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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A19Q0153

Perte de maîtrise et collision avec le relief de nuit
Cargair ltée
Cessna 172M, C-GSEN
Racine (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 4 septembre 2019, à 21 h 03 (heure avancée de l’Est), l’aéronef Cessna 172M (immatriculation C-GSEN, numéro de série 17264779) exploité par Cargair ltée a décollé de l’aéroport international de Montréal (Mirabel) à destination de l’aéroport de Sherbrooke, tous deux au Québec, pour un vol aller-retour de nuit selon les règles de vol à vue. La pilote était seule à bord. À 21 h 47, alors qu’il se trouvait à environ 19 milles marins au nord-ouest de l’aéroport de Sherbrooke, l’aéronef est entré dans des conditions météorologiques de vol aux instruments et a disparu des radars. L’épave a été retrouvée le 7 septembre 2019 dans une zone très densément boisée près de Racine (Québec). L’aéronef a heurté des arbres et a été détruit par les forces d’impact. La pilote a subi des blessures mortelles lors de l’impact. Aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact. Aucun signal provenant de la radiobalise de repérage d’urgence n’a été capté.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Dans la soirée du 4 septembre 2019, la pilote dans l’événement à l’étude s’est présentée au bureau de Cargair ltée (Cargair) situé à l’aéroport international de Montréal (Mirabel) (CYMX), au Québec, en compagnie d’une autre piloteNote de bas de page 1 pour se préparer à effectuer un vol de nuit selon les règles de vol à vue (VFR). Après avoir examiné les renseignements météorologiques, elles se sont préparées pour un vol à destination de l’aéroport de Sherbrooke (CYSC), au Québec, afin d’y effectuer un posé-décollé, puis de revenir à CYMX. Les 2 pilotes allaient effectuer le même vol, mais dans des aéronefs distincts.

Vers 20 hNote de bas de page 2, les pilotes ont révisé le plan de vol et les conditions météorologiques en compagnie d’un instructeur de vol et, après avoir consulté le chef instructeur de vol, le vol a été autorisé.

À 21 h 01, l’autre pilote a quitté CYMX à bord d’un aéronef Cessna 172M exploité par Cargair (immatriculation C-GUCU). La pilote dans l’événement à l’étude a décollé de CYMX à 21 h 03 à bord d’un autre Cessna 172M exploité par Cargair (immatriculation C-GSEN).

À 21 h 06 min 10 s, une fois l’aéronef à l’étude en vol et hors de la zone d’utilisation de fréquence obligatoire (MF) de CYMX, la pilote dans l’événement à l’étude a communiqué avec le contrôleur du centre de contrôle régional (ACC) de Montréal et a fait une demande de route directe vers CYSC. Le contrôleur a fourni des vecteurs pour s’assurer que l’aéronef puisse éviter les aéronefs arrivant à l’aéroport international Pierre Elliott Trudeau de Montréal et a donné l’instruction à la pilote dans l’événement à l’étude de monter à une altitude de 2500 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL). Quelques minutes plus tard, le contrôleur lui a donné l’instruction de monter à 3000 pieds ASL.

À 21 h 11 min 38 s, le contrôleur a fourni à la pilote dans l’événement à l’étude des renseignements sur le trafic aérienNote de bas de page 3 concernant l’autre Cessna 172M de Cargair, qui se trouvait à environ 1 mille marin (NM) devant l’aéronef à l’étude. Les 2 aéronefs se trouvaient à une altitude de 3000 pieds ASL. La pilote dans l’événement à l’étude a confirmé que l’autre aéronef de Cargair était dans son champ visuel.

Vers 21 h 15, le contrôleur a donné à l’aéronef C-GSEN l’instruction de se rendre directement à CYSC.

À 21 h 19 min 13 s, le contrôleur a donné l’instruction à la pilote dans l’événement à l’étude de monter à 3500 pieds ASL et lui a fourni la position de l’autre aéronef de Cargair, qui se trouvait toujours à environ 1 NM devant l’aéronef à l’étude et qui montait aussi à 3500 pieds ASL.

Vers 21 h 24, les 2 pilotes ont été informées qu’elles quittaient l’espace aérien contrôlé et ont reçu l’instruction de passer à la fréquence en routeNote de bas de page 4,Note de bas de page 5.

L’aéronef à l’étude se déplaçait un peu plus rapidement que l’autre aéronef de Cargair et, vers 21 h 32, l’aéronef à l’étude a dépassé l’autre aéronef de Cargair. Les 2 aéronefs ont poursuivi le vol en direction de CYSC, l’aéronef à l’étude devant l’autre aéronef de Cargair.

Vers 21 h 42, l’aéronef à l’étude est entré dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC)Note de bas de page 6, et a descendu à une altitude de 3000 pieds ASL afin de revenir à des conditions météorologiques de vol à vue (VMC). L’autre aéronef de Cargair est entré dans les mêmes conditions et a aussi effectué une descente. Les 2 aéronefs se trouvaient à environ 32 NM au nord-ouest de CYSC à ce moment-là et ont poursuivi le vol en direction de CYSC en palier à 3000 pieds ASL.

Peu de temps après être descendu à 3000 pieds ASL, l’aéronef à l’étude est sorti du champ visuel de la pilote de l’autre aéronef de Cargair, alors que l’aéronef à l’étude est entré pour une seconde fois dans des IMC. À 21 h 47, l’aéronef à l’étude a disparu des radars alors qu’il se trouvait à quelque 19 NM au nord-ouest de CYSC. L’autre aéronef de Cargair est également entré dans des IMC une seconde fois, à la suite de quoi la pilote a décidé de retourner à CYMX.

L’épave de l'aéronef à l'étude a été retrouvée le 7 septembre 2019, soit 3 jours plus tard, dans une zone très densément boisée près de Racine, au Québec (figure 1), à une élévation de 887 pieds ASL. L’aéronef avait heurté des arbres et été détruit par les forces d’impact. La pilote a subi des blessures mortelles lors de l’impact. Aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact. Aucun signal provenant de la radiobalise de repérage d’urgence (ELT) n’a été capté.

Figure 1. Vue aérienne de l’emplacement de l’épave (Source : Sûreté du Québec)
Vue aérienne de l’emplacement de l’épave (Source : Sûreté du Québec)

1.2 Personnes blessées

Tableau 1. Personnes blessées
Gravité des blessures Équipage Passagers Personnes au sol Total par gravité
Mortelles 1 0 0 1
Graves 0 0 0 0
Légères 0 0 0 0
Total 1 0 0 1

1.3 Dommages à l’aéronef

L’aéronef a été détruit par les forces d’impact. Aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact.

1.4 Autres dommages

L’impact de l’aéronef à l’étude s’est produit dans une zone densément boisée. Plusieurs arbres ont été endommagés par l’impact. L’enquête n’a pas permis de déterminer la quantité de carburant qui s’est déversé en raison du temps écoulé entre l’accident et l’arrivée du personnel de recherche et de sauvetage.

1.5 Renseignements sur le personnel

La pilote était titulaire d’une licence de pilote privé - avion délivrée en juillet 2019 et d’un certificat médical de catégorie 3 valide. Elle avait accumulé les heures nécessaires pour obtenir une annotation de qualification de vol de nuit Note de bas de page 7 le 27 août 2019. Même si la pilote était certifiée et qualifiée pour le vol conformément à la réglementation en vigueur, au moment de l’événement, sa licence n’avait pas encore été annotée d’une qualification de vol de nuit. Voir la section 1.18.1.2 pour plus de détails sur l’annotation de qualification de vol de nuit.

