au nord de l'île Hippa, sont basées sur celles de Tofino. Pour le 12 septembre 1995, leur hauteur prévue était de 1,188 m au-dessus du zéro des cartes à 10 h 8 et de 3,993 m à 16 h 7.
Les Instructions nautiques pour la côte de la Colombie-Britannique (partie nord) indiquent que l'île Hippa est entourée de secteurs dangereux. Elle est bordée à l'ouest par les récifs Quequitz, zone parsemée de rochers immergés et asséchants et une bande hauts-fonds s'étend vers le nord-ouest à partir des îlots qui prolongent la pointe nord-ouest de l'île.
1.10 Stabilité de l'embarcation
Le «CE4» est conçu pour être très stable. Une des exigences des propriétaires était que sur une mer agitée, trois personnes se tenant du même côté de l'embarcation, puissent hisser à bord un flétan de 90 à 120 kilogrammes sans immersion du plat-bord.
1.11 État de l'embarcation récupérée
L'inspection du «CE4» échoué a révélé que les deux pupitres avaient été arrachés. Ceux-ci ont aussi été retrouvés sur la plage à proximité. Les deux fauteuils derrière les pupitres étaient très endommagés. Le couvercle du moteur hors-bord n'était plus en place et il n'a pas été retrouvé. Dans la partie supérieure du hors-bord, le volant et la couronne de lancement du démarreur étaient endommagés (voir la photo 8 à l'annexe E). Le moteur avait été coupé, le levier de vitesse était au point mort et rien ne permettait de croire que l'hélice ait été engagée dans le varech. La carène de l'embarcation (voir les photos 3 et 4 à l'annexe E) ne montrait pas de trace d'avaries attribuables à un échouement.
Les deux gilets de sauvetage ont été retrouvés dans le caisson avant (voir la photo 5 à l'annexe E), mais aucun des accessoires non assujettis n'étaient encore à bord. Certains d'entre eux ont été retrouvés entre l'emplacement des corps des victimes et celui de l'embarcation échouée.
Le poste VHF était toujours à sa place dans l'un des pupitres; il était ouvert et réglé sur la fréquence employée pour les communications, soit la voie 69.
Quelque temps avant cet accident, la caisse de flottabilité arrière tribord incorporée au tableau avait été percée afin d'y passer un nouveau câble de commande de gouverne. Idéalement, ce câble aurait dû passer dans le tuyau prévu à cette fin (voir la photo 6 à l'annexe E).
1.12 Responsabilités et fonctions de l'équipage du «CHARLOTTE EXPLORER»
Le capitaine est l'ultime responsable du navire ainsi que des petites embarcations utilisées par les clients. Pendant le jour, il maintient une écoute radio et supervise l'équipage à bord du navire.
Le représentant de la compagnie coordonne l'activité de pêche des clients avec l'exploitation du «CHARLOTTE EXPLORER». Il passe un certain temps sur l'eau et un certain temps à bord du navire-mère.
Les capitaines de pêche doivent assurer la sécurité de tous les clients, faire des reconnaissances pour localiser le poisson, expérimenter de nouvelles techniques et prêter assistance aux clients qui ont besoin d'aide pour capturer ou débarquer un poisson particulièrement gros. Selon les documents de la compagnie, la fonction primordiale des capitaines de pêche est d'assurer la sécurité des clients.
Les membres d'équipage du service pont restés à bord voient à refaire le plein des embarcations et à renouveler les provisions d'appâts au retour des clients à bord du navire-mère. Ils rencontrent les clients et préparent la prise pour que les clients puissent l'emporter avec eux à la fin de leur séjour. Ils assistent normalement au départ des clients qui vont pêcher.
1.13 Opérations du «CHARLOTTE EXPLORER» et des petites embarcations pendant les excursions de pêche des clients
Le «CHARLOTTE EXPLORER» est mouillé perpendiculairement à la plage à l'aide de deux ancres de bossoirs et de croupiats frappés sur la plage du côté sud du bras Nesto. Un quai flottant est construit le long du navire. Les petites embarcations sont amarrées au quai flottant lorsqu'elles ne servent pas.
