Rapport d’enquête sur une question de sécurité du transport aérien A18Q0140

Rapport d’enquête sur une question de sécurité du transport (SII)
Événements survenus au Québec et au Nunavut sur des pistes en travaux réduites en largeur

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    La présente enquête sur une question de sécurité examine une série de 18 événements survenus à certains aéroports en travaux du Québec et du Nunavut entre 2013 et 2018.

    À la suite de l’enquête sur un incident survenu en juin 2018 durant des travaux de réfection de piste à l’aéroport de Baie-Comeau, au Québec, il est ressorti que 14 autres événements similaires étaient survenus dans d’autres aéroports du Québec et à un aéroport du Nunavut depuis 2013. Une revue sommaire de ces événements a permis de constater une particularité dans la méthode utilisée pour les travaux, soit la réduction de la largeur de la piste plutôt que de la longueur. Dans tous les cas sauf 2, les aéronefs avaient manœuvré sur la partie inutilisable de la piste lors du décollage ou de l’atterrissage.

    Jugeant cette situation inquiétante, le BST a publié l’Avis de sécurité aérienne A18Q0094-D1-A1 à l’intention de l’Aviation civile de Transports Canada (TCAC) le 12 juillet 2018. Cependant, 2 autres événements similaires étant survenus peu de temps après la publication de cet avis, le BST a décidé d’entreprendre la présente enquête pour mettre en évidence, le cas échéant, les causes ou facteurs contributifs sous-jacents de nature systémique, et évaluer le risque qu’ils présentent. Des éléments obtenus durant cette enquête ont permis de déterminer qu’un événement supplémentaire était survenu au Québec, à l’aéroport de Schefferville en août 2015, mais qu’il n’avait pas été rapporté.

    La méthode couramment utilisée pour la réfection des pistes au Canada comme ailleurs dans le monde consiste à réduire la longueur plutôt que la largeur des pistes en question. Une revue des normes et pratiques recommandées internationales et du cadre réglementaire canadien entourant les travaux a fait ressortir l’absence d’information sur la méthode à utiliser pour la réfection des pistes, en plus de l’absence de normes canadiennes sur les travaux aux aéroports. Ainsi, ni les documents de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), ni le Règlement de l’aviation canadien (RAC) et normes connexes pertinentes n’autorisent ni n’interdisent l’une ou l’autre méthode. La décision revient donc entièrement à l’exploitant d’aéroport.

    La réduction de la largeur de la piste n’exigeant pas la fermeture complète de la piste, cette méthode présente un avantage décisif pour les exploitants de certains aéroports qui ont des impératifs opérationnels ou font l’objet de pressions économiques précises, ce qui était le cas des 4 aéroports visés par la présente enquête. Cette méthode peu courante exige cependant que les précautions nécessaires soient prises pour assurer la sécurité des opérations aériennes.

    Cette méthode de travaux sur les pistes exige notamment une nouvelle configuration des marques de pistes. Sans normes spécifiques aux travaux à leur disposition, les exploitants d’aéroport ont suivi la réglementation relative aux aéroports. Il est ressorti de l’examen de cette réglementation une complexité évidente des différentes exigences et situations et un manque de précision de certains concepts. Si le texte des normes et règlements relatifs aux aéroports est complexe et donne lieu à plusieurs interprétations, ces normes et règlements pourraient mener à différentes mesures et solutions, toutes semblant être conformes aux exigences, mais pouvant en réalité ne pas correspondre à l’intention de l’organisme de réglementation en matière de sécurité.

    Par ailleurs, l’absence de normes sur la sécurité des opérations durant les travaux à un aéroport, y compris sur les aides visuelles requises, a fait en sorte que les aides visuelles utilisées sur les pistes partiellement fermées en largeur examinées lors de cette enquête étaient insuffisantes pour que les pilotes réussissent à distinguer clairement les parties fermées. Les marques de piste utilisées lors des travaux aux aéroports à l’étude n’étaient pas claires, convaincantes et cohérentes; par conséquent, les pilotes n’ont pas réussi à distinguer la partie utilisable de chaque piste et ont manœuvré l’aéronef sur la partie fermée, ce qui a, dans certains cas, entraîné des dommages à l’aéronef.

    Tout exploitant d’aéroport prévoyant effectuer des travaux à son aéroport est tenu de communiquer l’information nécessaire aux pilotes. Pour cela, l’exploitant doit faire publier un NOTAM par l’intermédiaire de NAV CANADA. L’information relative aux travaux aux aéroports, qui est de nature temporaire et possiblement complexe, peut néanmoins être difficile à communiquer clairement et efficacement dans un NOTAM. En effet, au fils des ans, le style de présentation de ces avis et la façon selon laquelle ils sont fournis aux équipages de conduite ont été non seulement remis en question à plusieurs reprises, mais aussi considérés comme facteurs contributifs dans un certain nombre d’événements aéronautiques.

    Les différentes enquêtes connexes ont fait ressortir certaines lacunes qui font que ces avis sont inadaptés et peuvent entraver la communication de l’information. En plus d’être écrits entièrement en majuscules et de se composer principalement d’abréviations et de sigles, ces avis sont publiés sous forme textuelle uniquement, ce qui limite une visualisation claire des zones fermées en raison de travaux. À l’heure actuelle au Canada, les NOTAM ne peuvent inclure de graphiques et sont publiés sous forme de texte, dont le format et le style de présentation peuvent entraver la communication efficace de l’information. Ainsi, même si les pilotes des événements étudiés avaient tous lu les NOTAM disponibles relatifs aux fermetures partielles des pistes, leur modèle mental était erroné et ils n’ont pas réussi à repérer où se trouvaient les parties fermées.

    Par conséquent, le BST recommande que

    NAV CANADA rende disponibles, en temps opportun, des représentations graphiques illustrant les fermetures et autres importantes modifications relatives à l’exploitation des aérodromes ou des pistes pour accompagner les NOTAM connexes, afin que l’information communiquée sur ces dangers soit plus facile à comprendre.
    Recommandation A21-01 du BST

    Tout exploitant d’aéroport prévoyant effectuer des travaux à son aéroport sans interrompre l’exploitation est également tenu de préparer un plan d’exploitation pendant les travaux (PEC) et de le faire approuver par TCAC. Ce plan a pour objectif de démontrer que l’aéroport respectera les normes d’exploitation établies pendant la durée des travaux. L’enquête a démontré que cet exercice de préparation du PEC était un exercice difficile du fait de l’absence de normes, de pratiques recommandées, de lignes directrices et de tout autre type d’information sur le sujet. Cette absence de norme relative à la préparation des PEC vient s’ajouter à l’absence de normes générales sur les travaux aux aéroports et à la complexité de la réglementation relative aux marques de pistes à utiliser.

    L’évaluation d’un PEC par le personnel de TCAC est primordiale à la sécurité des opérations à un aéroport pendant des travaux. Toutefois, les inspecteurs de TCAC n’ont aucune norme ni pratique recommandée à leur disposition pour effectuer cette tâche. Par conséquent, en l’absence de normes, de lignes directrices ou de pratiques recommandées, les PEC ont été approuvés selon des procédures informelles, sans évaluer le risque que les pilotes ne soient pas en mesure de reconnaître ou de distinguer les parties de pistes qui étaient fermées, et ne prévoyaient pas de mesures de contrôle pour atténuer ce risque.

    La mise en place de normes, de pratiques recommandées et de lignes directrices sur la sécurité des opérations pendant les travaux à un aéroport pourrait améliorer la qualité des PEC, et ainsi la gestion des risques liés à ces conditions temporaires et la sécurité des opérations aériennes dans ces conditions. Le BST a par conséquent décidé de publier l’Avis de sécurité aérienne A18Q0140-D1-A1 à l’intention de TCAC pour alerter cet organisme de l’absence de telles normes, pratiques recommandées et lignes directrices encadrant la sécurité des opérations aux aéroports en travaux et pour encourager la mise en œuvre de mesures correctives dans les plus brefs délais.

    Les mesures de sécurité faisant partie intégrante de l’exploitation des aéroports et des opérations aériennes n’ont pas permis d’éviter les événements étudiés. Pourtant, ces mesures s’inscrivent dans un cadre réglementaire qui préconise une culture systémique de la sécurité et de la gestion des risques pour les exploitants d’aéroports, comme pour TCAC. L’introduction des systèmes de gestion de la sécurité (SGS) a changé la façon dont la sécurité est gérée en imposant un cadre de gestion des risques systémique qui comprend une composante de surveillance de la sécurité qui devrait permettre de gérer les risques de façon proactive et réactive. Les 4 aéroports étudiés s’étaient dotés de SGS, mais ces SGS n’étaient pas conformes aux exigences réglementaires et n’ont pas été efficaces puisqu’ils n’ont pas permis d’empêcher les événements de se produire en premier lieu ni d’empêcher la répétition d’événements similaires. Les SGS en question n’avaient pas été évalués par TCAC au moment de leur mise en place, et les exploitants d’aéroport concernés n’avaient pas bénéficié de la rétroaction et du suivi de TCAC.

    TCAC s’est dotée de son propre SGS interne, soit le Système de gestion intégrée (SGI), pour mettre en œuvre et gérer le Programme de sécurité aérienne de Transports Canada (TC). Dans le cas des événements étudiés, TCAC devait intervenir, entre autres, dans l’évaluation et l’approbation des PEC pour les travaux prévus. Or, l’enquête a permis de découvrir que les inspecteurs de TCAC n’avaient pas suivi les processus du SGI dans leurs interventions et n’avaient notamment pas effectué d’évaluations des risques.

    La gestion de la sécurité et la surveillance réglementaire figurent sur la Liste de surveillance 2020 du BST. Le BST a maintes fois souligné les avantages d’un SGS permettant de gérer efficacement les risques et de rendre les activités plus sécuritaires. L'adoption de SGS efficaces ne constitue qu'une partie de l'enjeu néanmoins. Une surveillance réglementaire adéquate est également nécessaire.

    Cependant, TC ne parvient pas toujours à cerner les processus inefficaces des exploitants et à intervenir à temps. C’est pour cela que la gestion de la sécurité restera sur la Liste de surveillance du BST jusqu’à ce que les exploitants du transport aérien qui ont un SGS démontrent à TC qu’il fonctionne bien et qu’il permet donc de cerner les dangers et de mettre en œuvre des mesures efficaces pour atténuer les risques.

    De même, la surveillance réglementaire restera, elle aussi, sur la Liste de surveillance du BST jusqu’à ce que TC démontre, au moyen d’évaluations des activités de surveillance dans le secteur du transport aérien, que les nouvelles procédures de surveillance permettent de déceler et de corriger les non-conformités et que TC s’assure qu’un exploitant se conforme à nouveau à la réglementation en temps opportun et qu’il est en mesure de gérer la sécurité de ses activités.

    La présente enquête a mis en évidence ces lacunes dans le domaine de la surveillance des aéroports. Bien que les événements étudiés soient survenus principalement au Québec et au Nunavut, il est ressorti, néanmoins, que ces lacunes découlaient toutes de causes et de facteurs contributifs sous-jacents de nature systémique qu’un programme de sécurité national aurait dû déceler. Inévitablement, la question se pose de savoir si la situation est la même dans les autres Régions de TCAC. Devant cette situation, le Bureau craint que si TCAC n’effectue pas une surveillance adéquate des aéroports au Canada, les risques d’accidents liés aux opérations aériennes aux aéroports augmentent, en particulier lorsque ces aéroports font l’objet de travaux.

    1.0 Introduction

    1.1 Qu’est-ce qu’une enquête sur une question de sécurité?

    Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a pour mission de promouvoir la sécurité des transports. Il enquête sur les événements pour déterminer leurs causes et facteurs contributifs, cerne les manquements à la sécurité et fait des recommandations qui visent à atténuer ou à éliminer ces manquements.

    Lorsque surviennent plusieurs événements présentant des points communs et se produisant dans des circonstances similaires, ceci peut indiquer qu’il existe des causes ou facteurs contributifs sous-jacents de nature systémique.

    Lorsque cela se produit, si le BST détermine qu’une question de sécurité importante existe, il lance alors une enquête sur une question de sécurité. Selon sa Politique de classification des événementsNote de bas de page 1, ce type d’enquête, qui correspond à un événement de catégorie 1, consiste en une étude exhaustive d'une série d'événements ayant des caractéristiques communes et qui, avec le temps, ont établi un fil conducteur associé à un ou plusieurs risques.

    1.2 Contexte

    Toute piste, à un moment ou à un autre, nécessitera des travaux de réfection. La méthode couramment utilisée, autant au Canada qu’ailleurs dans le monde, consiste à réduire temporairement la longueur de la piste en fermant les extrémités et à effectuer les travaux sur une extrémité ou les deux à la fois.

    Une autre méthode, plus rare, consiste à réduire la largeur de la piste, en divisant la piste sur toute sa longueur et en fermant un côté de la piste à la fois. Cette méthode, utilisée au Canada notamment, a cependant donné lieu à un certain nombre d’incidents survenus lors d’atterrissages et de décollages sur des pistes réduites en largeur au Québec et au Nunavut.

    Le 24 juin 2018, un avion de type Bombardier DHC-8-300 exploité par Jazz Aviation LP effectuait le vol régulier JZA8964 selon les règles de vol aux instruments (IFR) depuis l’aéroport de Mont-Joli (CYYY) au Québec à destination de l’aéroport de Baie-Comeau (CYBC) au Québec, avec 18 passagers et 3 membres d'équipage à bord. En raison des travaux de réfection en cours sur la piste 10/28 à l’aéroport de destination, la largeur de celle-ci avait été réduite de moitié, soit à 75 pieds, sur toute sa longueur, et seule la moitié latérale nord était utilisable. À l’atterrissage sur la piste 10, l'aéronef s’est aligné sur l’axe de piste habituel, soit au centre de la piste non réduite en largeur, plutôt qu’au centre de la moitié latérale utilisable de la piste. Quand l’aéronef s’est posé, le train d'atterrissage principal droit a touché le sol sur la moitié latérale fermée de la piste. La roue interne du train a ensuite percuté un feu de bord de piste temporaire et subi une crevaison alors que l’avion continuait sa course à l’atterrissage vers la moitié latérale ouverte de la piste. Il n'y a eu aucun blessé. À l’exception de la crevaison, l'aéronef n’a pas été endommagé. L’enquête a déterminé qu’aucune marque de zone fermée n’avait été apposée sur la moitié latérale sud de la piste, qui était inutilisable.

    Cet incident a été rapporté au BST, qui a ouvert l’enquête A18Q0094. Dès le début de cette enquête, une revue des données du Système d’information sur la sécurité aérienne (SISA)Note de bas de page 2 du BST, du Système de compte rendu quotidien des événements de l’Aviation civile (SCRQEAC)Note de bas de page 3,Note de bas de page 4 de la Direction générale de l’aviation civile de Transports Canada (TCAC) et du système de rapports d’événement d’aviation (AOR) de NAV CANADANote de bas de page 5 a attiré l’attention du BST sur le fait que cet événement aéronautique n’était pas unique en son genre. En effet, la compilation des données disponibles dans ces bases de données a permis de repérer 15 événements liés à des réductions de largeur de pistes qui étaient survenus depuis 2013 à 2 aéroports du Québec (Montréal/St-Hubert [CYHU] et Baie-Comeau) et à 1 aéroport du Nunavut (Iqaluit [CYFB]).

    Jugeant qu’il était fort probable que des incidents semblables se reproduisent et sachant qu’un atterrissage ou un décollage en dehors des limites prévues d'une piste pouvait causer des blessures graves aux occupants et des dommages importants aux aéronefs, le BST a publié l’Avis de sécurité aérienne A18Q0094-D1-A1Note de bas de page 6 à l’intention de TCAC, le 12 juillet 2018. Dans cet avis, le BST concluait que, bien que dans chaque événement un NOTAMNote de bas de page 7 avait été émis pour signaler la fermeture de sections de piste, les pilotes n’ont pas réussi à distinguer la partie utilisable de la piste de la partie fermée en temps opportun. Il était donc raisonnable de conclure que le marquage de piste utilisé lors de ces travaux ne semblait pas convaincant, si bien que les équipages de conduite avaient cru à tort que la piste était disponible sur toute sa largeur.

    Cet avis de sécurité aérienne a immédiatement attiré l’attention de l’organisme Aéroports communautaires régionaux du Canada (RCAC)Note de bas de page 8, qui a alors invité le BST à venir faire une présentation sur le sujet à ses membres, ce que le BST a fait le 20 novembre 2018. À l’occasion de cette présentation, le BST a appris que la méthode consistant à réduire la largeur de piste pendant des travaux avait déjà été utilisée ailleurs au Canada et que les exploitants d’aéroport avaient des connaissances variées et des avis partagés sur la question. Une demande effectuée auprès de TCAC a confirmé que cette méthode avait été utilisée uniquement à l’aéroport de Peace River (CYPE), en Alberta. Il est à noter qu’aucun événement n’a été rapporté lors des travaux à cet aéroport.

    Les inquiétudes du BST se sont renforcées lorsque 2 nouveaux événements similairesNote de bas de page 9 se sont produits au Québec en 2018, après la publication de l’Avis de sécurité aérienne A18Q0094-D1-A1.

    Devant le nombre d’événements similaires survenus et leur répétition à tous les aéroports du Québec et du Nunavut où la piste avait été réduite en largeur pour les travaux, le BST a décidé d’entreprendre la présente enquête sur une question de sécurité. En suivant la méthodologie décrite à l’annexe A, le BST s’est efforcé de déterminer les facteurs qui avaient mené à ces événements, d’analyser les moyens de défense existants et de voir ce qui aurait pu et pourrait prévenir ce type d’événements.

    Il est à noter que des éléments obtenus au cours de l’enquête ont mis en lumière un 18e événement au Québec, qui était survenu à l’aéroport de Schefferville (CYKL) et qui n’avait pas été rapporté.

    1.3 Portée

    Le présent rapport est destiné au secteur de l’aviation en général et plus particulièrement aux exploitants d’aéroport et à Transports Canada (TC).

    Cette enquête porte sur les événements signalés au BST qui se sont produits entre 2013 et 2018 aux aéroports du Québec et du Nunavut Note de bas de page 10 sur des pistes qui avaient été réduites en largeur pour y effectuer des travaux. L’année 2013 marque le premier événement signalé lié à une réduction en largeur d’une piste pendant des travaux. L’année 2018 correspond à l’année de commencement de la présente enquête.

    Cette enquête examine d’abord les différents aspects pertinents et moyens de défense existants, d’abord pour l’exploitation des aéroports canadiens, puis pour les opérations aériennes au Canada. L’enquête enchaîne ensuite sur la gestion de la sécurité et la surveillance des aéroports au Canada. Cette enquête fait aussi un parallèle avec la situation en Alaska, autre endroit où les pistes ont été réduites en largeur pour y exécuter des travaux. Elle analyse enfin les différents facteurs qui ont mené aux événements étudiés malgré les moyens de défense existants, dans le but de faire ressortir les lacunes.

    2.0 Événements étudiés

    Après avoir obtenu les dates de tous les travaux effectués sur des pistes aux aéroports de la Région du Québec du BST depuis le début de l’année 2006Note de bas de page 11, une recherche dans la base de données du Système d’information sur la sécurité aérienne (SISA) du BST n’a fait ressortir aucun événement lié à une piste réduite en longueur, mais a permis de cerner 15 événements liés à une piste réduite en largeur. La revue des rapports d’événement d’aviation (AOR) de NAV CANADA a permis de cerner 2 autres événements liés à une piste réduite en largeur. Ces 17 événements s’étaient produits entre 2013 et 2018 à 3 aéroports : Montréal/St-Hubert (CYHU) et Baie-Comeau (CYBC) au Québec et Iqaluit (CYFB) au Nunavut. L’enquête a par ailleurs permis de découvrir qu’un 18e événement était survenu à Schefferville (CYKL) au Québec en 2015, mais qu’il n’avait pas été rapporté d’aucune façon que ce soit. La présente enquête sur une question de sécurité se penche sur ces 18 événements (annexe B).

    2.1 Événements à signaler au BST

    Le Règlement sur le Bureau de la sécurité des transportsNote de bas de page 12 précise quand il est obligatoire de rapporter un événement au BST. Par ailleurs, la Politique de classification des événementsdu BST définit les différentes catégories d’événements à signaler obligatoirement ou volontairement.

    Les 18 événements aéronautiques étudiés dans la présente enquête sont répartis ainsi :

    • 1 événement de catégorie 3 à signaler;
    • 11 événements de catégorie 5 à signaler;
    • 3 événements de catégorie 5 qui n’étaient pas à signaler, mais qui ont été considérés suffisamment importants pour être entrés volontairement comme événement de catégorie 5 dans la base de données du BST;
    • 2 événements qui n’étaient pas à signaler et qui n’ont pas été considérés suffisamment importants pour être entrés volontairement dans la base de données du BSTNote de bas de page 13;
    • 1 événement non signalé, découvert au cours de l’enquête et impossible à classifier en raison du manque de renseignements.

    2.2 Données disponibles et caractéristiques communes

    La quantité de renseignements disponibles sur la majorité des 18 événements étudiés était limitée étant donné que la plupart avaient été classifiés comme des événements de catégorie 5 et que quelques-uns n’étaient pas consignés dans la base de données du BST. Seule l’information de l’événement de catégorie 3 était étoffée. L’analyse des données disponibles, aussi limitées ces données soient-elles, a permis de faire ressortir les caractéristiques communes indiquées dans le tableau 1 ci-dessous entre les différents événements.

    Tableau 1. Données disponibles et caractéristiques communes sur les événements étudiés regroupées selon les catégories de données
    Catégorie Caractéristique Nombre d’événements pour chaque caractéristique
    Signalement de l’événement Consigné dans la base de données du BST 15
    Consigné uniquement dans le système d’AOR de NAV CANADA 2
    Non signalé et non consigné 1
    Taille de l’aéroport Petit aéroport qui offrait un service local, régional ou éloigné 15
    Grand aéroport qui desservait une capitale nationale, provinciale ou territoriale 3
    Système de gestion de la sécurité (SGS) et plan d’exploitation pendant les travaux (PEC) Aéroport où un SGS était requis et mis en œuvre 18
    Aéroport ayant fait approuver un PEC 18
    Notification aux pilotes NOTAM 18
    Supplément de l’AIP Canada (OACI) 2
    Moment de l’événement Jour 15
    Nuit 2
    Inconnu 1
    Phase de vol Approche ou atterrissage 15
    Décollage 2
    Inconnue 1
    Type d’événement Sortie de piste 16
    Accrochage des feux temporaires de bord de piste 9
    Atterrissage sur une voie de circulation 1
    Dommages à l’aéronef et blessures aux occupants Dommages à l’aéronef 6
    Blessures aux occupants 0
    Inconnus 1
    Immatriculation de l’aéronef Canada 11
    États-Unis 6
    Inconnue 1
    Catégorie de l’aéronef Petit aéronef* 5
    Aéronef moyen d’affaires et privé** 6
    Moyen porteur à réacteurs 3
    Moyen porteur à turbopropulseurs (aviation commerciale – catégorie transport) 2
    Gros porteur à réacteurs (aviation commerciale – catégorie transport) 1
    Inconnue 1
    Type d’exploitation/ d’exploitant Aviation générale canadienne 2
    Exploitant privé canadien 1
    Exploitant privé étranger 3
    Services aériens commerciaux canadiens – catégorie travail aérien 2
    Services aériens commerciaux canadiens – catégorie transport 6
    Services aériens commerciaux étrangers 3
    Exploitation inconnue 1

    * Avion ayant une masse maximale admissible au décollage de 5700 kg (12 566 livres) ou moins.
    ** Pour les besoins de l’enquête, un aéronef moyen d’affaires et privé est défini comme étant un avion à turboréacteurs dont la masse maximale dépasse 5700 kg (12 566 livres) et pour lequel un certificat de type canadien autorisant le transport d’au plus 19 passagers a été délivré.

    3.0 Exploitation des aéroports au Canada

    3.1 Contexte

    La présente enquête porte sur des événements qui ont eu lieu à des aéroports. La Loi sur l’aéronautiqueNote de bas de page 14 fournit les définitions suivantes :

    aérodrome Tout terrain, plan d’eau (gelé ou non) ou autre surface d’appui servant ou conçu, aménagé, équipé ou réservé pour servir, en tout ou en partie, aux mouvements et à la mise en œuvre des aéronefs, y compris les installations qui y sont situées ou leur sont rattachées.

    aéroport Aérodrome agréé comme aéroport au titre d’un document d’aviation canadien[Note de bas de page 15] en état de validitéNote de bas de page 16.

    3.1.1 Historique

    Les aéroports au Canada et leur exploitation ont évolué au fil du temps. Transports Canada (TC), dans son Manuel du programme de sécurité aérienne pour la Direction générale de l’aviation civile, donne le contexte suivant :

    4.  Jusque dans les années 1990, les aéroports au Canada appartenaient au gouvernement fédéral ou étaient exploités ou subventionnés par celui-ci, par l’intermédiaire du ministère des Transports. Dès 1992, le contrôle d’un bon nombre d’aéroports canadiens est dévolu aux autorités aéroportuaires locales. Cette initiative du gouvernement sera connue ultérieurement sous le nom de Politique nationale des aéroports (PNA).

    5.  Après avoir mené de nombreuses études au début des années 1990, le gouvernement du Canada décide de commercialiser un certain nombre de ses principales activités, notamment l’exploitation de la plupart des aéroports et la prestation des services de navigation aérienne. La cession des activités aéroportuaires a commencé en 1992Note de bas de page 17.

    Aujourd’hui, TC est toujours propriétaire de 41 aéroports :

    • 18 petits aéroportsNote de bas de page 18, qui offrent un service local, régional ou éloigné et qui sont exploités soit par TC (14) soit par une tierce partie (4). Onze de ces 18 aéroports sont situés au Québec, et 7 de ces 11 aéroports sont exploités par TC, et plus précisément par la Direction générale des programmes aériens, maritimes et environnementaux.
    • 23 grands aéroports, qui desservent une capitale nationale, provinciale ou territoriale et qui sont exploités par des tierces parties. Ces aéroports font partie du Réseau national d’aéroportsNote de bas de page 19, qui en compte 26 en tout. Trois de ces 23 grands aéroports sont situés au Québec.

    Les événements étudiés dans la présente enquête se sont produits à 4 aéroports. L’aéroport de Schefferville est l’un des petits aéroports appartenant à TC. Il dispose d’une piste unique et est critique à la desserte de la communauté. Il est exploité par la Société aéroportuaire de Schefferville. Les aéroports de Montréal/St-Hubert et de Baie-Comeau sont détenus et exploités par des intérêts privés. L’aéroport de Montréal/St-Hubert compte 3 pistes, dont 2 pistes qui sont parallèles. L’aéroport de Baie-Comeau dispose d’une piste unique et est une plaque tournante pour les vols d’urgence médicale. Enfin, l’aéroport d’Iqaluit, au Nunavut, fait, lui, partie du Réseau national d’aéroports. Tout comme l’aéroport de Schefferville, il dispose d’une piste unique et est critique à la desserte de la communauté. Il appartient à l’administration territoriale, qui est aussi responsable de son exploitationNote de bas de page 20.

    3.1.2 Exploitant d’aéroport et dirigeant d’aéroport

    L’exploitant d’aéroport est le titulaire du certificat d’aéroport et peut être une personne morale (compagnie, administration provinciale, territoriale, municipale, etc.) ou une personne physique.

    Dans le cas où l’exploitant est une personne morale, la gestion de l’aéroport est déléguée à une personne physique : le dirigeant d’aéroport.

    Selon le Règlement de l’aviation canadien (RAC),

    un dirigeant s’entend : [...]

    h) en ce qui concerne un aéroport :

    (i) de toute personne qui est employée ou engagée à contrat par son exploitant, à plein temps ou à temps partiel, comme directeur d’aéroport, ou de toute personne occupant un poste équivalent.

    (ii) de toute personne qui exerce le contrôle de l’aéroport en qualité de propriétaire.

    (iii) du gestionnaire supérieur responsable nommé par son exploitant [...]Note de bas de page 21.