Tableau 2. Renseignements sur le personnel
  Pilote
Licence de pilote Licence de pilote privé
Date du vol de qualification pour l’obtention de la qualification de vol de nuit* 27 août 2019
Date d’expiration du certificat médical 1er septembre 2023
Heures de vol total 87,2
Heures de vol sur type 87,2
Heures de vol total, vol en duo 64,7
Heures de vol total, vol en solo 22,5
Heures de vol, vol en duo de nuit 6,9
Heures de vol, vol en solo de nuit 5,3
Heures de vol, vol aux instruments 12,6

* Selon le Règlement de l’aviation canadien, paragraphe 101.01(1), la nuit est « [l]a période qui se situe entre la fin du crépuscule civil du soir et le début du crépuscule civil du matin ». Le 4 septembre 2019, le crépuscule civil a pris fin à 19 h 50 à Sherbrooke (Québec).

1.6 Renseignements sur l’aéronef

Les dossiers indiquent que l’aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. La masse et le centre de gravité de l’aéronef étaient en deçà des limites prescrites au moment de l’événement. Rien n’indiquait une défaillance de la cellule ou un mauvais fonctionnement d’un système avant ou pendant le vol.

Table 3. Renseignements sur l’aéronef
Fabricant Cessna Aircraft Company
Type, modèle et immatriculation Cessna 172M, C-GSEN
Année de construction 1975
Numéro de série 17264779
Date d’émission du certificat de navigabilité 24 mars 2004
Total d’heures de vol cellule 14 404,1
Type de moteur (nombre de moteurs) Lycoming O-320E2D (1)
Type d’hélice ou de rotor (nombre) McCauley FP/1C160/DTM (1)
Masse maximale autorisée au décollage 2300 lb
Type(s) de carburant(s) recommandé(s) 100/130, 100LL
Type de carburant utilisé 100 LL

1.7 Renseignements météorologiques

Environnement et Changement climatique Canada a réalisé une analyse exhaustive des conditions météorologiques dans la région de Racine (Québec) au moment de l’événement à l’étudeNote de bas de page 8. Les sections suivantes du présent rapport sont fondées sur l’analyse d’Environnement et Changement climatique Canada ainsi que sur les informations météorologiques pour l’aviation auxquelles les pilotes ont accès en ligne ou en communiquant avec un spécialiste de l’information de vol.

1.7.1 Observations de surface

Le 4 septembre 2019 à 20 h, le centre d’un système de basse pression se trouvait près de la Gaspésie, à environ 60 NM au nord-est de l’aéroport de Mont-Joli (Québec). À partir de ce système, un front chaud s’étendait vers l’est jusque dans l’est du Québec et un front froid s’étendait vers le sud jusqu’à l’État du Maine, aux États-Unis. Une crête de haute pression, située à l’ouest, s’était déplacée vers l’est pour étendre son emprise sur le sud-ouest du Québec. À 21 h, avant le départ de CYMX de l’aéronef à l’étude, la zone située entre CYMX et CYSC restait sous une couche nuageuse de stratocumulus derrière le front froid. Malgré la diminution de la vitesse des vents et même si le ciel commençait à être dégagé à CYMX, le ciel demeurait couvert près de CYSC, avec des rafales de vent venant de l’ouest.

À peu près au moment de l’événement, et à proximité du lieu de l’événement, les images radar de précipitations de pluie montraient un nuage de convection embriqué dans les stratocumulus, ainsi que de possibles légères averses. Les images montraient également la présence d’un étroit cumulus bourgeonnant embriqué dans la couche de stratocumulus (figure 2).

Figure 2. Imagerie satellite multispectrale valide le 4 septembre 2019 à 21 h 45 représentant un front froid (Source : Environnement et Changement climatique Canada, avec annotations du BST)
Imagerie satellite multispectrale valide le 4 septembre 2019 à 21 h 45 représentant un front froid (Source : Environnement et Changement climatique Canada, avec annotations du BST)

1.7.2 Prévisions de zone graphique

Les cartes de prévision de zone graphique (GFA) indiquent les conditions météorologiques générales à venir pour une zone géographique donnéeNote de bas de page 9. Le jour de l’événement à l’étude, une carte Nuages et temps publiée à 13 h 31 et valide à 20 h montrait un système à basse pression situé près de Baie-Comeau, dans l’est du Québec, avec un front froid s’étendant vers le sud jusqu’aux États-Unis, qui se déplaçait vers l’est à 20 nœuds. On prévoyait que le front froid se trouverait à l’ouest de CYSC à 20 h (annexe A).

Les prévisions faisaient état des conditions suivantes à proximité du front froid :

Derrière le front froid, les prévisions étaient les suivantes :

À 19 h 11, une GFA révisée (annexe B) a été émise avec des conditions semblables à celles de la GFA émise à 13 h 31, avec les exceptions suivantes :

1.7.3 Messages d’observation météorologique régulière d’aérodrome et prévisions d’aérodrome pour l’aéroport de Sherbrooke

Les messages d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) pour CYSC sont recueillis par un système automatisé d’observations météorologiques (AWOS). Les METAR et les messages d’observation météorologique spéciale d’aérodrome (SPECI) qui sont fondés sur les données recueillies à partir d’un système automatique contiennent le qualificatif AUTO.

Le METAR AUTO pour CYSC, publié à 20 h le 4 septembre 2019, indiquait ce qui suit :

À 20 h 58, quelques minutes avant le départ de l’aéronef de CYMX, un SPECI a été émis. Il indiquait ce qui suit :

Entre 21 h et 22 h, alors que l’aéronef à l’étude était en vol, l’AWOS a diffusé 4 SPECI, à 21 h 01, 21 h 12, 21 h 15 et 21 h 38, indiquant des changements dans la couverture nuageuse. Les séquences météorologiques sont indiquées au tableau 4.

Tableau 4. Messages d’observation météorologique d’aérodrome (METAR) et messages d’observation météorologique spéciale d’aérodrome (SPECI) émis pour l’aéroport de Sherbrooke
Heure de diffusion Vents (kt) Visibilité (SM) Précipitations Couverture nuageuse 1 Couverture nuageuse 2 Couverture nuageuse 3 Température/point de rosée (°C) Calage altimétrique (po Hg)
METAR
2100
290/10G22 9 ----- Fragmentée* à 2300 pieds Fragmentée à 3200 pieds Ciel couvert à 4900 pieds 15/12 29,91
SPECI
2101
290/10G22 9 ----- Épars à 2300 pieds Fragmentée à 2700 pieds Ciel couvert à 4900 pieds 15/12 29,91
SPECI
2112
280/20 9 ----- Épars à 2100 pieds Fragmentée à 3200 pieds ----- 15/11 29,92
SPECI
2115
280/13G24 9 Faible pluie Quelques nuages à 2300 pieds Ciel couvert à 3000 pieds ----- 14/11 29,92
SPECI
2138
280/12G23 9 ----- Ciel couvert à 3200 pieds ----- ----- 14/11 29,94
METAR
2200
280/13 9 ----- Quelques nuages à 2300 pieds Fragmentée à 3400 et 4200 pieds Ciel couvert à 5000 pieds 14/11 29,95

* Les couches nuageuses sont indiquées en huitièmes (octas) de ciel couvert comme suit : « quelques nuages » correspond à une épaisseur cumulative de moins de 1/8 à 2/8; « épars » correspond à une épaisseur cumulative de 3/8 à 4/8; « fragmentée » correspond à une épaisseur cumulative de 5/8 à moins de 8/8; « ciel couvert » correspond à une épaisseur cumulative de 8/8.
Les bases nuageuses sont indiquées comme étant la hauteur au-dessus de la station par tranches de 100 pieds jusqu’à une hauteur de 10 000 pieds, puis par tranches de 1000 pieds.

