Rapport d'enquête maritime M93L0003

Échouement de l'embarcation d'excursion «TAN 1»
Grande Batture à l'est du quai de
Les Escoumins (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 11 août 1993 vers 17 h 15, le «TAN 1» a quitté les pontons de la station de pilotage de Les Escoumins (Québec), avec le propriétaire-patron et 12 passagers à son bord, pour effectuer une croisière d'observation des baleines par temps brumeux et visibilité réduite. Peu après, le patron a été désorienté, et son navire s'est échoué sur une grosse roche de la Grande Batture près de Les Escoumins.

    Le Bureau a déterminé que le «TAN 1» a entrepris une croisière d'observation des mammifères marins par visibilité réduite sans avoir à bord l'équipement de sécurité adéquat ni les instruments de navigation nécessaires pour effectuer une croisière en toute sécurité.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Fiche technique du navire

    «TAN 1»
    Numéro de licence 13D9752
    Pavillon Canadien
    Type Embarcation non pontée
    Jauge brute 5 tonneaux Note de bas de page 1
    Longueur 7,62 m
    Construction 1990 (Québec)
    Groupe propulseur Deux moteurs hors-bord Mercury développant 150 HP Note de bas de page 2 chacun
    Propriétaires Touriste, Aventure Nordique inc.

    1.1.1 Renseignements sur le navire

    Le «TAN 1» est une embarcation non pontée constituée d'une âme de balsa entre deux couches de fibre de verre. Le poste de gouverne et le tableau des commandes sont situés à l'arrière. Cette embarcation, qui ne transporte pas plus de 12 passagers, sert principalement à des croisières d'observation des baleines en saison estivale dans la région de Les Escoumins.

    1.2 Déroulement du voyage

    Le 11 août 1993 vers 17 h 15 Note de bas de page 3, le «TAN 1» a appareillé de l'anse aux Basques pour une excursion d'observation des baleines. Accompagnés du propriétaire-patron, 12 passagers ont pris place à bord de l'embarcation. Au même moment, une autre embarcation de type «Zodiac», le «TAN 2», a également entrepris une excursion d'observation des baleines. Par temps brumeux, les deux embarcations se sont rendues à quelques milles au large de l'anse aux Basques pour ensuite se diriger vers les îlets Boisés, situés à l'est de Les Escoumins. Ce secteur est reconnu comme étant propice à l'observation des baleines. Toutefois, il semble que la visibilité se soit détériorée en raison de la brume de plus en plus épaisse.

    À 20 h 8, le patron du «TAN 2», embarcation qui n'était pas munie d'un radar, a signalé au Centre de trafic maritime (CTM) de Les Escoumins qu'il n'arrivait plus à s'orienter à cause du brouillard. Le «TAN 2» n'avait aucun instrument de navigation à bord qui aurait pu servir à déterminer sa position.

    Vers 20 h 45, le traversier «HÉRITAGE No 1», qui se trouvait dans les atterrages de Les Escoumins, a réussi à repérer le «TAN 2» sur son écran radar et à le guider vers le débarcadère du quai de Les Escoumins.

    Presque au même moment, le «TAN 1», à son tour, a signalé au CTM de Les Escoumins qu'il s'était échoué sur une roche de la Grande Batture avec ses 12 passagers et qu'il avait besoin d'assistance.

    À 20 h 52, la communication entre le CTM et le «TAN 1» a été coupée en raison d'une panne de l'appareil radio à bord du «TAN 1».

    À 20 h 56, le CTM a informé le Centre secondaire de sauvetage maritime (CSSM) de Québec qu'une embarcation de la compagnie TAN s'était échouée à l'est de la pointe de la Croix et que la communication radio avec l'embarcation avait été interrompue. On a signalé que la visibilité était alors nulle dans le secteur de Les Escoumins.

    À 22 h 3, le CSSM a dépêché le NGCC «ÎLE ROUGE», amarré à Tadoussac (Québec) et, à 22 h 15, le bateau-pilote «ABRAHAM MARTIN», qui se trouvait dans l'anse aux Basques, pour entamer des recherches en vue de localiser le «TAN 1» échoué avec 13 personnes à son bord.