Pendant la nuit, des mécaniciens vérifient les hors-bord et les radios des embarcations. Le matelot de service de nuit vérifie chaque embarcation pour s'assurer qu'elle est prête pour le lendemain et a une provision suffisante d'engins de pêche, d'appâts et de carburant.
Aux petites heures du matin, au moment de leur choix, les clients vont pêcher avec leur embarcation. Aucune heure n'est fixée pour le retour au navire-mère.
Le matelot affecté au service pont demande aux clients de se rapporter par radio, mais ils ne le font pas tous. Quand ils sont en excursion, on demande aux clients de naviguer par paires en se surveillant mutuellement et de communiquer avec le capitaine de pêche par radio pour l'informer de leurs allées et venues pendant la journée.
Le capitaine de pêche du matin sort sur l'eau à l'aube et ne revient que vers 13 h pour être relevé par le capitaine de pêche de l'après-midi qui prend la suite jusqu'au coucher du soleil. Pendant la journée, les capitaines de pêche patrouillent le secteur, parlent aux clients par radio et les aident si nécessaire. Aucun horaire n'est établi selon lequel les embarcations doivent appeller par radio pour faire part de leurs allées et venues. Les deux capitaines de pêche utilisent la même embarcation et le même équipement; ils ne sont normalement pas tous deux en mer en même temps.
Lorsque les clients reviennent au navire-mère, ils remettent leurs prises au matelot de service qui les prépare. Ils peuvent aussi lui demander de les photographier avec de gros poissons.
1.14 Information fournie aux clients concernant la sécurité, la conduite des embarcations et la région
1.14.1 Avant l'embarquement sur le «CHARLOTTE EXPLORER»
Pendant la saison de pêche, les clients sont amenés par avion de Vancouver jusqu'au bras Nesto deux fois par semaine. Au cours du vol vers l'archipel de la Reine-Charlotte, on leur remet à tous un petit livret d'information qui aborde sommairement divers sujets : «When You Arrive» (Que faire à l'arrivée), «Your Boats» (Vos embarcations), divers aspects de la pêche, «Safety First!!!» (La sécurité d'abord!!!), «Fish Master's Role» (Le rôle du capitaine de pêche), et divers points relatifs à la prise et au rôle de l'équipage (voir l'annexe B).
La brochure souligne qu'il s'agit d'une région éloignée, que les conditions météorologiques peuvent changer rapidement, qu'il est important de se surveiller mutuellement en naviguant par paires et qu'il faut rester en contact par radio quand on pêche en solitaire.
1.14.2 À bord du «CHARLOTTE EXPLORER»
Les clients sont rassemblés dans le salon supérieur où ils reçoivent une séance d'information en trois parties sur les dispositions à bord du «CHARLOTTE EXPLORER», les secteurs et les techniques de pêche. Ils mettent ensuite des combinaisons Mustang 1800 et on leur donne une démonstration pratique pour la conduite des petites embarcations dont ils devront se servir.
Chaque embarcation est attribuée à un groupe de pêcheurs particulier pour la durée du séjour. Les 16 embarcations sont ensuite mises à l'eau ensemble pour une randonnée d'essai dans le bras Nesto. Pendant cette randonnée, au moins trois personnes de la compagnie accompagnent les clients pour observer et évaluer la façon dont ils manoeuvrent leur embarcation et voir si certains auront besoin de formation supplémentaire.
Les clients qui ont besoin d'une formation pratique pour la manoeuvre des embarcations ne sont pas autorisés à prendre la mer tant qu'ils ne l'ont pas reçue.
1.14.3 À bord des petites embarcations
À bord de chaque embarcation, il y a un livret d'information plastifié, intitulé Your "On the Water" Companion (Votre compagnon sur l'eau) (voir l'annexe C).
Les pages centrales de ce livret sont des copies format réduit des cartes nautiques canadiennes du secteur. L'une de ces cartes est la carte no 3860, Île Hippa, et l'autre est une partie de la carte no 3869 qui comprend la côte ouest de l'île Graham, de l'anse Hosu à la pointe Seal, et qui inclut aussi l'île Hippa.