Les prévisions d’aérodrome (TAF) fournissent une description des conditions météorologiques les plus probables dans un rayon de 5 NM autour d’un aérodrome. Elles sont modifiées si elles ne correspondent plus aux conditions en cours ou prévues (autrement dit, s’il y a amélioration ou détérioration des conditions).

La TAF émis pour CYSC à 19 h 43 le 4 septembre 2019, qui était valide de 20 h à 23 h, prévoyait les conditions suivantes :

1.8 Aides à la navigation

La pilote utilisait l’application mobile ForeFlight sur une tablette électronique aux fins de navigation et avait un compte en ligne ForeFlight actif. Lorsqu’activée par le pilote, l’application permet d’enregistrer certaines données de vol, comme la vitesse, l’altitude et l’itinéraire, en utilisant la fonction GPS (système de positionnement global) de l’appareil mobile. Le compte permet de stocker les renseignements des vols précédents, si cette option est activée. En général, les données sont stockées dans la mémoire interne de l’appareil mobile utilisé et sont ensuite transférées au compte lorsqu’on connecte l’appareil au Wi-Fi ou, dans certains cas, à un réseau cellulaire.

Bien que ForeFlight soit largement utilisée par les pilotes, elle ne fait pas partie du programme pour la licence de pilote privé, et il n’existe aucune exigence réglementaire qui obligerait les unités de formation au pilotage à l’inclure dans leur programme. Toutefois, en vol solo chez Cargair, un pilote titulaire d’une licence a la possibilité d’utiliser ForeFlight comme aide à la navigation.

Les données du vol à l’étude étaient vraisemblablement toujours contenues dans la mémoire interne de la tablette électronique au moment de l’accident. Cependant, la tablette électronique n’a pas pu être récupérée de l’épave, et les spécialistes du Laboratoire d’ingénierie du BST n’ont pas pu récupérer les données de l’appareil mobile de la pilote utilisé pour connecter la tablette à l’internet, l’appareil ayant été lourdement endommagé par les forces d’impact.

1.9 Communications

Aucun message de détresse n’a été entendu ou enregistré sur la fréquence d’urgence 121,5 MHz.

1.10 Renseignements sur l’aérodrome

Sans objet.

1.11 Enregistreurs de bord

L’aéronef à l’étude n’était pas équipé d’un enregistreur de données de vol ni d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage, et la réglementation ne l’exigeait pas.

1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

1.12.1 Site de l’accident

Le site de l’accident se trouvait dans une zone très densément boisée près de Racine (Québec). Les ailes de l’aéronef ont d’abord frappé 2 grands conifères. Les dommages sur les arbres indiquent que l’aéronef se déplaçait à grande vitesse, dans une assiette latérale en piqué, avant de percuter les arbres (figure 3).

Figure 3. Vue vers la trajectoire de vol des dommages causés aux arbres par l’aéronef à l’étude (Source : Sûreté du Québec, avec annotation du BST)
Vue vers la trajectoire de vol des dommages causés aux arbres par l’aéronef à l’étude (Source : Sûreté du Québec, avec annotation du BST)

Après le premier impact, l’aéronef a percuté un feuillu de plein fouet. Le fuselage a enveloppé le tronc de l’arbre avant que l’aéronef percute le sol et s’immobilise à l’envers, derrière l’arbre. Toutes les gouvernes ont été retrouvées, éparpillées dans un périmètre restreint à partir du point d’impact, ce qui indique que l’aéronef s’est désintégré à l’impact et non en vol. Il n’y avait aucun signe de panne d’équipement ou de défaillance de composants avant l’impact.

Les dommages à l’hélice ainsi que le nombre et la proximité des marques d’hélice sur le tronc d’arbre étaient caractéristiques d’un moteur en marche au moment de l’impact. La manette des gaz a été découverte à la position de puissance maximale.

1.12.2 Analyse des instruments

Les instruments récupérés de l’épave ont été envoyés au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario), aux fins d’analyse. Les dommages observés sur les instruments étaient révélateurs de forces de décélération élevées au moment de l’impact. Même si le verre protecteur sur les instruments était manquant ou brisé et que les cadrans étaient déformés, le tachymètre moteur, l’anémomètre, l’indicateur de vitesse verticale et le gyroscope directionnel ont été examinés.

1.12.2.1 Tachymètre moteur

Le tachymètre moteur a été retrouvé avec l’aiguille manquante. Le laboratoire du BST a procédé à un examen microscopique du cadran du tachymètre, et on a observé une marque laissée par l’aiguille sur le cadran, allant de l’axe de l’aiguille jusqu’au bord gradué du cadran, indiquant 2850 tr/min, soit 150 tr/min au-delà de la limite indiquée par une ligne rouge. Le tachymètre moteur est un instrument mécanique lié par un arbre d’entraînement flexible au boîtier d’entraînement du tachymètre moteur; ainsi, il n’a pas besoin d’alimentation électrique pour fonctionner. Il indique le nombre de tours-minute tant que le moteur tourne. Par conséquent, les marques témoins de 2850 tr/min laissées par l’aiguille sur le cadran sont considérées comme une représentation exacte des tours du moteur au moment de l’impact.

1.12.2.2 Anémomètre

L’anémomètre a été trouvé toujours fixé au tableau de bord. Même si l’aiguille était manquante, l’examen a révélé une paire de lignes parallèles, à peine visibles, qui ont peut-être été causées par le contact entre l’aiguille et le cadran. Ces lignes se trouvaient à la hauteur approximative de la butée à 200 mi/h sur l’anémomètre (vitesse indiquée en nœuds [KIAS] de 174), ce qui indique que l’aéronef avait probablement dépassé la vitesse à ne pas dépasser (VNE) de 184 mi/h (160 KIAS).

1.12.2.3 Indicateur de vitesse verticale

L’indicateur de vitesse verticale a été lourdement endommagé; cependant, un examen microscopique a révélé une séquence de marques d’impact, à peine visibles, disposées de façon radiale à partir du centre du cadran, qui indiquaient un taux de descente approximatif de 1900 pi/min, approchant la vitesse maximale indiquée de descente de 2000 pi/min.

1.12.2.4 Gyroscope directionnel

Le gyroscope directionnel, ou conservateur de cap, comprend un gyroscope orienté de manière à maintenir sa position en azimut et, par des engrenages, contrôle une rose compas située derrière un verre protecteur devant l’instrument. À mesure que l’aéronef change de cap, la rose compas tourne en conséquence. L’examen du gyroscope directionnel a permis de déterminer que l’instrument avait un cap enregistré d’environ 280° au moment de l’impact, ce qui représente un changement de direction de 165° par rapport au dernier cap radar de l’aéronef à l’étude, soit 115°.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Rien n’indiquait que le rendement de la pilote avait été compromis par la fatigue ou par tout autre facteur médical, pathologique ou physiologique préexistant.

1.14 Incendie

Il n’y avait aucune indication d’incendie avant ou après l’impact.

1.15 Possibilités de survie

1.15.1 Généralités

Après avoir perdu de vue l’aéronef à l’étude, la pilote de l’autre aéronef de Cargair a tenté de joindre l’aéronef à l’étude au moyen de la radio de l’aéronef. Lorsqu’aucune réponse n’a été entendue, elle a tenté de joindre la pilote dans l’événement à l’étude en appelant son téléphone cellulaire, après quoi elle a communiqué avec Cargair. Après avoir été informé que le contact avec l’aéronef à l’étude avait été perdu, Cargair a activé ses procédures d’urgence et des mesures ont été prises pour localiser l’aéronef. Il s’agissait notamment de communiquer avec NAV CANADA.