    Les termes dirigeant et directeur sont tous les deux courants. Quel que soit le titre utilisé, cet individu occupe un poste important en tant que détenteur de document d’aviation canadien comme tel ou au nom de ce détenteur. Contrairement à des postes similaires pour les exploitants aériens et les organismes de maintenance agréés, le poste de dirigeant d’aéroport n’est pas rattaché à des exigences minimales en matière d’expérience pertinente ou de qualifications.

    3.1.3 Programme d’aide aux immobilisations aéroportuaires

    L’exploitation d’un aéroport exige des ressources importantes qui dépassent parfois celles dont dispose le détenteur du certificat d’aéroport. C’est souvent le cas des aéroports régionaux, qui « peuvent avoir du mal à générer suffisamment de revenus pour leur exploitationNote de bas de page 22 » et leur entretien. Néanmoins, ces aéroports « jouent un rôle déterminant dans le secteur du transport aérien au CanadaNote de bas de page 23 » et sont essentiels aux communautés qu’ils desservent, car bien souvent ils sont le seul lien de transport existant. C’est pour cela qu’en 1995, le gouvernement fédéral a mis en place le Programme d’aide aux immobilisations aéroportuaires (PAIA), qui assure un soutien aux aéroports admissibles qui « n’appartiennent pas au gouvernement fédéral et ne sont pas exploités par ce dernierNote de bas de page 24 ». Ce programme, administré par la Direction générale des programmes aériens, maritimes et environnementaux, offre un financement « pour les projets d’immobilisations liés à la sécurité des pistesNote de bas de page 25 » qui :

    • améliorent la sécurité aux aéroports régionaux;
    • protègent les biens aéroportuaires, tels que l'équipement et les pistes;
    • réduisent les coûts d'exploitationNote de bas de page 26.

    Pour être admissible au PAIA, un aéroport doit répondre à des conditions précisesNote de bas de page 27, notamment démontrer, lors de sa demande, qu’il offre un service régulier de vols commerciaux de passagers toute l’année.

    Parmi les aéroports où se sont produits les événements à l’étude, les aéroports de Montréal/St-Hubert et de Baie-Comeau étaient admissibles au PAIA et avaient obtenu le financement pour les travaux de réfection de piste prévus.

    3.2 Normes et cadre réglementaire

    L’exploitation des aéroports au Canada est régie par un ensemble de textes variés : loi, règlements, politiques, normes et pratiques recommandées. Ainsi, les travaux effectués aux aéroports sont encadrés par des exigences réglementaires et normes que les dirigeants d’aéroports sont tenus de respecter.

    3.2.1 Normes et pratiques recommandées internationales

    L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), agence spécialisée des Nations Unies, a été créée en 1944 dans le but d’établir des normes pour la sécurité et la sûreté des opérations aériennes civiles dans le monde. Ainsi, elle publie des normes et pratiques recommandées dans 19 Annexes à la Convention relative à l’aviation civile internationale.

    Norme. Toute spécification portant sur les caractéristiques physiques, la configuration, le matériel, les performances, le personnel et les procédures, dont l’application uniforme est reconnue nécessaire à la sécurité ou à la régularité de la navigation aérienne internationale et à laquelle les États contractants se conformeront en application des dispositions de la Convention. En cas d’impossibilité de s’y conformer, une notification au Conseil est obligatoire aux termes de l’article 38 de la Convention.

    Pratique recommandée. Toute spécification portant sur les caractéristiques physiques, la configuration, le matériel, les performances, le personnel et les procédures, dont l’application uniforme est reconnue souhaitable dans l’intérêt de la sécurité, de la régularité ou de l’efficacité de la navigation aérienne internationale et à laquelle les États contractants s’efforceront de se conformer en application des dispositions de la ConventionNote de bas de page 28.

    Quand un État contractant ne se conforme pas, en tout ou en partie, à une norme contenue dans une annexe, il doit notifier à l’OACI toutes les différences nationalesNote de bas de page 29. Par ailleurs, il est invité à notifier toutes les différences par rapport aux pratiques recommandées figurant dans une annexe si ces différences sont importantes pour la sécurité aérienneNote de bas de page 30.

    En tant qu’État contractant de l’OACI, le Canada s’engage donc à se conformer, autant que possible, aux normes et pratiques recommandées de l’Organisation.

    L’Annexe 14 de l’OACI porte sur les aérodromes en général et le Volume I s’applique à leur conception et exploitation technique. Cependant, elle ne fait aucune mention de quelque méthode de réfection de piste que ce soit. Le chapitre 10 couvre l’entretien des aérodromes, mais il fournit de l’information de nature technique et très peu d’information sur l’exploitation d’un aéroport durant des travaux. Au moment de la présente enquête, le Canada avait signalé 113 différences par rapport aux normes et pratiques recommandées de l’OACI décrites dans le Volume I de l’Annexe 14. De ces 113 différences, 7 concernaient le chapitre 10, mais aucune ne concernait la réfection des pistes. L’ensemble des différences notifiées par le Canada sont publiées dans l’AIP Canada (OACI)Note de bas de page 31 de NAV CANADA.

    Outre ses annexes, l’OACI publie de nombreux documents, dont certains viennent préciser l’application des normes et pratiques recommandées contenues dans les annexes.

    C’est le cas du Manuel de conception des aérodromes, et plus précisément de la Partie 1, qui concerne les pistes et qui est étroitement lié aux spécifications de l’Annexe 14, Volume I. Ce manuel « répond au besoin d’éléments indicatifs sur la conception géométrique des pistes et des éléments d’aérodrome connexesNote de bas de page 32 ». Il précise les caractéristiques physiques des pistes, notamment la largeur minimale et les facteurs à prendre en considération pour garantir la sécurité de l’exploitation en temps normalNote de bas de page 33. Cependant, il n’aborde pas la question en cas de travaux et ne traite pas directement de l’entretien ni de la réfection des pistes.

    3.2.2 Règlement de l’aviation canadien

    L’exploitation des aérodromes au Canada est régie par la partie III du RAC. Les sous-parties 301 et 302 contiennent les exigences qui nous intéressent pour la présente enquête.

    La sous-partie 301 s’applique aux aérodromes, mais exclut les aéroports, les héliports et les aérodromes militaires. L’article 301.04 stipule les exigences relatives aux balises et aux marques de piste à utiliser lorsqu’une piste est fermée, entièrement ou partiellement pendant plus de 24 heures : quelle que soit la longueur de la piste, une marque de zone fermée doit être apposée à chaque extrémité de la piste ou du tronçon en cause. Ce même article précise que ces marques n’ont pas à être apposées quand « la fermeture est d’une durée de 24 heures ou moinsNote de bas de page 34 ».

    La sous-partie 302 du RAC s’applique, elle, aux aéroports et est donc directement pertinente à la présente enquête. Elle regroupe, entre autres, les exigences de délivrance des certificats d’aéroport et les obligations des exploitants d’aéroport, y compris en ce qui concerne le contenu du manuel d’exploitation d’aéroport (MEA). Selon les exigences relatives à la certification, les normes et pratiques recommandées publiées pour les aéroports au Canada doivent être respectées. Le MEA, quant à lui, est en quelque sorte un contrat écrit entre l’exploitant de l’aéroport et l’Aviation civile de Transports Canada (TCAC). Il contient les politiques et procédures d’exploitation de l’aéroport. L’exploitant doit respecter son MEA s’il veut maintenir son certificat d’exploitation. Contrairement à la sous-partie 301 du RAC, la sous-partie 302 ne détaille pas les exigences précises s’appliquant aux balises et aux marques de piste à utiliser lorsqu’une piste est fermée. Elle stipule plutôt que les exploitants d’aéroport doivent se conformer aux « normes énoncées dans les publications sur les normes et pratiques recommandées pour les aérodromesNote de bas de page 35 » (voir sections 3.2.3.1 Procédures de certification des aérodromes et 3.2.3.2 Normes et pratiques recommandées pour les aérodromes du présent rapport).

    La sous-partie 302 du RAC comprend en outre les obligations des exploitants d’aéroport en matière de communication de l’information quand certaines situations existent aux aéroports, situations qui correspondent notamment à l’exécution de travaux :

    (2) Sous réserve du paragraphe (3), l’exploitant de l’aéroport doit aviser immédiatement le ministre, et faire en sorte que soit également avisée l’unité de contrôle de la circulation aérienne ou la station d’information de vol compétente, dès qu’il a connaissance des faits suivants :

    a) tout empiétement par un objet sur une surface de limitation d’obstacles de l’aéroport;

    b) la présence d’obstacles ou l’existence d’une situation dangereuse compromettant la sécurité aérienne à l’aéroport ou dans son voisinage;

    c) une baisse du niveau des services fournis à l’aéroport et décrits dans une publication d’information aéronautique;

    d) la fermeture d’une partie de l’aire de manœuvre de l’aéroport;

    e) l’existence de toute autre situation susceptible de constituer un danger pour la sécurité aéronautique à l’aéroport et à l’égard de laquelle il serait justifié de prendre des mesures préventives.

    (3) Lorsque l’exploitant de l’aéroport ne peut faire en sorte que l’unité de contrôle de la circulation aérienne ou la station d’information de vol compétente soit avisée des faits mentionnés au paragraphe (2), il doit, immédiatement, informer directement les pilotes qui peuvent être concernés par ces circonstancesNote de bas de page 36.

    Enfin, toujours dans la sous-partie 302 du RAC, les articles 302.500, 302.501 et 302.502 portent sur les systèmes de gestion de la sécurité (SGS) que les exploitants d’aéroport doivent établir et maintenir en vertu de l’article 107.02 (voir section 3.3 Système de gestion de la sécurité du présent rapport).

    3.2.2.1 Exemptions des exigences réglementaires

    Le paragraphe 5.9(2) de la Loi sur l’aéronautique permet au ministre des Transports ou à un représentant désigné d’accorder « une exemption des exigences réglementaires à un demandeur, si celle-ci est dans l’intérêt public et qu’elle ne risque pas de compromettre la sécurité aérienneNote de bas de page 37 ». En outre, selon l’Instruction visant le personnel (IP) REG-004 publiée par TCAC, lorsque le personnel de TCAC

    examine une demande d’exemption ministérielle relative à l’application du RAC, il doit documenter sa démarche pour démontrer qu’il a fait preuve de diligence raisonnable pour prendre une décision. [...] Toutes les exemptions ministérielles doivent faire l’objet d’une évaluation. L’évaluation se définit comme un processus exhaustif et documenté qui sert à la prise de décisions afin de déterminer la marche à suivre. […]

    La décision de délivrer, de refuser de délivrer ou d’annuler une exemption ministérielle en vertu du paragraphe 5.9(2) de la Loi sur l’aéronautique doit être fondée sur les résultats de l’évaluation ou des évaluations réalisées, compte tenu des facteurs suivants :

    (a) la sécurité aérienne;

    (b) l’intérêt publicNote de bas de page 38.

    3.2.3 Procédures, normes et pratiques recommandées canadiennes

    Outre le RAC, des normes et pratiques recommandées encadrent l’exploitation des aéroports au Canada. C’est le cas des publications intitulées Procédures de certification des aérodromes à titre d'aéroports (TP 7775) et Aérodromes — Normes et pratiques recommandées (TP 312)Note de bas de page 39, qui sont incorporées par renvoiNote de bas de page 40 dans le RAC et qui ont ainsi force de loi.

    3.2.3.1 Procédures de certification des aérodromes
    3.2.3.1.1 Applicabilité

    La dernière édition du TP 7775 date de 1991. À l’époque, le Règlement de l’Air et les Ordonnances sur la navigation aérienne étaient en vigueur, et c’est sous la direction du directeur général du Système de la navigation que les inspecteurs des Normes d’aérodrome de l’Aviation civileNote de bas de page 41 de TCAC utilisaient le TP 7775 pour leurs activités de surveillance. Depuis, le RAC est venu remplacer l’ancien règlement et les anciennes ordonnances, mais la version de 1991 du TP 7775 demeure en vigueur et est toujours utilisée à la fois par les exploitants d’aéroport et les inspecteurs d’aérodrome.

    3.2.3.1.2 Contenu pertinent à l’enquête

    Comme son titre l’indique, cette publication décrit les procédures de certification des aérodromes à titre d’aéroports, y compris les obligations du titulaire d’un certificat d’aéroport. En ce qui concerne les travaux aux aéroports, elle stipule que le titulaire d’un certificat d’aéroport qui prévoit effectuer des travaux à son aéroport doit :

    présenter un plan de travaux de construction au gestionnaire régional, Exigences du système de navigation aérienne, afin de faire approuver au préalable tous travaux de construction devant être effectués sans que l'exploitation des pistes, des voies de circulation ou d'autres aires de manœuvre de l'aéroport soit interrompue. Tous les détails concernant les travaux, les mesures de précaution, la signalisation, etc. devront être inclus dans le planNote de bas de page 42.

    En revanche, aucune précision quelle qu’elle soit n’est donnée sur la méthode, la nature ou l’ampleur des travaux, ni sur la préparation du plan en question par l’exploitant, ni sur le processus d’évaluation et d’approbation du plan par TCAC.

    En ce qui a trait à la communication de l’information sur les travaux, le TP 7775 précise que l’exploitant d’aéroport doit prendre les dispositions voulues pour que des NOTAM soient émis au moins 10 jours avant l’application des restrictions proposées.

    3.2.3.2 Normes et pratiques recommandées pour les aérodromes
    3.2.3.2.1 Applicabilité

    La 5e et dernière édition du TP 312Note de bas de page 43 est entrée en vigueur le 15 septembre 2015. Il est à noter que les 4 éditions précédentes restent en vigueur et que cette 5e édition n’annule donc pas la 4e éditionNote de bas de page 44 datant de 1993. Ainsi, les exploitants d’aéroport ne sont pas obligés de se conformer aux normes de la plus récente édition. En effet, l’article 302.07 du RAC, communément appelé la « clause de droits acquis » précise que :

    [l]’exploitant d’un aéroport doit

    a) se conformer :

    (i) sous réserve du sous-alinéa (ii), aux normes énoncées dans les publications sur les normes et pratiques recommandées pour les aérodromes, dans leur version à la date à laquelle le certificat d’aéroport a été délivré,

    (ii) à l'égard de toute partie ou installation de l'aéroport qui a été remplacée ou améliorée, aux normes énoncées dans les publications sur les normes et pratiques recommandées pour les aérodromes, dans leur version à la date à laquelle la partie ou l'installation a été remise en serviceNote de bas de page 45,[...]

    Dans sa Circulaire d’information (CI) 302-18Note de bas de page 46, TCAC explique les droits acquis en vertu du RAC qui permettent à un exploitant d’aéroport de continuer à se conformer à une édition autre que la dernière du TP 312.

    De ce fait, un exploitant d’aéroport doit donc établir un registre de ses installations en indiquant la ou les éditions du TP 312 qui s’appliquent pour chaque installation. Il est par exemple possible que le balisage lumineux d’un aéroport ait été certifié conformément à la 3e ou à la 4e édition, mais qu’après une mise à niveau, ce balisage se conforme à la 5e édition.

    Les événements faisant l’objet de la présente enquête se sont tous produits sur des pistes qui devaient être conformes à la 4e édition du TP 312Note de bas de page 47. Cependant toutes les informations publiées relativement à la certification du niveau de service devaient être conformes à la 5e édition du TP 312.

    3.2.3.2.2 Contenu pertinent à l’enquête

    Le TP 312 énonce les normes et pratiques recommandées pour les aéroports situés au Canada. Il établit les exigences, comme les caractéristiques physiques, les surfaces de limitations d’obstacles, les aides visuelles et les services techniques, que les exploitants d’aérodromes terrestres certifiés (c’est-à-dire les aéroports) doivent respecter en soutien aux opérations aériennes, sans toutefois mentionner les situations de travaux. La dernière édition présente une toute nouvelle approche et présente dorénavant des normes basées sur les opérations et non plus des normes basées sur la conception. Dans la CI 302-021Note de bas de page 48, TCAC explique :

    1. (1) L’entrée en vigueur de la 5e édition du TP 312 modifie le concept d’application des « normes » relatives à la certification d’un aéroport. Ce passage d’un concept axé sur la conception, défini dans les éditions précédentes du TP 312, à un concept axé sur les opérations défini dans la 5e édition du TP 312 harmonise les normes de certification avec les opérations, actuelles ou prévues, qui se déroulent sur le site en établissant un lien entre les normes et les caractéristiques propres aux aéronefs, les conditions de visibilité opérationnelle aux aérodromes et le niveau de service (approche de précision, de non-précision et à vue). [...]
    2. (2) Une telle modification d’un concept opérationnel exige de tout exploitant d’un aéroport qu’il soit bien informé des opérations aériennes qui s’y déroulent (ou qui y sont prévues). Les éditions précédentes du TP 312 définissaient un concept axé sur la conception utilisant principalement la longueur de la piste dans le système de numéro de code pour établir un lien avec les normes applicables à l’installation.
    3. (3) Le concept axé sur les opérations tel que défini dans la 5e édition du TP 312 établit des liens avec les normes applicables à chacune des caractéristiques propres à l’aéronef critique (actuel ou prévu). Chaque norme mentionnée dans la 5e édition du TP312 conduit le lecteur à la caractéristique de l’aéronef visée par la norme, notamment :

      (a) l’envergure (en tenant compte de la catégorie de vitesse d’approche de l’aéronef);

      (b) la largeur hors tout du train principal;

      (c) la hauteur d’empennage.

    4. (4) À la suite de l’entrée en vigueur de la 5e édition du TP312, tous les exploitants d’aéroports certifiés sont tenus de:

      (a) modifier leur Manuel d’exploitation d’aéroport (MEA) afin d’y inclure de l’information supplémentaire, et

      (b) présenter une mise à jour des publications aéronautiques relativement au niveau de certification des différentes parties de l’aérodrome certifié (aéroport).

    Ces mesures sont nécessaires afin que le personnel naviguant puisse évaluer si l’aérodrome « convient à la manœuvre prévue », comme il est actuellement prescrit par l’alinéa 602.96 (2)b) du RAC. À l’heure actuelle, il n’existe aucun élément dans les publications intégrées d’information aéronautique qui permet d’informer l’exploitant d’aéronefs du niveau de certification des infrastructures disponibles à l’aéroport. Il n’existe qu’un énoncé général indiquant si l’installation est « certifiée » ou « enregistrée ». Cet énoncé général ne fourni [sic] pas assez de précisions à l’exploitant d’aéronefs afin de déterminer si les installations aéroportuaires sont appropriées pour les opérations planifiéesNote de bas de page 49.

    Les 4e et 5e éditions du TP 312 traitent toutes les 2 des aides visuelles à utiliser pour signaler les zones de pistes fermées ou inutilisablesNote de bas de page 50. Même si la formulation est différente, les 2 éditions exigent la présence de marques de zone ferméeNote de bas de page 51 à chaque extrémité d’une piste ou d’une portion de piste fermée ou inutilisable de façon permanente. Dans le cas de fermetures temporaires, la 4e édition recommande ces marques de zone fermée, mais ne les exige pas pour des fermetures de « courte durée » dans la mesure où un avertissement suffisant est donné par l’intermédiaire des services de la circulation aérienne. La 5e édition, elle non plus, n’exige pas de marques de zone fermée pour une fermeture de courte durée s’il existe d’autres moyens d’aviser les pilotes et conducteurs de véhicules de ces fermetures. Ni la 4e édition ni la 5e édition ne définissent ce qu’on entend par « courte durée ». En revanche, les 2 éditions prévoient la possibilité d’utiliser des moyens ou des matériaux autres que la peinture pour marquer ces fermetures de courte durée dans les cas où les exploitants choisissent d’apposer ces marques. Les exploitants d’aéroport des événements à l’étude avaient considéré une fermeture de quelques semaines comme une « fermeture de courte durée », ce qui leur évitait d’apposer ces marques de zone fermée de façon stricte pendant les travaux.

    En ce qui concerne les autres marques de piste (marques de bord de piste, d’axe de piste, etc.), les 4e et 5e éditions du TP 312 diffèrent. En effet, la 4e édition stipule que ces marques doivent être masquées dans la zone fermée seulement quand la fermeture est définitive. Il est à noter que la version française de la 5e édition exige la suppression de ces marques quelle que soit la durée de la fermeture alors que la version anglaise l’exige lors de fermeture définitiveNote de bas de page 52.

    Enfin, toutes les marques de piste s’appliquant aux zones de piste ouverte en temps normal décrites dans le TP 312 doivent être respectées sur le côté ouvert d’une piste réduite en largeur, conformément à la sous-partie 302 du RACNote de bas de page 53, dont les exigences sont applicables à tout moment où le certificat est valide.

    3.3 Système de gestion de la sécurité

    Pendant longtemps, la sécurité des opérations aériennes était strictement rattachée à la conformité réglementaire et reposait sur une gestion des risques réactive aux incidents et accidents. Cependant, il est devenu évident que les exigences réglementaires, à elles seules, ne pouvaient prévoir tous les risques liés à une activité particulière. C’est alors que le concept de SGS a vu le jour. Un SGS consiste en une

    [a]pproche systématique de la gestion de la sécurité, comprenant les structures organisationnelles, l’obligation de rendre compte, les responsabilités, les politiques et les procédures nécessairesNote de bas de page 54.

    Le concept de SGS a été rapidement avalisé et préconisé par l’OACI. Ainsi, en 2005, TCAC a imposé la mise en place de SGS au sein de l’aviation civile, dans un premier temps pour les entreprises de transport aérien et les organismes de maintenance agréés.

    Début 2008, les SGS sont devenus obligatoires pour les aéroports en vertu des articles 107.01 et 107.02 du RAC.

    Cependant, TCAC a publié 2 exemptions accordant un délai de mise en œuvre des SGS

    pour permettre aux titulaires de certificats d’aéroport d'établir un système de gestion de la sécurité d'une manière harmonieuse, sans perturber leurs activités normales, en suivant un programme de mise en œuvre des SGS publié par le ministre dans la Circulaire d’information CI 300-002, intitulée Procédures de mise en œuvre des systèmes de gestion de la sécurité destinées aux exploitants d’aéroportNote de bas de page 55.

    Ainsi, selon ces 2 exemptions, l’aéroport d’Iqaluit, faisant partie du Réseau national d’aéroports, a eu jusqu’au 31 mars 2011 pour instaurer son SGS, et les aéroports de Baie-Comeau, Montréal/St-Hubert et Schefferville, jusqu’au 31 mars 2012.

    Selon le RAC, le titulaire d’un certificat d’aéroport délivré en vertu de l’article 302.03 du RAC « doit établir et maintenir un système de gestion de la sécurité et s’y conformerNote de bas de page 56 ». Ce système « doit correspondre à l’ampleur, à la nature et à la complexité des opérations, des activités, des dangers et des risques qui sont associés aux opérations du titulaireNote de bas de page 57 » et doit comprendre notamment :

    a) une politique en matière de sécurité sur laquelle repose le système;

    b) un processus qui permet d’établir des buts en vue d’améliorer la sécurité aérienne et d’évaluer dans quelle mesure ils ont été atteints;

    c) un processus qui permet de déceler les dangers pour la sécurité aérienne et d’évaluer et de gérer les risques qui y sont associés;

    d) un processus qui fait en sorte que le personnel soit formé et compétent pour exercer ses fonctions;

    e) un processus qui permet de rendre compte à l’interne des dangers, des incidents et des accidents et de les analyser et qui permet de prendre des mesures correctives pour empêcher que ceux-ci ne se reproduisentNote de bas de page 58.

    Par ailleurs, dans la sous-partie 302 du RAC, il est stipulé que le SGS d’un aéroport doit comprendre, entre autres, les éléments suivants :

    c) une marche à suivre visant la collecte de données concernant les dangers, les incidents et les accidents; [...]

    d) une marche à suivre visant l’échange de renseignements liés aux dangers, aux incidents et aux accidents entre les utilisateurs d’aéronefs et le fournisseur de services de la circulation aérienne à l’aéroport, et l’exploitant de l’aéroport;

    e) une marche à suivre visant l’analyse des données recueillies [...]Note de bas de page 59.

    En outre, toujours selon la sous-partie 302 du RAC,

    [l]e gestionnaire du système de gestion de la sécurité doit :

    a) établir et maintenir un système de compte rendu pour assurer la collecte en temps opportun de renseignements liés aux dangers, aux incidents et aux accidents qui peuvent avoir un effet néfaste sur la sécurité;

    b) déceler les dangers et faire des analyses de la gestion des risques;

    c)  examiner, analyser et cerner la cause réelle ou probable des dangers, des incidents et des accidents relevés dans le cadre du système de gestion de la sécurité;

    d) établir et maintenir un système de données sur la sécurité, par moyen électronique ou autre, pour surveiller et analyser les tendances concernant les dangers, les incidents et les accidents;

    e) surveiller et évaluer les résultats des mesures correctives concernant les dangers, les incidents et les accidents;

    f) surveiller les préoccupations de l’industrie de l’aviation civile en matière de sécurité et leur effet perçu sur le titulaire du certificat d’aéroportNote de bas de page 60.

    Pour aider les exploitants à mettre en œuvre leur SGS et respecter les exigences du RAC, TCAC a publié le Guide sur l’élaboration des systèmes de gestion de la sécurité (SGS)Note de bas de page 61, dans lequel les composantes du SGS sont décrites en détail.

    Selon ce guide, la composante de surveillance de la sécurité du SGS

    est fondamentale pour le processus de gestion de la sécurité; elle fournit les informations nécessaires pour porter un jugement informé sur la gestion ou sur les risques de l’organisme. En outre, elle fournit un mécanisme pour qu’un organisme puisse effectuer un examen critique de ses opérations existantes, les changements envisagés aux opérations et les ajouts ou les remplacements, pour leur importance pour la sécurité. La surveillance de la sécurité s’effectue par deux moyens principaux :

    (a) des processus réactifs pour gérer les événements, y compris des enquêtes et des analyses d’événements;

    (b) des processus proactifs pour gérer les dangers, y compris les procédures pour l’identification des dangers, les techniques de surveillance active et le profilage des risques à la sécuritéNote de bas de page 62.

    La figure 1 illustre la composante de surveillance de la sécurité d’un SGS et fait ressortir les 2 grands volets de la gestion de la sécurité : le volet réactif et le volet proactif.

    Figure 1. Graphique illustrant le déroulement des processus liés au système de gestion de la sécurité (Source : Transports Canada, Circulaire d’information [CI] 107-001 : Guide sur l’élaboration des systèmes de gestion de la sécurité (SGS), Édition 01 [1er janvier 2008])
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    Graphique illustrant le déroulement des processus liés au système de gestion de la sécurité (Source : Transports Canada, Circulaire d’information [CI] 107-001 : Guide sur l’élaboration des systèmes de gestion de la sécurité (SGS), Édition 01 [1er janvier 2008])

    Un SGS proactif « doit rechercher activement les dangers éventuels pour la sécurité et évaluer les risques qui leur sont associésNote de bas de page 63 ». Ainsi, pour chaque activité, l’exploitant doit s’interroger sur les dangers potentiels. Pour cela, il est possible d’avoir recours à des évaluations des risques dans le but de cerner les dangers éventuels et d’appliquer des techniques de gestion des risques. Ces évaluations des risques devraient être faites notamment « pendant l’élaboration du SGS, puis à intervalles périodiques » et « quand des changements opérationnels majeurs sont prévusNote de bas de page 64 ». Une évaluation des risques devrait donc être faite pour des travaux de réfection de piste avec fermeture partielle de la piste étant donné que ces travaux constituent des changements opérationnels majeurs.

    Si, en dépit d’une gestion des risques proactive, des événements surviennent, le SGS doit permettre de réagir pour éviter la répétition des événements.

    Chaque événement constitue une occasion de tirer de précieuses leçons sur la sécurité; celles-ci ne seront cependant comprises que si l’événement est analysé afin que tous les employés, y compris la direction, comprennent non seulement ce qui s’est passé, mais également pourquoi cela s’est passé. Cela demande de regarder au-delà de l’événement et de faire enquête sur les facteurs contributifs et les facteurs organisationnels et humains dans l’organisme qui ont joué un rôle dans l’événementNote de bas de page 65.

    L’enquête a permis de constater que seul l’aéroport de Montréal/St-Hubert avait suivi le processus proactif de gestion de la sécurité en effectuant et documentant une évaluation des risques dans le cadre de son plan de travaux et qu’aucun des aéroports n’avait suivi le processus réactif exigé par le RAC après les événements.