    À 23 h 9, le «ABRAHAM MARTIN» a réussi, non sans difficulté, à repérer le «TAN 1» sur son écran radar. Entre-temps, le «TAN 1» avait réussi à se dégager à la faveur de la marée montante et s'était ancré pour attendre des secours. Arrivé sur les lieux, le «ABRAHAM MARTIN» a pris le «TAN 1» en charge et l'a escorté jusqu'à l'anse aux Basques où les passagers sont débarqués, sains et saufs, vers 23 h 35. Pendant les opérations de sauvetage, une pale de l'hélice du «ABRAHAM MARTIN» a été endommagée.

    1.3 Victimes

    L'événement n'a fait aucune victime.

    1.4 Certificats et équipement de l'embarcation

    Des experts maritimes de la Garde côtière canadienne (GCC) étaient montés à bord du «TAN 1» le 23 juillet 1993 afin de l'inspecter et avaient remis à son propriétaire une liste d'objets manquants ou non conformes à la réglementation.

    La liste comportait les pièces d'équipement et les certificats suivants :

    • licence de station radio
    • certificat de radiotéléphoniste
    • certificat d'inspection radio
    • gilets de sauvetage standard
    • réflecteur radar
    • extincteur d'une capacité suffisante.

    1.4.1 Brevets et antécédents du patron

    Le patron du «TAN 1», un architecte à la retraite, est titulaire d'un permis pour conduire, en mer, des navires de plaisance à moteur, émis en 1966 à Nîmes en France. Il est le propriétaire-patron du «TAN 1» depuis 1991 et organise des croisières d'observation des baleines dans la région de Les Escoumins depuis 1988.

    1.5 Communications radio

    Tout a commencé lorsque le patron du «TAN 2» a appelé le CTM de Les Escoumins sur la voie 9 de son appareil radio très haute fréquence (VHF) vers 20 h 8, pour demander si la station pouvait le détecter sur ses radars, parce qu'il était désorienté; la réponse a été négative. Pendant que le traversier «HÉRITAGE No 1» faisait route vers Les Escoumins, il est entré en communication radio avec le «TAN 2»; le patron de l'embarcation a informé le «HÉRITAGE No 1» qu'il entendait son sifflet de brume. Vers 20 h 25, alors que le traversier se trouvait à quelque deux milles du quai, il a détecté une faible cible sur son écran radar, à une distance de 0,75 mille sur l'avant, cible qui a ultérieurement été identifiée comme étant le «TAN 2». Après avoir établi le contact visuel avec le «TAN 2», le traversier l'a escorté jusqu'au quai de Les Escoumins.

    Pendant que le traversier prêtait assistance au «TAN 2», un résident des îles Penchées a pu apercevoir, malgré le temps brumeux, la silhouette d'une embarcation qui se dirigeait vers l'ouest en longeant la rive. Comme il a cru qu'il s'agissait de l'embarcation recherchée, il a signalé sa présence au CTM. Le CTM ignorait alors qu'il y avait une autre embarcation dans le secteur.

    Ce n'est que vers 20 h 45 qu'on s'est rendu compte de la présence d'une deuxième embarcation qui était échouée sur une roche de la Grande Batture, au large de la municipalité de Les Escoumins, avec 12 passagers à son bord.

    1.5.1 Le Centre de trafic maritime (CTM) dans les eaux canadiennes

    Le règlement qui porte sur les zones de Services de trafic maritime s'applique à tout navire d'une longueur de 20 mètres ou plus. Comme le «TAN 1» et le «TAN 2» ont moins de 20 mètres de longueur, ils n'étaient pas tenus d'obtenir une autorisation de départ du CTM de Les Escoumins. En outre, le règlement n'exige pas que les navires de 20 mètres ou moins signalent au CTM le nombre de personnes ou de passagers qu'ils transportent; cependant, certains petits navires de croisière le font volontairement. Quand les deux embarcations ont éprouvé des difficultés, le CTM ignorait leur présence dans le secteur et leurs activités.