Le 5 septembre 2019 à 0 h 04 min 18 s, NAV CANADA a émis un avis de phase d’incertitudeNote de bas de page 10 pour l’aéronef à l’étude. Puis, à 0 h 34 min 12 s, un avis de phase d’alerteNote de bas de page 11 a été émis. Après une recherche infructueuse par communication et après avoir confirmé que l’aéronef n’était pas au sol à CYSC, NAV CANADA a fourni des renseignements sur l’aéronef disparu au Centre conjoint de coordination de sauvetage à Trenton (Ontario) et, à 01 h 34 min 01 s, l’avis a été modifié pour passer à l’avis de phase de détresseNote de bas de page 12.

L’épave a été retrouvée par une équipe de recherche en début d’après-midi le 7 septembre 2019. L’aéronef avait heurté des arbres et a été détruit par les forces d’impact. L’impact n’offrait aucune chance de survie et la pilote a subi des blessures mortelles durant l’impact.

Aucun signal n’a été capté de l’ELT.

1.15.2 Radiobalise de repérage d’urgence

L’aéronef en cause était muni d’une ELT automatique fixeNote de bas de page 13 pouvant transmettre sur les fréquences 121,5 MHz et 243 MHz seulement. Les signaux d’ELT sur la fréquence de 121,5 MHz ou de 243 MHz peuvent être détectés par d’autres aéronefs ou par le contrôle de la circulation aérienne (ATC) qui surveillent ces fréquences, mais ils ne sont plus surveillés par Cospas-SarsatNote de bas de page 14,Note de bas de page 15. Dans l’événement à l’étude, aucun signal d’ELT n’a été capté sur la fréquence de 121,5 MHz ou de 243 MHz par d’autres aéronefs ou l’ATC.

L’ELT a été envoyé au Laboratoire d’ingénierie du BST aux fins d’analyse. On a pu déterminer que l’ELT était vraisemblablement en état de service dans les instants qui ont précédé l’impact. Toutefois, les dommages causés à la batterie, au sélecteur de mode et au câble coaxial de l’antenne, individuellement ou combinés, auraient immédiatement interrompu la capacité de transmission, rendant impossible la détection d’un signal de détresse de l’ELT (figure 4).

Figure 4. Radiobalise de repérage d’urgence de l’aéronef à l’étude (Source : BST)
Radiobalise de repérage d’urgence de l’aéronef à l’étude (Source : BST)

1.16 Essais et recherches

1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

Sans objet.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Vol de nuit

1.18.1.1 Exigences réglementaires relatives au vol de nuit

Selon le Règlement de l’aviation canadien (RAC), pendant un vol VFR dans un espace aérien contrôlé ou non, les pilotes doivent utiliser leur aéronef à l’aide de repères visuels avec la surface, de jour comme de nuit Note de bas de page 16. Le RAC définit une surface comme étant « toute surface au sol ou sur l’eau, y compris une surface gelée Note de bas de page 17 ».

En plus des exigences de repères visuels à la surface pour pouvoir effectuer un vol VFR de nuit dans un espace aérien non contrôlé, les conditions suivantes doivent être réunies :

Au terme d’une enquête du BST Note de bas de page 19 sur l’écrasement d’un hélicoptère qui avait décollé en vol VFR de nuit de Moosonee (Ontario), un aéroport au balisage lumineux insuffisant, le BST a souligné le problème du manque de clarté dans la définition de « vol avec repères visuels à la surface », dans les faits. Le Bureau avait recommandé que

le ministère des Transports modifie la réglementation de manière à définir clairement les repères visuels (y compris les considérations d’éclairage ou autres moyens) requis pour réduire les risques liés aux vols de nuit selon les règles de vol à vue.
Recommandation A16-08 du BST

La dernière évaluation publiée par le BST de la réponse de TC à la recommandation A16-08 a été effectuée en février 2021 et dénotait une intention satisfaisante Note de bas de page 20.

TC a indiqué être en train de rédiger 2 avis de proposition de modification (APM) qui mèneraient à la mise à jour des exigences pour les vols VFR de nuit et à des changements exigeant deux niveaux de qualification de vol de nuit. TC s’attend à ce que ces dossiers d’APM soient terminés d’ici le milieu de 2021. TC a aussi publié une version mise à jour de la circulaire d’information (CI) 603-001 – Autorisation spéciale pour mener des opérations à l’aide de systèmes d’imagerie de vision nocturne, de même que des articles dans des numéros de Sécurité aérienne – Nouvelles afin de renseigner les pilotes et les sensibiliser aux risques associés aux vols VFR de nuit. 

Depuis mai 2013, le BST a enquêté sur 6 autres accidents mortels mettant en cause un aéronef privé effectuant un vol VFR de nuit Note de bas de page 21. Les rapports d’enquête ont souligné le manque de clarté de la réglementation en ce qui a trait aux repères visuels.

1.18.1.2 Formation au vol de nuit

Le titulaire d’une licence de pilote privé annotée pour le vol de nuit est autorisé à voler sans supervision pendant les heures officielles d’obscurité. Pour obtenir cette annotation, le pilote doit satisfaire aux exigences énoncées dans la norme 421.42 du RAC, notamment :

(1) Licence de pilote privé - avion

  • (a) Expérience
  • Le demandeur d’une qualification de vol de nuit doit avoir accumulé sur avion au moins 20 heures de vol en qualité de pilote, dont :
  • (i) au moins 10 heures de vol de nuit comprenant au moins :
    • (A) cinq heures de vol en double commande, dont deux heures de vol-voyage;
    • (B) cinq heures de vol en solo comprenant 10 décollages, 10 circuits et 10 atterrissages;
  • (ii) au moins 10 heures de temps aux instruments en double commande;
  • (iii) au plus cinq heures de temps aux instruments peuvent être décomptées des 10 heures de temps aux instruments au sol pourvu que le temps total aux instruments s’ajoute aux 10 heures de vol de nuit prévues au sous-alinéa a)(i) susmentionné.
  • (b) Compétences
  • Dans les 12 mois précédant la date de la demande de qualification de vol de nuit le demandeur doit avoir réussi à un vol de qualification sous la surveillance d’un inspecteur de Transports Canada ou d’une personne qualifiée selon le paragraphe 425.21(4) du RAC en démontrant qu’il possède le niveau de compétence précisé dans le Guide de l’instructeur de vol (TP 975). [...] Note de bas de page 22

Un pilote peut donc effectuer 5 heures de vol sur un simulateur, 5 heures de vol aux instruments en double commande de jour avec une visière (servant à réduire le champ visuel à l’extérieur de l’aéronef) et 10 heures réelles de vol de nuit avant d’envoyer sa demande de qualification de vol de nuit à TC.

Les règlements et les normes n’exigent pas que les pilotes effectuent des essais en vol pour obtenir une qualification de vol de nuit. Toutefois, comme il est indiqué dans la norme 421.42(1)b) du RAC, un vol de qualification doit être effectué dans les 12 mois précédant la présentation d’une demande de qualification de vol de nuit. Le RAC ne définit pas ce qui constitue un vol de qualification.

Bien que les directives du Guide de l’instructeur de vol – Avion (TP 975) recommandent que la formation théorique au sol soit dispensée sur des sujets spécifiques au vol de nuit, comme la désorientation spatiale, les illusions optiques et sensorielles, la vision nocturne, les facteurs humains et la prise de décisions par le pilote, la réglementation en vigueur au moment de l’accident ne l’exigeait pas. L’instructeur est la personne qui certifie que le demandeur est compétent pour le vol de nuit. Cependant, la notion de compétence n’est pas définie par des critères précis dans la réglementation.Aucune information recueillie n’a permis de déterminer, dans le cadre de l’enquête, si la pilote avait acquis des connaissances théoriques au sujet des particularités du vol de nuit durant sa formation au vol de nuit.