    Pour éviter qu’un éventuel problème dans les composantes du SGS perdure sans détection et pour assurer une amélioration continue de ce SGS, une composante d’assurance de la qualité a été prévue.

    Selon le Guide sur l’élaboration des systèmes de gestion de la sécurité (SGS),

    [u]n programme d’assurance de la qualité (PAQ) définit et établit une politique et des objectifs de qualité pour l’organisme. Il permet également à un organisme de documenter et de mettre en œuvre les procédures nécessaires pour atteindre ces buts. Un PAQ correctement mis en œuvre assure que les procédures sont effectuées avec cohérence, que les problèmes peuvent être identifiés et résolus et que l’organisme peut réviser et améliorer continuellement ses procédures, ses produits et ses servicesNote de bas de page 66.

    En outre, TCAC explique dans le Guide que l’assurance de la qualité est fondée sur le principe d’amélioration continue, qui, dans la plupart des systèmes de gestion modernes, passe par les étapes suivantes : Planifier, Faire, Vérifier et Agir (PFVA). Le PAQ correspond donc à l’étape VÉRIFIER du processus PFVA et permet de s’assurer que la partie AGIR a permis d’atteindre les résultats voulus.

    TCAC réitère ensuite l’importance du processus :

    On a déjà dit que « l’accent mis sur l’assurance de la qualité doit d’abord se concentrer sur le processus, parce que dans un processus stable et reproductible, la qualité peut être une caractéristique émergente ». Cela souligne l’importance de se concentrer sur le processus et sur le besoin d’assurer que les processus sont documentés. La raison pour laquelle nous devons faire cela est que, pour vérifier l’efficacité d’un processus, il faut s’en servir; afin d’améliorer un processus, nous devons nous assurer que le processus que nous améliorons était en fait celui qui était utilisé à l’origine. Rappelez-vous que vous ne pouvez pas améliorer un processus à moins que celui-ci ait été documenté. Que veut-on alors dire par processus? Un processus est la suite d’étapes suivies pour parvenir à un résultat donné et, dans le contexte utilisé ici, c’est le résultat de la planification (PLANIFIER). C’est de cette manière que la direction s’attend à ce que le travail soit fait.Note de bas de page 67.

    Dans le cas de certains aéroports à l’étude, les dirigeants d’aéroport ont admis ne pas maîtriser les exigences du SGS et ne pas savoir si les SGS qu’ils avaient mis en place étaient conformes ou non aux exigences réglementaires.

    3.4 Réfection des pistes

    3.4.1 Plan d’exploitation pendant les travaux

    La planification de travaux aux aéroports s’étale généralement sur plusieurs années. D’un point de vue réglementaire au Canada, un exploitant d’aéroport ne peut pas entreprendre de travaux d’entretien ou de travaux d’amélioration qui ont un impact sur la certification sans avoir soumis au préalable un plan à TCAC.

    Conformément au TP 7775, tout exploitant d’aéroport prévoyant effectuer des travaux de réfection de piste sans interrompre l’exploitation doit en effet préparer un « plan de travaux de construction », plan connu sous le nom de « plan d’exploitation pendant les travaux (PEC)Note de bas de page 68 ». Étant donné que le maintien du certificat d’aéroport dépend notamment du MEA, une fois approuvé par TCAC, le PEC se compare à un amendement temporaire apporté au MEA décrivant les mesures qui seront mises en place pendant les travaux pour pouvoir respecter les normes pertinentes et réduire les risques. Par ailleurs, étant doté d’un SGS, l’exploitant doit suivre les principes de celui-ci et doit donc, dans le cas de changements majeurs, faire une évaluation des risques.

    Avant de pouvoir commencer la rédaction de son PEC, l’exploitant d’aéroport doit déterminer la nature des travaux nécessaires, les contraintes opérationnelles associées et doit, conformément à son SGS, déceler les dangers potentiels. Selon les exploitants, les éléments généralement considérés et évalués sont les suivants :

    • l’importance de l’aéroport pour la communauté qu’il dessert;
    • les différentes opérations aériennes qui se font à l’aéroport;
    • les types d’aéronefs qui utilisent l’aéroport;
    • le nombre de pistes;
    • les contraintes liées aux exploitants aériens utilisant l’aéroport;
    • les conditions saisonnières qui dictent la période d’exécution des travaux.

    En l’absence de normes ou de pratiques recommandées officielles à leur disposition pour la préparation des PEC, les exploitants d’aéroport font régulièrement appel à des consultants pour la rédaction de leur PEC. De façon générale, l’exploitant d’aéroport mandate le consultant pour la préparation du PEC, processus qui comprend des rencontres et des discussions avec les divers intervenants. Dans les cas où une norme d’aéroport applicable ne pourrait être respectée durant les travaux, l’exploitant de l’aéroport peut demander une exemption à TCAC. Une fois prêt, le PEC est soumis à TCAC pour évaluation et approbation.

    Le BST a obtenu une copie des 39 PEC approuvés par TCAC entre 2006 et 2018 pour les aéroports du Québec et pour l’aéroport d’Iqaluit au Nunavut. Parmi ces 39 PEC, 4 concernaient les aéroports qui avaient réduit la largeur de la piste et où s’étaient produits les événements étudiés. L’examen de l’ensemble des plans a permis de constater qu’il n’existait effectivement aucun format standard pour les PEC et que ceux-ci contenaient généralement les éléments suivants :

    • la description des travaux;
    • le dépôt des plans;
    • les procédures de construction;
    • le plan de communication;
    • les zones fermées et marques de piste temporaires;
    • la sécurité sur le chantier;
    • des annexes.

    Il est aussi ressorti de l’examen des 39 PEC que ceux-ci incluaient des renseignements de génie civil (technique de revêtement, information logistique pour exécuter les travaux, plans, devis, etc.). Cette information n’est ni revue ni validée par les inspecteurs chargés d’approuver les PEC. Bien que n’étant liée à aucune exigence réglementaire, la possibilité d’obtenir une aide financière est aussi considérée durant l’élaboration du PEC. Les exploitants d’aéroport ont expliqué lors d’entrevues menées au cours de l’enquête que ces éléments de génie civil dans les PEC étaient liés aux demandes de financement faites dans le cadre du PAIA auprès de la Direction générale des programmes aériens, maritimes et environnementaux. De plus, les agents du PAIA leur ont fait comprendre que les solutions les moins coûteuses étaient privilégiées. Par exemple, l’application de « X » à la peinture sur une surface de piste nouvellement refaite était inacceptable pour le PAIA étant donné que le retrait de ces marques à la fin des travaux pouvait endommager la surface et donc entraîner des coûts supplémentaires.

    L’ajout des informations de génie civil dans les PEC permettaient aux exploitants d’aéroport de préparer un document unique pour démontrer aux 2 entités de TC — TCAC pour l’autorisation des travaux, et la Direction générale des programmes aériens, maritimes et environnementaux pour le financement — que leurs exigences respectives étaient respectées, en plus de l’exigence commune selon laquelle « le projet est nécessaire pour atteindre le niveau de sécurité requisNote de bas de page 69 ».

    En ce qui concerne la gestion des risques dans les PEC examinés, parmi les 4 aéroports où se sont produits les événements étudiés, un seul incluait une évaluation des risques. Les PEC des 3 autres aéroports rappelaient uniquement que l’exploitation de l’aéroport était soumise au SGS de l’aéroport et que des exposés ou de la formation sur le SGS seraient donnés aux intervenantsNote de bas de page 70.

    3.4.2 Méthodes

    Qui dit travaux sur une piste dit perturbation du trafic. L’objectif de l’exploitant d’aéroport qui prévoit des travaux est donc toujours de réduire au minimum cette perturbation et notamment de réduire au minimum la durée de fermeture complète de la piste.

    3.4.2.1 Réduction de la longueur de la piste

    La méthode couramment utilisée, autant au Canada qu’ailleurs dans le monde, consiste à réduire temporairement la longueur de la piste en fermant les extrémités et à effectuer les travaux sur une extrémité ou les 2 à la fois. Ainsi, l’utilisation de la partie de piste restante demeure possible. Cette méthode a l’avantage de limiter la période de fermeture complète de la piste à la durée des travaux sur la partie centrale et aussi de pouvoir conserver les marques et feux de piste de la configuration normale de piste. Cette méthode convient aux petits aéronefs et à certains types d’aéronefs plus gros qui peuvent s’accommoder d’une piste dont la longueur est réduite.

    3.4.2.2 Réduction de la largeur de la piste

    Une autre méthode de réfection des pistes consiste à réduire la largeur de la piste, en divisant la piste en 2 sur toute sa longueur, en fermant un côté à la fois et en gardant un côté de la piste en service. Cette méthode a l’avantage de ne pas requérir la fermeture complète de la piste, mais elle exige une nouvelle configuration des marques et feux de piste. Une piste réduite en largeur peut convenir aux petits aéronefs, ainsi qu’aux gros aéronefs s’ils sont approuvés pour des opérations sur pistes étroites (voir section 4.2.2 Opérations sur pistes étroites du présent rapport). C’est cette méthode qui avait été utilisée dans tous les cas à l’étude.

    La réduction de la largeur de la piste durant des travaux de réfection ne semble pas être une pratique courante. L’enquête a permis de constater qu’elle était rarement utilisée au Canada et aux États-Unis (voir section 6.0 Le cas des États-Unis, et de l’Alaska en particulierdu présent rapport).

    3.4.2.3 Considérations pour le choix de la méthode

    Au moment de choisir la méthode de réfection de piste, l’exploitant d’aéroport doit prendre en considération plusieurs facteurs, notamment, le rôle que l’aéroport joue pour les communautés qu’il dessert. Il doit consulter les communautés concernées pour savoir comment limiter les perturbations causées par les travaux et leur durée. Les petits aéroports situés loin de grands centres urbains ou en région éloignée, qui disposent souvent d’une seule piste, sont indispensables aux communautés qu’ils desservent pour l’approvisionnement en produits essentiels et en services d’urgence médicale. La fermeture de cette seule et unique piste n’étant pas une solution envisageable quelle que soit sa durée, l’exploitant d’aéroport optera pour une fermeture en largeur de la piste.

    Par ailleurs, l’exploitant d’aéroport doit aussi tenir compte de facteurs économiques dans le choix de la méthode de travaux. Même quand l’aéroport est relativement proche d’un grand centre et dispose de plusieurs pistes, l’exploitant d’aéroport ne peut négliger les besoins et exigences des exploitants aériens, qui préféreront que la piste reste ouverte et donc la méthode de réfection de piste prévoyant la fermeture en largeur de la piste.

    Ainsi, l’exploitant d’un aéroport dont les vols passagers sont fournis par un seul exploitant aérien commercial optera pour la solution qui lui permet d’éviter la fermeture de la piste afin d’entraver le moins possible les opérations de cet exploitant aérien.

    3.4.3 Marques de pistes pendant les travaux

    Aux aérodromes, les aides visuelles sont cruciales à la bonne utilisation des voies de circulation, pistes et autres aires de mouvement et à la sécurité côté piste. Les pistes sont dotées de marques variées qui permettent aux pilotes de bien en discerner les limites et l’alignement. Quand des travaux sont effectués sur une piste, certaines marques doivent être ajoutées, déplacées ou supprimées. En effet, quand une piste ou une partie de piste est fermée ou inutilisable, des marques de zone fermée (figure 2) sont requises ou non en fonction du statut de l’aérodrome (certifié ou non), de la durée de la fermeture, et dans le cas d’aéroports (aérodromes certifiés) en fonction de l’édition des normes et pratiques recommandées (TP 312) qui s’applique.

    Figure 2. Dessin représentant une marque de zone fermée (Source : Transports Canada, TP 312, Aérodromes — Normes et pratiques recommandées, Quatrième édition [mars 1993])
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    Dessin représentant une marque de zone fermée (Source : Transports Canada, TP 312, Aérodromes — Normes et pratiques recommandées, Quatrième édition [mars 1993])

    Les événements faisant l’objet de la présente enquête se sont tous produits sur des pistes qui devaient être conformes à la 4e édition du TP 312.

    Ainsi, les marques de zone fermée étaient obligatoires pour des fermetures permanentes, mais recommandées uniquement pour des fermetures temporaires. Elles pouvaient en effet être omises pour des fermetures de courte durée. Par ailleurs, les autres marques de piste (marques de bord de piste, d’axe de piste, etc.) n’avaient pas à être masquées dans la zone fermée étant donné que les fermetures n’étaient pas définitives. Enfin, les marques sur le côté ouvert de la piste devaient être conformes aux normes énoncées dans le TP 312. Les exploitants des aéroports où sont survenus les événements à l’étude avaient considéré une fermeture de quelques semaines comme une « fermeture de courte durée », ce qui leur évitait d’apposer ces marques de zone fermée de façon systématique pendant les travaux.

    La revue des PEC des 4 aéroports à l’étude a permis de constater que les marques de piste temporaires variaient grandement, non seulement entre les aéroports, mais aussi entre les différentes phases de travaux à un même aéroport. De plus, l’enquête a démontré que les marques effectivement en place à un moment donné ne correspondaient pas toujours à celles prévues et décrites dans le PEC approuvé par TCAC. En raison de la nature temporaire des travaux et du peu de documentation disponible sur l’état des travaux pendant leur réalisation, il n’a pas été possible de compiler toutes les marques utilisées qui ne correspondaient pas aux différents PEC, qu’elles aient été ou non approuvées par TCAC après l’approbation initiale du PEC. Les exemples suivants donnent un aperçu de quelques écarts de marques relevés au cours de l’enquête pour les aéroports à l’étude pour lesquels des photos étaient disponibles, soit Iqaluit, Montréal/Saint-Hubert et Baie-Comeau.

    3.4.3.1 Aéroport d’Iqaluit

    Les travaux à l’aéroport d’Iqaluit étaient prévus en plusieurs phases, de mai 2014 à décembre 2017, et étaient décrits dans un seul PEC. Pour les phases concernant les travaux sur la pisteNote de bas de page 71, une réduction en longueur (seuil décalé) et une réduction en largeur étaient prévues. Il était indiqué dans le PEC que les « fermetures de piste » seraient indiquées par une marque de zone fermée temporaire, sans préciser s’il s’agissait des fermetures en largeur, en longueur, ou les deux. Cependant, sur les dessins techniques accompagnant la description, des marques de zone fermée étaient disposées à intervalles réguliers sur toute la longueur du côté fermé de la piste. Il n’était pas précisé si les marques de piste ne s’appliquant plus seraient enlevées.

    D’après une image de l’aéroport d’Iqaluit pendant les travaux extraite de Google EarthNote de bas de page 72 (figure 3), des marques de zone fermée étaient présentes à intervalles réguliers sur toute la longueur du côté fermé de la piste, et un nouvel axe de piste était marqué sur le côté utilisable de la piste. Cependant, les marques originales de seuil et d’axe de piste n’avaient pas été supprimées et étaient toujours visibles.

    Figure 3. Vue aérienne illustrant les marques de piste utilisées à l’aéroport d’Iqaluit pendant les travaux (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Vue aérienne illustrant les marques de piste utilisées à l’aéroport d’Iqaluit pendant les travaux (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
    3.4.3.2 Aéroport de Montréal/St-Hubert

    Les travaux à l’aéroport de Montréal/St-Hubert, qui concernaient la piste 06L/24RNote de bas de page 73, s’échelonnaient sur 2 ans et étaient divisés en 6 phases : une 1re phase en 2016 décrite dans un PEC, et les phases 2 à 6 en 2017 décrites dans un autre PEC. Comme pour l’aéroport d’Iqaluit, les travaux à cet aéroport prévoyaient non seulement la réduction en largeur de la piste, mais également sa réduction en longueur (seuil décalé). La 1re phase prévoyait une largeur de piste réduite à 100 pieds et une longueur réduite à 5000 pieds. Les marques de pistes temporaires prévues étaient conformes au TP 312. Il était indiqué dans le PEC que, pour bien délimiter la partie de piste en service, des marques temporaires de bord de piste seraient placées de chaque côté de la partie de la piste en service. Il était par ailleurs indiqué que des marques de zone fermée (couleur non précisée) seraient apposées à 300 m d’intervalle maximum sur la surface de la piste fermée sur sa pleine largeur (c’est-à-dire aux 2 extrémités). Il était également précisé que des « X » lumineux seraient installés aux 2 seuils de piste la nuit durant la fermeture complète de la piste.

    La configuration de la piste pour les phases 2 à 6 prévoyait aussi une réduction en largeur (largeur réduite à 75 pieds) et une réduction en longueur (seuil décalé) et les mêmes dispositions de marques de zone fermée que pour la 1re phase.

    Dans les faits, d’après une photo prise par le BST en 2016 pendant la 1re phase des travaux (figure 4), des marques de zone fermée de couleur blanche et peu contrastantes avaient été installées de chaque côté de la piste, dans le gazon, où elle était fermée sur la pleine largeur (seuil décalé).

    Figure 4. Photo aérienne illustrant les marques de piste utilisées pour la piste 24R à l’aéroport de Montréal/St-Hubert pendant la 1re phase des travaux (Source : BST)
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    Photo aérienne illustrant les marques de piste utilisées pour la piste 24R à l’aéroport de Montréal/St-Hubert pendant la 1re phase des travaux (Source : BST)
    3.4.3.3 Aéroport de Baie-Comeau

    Les travaux à l’aéroport de Baie-Comeau étaient prévus de juin à août 2018 et étaient divisés en 7 phases, décrite dans un PEC. Ce PEC prévoyait ne pas apposer de marque de zone fermée sur le côté fermé de la pisteNote de bas de page 74, mais prévoyait en apposer dans l’herbe pour la phase 5. Il était prévu que les marques de seuil et le numéro d’identification de piste soient effacés du côté fermé de la piste et que le numéro de la piste soit remis dans l’alignement du côté ouvert. Enfin, le PEC prévoyait le remplacement des anciennes marques d’axe de piste par des marques de bord de piste et prévoyait des marques d’axe de piste du côté ouvert.

    Les marques de bord de piste prévues ont effectivement été utilisées, contrairement aux marques d’axe de piste et de zone fermée (figure 5). À la vue des incidents à répétition qui se produisaient au cours de la réfection du côté sud de la piste, l’exploitant de l’aéroport a cependant décidé d’apposer une marque de zone fermée dans le gazon, du côté fermé de la piste au niveau de chaque seuil de piste, pour la réfection du côté nord de la piste. Ces 2 marques étaient de couleur blanche, et de dimensions supérieures aux recommandations du TP 312.

    Figure 5. Photo aérienne de la piste 10 de l’aéroport de Baie-Comeau pendant les travaux de réfection effectués sur le côté sud de la piste en juin 2018 (Source : aéroport de Baie-Comeau, avec annotations du BST)
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    Photo aérienne de la piste 10 de l’aéroport de Baie-Comeau pendant les travaux de réfection effectués sur le côté sud de la piste en juin 2018 (Source : aéroport de Baie-Comeau, avec annotations du BST)
    3.4.3.4 Aéroport de Peace River

    Les travaux à l’aéroport de Peace River étaient prévus en plusieurs phases, durant l’été 2015, et étaient décrits dans un seul PEC. Pour les phases concernant les travaux sur la pisteNote de bas de page 75, une réduction en largeur de cette piste était prévue. Il était indiqué dans le PEC que des marques temporaires d’axe et de seuil de piste seraient apposées sur la partie utilisable de la piste, qui seraient par la suite enlevées avant d’effectuer le marquage final. De plus, sur les dessins techniques accompagnant la description, des marques de zone fermée étaient disposées à intervalles réguliers sur la bande de piste, sur toute la longueur du côté fermé de la piste.

    L’enquête n’a pas été en mesure de déterminer si le marquage proposé a été appliqué tel que proposé.

    3.5 Communication de l’information relative aux travaux par l’exploitant d’aéroport

    En vertu de l’alinéa 302.07(1)d) du RAC, l’exploitant d’aéroport est tenu d’« aviser le ministre, par écrit, au moins 14 jours avant que ne survienne à l’aéroport, à ses installations ou au niveau de services fournis, tout changement prévu susceptible de rendre inexacts les renseignements figurant dans une publication aéronautique Note de bas de page 76 ». De plus, en vertu des paragraphes 302.07(2) et (3) du RAC, l’exploitant d’aéroport est tenu d’aviser « le ministre, et faire en sorte que soit également avisée l’unité de contrôle de la circulation aérienne (ATC) ou la station d’information de vol compétente Note de bas de page 77 » de situations précises, notamment de toute fermeture d’une partie de l’aire de manœuvre de l’aéroport.

    Pour cela, l’exploitant d’aéroport communique l’information nécessaire à NAV CANADA, le fournisseur exclusif au Canada des services d’information aéronautique. Dans le cadre de son système intégré d’information aéronautique, NAV CANADA publie les produits d’information aéronautiquesNote de bas de page 78 suivants : l’AIP Canada (OACI), les suppléments de l’AIP Canada (OACI), les circulaires d’information aéronautique (AIC) et les NOTAM. La nature et la durée de validité de l’information à publier déterminent le choix du produit d’information. Dans le cas d’information temporaire comme celle concernant des travaux sur piste, 2 sont possibles : les suppléments de l’AIP Canada (OACI) et les NOTAM.

    3.5.1 NOTAM

    En vertu du TP 7775 de TC, un exploitant d’aéroport qui prévoit effectuer des travaux à son aéroport est tenu de publier un NOTAM à l’avance.

    Selon le Manuel des procédures canadiennes pour les NOTAMNote de bas de page 79,

    [u]n NOTAM est un avis diffusé par télécommunication et donnant, sur l’établissement, l’état ou la modification d’un aménagement, d’un service, d’une procédure aéronautique, ou d’un danger pour la navigation aérienne, des renseignements qu’il est essentiel de communiquer à temps aux personnes dont les activités ou les intérêts ont un lien avec les opérations aériennes. [...]

    Les NOTAM visent principalement à fournir des renseignements sur des événements susceptibles de compromettre la sécurité et l’exploitation avant que ces événements se produisent sauf dans le cas de pannes ou d’activités imprévisibles. Pour atteindre son but, un NOTAM doit donc parvenir à son destinataire suffisamment à l’avance pour qu’il puisse agir en conséquence. La valeur d’un NOTAM réside dans son « contenu d’actualité » et sa valeur historique résiduelle est minimeNote de bas de page 80.

    Le processus de demande de publication de NOTAM est rapide et bien connu des exploitants d’aéroport, ceux-ci étant appelés à publier des NOTAM régulièrement et ayant à leur disposition le Manuel de procédures canadiennes pour les NOTAM, qui décrit précisément comment rédiger ce genre de message. Ainsi, ils doivent fournir les informations nécessaires au centre d’information de vol ou à la station d’information de vol appropriés de NAV CANADA.

    Le Manuel des procédures canadiennes pour les NOTAM de NAV CANADA est basé sur les normes de l’OACI contenues dans l’Annexe 15Note de bas de page 81, dans le Manuel des services d’information aéronautique Note de bas de page 82 et dans les Procédures pour les services de navigation aérienne – Abréviations et codes de l’OACINote de bas de page 83.

    Selon le Manuel des procédures canadiennes pour les NOTAM, les NOTAM doivent être

    le plus concis possible, indiquant les faits essentiels seulement4 et composés de telle manière que leur sens soit clair et non ambigu. La clarté de l’information est plus importante que sa brièveté.

    4 On n’émet pas de NOTAM pour avoir une preuve aux dossiers après que les anomalies ont été corrigées. Par exemple, si aucun NOTAM n’est émis pendant une panne ou une fermeture, on ne doit pas émettre un NOTAM après coup pour démontrer qu’il y a eu suivi par NOTAMNote de bas de page 84.

    Le texte est écrit entièrement en majuscules et est composé en grande partie d’abréviations et de siglesNote de bas de page 85. Par ailleurs, les NOTAM ne contiennent pas de graphiques.

    Les versions du Manuel en vigueur lors des différents événements étudiés indiquaient :

    5 5.2.3.4 Réduction de la largeur d'une piste

    Un NOTAM peut être émis lorsqu’une piste est fermée sur sa longueur, réduisant ainsi sa largeur. Si elle est connue, la raison (p. ex. surfaçage du revêtement) est incluse. Toute restriction, s’il y a lieu, concernant la taille des aéronefs est également incluseNote de bas de page 86.

    Par ailleurs, les exemples présentés dans le Manuel pour une piste réduite en largeur incluaient l’information sur la piste touchée, la partie fermée avec l’orientation (point cardinal), la largeur de la partie disponible et l’envergure des aéronefs autorisée. Les différents exemples ne comportaient pas de termes ou d’acronymes spécifiques et standards pour désigner une réduction en largeur.

    Exemple : 120001F NOTAMN CYUY ST-BRUNO-DE-GUIGUES

    CTA4 50 FT COTE SUD RWY 10/28 PLEINE LEN CLSD CAUSE SURFACAGE DU

    REVETEMENT. ACFT AVEC ENVERGURE D’AILE DE PLUS DE 50 FT NON AUTH

    50 FT COTE NORD.

    AAMMJJHHMM TIL AAMMJJHHMMNote de bas de page 87

    Parallèlement, les exemples de NOTAM figurant dans le Manuel pour illustrer une piste réduite en longueur avaient recours à des sigles relatifs à la distance disponible au décollage ou à l’atterrissageNote de bas de page 88. Ces sigles sont, en revanche, connus des pilotes, car ils correspondent à ceux utilisés lors des calculs de performance de l’aéronef.

    Exemple : 170001F NOTAMN CYUL MONTREAL/PIERRE ELLIOTT TRUDEAU INTL

    CYUL PREMIERS 1700 FT RWY 06R CLSD. THR 06R EST RELOCALISE 1700 FT.

    DIST DECLAREES :

    RWY 06R TORA 7900 TODA 8884 ASDA 7900 LDA 7900

    RWY 24L TORA 7900 TODA 7900 ASDA 7900 LDA 7900

    AAMMJJHHMM TIL AAMMJJHHMMNote de bas de page 89

    Dans tous les aéroports à l’étude, les NOTAM publiés pour les différentes périodes de travaux (annexe C) suivaient l’exemple repris dans les différentes versions du Manuel des procédures canadiennes pour les NOTAM en vigueur lors des événements à l’étude.

    3.5.2 Suppléments de l’AIP Canada (OACI)

    Chaque État contractant de l’OACI est tenu de publier une publication d’information aéronautique (AIP), qui renferme « des informations aéronautiques de caractère durable et essentielles à la navigation aérienneNote de bas de page 90 ». Ainsi, le Canada publie l’AIP Canada (OACI), principale source d’information aéronautique canadienne, quiest mise à jour régulièrement et dont les amendements sont publiés tous les 56 jours.

    Les « changements temporaires de longue durée (trois mois ou plus) ayant une incidence sur l’exploitation », et les changements de courte durée nécessitant un long texte explicatif ou des éléments graphiques sont quant à eux « publiés sous forme de suppléments de l’AIP Canada (OACI), conformément à l’Annexe 15 de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)Note de bas de page 91 ».

    Les suppléments de l’AIP Canada (OACI) sont publiés tous les 28 jours. Les exploitants d’aéroport souhaitant faire publier un supplément de l’AIP Canada (OACI) pour diffuser de l’information sur des travaux doivent fournir l’information en question à NAV CANADA au moins 49 jours à l’avance. L’enquête a permis de découvrir que le processus de demande de publication d’un supplément était souvent méconnu des exploitants d’aéroport pour 2 raisons principalement : contrairement aux NOTAM, les suppléments ne sont pas des documents que les exploitants font publier régulièrement; ensuite, le processus de demande n’est pas facile à trouver. Il figure dans le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC)Note de bas de page 92, mais n’est indiqué nulle part ailleurs, ni dans un document ni sur un site internet, que ce soit de TCAC ou de NAV CANADA. L’enquête a permis de déterminer que pour faire publier un supplément de l’AIP Canada (OACI), l’exploitant d’aéroport devait soumettre une demande par courriel ou par téléphone aux coordonnées indiquées dans l’AIM de TCNote de bas de page 93.

    Parmi les 4 aéroports où se sont produits les événements à l’étude, celui de Montréal/St-Hubert et celui de Baie-Comeau avaient fait publier un supplément de l’AIP Canada (OACI).