    1.5.2 Panne radio

    À bord du «TAN 1», il n'y avait qu'une radio VHF portative de 5 W, et la panne radio est attribuable à l'épuisement des piles.

    1.6 Échouement du «TAN 1»

    Pendant que le «TAN 1» se trouvait dans le secteur des îlets Boisés, la brume s'est épaissie. Le patron de l'embarcation a donc décidé de retourner vers son lieu de départ en suivant le rivage de près à vitesse réduite. Aux îles Penchées, un résident, qui était à l'écoute sur la fréquence du CTM de Les Escoumins et qui suivait les recherches pour une embarcation perdue dans la brume, a aperçu une embarcation qui se dirigeait vers l'ouest. Il a immédiatement signalé ses observations au CTM qui a confirmé la présence du «TAN 1».

    Entre-temps, le «TAN 1» approchait de la Grande Batture de Les Escoumins à vitesse réduite alors qu'il faisait presque nuit. De l'embarcation, on a aperçu les lumières d'un motel et, pour rassurer les passagers, le patron a navigué à proximité du rivage. Soudainement, l'embarcation s'est immobilisée sur une roche de la Grande Batture. À 20 h 45, les passagers ont insisté auprès du patron pour qu'il signale l'échouement de son embarcation au CTM.

    Comme la marée était montante, l'embarcation s'est renflouée d'elle-même, et le patron a mouillé l'ancre pour attendre les secours.

    1.7 La Grande Batture de Les Escoumins

    La Grande Batture, située entre la pointe de la Croix et les îles Penchées, est complètement asséchée à marée basse. Le fond, composé de sable et de vase, est parsemé de grosses roches qui se couvrent et se découvrent au gré des marées.

    1.8 Marée

    Au moment de l'échouement du «TAN 1» sur une roche de la Grande Batture, la marée était montante et la marée haute était prévue à 21 h 20, le 11 août 1993.

    1.9 Recherches et sauvetage

    À 20 h 45, le «TAN 1» a signalé au CTM de Les Escoumins qu'il s'était échoué et, à 20 h 56, le CSSM de Québec a été informé qu'une embarcation était échouée à l'est de la pointe de la Croix et que la visibilité était pratiquement nulle.

    Le coordinateur adjoint du CSSM a reçu l'appel et c'est lui qui a pris les mesures d'urgence préliminaires pendant les 30 premières minutes. Sa fonction première est d'établir le niveau d'urgence et de confirmer l'information reçue pour exécuter efficacement les mesures d'urgence qui s'imposent.

    Dans le cas à l'étude, on n'était pas certain du lieu géographique dont il s'agissait, puisque qu'il existe deux endroits portant le nom de pointe de la Croix; un dans la région de Baie-Comeau (Québec) et l'autre dans les atterrages de Les Escoumins. Lorsqu'on a informé le CSSM de l'incident, on a donné la position de l'embarcation comme étant à l'est de la pointe de la Croix sans toutefois donner plus de précisions. En outre, on ne savait pas de quelle embarcation il s'agissait, le «TAN 1» ou le «TAN 2», ni quel était le nombre exact de personnes en danger.

    Cette situation a eu pour effet de retarder le début des opérations de sauvetage et il s'est écoulé environ une heure avant que le NGCC «ÎLE ROUGE», à Tadoussac, et le «ABRAHAM MARTIN», à Les Escoumins, ne soient dépêchés sur les lieux.

    2.0 Analyse

    2.1 Conditions météorologiques

    En raison des mauvaises conditions météorologiques qui ont duré tout au long de la journée, la croisère aurait dû être remise à un moment plus propice. Sur la côte pendant l'été, il y a souvent des périodes de brume qui nécessitent de l'équipement de localisation précis pour éviter la désorientation.

    2.2 Inspection

    Une embarcation d'au plus cinq tonneaux de jauge brute qui transporte au plus 12 passagers n'est pas assujettie à des inspections périodiques de la Direction de la sécurité des navires de la GCC. Cependant, elle doit se conformer aux exigences du Règlement sur les petits bâtiments. Au cours du mois de juillet 1993, la Direction de la sécurité des navires de la GCC a procédé à l'inspection d'embarcations de ce genre transportant au plus 12 passagers ce qui lui a permis de relever 10 compagnies qui exploitaient 18 embarcations non conformes au Règlement sur les petits bâtiments.