La norme 421.42(1) stipule que le demandeur ayant une licence de pilote privé doit démontrer « qu’il possède le niveau de compétence précisé dans le Guide de l’instructeur de vol (TP 975) ». Le TP 975 énonce ce qui suit dans l’exercice 25 – Vol de nuit :

Vol aux instruments

Il faut savoir un peu voler aux instruments pour obtenir la qualification de vol de nuit parce que, dans certaines situations de nuit, seuls les instruments permettent de déterminer l’assiette de l’avion. Pour obtenir une licence de pilote privé, il faut maintenant effectuer cinq heures de vol aux instruments en double commande, sur lequel on peut compter à moins que la licence ait été obtenue des années auparavant. De nombreux instructeurs aiment dispenser au moins une partie de cette instruction au vol aux instruments la nuit, bien qu’elle ne compte pas dans les cinq heures de vol de nuit en double commande exigées pour obtenir la qualification. De plus, si l’équipement est disponible, il est recommandé que les élèves étudient davantage les aides à la radionavigation que le minimum exigé pour obtenir la licence de pilote privé, par exemple, apprendre à se servir du VOR [radiophare omnidirectionnel à très haute fréquence], de l’ADF [radiogoniomètre automatique] ou du GPS pour déterminer sa position et pour se rendre à une station ou à un point de cheminement.

Recommandation pour la qualification de vol de nuit

Aucun test en vol n’est requis pour obtenir la qualification de vol de nuit. Cependant, l’instructeur doit savoir quand son élève a la compétence voulue pour exercer les privilèges de cette qualification. Il ne s’agit pas simplement d’accumuler le nombre d’heures nécessaires en double commande et en solo pour l’obtenir. L’élève devrait pouvoir exécuter les exercices décrits dans Vol de nuit au niveau exigé dans la publication « Normes de test en vol — Licence de pilote privé et de pilote professionnel — Avions (TP 2655F) » Note de bas de page 23.

1.18.1.3 Annotation de qualification de vol de nuit

Une fois la formation complétée, le demandeur a 12 mois après la date de son vol de qualification pour envoyer sa demande d’annotation de qualification de vol de nuit à TC. La pilote dans l’événement à l’étude avait accumulé les heures nécessaires pour obtenir une annotation de vol de nuit le 27 août 2019; l’instructeur de vol avait signé le formulaire de demande le 1er septembre 2019, et la pilote l’avait signé le 3 septembre 2019. Au moment de l’événement à l’étude, la demande d’annotation de qualification de vol de nuit n’avait pas été présentée à une personne autorisée de TC aux fins de signature.

Néanmoins, le vol à l’étude correspondait à la définition d’un vol d’entraînement énoncée à l’article 400.01 du RAC : « vol d’instruction en double commande ou un vol d’exercice en solo effectué sous la direction et la surveillance d’un instructeur de vol Note de bas de page 24 ».

1.18.2 Prise de décisions du pilote

La prise de décisions du pilote est un processus cognitif consistant à recueillir de l’information, à l’évaluer, puis à choisir une option parmi plusieurs. Une fois que le plan d’action est mis en marche, le processus décisionnel recommence afin de valider si la décision prise est la meilleure option possible. La prise de décision est donc un processus dynamique. En anticipant et en réglant les problèmes possibles qui pourraient survenir pendant le vol, les décisions prises durant la planification pré-vol évitent d’avoir à prendre des décisions potentiellement plus difficiles en vol. C’est particulièrement important pour les vols VFR de nuit, lorsqu’on considère le risque de se retrouver dans des conditions météorologiques défavorables.

Durant la formation des pilotes, les instructeurs jouent un rôle essentiel dans l’apprentissage de la prise de décision. Les pilotes ayant peu d’expérience ne sont pas toujours en mesure de reconnaître clairement les dangers potentiels et les options à leur disposition. Ils s’en remettent souvent au jugement et à l’expérience de leur instructeur pour les guider et leur enseigner à évaluer les différentes situations et les dangers connexes. Il est donc important que l’instructeur mette l’accent sur la façon de reconnaître les dangers avant qu’ils ne surviennent et montre au stagiaire comment évaluer les risques connexes et déterminer les limites acceptables.

Les vols de navigation exigent d’un pilote la mise en pratique de plusieurs sujets théoriques étudiés pendant la formation, tels que la planification de vol, la météorologie, les facteurs humains, la réglementation et la gestion de plusieurs tâches simultanément.

Selon une trousse éducative de TC Note de bas de page 25, la prise de décisions des pilotes est différente selon le temps dont ils disposent pour agir :

Une fois que l’aéronef est en vol, l’instructeur ne peut pas corriger les décisions prises par un pilote dites « quand le temps presse ». De plus, les pilotes peu expérimentés « sont moins à même de reconnaître et d’interpréter correctement une situation et sont plus souvent forcés à adopter un comportement fondé sur la connaissance Note de bas de page 26 » plutôt que sur l’expérience. Leurs connaissances étant généralement plus limitées, « ils sont plus susceptibles de commettre des erreurs à cause de ce manque de connaissances Note de bas de page 27 ».

Dans l’événement à l’étude, la pilote avait peu d’expérience de vol de nuit et de vols aux instruments, et peu de connaissances des risques associés aux vols de nuit.

Plusieurs biais cognitifs peuvent aussi influencer la prise de décisions par le pilote. On décrit la tendance à s’en tenir au plan comme [traduction] « une tendance cognitive inconsciente consistant à poursuivre les activités prévues malgré des changements de conditions Note de bas de page 28 » ou [traduction] « une tendance profondément enracinée à poursuivre un plan d’action initial même quand un changement justifie l’adoption d’un nouveau plan Note de bas de page 29 ». Une fois qu’un plan a été établi et mis en œuvre, il devient plus difficile de reconnaître des stimuli ou des conditions dans l’environnement nécessitant que le plan soit modifié. Souvent, à mesure que la charge de travail augmente, ces stimuli et conditions sont évidents pour des personnes extérieures à la situation. Toutefois, un pilote appliquant un plan peut avoir beaucoup de difficulté à reconnaître l’importance des indices et le besoin de modifier le plan Note de bas de page 30. La tendance à s’en tenir au plan peut être un facteur de poursuite du vol dans des conditions météorologiques défavorables.

1.18.3 Conditions météorologiques défavorables la nuit

La nuit, il est plus difficile de détecter visuellement et d’éviter les nuages, le relief et les obstacles. Contrairement au vol VFR de jour, les phénomènes météorologiques sont difficilement observables la nuit en raison de la faible luminosité. Il est possible qu’un pilote qui décolle dans des conditions météorologiques qui permettent d’effectuer légalement un vol VFR de nuit ne puisse pas observer une détérioration des conditions météorologiques et prendre les mesures nécessaires avant de faire face involontairement à des IMC. Les conséquences d’un vol effectué à un moment où la visibilité est mauvaise peuvent être encore plus graves pendant un vol de nuit puisque la faible luminosité ne permet pas au pilote de voir et d’éviter assez tôt des phénomènes météorologiques qui s’aggravent.

