Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A24C0042

Panne moteur et atterrissage forcé
Kudlik Aviation Inc.
Pilatus PC-12/47, C-FKGE
Aéroport de Rankin Inlet (CYRT) (Nunavut), 5 NM E

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu. Les pronoms et les titres de poste masculins peuvent être utilisés pour désigner tous les genres afin de respecter la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (L.C. 1989, ch. 3).

Table des matières

    Contexte

    Le 6 mai 2024, l’équipage de conduite de l’aéronef Pilatus PC-12/47 (immatriculation C-FKGE, numéro de série 761) exploité par Kudlik Aviation Inc. effectuait une série de vols, depuis l’aéroport international de Québec/Jean Lesage (CYQB) (Québec) jusqu’à l’aéroport de Taloyoak (CYYH)Sauf indication contraire, tous les lieux mentionnés dans le présent rapport sont situés au Nunavut., qui comportait des escales intermédiaires. Au cours d’un vol entre l’aéroport de Gjoa Haven (CYHK) et CYYH, l’équipage de conduite a entendu un bruit de détonation inhabituel. Après l’atterrissage, un dépannage, y compris un point fixe au sol, a été coordonné avec le fournisseur de services de maintenance. Pendant le dépannage, les paramètres du moteur sont demeurés dans les valeurs normales et le bruit n’a pas pu être reproduit. Il a été déterminé que le bruit était probablement attribuable à une défectuosité momentanée de la vanne de prélèvement d’air.

    Le 7 mai 2024, l’équipage de conduite de l’événement à l’étude a décollé à 6 h 59Les heures sont exprimées en heure avancée du Centre (temps universel coordonné moins 5 heures). pour effectuer un vol entre CYYH et l’aéroport de Naujaat (CYUT), puis a décollé à 8 h 20 pour effectuer un vol entre CYUT et l’aéroport de Chesterfield Inlet (CYCS). L’aéronef a fonctionné normalement pendant ces vols.

    Déroulement du vol

    Le 7 mai 2024, à 9 h 37, l’aéronef de l’événement à l’étude, qui effectuait le vol KUK761, a décollé de CYCS pour effectuer un vol selon les règles de vol aux instruments à destination de l’aéroport de Rankin Inlet (CYRT), avec 2 membres d’équipage de conduite et 1 passager à bord.

    Pendant le vol, l’aéronef a fonctionné normalement jusqu’à ce que la puissance soit réduite pour la descente. Peu après le début de la descente à partir de 4000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL), le moteur a émis une série de détonations qui ont été accompagnées de flammes provenant des gaines d’échappement, puis suivies d’une forte perte de puissance.

    Après avoir tenté en vain de rétablir la puissance, l’équipage de conduite a appelé Rankin Radio pour lancer un appel de détresse (MAYDAY). À 9 h 51, l’aéronef a atterri sur la glace de mer à environ 5 milles marins (NM) à l’est de CYRT avec le train d’atterrissage rentré. La radiobalise de repérage d’urgence (ELT) ne s’est pas déclenchée automatiquement, mais a été activée manuellement. Le signal a été reçu par le Centre canadien de contrôle des missions et relayé au Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) à Trenton (Ontario). Il n’y a eu aucun blessé. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le service d’incendie local ont répondu à l’appel et sont arrivés sur les lieux en motoneige environ 1 heure et 20 minutes après l’atterrissage.

    Renseignements météorologiques

    Le message d’observation météorologique spéciale d’aérodrome (SPECI) émis à 9 h 41 pour CYRT faisait état de vents légers soufflant du sud-ouest, d’une visibilité de 2 milles terrestres (SM) dans la brume, de nuages épars à 200 pieds au-dessus du sol (AGL) et d’une visibilité de 10 SM vers le nord.

    Renseignements sur l’aéronef

    L’aéronef Pilatus PC-12/47 est un avion léger pressurisé monomoteur à turbine pouvant accueillir 9 passagers et 2 membres d’équipage de conduite. Sa masse brute maximale au décollage est de 10 450 livres. L’aéronef de l’événement à l’étude a été construit en 2006 et avait cumulé un total de 13 747,8 heures de vol depuis sa mise en service initiale. Au moment de l’événement, l’aéronef n’avait aucune défectuosité consignée non corrigée, et les consignes de navigabilité et les bulletins de service applicables à l’aéronef avaient été respectés. Le dernier cycle de maintenance de 150 heures avait été effectué le 25 avril 2024 à 13 701,2 heures de vol cellule.