Ce livret indique l'emplacement de l'équipement de sécurité de l'embarcation et avertit les clients qu'ils doivent apprendre à s'en servir. Le livret rappelle à nouveau que les embarcations se trouvent dans une région éloignée, et insiste sur les avantages de la surveillance mutuelle. On y souligne l'importance de maintenir le contact par radio, ainsi que de se comporter en marin prudent, et on souligne la responsabilité de chacun.
1.14.4 Avertissements affichés à bord de l'embarcation
À bord du «CE4», à des endroits bien en vue, il y a des inscriptions claires et lisibles en lettres noires sur fond blanc. Ces inscriptions répètent le code de responsabilité et les précautions à prendre sur l'eau, donnent des conseils sur le bon usage marin et des instructions pour l'utilisation de la radio et le démarrage du moteur, et indiquent où est arrimé l'équipement de sauvetage.
1.15 Exploitation de navires d'affrètement et règlements pertinents
Le navire était exploité comme navire-mère ou comme base de départ pour des excursions de pêche privées à bord de petites embarcations et il était amarré à la plage. Il n'avait donc pas besoin d'un équipage complet. La plupart des navires réduisent l'effectif de l'équipage de pont au profit de personnes qui entretiennent les petites embarcations et nettoient et emballent les poissons capturés par les clients.
Il n'existe pas de règlement régissant les opérations des petits bâtiments affrétés une fois que le navire-mère est amarré à sa position saisonnière. Il s'agit d'un secteur autoréglementé.
Les petites embarcations doivent se conformer au Règlement sur les petits bâtiments pris en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada en ce qui concerne l'équipement qui doit se trouver à bord. Le «CE4» était complètement et correctement équipé.
Les exploitants du navire-mère n'exigent pas que les clients possèdent une licence radio valide, même si la plupart des embarcations utilisées sont munies de radios dont on encourage les clients à se servir en cas de besoin pour assurer leur propre sécurité et rester en contact avec d'autres embarcations ainsi que le navire-mère. Les clients ne sont pas questionnés sur leur état de santé ni sur leurs compétences en navigation avant leur arrivée sur place.
Normalement, un ou deux capitaines de pêche sont chargés de surveiller les clients, mais ces derniers prennent la mer à bord de petites embarcations sans aucune surveillance directe de leurs activités ni de leurs allées et venues.
2.0 Analyse
2.1 Documentation relative à la sécurité remise aux clients par la compagnie fréteuse
La teneur et la qualité des renseignements contenus dans les brochures remises aux clients ainsi que des rappels affichés sur chaque embarcation témoignent de l'importance que la compagnie fréteuse accorde à son obligation d'informer les clients de tout ce qui touche à leur sécurité pendant qu'ils sont à bord du navire-mère ou en excursion de pêche.
2.2 Consignes de sécurité de la compagnie fréteuse - Radio
Même si, dans la documentation relative à la sécurité remise aux clients, on souligne l'importance de maintenir un contact par radio, aucun horaire d'appel en bonne et due forme n'est établi à cette fin. En conséquence, ce n'est que longtemps après le fait qu'on s'est aperçu que le «CE4» pouvait être en difficulté.
Comme on ne semble pas avoir attaché beaucoup d'importance au signalement périodique de la position et à l'utilisation correcte de la radio VHF, les clients n'obéissaient généralement pas aux membres de l'équipage qui leur demandaient d'appeler régulièrement. Cependant, les instructions concernant l'utilisation de la radio, qui étaient affichées à bord de l'embarcation, étaient claires et sans équivoque.
2.3 Consignes de sécurité de la compagnie fréteuse - «La surveillance mutuelle»
Selon le livret d'information distribué par la compagnie dans l'avion, la première fonction du capitaine de pêche est d'assurer la sécurité de tous les clients. Sa seconde priorité, après la sécurité, est de faire en sorte que les clients prennent le plus de poissons possible.