Le Manuel de pilotage de TC indique ce qui suit :

Pendant le jour, il est très rare de traverser un nuage accidentellement. Toutefois, cela pourrait facilement vous arriver par nuit noire et temps couvert. N’oubliez jamais qu’il y a peut-être des nuages dans le secteur. De nuit, vous pouvez déceler un nuage ou soupçonner sa présence si vous constatez la disparition inattendue des lumières au sol ou si vous remarquez la présence d’un halo rouge ou vert autour des feux de position de l’avion Note de bas de page 31.

Les pilotes peuvent prendre des mesures pour réduire au minimum la probabilité qu’ils entrent par inadvertance dans des IMC lorsque les conditions réelles ne sont pas visibles. À cet effet, le RAC fait mention que tout pilote doit, avant de commencer un vol, « bien connaître les renseignements météorologiques pertinents au vol prévu qui sont à sa disposition Note de bas de page 32 ».

Dans l’événement à l’étude, la pilote avait obtenu des renseignements météorologiques pour la route prévue au plan de vol sur Internet, qu’elle avait passés en revue avec un instructeur de vol. Les conditions météorologiques prévues satisfaisaient aux exigences réglementaires pour un vol VFR de nuit; toutefois, l’examen a soulevé certaines préoccupations au sujet des vents dominants à CYSC. Au terme d’une discussion, la pilote et l’instructeur ont déterminé que les conditions météorologiques permettaient d’effectuer le vol proposé à destination de CYSC et ont convenu que la pilote ne tenterait pas d’atterrir si les vents étaient trop forts. L’instructeur de vol en chef a été consulté, puis le vol a été autorisé.

Un examen après l’événement des METAR et des TAF disponibles au moment de la planification du vol a permis de déterminer qu’on prévoyait des plafonds au-dessus de l’altitude de croisière prévue de 3500 pieds ASL. Bien que les METAR et les TAF décrivaient des conditions favorables, la GFA disponible prévoyait, dans la zone du plan de vol, des plafonds de nuages fragmentés à 3000 pieds ASL, en dessous de l’altitude de croisière prévue. Il n’a pas été possible de déterminer si une GFA avait été examinée au moment de la planification de vol.

Plus tard (après l’événement), cette prévision de la GFA a été jugée exacte, puisque le METAR émis peu avant que l’aéronef à l’étude quitte CYMX indiquait un plafond à 2100 pieds AGL, soit environ 2900 pieds ASL, à CYSC.

1.18.4 Désorientation spatiale

Le vol de nuit comporte un certain nombre de dangers. D’abord et avant tout, la performance visuelle est considérablement réduite dans des conditions d’éclairement nocturne. Même dans des conditions VFR de nuit idéales et avec une pleine lune, l’acuité visuelle Note de bas de page 33 du pilote est en toute probabilité de l’ordre de 20/200 Note de bas de page 34. Ainsi, une personne peut voir à 20 pieds ce qu’elle verrait normalement à 200 pieds dans des conditions lumineuses de jour. 

Une performance visuelle ainsi réduite peut donner lieu à des illusions sensorielles convaincantes qui peuvent entraîner une désorientation spatiale, que l’on définit comme étant [traduction] « une impression trompeuse de sa propre position et du mouvement de l’aéronef par rapport à la surface de la Terre Note de bas de page 35 ». Autrement dit, il y a désorientation spatiale lorsque le cerveau interprète mal les repères de l’environnement; la personne a alors de la difficulté, par exemple, à résoudre mentalement pourquoi l’aéronef ne semble pas réagir comme le cerveau pense qu’il devrait le faire. Si cette dernière n’est pas rapidement détectée et contrôlée par le pilote, celui-ci perdra rapidement la maîtrise de l’aéronef.

La capacité d’un humain à discerner l’orientation de son corps (p. ex. : couché, debout, penché) s’effectue lorsqu’il est maintenu au sol. Le milieu en 3 dimensions dans lequel se déroule un vol est étranger au corps humain; il en résulte des conflits entre ses sens et des illusions qui rendent difficile, voire impossible, le maintien de l’orientation spatiale.

Pour s’orienter dans l’espace, l’humain décode l’information reçue de 3 systèmes sensoriels :

Le système visuel fournit 80 % de l’information servant à déterminer notre orientation spatiale. En cas de perte d’information visuelle, il ne reste que 20 % de l’information, qui est reçue des systèmes vestibulaire et proprioceptif. Ces 2 derniers systèmes fournissent de l’information moins précise et plus susceptible d’être erronée, car ils sont prédisposés aux illusions et aux erreurs d’interprétation.

Étant donné que les repères visuels jouent un rôle important dans l’équilibre et l’orientation de l’être humain, la désorientation spatiale tend à se produire dans des conditions de visibilité réduite; les pilotes peuvent devenir rapidement désorientés dans l’espace lorsqu’ils perdent de vue la surface. À cet effet, un rapport publié par l’Australian Transport Safety Bureau (ATSB) Note de bas de page 36 indiquait ce qui suit [traduction] :

L’importance des signaux visuels sur l’équilibre et l’orientation de l’être humain peut être démontrée par le peu de temps qu’il faut pour qu’une personne devienne désorientée dans l’espace une fois que les signaux visuels sont perdus :

« La désorientation est très rare lorsque le pilote a des repères visuels bien définis; mais lorsqu’il tente de voler lorsque la vue du sol ou de l’horizon est dégradée par les nuages, le brouillard, la neige, la pluie, la fumée, la poussière ou l’obscurité, il devient rapidement désorienté à moins qu’il ne transfère son attention aux instruments de l’aéronef. La capacité de conserver la maîtrise d’un aéronef sans repères visuels adéquats est d’assez courte durée, généralement environ 60 secondes, même lorsque l’aéronef est en vol rectiligne en palier au moment où l’on perd la vision, et elle est de plus courte durée encore dans un virage. Dans de telles circonstances, la perte de maîtrise se produit parce que les récepteurs non visuels fournissent des informations inadéquates ou erronées sur la position, l’attitude et le mouvement de l’aéronef. »

(Benson, A.J. Spatial Disorientation – General Aspects, 1988) Note de bas de page 37

Dans des mauvaises conditions de visibilité (par exemple, en entrant intentionnellement ou par inadvertance dans des IMC), lorsqu’un pilote est incapable de maintenir un repère à la surface, ces illusions peuvent entraîner une désorientation spatiale, ce qui peut conduire à une manipulation inadéquate des commandes de vol et une perte de maîtrise. Ces illusions peuvent être si fortes, surtout pour les pilotes ayant peu d’expérience de vol et en vol aux instruments, que même un balayage visuel conscient des instruments de vol pourrait ne pas suffire à inciter le pilote à solliciter les commandes de vol pour effectuer les corrections adéquates.

Une perte de maîtrise de l’aéronef ou un impact sans perte de contrôle peut survenir lorsqu’on ne reconnaît pas immédiatement la désorientation spatiale. Plusieurs études publiées et rapports d’enquête aéronautique du BST Note de bas de page 38 ont abordé le phénomène de la désorientation spatiale et ses conséquences.

Peu de temps après avoir perdu de vue l’aéronef en cause, la pilote de l’autre aéronef de Cargair a affirmé avoir vécu une désorientation spatiale après être entrée dans des IMC, ce qui a entraîné une perte de maîtrise de l’aéronef. Cependant, elle a pu reprendre la maîtrise de l’aéronef à temps pour éviter une collision avec le sol et a pu retourner à CYMX.