    4.0 Opérations aériennes au Canada

    4.1 Types d’opérations aériennes

    Les événements étudiés appartenaient aux différentes catégories d’opérations aériennes : aviation générale (2 événements), exploitants privés (4 événements) et services aériens commerciaux (11 événements). La catégorie est toutefois inconnue pour 1 des événements étudiés (Schefferville).

    L’aviation générale regroupe principalement des pilotes de loisirs qui utilisent de petits aéronefs monomoteurs ou bimoteurs pour leurs besoins personnels. Ils sont généralement titulaires d’un permis de pilote de loisir ou d’une licence de pilote privé. Ils effectuent en général des vols relativement simples.

    Les exploitants privés, quant à eux, se caractérisent principalement par des pilotes professionnels et des aéronefs à turbopropulseurs ou à turboréacteurs utilisés pour des besoins d’affaires ou privés. Ces pilotes sont titulaires d’une licence de pilote privé ou professionnel et de différentes qualifications supplémentaires, le cas échéant. Les aéronefs utilisés pour ce type d’opérations sont plus performants et plus complexes que ceux utilisés en aviation générale et exigent le plus souvent 2 pilotes. En vertu de l’article 604.03 du Règlement de l’aviation canadien (RAC), leur exploitation exige un document d’enregistrement d’exploitant privé, qui est délivré par l’Aviation civile de Transports Canada (TCAC) une fois que les conditions nécessaires sont rempliesNote de bas de page 94.

    Enfin, les services aériens commerciaux couvrent plusieurs catégories d’opérations, à savoir le travail aérien, le taxi aérien, la navette aérienne et le transport aérien. Les aéronefs utilisés pour des opérations commerciales des événements à l’étude appartenaient aux catégories de travail aérien et de transport. Les pilotes de services aériens commerciaux sont titulaires d’une licence de pilote professionnel ou d’une licence de pilote de ligne et de différentes qualifications supplémentaires, le cas échéant. Les aéronefs utilisés varient en fonction de la catégorie d’opérations : de petits aéronefs sont généralement utilisés pour les opérations de travail et de taxi aériens, alors que de plus gros aéronefs plus performants et plus complexes et exigeant 2 pilotes sont utilisés pour les opérations de navette aérienne et de transport aérien. Quel que soit le type d’opérations, les exploitants doivent obtenir un certificat d’exploitation commerciale de TCAC et remplir des conditions précises en vertu de la partie VII du RAC, notamment établir un système de contrôle d’exploitation approuvé par TCAC.

    Les opérations privées et commerciales des aéronefs provenant des États-Unis sont régies de façon similaire aux opérations canadiennes par la réglementation américaine.

    4.2 Planification de vol

    Quel que soit le type d’opérations aériennes, la planification de vol est une étape cruciale à la sécurité du vol. En effet, c’est à ce moment-là que tous les éléments nécessaires au vol doivent être rassemblés et examinés.

    À cet effet, l’article 602.71 du RAC stipule que « [l]e commandant de bord d’un aéronef doit, avant le commencement d’un vol, bien connaître les renseignements pertinents au vol prévu qui sont à sa dispositionNote de bas de page 95 ».

    Dans le cas des aéronefs de l’aviation générale, la planification est faite par le pilote et elle se limite souvent à l’utilisation des informations à l’aviation disponibles dans les publications d’information aéronautique de NAV CANADA et sites Web variés.

    Dans le cas des exploitants de services aériens commerciaux et de certains exploitants privés, les pilotes ont davantage de ressources à leur disposition, comme le manuel d’exploitation de la compagnie et les procédures d’exploitation normalisées (SOP) et ont aussi parfois l’assistance d’un service de régulation des vols pour la planification et l’exécution du vol.

    4.2.1 Information pour le vol

    Une des étapes fondamentales de la planification de vol consiste à obtenir et à revoir l’information à jour pertinente au vol prévu. Au Canada, NAV CANADA s’est vu déléguer, par le ministre des Transports, « la responsabilité de la collecte, de l’évaluation et de la dissémination de l’information aéronautiqueNote de bas de page 96 » et aussi « la responsabilité de la prestation des services de météorologie aéronautique pour l’espace aérien canadienNote de bas de page 97 ». NAV CANADA est ainsi la principale source d’information disponible pour la planification de vol et offre un site Web consacré à la planification de volNote de bas de page 98.

    4.2.1.1 Information aéronautique

    NAV CANADA publie différents produits d’information aéronautique en fonction de la nature et de la durée de validité de l’information à publier : l’AIP Canada (OACI)Note de bas de page 99 pour l’information de nature durable; les suppléments de l’AIP Canada (OACI) pour « les changements temporaires de longue durée (3 mois ou plus) ayant une incidence sur l’exploitation, ainsi que les renseignements de courte durée qui contiennent un long texte ou des éléments graphiquesNote de bas de page 100 »; les circulaires d’information aéronautique pour « l’information d’intérêt général et de l’information de nature administrativeNote de bas de page 101 »; et enfin, les NOTAM pour l’information temporaire de courte durée et les modifications temporaires de longue durée importantes pour l’exploitation et apportées sur bref préavis. L’information relative à des travaux sur piste est donc publiée dans les suppléments de l’AIP Canada (OACI) et les NOTAM.

    Les suppléments de l’AIP Canada (OACI) et les NOTAM en vigueur sont mis à la disposition des pilotes sur le site Web de la météorologie à l’aviation de NAV CANADANote de bas de page 102. Par ailleurs, les suppléments sont aussi affichés sur le site de l’AIP Canada (OACI)Note de bas de page 103.

    4.2.1.1.1 NOTAM

    Conformément à l’alinéa 302.07(2)d) du RAC, les 4 aéroports avaient fait publier des NOTAM pour informer les pilotes de la fermeture partielle de leur piste en travaux, et tous les pilotes concernés par les événements étudiés avaient pris connaissance des NOTAM applicables à leur vol respectif. Les NOTAM en question étaient conformes au format indiqué dans le Manuel de procédures canadiennes des NOTAM de NAV CANADA en vigueur lors des événements. Ils étaient écrits en majuscules, se composaient principalement d’abréviations et de sigles et ne comprenaient pas de graphiques.

    Ces NOTAM concernant les travaux faisaient partie d’une longue série de NOTAM revus par les pilotes avant leur vol. Le Rapport d’enquête aéronautique A17Q0059 du BSTNote de bas de page 104 publié le 3 juillet 2018 pour l’un des événements à l’étude a fait ressortir le manque de concision et de clarté des NOTAM, mais a aussi mis l’accent sur le risque d’oubli de l’information contenue dans les NOTAM, et le risque que l’information relative aux travaux se perde en raison de la multitude de NOTAM à revoir. Dans l’événement en question, l'équipage de conduite avait obtenu avant le départ une copie des NOTAM applicables à son vol. La copie jointe au plan de vol incluait une liste de 121 NOTAM, dont 37 concernaient l’aéroport de Montréal/St-Hubert. De ces 37 NOTAM, 9 concernaient la piste 06L, dont 1 sur le déplacement du seuil de la piste 06L, 1 relatif à la longueur de piste disponible pour l'atterrissage et 1 relatif à la réduction de la largeur de la piste 06L. Ce NOTAM relatif à la réduction de la largeur de la piste était le 16e de la liste. Le même NOTAM indiquait que, pour les aéronefs dont l'envergure était de plus de 78 pieds, il fallait donner un préavis de 48 heures aux autorités aéroportuaires. Puisque l’aéronef utilisé pour ce vol avait une envergure de plus de 78 pieds, ce NOTAM s'appliquait. Or, rien n'indique qu'un tel avis ait été donné aux autorités aéroportuaires. L'information recueillie au cours de la présente enquête indique que malgré les NOTAM, l'information du service automatique d'information de région terminale (ATIS)Note de bas de page 105 et la communication avec le contrôleur, l'équipage de conduite croyait à tort que seule la longueur de la piste avait été réduite. Les marques temporaires n’ont pas été suffisamment convaincantes pour que l’équipage corrige sa conscience situationnelle erronée (voir section 4.4.2.1 Conscience situationnelle du présent rapport).

    Le rapport du BST concluait que l'utilisation des mots « réduction en largeur », dans un NOTAM visant à indiquer une réduction en largeur de piste, indiquerait clairement la condition tout en réduisant le risque d'ambiguïté.

    En 2012, l’Airport Construction Advisory Council (Conseil consultatif de la construction aéroportuaire, ACAC)Note de bas de page 106 de la Federal Aviation Administration (FAA) a publié les résultats de recherches effectuées pour réduire les dangers associés aux travaux aux aéroports et a indiqué que la multitude et le format des NOTAM faisaient partie des facteurs contributifs aux accidents étudiés : [traduction]

    NOTAM : Les grands aéroports ont souvent un nombre important de NOTAM en vigueur, en particulier pendant des travaux. Ainsi, les personnes qui ont le plus besoin de connaître le contenu des NOTAM, soit les pilotes, les répartiteurs et les contrôleurs de la circulation aérienne, risquent de laisser échapper de l’information. En outre, un membre d’équipage peut ne pas se souvenir des renseignements contenus dans les NOTAM au moment où il en a le plus besoin — pendant les phases de décollage ou d’atterrissage, lorsque la saturation d’information et le risque tendent à être très élevés. De plus, la présentation des NOTAM (écrits entièrement en lettres majuscules et contenant des abréviations peu courantes) rend l’information difficile à comprendre et peut entraîner des erreurs d’interprétationNote de bas de page 107.

    L’ACAC a proposé par ailleurs une solution à ce problème, en partant du principe qu’un petit dessin vaut mieux qu’un long discours : il a suggéré l’introduction de NOTAM avec graphiques pour présenter l’information de façon plus claire et a donné l’exemple présenté à la figure 6 ci-dessous.

    Figure 6. Exemple de NOTAM avec graphique (Source : Federal Aviation Administration, « Airport Construction Notices », à l’adresse https://www.faa.gov/air_traffic/flight_info/aeronav/aero_data/Apt_Constr_Notices/ [dernière consultation le 16 novembre 2021])
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    Exemple de NOTAM avec graphique (Source : Federal Aviation Administration, « Airport Construction Notices », à l’adresse https://www.faa.gov/air_traffic/flight_info/aeronav/aero_data/Apt_Constr_Notices/ [dernière consultation le 16 novembre 2021])

    Plus récemment, en 2018, à la suite de l’enquête sur un événement survenu à l’aéroport de San Francisco (KSFO), en Californie (États-Unis), le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis a publié le rapport NTSB/AIR-18/01Note de bas de page 108 dans lequel il fait ressortir le manque de lisibilité des NOTAM comme un facteur ayant nuit à l’efficacité de la communication. Le NTSB fait référence plus particulièrement au format et à la présentation des NOTAM, qui sont écrits entièrement en lettres majuscules, ce qui peut entraver la lisibilité, l’interprétation et la rétention des messages. Par ailleurs, le rapport américain met en évidence le fait que les nombreux NOTAM publiés et fournis aux pilotes avant le vol ne sont pas classés par ordre d’importance, mais simplement par ordre chronologique de publication. Par conséquent, les pilotes doivent revoir toute l’information et déterminer quelle information est pertinente.

    En outre, au cours de son enquête sur l’événement A18A0085Note de bas de page 109, le BST a découvert que le style de présentation des NOTAM et l’ordre dans lequel ils sont publiés (ordre chronologique) avaient mené l’équipage de conduite de l’aéronef et le répartiteur à mal interpréter l’information communiquée. En effet, l’équipage, qui avait dû passer en revue de très nombreux NOTAM, tous écrits en majuscules et apparaissant dans un ordre nécessitant l’extraction de l’information pertinente, s’est fait une image mentale inexacte de la situation, et pensait que la piste 23 était fermée alors qu’elle était active. L’équipage a ainsi atterri sur la seule autre piste, la piste 14, qui, au moment de l’atterrissage, n’était plus la piste désignée pour les atterrissages en raison des conditions météorologiques. L’aéronef a fait une sortie en bout de piste.

    Enfin, dans son Annexe 15, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) aborde la question de l’efficacité de la communication des données et informations aéronautiques en fonction des facteurs humains et précise que :

    [l]’organisation d’un AIS [service d’information aéronautique] ainsi que la conception, la teneur, le traitement et la distribution des données aéronautiques et des informations aéronautiques tiendront compte des principes des facteurs humains qui en assureront une utilisation optimaleNote de bas de page 110.

    4.2.1.1.2 Service automatique d’information de région terminale

    D’après le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC) :

    L’ATIS est un service qui assure la diffusion continue de renseignements enregistrés aux aéronefs à l’arrivée et au départ, sur une fréquence discrète VHF [très haute fréquence] ou UHF [ultra-haute fréquence]. Son usage permet aux contrôleurs [...] d’être plus efficaces et de réduire l’encombrement des fréquences en rendant automatique la transmission répétitive de renseignements essentiels mais d’usageNote de bas de page 111.

    De tous les aéroports étudiés au cours de la présente enquête, seul l’aéroport de Montréal/St-Hubert était doté d’un ATIS. Le message concernant les travaux étudiés rappelait les éléments déjà contenus dans le NOTAM en vigueur et n’ajoutait aucune nouvelle information ni précision. Ce message ne constituant qu’un rappel du NOTAM, l’enquête ne s’y est pas attardée.

    4.2.1.1.3 Suppléments de l’AIP Canada (OACI)

    En ce qui concerne les suppléments, dans les cas à l’étude, l’aéroport de Baie-Comeau et de Montréal/St-Hubert avaient fait publier un supplément de l’AIP Canada (OACI) pour les travaux prévus. Les suppléments en question indiquaient la réduction de la largeur de piste, et celui de Baie-Comeau comprenait un graphique pour illustrer les modifications apportées à la piste pendant la période des travaux. Le supplément pour l’aéroport de Montréal/St-Hubert ne comportait pas de graphique et demandait aux pilotes de vérifier les NOTAM applicables avant les décollages et atterrissages. En revanche, l’aéroport de Montréal/St-Hubert avait publié un plan graphique des travaux et une copie des NOTAM sur son site Web et avait inclus un lien menant au site de consultation des NOTAM. L’enquête n’a pas permis de déterminer si les pilotes avaient consulté les suppléments en question.

    4.2.1.2 Information météorologique

    NAV CANADA offre un éventail de services de météorologie aéronautique, dont certains sont « fournis en vertu d’une entente contractuelle conclue avec Environnement et Changement Climatique CanadaNote de bas de page 112 ». Différentes prévisions et observations météorologiques sous forme de messages et de cartes sont publiées à intervalles réguliers et variés par NAV CANADA. Cette information est disponible auprès des centres d’information de vol de NAV CANADA, sur le site Web de la météorologie à l’aviation de NAV CANADA, et en partie sur le site des Services de planification de vol en collaboration de NAV CANADA. Les pilotes participent aussi à la communication de l’information à jour en faisant rapport des conditions rencontrées en vol. Tous les renseignements météorologiques pertinents sont revus à l’étape de la planification de vol. L’examen des renseignements météorologiques concernant les vols à l’étude a permis de conclure que les conditions météorologiques n’avaient pas été un facteur dans les événements. En effet, tous les événements sont survenus par une visibilité d’au moins 7 milles terrestres, et un seul est survenu dans des conditions d’averses de pluie.

    4.2.1.3 Régulation des vols

    En vertu de l’article 705.20 du RAC, les exploitants aériens de la catégorie du transport aérien doivent être dotés d’un service de régulation des vols, qui s’inscrit dans un système de contrôle d’exploitation. Même si cette exigence ne s’applique pas aux autres exploitants, il n’est pas rare que ceux-ci aient recours à un service de régulation des vols, interne ou externe.

    Les régulateurs de vol « ont la responsabilité d’exercer un contrôle d’exploitation sûr et efficace des vols [...] de concert avec les commandants de bord […]Note de bas de page 113 ». Pour cela, les régulateurs aident notamment les pilotes dans la planification du vol et leur fourniront les renseignements nécessaires à cette fin. Ils exercent aussi un suivi de volNote de bas de page 114 et une surveillance de volNote de bas de page 115. Cette fonction de régulation des vols permet ainsi d’alléger la charge de travail des pilotes avant et pendant le vol. Tous les pilotes, en revanche, ne bénéficient pas d’un tel service pour la planification et l’exécution de leurs vols.

    4.2.2 Opérations sur pistes étroites

    En vertu du RAC, les exploitants de services aériens commerciaux et les exploitants privés doivent se doter d’un système de contrôle d’exploitation. Dans le cadre de ce système, ils doivent vérifier si les aérodromes et les routes utilisés conviennent à leurs aéronefsNote de bas de page 116. En ce qui concerne les aérodromes, la question principale qui se pose est de savoir si les pistes sont assez longues pour les types d’aéronefs utilisés. La longueur de piste nécessaire est en effet dictée par les performances au décollage et à l’atterrissage des différents aéronefs, performances qui sont validées lors de la certification de l’aéronef et ensuite stipulées dans le manuel de vol de l’aéronef (MVA). Une autre question qui se pose est de savoir si la largeur de la piste convient aux opérations prévues, notamment quand une piste est réduite en largeur pour cause de travaux. En effet,

    [l]a largeur minimale d'une piste doit être suffisante pour permettre la commande sécuritaire de l'avion pendant le décollage et l'atterrissage, selon des procédures pouvant être exécutées de façon régulière par des équipages d’habileté moyenne. La largeur doit être suffisante pour empêcher que, dans les conditions d'utilisation prévues (y compris une panne moteur), aucune roue du train d’atterrissage ne sorte de la piste pendant le décollage ou l'atterrissageNote de bas de page 117,Note de bas de page 118.

    Bien qu’il existe des normes de conception des aérodromes associant des largeurs de piste requises aux types d’aéronefs qui utiliseront ces pistesNote de bas de page 119, il n’existe aucune norme de certification d’aéronef définissant une largeur de piste minimale. Certains constructeurs aéronautiques, néanmoins, indiquent un minimum dans le MVA approuvé et publient des procédures connexes dans un supplément au MVA. Lorsque la largeur de la piste utilisée est inférieure au minimum indiqué dans le MVA, le cas échéant, la piste en question est considérée comme une piste étroite du point de vue des opérations. Ainsi,

    [l]es exploitants aériens doivent être conscients que leurs avions ne satisfont peut-être pas aux critères de leur certification de type, à moins qu’ils les utilisent conformément à des données approuvées, propres au type d’aéronef en questionNote de bas de page 120.

    Par conséquent, conformément à la Circulaire d’information de l’Aviation commerciale et d’affaires (CIACA) no 0248, les exploitants aériens qui prévoient effectuer des opérations sur pistes étroites « devraient vérifier si le constructeur a publié des procédures à ce sujet dans un supplément de MVANote de bas de page 121 ». Dans la négative, les exploitants aériens devraient demander au constructeur d’obtenir l’approbation de la Certification des aéronefs de TCAC pour la largeur minimum désirée de la piste.

    Un supplément au MVA ne constitue pas nécessairement « une approbation pour effectuer des opérations sur des pistes étroitesNote de bas de page 122 ». Ainsi, il est recommandé que l’exploitant aérien présente en détail, dans son manuel d’exploitation de la compagnie, les procédures d’utilisation des aéronefs pour les décollages et atterrissages à des aéroports ayant des pistes étroites.

    Dans les cas à l’étude, quelques exploitants aériens avaient effectué les vérifications nécessaires et avaient envoyé un avis aux pilotes les informant de la largeur réduite de la piste et des procédures supplémentaires pour les opérations sur pistes étroites.

    4.3 Procédures d’exploitation normalisées

    Les SOP, y compris les annonces et listes de vérifications normalisées, sont des sources d’information cruciales qui offrent aux pilotes des lignes directrices sur l’utilisation générale de l’aéronef. Elles aident les pilotes dans la prise de décision et la coordination entre les membres de l’équipage, le cas échéant. Elles leur fournissent des solutions avérées à diverses situations pendant les opérations normales ou anormales ainsi qu’en situation d’urgence. Les SOP ne sont pas seulement des lignes directrices entourant l’utilisation des aéronefs, elles sont reconnues mondialement comme étant à la base de la sécurité aérienne.

    Les SOP sont obligatoires ou non selon le type d’opérations aériennes effectuées. Selon le RAC, les SOP sont obligatoires pour les services aériens commerciaux (opérations de travail aérien, exploitation d’un taxi aérien, d’un service aérien de navette et d’une entreprise de transport aérien) lorsque l’aéronef utilisé exige au moins 2 pilotes :

    L’exploitant aérien doit, pour chacun de ses aéronefs devant être utilisés par au moins deux pilotes, établir et tenir à jour des procédures d’utilisation normalisées[Note de bas de page 123] qui permettent aux membres d’équipage d’utiliser l’aéronef selon les limites précisées dans le manuel de vol de l’aéronef et qui sont conformes aux Normes de service aérien commercialNote de bas de page 124.

    Pour les exploitants privés, cette exigence s’applique lorsqu’ils ont décidé d’établir un manuel d’utilisation de l’aéronef, qui doit alors contenir ces SOP :

    Le manuel d’utilisation de l’aéronef doit être conforme aux exigences suivantes :

    a) il contient des procédures d’utilisation de l’aéronef qui sont conformes à celles contenues dans le manuel de vol de l’aéronef;

    b) il contient, si le manuel de vol de l’aéronef n’est pas transporté à bord de l’aéronef, les données et limites de performances de l’aéronef précisées dans ce manuel, et indique clairement qu’elles sont des exigences du manuel de vol de l’aéronef;

    c) il contient, le cas échéant, les procédures d’utilisation normalisées de l’exploitant privéNote de bas de page 125; [...]

    Enfin, les SOP ne concernent pas les pilotes de l’aviation générale, c’est-à-dire les pilotes de loisir qui effectuent des vols à bord d’aéronefs à un pilote.

    De nombreux exploitants aériens ont recours aux SOP pour s’assurer que les tâches à bord des aéronefs sont exécutées correctement, que les aéronefs sont utilisés conformément aux directives du constructeur, que les communications entre les pilotes et le contrôle de la circulation aérienne (ATC) sont conformes aux normes établies et que les politiques et procédures de la compagnie sont respectées. Les SOP permettent, par ailleurs, à 2 pilotes qui n’ont jamais volé ensemble d’effectuer leurs tâches respectives de membre d’équipage de conduite en sachant exactement ce que l’un et l’autre aura à faire durant toute la durée du vol. Même si les SOP sont écrites sous forme de liste de vérifications ou de guide de référence rapide, un pilote doit être en mesure d’exécuter les actions les plus critiques de mémoire et de se référer aux procédures écrites par la suite pour vérifier.

    Parmi les événements à l’étude, un grand nombre concernait les opérations commerciales, donc des opérations exigeant des SOP. En revanche, les exploitants privés canadiens n’étant pas tous tenus d’avoir des SOP, l’enquête n’a pas pu déterminer combien d’entre eux avaient de telles procédures. L’enquête ne s’est pas attardée aux cas des exploitants américains.

    4.3.1 Préparation au décollage

    La préparation au décollage est une étape cruciale pour la sécurité, quel que soit le vol prévu. Elle comprend, entre autres, la vérification des performances de l’aéronef et de la procédure de départ normalisé aux instruments (SID), le cas échéant. Dans le cas d’opérations aériennes effectuées conformément à des SOP, cette étape fait partie intégrante des procédures en question. Quand l’équipage de conduite est composé d’au moins 2 pilotes, l’application de bonnes pratiques devrait, pendant la préparation au décollage, mener l’équipage à faire un exposé avant le décollage. Les exposés constituent un instrument essentiel aux membres d’équipage pour maintenir une conscience situationnelle commune (voir section 4.4.2.1 Conscience situationnelle du présent rapport). Ils permettent d’assimiler des informations opérationnelles pertinentes et de prévoir leur incidence sur l’utilisation de l’aéronef. Au cours de l’exposé avant le décollage, le commandant de bord établit alors les priorités, partage les tâches entre les pilotes et crée ainsi un modèle mental commun pour le vol à venir. Cet exposé permet aux pilotes de revoir une dernière fois les attentes lors du décollage et de s’assurer qu’ils ont la même perception des éléments de leur environnement et qu’ils auront la même compréhension de leur signification et de leur incidence sur le vol.

    Parmi les événements étudiés, 2 sont survenus durant le décollage, à bord d’aéronefs exigeant 2 pilotes.

    4.3.2 Préparation à l’approche et à l’atterrissage

    Tout comme la préparation au décollage, l’étape de préparation à l’approche et à l’atterrissage est essentielle à la sécurité, et cette étape fait elle aussi partie intégrante des SOP, le cas échéant. La préparation à l’approche et l’atterrissage s’effectue généralement en vol de croisière, avant d’entamer la descente et une fois que l’équipage a reçu les conditions météorologiques les plus récentes et a déterminé la piste qu’il utilisera parmi les pistes en service. Cette préparation peut inclure notamment la prise de connaissance de l’ATIS, la programmation d’un système de gestion de vol pour l’approche et l’utilisation d’une liste de vérifications avant la descente. Cette préparation peut par ailleurs comprendre un exposé d’approche couvrant une revue de la carte d’approche si nécessaire, de la météorologie et des NOTAM. Dans les événements à l’étude survenus à l’atterrissage, 13 se sont produits à bord d’aéronefs exigeant au moins 2 pilotes, et donc exigeant un exposé à l’approche et à l’atterrissage.

    4.4 Gestion des ressources de l’équipage

    La gestion des ressources de l’équipage (CRM) est l’utilisation efficace de toutes les ressources disponibles – ressources humaines, ressources technologiques et information – dans le but d’effectuer un vol en toute sécurité et avec efficacitéNote de bas de page 126. La CRM met en jeu les compétences, les habiletés, les attitudes, la communication, la conscience situationnelle, la résolution de problèmes et le travail d’équipe. La CRM est liée aux aptitudes cognitives et interpersonnelles requises pour gérer un vol. Les aptitudes cognitives comprennent les processus mentaux nécessaires pour se faire et conserver une conscience situationnelle exacte, pour résoudre des problèmes et pour prendre des décisions. Les aptitudes interpersonnelles sont, elles, liées aux communications et aux comportements associés au travail d’équipe.

    4.4.1 Gestion des menaces et des erreurs

    La CRM moderne incorpore la gestion des menaces et des erreurs (TEM). Les 3 éléments de base de la TEM sont les menaces, les erreurs et les états indésirables des aéronefs. Chaque vol comporte des dangers que l’équipage doit gérer. Ces dangers, que l’on appelle menaces, augmentent les risques en vol et peuvent comprendre des menaces environnementales (conditions météorologiques défavorables, contamination de la piste, etc.) ou des menaces opérationnelles (pistes courtes, etc.). La TEM met l’accent sur les principes d’anticipation, de détection et de récupérationNote de bas de page 127, et repose donc sur la détection proactive des menaces qui pourraient réduire la marge de sécurité. Les équipages peuvent établir des mesures à l’étape de la planification ou durant l’exécution des vols, en modifiant le plan selon les circonstances.

    Une gestion efficace des erreurs est associée à des comportements précis de la part de l’équipage, dont les plus couramment cités sont la vigilance, l’invitation à poser des questions et à donner de la rétroaction, et l'assertivitéNote de bas de page 128,Note de bas de page 129,Note de bas de page 130,Note de bas de page 131,Note de bas de page 132,Note de bas de page 133,Note de bas de page 134. Même si des menaces existent et des erreurs se produisent dans la plupart des segments de vol, elles sont rarement accompagnées de conséquences graves, car l’équipage les gère efficacement. Une bonne gestion des risques dans le poste de pilotage est intrinsèquement liée à une bonne CRM.

    Enfin, un aéronef est dans un état indésirable lorsqu’il se trouve dans une situation de risque accru, le plus souvent en raison de la mauvaise gestion d’une menace ou d’une erreur.

    Les événements étudiés présentaient tous une menace particulière, soit une configuration de piste temporaire. Des erreurs d’actions ou d’inactions ont mené les pilotes à manœuvrer sur des sections de pistes fermées, ce qui correspond à un état indésirable de l’aéronef.