Même si dans l'information sur la sécurité on insiste sur les avantages de la surveillance mutuelle et sur les dangers de la pêche en solitaire, aucun mécanisme n'avait été mis en place ni par le représentant de la compagnie, ni par le capitaine du navire, ni par les capitaines de pêche pour assurer une telle surveillance mutuelle.
C'est l'absence de surveillance mutuelle qui explique que le «CE4», qui pêchait à l'écart des autres, n'a pas été revu après midi. Personne n'a eu connaissance du chavirement qui s'est produit sans témoin et à l'insu de tous; on n'a remarqué qu'il manquait une embarcation que lorsque celles-ci ont été comptées vers 20 h 15.
2.4 Fonctions des capitaines de pêche
La fonction secondaire du capitaine de pêche, qui est d'aider les clients à prendre le plus de poissons possible, semble être entrée en conflit avec son rôle principal, qui est d'assurer la sécurité de ces mêmes clients. Ni le capitaine du navire ni le représentant de la compagnie n'a insisté pour que les capitaines de pêche fassent des patrouilles et aillent observer tous les clients ou toutes les embarcations régulièrement pendant les quarts du matin ou de l'après-midi.
2.5 Consignes de sécurité de la compagnie fréteuse - Relève du quart
Quand il faisait beau, le capitaine de pêche du matin ne fournissait habituellement pas un compte rendu complet et détaillé au capitaine de pêche de l'après-midi au moment de la relève. Par conséquent, le capitaine de pêche de l'après-midi n'a pas procédé à un recensement visuel et par radio complet des clients, et il est parti pêcher avec l'un d'eux.
Comme le beau temps portait les deux capitaines de pêche à se montrer moins vigilants, les allées et venues des clients ont été moins étroitement surveillées. Même s'il a parlé à certains clients dans l'après-midi, le capitaine de pêche de l'après-midi n'a pas vu d'embarcation avant 16 h. En l'absence de patrouille ou de vérification radio, personne ne s'est rendu compte que le «CE4» manquait à l'appel avant que l'on constate qu'il n'était pas encore revenu au navire-mère en soirée.
2.6 Stabilité du «CHARLOTTE EXPLORER 4»
Dès le tout début, la compagnie fréteuse avait cherché à s'assurer que les petites embarcations de pêche étaient assez stables pour leur rôle et leur utilisation prévus. Elles étaient assez stables pour que, sur une mer agitée, trois personnes se tenant du même côté puissent hisser un poisson de 120 kilos à bord, sans immersion du plat-bord.
Cependant, le «CE4» peut avoir été englouti par une lame ou par la houle -- ou par une combinaison des deux. Une telle combinaison était possible compte tenu de l'état de la mer observé près de la pointe nord-ouest de l'île Hippa le jour de l'accident.
Même si la rupture de l'étanchéité de la caisse de flottabilité arrière de tribord a dû diminuer la flottabilité à l'arrière si l'embarcation a été envahie, la caisse est de dimension réduite et la perte de flottabilité n'a pas dû être déterminante et n'a probablement pas constitué un facteur contributif important dans l'accident. Si un des occupants a tenté de hisser l'autre à bord par-dessus le tableau, la présence d'eau dans la caisse peut avoir joué un certain rôle dans le déroulement de l'opération.
2.7 État de l'embarcation récupérée
La position des commandes au moment de la récupération indiquait que le moteur hors-bord n'était pas en prise. Cependant, comme le pupitre où se trouvaient les commandes a été arraché, la manette de commande n'était peut-être pas au point mort lorsque l'embarcation a été submergée. Et cela peut aussi être vrai, quoique moins probable, en ce qui concerne la position du commutateur marche/arrêt. On ne peut donc avoir de certitude quant à la position des commandes au moment de l'accident.
2.8 Indications selon lesquelles le «CHARLOTTE EXPLORER 4» a chaviré
En l'absence de témoins et de survivants de la tragédie, le déroulement exact des événements demeure inconnu. Il existe toutefois des indices qui laissent croire que le «CE4» a pu chavirer au large du lit de varech où on l'a aperçu pour la dernière fois en train de pêcher.