    Le «TAN 1» et le «TAN 2» étaient parmi les embarcations non conformes et un avis avait été remis au propriétaire pour l'informer que ses embarcations devaient se conformer aux exigences du règlement dans les trois semaines. Lors de l'événement à l'étude, soit le 11 août 1993, les deux embarcations n'étaient toujours pas conformes aux exigences réglementaires. Le 13 août 1993, par suite de l'événement, la Direction de la sécurité des navires de la GCC a émis une interdiction de départ visant les deux embarcations jusqu'à ce qu'elles soient conformes aux exigences du règlement.

    2.3 Sécurité des passagers

    Les croisières d'observation des baleines se font habituellement pendant la saison estivale étant donné que le passage de ces mammifères marins est de courte durée. Les propriétaires exploitent donc leurs embarcations de ce genre sur une base saisonnière.

    Les règlements qui visent les navires à passagers de plus de cinq tonneaux ne s'appliquent pas aux navires à passagers d'au plus cinq tonneaux qui transportent au plus 12 passagers.

    Les navires de cette première catégorie sont tenus d'être inspectés par la Direction de la sécurité des navires de la GCC et aussi d'avoir des officiers dûment brevetés. Ce n'est pas le cas pour les petits navires à passagers d'au plus cinq tonneaux qui transportent au plus 12 passagers. Ni formation ni brevet ne sont exigés pour devenir patron d'une telle embarcation.

    2.4 Règlement sur les petits bâtiments, Règlement sur les stations radio de navires et Règlement sur les certificats d'opérateur radio

    L'application du Règlement sur les petits bâtiments relève principalement de la Sûreté du Québec (SQ), de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), du service de police de Ports Canada et des corps policiers municipaux. Seules les embarcations de plaisance sont inspectées de temps en temps à des fins de prévention tandis que le CSSM procède à des inspections de courtoisie qui se limitent, elles aussi, aux embarcations de plaisance, ce qui signifie que les navires d'au plus cinq tonneaux qui transportent au plus 12 passagers ne sont pas inspectés régulièrement et qu'il y a moins de suivi pour ces navires. Cependant, des experts maritimes de la Direction de la sécurité des navires font des visites sporadiques à bord de ces navires.

    Bien que le Règlement sur les certificats d'opérateur radio exige que les opérateurs de radiotéléphone VHF détiennent un certificat, aucun des deux patrons n'était titulaire d'un tel certificat au moment de l'événement à l'étude.

    L'embarcation était munie d'un appareil radio, mais les experts maritimes de la Direction de la sécurité des navires ont constaté que la radio et son installation ne répondaient pas aux exigences du Règlement sur les stations radio de navires.

    2.5 Déclaration du nombre de passagers à bord des embarcations d'excursion

    Le règlement qui porte sur les zones de Services de trafic maritime s'applique à tout navire d'une longueur de 20 mètres ou plus, mais il ne contient aucune disposition sur la nécessité de déclarer le nombre de passagers à bord.

    Dans le secteur de l'événement, le CTM de Les Escoumins a dénombré six embarcations d'excursion de plus de 20 mètres de longueur qui sont tenues d'obtenir une autorisation de départ et 26 autres de moins de 20 mètres qui sont libres de le faire ou non. Quant au nombre de personnes à bord, certains signalent le nombre de passagers à bord alors que d'autres ne le font pas.

    Lors d'un événement maritime, il est important que les services de recherches et sauvetage ainsi que les Forces armées canadiennes connaissent le nombre de passagers à bord d'un navire. En effet, il leur faut tout d'abord savoir combien il y a de personnes à bord d'un navire sinistré avant de déterminer les ressources maritimes et aériennes nécessaires pour mener à bien l'opération de sauvetage.