    4.4.2 Conscience situationnelle et modèles mentaux

    4.4.2.1 Conscience situationnelle

    La conscience situationnelle est la perception des éléments dans l’environnement, la compréhension de leur signification et la projection de leur état dans le futurNote de bas de page 135. Dans un environnement dynamique, la conscience situationnelle consiste en [traduction] « l’extraction continue d’information, la fusion de cette information avec l’information déjà à disposition afin de se faire une image mentale cohérente, et à partir de là, l’anticipation des événements futursNote de bas de page 136 ».

    Des problèmes peuvent survenir au cours de ces 3 étapes et ainsi donner lieu à des situations où des éléments critiques passent inaperçus, leur importance n’est pas perçue ou leurs conséquences ne sont pas anticipées.

    Pour un pilote, la conscience situationnelle se traduit par une image mentale de l'interrelation existante entre la position, les conditions de vol, la configuration et l'état énergétique de son aéronef, ainsi que de tout autre facteur qui pourrait affecter sa sécurité, comme les obstacles, les conditions particulières à un aéroport, les conditions météorologiques, etc.Note de bas de page 137.

    La conscience situationnelle se développe et se maintient grâce à un processus continu de réévaluation de la situation : dans un poste de pilotage, la conscience situationnelle des membres d’équipage de conduite est influencée par leurs objectifs et leurs attentes, leur expérience respective, et de nombreux autres facteurs qui influent sur la façon dont chacun des membres dirigera son attention et percevra et interprétera les éléments dans l’environnementNote de bas de page 138.

    4.4.2.2 Modèles mentaux

    Un modèle mental est une structure interne qui permet aux personnes de décrire, d’expliquer et de prédire des événements et des situations dans leur environnementNote de bas de page 139. Quand un modèle mental est adopté, ce modèle est résistant au changement. De nouveaux renseignements convaincants doivent être assimilés pour modifier un modèle mental. Un modèle mental inexact entravera la perception des éléments critiques ou la compréhension de leur importanceNote de bas de page 140.

    Un pilote s’imprègne de modèles mentaux de base au cours de sa formation, moment où il acquiert les connaissances qui lui seront nécessaires durant toutes les phases d’un vol. Par exemple, le modèle mental de l’approche et de l’atterrissage est un modèle de base acquis pendant la formation. Ce modèle comprend les procédures d’approche, mais aussi les marques, le balisage et l’éclairage qui se trouvent généralement sur une piste. Ainsi, le modèle mental de base qu’un pilote aura acquis dans le cas de travaux à un aéroport comprend les aides visuelles de piste temporaire, les marques de zone fermée et aussi la diffusion de l’information sur les travaux.

    Les modèles mentaux sont essentiels pour réagir efficacement dans des environnements dynamiques où chaque seconde compte, car ils réduisent le recours à des évaluations chronophages et permettent d’agir rapidement. Par contre, ils peuvent également entraîner des erreurs de perception de l’information.

    Dans les situations opérationnelles, on se fie à l’expérience et aux connaissances pour rapidement catégoriser la situation et choisir la marche à suivre appropriéeNote de bas de page 141. Ainsi, dans les situations qui se répètent souvent, l’attention et les attentes sont souvent le fruit du modèle mental que l’on a de la situation, étant donné que l’expérience antérieure détermine quelle information est importante et comment la situation évoluera.

    Toutefois, la capacité d’attention et de traitement de l’information d’une personne est limitée. Si elle peut transférer rapidement son attention d’une source d’information à une autre, une personne ne peut toutefois être pleinement attentive qu’à une seule source d’information à la fois. Ces limites de l’attention obligent les pilotes à s’ajuster en fonction de la situation.

    Lorsque les pilotes sont attentifs aux repères visuels depuis leur environnement opérationnel, leur modèle mental respectif de la situation et leurs attentes du milieu ont une forte influence sur leur attention sélectiveNote de bas de page 142. Autrement dit, les pilotes anticiperont ce qui, selon eux, seront des éléments d’information importants, ainsi que les endroits où les repères visuels devraient normalement se situer.

    4.4.2.3 Biais de confirmation

    Une fois leur modèle mental d’une situation établi, les individus ont tendance à chercher des éléments qui appuient ou confirment leur interprétation et à minimiser ou négliger l’importance de l’information qui semble la contredire. On appelle cette tendance le biais de confirmation.

    Ce biais peut amener une personne à ne pas remettre en question sa première interprétation et à ne pas la modifier avec de nouveaux renseignements. Il peut aussi amener la personne à trier sur le volet les renseignements qui appuient son état de conscience actuel et à rejeter ceux qui contredisent ses attentesNote de bas de page 143,Note de bas de page 144. Souvent, on entend ce que l’on s’attend à entendre, et voit ce que l’on s’attend à voir.

    Les pilotes travaillent dans un environnement complexe qui demande la surveillance de multiples sources et types de renseignements. Lorsque les pilotes reçoivent des renseignements auxquels ils s’attendent sur l’environnement, ils tendent à réagir rapidement et sans erreur. Par contre, lorsqu’ils reçoivent des renseignements contraires à leurs attentes, leur réaction est plus lente et pourrait être inappropriéeNote de bas de page 145.

    5.0 Gestion de la sécurité et surveillance des aéroports effectuées par l’Aviation civile de Transports Canada

    5.1 Gestion de la sécurité

    L’Aviation civile de Transports Canada (TCAC) met en œuvre et gère le Programme de sécurité aérienne de Transports Canada (TC) à l’échelle du Canada, et plus particulièrement le cadre réglementaire de la sécurité aérienne et la surveillance de la sécurité aérienneNote de bas de page 146.

    La mission de TCAC est la suivante :

    Élaborer et administrer des politiques et des règlements pour un réseau d’aviation civile le plus sûr qui soit pour le Canada et les Canadiens, en utilisant une approche systémique de la gestion des risquesNote de bas de page 147.

    Dans son Annexe 19, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) précise que les « États établiront et tiendront à jour un PNS [Programme national de sécurité] proportionnel à la taille et à la complexité du système d’aviation civile de l’ÉtatNote de bas de page 148 ». Par ailleurs, dans son Manuel de gestion de la sécurité, elle précise que « l’État peut en outre appliquer les principes de gestion des risques de sécurité à ses propres activités de réglementation et de PNS »Note de bas de page 149. Ainsi, TCAC s’est dotée d’un programme national de sécurité, à savoir le Système de gestion intégrée (SGI) de l’Aviation civile, pour mettre en œuvre, à l’échelle nationale et de façon uniforme, un programme qui intègre toutes ses activités, à l’Administration centrale comme dans ses Régions.

    5.1.1 Système de gestion intégrée de l’Aviation civile

    Dans son Manuel du programme de sécurité aérienne pour la Direction générale de l’aviation civile, TCAC explique :

    1. Le Système de gestion de la sécurité contribue à améliorer les systèmes et les procédures afin d’optimiser la sécurité des opérations aériennes. Étant donné que le SGS [système de gestion de la sécurité] vise les intervenants externes, Aviation civile applique un modèle semblable dans le but d’atteindre l’excellence en gestion et de s’améliorer de façon continue. Il s’agit du Système de gestion intégré (SGI), qui peut être considéré comme un SGS interne.

    2. La gestion de la sécurité part du principe qu’il y aura toujours des dangers, des risques et des menaces. Ainsi, une gestion systémique et proactive est requise pour leur identification et contrôle, avant qu’ils n’entraînent des accidents. Il est également stipulé qu’une culture de sécurité proactive suppose la collaboration de l’Aviation civile et du milieu afin de réduire la probabilité d’accidents.

    3. La sécurité peut se définir comme « une situation où les risques sont gérés et maintenus à des niveaux acceptables ». Les SGS visent précisément à réduire les risques dans le secteur aéronautique et le taux d’accidentsNote de bas de page 150.

    TCAC définit les exigences et les rôles et responsabilités connexes au SGI dans la Norme du Système de gestion intégrée (SGI) de l’Aviation civileNote de bas de page 151, norme qui s’applique à tout le personnel de l’Aviation civile.

    TCAC présente aussi le modèle de gestion de l’Aviation civile (figure 7), « qui est fondé sur la gestion des risques et s’applique à toutes les activités et à tous les processus dans le cadre de l’exécution et de la gestion de son programme de réglementationNote de bas de page 152 ». La gestion des risques est normalement initiée en recueillant et en intégrant des données proactives et réactives de sources diverses. Ces données sont ensuite analysées pour déterminer l’ampleur du problème et mesurer ses incidences. Vient alors l’étape au cœur du modèle, à savoir l’estimation et l’évaluation des risques, étape qui vise à déterminer si ces risques sont acceptables ou si des mesures de contrôle doivent être mises en place. Finalement, lors de l’étape de mesure des incidences et de communication, une vérification des stratégies d’atténuation des risques est effectuée pour déterminer si les résultats souhaités sont obtenus. Dans le cas où les résultats ne sont pas ceux souhaités, un exercice de diagnostic doit être mené sur la conception et l’exécution du processus utiliséNote de bas de page 153.

    Figure 7. Graphique illustrant le modèle de gestion des activités de l’Aviation civile (Source : Transports Canada, Instruction visant le personnel [IP] QUA-008 : Processus de gestion des risques pour les activités de Sécurité aérienne, Édition 03 [14 juin 2013])
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    Graphique illustrant le modèle de gestion des activités de l’Aviation civile (Source : Transports Canada, Instruction visant le personnel [IP] QUA-008 : Processus de gestion des risques pour les activités de Sécurité aérienne, Édition 03 [14 juin 2013])

    Dans la Directive de l’aviation civile (DAC) QUA-007 relative au cadre de gestion intégrée du risque, TCAC définit par ailleurs les principes qui orientent son approche en gestion du risque, et explique notamment que :

    TCAC prend des mesures efficaces pour aligner toutes ses activités sur une approche fondée sur le risque. Les cinq questions suivantes donnent un aperçu général menant à un processus approfondi de gestion optimale des risques :

    1. a)Qu’est-ce qui a changé?
    2. b)Que peut-il arriver?
    3. c)Quelle est l’incidence?
    4. d)Quelles sont les options?
    5. e)Quelles sont les prochaines étapesNote de bas de page 154?

    Enfin, en soutien au SGI, TCAC a créé le Comité de gestion des risques (CGR) qui a pour mandat d’agir en tant qu’équipe d’experts en la matière pour élaborer la méthodologie de gestion des risques, apporter des améliorations continues et mettre en œuvre les activités requises pour que le cadre de gestion intégrée des risques au sein du programme de TCAC soit efficace. Après avoir établi une méthodologie de gestion des risques comprenant des directives, des instructions, des processus, des outils, et autres documents de référence, le CGR a effectué la révision de l’IP QUA-008, Processus de gestion des risques pour les activités de Sécurité aérienne.

    La modification principale apportée à l’IP à la suite de cette révision concernait la section 6.0, dans laquelle TC a introduit la boîte à outils de gestion des risques en expliquant que :

    [l]es questions/situations/problèmes qui nécessitent une analyse des risques sont nombreux et peuvent être présentés sur un continuum où le degré de complexité et la gravité de l’impact sont calculés afin de déterminer le niveau des risques. Conséquemment, des outils adaptés sont nécessaires pour ces nombreux questions/situations/problèmes. C’est pourquoi TCAC par le biais du CGR, a développé un ensemble d’outils capables de répondre à ces considérations [...]Note de bas de page 155

    La revue de la DAC QUA-007 et de l’IP QUA-008 faite dans le cadre de la présente enquête a permis de constater que les questions à se poser pour déterminer si une gestion des risques est nécessaire étaient bien précisées et que le processus de gestion des risque était décrit en détail, y compris la façon de le documenter. En revanche, aucune directive n’est donnée pour savoir qui doit se poser ces questions et quand.

    Tout comme le SGS des intervenants de l’aviation civile, le SGI de TCAC doit comporter une composante d’assurance de la qualité, c’est-à-dire, un « moyen grâce auquel l’Aviation civile surveille et améliore progressivement la gestion du programme de l’Aviation civileNote de bas de page 156 ». Pour cela, TCAC a recours à des évaluations, c’est-à-dire à « tout processus comprenant un examen de l’organisation afin de déterminer si le SGI est documenté, mis en œuvre et efficaceNote de bas de page 157 ». La Norme du Système de gestion intégrée (SGI) de l’Aviation civile décrit, elle, le cycle d’amélioration continue Planifier, Faire, Vérifier et Agir (PFVA) et fait référence aux mêmes principes que ceux s’appliquant aux SGS. Ainsi la section 9.1 précise que 

    1. L’organisation doit planifier et effectuer l’assurance de la qualité de ses activités pour s’assurer que ses systèmes de gestion sont conformes aux exigences de la présente norme.
    2. La gestion doit analyser les processus et les données systémiques afin de mesurer le rendement et le degré d’efficacité comme moyen d’assurer l’amélioration continue.
    3. Des évaluations internes doivent être planifiées, menées, documentées et examinées afin d’évaluer la conformité et l’efficacité et de recenser les possibilités d’amélioration de tous les processus liés au système de gestion et au programme de l’aviation, y compris les processus cités en référence et la documentation du manuel sur le système de gestion.
    4. Des mesures correctives doivent être prises pour assurer la conformité d’un secteur d’activités lorsque les résultats prévus ne sont pas atteints ou que les normes de service ne sont pas respectéesNote de bas de page 158.

    L’enquête a permis de découvrir que seule la portion du SGI portant sur l’évaluation des risques est connue des inspecteurs de TCAC. Cependant, son utilisation n’est pas systématique lorsqu’un changement survient.

    5.1.2 Évaluation et approbation des plans d’exploitation pendant les travaux

    Aucune norme ou pratique recommandée officielle n’existe pour l’évaluation des plans d’exploitation pendant les travaux (PEC). L’enquête a permis de constater qu’en l’absence de telles normes à leur disposition, les inspecteurs de TCAC responsables d’évaluer les PEC dans les Régions de TC du Québec et des Prairies et du NordNote de bas de page 159 avaient conçu leur propre guide.

    La revue du PEC vise, dans un premier temps, à vérifier que le Règlement de l’aviation canadien (RAC) et les normes et pratiques recommandées s’appliquant aux aérodromes canadiens seront respectées pendant les travaux. L’inspecteur de TCAC doit ainsi valider quelles normes s’appliquent pour les différentes parties de l’aéroport et, en fonction de cela, quelles éditions du TP 312 s’appliqueront pour les travaux. Dans un second temps, la revue du PEC vise à évaluer les risques associés aux travaux et les mesures de contrôle préconisées par l’exploitant de l’aéroport. Au besoin, l’inspecteur peut demander des précisions à l’exploitant de l’aéroport ou recommander ou exiger des mesures de contrôle des risques différentes ou supplémentaires. Lorsqu’il a vérifié la conformité au règlement, aux normes et pratiques recommandées et qu’il a vérifié l’appropriation des mesures de contrôle des risques prévues pour une exploitation sécuritaire, l’inspecteur peut approuver le PEC.

    Le SGI de TCAC décrit le processus d’évaluation des risques et la façon de le documenter. Cependant, ce processus n’a pas été utilisé par les inspecteurs de TCAC lors de la revue des 4 PEC prévoyant une réduction de la largeur de la piste. Les inspecteurs de TCAC de la Région du Québec considéraient que l’évaluation des risques devant être faite par les exploitants d’aéroport dans le cadre de la préparation du PEC était suffisante pour justifier l’approbation des mesures de contrôle sans faire une autre évaluation des risques. Toutefois, des 4 aéroports prévoyant une réduction de la largeur de la piste, un seul aéroport (Montréal/St-Hubert) avait documenté une évaluation des risques dans ses PEC.

    5.2 Surveillance

    La surveillance réglementaire a toujours été pour TCAC l’outil de base permettant de vérifier si un détenteur de document d’aviation canadien se conforme aux exigences réglementaires. La mise en place des SGS au sein du milieu de l’aviation a changé « radicalement la façon dont TC conçoit ses responsabilités en matière de surveillanceNote de bas de page 160 ».

    En effet, avant l’avènement des SGS,

    les méthodes de surveillance classiques consistaient uniquement à déterminer la conformité réglementaire au moyen d’un système d’inspection directe qui visait les aéronefs, le personnel, les dossiers et autres systèmes d’un organismeNote de bas de page 161.

    Cette méthode reposait sur le principe que la conformité au RAC à elle seule garantissait des opérations aériennes sécuritaires et reposait sur une gestion des risques réactive aux incidents et accidents.

    Depuis la mise en place des SGS, la surveillance effectuée par TCAC a évolué : elle comprend, en plus de la surveillance réglementaire classique, un ensemble d’activités visant à « vérifier que les entreprises respectent les exigences réglementaires et disposent de systèmes efficaces afin de veiller à satisfaire en permanence aux exigences réglementairesNote de bas de page 162 ». Ainsi, TCAC « veille à ce que l’organisme dispose de politiques, de processus et de procédures efficacesNote de bas de page 163 » pour gérer les risques de façon proactive. Pour cela, TCAC effectue « des évaluations, des inspections de validation du programme (IVP) et des inspections du processus (IP)Note de bas de page 164 ».

    Dans les cas où le RAC exige qu’une entreprise soit dotée d’un SGS, comme c’est le cas des aéroports au Canada, TCAC a la responsabilité d’évaluer et de valider ces SGS. Par ailleurs, ce sont ces SGS qui feront d’abord et avant tout l’objet d’activités de surveillance et plus précisément d’évaluations. Les évaluations servent à vérifier que les SGS permettront aux entreprises de respecter les exigences réglementaires dans le temps, mais aussi à valider la mise en œuvre des SGS. Les IVP, elles, prévoient une surveillance au niveau des systèmes et une revue globale de l’entreprise en utilisant des méthodes d’échantillonnage pour vérifier si l’entreprise peut respecter en permanence les exigences réglementaires. Les IP quant à elles sont des inspections qui se concentrent sur un ou plusieurs processus précis. Elles permettent de vérifier si ces processus respectent les exigences réglementaires et fonctionnent correctement.

    La fréquence de ces différentes inspections périodiques dépend, entre autres, du type d’exploitation, du roulement du personnel-clé au sein de l’entreprise, de son historique de conformité et de la nature des constatations relevées au cours des activités de surveillance précédentes. Les différents facteurs sont traduits en indicateurs de risques sur lesquels TCAC se base pour établir une fréquence d’inspection. La fréquence des inspections dépend aussi des ressources disponibles au sein de TCAC pour effectuer le travail.

    Les informations recueillies au cours de cette enquête ont permis de constater que la Région du Québec est la seule qui dispose d’inspecteurs assignés spécifiquement aux aéroports. Dans les autres Régions, les inspecteurs chargés des aéroports s’occupent également des exploitants aériens et ne sont pas des spécialistes des aéroports. Pour ce qui est de la Région du Québec, au moment des événements, 6 inspecteurs étaient chargés de s’occuper des 55 aéroports. Cependant, 3 seulement étaient disponibles à temps plein pour la surveillance et le service aux aéroports. En effet, le chef d’équipe technique, en raison de ses responsabilités, ne pouvait participer à temps plein aux inspections et 2 autres inspecteurs étaient assignés aux obstacles aériens et aux héliports. Compte tenu du grand nombre d’aéroports dans cette Région par rapport au nombre d’inspecteurs disponibles, il était difficile pour ces inspecteurs d’effectuer les évaluations initiales des SGS en temps opportun. Par ailleurs, ceux-ci avaient l’impression qu’il serait ensuite impossible d’effectuer des inspections périodiques des SGS de tous les exploitants d’aéroport.

    La fréquence des inspections aux aéroports dépend enfin des contraintes saisonnières, qui limitent de façon importante la période au cours de laquelle les inspections peuvent être effectuées, et dépend aussi de la logistique nécessaire pour pouvoir inspecter des aéroports éloignés et dispersés.

    Si, au cours de leurs différentes activités de surveillance, les inspecteurs de TCAC relèvent des lacunes ou non-conformités aux exigences réglementaires, ils font des constatations, c’est-à-dire des comptes-rendus factuels reposant sur des preuves de non-conformité aux exigences du RAC. Les constatations de non-conformité peuvent être mineures, modérées ou majeuresNote de bas de page 165, mais elles exigent toutes des mesures correctives de la part de l’entreprise, qui devra soumettre un plan de mesures correctives dans un délai précis à TCAC. Une fois le plan de mesures correctives accepté par TCAC, les inspecteurs feront un suivi administratif ou sur le terrain pour s’assurer que le plan a bien été mis en œuvre. Dans le cas de constatations majeures ou de nature systémique, il est possible qu’un 2e suivi soit nécessaire plus tard pour vérifier si les mesures mises en place sont efficaces. La nécessité de faire un 2e suivi sera indiquée dans le rapport initial de l’évaluation. Si nécessaire, TCAC peut ensuite imposer des mesures d’application de la loi, une surveillance accrue et une mesure relative au certificat d’exploitationNote de bas de page 166.

    Les 4 aéroports concernés par la présente enquête devaient mettre en place leur SGS dans les délais impartis stipulés dans les 2 exemptions publiées par TCAC en janvier 2008 et 2009. Ces 2 exemptions ont expiré aux dates prévues (en mars 2011 et 2012 respectivement) et n’ont pas été renouvelées. TCAC n’a pas été en mesure d’effectuer la validation des 4 SGS en question à temps, et il a fallu jusqu’à 3 ans après l’expiration des exemptions pour que ces validations soient faites. Au cours de ces validations, des non-conformités ont été relevées dans la majorité des composantes des SGS et ont entraîné des constatations majeures, qui exposaient les exploitants à des mesures d’application de la loi. Ces constatations nécessitaient la mise en place de mesures correctives de la part des exploitants, et d’un 2e suivi de la part de TCAC. Non seulement, ce suivi n’a pas été fait, mais les évaluations et inspections périodiques qui auraient dû être effectuées ne l’ont pas été non plus. Pour l’aéroport d’Iqaluit, sous la responsabilité de la Région de TCAC des Prairies et du Nord, les évaluations des SGS n’ont pas été effectuées.

    5.3 Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

    La gestion de la sécurité et la surveillance réglementaire figurent sur la Liste de surveillance du BST depuis 2010 et figurent encore sur celle de 2020.

    Comme les événements à l’étude l’ont démontré, certaines entreprises estiment que le niveau de sécurité est adéquat tant qu’elles se conforment à la réglementation; or, cette dernière ne peut à elle seule prévoir tous les risques propres à une activité. C’est la raison pour laquelle le BST a maintes fois souligné les avantages d’avoir en place un SGS, qui est un cadre reconnu à l’échelle internationale permettant aux entreprises de gérer efficacement les risques et de rendre leurs activités plus sécuritaires.

    L'adoption de SGS efficaces ne constitue qu'une partie de l'enjeu. Une surveillance réglementaire adéquate est également nécessaire. De nombreux rapports d'enquête du BSTNote de bas de page 167 ont permis d'établir que TC ne parvient pas toujours à cerner les processus inefficaces des exploitants et à intervenir à temps.

    MESURES À PRENDRE

    La gestion de la sécurité restera sur la Liste de surveillance du secteur du transport aérien jusqu’à ce que :

    • TC mette en œuvre de la réglementation obligeant tous les exploitants commerciaux à adopter des processus formels pour la gestion de la sécurité;
    • Les transporteurs qui ont un SGS démontrent à TC qu’il fonctionne bien et qu’il permet donc de cerner les dangers et de mettre en œuvre des mesures efficaces pour atténuer les risques.

    La surveillance réglementaire restera sur la Liste de surveillance du secteur du transport aérien jusqu’à ce que TC démontre, au moyen d’évaluations des activités de surveillance, que les nouvelles procédures de surveillance permettent de déceler et de corriger les non-conformités et que TC s’assure qu’une entreprise se conforme à nouveau à la réglementation en temps opportun et qu’elle est en mesure de gérer la sécurité de ses activités.

    5.4 Recommandations du BST concernant les systèmes de gestion de la sécurité et la surveillance réglementaire

    Le Rapport d’enquête aéronautique A13H0001 Note de bas de page 168 du BST, qui porte sur l’accident d’une ambulance aérienne de l’entreprise Ornge survenu en 2013 à Moosonee (Ontario), a fait ressortir le fait que les exploitants qui disposent d’un SGS n’ont pas tous la même capacité et volonté de gérer efficacement le risque. Par conséquent, l’organisme de réglementation doit pouvoir choisir le type, la fréquence et l’objet de ses activités de surveillance afin de surveiller efficacement les exploitants qui ne veulent ou ne peuvent pas satisfaire aux exigences réglementaires ni gérer efficacement le risque. De plus, dans de tels cas, l’organisme de réglementation doit pouvoir prendre les mesures d’application de la loi qui s’imposent.

    Dans le cadre de l’enquête A13H0001, le BST a constaté que l’approche de TC à l’égard des activités de surveillance n’avait pas mené à la rectification des non-conformités en temps opportun.

    Par conséquent, le Bureau a recommandé que

    le ministère des Transports effectue des évaluations régulières des SGS pour déterminer la capacité des exploitants de gérer efficacement la sécurité.
    Recommandation A16-13 du BST

    Par ailleurs, des enquêtes ont mis en évidence le fait que, dans le cas d’exploitants qui ne peuvent ou ne veulent pas corriger les manquements à la sécurité relevés, TC a eu du mal à adapter son approche pour s’assurer que ces manquements sont bien cernés et qu’ils sont corrigés en temps opportun.

    Par conséquent, pour s’assurer que les exploitants utilisent efficacement leur SGS et qu’ils continuent de mener leurs activités conformément à la réglementation, le Bureau a également recommandé que

    le ministère des Transports renforce ses politiques, ses procédures et sa formation en matière de surveillance, afin que la fréquence et l’objet de la surveillance et des activités de contrôle après surveillance, y compris les mesures d’application, correspondent à la capacité de l’exploitant de gérer efficacement le risque.
    Recommandation A16-14 du BST

    Depuis lors, le BST a assuré un suivi auprès de TC au sujet des mesures prises pour aborder ces recommandations. TC a répondu à chaque recommandation en indiquant quelles mesures avaient été ou allaient être prises, et le BST a évalué ces réponses . Au moment de la publication du présent rapport, les dernières réponses de TC dataient de septembre 2020. L’évaluation de ces réponses par le BST, ainsi que les réponses et évaluations antérieures, sont disponibles sur le site Web du BST Note de bas de page 169.

    6.0 Le cas des États-Unis, et de l’Alaska en particulier

    Des éléments recueillis durant l’enquête ont attiré l’attention du BST sur les États-Unis et plus particulièrement l’Alaska, étant donné que des travaux de réfection de piste y avaient été effectués en utilisant la méthode de réduction de piste en largeur. Par ailleurs, après une recherche dans les bases de données de la Federal Aviation Administration (FAA)Note de bas de page 170 et du National Transportation Safety Board (NTSB)Note de bas de page 171, le BST a découvert qu’aucun incident n’avait été rapporté pour les aéroports et périodes de travaux concernés. Curieux de savoir pourquoi des travaux identiques avaient mené à des événements au Canada, mais non aux États-Unis, le BST a décidé d’étudier d’un peu plus près la situation aux États-Unis pour tenter de mettre en évidence les éléments qui pourraient être à l’origine de cette différence de résultats. Ainsi, après avoir communiqué avec la FAA, le BST a obtenu les plans de travaux (ou « Construction safety and phasing plans [CSPP] ») pour les aéroports de King Salmon (AKN) et Coldfoot (CXF), 2 aéroports situés en Alaska qui avaient réduit la largeur de leur piste en travaux.

    6.1 Normes et pratiques recommandées relatives aux travaux

    La revue des 2 plans de travaux américains a permis dans un premier temps de mettre en évidence l’existence de plusieurs normes et pratiques recommandées sur les travaux en général et la réfection de piste avec réduction de la largeur de la piste en particulier.

    6.1.1 Circulaire d’information AC 150/5370-2G

    Le premier document d’importance, la Circulaire d’information AC 150/5370-2G, publiée par la FAA et intitulée Operational Safety on Airports During ConstructionNote de bas de page 172, est destinée aux exploitants d’aéroports américains. Elle décrit la marche à suivre pour assurer la sécurité des opérations aux aéroports pendant des travaux. En se conformant à cette circulaire, les exploitants d’aéroports certifiés en vertu de la partie 139 du Règlement 14 du Code of Federal Regulations savent qu’ils se conforment à la réglementation pendant leurs travaux. Il faut noter les 2 points importants suivants :

    • Aucune référence à la réduction de la largeur des pistes n’est faite dans cette circulaire.
    • Cette circulaire d’information a valeur de recommandation, sauf pour les aéroports dont les travaux sont financés en tout ou en partie par le Airport Improvement ProgramNote de bas de page 173, qui ont, eux, l’obligation de respecter les procédures et mesures précisées dans la circulaire.