Deux indices donnent à penser que le «CE4» a chaviré : d'abord, les dommages aux pupitres et aux fauteuils ainsi qu'à la partie supérieure du moteur hors-bord correspondent à ceux qu'une embarcation renversée pourrait subir en s'échouant sur la plage (voir les photos 1 et 8 à l'annexe E); de plus, le fond de l'embarcation ne montrait pas de traces attribuables à un échouement (voir les photos 3 et 4 à l'annexe E).
Comme il n'y avait pas de varech sur le moteur ni sur les lisses lorsque l'embarcation a été récupérée, il est probable que celle-ci a chaviré au large du lit de varech où elle a été vue et où de grosses lames ont été enregistrées ce jour-là. En outre, certains accessoires non assujettis ont été aperçus dans le lit de varech en face de la plage où l'embarcation a été retrouvée. Une de ces pièces d'équipement était le harpon à flétan et son flotteur en plastique. Compte tenu de l'emplacement et de l'arrimage du harpon, celui-ci n'a pu tomber que si l'embarcation a chaviré.
Tout indique que le «CE4» a chaviré au large du lit de varech près de la plage où il a été retrouvé.
2.9 Causes du chavirement
Il est impossible de déterminer le déroulement des événements avant le chavirement.
Bien que l'homme ait démontré à l'équipage du «CHARLOTTE EXPLORER» qu'il était capable de manoeuvrer le «CE4» dans le bras Nesto, il ne possédait peut-être pas une expérience suffisante de la manoeuvre d'embarcations pour bien mesurer les effets des rochers et des eaux embarrassées sur la forte houle au nord-ouest de l'île Hippa. Comme la cliente n'avait jamais pêché en mer et ne possédait aucune expérience de la manoeuvre d'embarcation, elle s'est probablement fiée à son compagnon qui connaissait beaucoup mieux le secteur.
Le moteur peut avoir calé ou peut avoir été coupé alors que les occupants de l'embarcation s'affairaient à pêcher ou à hisser un poisson à bord. Il est aussi possible que le couvercle du moteur ait été enlevé pour une inspection ou des réparations.
Par ailleurs, un des clients peut être accidentellement passé par-dessus bord en pêchant dans une forte houle. Il est possible que l'autre ait arrêté le moteur pour tenter de repêcher son camarade par la partie la plus basse du tableau, tout près du moteur. Pendant une telle tentative de sauvetage, il aurait été impossible de manoeuvrer l'embarcation.
Une fois le moteur arrêté, les occupants du bateau ne devaient pas avoir la capacité de manoeuvre voulue pour s'éloigner des eaux embarrassées près de l'île Hippa. Il est très probable que l'embarcation, portée par la marée, a dérivé jusqu'à cette zone de mer confuse et de brisants, et a chaviré.
L'absence d'avaries à la carène de l'embarcation laisse croire que celle-ci n'a pas chaviré après s'être échouée sur les rochers.
2.10 Recherches et sauvetage
L'absence des clients du «CE4» n'a été remarquée qu'une fois passée l'heure où on pouvait s'attendre à ce qu'ils soient revenus au navire-mère. Quand ils se sont aperçus que l'embarcation manquait à l'appel, le capitaine et le représentant de la compagnie ont promptement organisé une fouille systématique des parages immédiats. Toutefois, comme ils n'ont appelé la SRGC qu'après que les premières recherches eurent échouées, ce n'est que le lendemain matin que les recherches principales dirigées par le CCS ont été déclenchées.
3.0 Faits établis
- Les clients du «CHARLOTTE EXPLORER 4» (CE4) pêchaient à proximité du lit de varech sur la pointe nord-ouest de l'île Hippa.
- La zone où pêchaient les clients est une zone d'eaux embarrassées où la houle s'amplifie et déferle et où la mer est très confuse.
- La houle s'est amplifiée dans la journée pour atteindre son maximum à 13 h 30, heure où la bouée météorologique a enregistré un creux de vague maximum de sept mètres.
- On ne questionnait pas suffisamment les clients pour évaluer leur expérience du milieu maritime et de la manoeuvre d'embarcations avant de les laisser pêcher à l'écart du groupe.