    On a mis un certain temps à dépêcher le NGCC «ÎLE ROUGE» et le «ABRAHAM MARTIN» sur les lieux de l'événement parce qu'on ignorait le nombre de personnes qu'il y avait à bord du «TAN 1». En outre, l'embarcation n'avait pas signalé son départ au CTM, ce qu'elle n'était d'ailleurs pas tenue de faire en vertu des règlements.

    2.6 Certificat de compétence

    En vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada, les navires d'au plus cinq tonneaux de jauge brute qui transportent au plus 12 passagers sont exemptés de l'obligation d'avoir un officier breveté à bord. En outre, le patron d'un tel bâtiment n'est pas tenu de suivre un cours de navigation.

    Dans le cas à l'étude, il y a raison de croire qu'un manque de formation est entré en jeu. Les croisières ont été entreprises malgré le temps brumeux et sans avoir à bord l'équipement de sécurité adéquat. Le patron de l'embarcation, désorienté dans la brume, n'a pu suivre son compas qui était mal ajusté ou que l'opérateur ne savait pas utiliser.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis

    1. Les croisières ont été entreprises par temps brumeux, alors que les deux embarcations n'étaient pas équipées pour la navigation aux instruments.
    2. La communication entre le Centre de trafic maritime (CTM) et le «TAN 1» a été coupée en raison d'une panne de l'appareil radio très haute fréquence (VHF) à bord du «TAN 1» attribuable à l'épuisement des piles.
    3. Les opérations de recherches et sauvetage par visibilité réduite ont été compliquées par l'absence de réflecteur radar et la panne de l'appareil radio VHF.
    4. Le «TAN 1» s'est dirigé à l'estime vers la Grande Batture de Les Escoumins et s'est échoué sur une grosse roche. Le patron de l'embarcation a été désorienté dans la brume et n'a pu suivre son compas.
    5. Les patrons des deux embarcations n'étaient pas titulaires d'un certificat de radiotéléphoniste ou de certificat de compétence et n'avaient pas reçu de formation pour la navigation aux instruments.
    6. Les navires d'au plus cinq tonneaux qui transportent au plus 12 passagers ne sont pas assujettis à des inspections de la Direction de la sécurité des navires de la Garde côtière canadienne (GCC).
    7. Le patron de l'embarcation n'a pas signalé son départ au CTM, et il n'était d'ailleurs pas tenu de le faire en vertu des règlements. Le CTM ignorait le nombre de personnes qu'il y avait à bord du «TAN 1».

    3.2 Causes

    Le «TAN 1» a entrepris une croisière d'observation des mammifères marins par visibilité réduite sans avoir à bord l'équipement de sécurité adéquat ni les instruments de navigation nécessaires pour effectuer une croisière en toute sécurité.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures prises

    4.1.1 Équipement de navigation

    Par suite de cet événement et de l'interdiction de départ émise par la Direction de la sécurité des navires de la Garde côtière canadienne (GCC), le propriétaire a apporté les améliorations nécessaires à l'équipement de navigation telles que la mise en place d'un réflecteur radar commercial, l'installation d'un appareil radio très haute fréquence (VHF) étanche doté d'un dispositif de veille pour la fréquence de détresse et d'un rechargeur de batterie alimenté par le moteur, ainsi que l'ajout de feux de navigation plus visibles.

    4.1.2 Certificats radio

    Dorénavant, le propriétaire tient à jour les certificats d'inspection radio de ses embarcations ainsi que les certificats restreints de radiotéléphoniste des opérateurs.

    4.1.3 Plans de route et séances d'information sur la sécurité

    En 1994, par suite de plusieurs événements maritimes mettant en cause des navires affrétés, le Bureau a recommandé que :

    Le ministère des Transports incite les exploitants de bateaux affrétés à préparer des plans de route et à organiser, avant l'appareillage, des séances d'information sur la sécurité à l'intention des passagers.
    Recommandation M94-04 du BST

    Par la suite, la GCC a publié le Bulletin de la sécurité des navires no 4/95, intitulé Mesures de communications de sécurité pour petits bateaux. Ce bulletin, qui s'adresse aux exploitants de petits bateaux, explique les avantages des plans de route et la façon de communiquer un plan de route à la GCC. De plus, il incite les exploitants d'embarcation à donner une séance d'information sur la sécurité visant à démontrer les mesures à prendre en cas d'urgence.