    Cette circulaire est divisée en 3 chapitres qui traitent respectivement de la planification de travaux à un aéroport, du contenu du CSPP et enfin de l’organisation et de la présentation de l’information dans le CSPP.

    6.1.1.1 Planification des travaux

    Le chapitre 1 décrit en détail les aspects qui doivent être considérés à l’étape de la planification de travaux à un aéroport. Il y est précisé que [traduction] « la sécurité, le maintien des opérations et le coût des travaux sont interreliés, mais aussi que la sécurité ne devant être compromise, l’exploitant de l’aéroport doit trouver un équilibre en modulant seulement le maintien des opérations et le coût des travauxNote de bas de page 174 ». Ce chapitre aborde aussi la gestion de la sécurité en expliquant, qu’en vertu de l’ordonnance de la FAA 5200.11, FAA Airports (ARP) Safety Management System (SMS)Note de bas de page 175, une évaluation des risques doit être effectuée dans certains cas par la FAA, et en donnant la procédure à suivre le cas échéant. Enfin, ce chapitre de la circulaire définit clairement les rôles et responsabilités de tous les intervenants dans le projet.

    6.1.1.2 Contenu du plan des travaux

    Le chapitre 2 de la circulaire décrit en détail et de façon exhaustive les éléments devant être inclus dans un CSPP. Il y est expliqué que le CSPP doit [traduction] « préciser tous les aspects du projet présentant des dangers pour la sécurité des opérations et doit comprendre les mesures qui seront mises en place pendant les travaux pour gérer ces dangersNote de bas de page 176 ».

    6.1.1.2.1 Aides visuelles

    Dans la section 2.18, qui traite des aides visuelles sur les pistes et les voies de circulation, il est stipulé que [traduction] « le CSPP doit permettre de s’assurer que les aires de manœuvre qui restent utilisables seront séparées de façon claire et visible des zones en travaux, y compris des pistes ferméesNote de bas de page 177 ». Par ailleurs, des inspections journalières, effectuées par l’exploitant, sont requises pendant toute la durée des travaux pour vérifier que les aides visuelles sont bien présentes et remplissent leur fonction comme prévu. Il est aussi indiqué que [traduction] « ces aides visuelles doivent être clairement visibles par les pilotes et qu’elles ne doivent pas porter à confusion ou à une mauvaise interprétationNote de bas de page 178 ».

    6.1.1.2.2 Marques de pistes temporaires

    Dans la section 2.18.2, il est expliqué que des marques de pistes temporaires seront souvent requises durant les travaux, et que ces marques de pistes doivent être conformes aux normes énoncées dans l’AC 150/5340-1, Standards for Airport MarkingsNote de bas de page 179. Par ailleurs, il est indiqué dans cette section que [traduction] « [d]es marques jaunes en forme de « X » sont utilisées pour identifier les pistes et voies de circulation ferméesNote de bas de page 180. » Dans le cas des pistes, ces « X » devraient de préférence être lumineuxNote de bas de page 181 et « être placés sur ou près du numéro d’identification de la pisteNote de bas de page 182 ».

    6.1.1.2.3 Pistes partiellement fermées et seuils décalés

    Dans la section 2.18.2.1.3, il est indiqué que [traduction] « lorsque des marques de seuil sont nécessaires pour identifier un début de piste temporaire [...], ces marques doivent être conformes aux normes de l’AC sur les marques aux aéroports (AC 150/5340-1)Note de bas de page 183 ». Par ailleurs, [traduction] « dans le cas de fermeture de piste partielle ou de seuil décalé, des marques de zone fermée en forme de « X » ne sont pas utiliséesNote de bas de page 184 ».

    6.1.1.3 Organisation et présentation de l’information

    Le chapitre 3 de la circulaire se présente comme un guide de rédaction du CSPP : le contenu du CSPP est présenté dans le même ordre et avec les mêmes titres de sections que le chapitre 2 de la circulaire. La circulaire donne des précisions sur ce que chaque sous-section devrait contenir et comment l’information devrait être présentée.

    6.1.1.4 Annexes

    Parmi les 6 annexes de l’AC 150/5370-2G, 3 en particulier sont pertinentes dans le cadre de la présente enquête. Tout d’abord l’annexe A énumère les publications de la FAA qui pourraient être utiles lors de la rédaction du CSPP. De cette liste de publications, l’AC 150/5300-13A, Airport DesignNote de bas de page 185, et l’AC 150/5340-1, Standards for Airport MarkingsNote de bas de page 186, ont été examinées.

    Ensuite, l’annexe B donne la définition des termes et acronymes utilisés dans la circulaire, dont celle de l’adjectif « temporaire », pertinente à la présente enquête et qui correspond à [traduction] « Tout état qui n’est pas destiné à être permanentNote de bas de page 187. »

    Enfin, l’annexe C consiste en une liste de vérifications complète indiquant les références du chapitre 2 pour chaque élément couvert dans le plan et constitue un moyen efficace pour vérifier que rien n’a été oublié pendant la préparation du CSPP.

    6.1.2 Note de service de la Federal Aviation Administration destinée à l’Alaska

    La revue des 2 CSPP des aéroports de l’Alaska (King Salmon et Coldfoot) a également permis de mettre en évidence l’existence d’un document très pertinent dans le cadre de la présente enquête, à savoir une note de service de la FAA, datée du 5 avril 2012, portant spécifiquement sur les opérations sur des pistes en travaux réduites en largeur. Cette méthode de travaux étant jugée nécessaire pour certains aéroports en Alaska où une fermeture complète de la piste n’est pas une solution, la FAA comble, par cette note de service, l’absence de directives sur le sujet dans l’AC 150/5370-2G, Operational Safety on Airports During Construction.

    Elle présente la réduction de la largeur des pistes comme une méthode particulière, qui n’est autorisée que si les 3 conditions suivantes sont respectées :

    • L’aéroport n’a pas d’autre piste de capacité équivalente.
    • L’aéroport n’a pas de voie de circulation de longueur et de configuration adéquates pouvant être utilisée comme piste temporaire.
    • Il n’y a pas d’autre mode de transport viable de disponible pour desservir la communauté.

    La note de service décrit également en détail les aides visuelles à utiliser quand la largeur d’une piste est réduite. Elle précise notamment que des « X horizontauxNote de bas de page 188 » doivent être placés au sol sur le côté fermé de la piste dans le sens de la longueur et que les anciennes marques doivent être supprimées sur le côté fermé de la piste. Elle précise enfin que les marques utilisées sur le côté ouvert de la piste doivent être conformes aux exigences réglementaires (figure 8).

    Figure 8. Vue aérienne des marques de pistes utilisées à l’aéroport Edward G. Pitka Sr. (PAGA), Galena, Alaska (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Vue aérienne des marques de pistes utilisées à l’aéroport Edward G. Pitka Sr. (PAGA), Galena, Alaska (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    6.1.3 Procédure d’utilisation normalisée

    Un 3e document important est ressorti de l’examen des 2 CSPP : la procédure d’utilisation normalisée de la FAA pour l’évaluation des CSPP présentés pour des travaux entièrement ou partiellement financés par le Airport Improvement ProgramNote de bas de page 189.

    Cette procédure d’utilisation normalisée est divisée en 3 sections, dont les 2 premières sont pertinentes pour la présente enquête, car elles décrivent respectivement les rôles et responsabilités des intervenants et la procédure pour évaluer les CSPP. La sous-section 1.1.2 explique que la partie 139 du Règlement 14 du Code of Federal Regulations n’est pas entièrement prescriptive quant à la façon selon laquelle les inspecteurs surveillent la conformité des aéroports certifiés (partie 139) pendant des travaux. Ainsi, la revue du CSPP devient une méthode efficace pour valider le maintien de cette conformité dans une telle situation. Dans la section 2, qui porte sur la procédure détaillée et exhaustive à suivre pour évaluer un CSPP, il est indiqué que la revue du CSPP est un processus systématique ayant pour objectif ultime de garantir que le CSPP est conforme aux normes et pratiques recommandées décrites dans l’AC 150/5370-2G. Il est stipulé par ailleurs, dans la sous-section 2.7 de la procédure, qui doit déterminer si une évaluation des risques est requise selon l’ordonnance 5200.11 de la FAA, et quand cela doit être fait.

    6.2 Gestion de la sécurité

    La revue des CSPP a également attiré notre attention sur la gestion de la sécurité par la FAA étant donné qu’un des plans examinés (King Salmon) faisait référence au SGS interne de la FAA et incluait les détails de l’évaluation de risques qu’elle avait effectuée pour évaluer le plan en question. Ainsi, le document de référence sur le sujet, l’ordonnance 8000-369B, Safety Management SystemNote de bas de page 190, correspond à la politique de mise en œuvre de ce SGS, conformément à l’Annexe 19 de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Pour les aéroports américains, les détails relatifs à ce SGS interne et à sa mise en œuvre se trouvent dans l’ordonnance 5200.11 de la FAA.

    6.3 Communication de l’information relative aux travaux

    Les États-Unis, comme le Canada, se conforment aux pratiques recommandées de l’OACI en matière de diffusion de l’information aéronautique en général et de l’information relative aux travaux en particulier et publient des NOTAM et des suppléments. Cependant, suite à l’étude menée par l’Airport Construction Advisory Council (ACAC), la FAA a commencé à publier des avis de construction graphiques (ou « Airport Construction Notices »), qui consistent en des diagrammes mettant en évidence les zones de travaux et les pistes et voies de circulation faisant l’objet de restrictions. Une revue d’un grand nombre d’avis de construction a permis de constater que chaque avis présentait le diagramme de l’aéroport montrant clairement, par un « X » rouge, les portions fermées de piste ou de voie de circulation. Par ailleurs, les avis comportent une note pour rappeler aux pilotes de consulter les NOTAM pour obtenir l’information la plus récente.

    Selon l’information fournie par la FAA dans le cadre de cette enquêteNote de bas de page 191, la représentation graphique du NOTAM publiée dans l’avis de construction pour la réduction de la largeur de la piste 12/30 de l’aéroport de King Salmon pour les travaux effectués en 2018 et 2019 illustrait la piste en travaux en la représentant avec une moitié noire (côté utilisable) et l’autre moitié blanche avec des « X » rouges (côté fermé), tout en décrivant la fermeture en largeur dans une note placée sous le graphique.

    Tous les avis de construction en vigueur sont regroupés sur une page WebNote de bas de page 192 unique du site de la FAA, page à partir de laquelle il est possible d’accéder au site sur lequel sont affichés les NOTAM. Cette page Web est vouée à disparaître sous peu puisque la représentation graphique est maintenant disponible sur la page Web de la FAA des recherches de NOTAMNote de bas de page 193. De plus, afin de sensibiliser davantage de pilotes aux informations essentielles publiées dans ces NOTAM, et afin de faciliter l’intégration de ces informations lors de la planification de vol, ces avis de construction sont maintenant inclus dans les applications d’organisateurs électroniques de poste de pilotage telles que ForeFlight.

    7.0 Analyse

    À chaque fois qu’elle a été utilisée au Québec et au Nunavut, entre 2013 et 2018, la méthode de réfection de piste consistant à réduire la largeur des pistes a donné lieu à des incidents lors d’atterrissages et de décollages. Cette série d’événements similaires a mené le BST à entreprendre la présente enquête de sécurité en vue de faire ressortir, le cas échéant, les causes ou facteurs contributifs sous-jacents de nature systémique. Les événements étudiés se sont produits dans de bonnes conditions météorologiques et, presque tous, de jour. Ils concernaient une variété d’aéronefs, d’opérations aériennes, et de pilotes aux qualifications diverses, qui n’ont pas réussi à distinguer la partie utilisable de la partie fermée de la piste en temps opportun. L’information recueillie au cours de cette enquête a amené le BST à se poser les 2 questions suivantes :

    1. Pourquoi, en dépit des mesures préventives disponibles, des pilotes n’ont pas réussi à distinguer la partie utilisable de la piste lors de décollages et d’atterrissages sur des pistes réduites en largeur pendant des travaux de réfection?
    2. Pourquoi, en dépit de la culture de gestion des risques prescrite par le Règlement de l’aviation canadien (RAC) pour les exploitants d’aéroport et celle prévue à l’interne à l’Aviation civile de Transports Canada (TCAC), des incidents et des accidents se sont produits à répétition lors de décollages et d’atterrissages sur des pistes réduites en largeur pendant des travaux de réfection?

    Pour répondre à ces 2 questions, la présente analyse se penchera sur les différents facteurs contributifs, et ce, en commençant par les facteurs directs, concrets ou évidents. Ensuite, en remontant progressivement à la source, l’analyse se penchera sur les facteurs moins évidents et vers les causes ou lacunes sous-jacentes. Ainsi, l’analyse portera dans un premier temps sur la méthode choisie pour effectuer les travaux et les marques de piste utilisées pendant ces travaux. Elle s’attardera ensuite sur la communication aux pilotes de l’information relative aux travaux, avant de se concentrer sur le plan d’exploitation pendant les travaux (PEC) que doivent préparer les exploitants d’aéroports, et se terminera avec la gestion de la sécurité et la surveillance des aéroports.

    7.1 Méthode de travaux et marques de pistes

    7.1.1 Méthode de travaux

    Les événements étudiés se sont produits sur des pistes en travaux qui avaient été réduites en largeur. Cependant, la méthode couramment utilisée pour la réfection des pistes au Canada comme ailleurs dans le monde consiste à réduire la longueur plutôt que la largeur des pistes en question. Une revue des normes internationales et du cadre réglementaire canadien entourant les travaux a fait ressortir l’absence d’information sur la méthode à utiliser pour la réfection des pistes, en plus de l’absence de normes canadiennes sur les travaux aux aéroports. Ainsi, ni les documents de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), ni le RAC et normes connexes pertinentes n’autorisent ni n’interdisent l’une ou l’autre méthode. La décision revient donc entièrement à l’exploitant d’aéroport. Cette méthode consistant à réduire la largeur d’une piste pendant des travaux étant rare, il convient de s’interroger sur les raisons de ce choix.

    7.1.1.1 Facteurs déterminants dans le choix de la méthode

    Contrairement à la méthode de réduction en longueur de la piste, qui s’effectue en 3 étapes et nécessite la fermeture complète de la piste lors de la réfection de la section centraleNote de bas de page 194, celle de la réduction en largeur n’exige pas la fermeture complète de la piste pour effectuer les travaux, ce qui constitue en fait un facteur critique dans le choix de la méthode. En effet, il existe des situations où la fermeture de la piste, aussi courte soit-elle, n’est simplement pas possible pour différentes raisons. C’est le cas des petits aéroports ne disposant que d’une seule piste, situés plus ou moins loin de grands centres urbains ou en région éloignée. Ces aéroports sont indispensables aux communautés qu’ils desservent, aussi bien pour l’approvisionnement en produits essentiels que pour les services d’urgence médicale. Dans ces cas-là, les exploitants d’aéroport doivent consulter les communautés concernées pour savoir comment limiter les perturbations causées par les travaux et leur durée, mais la fermeture de la seule et unique piste n’est généralement pas une solution envisageable. Trois Note de bas de page 195 des 4 aéroports visés par la présente enquête ne disposaient que d’une seule piste; 2 étaient critiques pour la desserte de la communauté Note de bas de page 196, et 1 était une plaque tournante pour les vols d’urgence médicale Note de bas de page 197.

    Des raisons économiques peuvent également motiver le choix de la méthode de travaux. La méthode consistant à réduire la longueur de la piste peut être écartée pour éviter toute fermeture complète de la piste, même quand l’aéroport est relativement proche d’un grand centre et dispose de plusieurs pistes, comme c’est le cas de l’aéroport de Montréal/St-Hubert. En effet, l’exploitation de ce type d’aéroports revêtant avant tout un caractère économique et commercial, l’exploitant d’aéroport ne peut négliger les besoins et exigences des exploitants aériens. L’exploitant aérien principal desservant un aéroport peut par ailleurs exercer des pressions sur l’exploitant d’aéroport pour opter pour la méthode qui limitera, voire éliminera la fermeture de la piste.

    De plus, aux aéroports où un seul exploitant aérien commercial offre des vols passagers, l’exploitant d’aéroport ne peut se permettre de « perdre » cet exploitant aérien et sera plus à même de céder aux pressions et d’opter pour la solution préconisée par l’exploitant aérien.

    Fait établi quant aux risques

    Si le processus de planification des travaux à un aéroport accorde trop d’importance aux pressions économiques externes afin d’éviter la fermeture de la piste, il y a un risque accru qu’une emphase insuffisante soit mise sur la sécurité.

    Quelle que soit la ou les raisons motivant la décision de réduire la largeur d’une piste, cette décision doit être prise en connaissance de cause, c’est-à-dire en sachant que cette méthode n’est pas la méthode habituelle et en prenant les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des opérations aériennes.

    La Federal Aviation Administration (FAA) aux États-Unis reconnaît officiellement cette méthode, notamment pour l’Alaska. Cependant, elle la reconnaît comme une méthode exceptionnelle et a établi des conditions strictes que les exploitants d’aéroport doivent respecter pour que la réduction de la largeur d’une piste en travaux soit autorisée.

    Par exemple, l’application de ces conditions au Canada comme stratégie de contrôle des risques pourrait empêcher des aéroports comme celui de Montréal/St-Hubert (qui dispose de 3 pistes) et celui de Baie-Comeau (où la communauté desservie est accessible par la route) d’avoir recours à cette méthode de fermeture en largeur de la piste.

    7.1.1.2 Répercussions de la méthode choisie sur les exploitants aériens

    La décision de réduire la largeur d’une piste peut avoir des conséquences spécifiques sur les opérations des exploitants aériens sur la piste en question. Les exploitants aériens concernés ont donc besoin d’être au courant de cette réduction pour vérifier si la largeur de piste disponible pendant les travaux sera suffisante et pour respecter les spécifications stipulées par les constructeurs des différents aéronefs utilisés. Dans les événements étudiés, les exploitants aériens n’avaient que 3 moyens de le savoir : les NOTAM, les suppléments de l’AIP Canada (OACI) et, s’il y a lieu, les consultations faites par les exploitants d’aéroport pendant la planification des travaux tel que l’exige le système de gestion de la sécurité (SGS) des exploitants d’aéroport.

    Si la largeur de piste est insuffisante, les exploitants aériens doivent prendre des mesures nécessaires, qui doivent être communiquées aux membres d’équipage et aux régulateurs de vol, le cas échéant. Ils doivent aussi s’assurer, au besoin, qu’un supplément est présent dans les manuels de vol des aéronefs concernés pour permettre les opérations sur pistes étroites. L’enquête a permis de constater que, dans quelques cas, les exploitants aériens avaient effectué les vérifications nécessaires et avaient envoyé un avis aux pilotes les informant de la largeur réduite de la piste et des procédures supplémentaires pour les opérations sur piste étroite. En revanche, l’enquête n’a pas permis de savoir si tous les exploitants aériens des événements avaient respecté les procédures pour les opérations sur piste étroite du fabricant et si cela avait été un facteur contributif pour certains événements.

    Fait établi quant aux risques

    Si les exploitants aériens ne sont pas au courant de la réduction en largeur d’une piste, ils risquent de ne pas s’assurer que la largeur de cette piste correspond aux limites indiquées dans les manuels de vol des aéronefs.

    7.1.2 Marques de pistes pendant les travaux

    Si la méthode de travaux consistant à réduire la largeur de la piste présente l’avantage de pouvoir garder la piste ouverte pendant les travaux, elle exige cependant une nouvelle configuration des marques et feux de piste. Selon le RAC, les marques temporaires à utiliser varient en fonction de l’aérodrome (certifié ou non), de la durée des travaux, mais aussi en fonction de l’édition des normes et pratiques recommandées des aérodromes (TP 312) qui s’applique. L’ensemble des pistes où se sont produits les événements à l’étude se trouvaient à des aéroports (aérodromes certifiés) et devaient être conformes à la 4e édition du TP 312. La revue des PEC des 4 aéroports a cependant permis de constater que les marques temporaires prévues variaient grandement entre les aéroports, mais aussi entre les différentes phases de travaux à un même aéroport. Il convient donc de s’interroger sur cette différence de marques.

    7.1.2.1 Facteurs influençant les marques de piste
    7.1.2.1.1 Complexité de la réglementation

    Il est ressorti de l’examen de la réglementation une complexité évidente des différentes exigences et situations et un manque de précision de certains concepts. Tout d’abord, le fait que les 5 éditions du TP 312 soient en vigueur et s’appliquent ou non en fonction de la date de certification de l’aérodrome et/ou de la date de remplacement ou d’amélioration de chaque installation ne facilite pas la tâche à l’exploitant. Celui-ci doit ainsi déterminer quelle édition s’applique à quelle installation et appliquer les normes correspondantes. À la lecture des différentes éditions, il est difficile de savoir par ailleurs quelle norme s’applique pour les marques de zone fermée à apposer lors de fermetures permanentes, temporaires ou de courte durée.

    Les marques de zone fermée sont obligatoires pour des fermetures permanentes, mais recommandées uniquement pour des fermetures temporaires de courte durée. En revanche, il n’est précisé nulle part ce qu’on entend par « courte durée ». Il ressort toutefois que l’intention de l’organisme de réglementation était de permettre à l’exploitant de l’aéroport de ne pas apposer de marques de zone fermée dans les cas de travaux de courte durée, dans la mesure où un avertissement suffisant est donné par l’intermédiaire des services de la circulation aérienne (4e édition du TP 312) ou par tout autre moyen (5e édition). Les exploitants d’aéroport des événements à l’étude avaient considéré une fermeture de quelques semaines comme une « fermeture de courte durée », ce qui leur évitait d’apposer ces marques de zone fermée de façon stricte pendant les travaux.

    Si l’on compare ensuite le TP 312 avec les exigences réglementaires de la sous-partie 301 du RAC (qui s’applique aux aérodromes autres que les aéroports et héliports), on constate que le RAC est plus précis quant aux marques de zone fermée et stipule la configuration exacte à utiliser pour ces marques en fonction de la longueur de la piste. Par ailleurs, le RAC n’exige pas la présence de ces marques pour les travaux de « 24 heures ou moins » (quelle que soit la longueur de la piste). L’expression « 24 heures ou moins » semble ici correspondre à l’expression « courte durée » du TP 312. Toutefois, la sous-partie 301 ne s’appliquant pas aux aéroports, rien n’obligeait les exploitants des aéroports étudiés dans la présente enquête de disposer les marques de cette façon.

    La réglementation est aussi complexe en ce qui concerne les autres marques de piste (axe de piste, bord de piste, etc.) dans la zone fermée. Selon la 4e édition du TP 312, ces marques doivent être masquées seulement quand la fermeture est définitive. Il est à noter que la version française de la 5e édition exige la suppression de ces marques quelle que soit la durée de la fermeture alors que la version anglaise l’exige lors d’une fermeture définitive.

    Le manque d’uniformisation et de clarté des marques de piste utilisées aux différents aérodromes qui découle de la complexité et du manque de précision de la réglementation donne lieu à différentes configurations de marques de pistes (telles que des « X » apposés dans le gazon, l’absence de marques de zone fermée ou la présence des anciennes marques de pistes dans la zone fermée), qui sont a priori toutes conformes à la réglementation.

    Fait établi quant aux risques

    Si le texte des normes et règlements relatifs aux aéroports est complexe et donne lieu à plusieurs interprétations, ces normes et règlements pourraient mener à différentes mesures et solutions, toutes semblant être conformes aux exigences, mais pouvant en réalité ne pas correspondre à l’intention de l’organisme de réglementation en matière de sécurité.

    Parmi les aéroports à l’étude, même si la réglementation ne l’exigeait pas, l’aéroport de Schefferville était le seul à avoir apposé les marques de zone fermée sur toute la longueur du côté fermé de la piste et à avoir supprimé les autres marques de piste dans la zone fermée.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    L’absence de normes sur la sécurité des opérations durant les travaux à un aéroport, y compris sur les aides visuelles requises, a fait en sorte que les aides visuelles utilisées sur les pistes partiellement fermées en largeur examinées lors de cette enquête étaient insuffisantes pour que les pilotes réussissent à distinguer clairement les parties fermées.

    Il est intéressant de noter que les États-Unis ont opté pour une solution de simplicité en parlant uniquement de fermeture permanente et de fermeture temporaire, sans faire référence à la durée de la fermeture temporaire. Par ailleurs, en Alaska, la FAA exige la présence des marques de zone fermée dans tous les cas de fermeture quand la piste est réduite en largeur. Comme au Canada, cette marque consiste en un grand « X », mais contrairement au Canada où cette marque est de couleur blanche, en Alaska, elle est de couleur jaune et contraste ainsi avec les marques normales de piste blanches. En Alaska, la FAA exige aussi la suppression des anciennes marques sur le côté fermé de la piste et, comme le Canada, que les marques du côté ouvert de la piste soient conformes aux exigences réglementaires.

    7.1.2.1.2 Pressions liées au financement des travaux

    En plus de la complexité et du manque de précision de la réglementation, l’enquête a fait ressortir un autre facteur pouvant avoir des répercussions sur les marques de piste utilisées, à savoir les demandes de financement des travaux dans le cadre du Programme d’aide aux immobilisations aéroportuaires (PAIA). Dans certains cas, les exploitants d’aéroport qui avaient fait une demande de financement au PAIA ont décidé de ne pas apposer de marques de zone fermée pour augmenter leur chance d’obtenir ce financement, les agents du programme leur ayant fait comprendre que les solutions les moins coûteuses étaient privilégiées. Les informations recueillies au cours de l’enquête ont permis de constater, qu’une fois au moins, l’application de « X » à la peinture sur une surface de piste nouvellement refaite était inacceptable pour le PAIA étant donné que le retrait de ces marques à la fin des travaux pouvait endommager la surface et donc entraîner des coûts supplémentaires. Ainsi, l’exploitant d’aéroport se trouvant dans cette situation et sachant que ces marques ne sont pas requises mais uniquement recommandées par la réglementation risque d’opter pour la solution la moins coûteuse et de faire abstraction des répercussions possibles sur la sécurité. Il apparaît donc que des contradictions au sein de TC influencent les décisions des exploitants d’aéroport, qui peuvent alors ne pas appliquer des mesures de sécurité prônées par TCAC.

    Fait établi quant aux risques

    Si l’utilisation de mesures de sécurité non obligatoires par l’exploitant d’aéroport — comme l’application de marques de zone fermée — compromet l’obtention d’une aide financière du PAIA, les exploitants d’aéroport risquent de décider de ne pas prendre ces mesures de sécurité.

    La FAA, qui elle aussi dispose d’un programme de financement destiné aux aéroports effectuant des améliorations, impose, dans sa Circulaire d’information AC 150/5370-2G, des conditions et procédures précises aux aéroports recevant un financement. Elle énonce notamment que la sécurité, le maintien des opérations et le coût des travaux sont interreliés, mais elle stipule que la sécurité ne doit pas être compromise. L’exploitant de l’aéroport doit ainsi trouver un équilibre en modulant seulement le maintien des opérations et le coût des travaux.

    7.1.3 Identification visuelle de la partie de piste utilisable

    Les opérations aériennes reposent sur une multitude de mesures de sécurité à tous les niveaux pour gérer les nombreux risques et menaces. Par exemple, une planification de vol rigoureuse doit être faite par le pilote ou l’équipage avant d’entreprendre tout vol dans le but de cerner les menaces potentielles, d’évaluer leur incidence sur la sécurité du vol et de se faire une image mentale du vol. Dans le cas des vols en équipage, celui-ci effectue également un exposé avant le décollage et un exposé d’approche avant l’atterrissage conformément aux procédures d’exploitation normalisées (SOP) de la compagnie. Ces exposés visent à renforcer l’image mentale des pilotes du déroulement des phases de vol à venir et des actions à prendre.