- Les clients n'avaient peut-être pas assez d'expérience dans la manoeuvre d'embarcation pour faire face aux conditions auxquelles ils ont dû faire face lorsque la houle qui s'amplifiait et la marée ont poussé leur embarcation vers les rochers et le lit de varech.
- Le moteur avait très probablement été coupé par un des clients avant le chavirement.
- Les clients qui pêchaient loin des zones principales ne pêchaient pas par paire pour se surveiller mutuellement, et ni le représentant de la compagnie, ni le capitaine du «CHARLOTTE EXPLORER», ni les capitaines de pêche n'avaient pris de mesures pour assurer une telle surveillance mutuelle.
- Même si on souligne l'importance de maintenir un contact par radio dans la documentation relative à la sécurité remise aux clients, aucun horaire d'appel en bonne et due forme n'était établi à cette fin.
- Ni le capitaine du navire ni le représentant de la compagnie n'insistait pour que les capitaines de pêche patrouillent le secteur périodiquement pour observer tous les clients ou toutes les embarcations.
- La fonction secondaire des capitaines de pêche, qui est d'aider les clients à prendre le plus de poissons possible, semble être entrée en conflit avec leur rôle principal, qui est d'assurer la sécurité des clients.
- Les consignes de sécurité de la compagnie fréteuse figurant dans la documentation relative à la sécurité remise aux clients n'ont été ni suivies par les victimes ni mises à exécution par la compagnie au niveau des opérations.
3.1 Causes
Le «CE4» affrété, qui pêchait en solitaire avec le moteur hors-bord très probablement arrêté, a chaviré après avoir dérivé dans une zone de varech et de rochers à l'intérieur de laquelle l'effet combiné de la marée et de la houle favorisait la formation localisée de grosses lames pouvant atteindre ou même dépasser les sept mètres avec des crêtes déferlantes. Les consignes de la compagnie fréteuse concernant la pêche en solitaire, le maintien d'un contact radio et l'exécution de patrouilles pour assurer la sécurité des clients n'ont pas été respectées. On a pris un certain temps à constater que la petite embarcation était en retard et à commencer les recherches. En l'absence de témoins, la cause, l'heure et le lieu exacts du chavirement n'ont pu être déterminés.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Préoccupation liée à la sécurité
Lorsqu'il mène des enquêtes, le Bureau continue de constater des manquements sur le plan de la sécurité dans les opérations des petits navires à passagers et des petits bâtiments affrétés. Le Bureau a recommandé la mise en place de contrôles réglementaires plus étroits pour pallier les lacunes dans la gestion des petites compagnies qui se livrent à ces opérations largement touristiques. En outre, le Bureau a mentionné que des efforts pourraient être justifiés pour sensibiliser davantage le public à l'importance d'assurer la sécurité nécessaire dans ces opérations.
Jusqu'à maintenant, les travaux entrepris par le Bureau ne lui ont pas permis de déterminer dans quelle mesure les risques observés dans l'industrie en général se retrouvent dans l'exploitation d'embarcations affrétées par les camps de pêche ou pour la pêche en milieu sauvage. De toute évidence, l'enquête sur le chavirement du «CHARLOTTE EXPLORER 4» laisse croire que la surveillance mutuelle et un horaire d'appel radio établi, par exemple, élimineraient certains risques. Dans ce secteur très particulier, l'exploitant et le client doivent compter l'un sur l'autre et les systèmes ne peuvent être efficaces que si l'exploitant et le client travaillent ensemble à s'assurer que les méthodes de sécurité sont comprises et suivies.
Même si le Bureau reconnaît le caractère diversifié de ce secteur de l'industrie, compte tenu des problèmes sur le plan de la sécurité relevés dans le secteur de l'affrètement touristique au Canada ainsi que des préoccupations particulières soulevées par la présente enquête, le Bureau est d'avis qu'il conviendrait de se pencher de plus près sur les méthodes utilisées dans le secteur de la pêche en milieu sauvage. Transports Canada, la Garde côtière canadienne et le secteur privé sont les mieux placés pour entreprendre en collaboration un examen des méthodes actuelles et déterminer les meilleures façons d'atténuer les risques découlant des manquements à la sécurité constatés. Les options pourraient comprendre, entre autres, des exigences réglementaires, un code d'éthique de l'industrie dont l'observance serait contrôlée par Transports Canada, ou encore des normes volontaires à être établies et mises en application par l'industrie elle-même.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président Benoît Bouchard, et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.