    Lors du vol à l’étude, la masse et le centre de gravité de l’aéronef se trouvaient dans les limites prescrites.

    Renseignements sur la compagnie

    Kudlik Aviation Inc. est une filiale aérienne de Construction Gély Inc. située à Québec. Kudlik Aviation Inc. exploite 4 aéronefs en vertu de la sous-partie 703 (Exploitation d’un taxi aérien) du Règlement de l’aviation canadien à l’appui des activités de Construction Gély Inc. dans le nord du Canada.

    Renseignements sur l’équipage de conduite

    Le commandant de bord effectuait des vols commerciaux depuis 2001 et était titulaire d’une licence de pilote de ligne ‒ avion. Le commandant de bord totalisait 15 300 heures de vol au moment de l’événement. Parmi celles-ci, environ 14 200 heures avaient été effectuées sur des aéronefs Pilatus PC-12/47, dont environ 13 000 heures en tant que commandant de bord. Son contrôle de la compétence du pilote avait eu lieu le 24 août 2023 et était valide au moment de l’événement.

    Le premier officier a commencé à effectuer des vols commerciaux en 2023 et était titulaire d’une licence de pilote professionnel – avion. Le premier officier totalisait environ 712 heures de vol, dont environ 502 heures en tant que premier officier d’un aéronef Pilatus PC-12/47. Son contrôle de la compétence du pilote avait eu lieu le 25 juin 2023 et était valide au moment de l’événement.

    Les 2 pilotes avaient des certificats médicaux valides et détenaient les licences et les qualifications appropriées pour effectuer le vol conformément à la réglementation en vigueur.

    Renseignements relatifs à la survie

    L’aéronef s’est immobilisé à l’endroit, intact. L’équipage de conduite et le passager portaient des ceintures de sécurité avec ceintures-baudriers intégrées, et ils n’ont pas été blessés. Des dispositifs de retenue du fret avaient été utilisés. Les occupants sont sortis rapidement et en toute sécurité par la porte principale de la cabine, sur la glace de mer.

    Dommages à l’aéronef

    Figure 1. Lieu de l’événement (Source : Gendarmerie royale du Canada [GRC])
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    L’aéronef a atterri sur le ventre sur la glace de mer, qui était recouverte d’une couche de neige (figure 1). La partie inférieure du fuselage et les volets de bord de fuite de l’aéronef ont subi des dommages par abrasion et plusieurs carénages en plastique se sont fissurés ou se sont rompus. Les dommages structuraux les plus importants se situaient dans la partie inférieure arrière du fuselage, à l’emplacement d’une antenne Nav/Com, qui s’est détachée et a déchiré une partie du fuselage sur une surface d’environ 0,5 pi2. Deux des 4 pales de l’hélice ont été déformées sous l’effet du contact avec la neige et la glace.

    Il n’y a eu ni incendie ni fuite de carburant ou d’huile après l’événement.

    Renseignements sur le moteur

    Le moteur PT6A-67B de Pratt & Whitney Canada (numéro de série PCE-PR0639) a été fabriqué en 2006 et avait accumulé 13 498,6 heures et 8694 cycles depuis sa mise en service initiale. Le 4 février 2020, le moteur a été révisé chez un organisme de révision approuvé par le motoriste conformément aux spécifications de révision du motoriste. La révision comprenait la partie de la turbine de puissance (numéro de série PS-PRO639) et la partie du générateur de gaz (numéro de série GG-PRO639). Toutes les consignes de navigabilité et les bulletins de service applicables au modèle et au numéro de série du moteur ont été appliqués au moment de la révision. Pendant la révision, les aubes du 1er étage de la turbine de puissance (numéro de pièce 3122972-01) ont été inspectées et jugées être en bon état de service, et les aubes du 2e étage de la turbine de puissance (numéro de pièce 3056693-01) ont été remplacées par un ensemble complet neuf.

    Au moment de l’événement à l’étude, le moteur avait accumulé 4558,4 heures et 2417 cycles depuis sa dernière révision, et était exploité en vertu d’une prolongation du temps de révision approuvée par Transports Canada jusqu’à 5000 heures. Les aubes du 1er étage de la turbine de puissance avaient accumulé 8671 cycles depuis leur mise en service initiale. Les aubes du 2e étage de la turbine de puissance avaient accumulé 2395 cycles depuis leur mise en service initiale.