    4.2 Mesures à prendre

    4.2.1 Brevets et formation des patrons d'embarcation

    En vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada (LMMC), les patrons d'embarcation d'au plus cinq tonneaux qui transportent au plus 12 passagers ne sont pas tenus d'être titulaires d'un brevet pour effectuer des croisières.

    Afin de satisfaire à la demande toujours croissante pour les excursions sur le fleuve, de nombreux patrons d'embarcation sans formation maritime en bonne et due forme exploitent des canots pneumatiques et des embarcations de construction artisanale d'au plus cinq tonneaux sans avoir à soumettre leur embarcation à des inspections ou à faire eux-mêmes la preuve de leurs compétences. La majorité des patrons d'embarcation ont une formation très limitée en navigation et en fonctions d'urgence en mer, et ce manque de formation et de connaissances sur les mesures de sécurité peut avoir des conséquences graves en cas d'urgence. De plus, vu le grand nombre de touristes et la courte période estivale, les propriétaires d'embarcation prennent parfois la mer malgré des conditions météorologiques défavorables. Ceci peut s'avérer dangereux en raison des conditions qui existent dans la région de Les Escoumins et à l'embouchure de la rivière Saguenay : forts courants marins, visibilité réduite et nombreux navires océaniques et côtiers qui convergent sur la station de pilotage ce qui augmente les risques d'abordage. Dans le cas à l'étude, la croisière d'observation des baleines a été entreprise malgré le temps brumeux.

    Il arrive à l'occasion que ces embarcations se perdent à cause de la brume ou subissent une panne mécanique nécessitant l'assistance de la GCC. Par exemple, le 9 août 1994, le «CROISIÈRE EXPRESS I» s'est échoué avec 13 personnes à bord à cause d'une erreur de navigation. Le 25 juin 1994, le «TAN 2» a dû être remorqué par suite d'une panne mécanique alors qu'il transportait 15 personnes. Le 12 septembre 1993, soit un mois après l'événement à l'étude, le «TAN 1» a subi une panne mécanique et a perdu sa puissance de propulsion. Après que des vagues déferlantes se soient abattues sur l'arrière de l'embarcation, celle-ci a chaviré. Les 12 passagers et le patron ont tous été projetés dans les eaux glacées du fleuve, mais ils ont été repêchés par d'autres embarcations d'excursion qui se trouvaient dans le secteur (dossier du BST no M93L0004).

    Bien conscients des lacunes au niveau de leur formation, certains regroupements de propriétaires ont proposé à la GCC d'élaborer des cours de formation pour répondre aux besoins particuliers des patrons de petites embarcations d'excursion.

    Étant donné que de plus en plus d'embarcations d'excursion transportent des passagers payants, le Bureau croit qu'il est important que les patrons d'embarcation reçoivent une formation maritime en bonne et due forme. Le Bureau s'inquiète du fait qu'à l'heure actuelle aucune formation n'est exigée pour les patrons des petites embarcations d'excursion qui transportent des passagers. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    Le ministère des Transports élabore des normes de formation et des exigences en matière de brevets pour les patrons des petites embarcations d'excursion qui transportent des passagers payants.
    Recommandation M96-01 du BST

    4.2.2 Communications

    En vertu du Règlement sur les certificats d'opérateur radio, les opérateurs radio sont tenus d'être titulaires d'un certificat restreint de radiotéléphoniste, mais ni le patron du «TAN 1» ni celui du «TAN 2» n'était titulaire d'un tel certificat. En outre, comme les navires de moins de 20 mètres de longueur ne sont pas assujettis au Règlement sur les stations radio de navires, ces deux embarcations n'étaient pas tenues de signaler au Centre de trafic maritime (CTM) le nombre de passagers qu'elles transportaient.