Annexes
Annexe A - Croquis du secteur de l'événement
Annexe B - Extraits du livret d'information remis aux clients pendant le vol vers le «CHARLOTTE EXPLORER»
L'introduction de la section «Safety First!!!» (La sécurité d'abord!!!) indique, notamment, que (traduction) :
c'est un secteur très éloigné, il peut y avoir des pannes et le temps peut se détériorer très rapidement. Nous vous demandons donc, si vous décidez de pêcher à l'écart du capitaine de pêche et des autres embarcations ... de bien vouloir :
- Informer le capitaine de pêche de vos intentions.
- Pêcher de paire avec une autre embarcation pour vous surveiller mutuellement.
- Pendant les périodes de brume imminente ou de forts vents, le capitaine de pêche peut insister pour que les membres du groupe restent ensemble.
Veuillez vous en remettre au bon jugement du capitaine de pêche pour tout ce qui a trait à la sécurité.
Dans la section intitulée «Fish Master's Role» (Rôle du capitaine de pêche), il est dit (traduction) :
Il y a deux capitaines de pêche, et il y en a toujours un sur l'eau. Le rôle de votre capitaine de pêche c'est de voir à la sécurité de tous les clients, de repérer le poisson, d'expérimenter de nouvelles techniques et de prêter assistance aux clients qui ont besoin d'aide pour capturer ou débarquer les gros poissons.
En résumé, le capitaine de pêche doit exercer plusieurs fonctions à différents moments.
Il est évidemment dans notre intérêt que nos clients prennent le plus de poissons possible; c'est là notre priorité, après la sécurité.
Par conséquent, nous allons souvent concentrer nos efforts à aider les néophytes au cours de leurs premières sorties; le capitaine de pêche les accompagnera pour les conseiller personnellement. Pour ceux qui pêchent avec le capitaine de pêche, ne soyez pas surpris si vous êtes obligés de retirer vos lignes rapidement pour aller aider une autre embarcation qui a besoin d'assistance immédiate.
Annexe C - Extraits de « Your "On the Water" Companion» (Votre compagnon sur l'eau)
Sur la page frontispice, sous l'en-tête SAFETY FIRST! (La sécurité d'abord!!!), il est dit (traduction) :
Nous nous sommes établis à cet endroit parce que c'est dans la zone pionnière. Le poisson y est abondant, le pays, vierge, et les eaux, vastes! C'est pourquoi il est important que vous preniez le temps d'examiner votre embarcation, les conditions et votre équipement de sécurité. Vous êtes le capitaine de votre navire!!
Vos embarcations sont fantastiques ... autovideuses et insubmersibles ... mais ... tenez-vous loin des rivages où fourmillent les brisants et les zones dangereuses! C'est là qu'inévitablement votre moteur va tomber en panne! Un bateau renversé est inconfortable et il est difficile de s'en servir pour pêcher.
Si vous vous sentez aventureux et voulez vous éloigner du groupe ... Pensez-y bien! Pêchez avec une autre embarcation pour vous surveiller mutuellement, prévenez le capitaine de pêche de l'endroit où vous allez ... et assurez-vous de toujours rester en contact par radio tant que vous êtes à l'écart des autres.
Apprenez à vous servir de l'équipement de sécurité de votre embarcation. Assurez-vous que celui-ci est bien à bord et à sa place.
Les deux pièces (la veste et la salopette) de votre habit de pluie (combinaison de survie) ont des flotteurs incorporés. Ne quittez jamais le quai sans votre habit. Les gilets de sauvetage se trouvent dans le caisson avant. Il y a une remorque dans ce même caisson avant, un extincteur sous le pupitre du passager, un sifflet attaché à la clé et deux pagaies sous le plat-bord, à bâbord et à tribord.