1.19 Techniques d’enquête utiles ou efficaces

Sans objet.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

La pilote détenait une licence de pilote privé et était titulaire d’un certificat médical de catégorie 3 valide. Au moment de l’accident, la pilote avait satisfait aux exigences pour pouvoir soumettre une demande d’annotation de qualification de vol de nuit; toutefois, sa licence n’avait pas encore été annotée. L’instructeur de vol a approuvé le vol en solo selon les règles de vol à vue (VFR) partant de l’aéroport international de Montréal (Mirabel) (CYMX). Rien ne suggérait que la fatigue ait pu nuire au rendement de la pilote.

L’examen de l’épave et des dossiers techniques de l’aéronef n’a révélé aucun problème mécanique, ni avant l’accident ni au moment de l’accident, qui est susceptible d’avoir joué un rôle dans l’événement à l’étude. Les marques sur les arbres, les dommages causés à l’hélice et les données d’analyse des instruments indiquent que le moteur produisait de la puissance au moment de l’impact.

L’analyse portera donc sur la planification du vol et la supervision par l’instructeur de vol, la prise de décisions en vol, y compris la poursuite du vol VFR dans les conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC), le peu d’expérience de la pilote en ce qui concerne les vols VFR de nuit, la désorientation spatiale et la réglementation des vols de nuit.

2.2 Planification du vols et supervision par l’instructeur de vol

La pilote dans l’événement à l’étude avait obtenu les renseignements météorologiques pour la route prévue au plan de vol sur Internet. La pilote et l’instructeur ont discuté du vol-voyage à destination de l’aéroport de Sherbrooke (CYSC) et des conditions météorologiques qui prévalaient ce soir‑là. Ils ont estimé que le plafond et la visibilité prévus pour cette route étaient acceptables pour le vol VFR de nuit; toutefois, certaines préoccupations ont été soulevées au sujet des vents dominants à l’arrivée prévue de l’aéronef à CYSC. Ils ont convenu que si les vents étaient trop forts, la pilote ne tenterait pas l’atterrissage. L’instructeur de vol en chef a été consulté avant que le vol ne soit autorisé. Bien que des préoccupations aient été exprimées au sujet des vents, lorsque le plan du vol de nuit a été examiné par l’instructeur de vol, le plafond et la visibilité détaillés dans les messages d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) et les prévisions d’aérodrome (TAF) ont été jugés acceptables, et le vol d’entraînement a été autorisé.

Les plafonds nuageux signalés dans les METAR et les TAF étaient généralement propices à un vol VFR. Toutefois, les deux prévisions de zone graphique (GFA) pertinentes pour cette période indiquaient que, dans les environs du front froid et derrière celui‑ci, on pouvait s’attendre à des plafonds de nuages fragmentés à 3000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL), ce qui était en deçà de l’altitude de vol prévue de 3500 pieds ASL. Par ailleurs, des plafonds locaux ou fragmentés à 1500 pieds au-dessus du sol (AGL) étaient prévus. Cette information était à la disposition de l’instructeur de vol et de la pilote lors de l’examen des conditions météorologiques. L’enquête n’a pas permis de déterminer si une GFA avait été examinée avant le vol.

Si l’examen météorologique avant le vol n’inclut pas tous les renseignements disponibles ou n’évalue pas l’effet des conditions météorologiques sur la capacité de maintenir un repère visuel à la surface durant le vol, en particulier pour un vol de nuit prévu, il y a un risque accru d’entrer dans des conditions météorologiques défavorables ou des IMC.

2.3 Prise de décisions en vol

Les pilotes en vol VFR peuvent entrer par inadvertance dans des IMC, particulièrement la nuit, lorsqu’il est plus difficile d’observer une détérioration des conditions météorologiques et de prendre les mesures nécessaires pour les éviter. La planification pré-vol réduit le risque d’erreurs de décision en vol, car elle peut aider à préparer le pilote pour les situations qui peuvent survenir pendant le vol. Sans cette planification, le pilote pourrait devoir prendre des décisions tout en étant soumis à un stress considérable et, par conséquent, le risque d’une prise de décisions inadéquate ou incorrecte est accru.

Avant le décollage, les pilotes devraient élaborer un plan détaillant la marche à suivre si les conditions météorologiques en route sont différentes de ce à quoi qu’ils attendaient ou si elles se détériorent. Ce plan devrait prévoir l’obligation de se dérouter ou de revenir en arrière avant d’entrer dans des IMC.

La tendance à maintenir son plan initial est un biais cognitif inconscient qui consiste à continuer avec le plan d’action initial en dépit des conditions changeantes. Une fois qu’un plan est élaboré et qu’on s’est engagé à le suivre, il peut devenir de plus en plus difficile pour la personne concernée, en particulier pendant les périodes où la charge de travail est élevée, de reconnaître les stimuli ou les conditions qui suggèrent la nécessité de modifier le plan.

2.3.1 Poursuite d’un vol selon les règles de vol à vue dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

Une fois que l’aéronef à l’étude s’est stabilisé à une altitude de croisière de 3500 pieds ASL, selon ce qui avait été consigné dans le plan de vol, il est resté à cette altitude pendant environ 23 minutes. À environ 32 milles marins (NM) au nord-ouest de CYSC, la pilote dans l’événement à l’étude et la pilote de l’autre aéronef de Cargair ont perdu les repères visuels à la surface, et les deux aéronefs sont descendus à 3000 pieds ASL pour poursuivre le vol en direction de CYSC. Cette descente visant à retrouver les repères visuels, puis à éviter les nuages, était la première indication que les conditions météorologiques à venir pourraient se détériorer.

Après être entrée dans des IMC pour la première fois, la pilote a vraisemblablement été affectée par un biais cognitif inconscient et par sa proximité de CYSC, ce qui l’a menée à poursuivre le vol VFR dans des conditions météorologiques défavorables.

À ce moment, dans les environs de CYSC, les couches nuageuses variaient considérablement, comme en témoignent les 4 messages d’observation météorologique spéciale d’aérodrome (SPECI) émis entre 21 h et 22 h. À 21 h 12, des couches de nuages épars aussi basses que 2100 pieds au-dessus du sol (AGL) (environ 2900 pieds ASL) ont été enregistrées à CYSC.

Peu de temps après la mise en palier à 3000 pieds ASL, à environ 19 NM au nord-ouest de CYSC, la pilote de l’autre aéronef de Cargair a signalé avoir perdu de vue l’aéronef à l’étude avant de se retrouver elle‑même dans des IMC pour une deuxième fois et de perdre les repères visuels au sol. Étant donné que les bases des nuages dans la région étaient inférieures à l’altitude de l’aéronef à l’étude et que le contact visuel avec l’aéronef avait été perdu, on a déterminé que lorsque l’aéronef à l’étude s’est rapproché de CYSC, la pilote est entrée par inadvertance dans des IMC pour une deuxième fois, ce qui a entraîné une perte des repères visuels à la surface.

2.4 Expérience limitée en vol de nuit selon les règles de vol à vue

Le vol de nuit nécessite que le pilote développe des habiletés supplémentaires pour évoluer dans un environnement différent de celui qu’est le vol de jour. Une référence plus régulière aux instruments de vol est nécessaire pour pallier la diminution de l’acuité visuelle, la source principale d’information pour maintenir l’orientation spatiale. Cette habileté s’acquiert en premier lieu par la formation, puis est maintenue par la pratique.

Bien que la réglementation oblige les pilotes à effectuer un minimum d’heures en vol de nuit et aux instruments avant de faire une demande d’ajout de la qualification de vol de nuit à leur licence de pilote, les pilotes ne sont pas obligés pendant cette formation de suivre une formation théorique sur les particularités du vol de nuit comme la désorientation spatiale, les illusions d’optique et sensorielle, la vision nocturne, les facteurs humains et la prise de décisions par le pilote. L’exposition du pilote à ces sujets revient à l’instructeur qui donne la formation. Aucune information recueillie n’a permis de déterminer, dans le cadre de l’enquête, si la pilote avait acquis des connaissances théoriques au sujet des particularités du vol de nuit durant sa formation au vol de nuit.

2.5 Désorientation spatiale

Lorsque les conditions météorologiques se détériorent, les risques connexes doivent être gérés de façon appropriée en même temps que la charge de travail des pilotes augmente. Par ailleurs, les pilotes doivent pouvoir reconnaître les conditions qui ne sont plus propices à la poursuite d’un vol et prendre des mesures décisives. La tâche devient encore plus ardue pour un pilote ayant peu d’expérience.

Un vol VFR qui se poursuit dans des IMC de façon inattendue nécessite une transition rapide vers le vol aux instruments pour garder la maîtrise de l’aéronef. Lorsque le pilote devient conscient de la situation, le niveau de stress tend à s’élever très rapidement. La capacité de garder la maîtrise d’un aéronef sans repères visuels adéquats est généralement d’environ 60 secondes lorsque l’aéronef est en vol rectiligne en palier au moment où les repères visuels sont perdus. Pendant un virage, ce délai est encore plus court. Un pilote ayant peu de connaissances et de pratique du vol aux instruments risque d’effectuer des manœuvres et de manipuler les commandes de manière inappropriée ainsi que de subir une désorientation spatiale.

Dans les moments qui ont précédé l’événement, la pilote a vraisemblablement tenté de faire demi-tour pour poursuivre le vol VFR après être entrée une deuxième fois dans des IMC. Dans le cas d’un pilote sans qualification de vol aux instruments qui se fie uniquement aux repères visuels au sol, que ce soit de jour ou de nuit, même avec des compétences de base pour le pilotage aux instruments selon l’assiette de l’aéronef, la perte imprévue de tout repère visuel est une situation critique, et une perte de maîtrise de l’aéronef peut se produire rapidement. La pilote de l’autre aéronef de Cargair a affirmé avoir vécu une désorientation spatiale après être entrée dans des IMC, ce qui a entraîné une perte de maîtrise de l’aéronef. Cependant, elle a pu reprendre la maîtrise de l’aéronef à temps pour éviter une collision avec le sol et a pu retourner à CYMX.

Compte tenu de la corrélation établie entre la perte des repères visuels et une perte de maîtrise de l’aéronef, il est fort probable que la pilote, qui avait peu d’expérience de vol en se fiant uniquement aux instruments, a perdu la maîtrise de l’aéronef en raison d’une désorientation spatiale.

2.6 Réglementation des vols de nuit

Un vol de jour ne présente pas les mêmes caractéristiques qu’un vol de nuit. Pendant un vol de nuit, il peut être difficile, et même impossible, d’observer une détérioration des conditions météorologiques en raison de la noirceur. Si la visibilité est bonne, les zones avec un bon éclairage au sol peuvent compenser pour les zones qui en offrent moins. Si la visibilité diminue au point où le pilote ne peut pas voir au-delà d’une zone avec peu d’éclairage au sol, le risque de perdre les repères à la surface augmente. Par conséquent, au moment de planifier un vol VFR de nuit, il est préférable que la trajectoire de vol soit déterminée en considérant les zones offrant le plus d’éclairage au sol possible, et non pas nécessairement en fonction de la trajectoire la plus directe.

Les pilotes qui effectuent un vol VFR doivent maintenir les repères visuels à la surface, que le vol soit effectué le jour ou la nuit. Le Règlement de l’aviation canadien (RAC) stipule que, dans un espace aérien contrôlé ou non contrôlé, tous les vols en VFR de nuit doivent être effectués « avec des repères visuels à la surface ». Cependant, la signification de l’expression « repères visuels à la surface » laisse place à l’interprétation, car le concept n’est pas défini dans la réglementation.

En 2016, le BST a émis la recommandation A16-08 sur le manque de clarté dans la définition de « vol avec repères visuels à la surface », dans les faits. Transports Canada est en train de rédiger 2 avis de proposition de modification qui mèneront à la mise à jour des exigences relatives au vol VFR de nuit. Toutefois, jusqu’à ce que les détails des modifications réglementaires proposées soient entièrement connus, le BST n’est pas en mesure d’évaluer si ces mesures élimineront les risques liés aux vols VFR de nuit.

Si le RAC ne définit pas clairement ce qu’on entend par des « repères visuels à la surface », il y a un risque que des vols de nuit soient effectués avec des repères visuels inadéquats, ce qui augmente les risques liés au vol VFR de nuit, notamment les impacts sans perte de contrôle et les accidents avec perte de maîtrise.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

  1. Lorsque le plan du vol de nuit a été examiné par l’instructeur de vol, le plafond et la visibilité détaillés dans les messages d’observation météorologique régulière d’aérodrome et les prévisions d’aérodrome ont été jugés acceptables, et le vol d’entraînement a été autorisé.
  2. Après être entrée dans des conditions météorologiques de vol aux instruments pour la première fois, la pilote a vraisemblablement été affectée par un biais cognitif inconscient et par sa proximité de l’aéroport de Sherbrooke (Québec), ce qui l’a menée à poursuivre le vol selon les règles de vol à vue dans des conditions météorologiques défavorables.
  3. Lorsque l’aéronef à l’étude s’est rapproché de l’aéroport de Sherbrooke, la pilote est entrée par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments pour une deuxième fois, ce qui a entraîné une perte des repères visuels à la surface.
  4. Compte tenu de la corrélation établie entre la perte des repères visuels et une perte de maîtrise de l’aéronef, il est fort probable que la pilote, qui avait peu d’expérience de vol en se fiant uniquement aux instruments, a perdu la maîtrise de l’aéronef en raison d’une désorientation spatiale.

3.2 Faits établis quant aux risques

Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements. 

  1. Si l’examen météorologique avant le vol n’inclut pas tous les renseignements disponibles ou n’évalue pas l’effet des conditions météorologiques sur la capacité de maintenir un repère visuel à la surface durant le vol, en particulier pour un vol de nuit prévu, il y a un risque accru d’entrer dans des conditions météorologiques défavorables ou de vol aux instruments.
  2. Si le Règlement de l’aviation canadien ne définit pas clairement ce qu’on entend par des « repères visuels à la surface », il y a un risque que des vols de nuit soient effectués avec des repères visuels inadéquats, ce qui augmente les risques liés au vol selon les règles de vol à vue de nuit, notamment les impacts sans perte de contrôle et les accidents avec perte de maîtrise.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Cargair ltée

Les mesures suivantes visant à atténuer les risques ont été instaurées par Cargair ltée après cet événement :

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A – Carte Nuages et temps de la prévision de zone graphique (GFA) – GFACN33 émise à 13 h 31 (heure avancée de l’Est)

Annexe A– Carte Nuages et temps de la prévision de zone graphique (GFA) – GFACN33 émise à 13 h 31 (heure avancée de l’Est)
Carte Nuages et temps de la prévision de zone graphique (GFA) – GFACN33  émise à 13 h 31 (heure avancée de l’Est)

Source : NAV CANADA, avec annotations du BST

Annexe B – Carte Nuages et temps de la prévision de zone graphique (GFA) – GFACN33 émise à 19 h 11 (heure avancée de l’Est)

Annexe B– Carte Nuages et temps de la prévision de zone graphique (GFA) – GFACN33 émise à 19 h 11 (heure avancée de l’Est)
Carte Nuages et temps de la prévision de zone graphique (GFA) – GFACN33 émise à 19 h 11 (heure avancée de l’Est)

Source : NAV CANADA, avec annotations du BST