    Lorsqu’un pilote a bien saisi l’information d’un NOTAM quant à la partie de piste utilisable lors de travaux de réfection, le marquage temporaire devient alors une confirmation ou un rappel visuel du modèle mental qui a été invariablement créé à la lecture du NOTAM. Au contraire, lorsqu’un pilote n’a pas saisi correctement ou n’a pas retenu l’information concernant la partie utilisable de la piste, le marquage devient alors une défense visuelle essentielle pour corriger un modèle mental erroné. Ainsi, il est important que le marquage soit clair, convaincant et cohérent avec les attentes et modèles mentaux des pilotes, d’autant plus que la charge de travail des pilotes est très élevée au cours des approches, atterrissages et décollages.

    La menace particulière des événements à l’étude était le fait que les pistes utilisées étaient en travaux et avaient une configuration temporaire. Les pilotes avaient pris connaissance des NOTAM publiés pour les aéroports concernés et étaient conscients des pistes en travaux et de la largeur réduite de ces pistes. Par ailleurs, les équipages avaient effectué les exposés avant décollage et d’approche avant l’atterrissage, le cas échéant. Malgré cela, les événements étudiés se sont soldés par 16 sorties de piste, et aussi 2 approches interrompues au cours desquelles l’équipage a réussi à gérer l’état indésirable de l’aéronef en temps opportun. Certains pilotes ont indiqué qu’ils s’attendaient à pouvoir distinguer sans problème la partie utilisable de la piste, ce qui n’a pas été le cas. Il convient donc de s’attarder sur les facteurs humains et leur poids dans les événements étudiés.

    La conscience situationnelle est au cœur des décisions du pilote, et cette conscience situationnelle, qui permet au pilote de se faire une image mentale de la situation, repose sur les modèles mentaux qu’il a assimilés jusque-là grâce à sa formation et à son expérience. En fonction des éléments qu’il perçoit et de ses modèles mentaux personnels, le pilote interprète la signification et l’importance des éléments perçus, la tendance naturelle étant d’accorder plus de valeur à l'information qui correspond au modèle mental qu’il s'est fait (biais de confirmation), et à écarter l'information qui n'y correspond pas. À partir de là, le pilote anticipe l’état futur des éléments perçus et prend ses décisions en conséquence.

    Dans les événements à l’étude, les pistes étaient réduites en largeur, ce qui n’est pas la pratique couramment utilisée pour faire des travaux. Selon le modèle mental d’une piste en travaux que les pilotes avaient acquis pendant leur formation, ils s’attendaient le plus vraisemblablement à une piste réduite en longueur, c’est-à-dire, une piste qui, bien que plus courte, ne présente pas de différences de configuration de feux ou du marquage. Ils s’attendaient à ce que la partie utilisable soit clairement délimitée. Il est raisonnable de conclure qu’un pilote se créant un modèle mental d’une piste réduite en largeur suivra le même raisonnement que pour les marques utilisées dans le cas d’une réduction de piste en longueur et visualisera une partie utilisable clairement délimitée. Dans les faits, des marques en forme de « X » avaient été apposées, mais certains « X » étaient peu visibles (faible contraste) et avaient parfois été apposés dans le gazon à côté de la piste (Montréal/St-Hubert) ou apposés sur la bande de piste sans que les marques originales (d’axe et de seuil) soient supprimées (Iqaluit).

    Bien qu’ayant consulté les NOTAM les informant des travaux et de la réduction en largeur de la piste, en l’absence de marques de piste claires, convaincantes et cohérentes avec leurs attentes et modèles mentaux, les pilotes se sont retrouvés devant une piste qui semblait être ouverte sur toute sa largeur. À partir de leur interprétation de la situation et influencés par le biais de confirmation, ils ont écarté les autres indices visuels leur indiquant le contraire, notamment les feux d’axe de piste temporaires, des marques différentes et même la présence des « X » à côté de la piste. La capacité d’attention et de traitement de l’information d’une personne étant limitée et les pilotes se trouvant à un moment critique du vol, ceux-ci ont alors porté leur attention principalement sur leur décollage et atterrissage et ont poursuivi leur manœuvre en fonction de leur interprétation de la situation. Ne distinguant pas de zone fermée, ils ont considéré la piste ouverte sur sa pleine largeur et ont manœuvré sur le côté fermé de la piste.

    Les marques de piste utilisées pendant les travaux aux 4 aéroports n’étaient probablement pas conformes aux modèles mentaux de base des pilotes pour permettre à ceux-ci de distinguer la partie utilisable et la zone de réfection de chaque piste. Disposant d’indices visuels incohérents et ambigus, les pilotes ont poursuivi leur atterrissage et leur décollage comme si la piste était ouverte sur toute sa largeur.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Les marques de piste utilisées lors des travaux aux aéroports à l’étude n’étaient pas claires, convaincantes et cohérentes; par conséquent, les pilotes n’ont pas réussi à distinguer la partie utilisable de chaque piste et ont manœuvré l’aéronef sur la partie fermée, ce qui a, dans certains cas, entraîné des dommages à l’aéronef.

    Il est intéressant de noter que parmi les événements étudiés, 6 concernaient des aéronefs immatriculés aux États-Unis, où les aires de manœuvre qui restent utilisables sont séparées de façon claire et visible des zones en travaux, y compris des pistes fermées. Dans un tel cas, il est raisonnable de penser que, de par leur formation et expérience, les pilotes d’aéronefs américains s’attendaient ainsi à voir une séparation claire et visible entre les zones de travaux et les aires de manœuvre utilisables, ce qui pourrait expliquer pourquoi 1/3 des événements étudiés concernaient des pilotes d’aéronefs américains.

    Il faut par ailleurs noter qu’aux États-Unis, dans le cas de l’Alaska, de façon générale, la distinction entre les aides visuelles utilisées pour des pistes réduites en longueur et pour des pistes réduites en largeur (« X » apposé sur toute la longueur du côté fermé de la piste) est plus évidente visuellement et peut donc potentiellement réduire le risque d’identification visuelle incorrecte de la piste utilisable.

    7.2 Communication de l’information relative aux travaux par l’exploitant d’aéroport

    Tout exploitant d’aéroport prévoyant effectuer des travaux à son aéroport est tenu de communiquer l’information nécessaire aux pilotes. Pour cela, l’exploitant doit faire publier un NOTAM et peut également faire publier un supplément de l’AIP Canada (OACI).

    7.2.1 NOTAM

    L’information relative aux travaux aux aéroports, qui est de nature temporaire et peut être complexe, peut être difficile à communiquer clairement et efficacement dans un NOTAM. En effet, au fils des ans, le style de présentation de ces avis et la façon selon laquelle ils sont fournis aux équipages de conduite ont été non seulement remis en question à plusieurs reprises, mais aussi considérés comme facteurs contributifs dans un certain nombre d’événements aéronautiques. Les différentes enquêtes connexes ont fait ressortir certaines lacunes qui font que ces avis sont inadaptés et peuvent entraver la communication de l’information. Le fait que le texte soit écrit entièrement en majuscules et contienne un grand nombre d’abréviations en tout genre (dont certaines sont peu courantes), le grand nombre de NOTAM généralement relatifs à un vol et l’ordre dans lequel ces NOTAM sont fournis aux pilotes sont autant d’éléments qui ont nui à la lisibilité et à l’efficacité de la communication.

    Dans les événements étudiés dans la présente enquête, les NOTAM se composaient principalement d’abréviations et de sigles. Dans le Rapport d’enquête aéronautique A17Q0059 du BST, il est précisé que l'utilisation des mots « réduction en largeur », dans un NOTAM visant à informer d’une réduction en largeur de piste, indiquerait clairement la condition tout en réduisant le risque d'ambiguïté, compte-tenu qu’une réduction de piste en largeur est moins fréquente qu’une réduction en longueur.

    En outre, les événements étudiés dans la présente enquête ont fait ressortir une autre lacune des NOTAM, à savoir le fait qu’ils se limitent à du texte et ne comprennent pas de graphiques. Les pilotes des événements étudiés avaient revu les NOTAM publiés pour les travaux et étaient conscients de la largeur réduite des pistes. Cependant, à la lecture des NOTAM, ils n’ont pas réussi à se faire une image mentale exacte de la situation ni à visualiser à quoi allait ressembler la piste en travaux. Ainsi, les modèles mentaux et les attentes qu’ils avaient dans le domaine des travaux aux aéroports ont eu préséance sur la réalité, et les pilotes n’ont pas réussi à distinguer la partie fermée de la partie utilisable de la piste.

    Tous ces éléments qui nuisent à la lisibilité et à l’efficacité des NOTAM sont directement liés aux facteurs humains. Selon l’OACI, les services d’information aéronautiques devraient tenir compte de ces facteurs, notamment dans la conception et la distribution des données et informations aéronautiques.

    Il convient de noter que les États-Unis publient aussi l’information relative aux travaux aux aéroports sous forme de NOTAM. En revanche, ils publient en plus un avis de construction graphique (ou « Airport Construction Notice ») qui est une version graphique d’un NOTAM illustrant de façon claire sous forme de diagramme de l’aéroport les pistes et voies de circulation touchées par les travaux. Les pilotes peuvent ainsi visualiser facilement et clairement les travaux et modifications connexes et savoir précisément à quoi s’attendre.

    Tous les avis de construction en vigueur sont affichés sur une page Web unique du site de la FAA, où ils sont classés par nom d’aérodrome et par ordre alphabétique, ce qui les rend faciles d’accès. Cette page Web est vouée à disparaître sous peu puisque la représentation graphique est maintenant disponible sur la page Web de la FAA des recherches de NOTAM.

    En se basant sur la méthode utilisée par la FAA pour ses avis de construction, le BST a créé une représentation graphique (figure 9) à partir du NOTAM publié pour l’aéroport de Baie-Comeau suivant :

    180288 CYBC SOUTH 75 FT RWY 10/28 FULL LEN CLSD DUE RESURFACING. NORTH 75 FT AVBL ACFT MAX WINGSPAN 78 FT AND REF LDG SPEED BLW 123 KT. NORTH 75 FT AVBL 48 HR PN TEL 418-445-0566 FOR ACFT WINGSPAN BTN 79 FT AND 118 FT AND OUTER MAIN GEAR SPAN BTN 20 FT AND 30 FT. FOR ACFT WINGSPAN LESS THAN 79 FT AND OUTER GEAR SPAN LESS THAN 20 FT, 2 HR PN 1807031609 TIL APRX 1807182300

    Figure 9. Exemple de représentation graphique du NOTAM de l’aéroport de Baie-Comeau créée en suivant le modèle d’avis de construction des États-Unis publié par la Federal Aviation Administration (Source : BST)
    Image
    Exemple de représentation graphique du NOTAM de l’aéroport de Baie-Comeau créée en suivant le modèle d’avis de construction des États-Unis publié par la Federal Aviation Administration (Source : BST)

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    À l’heure actuelle au Canada, les NOTAM ne peuvent inclure de graphiques et sont publiés sous forme de texte, dont le format et le style de présentation peuvent entraver la communication efficace de l’information. Ainsi, même si les pilotes des événements étudiés avaient lu les NOTAM disponibles relatifs aux fermetures partielles, leur modèle mental était erroné et ils n’ont pas réussi à repérer où se trouvaient les parties fermées.

    7.2.2 Supplément de l’AIP Canada (OACI)

    Les NOTAM ne sont pas les seuls produits de communication à la disposition des exploitants d’aéroport canadiens pour communiquer l’information sur les travaux. En effet, les exploitants peuvent faire publier un supplément de l’AIP Canada (OACI). En fait, l’information relative aux travaux correspond a priori parfaitement à l’information publiée dans un supplément : ces suppléments servent à communiquer des changements temporaires de 3 mois ou plus (longue durée) ainsi que ceux de courte durée qui contiennent un long texte ou des éléments graphiques.

    L’enquête a permis de découvrir en revanche que le processus de demande de publication d’un supplément était souvent méconnu des exploitants d’aéroport pour 2 raisons principalement : contrairement aux NOTAM, les suppléments ne sont pas des documents que les exploitants font publier régulièrement; ensuite, le processus de demande n’est pas facile à trouver. Il figure dans le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada, mais n’est indiqué nulle part ailleurs, ni dans un document ni sur un site internet, que ce soit de TCAC ou de NAV CANADA. L’enquête a aussi fait ressortir que, pour beaucoup d’exploitants d’aéroport, les délais de publication des suppléments sont incompatibles avec les imprévus pouvant se produire durant la planification de travaux de réfection de pistes.

    Même si les suppléments de l’AIP Canada (OACI) sont publiés tous les 28 jours, les exploitants d’aéroport doivent fournir l’information à publier à NAV CANADA au moins 49 jours avant la date de publication. Cela explique peut-être pourquoi seuls 2 des 4 aéroports étudiés avaient fait publier un supplément. Par contre, il convient de noter qu’un seul des 2 suppléments comportait un graphique illustrant les travaux.

    Fait établi quant aux risques

    Bien que les suppléments de l’AIP Canada (OACI) puissent contenir des éléments graphiques pouvant aider le lecteur à comprendre comment se présente une fermeture partielle de piste à un aéroport, si le processus de publication de ces suppléments est méconnu et trop long, les exploitants d’aéroport risquent de ne pas avoir recours à cette méthode de publication, ce qui entravera la communication d’information importante relative à la sécurité.

    7.3 Plan d’exploitation pendant les travaux

    7.3.1 Préparation

    Tout exploitant d’aéroport prévoyant effectuer des travaux à son aéroport sans en interrompre l’exploitation est tenu de préparer un PEC et de le faire approuver par TCAC. Ce plan a pour objectif de démontrer que l’aéroport respectera les normes du TP 312 pendant la durée des travaux. L’enquête a démontré que cet exercice de préparation du PEC était un exercice difficile du fait de l’absence de normes, de pratiques recommandées, de lignes directrices et de tout autre type d’information sur le sujet. Ainsi les exploitants d’aéroport sont livrés à eux-mêmes pour savoir quels renseignements inclure dans le plan et quel format adopter. Ainsi, ils font le plus souvent appel à des consultants, mais ces derniers n’ont pas plus de documents auxquels se référer pour préparer les PEC.

    Cette absence de norme relative à la préparation des PEC vient s’ajouter à l’absence de normes générales sur les travaux aux aérodromes et à la complexité de la réglementation relative aux marques de pistes à utiliser. L’examen de nombreux PEC dans le cadre de la présente enquête a permis de constater le manque d’uniformité entre les différents documents, mais aussi la présence d’information qui n’est pas toujours pertinente, notamment des renseignements techniques de génie civil. C’était le cas des PEC des aéroports où les événements ont eu lieu. Ces PEC par ailleurs ne comportaient que très peu d’information sur le SGS et indiquaient seulement comment les intervenants seraient mis au courant des pratiques SGS. Enfin, les PEC d’un seul aéroport comportait une évaluation des risques.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il n’existe aucune norme ni pratique recommandée ou ligne directrice pour la préparation des PEC. Ainsi, les plans préparés par les exploitants d’aéroport ne couvraient pas le risque que les pilotes ne soient pas en mesure de reconnaître ou de distinguer les parties de pistes qui étaient fermées et ne prévoyaient pas de mesures de contrôle pour atténuer ce risque.

    Il faut noter que contrairement à leurs homologues canadiens, les exploitants d’aéroport américains disposent d’un document complet, à savoir l’AC 150/5370-2G, publiée par la FAA et intitulée Operational Safety on Airports During Construction, qui leur permet de planifier leurs travaux, selon des normes et pratiques recommandées précises, et de préparer leur plan de travaux à faire approuver. Ainsi, les exploitants d’aéroport américains savent qu’en suivant la circulaire, ils respecteront les normes relatives aux aérodromes, y compris celles qui s’appliquent pendant les travaux.

    7.3.2 Évaluation et approbation

    L’évaluation d’un PEC par le personnel de TCAC est primordiale à la sécurité des opérations à un aéroport pendant des travaux. L’enquête a mis en évidence que cette activité était complexe pour plusieurs raisons.

    Tout d’abord, les inspecteurs de TCAC n’ont aucune norme ni pratique recommandée à leur disposition sur le sujet pour effectuer cette tâche. Ainsi, les inspecteurs de TCAC dans la Région du Québec et la Région des Prairies et du Nord avaient préparé leurs propres guides. Cependant, ces guides n’ayant pas été approuvés par l’Administration centrale de TCAC et n’étant pas mis à jour, ils ne garantissaient pas une évaluation efficace des PEC, ni une uniformisation à l’échelle nationale.

    Fait établi quant aux risques

    Si les inspecteurs chargés d’évaluer les PEC n’ont pas à leur disposition de guide d’évaluation normalisé à l’échelle nationale, certains facteurs de risque pourraient ne pas être détectés en raison du manque d’uniformité entre les Régions.

    Ensuite, les inspecteurs de TCAC, comme les exploitants d’aéroport, doivent travailler avec une réglementation sur les aéroports qui n’est pas entièrement à jour et qui est complexe. Tout d’abord, le TP 7775 de TC, qui est incorporé par renvoi au RAC et qui décrit les procédures de certification des aérodromes à titre d’aéroports, exige que les exploitants d’aéroport prévoyant des travaux préparent un PEC. En approuvant ce PEC, document qui se compare à un amendement temporaire apporté au manuel d’exploitation d’aéroport (MEA) et qui décrit les mesures qui seront mises en place pendant les travaux pour pouvoir respecter les normes, l’inspecteur valide le maintien du certificat d’exploitation de l’aéroport. Le problème est que le TP 7775 d’une part, ne donne aucune précision sur le plan en question, et d’autre part, date de 1991, c’est-à-dire d’une époque où le RAC n’existait pas encore.

    Fait établi quant aux risques

    Si les normes de TCAC ne sont pas mises à jour périodiquement, ces normes risquent de ne pas répondre aux exigences réglementaires de façon adéquate.

    Ensuite, le TP 312, lui aussi incorporé par renvoi au RAC, ne facilite pas la tâche aux inspecteurs, du fait que toutes les éditions soient en vigueur et s’appliquent en fonction de la date de certification des différentes installations. Ainsi, les inspecteurs doivent dans un premier temps déterminer quelles éditions du TP 312 s’appliquent aux installations concernées par les travaux. Par ailleurs, le TP 312 ne comprend pas de section portant spécifiquement sur les travaux aux aéroports et traite des marques de zone fermée uniquement. L’examen des PEC approuvés par TCAC pour les aéroports concernés par la présente enquête a permis de constater que les marques de zone fermée sur le côté fermé de la piste n’étaient pas prévues à tous les aéroports. Selon les éditions 4 et 5 du TP 312, ces marques pouvaient être omises dans le cas de fermetures temporaires de courte durée. Le concept de courte durée n’étant pas défini, les inspecteurs de TCAC qui évaluent les PEC ne sont donc pas en mesure d’évaluer cet élément du PEC, ces marques étant pourtant critiques pour distinguer la partie fermée de la partie utilisable de la piste.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    En l’absence de normes, de lignes directrices ou de pratiques recommandées, les PEC ont été approuvés selon des procédures informelles, sans évaluer le risque que les pilotes ne soient pas en mesure de reconnaître ou de distinguer les parties de pistes qui étaient fermées, et ne prévoyaient pas de mesures de contrôle pour atténuer ce risque.

    Enfin, un autre élément vient compliquer l’évaluation des PEC par les inspecteurs de TCAC, à savoir la présence de données techniques de génie civil dans ces plans. L’enquête a permis de découvrir que les exploitants d’aéroport ayant présenté une demande de financement au PAIA pour les travaux avaient volontairement intégré ces données dans leur PEC pour pouvoir préparer un document unique destiné à TCAC et à la Direction générale des programmes aériens, maritimes et environnementaux. Cependant, ces éléments de génie civil rendent l’évaluation par les inspecteurs de TCAC plus complexe. Certains d’entre eux d’ailleurs annotent les PEC qu’ils approuvent pour indiquer que l’approbation ne couvre pas ces éléments de génie civil.

    Si l’on compare la situation aux États-Unis, les inspecteurs chargés d’évaluer et d’approuver les plans de travaux financés en tout ou en partie par le Airport Improvement Program disposent d’une SOP très détaillée. Ils sont ainsi en mesure de vérifier avec certitude si les plans de travaux sont conformes aux normes stipulées dans l’AC 150/5370-2G et d’évaluer les risques et les mesures de contrôle proposées pour les travaux et, pour les aéroports régis par la partie 139 du Règlement 14 du Code of Federal Regulations, de s’assurer qu’ils respectent ce règlement. Si cette SOP est destinée à l’origine à l’évaluation des plans de travaux recevant un financement du Airport Improvement Program, elle peut aussi être utilisée comme référence pour l’évaluation des travaux non financés par ce programme.

    7.4 Gestion de la sécurité et surveillance des aéroports

    Les mesures de sécurité faisant partie intégrante de l’exploitation des aéroports et des opérations aériennes n’ont pas permis d’éviter les événements étudiés pour un certain nombre de raisons et de facteurs concrets. Cependant, ces mesures de sécurité ne sont pas isolées et s’inscrivent dans un cadre réglementaire qui préconise une culture systémique de la sécurité et de la gestion des risques pour les exploitants d’aéroports, comme pour TCAC. Il semble à propos de s’attarder sur la gestion de la sécurité et la surveillance des aéroports pour essayer de comprendre pourquoi dans un tel contexte, les événements étudiés se sont produits et ont continué de se produire au fil des ans.

    7.4.1 Gestion de la sécurité par l’exploitant d’aéroport

    La sécurité a toujours été primordiale aux aéroports, mais l’introduction des SGS a changé la façon dont elle est gérée. En effet, les SGS imposent un cadre de gestion des risques systémique comprenant une composante de surveillance de la sécurité qui devrait permettre de gérer les risques de façon proactive et réactive. Si les SGS sont devenus obligatoires pour les aéroports début 2008, ces derniers ont eu jusqu’au 31 mars 2011 ou 2012 (selon le type d’aéroport) pour mettre en place leur système, en vertu d’exemptions publiées par TCAC.

    Cette mise en place sous-entendait par ailleurs une évaluation des systèmes en question de la part de TCAC dans les mêmes délais. Cependant, dans le cas des 4 aéroports étudiés, l’évaluation des SGS ayant été faite bien plus tard, les aéroports n’ont pas pu bénéficier de la rétroaction et d’un suivi de la part de TCAC pour la mise en place. Ce suivi aurait été d’autant plus important que les dirigeants d’aéroport, nommés par les exploitants d’aéroport (c’est-à-dire les titulaires du certificat d’aéroport), occupent un poste n’exigeant pas un minimum d’expérience ou de qualifications pertinentes. Certains dirigeants d’aéroport ont d’ailleurs admis ne pas maîtriser les exigences du SGS. Ainsi, ils ne savaient pas si les SGS qu’ils avaient mis en place étaient conformes ou non aux exigences réglementaires.

    La révision des documents préparés par les inspecteurs suite aux évaluations a permis de constater qu’en fait, ils ne l’étaient pas. L’absence de suivi par TCAC a ainsi nui à la qualité des SGS mis en place, qui se sont révélés inefficaces et ont nui à la qualité de la planification des travaux. Les exploitants d’aéroport devaient, au moment de la planification des travaux, suivre le processus de gestion proactive des risques du SGS dans le but de cerner les dangers et mettre en place les mesures de contrôle appropriées tout en respectant la réglementation. D’ailleurs, la gestion des risques qui devait être faite avant d’entamer les travaux n’avait été faite et documentée que pour l’aéroport de Montréal/St-Hubert. Si les 3 autres aéroports avaient eux aussi fait une évaluation des risques, celle-ci n’a pas été documentée.

    La composante de surveillance de la sécurité des SGS des 4 aéroports étudiés n’a pas été efficace, les SGS n’ayant pas réussi à gérer de façon proactive les risques associés aux travaux et à la réduction de largeur de piste et à empêcher les événements de se produire. Ces SGS n’ont pas réussi non plus à gérer les risques de façon réactive et à empêcher la répétition d’événements similaires. En effet, 3 événements sont survenus à l’aéroport d’Iqaluit, 8 à l’aéroport de Montréal/St-Hubert et 4 à l’aéroport de Baie-Comeau. Après chaque événement, le processus d’enquête du SGS aurait dû s’enclencher pour déterminer les causes profondes et les mesures correctives à prendre pour éviter une répétition d’événements similaires. Cependant, l’information obtenue au cours de l’enquête a permis de constater que, pour l’ensemble des événements, aucune mesure de gestion réactive n’avait été documentée. Dans le cas de l’aéroport de Baie-Comeau, à la vue des événements survenant à répétition pendant la phase 1 des travaux, l’exploitant a pris une mesure corrective, à savoir a apposé des marques de zone fermée pour la phase 2 des travaux, mais n’a pas documenté cette mesure. L’ajout de ces marques n’a cependant pas été suffisant pour empêcher d’autres événements de se produire au cours de la 2e phase.

    Fait établi quant aux risques

    Si, contrairement aux exigences de leur SGS, les exploitants d’aéroport n’effectuent pas d’évaluations des risques ni d’enquêtes à la suite d’événements, la probabilité que des mesures efficaces de contrôle des risques soient mises en place est grandement réduite.

    7.4.2 Gestion de la sécurité et surveillance des aéroports par l’Aviation civile de Transports Canada

    Conformément à l’Annexe 19 de l’OACI qui stipule que les « États établiront et tiendront à jour un PNS [Programme national de sécurité] proportionnel à la taille et à la complexité du système d’aviation de l’ÉtatNote de bas de page 198 », TCAC s’est dotée de son propre SGS interne, soit le Système de gestion intégrée (SGI), pour mettre en œuvre et gérer le Programme de sécurité aérienne de TC. Ce SGI s’applique à l’ensemble de son personnel et de ses activités. Dans le cas des événements étudiés relatifs à des travaux sur piste, TCAC devait intervenir, entre autres, dans l’évaluation et l’approbation des PEC pour les travaux prévus. Ainsi, les inspecteurs de TCAC devaient suivre les processus de gestion de la sécurité du SGI pour approuver les PEC et déterminer si ces plans répondaient aux critères de gestion des risques nécessaires à la sécurité aérienne avant de les approuver.

    Or, l’enquête a permis de découvrir que les inspecteurs de TCAC n’avaient pas suivi les processus du SGI dans leurs interventions et qu’ils méconnaissaient le système. En revanche, ils avaient une bonne connaissance de l’étape au cœur même du SGI que constitue l’évaluation des risques, sans savoir qu’elle faisait partie du SGI, et effectuaient occasionnellement ces évaluations en dehors du cadre du SGI. Dans le cas des PEC des 4 aéroports étudiés, un seul (Montréal/St-Hubert) contenait une évaluation des risques faite par l’exploitant d’aéroport. Dans ce cas, l’inspecteur a cru que cette évaluation était suffisante et qu’il n’avait donc pas à en faire une lui-même, ce qui n’était pas le cas. Dans les 3 autres cas, les inspecteurs n’ont pas réalisé que les PEC ne contenaient pas d’évaluation des risques et n’en ont pas fait eux-mêmes, que ce soit dans le cadre du SGI ou non. La Directive de l’aviation civile (DAC) QUA-007, Cadre de Gestion intégrée du risque de Transports Canada, et l’Instruction visant le personnel (IP) QUA-008, Processus de gestion des risques pour les activités de Sécurité aérienne, présentent le processus de gestion des risques en détail, y compris les questions à se poser pour déterminer si une gestion des risques est nécessaire. Ainsi, dans le cas d’un premier PEC proposant de réduire la largeur de la piste, la réponse à la question « Qu’est-ce qui a changé? » aurait dû déclencher une évaluation des risques, cette méthode de travaux étant différente de la méthode habituelle qui consiste à réduire la longueur de la piste. En revanche, ni la DAC ni l’IP ne précisent qui doit se poser ces questions et quand cette personne doit se les poser. Il est donc possible que le manque de précision sur ce point dans les documents de référence soit à l’origine de cette omission.

    Fait établi quant aux risques

    Si la mise en application des politiques et des procédures de surveillance de TC est incohérente, il y a un risque que la surveillance qui en résultera ne soit pas efficace pour s’assurer que les exploitants sont en mesure de gérer efficacement la sécurité de leurs activités.