Annexe D - Avertissements concernant la sécurité et l'exploitation affichés à bord du «CHARLOTTE EXPLORER 4»
Sur le caisson avant, un écriteau portant les mots «LIFE JACKETS» (Gilets de sauvetage) en lettres de 5 cm.
Sur le pupitre du passager, l'avis suivant :
BOATER'S RESPONSIBILITY CODE & SAFETY
(SÉCURITÉ ET CODE DE RESPONSABILITÉ SUR L'EAU)
(Traduction)
- Soyez attentif à l'apparence des nuages, de l'horizon et de la mer.
- Les conditions peuvent changer rapidement.
- N'ÉCHOUEZ PAS LES EMBARCATIONS
- Les marées, les courants et les brisants à proximité de la côte peuvent vous mettre en DANGER, vous et votre embarcation.
- Les brisants et la barre peuvent être extrêmement dangereux.
- Laissez-vous une bonne marge de sécurité.
- Restez bien au large
- Les récifs et les rochers submergés sont très dangereux.
- Évitez les lits de varech et les objets flottants.
- La surveillance mutuelle
- Pêchez de paire avec une autre embarcation pour votre sécurité.
- Si vous pêchez en solitaire, restez en contact par radio avec le capitaine de pêche ou le navire (voie 69). Indiquez où vous vous trouvez et quelle est votre situation.
- Minimisez la vitesse et la houache (sillage du bateau)
- lorsque vous approchez d'autres embarcations et du navire.
- Les ligneurs commerciaux pêchent à des profondeurs bien précises
- leur trajectoire est erratique, ôtez-vous de leur chemin.
- Nous respectons tous les règlements fédéraux sur la pêche sportive
- Nous INSISTONS pour que vous en fassiez autant.
- Si vous avez des questions concernant les conditions météorologiques, ou les changements dans les conditions, ou encore des motifs d'inquiétude, appelez le capitaine de pêche ou le navire sur la voie 69 du poste VHF.
Sur le pupitre du conducteur, il y a un panneau portant les mots «FISHING LICENCE?» (PERMIS DE PÊCHE?), une notice contenant des instructions pour le démarrage du moteur («STARTING INSTRUCTIONS») et une autre notice donnant des instructions pour l'utilisation de la radio («RADIO INSTRUCTIONS»).
La notice intitulée «RADIO INSTRUCTIONS» (INSTRUCTIONS POUR L'UTILISATION DE LA RADIO) comporte des consignes comme suit (traduction) :
«CETTE RADIO EST LÀ POUR VOTRE SÉCURITÉ»
- PRENEZ-EN SOIN
- La radio doit être laissée OUVERTE en tout temps.
- Laissez la radio réglée sur la voie 69.
- L'indicatif d'appel est «Embarcation no _________appelant _________».
- Le navire, le capitaine de pêche et l'équipage sont tous à l'écoute sur la voie 69.
- Veuillez laisser la radio réglée sur cette voie de travail.
- Les autres voies VHF ont des usages précis et sont réservées par l'État à des fins particulières.
- N'ÉMETTEZ PAS SUR D'AUTRES FRÉQUENCES!!
- Si vous avez besoin d'assistance, appelez le navire ou le capitaine de pêche sur la voie 69.
- La fréquence internationale de détresse est la voie 16
Réservée à la Garde côtière pour les situations d'urgence.
Annexe E - Photographies
Annexe F - Sigles et abréviations
- BIM
- Bulletin d=information maritime
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- C
- Celsius
- C.- B.
- Colombie-Britannique
- CCS
- Centre de coordination du sauvetage
- CE4
- CHARLOTTE EXPLORER 4
- É.- U.
- États-Unis d=Amérique-GCC Garde côtière canadienne
- HAP
- heure avancée du Pacifique
- m
- mètre
- NW
- nord-ouest
- OMI
- Organisation maritime internationale
- SAR
- recherches et sauvetage
- SI
- système international (d=unités)
- SRGC
- station radio de la Garde côtière
- SSE
- sud-sud-est
- UTC
- temps universel coordonné
- VHF
- très haute fréquence
- °
- degré