    Le BST a procédé à une inspection initiale du moteur peu de temps après l’événement (avant le démontage) à CYRT. L’inspection a révélé ce qui suit :

    Figure 2. Vue du 2e étage de la turbine de puissance de l’aéronef à l’étude présentant des aubes brisées, en regardant à l’intérieur par la gaine d’échappement (Source : BST)
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    • le moteur n’a subi aucune rupture et est demeuré intact, à l’exception des 2 étages de la turbine de puissance, dont l’ensemble des aubes présentaient des fractures à mi-longueur (figure 2);
    • la majorité des fragments d’aube sont sortis par les gaines d’échappement;
    • les gaines d’échappement et l’anneau de turbine de puissance étaient considérablement bosselés;
    • les fragments d’aube ne semblaient pas avoir endommagé le pare-brise ou le fuselage de l’aéronef;
    • la partie du compresseur tournait librement et, tout comme la partie de la combustion, ne présentait aucune anomalie;
    • une inspection à l’endoscope du moteur a révélé l’absence d’un petit morceau de matériau sur le bord de fuite de l’une des aubes de la turbine de compresseur;
    • le bouchon du détecteur magnétique de limaille de l’avant du moteur (boîte d’entraînement) était recouvert de contaminants métalliques;
    • aucune fuite de carburant ou d’huile n’a été relevée.

    Le laboratoire du BST a récupéré les données du système de surveillance de l’état du moteur (ECMS) de l’aéronef. Selon les données du vol à l’étude, le moteur était exploité conformément aux réglages de puissance recommandés par l’avionneur pour l’altitude, la température et la configuration de vol présentes avant la panne moteur. Après la panne moteur, la vitesse de l’hélice n’a pas diminué à une vitesse correspondant à une hélice en drapeau.

    L’analyse des données de l’ECMS n’a pas permis d’établir un lien entre le bruit de détonation inhabituel entendu lors d’un vol précédent et la panne moteur, et n’a pas révélé d’anomalie qui pouvait indiquer une panne moteur imminente.

    Le moteur a été démonté et a fait l’objet d’une inspection visuelle dans les installations du motoriste, sous la supervision du BST. Le démontage et l’inspection visuelle ont révélé ce qui suit :

    • la partie de la turbine de puissance présentait des dommages qui correspondaient à des fractures à mi-longueur des aubes de la turbine de puissance (figures 3 et 4);
    • des signes de surchauffe et un grippage des surfaces d’appui ont également été constatés au niveau des réducteurs à engrenage planétaire primaires dans le réducteur d’hélice; la cause de ceci n’a pas été déterminée;
    • le petit morceau manquant de l’aube de la turbine de compresseur n’a pas été un facteur déterminant dans la rupture des aubes de la turbine de puissance;
    • les parties du compresseur, de la combustion, de la lubrification et du carburant ne présentaient aucune autre anomalie.
    Figure 3. Premier étage de la turbine de puissance de l’aéronef à l’étude, une fois retiré du moteur, présentant des aubes brisées (Source : BST)
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    Figure 4. Deuxième étage de la turbine de puissance de l’aéronef à l’étude, une fois retiré du moteur, présentant des aubes brisées (Source : BST)
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    Des échantillons d’huile moteur et de carburant ont été envoyés aux fins d’analyse, et ils respectaient les spécifications. L’échantillon d’huile du réducteur d’hélice présentait une décoloration foncée et des particules qui étaient surtout riches en plomb et en cuivre.

    Les aubes de la turbine de puissance ont fait l’objet d’une analyse métallurgique. L’analyse métallurgique a révélé que les concentrations d’alliage des restes d’aubes de turbine étaient conformes aux spécifications de matériaux du motoriste. Aucun indice de rupture par fatigue ou de dégradation des matériaux n’a été relevé. Les résultats de l’analyse métallurgique ont démontré des ruptures par surcharge en traction. La cause des fractures des aubes de turbine de puissance n’a pu être établie.

    Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

    • LP083/2024 – NVM [non-volatile memory] Data Recovery – EMCS [engine condition monitoring system] Data Card [Récupération des données de la mémoire non volatile – Carte de données du système de surveillance de l’état du moteur]
    • LP087/2024 – Fuel and Oil Analysis [Analyse de carburant et d’huile]
    • LP089/2024 – Engine Teardown [Démontage du moteur]
    • LP090/2024 – Aircraft Track Superimposed Over Terrain [Trajectoire de l’aéronef surimposée au relief]

    Message de sécurité

    L’utilisation correcte de ceintures de sécurité et de dispositifs de retenue du fret peut améliorer les chances de survie lors d’atterrissages forcés.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 19 novembre 2025. Le rapport a été officiellement publié le 2 décembre 2025.