    Chaque année au cours de la belle saison, quelque 800 passagers par jour, en moyenne, montent à bord d'embarcations comme le «TAN 1» pour effectuer des excursions d'une durée d'une heure ou plus en mer. Dans le cas à l'étude, à cause de l'épuisement des piles de la radio VHF portative du «TAN 1», le CTM n'a pas été en mesure de suivre le déroulement de la situation et ignorait le nombre exact de personnes en danger. Il est pourtant essentiel que le personnel à terre ou le personnel de recherches et sauvetage (SAR), ou les deux, sachent le nombre exact de vies en danger à bord des navires en cause dans un événement afin de mener à bien et rapidement les opérations de recherches et sauvetage.

    En outre, le Bureau s'inquiète du fait que les passagers à bord des embarcations d'excursion courent inutilement des risques étant donné que ces embarcations ne sont pas tenues d'être munies de l'équipement radio nécessaire pour communiquer de façon efficace en cas de détresse ou en situation d'urgence. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    Le ministère des Transports modifie la réglementation afin d'exiger que les embarcations d'excursion qui transportent des passagers payants soient munies d'équipement radio adéquat et qu'elles soient tenues, avant d'appareiller, de signaler au CTM le nombre de personnes à bord.
    Recommandation M96-02 du BST

    4.2.3 Inspection et surveillance

    En juillet 1993, la GCC a procédé à des inspections de courtoisie, ce qui lui a permis de relever 18 embarcations d'excursion non conformes au Règlement sur les petits bâtiments. Les lacunes les plus souvent notées concernent les licences de station radio, les certificats de radiotéléphoniste, les gilets de sauvetage, les feux de navigation, les réflecteurs radar, les signaux de détresse, les bouées de sauvetage, les extincteurs d'incendie, les ancres et les pompes de bouchain. Un avis a alors été remis aux propriétaires pour les informer que les embarcations en question devaient être conformes aux exigences du règlement. À la suite de l'événement à l'étude, la GCC a émis une interdiction de départ visant le «TAN 1» et le «TAN 2».

    Le Bureau s'inquiète de la sécurité des passagers qui sont transportés à bord de ces embarcations d'excursion sans qu'elles aient à bord l'équipement de sécurité adéquat. Le Bureau prend note du fait que la GCC n'a pas de programme d'inspection et de prévention pour les petits navires commerciaux d'au plus cinq tonneaux qui transportent au plus 12 passagers, mais qu'actuellement le personnel SAR effectue des inspections de courtoisie à bord des embarcations de plaisance. Le Bureau s'inquiète également du fait que, malgré le mandat qui leur incombe en vertu du Règlement sur les petits bâtiments, les corps policiers, faute de ressources suffisantes, ne sont pas en mesure de surveiller adéquatement ces embarcations. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    Le ministère des Transports et le ministère des Pêches et Océans, en collaboration avec les corps policiers et le personnel SAR, cherchent à trouver des moyens d'améliorer la surveillance et l'inspection des petits navires commerciaux qui transportent des passagers.
    Recommandation M96-03 du BST

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Maurice Harquail.

    Annexes

    Annexe A - Croquis du secteur de l'événement

    Annexe B - Photographies

    Arrivée du "TAN 1" vers 16 h le lendemain de l'événement, soit le 12 août 1993.
    Image
    Arrivée du TAN 1 vers 16 h le lendemain de l'événement, soit le 12 août 1993.
    La grande batture de Les Escoumins complètement asséchée à marée basse.
    Image
    La grande batture de Les Escoumins complètement asséchée à marée basse.

    Annexe C - Sigles et abréviations

    BST
    Bureau de la sécurité des transports du Canada
    CSSM
    Centre secondaire de sauvetage maritime
    CTM
    Centre de trafic maritime
    GCC
    Garde côtière canadienne
    GRC
    Gendarmerie royale du Canada
    HAE
    heure avancée de l'est
    HP
    horse power
    LMMC
    Loi sur la marine marchande du Canada
    m
    mètre(s)
    NGCC
    navire de la Garde côtière canadienne
    OMI
    Organisation maritime internationale
    SAR
    recherches et sauvetage
    SI
    système international (d'unités)
    SQ
    Sûreté du Québec
    UTC
    temps universel coordonné
    VHF
    très haute fréquence
    W
    watt(s)