    Aux États-Unis en revanche, la SOP de la FAA pour l’évaluation des plans de travaux présentés pour des travaux entièrement ou partiellement financés par le Airport Improvement Program précise qui doit déterminer si une évaluation des risques doit être faite, et quand. En Alaska, le fait que le processus de gestion des risques de la FAA ait été utilisé quand il devait l’être (King Salmon) a probablement contribué à ce que des mesures de contrôle des risques appropriées soient mises en place et à ce qu’aucun événement ne se produise.

    En suivant cette étape cruciale du SGI qu’est l’évaluation des risques dans le cadre de l’évaluation et de l’approbation des PEC relatifs aux événements étudiés, les inspecteurs de TCAC avaient l’occasion de repérer les risques et problèmes existants et potentiels et de les rapporter officiellement dans le cadre du SGI. En effet, l’évaluation du premier PEC prévoyant une piste réduite en largeur pour les événements étudiés était l’occasion de faire ressortir l’absence de normes sur les PEC, que ce soit pour leur évaluation ou leur préparation.

    Par ailleurs, l’évaluation des risques offrait la possibilité de mettre en évidence la désuétude de certains documents de référence, comme le TP 7775. Ce document, qui date de 1991, donc d’avant le RAC, est incorporé par renvoi dans le RAC et est encore utilisé par les inspecteurs pour justifier l’obligation qu’ont les exploitants d’aéroport de présenter un plan avant d’entreprendre des travaux. Cependant, il ne contient pas d’information sur l’évaluation des plans en question et ne donne qu’une description sommaire de ce qui doit être présenté à TCAC.

    De plus, au moment de se pencher sur les travaux comme tels, décrits dans le PEC, et les mesures connexes prévues pour assurer la sécurité des opérations aériennes, comme les aides visuelles, les inspecteurs suivant les principes du SGI d’évaluation des risques avaient l’occasion de faire ressortir la complexité et les lacunes de la réglementation sur le sujet. Ils pouvaient notamment mettre en évidence la difficulté émanant du fait que toutes les éditions du TP 312 soient en vigueur et s’appliquent en fonction de la date de certification des diverses installations et aussi le manque de clarté de certains concepts clés pour l’interprétation des textes, comme celui de « fermeture de courte durée », duquel découle l’utilisation obligatoire ou non des marques de zone fermée.

    L’évaluation des risques donnait aux inspecteurs la possibilité de mettre en lumière le fait que la sous-partie 301 du RAC fait référence à un concept semblable en parlant de « fermeture de 24 heures ou moins », mais que cette sous-partie ne s’applique pas aux aéroports. Ils avaient l’occasion de faire ressortir le fait que ce manque de précision de la réglementation pouvait entraîner des mesures et solutions différentes, toutes conformes à la réglementation, mais ne correspondant pas forcément à l’intention de départ de l’organisme de réglementation.

    Dans le cadre du SGI, tous ces points qui pouvaient être relevés au cours de l’évaluation d’un premier PEC devaient être documentés et constituaient autant de données à intégrer au système lui-même et à analyser, pour pouvoir évaluer les risques et les mesures à prendre en conséquence.

    Par ailleurs, un suivi devait ensuite être effectué pendant les travaux pour vérifier que les mesures de contrôle mises en place fonctionnaient comme prévu. Dans notre cas, ce suivi n’a pas été fait, et personne n’a remarqué que des événements s’étaient produits. Aucune donnée relative à ces événements n’a donc été intégrée au système et n’a pu être prise en compte dans la gestion des risques des activités ultérieures, ce qui annulé l’efficacité recherchée du processus de gestion réactive des risques.

    D’autre part, les inspecteurs de TCAC auraient dû recueillir ces données dans le cadre des évaluations des PEC, à l’étape du suivi des mesures de contrôle effectué une fois les PEC approuvés, mais aussi dans le cadre de leurs activités de surveillance réglementaire classique des aéroports.

    Rien de cela n’a eu lieu. Ni le SGS des aéroports ni le SGI de TCAC n’ont permis d’assurer l’intégration de ces données critiques dans le SGI, ce qui a rendu ce système inefficace par la même occasion. Cette absence de données ne pouvait ensuite que nuire à l’évaluation des PEC suivants proposant une piste réduite en largeur, c’est-à-dire à la gestion proactive des risques. Ces PEC ont en effet continué d’être approuvés sans que les mesures de contrôle soient réévaluées, et les événements ont continué de se produire.

    L’intégration des données dans le SGI au fur et à mesure que les événements étudiés se sont produits aurait permis aux inspecteurs de déclencher une enquête en mode réactif afin de repérer les problèmes dans les PEC approuvés précédemment et de déceler tout nouveau danger. De là, TCAC aurait eu la possibilité de remarquer, qu’au sein même de TC, des pressions contradictoires s’exercent et qu’il est possible que la Direction générale des programmes aériens, maritimes et environnementaux, qui s’occupe du PAIA, influence les exploitants d’aéroport et que ceux-ci décident alors de ne pas appliquer des mesures de sécurité que prône TCAC. L’enquête aurait également permis de se questionner sur les raisons qui faisaient que les pilotes n’arrivaient pas à distinguer la partie utilisable de la partie fermée de la piste. Puisque les mesures de contrôle des risques initialement mises en place n’ont pas été efficaces, selon le modèle de gestion des activités de l’Aviation civile (figure 7), un diagnostic du processus d’approbation des PEC aurait été nécessaire pour déceler si des lacunes étaient présentes dans son application.

    Les problèmes qui auraient pu être relevés par les inspecteurs au fil des enquêtes faites à la suite d’événements étaient des indicateurs que les inspecteurs auraient pu prendre en considération pour avancer la date des évaluations et des inspections périodiques des SGS concernés. Aucun de ces événements n’a mené à une réévaluation des SGS.

    Cette question de l’efficacité des SGS des aéroports est directement liée à la surveillance de TCAC. En effet, lorsque les SGS sont devenus obligatoires pour les aéroports, TCAC a émis des exemptions afin de permettre une mise en place graduelle de ces systèmes, ce qui a retardé cette mise en place de plusieurs années. Par ailleurs, on peut s’interroger sur la charge de travail à accomplir par les inspecteurs de TCAC assignés spécifiquement aux aéroports dans la Région du Québec, compte tenu du personnel limité disponible pour effectuer la surveillance. Cette situation pourrait avoir contribué au fait que les exploitants d’aéroport n’ont pas bénéficié d’un suivi de la part de TCAC lors de cette période de mise en place. Ainsi, les SGS étaient partiels et inefficaces. Lorsque les exemptions ont expiré, le personnel de TCAC de la Région du Québec n’était toujours pas en mesure d’effectuer toutes les évaluations de mise en œuvre des SGS, et c’est pour cela que les SGS des aéroports étudiés de cette Région ont été évalués jusqu’à 3 ans plus tard. On peut également s’interroger sur la charge de travail et les connaissances des inspecteurs de la Région des Prairies et du Nord et des autres Régions, quand on sait que ceux-ci ne sont pas des spécialistes des aéroports et qu’ils sont assignés également à d’autres types d’opérations. Pour la Région des Prairies et du Nord, les évaluations des SGS n’ont pas été effectuées.

    Le fait que TCAC ait émis des exemptions sous-entendait que des évaluations des risques relatives à ces exemptions avaient été faites et qu’un suivi devait être fait. Un suivi aurait pu permettre à TCAC de réaliser que ses évaluations initiales des SGS des aéroports n’avaient pas été faites dans les délais prévus. De plus, quand les évaluations ont finalement été faites, elles avaient pour but de déterminer si les exploitants se conformaient au RAC plutôt qu’à vérifier si le SGS en place était utilisé et efficace. Le personnel de TCAC dans la Région du Québec avait également l’impression qu’il serait ensuite impossible d’effectuer des inspections périodiques des SGS de tous les exploitants d’aéroport, compte tenu du grand nombre d’aéroports dans cette Région par rapport au nombre d’inspecteurs disponibles.

    L’enquête a permis de découvrir que la charge de travail des inspecteurs de la Région du Québec dépasse la capacité des effectifs et que ceci nuit directement à la surveillance des aéroports et donc à la sécurité des opérations aux aéroports.

    Dans le cas des événements étudiés, même la surveillance réglementaire classique n’a pas été efficace : le Système de compte rendu quotidien des événements de l’Aviation civile n’a pas permis à TCAC de se rendre compte de la répétition d’événements semblables alors que tous les événements étudiés y sont consignés. Enfin, le dernier filet de sécurité que constitue le programme d’assurance de la qualité du SGI a lui aussi laissé passer les problèmes systémiques du SGI.

    Le SGI et les SGS, qui forment le PNS ou Programme national de sécurité prôné par l’OACI, ont été introduits pour ajouter un niveau de sécurité à la gestion de la sécurité et à la surveillance du milieu de l’aviation et pour gérer les risques de façon proactive. SGI et SGS s’inscrivent dans un cadre réglementaire officiel; ils sont décrits en détail dans de nombreux documents de référence, les processus sont expliqués avec précision, les rôles et responsabilités sont définis, et un comité de gestion de risques a même été créé pour gérer la méthodologie du processus de gestion des risques. Ces systèmes étaient censés déceler les facteurs et risques ayant contribué aux événements étudiés, mais ils n’ont pas atteint leurs objectifs.

    Fait établi quant aux risques

    Si les procédures du SGI de TCAC, telles que les évaluations des risques et les enquêtes à faire à la suite d’événements, ne sont pas bien comprises et ne sont pas suivies comme prévu, les dangers potentiellement répétitifs ou répandus risquent de ne pas être repérés, ce qui empêcherait que des mesures de contrôle des risques soient mises en place.

    7.5 Conclusion

    La présente enquête cherchait à répondre à 2 questions :

    1. Pourquoi, en dépit des mesures préventives disponibles, des pilotes n’ont pas réussi à distinguer la partie utilisable de la piste lors de décollages et d’atterrissages sur des pistes réduites en largeur pendant des travaux de réfection?
    2. Pourquoi, en dépit de la culture de gestion des risques prescrite par le RAC pour les exploitants d’aéroport et celle prévue à l’interne à TCAC, des incidents et des accidents se sont produits à répétition lors de décollages et d’atterrissages sur des pistes réduites en largeur pendant des travaux de réfection?

    L’enquête a fait ressortir des problèmes précis concernant l’exploitation des aéroports et les opérations aériennes. Au départ, la méthode de travaux choisie, les aides visuelles utilisées pendant les travaux et la façon dont l’information sur les travaux est communiquée aux pilotes constituent des dangers, qui, une fois associés à plusieurs facteurs humains, se traduisent en risques concrets et directs sur les opérations aériennes et font que les pilotes ne distinguent pas la partie utilisable de la piste. Il est ressorti que certains de ces dangers et risques découlent d’autres dangers comme la complexité de la réglementation et l’absence de normes claires pour l’exécution de travaux aux aéroports en général et pour la réfection des pistes prévoyant une réduction de la largeur des pistes en particulier. Ils sont également issus de l’absence de normes pour la préparation et l’approbation des plans de travaux, et aussi de pressions qui s’exercent dans certains cas sur les exploitants d’aéroport et influencent leurs décisions en matière de méthode et de signalisation. Tous ces dangers et risques sont autant de facteurs ayant contribué aux événements étudiés.

    L’enquête a ensuite démontré que ces dangers et risques existaient, perduraient et continuaient de provoquer des événements, car la gestion des risques devant être effectuée par les exploitants d’aéroport n’était pas efficace. Ce manque d’efficacité résultait de 2 problèmes principalement : une mise en application des politiques et des procédures de surveillance de TCAC de façon incohérente, et une surveillance inadéquate des SGS par TCAC. Le peu de ressources consacrées à la surveillance des aéroports a fort possiblement nui à cette surveillance. L’enquête nous porte à nous interroger sur l’efficacité du processus de gestion des risques au sein même de TCAC. Pour les événements à l’étude, nous ne pouvons que constater que l’instauration de SGS visant à ajouter un niveau de sécurité aux opérations aériennes n’a pas permis d’empêcher les événements de se produire ni de continuer à se produire.

    8.0 Faits établis

    8.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

    1. L’absence de normes sur la sécurité des opérations durant les travaux à un aéroport, y compris sur les aides visuelles requises, a fait en sorte que les aides visuelles utilisées sur les pistes partiellement fermées en largeur examinées lors de cette enquête étaient insuffisantes pour que les pilotes réussissent à distinguer clairement les parties fermées.
    2. Les marques de piste utilisées lors des travaux aux aéroports à l’étude n’étaient pas claires, convaincantes et cohérentes; par conséquent, les pilotes n’ont pas réussi à distinguer la partie utilisable de chaque piste et ont manœuvré l’aéronef sur la partie fermée, ce qui a, dans certains cas, entraîné des dommages à l’aéronef.
    3. À l’heure actuelle au Canada, les NOTAM ne peuvent inclure de graphiques et sont publiés sous forme de texte, dont le format et le style de présentation peuvent entraver la communication efficace de l’information. Ainsi, même si les pilotes des événements étudiés avaient lu les NOTAM disponibles relatifs aux fermetures partielles, leur modèle mental était erroné et ils n’ont pas réussi à repérer où se trouvaient les parties fermées.
    4. Il n’existe aucune norme ni pratique recommandée ou ligne directrice pour la préparation des plans d’exploitation pendant les travaux. Ainsi, les plans préparés par les exploitants d’aéroport ne couvraient pas le risque que les pilotes ne soient pas en mesure de reconnaître ou de distinguer les parties de pistes qui étaient fermées et ne prévoyaient pas de mesures de contrôle pour atténuer ce risque.
    5. En l’absence de normes, de lignes directrices ou de pratiques recommandées, les plans d’exploitation pendant les travaux ont été approuvés selon des procédures informelles, sans évaluer le risque que les pilotes ne soient pas en mesure de reconnaître ou de distinguer les parties de pistes qui étaient fermées, et ne prévoyaient pas de mesures de contrôle pour atténuer ce risque.

    8.2 Faits établis quant aux risques

    Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements. 

    1. Si le processus de planification des travaux à un aéroport accorde trop d’importance aux pressions économiques externes afin d’éviter la fermeture de la piste, il y a un risque accru qu’une emphase insuffisante soit mise sur la sécurité.
    2. Si les exploitants aériens ne sont pas au courant de la réduction en largeur d’une piste, ils risquent de ne pas s’assurer que la largeur de cette piste correspond aux limites indiquées dans les manuels de vol des aéronefs.
    3. Si le texte des normes et règlements relatifs aux aéroports est complexe et donne lieu à plusieurs interprétations, ces normes et règlements pourraient mener à différentes mesures et solutions, toutes semblant être conformes aux exigences, mais pouvant en réalité ne pas correspondre à l’intention de l’organisme de réglementation en matière de sécurité.
    4. Si l’utilisation de mesures de sécurité non obligatoires par l’exploitant d’aéroport — comme l’application de marques de zone fermée — compromet l’obtention d’une aide financière du Programme d’aide aux immobilisations aéroportuaires, les exploitants d’aéroport risquent de décider de ne pas prendre ces mesures de sécurité.
    5. Bien que les suppléments de l’AIP Canada (OACI) puissent contenir des éléments graphiques pouvant aider le lecteur à comprendre comment se présente une fermeture partielle de piste à un aéroport, si le processus de publication de ces suppléments est méconnu et trop long, les exploitants d’aéroport risquent de ne pas avoir recours à cette méthode de publication, ce qui entravera la communication d’information importante relative à la sécurité.
    6. Si les inspecteurs chargés d’évaluer les plans d’exploitation pendant les travaux n’ont pas à leur disposition de guide d’évaluation normalisé à l’échelle nationale, certains facteurs de risque pourraient ne pas être détectés en raison du manque d’uniformité entre les Régions.
    7. Si les normes de la Direction générale de l’aviation civile de Transports Canada ne sont pas mises à jour périodiquement, ces normes risquent de ne pas répondre aux exigences réglementaires de façon adéquate.
    8. Si, contrairement aux exigences de leur système de gestion de la sécurité, les exploitants d’aéroport n’effectuent pas d’évaluations des risques ni d’enquêtes à la suite d’événements, la probabilité que des mesures efficaces de contrôle des risques soient mises en place est grandement réduite.
    9. Si la mise en application des politiques et des procédures de surveillance de Transports Canada est incohérente, il y a un risque que la surveillance qui en résultera ne soit pas efficace pour s’assurer que les exploitants sont en mesure de gérer efficacement la sécurité de leurs activités.
    10. Si les procédures du Système de gestion intégrée de la Direction générale de l’aviation civile de Transports Canada, telles que les évaluations des risques et les enquêtes à faire à la suite d’événements, ne sont pas bien comprises et ne sont pas suivies comme prévu, les dangers potentiellement répétitifs ou répandus risquent de ne pas être repérés, ce qui empêcherait que des mesures de contrôle des risques soient mises en place.

    9.0 Mesures de sécurité

    9.1 Mesures de sécurité prises

    9.1.1 NAV CANADA

    À la suite de la publication, le 3 juillet 2018, du Rapport d’enquête aéronautique A17Q0059 du BST faisant ressortir le manque de concision et de clarté des NOTAM, NAV CANADA a mis à jour son Manuel de procédures canadiennes pour les NOTAM. La nouvelle version, publiée le 31 janvier 2019, inclut une nomenclature pour les NOTAM portant sur une réduction de largeur de piste. L’expression LARGEUR UTILISABLE REDUITE A XXX FT doit être incluse et le mot LARGEUR (WIDTH) ne peut dorénavant plus être abrégé.

    De plus, le 10 octobre 2019, NAV CANADA a publié une autre édition du Manuel qui reflétait le passage au format de NOTAM de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Comme cela est expliqué dans une Foire aux questions sur le sujet,

    [l]’adoption du format NOTAM de l’OACI, déjà utilisé par la plupart des pays, assure [...] la conformité aux normes internationales et élimine la nécessité pour les pilotes qui empruntent des routes internationales de connaître plus d’un format de NOTAM. Il ouvrira également la voie à des fonctions de filtrage plus avancées, réduisant l’encombrement des NOTAM en aidant les pilotes à accéder uniquement aux NOTAM pertinents pour leur volNote de bas de page 199.

    9.1.2 Bureau de la sécurité des transports du Canada

    Le 12 juillet 2018, le BST a publié l’Avis de sécurité aérienne A18Q0094-D1-A1Note de bas de page 200 à l’intention de l’Aviation civile de Transports Canada (TCAC). Dans cet avis, le BST alertait TCAC d’atterrissages effectués à l’extérieur des limites prévues des pistes dans les aéroports dont une partie longitudinale de la piste était fermée en raison de travaux de réfection. Le marquage de piste utilisé lors de travaux ne semblait pas convaincant, de sorte que les équipages de conduite ont cru à tort que les pistes respectives étaient disponibles sur toute leur largeur.

    Le 5 août 2021, le BST a également publié l’Avis de sécurité aérienne A18Q0140-D1-A1Note de bas de page 201 à l’intention de TCAC. Dans cet avis, le BST alertait TCAC de l’absence de normes, pratiques recommandées et lignes directrices encadrant la sécurité des opérations aux aéroports en travaux. Ainsi, lors de la planification et de l’exécution des travaux, il manque les éléments permettant de respecter les dispositions réglementaires applicables et de mettre en place des mesures efficaces pour atténuer les risques liés aux opérations lors des travaux.

    9.1.3 Aviation civile de Transports Canada

    Le 30 septembre 2019, TCAC a publié la Circulaire d’information (CI) 302-030Note de bas de page 202, Respect des normes pendant les périodes de travaux, en réponse à l’Avis de sécurité aérienne A18Q0094-D1-A1 du BST. TCAC, dans cette circulaire, rappelle aux exploitants d’aéroports de respecter les normes et pratiques recommandées applicables relatives aux aérodromes et de publier des NOTAM bien détaillés. TCAC leur rappelle par ailleurs de s’assurer que les NOTAM publiés pour les activités de construction soient très clairs.

    Le 16 septembre 2021, TCAC a répondu à l’Avis de sécurité aérienne A18Q0140-D1-A1 en indiquant que la réglementation et les normes en vigueur, ainsi que les mesures déjà prises en réponse à l’Avis de sécurité aérienne A18Q0094-D1-A1, sont suffisantes.

    9.2 Mesures de sécurité à prendre

    9.2.1 Procédures de publication des NOTAM

    À la suite de l’enquête sur un incident survenu en juin 2018 durant des travaux de réfection de piste à l’aéroport de Baie-Comeau, au Québec, il est ressorti que 14 autres événements similaires étaient survenus dans certains aéroports du Québec et à un aéroport du Nunavut depuis 2013. Une revue sommaire de ces événements a permis de constater une particularité dans la méthode utilisée pour les travaux, soit la réduction de la largeur de la piste plutôt que de la longueur.

    Jugeant cette situation inquiétante, le BST a publié l’Avis de sécurité aérienne A18Q0094-D1-A1 à l’intention de TCAC le 12 juillet 2018. Cependant, 2 autres événements similaires étant survenus peu de temps après la publication de cet avis, le BST a décidé d’entreprendre la présente enquête pour mettre en évidence, le cas échéant, les causes ou facteurs contributifs sous-jacents de nature systémique, et évaluer le risque qu’ils présentent.

    Tout exploitant d’aéroport prévoyant effectuer des travaux à son aéroport est tenu de communiquer l’information nécessaire aux pilotes. Pour cela, l’exploitant doit faire publier un NOTAMNote de bas de page 204 et peut également faire publier un supplément de l’AIP Canada (OACI)Note de bas de page 203.

    Le processus de demande de publication des NOTAM est rapide et bien connu des exploitants d’aéroport, ceux-ci étant appelés à faire publier des NOTAM régulièrement et ayant à leur disposition le manuel de Procédures d’exploitation canadiennes pour les NOTAM, qui décrit précisément comment rédiger ce genre de message. Une fois le NOTAM rédigé, l’exploitant d’aéroport doit fournir les informations nécessaires au centre d’information de vol ou à la station d’information de vol appropriés de NAV CANADA, qui en assurera la publication.

    Les exploitants d’aéroports peuvent également faire publier un supplément de l’AIP Canada (OACI) qui, contrairement au NOTAM, peut contenir des éléments graphiques. Cependant, même si les suppléments de l’AIP Canada (OACI) sont publiés tous les 28 jours, les exploitants d’aéroport doivent fournir l’information à publier à NAV CANADA au moins 49 jours avant la date de publication. Pour beaucoup d’exploitants d’aéroport, les délais de publication des suppléments sont incompatibles avec les imprévus pouvant se produire durant la planification de travaux de réfection de pistes.

    Dans les événements étudiés, les NOTAM étaient conformes aux procédures prescrites, se composant principalement d’abréviations et de sigles et signalant la condition sans toutefois indiquer clairement la réduction en largeur. Dans le Rapport d’enquête aéronautique A17Q0059 du BST, on notait que l'utilisation des mots « réduction en largeur », dans un NOTAM visant à indiquer une réduction en largeur de piste, indiquerait clairement la condition tout en réduisant le risque d'ambiguïté, compte tenu qu’une réduction en largeur est moins fréquente qu’une réduction en longueur. Cette lacune a depuis été corrigée dans le Manuel des procédures canadiennes pour les NOTAM.

    En outre, les événements étudiés dans la présente enquête ont fait ressortir une autre lacune des NOTAM, à savoir le fait qu’ils se limitent à du texte et ne comprennent pas de graphiques. Les pilotes des événements étudiés avaient revu les NOTAM publiés pour les travaux et étaient conscients de la largeur réduite des pistes. Cependant, à la lecture des NOTAM, ils n’ont pas réussi à se faire une image mentale exacte de la situation ni à visualiser à quoi allait ressembler la piste en travaux. Ainsi, les modèles mentaux et les attentes qu’ils avaient dans le domaine des travaux aux aéroports ont eu préséance sur la réalité, et les pilotes n’ont pas réussi à distinguer la partie fermée de la partie utilisable de la piste.

    Tous ces éléments qui nuisent à la lisibilité et à l’efficacité des NOTAM sont directement liés aux facteurs humains. Selon l’OACI, les services d’information aéronautiques devraient tenir compte de ces facteurs, notamment dans la conception et la distribution des données et informations aéronautiques. À l’heure actuelle au Canada, les NOTAM sont publiés uniquement sous forme textuelle, ce qui limite une visualisation claire des zones fermées en raison de travaux.

    Par conséquent, le Bureau recommande que

    NAV CANADA rende disponibles, en temps opportun, des représentations graphiques illustrant les fermetures et autres importantes modifications relatives à l’exploitation des aérodromes ou des pistes pour accompagner les NOTAM connexes, afin que l’information communiquée sur ces dangers soit plus facile à comprendre.
    Recommandation A21-01 du BST

    9.3 Préoccupation liée à la sécurité

    9.3.1 Surveillance réglementaire des aéroports par Transports Canada

    Pendant longtemps, la sécurité des opérations aériennes était strictement rattachée à la conformité réglementaire et reposait sur une gestion des risques réactive aux incidents et accidents. Cependant, il est devenu évident que les exigences réglementaires, à elles seules, ne pouvaient prévoir tous les risques liés à une activité particulière. C’est alors que le concept de système de gestion de la sécurité (SGS) a vu le jour et a été avalisé et préconisé par l’OACI en 2000.

    Ainsi, TCAC a imposé la mise en place de SGS au sein de l’aviation civile, en 2005 pour les entreprises de transport aérien et les organismes de maintenance agréés, et en 2008 pour les aéroports.

    TCAC a également décidé d’appliquer les principes de gestion des risques de sécurité à ses propres activités et, pour cela, s’est dotée d’un programme national de sécurité, qui comprend le Système de gestion intégrée (SGI). Ce SGI devait permettre à TCAC de mettre en œuvre, à l’échelle nationale et de façon uniforme, un programme qui intègre toutes ses activités, à l’Administration centrale comme dans ses Régions.

    Ensemble, les SGS des intervenants du milieu aéronautique et le SGS interne de TCAC — le SGI — forment le PNS ou Programme national de sécurité prôné par l’OACI. Ils ont été introduits pour ajouter un niveau de sécurité à la gestion de la sécurité et à la surveillance du milieu de l’aviation et pour gérer les risques de façon proactive. SGI et SGS s’inscrivent dans un cadre réglementaire officiel : ils sont décrits en détail dans de nombreux documents de référence, les processus sont expliqués avec précision, les rôles et responsabilités sont définis, et un comité de gestion de risques a même été créé pour gérer la méthodologie du processus de gestion des risques.

    Ces systèmes étaient censés déceler les facteurs et risques ayant contribué aux événements étudiés, mais ils n’ont pas atteint leurs objectifs. La mise en place des SGS aux aéroports sous-entendait une évaluation des systèmes en question de la part de TCAC dans des délais précis. TCAC n’a néanmoins pas été en mesure d’effectuer toutes les évaluations des SGS ni les suivis nécessaires afin d’évaluer l’efficacité de la gestion de la sécurité aux aéroports étudiés dans les délais requis.

    Cette enquête a révélé que les inspecteurs de TCAC, qui sont chargés d’effectuer la surveillance réglementaire traditionnelle ainsi que la surveillance des SGS des aéroports, n’avaient pas à leur disposition de guide normalisé à l’échelle nationale et à jour pour évaluer les plans de travaux, ce qui pouvait nuire à la détection de certains facteurs de risque. De plus, les données recueillies au cours de l’enquête ont permis de constater que les politiques et procédures de surveillance de TCAC n’étaient pas appliquées de façon uniforme, et que certaines procédures clés du SGI de TCAC n’étaient pas entièrement comprises par les inspecteurs. Les dangers potentiellement répétitifs ou répandus pouvaient alors ne pas être repérés, ce qui empêchait par le fait même la mise en place de mesures de contrôle des risques.

    Même si, en raison de la portée de la présente enquête, les événements étudiés se sont limités principalement à ceux relevés au Québec, i l est inquiétant de constater qu’ils découlent tous de causes et de facteurs contributifs sous-jacents de nature systémique qu’un programme national de sécurité aurait dû déceler. Inévitablement, la question se pose de savoir si la situation est la même dans les autres Régions de TCAC.

    Le Bureau craint que si TCAC n’effectue pas une surveillance adéquate des aéroports au Canada, les risques d’accidents liés aux opérations aériennes aux aéroports augmentent, en particulier lorsque ces aéroports font l’objet de travaux.

    Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .