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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A19P0142

Défaillance des pales du rotor principal et collision avec le relief
E & B Helicopters Ltd.
Bell 206B (hélicoptère), C-GEBY
Campbell River (Colombie-Britannique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 24 septembre 2019, l’hélicoptère Bell 206B (immatriculation C-GEBY, numéro de série 3375) exploité par E & B Helicopters Ltd. effectuait un vol selon les règles de vol à vue de la base de l’exploitant à l’héliport (CCR6) de Campbell River (E & B Heli) (Colombie-Britannique) jusqu’au lac Moat (Colombie-Britannique) avec le pilote seul à bord.

Peu après le départ, alors qu’il volait vers le sud-est en longeant la côte, l’hélicoptère s’est brièvement mis en palier à 615 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL), puis a amorcé une descente. Alors que l’hélicoptère se trouvait à 417 pieds ASL, il a effectué un virage en montée vers la droite en direction de la terre ferme, puis a repris sa descente. Au cours de cette descente, à 11 h 03, heure avancée du Pacifique, la maîtrise de l’hélicoptère a été perdue alors qu’il se trouvait à environ 200 pieds au-dessus du sol et l’hélicoptère s’est écrasé au sol, percutant un bâtiment et 2 véhicules. Le pilote a reçu des blessures mortelles. Personne au sol n’a été blessé. L’hélicoptère a été détruit par les forces d’impact et l’incendie qui a suivi.

L’enquête a permis de déterminer qu’une anomalie liée à la puissance du moteur s’est probablement produite pendant que l’hélicoptère était en vol de croisière et, par conséquent, le pilote a fait demi-tour et a amorcé une descente cohérente avec une autorotation. Après l’événement, un examen visuel et microscopique des pales du rotor principal a révélé plusieurs signes de défaillance structurale en vol. À un moment donné pendant le vol, les deux pales du rotor principal se sont déformées. Même si des signes de fatigue étaient présents après l’événement, il n’a pas été possible de déterminer la mesure dans laquelle cette fatigue a contribué à la déformation. L’enquête a également permis de déterminer que dans les derniers instants du vol, probablement en raison de la déformation des pales, le régime du rotor principal a diminué au point de ne plus pouvoir soutenir le vol en autorotation, et l’hélicoptère est tombé verticalement et a percuté le sol.

L’enquête a en outre révélé que le circuit de carburant du moteur ne présentait pas les accumulateurs et le double clapet antiretour appropriés pour l’hélicoptère Bell 206. Au cours de l’installation du moteur, le programme de contrôle de la maintenance de l’entreprise n’a pas permis de s’assurer que l’installation du moteur respectait les recommandations du fabricant, notamment avoir la configuration correcte de l’accumulateur et du double clapet antiretour pour l’appareil Bell 206. Si les procédures de maintenance ne comprennent pas un examen approfondi de toutes les instructions et de tous les bulletins connexes, il y a un risque que l’aéronef soit remis en service même s’il n’est pas en état de navigabilité.

L’enquête s’est penchée sur la culture de sécurité de l’exploitant aérien. La culture de sécurité au sein d’une entreprise peut se résumer à « notre façon de faire ». Le pilote était le propriétaire, le gestionnaire supérieur responsable et le gestionnaire des opérations de l’entreprise, de sorte que les directives sur la façon dont le service de maintenance devait réagir à une perte partielle de puissance du moteur s’étant produite une semaine avant l’événement émanaient de lui. L’enquête a révélé que de nombreuses décisions liées aux opérations et à la maintenance étaient prises en fonction d’une opinion unique plutôt que d’un processus de validation exécuté par une hiérarchie de superviseurs indépendants et compétents. En outre, plusieurs occasions d’améliorer la sécurité du vol n’avaient pas été saisies. Si la direction de l’entreprise s’écarte régulièrement des exigences réglementaires, il existe un risque accru qu’une faible culture de sécurité se développe et ait une incidence à l’échelle de l’organisation.

L’enquête s’est penchée sur le processus de certification des pales de rotor principal en matériau composite. Un essai de résistance à la fatigue structurale, effectué dans le cadre de l’évaluation des menaces pesant sur les éléments structuraux principaux, vise à assurer le maintien de la navigabilité d’un composant structural dont la défaillance pourrait être catastrophique. Une évaluation de la charge dynamique permet de déterminer la taille maximale des dommages à infliger à l’échantillon d’essai de résistance à la fatigue structurale. L’enquête a permis de déterminer qu’aucune évaluation dynamique n’avait été réalisée pour la certification du modèle de pale en matériau composite de Van Horne installé sur l’hélicoptère à l’étude. Si un essai de résistance à la fatigue structurale ne comprend pas d’évaluations quantitatives et de dommages simulés d’étendues probables et à des emplacements critiques déterminés à partir d’une évaluation de la charge dynamique, les limites de navigabilité qui en résultent risquent de ne pas être suffisantes pour prévenir les défaillances ou les déformations excessives de la structure.

Les pales en matériau composite de Van Horn sont certifiées en fonction de la méthode « sans accroissement », qui est utilisée pour montrer que [traduction] « la structure, qui présente des dommages, est capable de résister à des charges répétées de valeur variable sans qu’il y ait un accroissement détectable des dommages dans un délai de remplacement donné. »Note de bas de page 1 Toutefois, le processus d’assurance de la qualité de Van Horn ne prévoit aucune inspection des défauts internes après la production ni aucun critère quant à la taille admissible des défauts internes. Par conséquent, il est possible qu’un défaut intrinsèque inconnu puisse exister après la production, qui pourrait dépasser une limite de dommages prédéfinie et nuire à l’intégrité structurale des pales de l’hélicoptère. Si les processus de fabrication des pales de rotor principal d’hélicoptère ne comprennent pas d’inspections internes visant à détecter les défauts ou de critères relatifs aux défauts admissibles, il existe un risque que les défauts qui nuisent à l’intégrité structurale ne soient pas repérés.

Enfin, l’enquête s’est penchée sur l’approche adoptée par Transports Canada (TC) pour la gestion de la santé cardiovasculaire et l’hypertension chez les pilotes. À l’aide d’une variété de calculateurs de risque et de tous les renseignements médicaux disponibles sur le pilote dans l’événement à l’étude, un examen cardiologique indépendant a été réalisé dans le cadre de cette enquête et a permis de déterminer que le risque réel du pilote d’être victime d’un événement cardiovasculaire incapacitant soudain, évalué chaque année, dépassait 5 % par an. Ce chiffre dépasse le seuil de 2 % fixé par TC et le seuil de 1 % recommandé par les cardiologues pour les opérations à un seul pilote. Les résultats de l’autopsie ont confirmé la présence d’une coronaropathie athéroscléreuse étendue aux 4 artères coronaires principales, accompagnée d’une sténose importante (>75 %). Cette analyse a révélé que le pilote présentait bon nombre des indicateurs clés d’un événement cardiaque à haut risque. Dans l’événement à l’étude, le système d’évaluation de l’état de santé du pilote utilisé par TC n’a pas permis d’évaluer avec précision le niveau de risque présenté par le pilote. Si les documents d’orientation de TC et le rapport d’examen médical de l’aviation civile n’exigent pas que le médecin examinateur de l’aviation civile (MEAC) effectue une évaluation cardiovasculaire globale, il existe un risque accru qu’un pilote présentant des facteurs de risque cardiovasculaire élevés soit victime d’une incapacité pendant qu’il exploite un aéronef, en conséquence d’un événement médical prévisible.

L’enquête a permis de déterminer que le pilote n’était pas franc avec ses MEAC au sujet de ses problèmes de santé faisant l’objet d’un suivi par son médecin de famille. De plus, le médecin de famille n’a pas signalé l’état de santé du pilote à TC, ce qui a contribué à la mauvaise compréhension de TC concernant l’état de santé de ce dernier. Si les pilotes ne déclarent pas tous leurs problèmes de santé aux MEAC de TC ou si les médecins de famille des pilotes ne déclarent pas les troubles médicaux susceptibles de poser un danger pour l’aviation, tel qu’exigé, TC peut ne pas être en mesure d’évaluer avec exactitude l’état de santé des pilotes, ce qui peut se traduire par un risque accru que les pilotes exploitent leur aéronef malgré des troubles médicaux diagnostiqués susceptibles de nuire à la sécurité du vol.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le 24 septembre 2019, l’hélicoptère Bell 206B (immatriculation C-GEBY, numéro de série 3375) exploité par E & B Helicopters Ltd. effectuait un vol selon les règles de vol à vue de la base de l’exploitant à l’héliport (CCR6) de Campbell River (E & B Heli) (Colombie-Britannique) jusqu’au lac Moat (Colombie-Britannique), qui est situé à 22 milles marins au sud de Campbell River. Le pilote était seul à bord. Le vol avait pour objet de réapprovisionner un chalet au bord du lac Moat.

Le pilote a effectué une inspection prévol de l’hélicoptère à 10 h 46Note de bas de page 2. Cette inspection a été captée sur une vidéo de système de télévision en circuit fermé, où l’on voit le pilote regarder l’intrados des pales du rotor principal à partir du sol et inspecter les pales du rotor de queue. Le matériel pour le camp a été chargé à bord de l’hélicoptère 4 minutes plus tard. L’hélicoptère a décollé de CCR6 à 11 h.

L’hélicoptère a pris de l’altitude en direction est et, une fois passé le littoral, s’est dirigé vers le sud-est. À 11 h 02 min 50 s, le pilote a brièvement mis l’hélicoptère en palier à 615 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL), puis a amorcé une descente à un taux d’environ 400 pi/min, à une vitesse sol de 87 nœuds (figure 1, point A), avant d’accélérer à une vitesse sol de 92 nœuds. À 11 h 03 min 17 s, alors qu’il se trouvait à 417 pieds ASL, l’hélicoptère a effectué un virage à droite (figure 1, point B). Pendant le virage, la vitesse sol de l’hélicoptère a diminué et son altitude a augmenté pour culminer à 620 pieds ASL. À cette altitude maximale, l’hélicoptère sortait du virage, puis il a commencé à descendre à un taux d’environ 1950 pi/min, à une vitesse sol de 63 nœuds (figure 1, point C). Cette descente a été maintenue pendant 4 secondes sur une trajectoire nord-nord-ouest. Au cours des 5 secondes qui ont suivi, la vitesse sol de l’hélicoptère a diminué à 54 nœuds. À 11 h 03 min 40 s, alors que l’hélicoptère se trouvait à 200 pieds ASL, il y a eu perte de maîtrise de l’aéronef et la pale du rotor principal a heurté la poutre de queue.

Figure 1. Trajectoire et profil de vol vertical de l’hélicoptère (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Trajectoire et profil de vol vertical de l’hélicoptère (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

L’hélicoptère est tombé à la verticale et, à 11 h 03 min 43 s, il a percuté un bâtiment situé à 0,8 mille marin à l’est du point de départ. La poutre de queue de l’hélicoptère a heurté 2 camions qui étaient garés près du bâtiment (figure 2). Le pilote a reçu des blessures mortelles. Personne au sol n’a été blessé. Après l’immobilisation de l’hélicoptère, un incendie après impact s’est déclaré. Aucun signal provenant de la radiobalise de repérage d’urgence n’a été capté par le système de recherche et de sauvetage par satellite.

Figure 2. Photo du lieu de l’accident, prise 90 minutes après celui-ci, vue vers le nord dans la direction du vol. Le deuxième camion heurté par l’hélicoptère avait déjà été déplacé lorsque cette photo a été prise. (Source : Gendarmerie royale du Canada, avec annotations du BST)
Photo du lieu de l’accident, prise 90 minutes après celui-ci, vue vers le nord dans la direction du vol. Le deuxième camion heurté par l’hélicoptère avait déjà été déplacé lorsque cette photo a été prise. (Source : Gendarmerie royale du Canada, avec annotations du BST)

1.2 Personnes blessées

Le pilote, seul occupant à bord, a reçu des blessures mortelles.

Tableau 1. Personnes blessées
Gravité des blessures Membres d’équipage Passagers Personnes ne se trouvant pas à bord de l’aéronef Total selon la gravité des blessures
Mortelles 1 0 1
Graves 0 0 0
Légères 0 0 0
Total des personnes blessées 1 0 1

1.3 Dommages à l’aéronef

L’hélicoptère a été détruit en raison des forces d’impact importantes et de l’incendie qui a suivi.

1.4 Autres dommages

Le toit et les murs extérieurs du bâtiment qui a été heurté par l’hélicoptère ont été endommagés par l’impact et l’incendie qui a suivi. Deux véhicules qui étaient garés à côté du bâtiment ont également été endommagés. Le lieu de l’accident a fait l’objet d’un assainissement du sol en raison du déversement de carburant et d’huile provenant de l’hélicoptère.

1.5 Renseignements sur le personnel

Le pilote était titulaire d’une licence de pilote professionnel d’hélicoptères et d’une qualification de type pour les hélicoptères de la gamme Bell 206. La licence était validée par un certificat médical de catégorie I à jour. Sa dernière vérification de la compétence pilote pour les hélicoptères de la série Bell 206 avait eu lieu le 13 novembre 2018 et était valide jusqu’au 1er décembre 2019. Les procédures d’urgence en cas d’arrêt moteur et les atterrissages forcés ont fait l’objet d’une évaluation lors de la vérification de la compétence, et aucune lacune n’a été relevée.

Tableau 2. Renseignements sur le personnel
Licence de pilote Licence de pilote professionnel (CPL) – avion (A) terrestre et hydravion monomoteurs (SELS) et licence de pilote professionnel (CPL) – hélicoptère (H)
Qualifications de type A119, BH06, BH407, BH47, EC30, HU50, R66, RH22, RH44
Date d’expiration du certificat médical 30 octobre 2019
Heures de vol total 16 222
Heures de vol sur type 5642
Heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement 3,0
Heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement 6,2
Heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement 12,6
Heures de vol sur type au cours des 90 derniers jours 12,6
Heures de service avant l’événement 4
Heures hors service avant la période de travail 12

1.6 Renseignements sur l’aéronef

L’hélicoptère à l’étude a été acheté d’un exploitant en Amérique du Sud en 2016 et importé au Canada en 2017. Les documents relatifs à l’importation au Canada ont été achevés en mars 2019. L’hélicoptère a fait l’objet de nombreux travaux de maintenance entre 2017 et 2019, notamment l’installation d’un nouveau turbomoteur (Rolls-Royce M250-C20B) le 25 février 2019. Ce moteur avait été installé sur un hélicoptère Hughes 369, puis sur un hélicoptère Bell 206B3, avant d’être acheté par E & B Helicopters LtdNote de bas de page 3.

Dans le cadre du processus d’obtention d’un certificat de navigabilité canadien, un dossier de bons de travail a été créé pour assurer le suivi de toutes les défectuosités, de la maintenance requise et des pièces retirées de l’hélicoptère ou installées sur celui-ci. Ce dossier comprenait également les inspections planifiées et non planifiées exigées par les avionneurs et les motoristes. Une entrée relative à la maintenance datée du 25 février 2019 indiquait que toutes les consignes de navigabilité applicables à l’hélicoptère à l’étude avaient été respectées jusqu’au 18 février 2019.

À la fin du mois de mars 2019, l’hélicoptère à l’étude avait commencé à effectuer des vols réguliers et, selon le carnet de route de l’aéronef, avait accumulé quelque 140 heures de vol avant l’accident. Toutefois, un examen des données de suivi de vol après l’accident a révélé que plusieurs vols n’avaient pas été consignés dans le carnet de route de l’aéronef, de sorte que le nombre exact d’heures en service ne peut qu’être estimé (tableau 3). Entre le moment où le moteur a été installé et le vol de l’accident, aucune défectuosité ou activité de maintenance liée à des problèmes de puissance du moteur n’a été consignée dans le carnet de route de l’aéronef.

Tableau 3. Renseignements sur l’aéronef
Constructeur Bell Textron Canada Ltd.
Type, modèle et immatriculation Hélicoptère, 206B, C-GEBY
Année de construction 1981
Numéro de série 3375
Date d’émission du certificat de navigabilité / permis de vol 5 mars 2019
Total d’heures de vol cellule 4952,1
Type de moteur (nombre) Rolls-Royce M250-C20B (1)
Type de rotor (nombre de pales) Semi-rigide (2)
Masse maximale autorisée au décollage 1451,5 kg
Types de carburant recommandés Jet A, Jet A-1, Jet B
Type de carburant utilisé Jet A

1.6.1 Circuit carburant réacteur

1.6.1.1 Configuration du circuit carburant réacteur

L’hélicoptère à l’étude était muni d’un circuit carburant réacteur BendixNote de bas de page 4,Note de bas de page 5  muni d’un accumulateur de départ de 3 pouces cubes et d’un accumulateur de départ de 6 pouces cubes. Il ne comportait pas de double clapet antiretour.

Les instructions détaillées dans le bulletin d’installationNote de bas de page 6 du motoriste exigent deux accumulateurs de départ de 6 pouces cubes et un double clapet antiretour. Les accumulateurs et le clapet antiretour atténuent l’instabilité du circuit de carburant causée par les vibrations de torsion inhérentes au système de rotor bipale des hélicoptères de la gamme Bell 206. Cette instabilité peut entraîner des fluctuations de puissance.

Allison Gas Turbine a réalisé des essais à la fin des années 1980 au moyen d’un hélicoptère Bell 206B muni d’un moteur de modèle 250-C20R/2 afin de tester le circuit de carburant et de mesurer la chute de régime du rotor. Les essais ont été effectués avec 4 combinaisons d’accumulateurs et de clapets antiretour, dont l’une était la même que celle de l’hélicoptère à l’étude.

Les résultats des essais portant sur les 4 configurations d’accumulateurs et de clapets antiretour indiquaient que la chute de régime du rotor lors du rétablissement d’une autorotation était réduite en abaissant l’amortissement du système de commande. On y parvenait en réduisant le volume de l’accumulateur ou en éliminant le double clapet antiretour. L’amortissement a été mesuré pour chaque configuration. L’amortissement était acceptable pour l’ensemble de ces configurations, à l’exception de celle à un seul accumulateur de 6 pouces cubes, dont la dégradation était nettement plus longue. Aucune perte de puissance complète n’a été enregistrée dans les résultats des essais.

Les dossiers relatifs au moteur indiquaient qu’il avait déjà été installé sur un hélicoptère de la gamme Hughes 369 puis sur un hélicoptère Bell 206B3, avant d’être finalement installé sur l’hélicoptère à l’étude. Les hélicoptères de la gamme Hughes 369 utilisent un rotor principal à 5 pales et fonctionnent avec un seul accumulateur de 3 pouces cubes.

L’article 571.02 du Règlement de l’aviation canadien (RAC) exige que toute personne qui exécute des travaux de maintenance suive les recommandations du constructeur ou emploie des techniques équivalentesNote de bas de page 7. En outre, Transports Canada (TC) a émis un avis de navigabilité pour clarifier, à l’intention des techniciens d’entretien et des exploitants d’aéronefs, « la nécessité […] de se conformer aux bulletins de service, lettres de service, etc. que publient les fabricants »Note de bas de page 8. Les dossiers techniques de l’aéronef ne comportaient aucune indication permettant de croire que les bulletins d’installation du circuit carburant réacteur Bendix avaient été examinés ou consultés. Il a été déterminé que le service de maintenance d’E & B Helicopters n’avait pas consulté les bulletins.

En juin 1991, le BST a émis la recommandation A91-21 en réponse à un accident mortel mettant en cause un Hawker-Siddeley HS-748Note de bas de page 9. Le Bureau a recommandé que

le ministère des Transports clarifie les exigences relatives au respect, par les exploitants, des lettres aux exploitants.
Recommandation A91-21 du BST

Dans sa réponse de septembre 2021 à cette recommandation, TC a indiqué travailler sur un avis de proposition de modification sur l’établissement d’un programme d’évaluation pour les exploitants assujettis à la partie VII du RAC afin de clarifier les responsabilités des exploitants à l’égard des lettres aux exploitants. L’avis pourrait être publié dans la partie I de la Gazette du Canada à la fin de 2022 ou au début de 2023Note de bas de page 10.

1.6.1.2 Événement de réduction de puissance antérieur

Le 18 septembre 2019, lors d’un vol effectué par le pilote de l’événement à l’étude, le rotor principal de l’hélicoptère à l’étude a connu une chute de régime (environ 20 %). Le pilote a pris des mesures immédiates en abaissant le levier de pas collectif et en poussant le compensateur de régime rotor vers le hautNote de bas de page 11. En raison de cette défectuosité, l’hélicoptère n’était plus en état de serviceNote de bas de page 12, et la défectuosité a été signalée au personnel de maintenance d’E & B Helicopters Ltd. Toutefois, contrairement au manuel d’exploitation de l’entrepriseNote de bas de page 13, au manuel de contrôle de maintenanceNote de bas de page 14 et au RACNote de bas de page 15, elle n’a pas été consignée par le pilote dans le carnet de route de l’aéronef.

Le service de maintenance de l’entreprise a vérifié toutes les conduites de carburant et d’air à destination et en provenance des composants du circuit de carburant, puis a procédé à un essai au sol du moteur et à une vérification des fuites. Aucune défectuosité n’a été constatée. Cette activité de maintenance n’a pas été consignée, elle non plus, dans le carnet de route de l’aéronef, sur instruction du pilote et contrairement au RAC.

À la suite de cette activité de maintenance, un vol d’essai d’une durée de 12 minutes a été effectué, et aucune perte de puissance ou chute du régime du rotor principal n’a été relevée. Ce vol d’essai n’a pas été consigné dans le carnet de route de l’aéronef, et aucune défectuosité n’a été reportée, encore une fois sur instruction du pilote et contrairement au RAC.

À la suite de l’incident de chute du régime du rotor principal, le service de maintenance de l’entreprise a communiqué avec le fabricant de l’hélicoptère, qui a établi que la configuration de l’accumulateur de départ et du double clapet antiretour n’était pas adéquate pour l’hélicoptère. Les pièces appropriées ont été commandées pour corriger la configuration, et les registres d’expédition ont montré que les pièces avaient été livrées le jour de l’accident. Toutefois, elles n’avaient pas été installées au moment de l’accident.

Le pilote était au courant de la situation. Le pilote en chef avait prévenu verbalement d’autres pilotes de l’entreprise d’un problème non résolu touchant les composants du circuit de carburant et leur avait demandé de ne pas piloter l’hélicoptère à l’étude parce qu’il n’était toujours pas en état de service.

1.6.2 Pales de rotor principal et de rotor de queue de Van Horn Aviation, LLC

L’hélicoptère était muni de pales de rotor principal et de rotor de queue en matériau composite fabriquées par Van Horn Aviation, LLC (Van Horn). Les pales de rotor principalNote de bas de page 16 ont été installées conformément au certificat de type supplémentaire (STC) SH16-46, délivré par Transports Canada (TC) en se fondant sur l’approbation de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis. Les pales ont été fabriquées en mars 2017 et ont été achetées et installées neuves sur l’hélicoptère en janvier 2019.

La pale de rotor principal en matériau composite de Van Horn a les mêmes dimensions (envergure et corde) que la pale en aluminium de Bell. Les pales sont une construction monocoque à revêtement en carbone et en résine époxy, sans le traditionnel longeron en D. Le longeron en D est remplacé par diverses couches de carbone et de résine époxy (empilements de matériaux stratifiés) sur les revêtements supérieur et inférieur (figure 3). Les caractéristiques de vol des pales sont suffisamment semblables pour ne pas avoir à modifier la section sur les performances dans le manuel de vol du giravion Bell 206B.

Figure 3. Sous-ensembles de la pale de rotor principal en matériau composite de Van Horn Aviation, LLC, numéro de pièce 20631000-101 (source : Van Horn Aviation, LLC, avec annotations du BST)
Sous-ensembles de la pale de rotor principal en matériau composite de Van Horn Aviation, LLC, numéro de pièce 20631000-101 (source : Van Horn Aviation, LLC, avec annotations du BST)

À l’été 2020, une versionNote de bas de page 17 plus récente de la pale de rotor principal a été approuvée par la FAANote de bas de page 18 et a remplacé le numéro de pièce original. La principale différence entre les 2 versions réside dans le nombre et l’orientation des plis de fibre de carbone. Selon Van Horn, [traduction] « les ajustements aux plis ainsi que les changements apportés à la répartition de la masse offrent un vol plus en douceur […] »Note de bas de page 19. Au total, 152 pales (ou 76 ensembles) de rotor principal de la version originale avaient été vendues avant que les nouvelles pales de rotor principal ne soient approuvées. Les dernières pales de la version originale ont été fabriquées en avril 2018. On ne sait pas combien d’ensembles de pales de la version originale sont en service au Canada, mais on estime qu’il y en a 6.

Les pales de rotor de queue en matériau composite de Van Horn ont été installées sur l’hélicoptère conformément au STC SH10-22 de TC en 2011.

1.6.3 Masse et centrage

L’hélicoptère a quitté la base d’opérations avec environ 40 gallons de carburant, ce qui était suffisant pour le vol prévu.

La cargaison récupérée sur le lieu de l’accident a été pesée et il a été déterminé que l’hélicoptère avait décollé en respectant les limites prescrites de masse et de centrage. Cependant, contrairement aux instructions du manuel d’exploitation de l’entreprise E & B Helicopters Ltd.Note de bas de page 20, la cargaison n’était pas assujettie : une caisse de bière était chargée sur le plancher avant du poste de pilotage, du côté passager, et du bois de chauffage ainsi que des provisions étaient chargés sur les sièges passagers arrière. Deux bouteilles de propane de 20 livres étaient chargées dans la soute, ainsi qu’un contenant en plastique rouge de 5 gallons américains qui semblait être un contenant de carburant Note de bas de page 21.

1.7 Renseignements météorologiques

Le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) pour l’aéroport de Campbell River (CYBL) (Colombie-Britannique), émis à 11 h et valide au moment de l’événement, fait état des conditions suivantes :

Les conditions météorologiques ne sont pas considérées comme un facteur dans l’événement à l’étude.

1.8 Aides à la navigation

Sans objet.

1.9 Communications

Sans objet.

1.10 Renseignements sur l’aérodrome

Sans objet.

1.11 Enregistreurs de bord

L’aéronef n’était muni ni d’un enregistreur de données de vol, ni d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage, et la réglementation en vigueur n’exigeait ni l’un ni l’autre. Toutefois, l’aéronef était muni d’un dispositif de suivi de vol qui a enregistré plusieurs paramètres de données. Voir la section 1.16.2 Analyse des performances de l’hélicoptère.

1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

L’épave a été récupérée et transportée à l’installation régionale du BST à Richmond (Colombie-Britannique) pour faire l’objet d’un examen plus approfondi, auquel a participé un enquêteur en sécurité du fabricant de l’hélicoptère. Toutes les ruptures du fuselage, les conduites et les composants du circuit de carburant et du circuit hydraulique, ainsi que les commandes de vol ont été examinés afin de déterminer la continuité et les modes de défaillance. Aucune défectuosité préexistante n’a été décelée. Les dommages à la commande cyclique étaient tels que la position de la manette des gaz à poignée tournante n’a pas pu être établie de façon concluante.

On a remarqué sur le lieu de l’accident que la section arrière du capot de l’arbre d’entraînement de rotor de queue avait été retrouvée à 25 m avant le lieu de l’impact, le long de la trajectoire de vol. Les marques d’impact sur le capot de l’arbre d’entraînement laissaient croire qu’il avait été heurté par une pale du rotor principal; toutefois, l’arbre d’entraînement de rotor de queue sous-jacent n’avait pas subi de dommages importants. Des morceaux de mousse correspondant au matériau trouvé dans l’âme des pales du rotor principal ont été découverts à plusieurs mètres du lieu de l’accident.

1.12.1 Résumé des observations des témoins oculaires

Les 20 dernières secondes du vol de l’hélicoptère ont été observées par 33 personnes à divers endroits autour du lieu de l’accident. Voici un résumé de ces observations :

1.12.2 Examen du moteur et de ses circuits

Le moteur a été envoyé à un centre de maintenance et de révision approuvé à Vancouver (Colombie-Britannique) pour y être examiné en détail, car des dommages caractéristiques indiquant une rotation lente au moment de l’impact avaient été relevés lors de l’examen initial du moteur par le BST. L’examen du moteur en cours de démontage, effectué avec l’aide du représentant du motoriste et en présence du BST, a confirmé que la vitesse de rotation du moteur avait considérablement diminué lorsque l’hélicoptère a percuté le relief. Des copeaux d’aluminium provenant du contact rotatif écrasant entre le rotor de compresseur et la volute du diffuseur avaient été refoulés vers la section de la turbine, mais n’avaient pas fondus comme cela aurait normalement été le cas en raison des températures de fonctionnement élevées dans la section de la chambre de combustion. Cette situation est cohérente avec un moteur qui s’est éteint.

Les composants du circuit de carburant du moteur et de la cellule ont été envoyés à une installation de maintenance à Winnipeg (Manitoba) où ils ont été soumis à des essais au banc, puis ont été démontés et examinés. Un enquêteur du BST était présent.

Même si le régulateur de carburant, le régulateur, la pompe carburant, les filtres à air sous pression de sortie compresseur du moteur et les clapets antiretour de carburant ont été endommagés lors de l’impact et de l’incendie qui a suivi, ils étaient dans un état acceptable pour être mis à l’essai. Ces composants ont fonctionné de manière satisfaisante au banc d’essai et ont ensuite été démontés. La seule anomalie constatée concernait la configuration des accumulateurs et des composants du clapet antiretour du circuit de contrôle du carburant de Bendix, qui ne convenait pas à une installation sur un hélicoptère Bell 206, comme il est indiqué à la section 1.6.1.1 Configuration du circuit carburant réacteur.

1.12.3 Examen des pales du rotor principal, des pales du rotor de queue et des composants connexes

1.12.3.1 Examen visuel

Le personnel du Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario) a procédé à un examen des pales du rotor principal en présence du fabricant. L’examen a révélé que les dommages subis par les deux pales présentaient les caractéristiques de divers mécanismes de défaillance, à savoir la rupture des fibres, la séparation des plis, la délamination et le décollement (figure 4). Voir l’annexe A – Résumé des dommages visuels aux pales du rotor principal.

Figure 4. Vue d’ensemble des deux pales du rotor principal (numéros de série A084 [haut] et A085 [bas]) et description générale des dommages (source : BST)
Vue d’ensemble des deux pales du rotor principal (numéros de série A084 [haut] et A085 [bas]) et description générale des dommages (source : BST)

Sur la pale A084, on a relevé 2 cassures en diagonale (45° à partir du bord de la pale) sur le revêtement supérieur (positions repères 60 et 75), qui sont indiquées par des lignes blanches en tirets à la figure 4. Une section relativement courte de la bande de bord de fuite, indiquée par la flèche blanche plus épaisse, s’était séparée de la pale, et le joint du bord de fuite s’était décollé, laissant une ouverture d’une longueur de 8 pieds. La surface inférieure de la bande d’antiabrasion métallique installée sur le bord d’attaque de l’ensemble de la pale présentait des marques de peinture rouge provenant du toit du bâtiment heurté par l’hélicoptère. Toutefois, aucune bosse n’a été relevée sur la pale. La majeure partie de l’âme en mousse était manquante à l’endroit où le bord de fuite s’était ouvert.

Figure 5. Les revêtements supérieur et inférieur des pales du rotor principal (numéro de série A084) ont été sectionnés par le BST aux fins d’examen (Source : BST).
Les revêtements supérieur et inférieur des pales du rotor principal (numéro de série A084) ont été sectionnés par le BST aux fins d’examen (Source : BST).

La pale A085 présentait 2 cassures dans le sens de la corde près de l’emplanture (positions repères 24 et 60), qui sont indiquées par des lignes blanches en tirets à la figure 4; une cassure partielle en forme de V du revêtement supérieur à la position repère 99, qui est indiquée par des lignes blanches pointillées; un décollement du joint du bord de fuite créant une ouverture d’une longueur de 9 pieds; et une bosse sur le bord d’attaque, comme l’indique la flèche blanche plus épaisse. À l’instar de la pale A084, la majeure partie de l’âme en mousse était manquante à l’endroit où le bord de fuite s’était ouvert.

Un examen plus approfondi de la pale A084 du rotor principal a révélé des signes de défaillance progressive (marques concentriques) à l’endroit où l’âme en mousse adhérait au revêtement supérieur et inférieur (figure 5). Ces marques concentriques indiquent que la cassure entre l’âme en mousse et le revêtement s’est faite de l’intérieur vers l’extérieur, en partant de la cassure principale à la position repère 60 et en allant du bord de fuite vers le bord d’attaque. La pale A085 du rotor principal présentait des marques concentriques semblables à l’endroit où l’âme en mousse adhérait aux revêtements supérieur et inférieur.

Le mât du rotor principal, les biellettes de commande de pas et le collier d’entraînement du plateau oscillant ont subi des dommages cohérents avec un hélicoptère ayant heurté le toit du bâtiment, puis le relief.

Les dommages relevés sur la pale du rotor de queue étaient cohérents avec un choc contre le véhicule présent sur le lieu de l’accident. On a constaté que la boîte de transmission de rotor de queue et les biellettes de commande de pas étaient fonctionnelles.

1.12.3.2 Examen microscopique de la pale A084 du rotor principal

Un composite à base de polymères est une microstructure collée qui comporte une matrice, fonctionnant comme un adhésif, qui lie toutes les fibres ensemble selon un motif défini. Sur le plan de l’intégrité structurale, les aspects critiques d’un composite à base de polymères sont la résistance de collage et la durabilité de l’interface entre la fibre et la matrice.

Après un examen macroscopique et microscopique de la pale A084 du rotor principal, on a relevé des signes de frottement à l’endroit où les revêtements supérieur et inférieur de la pale du rotor principal se rejoignent au niveau de la bande de bord de fuite, ainsi que des filaments de carbone libres et un enroulement de la matrice. La présence de rouleaux matriciels est une caractéristique particulière associée à la rupture par fatigue des composites à base de polymères, et ce, malgré le fait que ceux-ci puissent être constitués de différents types de motifs de fibres et de matrices Note de bas de page 22. La présence de rouleaux matriciels sur les surfaces de rupture interlaminaire Note de bas de page 23 et intralaminaire Note de bas de page 24 donne à penser qu’une rupture par fatigue est probablement à l’origine de la cassure de la pale.

En plus des rouleaux matriciels, on a relevé la présence de fibres dénudées sur la surface de rupture par frottement du joint de liaison entre le revêtement inférieur et la bande de bord de fuite. Cela est cohérent avec une défaillance de l’interface entre les fibres et la matrice et avec la diminution de la résistance de la liaison qui en résulte.

Une forte densité de débris de matrice a également été constatée dans la zone de frottement. Les documents de rechercheNote de bas de page 25 indiquent que plus une fissure préexistante est ancienne, plus la concentration de débris de matrice sur la surface de rupture est élevée.

Dans la bande de bord de fuite qui s’est séparée, sur la surface de rupture principale (position repère 60) du côté intérieur, on a relevé une délamination multicouche. Un impact par un objet contondant peut entraîner une délamination multicouche, mais on n’a relevé aucun signe associé à un tel impact dans cette zone. Toutefois, on a relevé la présence de rouleaux matriciels et d’une forte densité de débris de matériau composite à l’extrémité rompue de cette section de bande de bord de fuite. Cela indique qu’une rupture translaminaireNote de bas de page 26 est probablement survenue avant l’impact avec le bâtiment et le relief.

1.12.3.3 Conclusions des examens visuels et microscopiques

Les cassures en diagonale relevées lors de l’examen visuel de la pale A084 du rotor principal sont cohérentes avec des dommages causés par un effort de torsion. Sur les 2 pales de rotor principal, le changement de direction de 90° de la cassure en diagonale signifie un changement de direction des efforts de torsion, ce qui indique la présence d’efforts de torsion en alternance. Ces observations donnent à penser que les dommages aux 2 pales du rotor principal se sont probablement produits en vol avant l’impact avec le bâtiment et le sol.

La présence de rouleaux matriciels constatée sur les surfaces de rupture interlaminaires et intralaminaires du revêtement inférieur, de la bande de bord de fuite et du joint de liaison entre le revêtement inférieur et la bande de bord de fuite de la pale A084 du rotor principal, tous situés dans une région près de la position repère 60, portent à croire que des dommages causés par la fatigue étaient déjà présents avant l’événement à l’étude. D’autres observations confirment cette hypothèse, notamment un frottement important de la surface de rupture, une défaillance importante de l’interface entre les fibres et la matrice, la présence d’une forte densité de débris de matrice aux bords arrondis et l’accumulation de débris.

Il n’a pas été possible d’établir avec certitude la mesure dans laquelle ces dommages par fatigue ont joué un rôle dans la rupture de la pale du rotor principal.

1.12.4 Autre accident mettant en cause des pales de rotor principal en matériau composite de Van Horn

Le 8 août 2020, un hélicoptère Bell 206B (immatriculation N284S) s’est écrasé à environ 39 milles marins au sud-est de Marathon (Texas, États-Unis). Le pilote a été grièvement blessé et les 3 passagers à bord ont reçu des blessures mortelles. Cet aéronef était muni de pales de rotor principal en matériau composite de Van Horn portant le même numéro de pièce que les pales installées sur l’aéronef dans l’événement sur lequel le BST enquête.

Le rapport préliminaire du National Transportation Safety Board (NTSB) des États-UnisNote de bas de page 27 sur l’accident d’aviation survenu au Texas indique que le pilote a senti de légères vibrations et a informé les passagers qu’il allait effectuer un atterrissage d’urgence. Les vibrations se sont intensifiées et ont entraîné une perte de manœuvrabilité. L’hélicoptère a perdu de la portance et a percuté le relief avant l’aire d’atterrissage. Le pilote a déclaré que le moteur fonctionnait normalement.

Le NTSB Office of Research and Engineering procède actuellement à l’examen des pales du rotor principal.

1.12.5 Examen des voyants lumineux du panneau annonciateur

Les voyants lumineux du panneau annonciateur ont été récupérés et examinés au Laboratoire d’ingénierie du BST. On a déterminé que les 4 voyants lumineux suivants étaient allumés au moment de l’impact : BAGGAGE DOOR (porte de la soute à bagages), ENG OUT (moteur en panne), GEN FAIL (défaillance de la génératrice) et ROTOR LOW RPM (bas régime rotor).

Chaque voyant lumineux comprend 2 ampoules. L’enquête a permis de déterminer qu’une des 2 ampoules du voyant lumineux BAGGAGE DOOR était allumée au moment de l’impact, mais il a été impossible de déterminer l’état de l’autre ampoule.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Le BST a retenu les services d’un cardiologue indépendant pour examiner le dossier médical du pilote dans l’événement à l’étude afin d’estimer les facteurs de risque cardiovasculaire. Cet examen portait sur 10 années de rapports d’examen médical de TC et de documents du médecin de famille. L’examen cardiologique a révélé que le pilote présentait plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire, notamment l’âge (70 ans ou plus), l’obésitéNote de bas de page 28, le tabagisme, une pression artérielle élevée, un taux élevé de lipides sanguins, une glycémie élevée et un taux élevé d’enzymes hépatiques.

Parmi ces facteurs de risque, seuls l’âge, le tabagisme et l’hypertension artérielle étaient documentés dans les rapports d’examen médical de TC. De plus, les résultats des récentes analyses de laboratoire demandées par le médecin de famille du pilote, qui reflétaient les niveaux de risque cardiovasculaire, n’ont pas été consignés dans les rapports d’examen médical de TC. Bien que certains facteurs de risque du pilote aient été documentés dans les rapports d’examen médical de TC, ceux-ci n’avaient pas été combinés aux résultats des analyses prescrites par le médecin de famille du pilote pour évaluer son risque global d’accident cardiovasculaire. L’examen indépendant a conclu que le risque réel du pilote d’être victime d’un événement cardiovasculaire entraînant une incapacité soudaine, évalué chaque année, dépassait 5 % par an.

1.13.1 Hypertension artérielle

L’hypertension artérielle est un facteur clé dans l’évaluation de la santé cardiaque. Par conséquent, les médecins-examinateurs de l’aviation civile (MEAC) de TC sont tenus de mesurer et de consigner la pression artérielle d’un demandeur afin d’évaluer si les pressions systolique et diastolique sont inférieures à la limite normale, qui, selon les lignes directricesNote de bas de page 29 de TC, est de 140/90 millimètres de mercure (mm Hg) (systolique sur diastolique)Note de bas de page 30. Si la pression artérielle d’une personne est supérieure à cette limite normale, le MEAC devrait prévoir une visite spécifique pour évaluer l’hypertensionNote de bas de page 31.

Le pilote dans l’événement à l’étude avait reçu un diagnostic d’hypertension 6 ans avant l’accident. Cependant, malgré le traitement, il a présenté à plusieurs reprises une pression artérielle élevée lors des examens effectués par son médecin de famille et par les MEAC.

En 2015, le médecin régional de l’aviation civile de TC a demandé au pilote de se soumettre à une mesure ambulatoire de la pression artérielle sur 24 heures, qui a indiqué des pics de pression artérielle révélateurs d’une hypertension. Toutefois, depuis 2015, aucune autre évaluation en mode ambulatoire n’a été fournie ou demandée par l’un des MEAC ayant évalué le pilote ou par son médecin de famille.

Au cours des 2,5 années précédant l’événement (2017-2019), le pilote a continué de présenter des mesures de pression artérielle élevées en cabinet, mais a assuré son médecin de famille et les MEAC, au moyen de rapports verbaux subjectifs ou de mesures de pression artérielle manuscrites prises à domicile, que lorsque sa pression artérielle était prise à domicile (à l’extérieur du cabinet), elle se situait toujours dans les limites normales. Aucune donnée objective imprimée n’a été fournie, ou demandée, pour vérifier cette déclaration.

Le pilote a également déclaré aux MEAC que son médecin de famille contrôlait son hypertension et qu’il était traité au moyen d’un seul médicament. Cette information a eu pour effet de rassurer les MEAC sur le fait que l’hypertension du pilote était contrôlée. Toutefois, l’examen cardiologique indépendant réalisé dans le cadre de cette enquête a révélé que le pilote était en fait traité au moyen de 2 médicaments différents liés à l’hypertension, mais que le second n’était pas déclaré dans les rapports d’examen médical du pilote de TC.

Même s’ils ne disposaient pas de données objectives pour vérifier les mesures de pression artérielle normales à l’extérieur du cabinet déclarées par le pilote, son médecin de famille et les MEAC ont attribué à plusieurs reprises les mesures de pression artérielle élevées prises au cabinet à une hypertension réactionnelle (effet blouse blanche)Note de bas de page 32. Par conséquent, aucun d’entre eux n’a établi que l’hypertension artérielle constituait un facteur de risque important.

On estime que la prévalence de l’hypertension réactionnelle se situe entre 9 % et 30 %Note de bas de page 33,Note de bas de page 34 et qu’elle est plus fréquente chez les femmes, les personnes âgées, les non-fumeurs et les personnes dont la pression artérielle prise au cabinet est légèrement élevée. TC reconnaît que l’hypertension réactionnelle est plus susceptible de se manifester chez les personnes qui sollicitent un certificat médical en raison du stress lié à la possibilité de ne pas obtenir le renouvellement de leur certification. Toutefois, dans le cas présent, le pilote était un homme fumeur qui présentait des mesures de pression artérielle élevées non seulement lors de ses examens par un MEAC de TC, mais aussi chez son médecin de famille, alors qu’il n’était pas évalué pour sa certification médicale.

1.13.2 Certificats médicaux d’aviation de Transports Canada

L’activité première de la Direction de la médecine aéronautique civile de TC est d’effectuer les évaluations médicales nécessaires à la délivrance des licences du personnel aéronautique. Comme le prévoit la norme 424.04(1)b) du RAC,

[…] [Le certificat médical] est délivré par le ministre des Transports par l’intermédiaire du bureau du directeur régional des Licences d’aviation selon l’une ou l’autre des procédures suivantes :

(i)   à la réception d’un rapport d’examen médical, à condition que le demandeur satisfasse aux normes pour la licence voulue, et qu’il ait été jugé apte ou apte sous réserve d’une limite ou d’une restriction recommandée par le personnel médical de la Division de la médecine aéronautique civile.[…]Note de bas de page 35

1.13.2.1 Examen médical

L’examen médical vise à déterminer si le demandeur satisfait aux normes relatives à la délivrance d’un certificat médical, lequel est nécessaire pour valider une licence de pilote. TC s’occupe principalement de la gestion des risques pour l’aviation, tels que l’incapacité, pour la période visée par la licence. Au besoin, un examen médical complémentaire peut être demandé.

Conformément à la norme 424.04(2)a) du RAC, « [l]e demandeur d’un certificat médical ou d’un renouvellement de celui-ci doit subir un examen médical effectué par un MEAC »Note de bas de page 36. La norme 424.17 du RAC exige que le MEAC examine attentivement le pilote et que l’examen soit « suffisamment approfondi pour déterminer si le demandeur répond aux exigences propres à la catégorie de certificat médical dont le renouvellement ou la délivrance est demandée »Note de bas de page 37.

Le Guide pour les médecins examinateurs de l’aviation civileNote de bas de page 38 de TC fournit des lignes directrices aux MEAC sur la façon d’effectuer des examens médicaux et d’évaluer l’état de santé. Au cours d’un examen médical, les MEAC sont tenus de remplir le formulaire 26-0010, Rapport d’examen médical. Le rapport original doit être transmis à leur bureau régional pour que le médecin régional de l’aviation civile le passe en revue, au besoin.

Les titulaires d’une licence de pilote professionnel (avion ou hélicoptère) doivent détenir un certificat médical de catégorie 1 valide. Les pilotes professionnels âgés de moins de 40 ans sont tenus de renouveler leur certificat médical et donc de se soumettre à un examen médical de TC tous les 12 mois. Les pilotes âgés de 40 ans ou plus doivent renouveler leur certificat médical tous les 6 moisNote de bas de page 39.

Le pilote dans l’événement à l’étude, qui était âgé de plus de 70 ans, se présentait tous les 6 mois pour passer un examen médical de TC et, pour chaque visite, un rapport d’examen médical était rempli comme il se doit. Au cours des 10 années précédant l’événement, le pilote avait été examiné par 3 MEAC différents. Le dernier MEAC délivrait un certificat médical au pilote tous les 6 mois depuis mars 2017. Le pilote devait obtenir son prochain certificat médical le mois suivant l’événement.

1.13.2.2 Responsabilités des médecins de famille en matière de déclaration

Aux termes de la Loi sur l’aéronautique :

[l]e médecin […] qui a des motifs raisonnables de croire que son patient est titulaire d’un document d’aviation canadien assorti de normes médicales […] doit, s’il estime que l’état de l’intéressé est susceptible de constituer un risque pour la sécurité aérienne, faire part sans délai de son avis motivé au conseiller médical désigné par le ministreNote de bas de page 40.

De janvier 2017 à septembre 2019, le pilote avait consulté son médecin de famille à 8 occasions différentes, au cours desquelles de multiples évaluations cardiovasculaires et discussions ont eu lieu et 2 séries d’analyses de laboratoire ont été prescrites. Aucun document relatif à ces visites, à ces discussions ou à ces analyses n’avait été demandé ou reçu par l’un ou l’autre des 3 MEAC ayant le plus récemment examiné le pilote.

Le médecin de famille du pilote avait noté dans le dossier que celui-ci était un pilote professionnel et connaissait donc sa profession. Toutefois, l’enquête n’a pas permis de déterminer avec certitude si le médecin de famille était au courant de l’obligation de déclarer le cas à TC.

1.13.2.3 Responsabilités de divulgation des pilotes

Étant donné qu’un MEAC n'est souvent pas le médecin de famille du demandeur, il doit se fier en grande partie aux renseignements divulgués par ce dernier. Les renseignements divulgués pourraient concerner les symptômes médicaux du pilote, sa médication ou sa consommation de drogues comme la cigarette et l’alcool.

TC reconnaît que les membres du personnel de l’aviation peuvent ne pas fournir de façon volontaire certains renseignements qui pourraient avoir une incidence sur leur certification médicale, généralement parce qu’ils craignent de perdre leur certificat médical et, dans certains cas, leur emploi. La norme 424 du RAC exige que le demandeur signe, sur le rapport d’examen médical, une déclaration par laquelle il atteste avoir fourni des renseignements complets et exacts et reconnaît que toute fausse déclaration faite volontairement est considérée comme une infraction aux termes de la Loi sur l’aéronautiqueNote de bas de page 41. Toutefois, le demandeur n’est pas tenu par TC de fournir les résultats des examens médicaux personnels, comme les résultats des analyses de laboratoire, à moins que ces résultats ne soient exigés dans le cadre du processus de certification médicale de l’aviation civile.

1.13.2.4 Gestion des maladies cardiaques dans l’aviation commerciale au Canada

Le Guide pour les médecins examinateurs de l’aviation civile indique aux MEAC que le risque qu’un accident fatal se produise suite à une incapacité subite dépend de plusieurs facteurs, comme le nombre d’heures en vol, le type de vol effectué ou la présence d’un autre pilote qualifié, qui doivent tous être pris en considération en plus des risques connus posés par une condition médicale donnéeNote de bas de page 42. Dans le cas d’un examen médical de catégorie 1, le pilote ne doit être « atteint d’aucune maladie ou affection qui pourrait le rendre susceptible de se trouver dans l’impossibilité de piloter un aéronef en toute sécurité »Note de bas de page 43.

Une cardiopathie, surtout en présence d’autres maladies, comme le diabète, place le demandeur dans une catégorie de risque potentiellement élevé d’événement incapacitant. Aux termes de la norme 424 du RAC, « [l]e demandeur ne présentera aucune anomalie du cœur, congénitale ou acquise, susceptible de compromettre l’utilisation en toute sécurité d’un aéronef »Note de bas de page 44.

La cardiopathie est définie comme tout problème de santé qui touche la structure ou le fonctionnement du cœur. Il existe 4 principaux types de cardiopathies :

Il est essentiel que le MEAC détecte et documente la présence de toute cardiopathie ou maladie associée lors d’un examen médical de l’aviation civile.

1.13.2.5 Reconnaître les cardiopathies lors de l’examen médical de l’aviation

Lors de l’examen par un MEAC, certains demandeurs peuvent présenter des symptômes évidents ou des documents indiquant une cardiopathie passée ou présente. Cependant, d’autres demandeurs peuvent ne présenter aucun signe manifeste ou aucun antécédent de cardiopathie. À titre d’exemple [traduction] :

de nombreuses personnes peuvent connaître des accidents ischémiques sans le savoir. […] Les personnes atteintes d’angine de poitrine peuvent également connaître des épisodes non diagnostiqués de cette ischémie silencieuse. En outre, les personnes ayant déjà été victimes d’une crise cardiaque ou qui sont diabétiques sont particulièrement exposées au risque de présenter une ischémie silencieuseNote de bas de page 47.

La cardiopathie ischémique est un terme qui désigne les problèmes cardiaques causés par le rétrécissement des artères du cœur. Ce phénomène peut également être appelé « athérosclérose », dans lequel le rétrécissement des artères est dû à l’accumulation de dépôts de graissesNote de bas de page 48.

Il est difficile pour les MEAC de soupçonner une cardiopathie ou d’estimer le risque connexe d’incapacité cardiaque du demandeur lorsque celui-ci ne présente aucune cardiopathie confirmée et documentée. Afin d’aider les MEAC à estimer le profil de risque de chaque demandeur, des directives pour l’évaluation des facteurs de risque associés aux cardiopathies sont indiquées dans le RACNote de bas de page 49, à la figure 2 du GuideNote de bas de page 50 et au lien du Guide vers les lignes directrices pour l’évaluation de la santé cardiovasculaireNote de bas de page 51. Ces documents d’orientations reflètent les recommandations formulées lors d’un atelier consacré à la santé cardiovasculaire dans l’aviation organisé par la Direction de la médecine aéronautique civile de TC en 2010 et remplacent les anciennes lignes directrices de 2002 de TC sur les troubles cardiovasculaires.

Le Guide pour les médecins examinateurs de l’aviation civile décrit les différents facteurs de risque de cardiopathies, à savoir l’âge, le sexe, l’obésité, la pression artérielle, le tabagisme, les antécédents familiaux de cardiopathies, les résultats des épreuves d’effort cardiaque et les symptômes de cardiopathies, comme les douleurs thoraciques et l’essoufflement. Les MEAC y trouvent également de l’information sur le système de score de risque de Framingham. Ce système prend en compte des renseignements sur 6 facteurs de risque clés : l’âge, les lipides sanguins, la pression artérielle, les antécédents de diabète, le tabagisme et possiblement les antécédents médicaux familiaux. Une fois ces renseignements recueillis, le MEAC attribuera des scores à chaque facteur de risque afin d’estimer le profil de risque global de la personne, c’est-à-dire son risque d’être victime d’un événement cardiaque incapacitant.

Les MEAC peuvent s’appuyer sur 4 techniques pour évaluer les facteurs de risque d’un demandeur :

  1. Entrevue médicale : au cours de l’entrevue, le MEAC pose des questions sur l’état de santé cardiaque du demandeur et sur tout autre problème de santé connexe, comme le diabète. Le MEAC compte sur le demandeur pour divulguer les renseignements au sujet de son état cardiaque, comme les douleurs thoraciques, tout résultat connu d’examens ou de traitements médicaux et les comportements liés à la santé, comme le tabagisme et la consommation d’alcool.
  2. Examen physique : au cours de l’examen physique, le MEAC examine la circulation périphérique et la fonction cardiaque du demandeur, prend sa pression artérielle et calcule son indice de masse corporelle à partir de son poids et de sa taille.
  3. Examen des électrocardiogrammes : le MEAC évalue le plus récent électrocardiogramme du demandeur, lequel, pour un pilote âgé de plus de 40 ans, doit être réalisé dans les 12 mois précédant l’examen médicalNote de bas de page 52.
  4. Examen d’autres résultats de tests : les MEAC peuvent, à leur discrétion, demander un examen médical plus approfondi s’ils estiment qu’il existe des signes de maladie qui doivent être examinés de plus près pour établir l’état de santé du demandeur.

Les résultats de chaque technique sont consignés dans le rapport d’examen médical de TC, le cas échéant.

1.13.2.6 Calcul du profil de risque d’un demandeur

Selon le Guide pour les médecins examinateurs de l’aviation civile, un risque d’événement cardiovasculaire incapacitant soudain estimé de 2 % par anNote de bas de page 53, calculé à l’aide de l’un des estimateurs de risque recommandés (p. ex., le système de score de risque de Framingham), devrait être le seuil servant à effectuer un dépistage plus poussé avant la délivrance du certificat médical :

Le risque cumulatif conféré par la présence de plus d’un facteur de risque, même à des niveaux modérément plus élevés que la normale, peut dépasser celui conféré par la présence d’un seul facteur de risque majeur. […] Si des anomalies sont détectées, résultant en un risque de mortalité annuel moyen de 1 % ou plus, présumant un risque additionnel de 1 % pour un événement incapacitant non fatal, dans ce cas le détenteur de licence est considéré médicalement inapte pour une licence sans restrictionNote de bas de page 54.

Le Guide indique également que

[l]’inquiétude concernant ces facteurs de risques [modifiables majeurs] est plus élevée chez les candidats avec une cardiopathie ischémique connue là où le risque absolu est élevéNote de bas de page 55.

L’examen cardiologique indépendant réalisé dans le cadre de cette enquête a mis en évidence que, d’après le consensus d’un consortium multinational de cardiologues de l’aviation publié en 2019, cette valeur de 2 % est fondée sur une échelle mobile, en fonction du rôle et du risque associé de chaque pilote. Pour l’exploitation d’aéronefs à voilure tournante par un seul pilote, cas qui s’applique au pilote dans l’événement à l’étude, un seuil inférieur, soit 1 %, est plus appropriéNote de bas de page 56. Ces lignes directrices ne sont pas comprises dans les lignes directrices pour l’évaluation de l’état de santé cardiovasculaire figurant dans le Guide pour les médecins examinateurs de l’aviation civile, car cette section du Guide a été publiée en 2012.

La présente enquête a examiné les renseignements que TC fournit aux MEAC au sujet des examens médicaux et a permis de déterminer que les lignes directrices n’imposent pas l’utilisation de l’outil de score de risque de Framingham et que cet outil n’est lié d’aucune façon à l’utilisation du rapport d’examen médical de TC. De plus, rien dans le rapport d’examen médical n’incite expressément le MEAC à utiliser le système de score de risque de Framingham ou à regrouper les principaux facteurs de risque pour estimer le profil de risque global du demandeur.

Les rapports d’examen médical de TC du pilote dans l’événement à l’étude ne faisaient état d’aucun regroupement des facteurs de risque permettant d’estimer le profil de risque global du pilote ni de l’utilisation du système de score de risque de Framingham ou de tout autre calculateur de risque. Par conséquent, aucun risque n’a été attribué et aucune comparaison n’a été faite avec le seuil de 2 % recommandé par TC dans le cadre de l’établissement du profil de risque médical de l’aviation civile.

L’efficacité de la surveillance par TC des facteurs de risque médicaux, plus particulièrement en ce qui concerne les problèmes cardiovasculaires et d’hypertension chez les pilotes, a été abordée dans des rapports antérieurs du BSTNote de bas de page 57.

1.13.3 Cause de la mort

Le Bureau du coroner de la Colombie-Britannique a déterminé que la mort était attribuable à un traumatisme contondant. Bien qu’aucune occlusion coronaire aiguë n’ait été relevée (comme une crise cardiaque), les résultats de l’autopsie ont confirmé la présence d’une coronaropathie athéroscléreuse étendue aux 4 artères coronaires principales, accompagnée d’une sténose importante (>75 %)Note de bas de page 58. L’examen cardiologique indépendant a confirmé que, au vu des résultats d’autopsie, il est concevable qu’en présence d’une situation stressante, comme une urgence en vol, le pilote ait pu éprouver des symptômes cardiaques, comme des douleurs thoraciques, en raison d’un débit sanguin insuffisant, et éventuellement souffrir d’arythmies cardiaques accompagnées d’étourdissements, voire d’une incapacité.

1.14 Incendie

Une vidéo a montré que le carburant n’a pas été contenu dans le réservoir carburant pendant la séquence d’impact. Le contact du carburant non confiné avec les composants chauds du moteur a déclenché l’incendie après l’impact. Les premiers intervenants sont arrivés sur les lieux en quelques minutes dotés d’extincteurs portables. Les pompiers sont arrivés environ 5 minutes après l’impact. L’incendie a été éteint avant que le bâtiment ou l’hélicoptère ne soient lourdement endommagés.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

Le pilote ne portait pas de casque et, contrairement au RACNote de bas de page 59, ne portait que la sangle sous-abdominale de la ceinture de sécurité; il ne portait pas la ceinture-baudrier disponible.

L’accident n’offrait aucune chance de survie en raison des forces d’impact auxquelles il a donné lieu. L’hélicoptère était muni d’une radiobalise de repérage d’urgence de 406 MHz. Toutefois, en raison des forces d’impact et des dommages causés par l’incendie qui a suivi, la radiobalise de repérage d’urgence n’a émis aucun signal.

1.16 Essais et recherche

1.16.1 Analyse photogrammétrique de la vidéo

Une caméra de sécurité située sur un commerce se trouvant à 600 pieds au sud-est du lieu de l’accident a enregistré les derniers instants de la trajectoire de vol de l’hélicoptère, ainsi que l’impact et les débris en chute libre. Le fichier vidéo a été envoyé au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario) aux fins d’analyse. L’analyse a permis de déterminer que les pales du rotor principal étaient stationnaires, c’est-à-dire ne tournaient pas, pendant les derniers instants de la descente (figure 6).

Figure 6. Image originale (en haut) et image améliorée (en bas) extraites d’une vidéo de télévision en circuit fermé (CCTV) montrant la position et la déformation des pales du rotor principal (Source : Tiers, avec améliorations apportées par le BST)
Image originale (en haut) et image améliorée (en bas) extraites d’une vidéo de télévision en circuit fermé (CCTV) montrant la position et la déformation des pales du rotor principal (Source : Tiers, avec améliorations apportées par le BST)

On a remarqué que la pale du rotor du côté gauche de l’hélicoptère à la figure 6 semblait former un angle d’environ -46° par rapport à l’axe de roulis; toutefois, il n’a pas été possible de déterminer si cela était attribuable au fait que la tête du rotor principal formait cet angle, si la pale s’était cassée ou pliée avant l’impact, ne laissant que la partie extérieure de celle-ci à cet angle, ou encore s’il s’agissait d’une combinaison de ces 2 scénarios.

On a constaté que la pale du rotor du côté droit de l’aéronef était pliée ou cassée à 1,6 m du moyeu du rotor principal et que sa partie extérieure semblait former un angle ascendant d’environ 27° à 38°. Selon l’analyse vidéo, ces dommages se sont produits avant l’impact avec le toit du bâtiment.

Le débris qui est tombé après l’écrasement de l’hélicoptère ressemblait de très près au morceau du capot de l’arbre d’entraînement de rotor de queue qui a été récupéré. Il est possible que le débris vu dans la vidéo soit le morceau du capot et que celui-ci se soit détaché de l’hélicoptère avant l’impact avec le bâtiment. On peut également voir dans la vidéo des morceaux de l’âme en mousse des pales du rotor principal qui tombent après que l’hélicoptère a percuté le bâtiment.

1.16.2 Analyse des performances de l’hélicoptère

On a demandé au laboratoire du BST d’analyser les performances de l’hélicoptère en se fondant sur les données GPS (système de positionnement mondial) recueillies par un dispositif de suivi de vol SkyNode S200 de Latitude qui se trouvait à bord de l’hélicoptère. Le vol de l’événement à l’étude a été sauvegardé dans la mémoire du dispositif SkyNode, et 119 secondes de données, enregistrées à 1 Hz, ont été utilisées pour effectuer l’analyse des performances.

Chaque seconde de données récupérées comprenait l’heure, la latitude, la longitude, l’altitude GPS, la vitesse sol, la route et l’affaiblissement de la précision horizontale Note de bas de page 60 (annexe B – Tracé des données de vol). On a remarqué que les 2,5 dernières secondes du vol n’ont pas été enregistrées par le dispositif SkyNode. Il n’a pas été possible de déterminer la cause de la fin prématurée de l’enregistrement.

L’analyse s’est concentrée sur la descente finale une fois que l’hélicoptère a fait demi-tour après avoir atteint son altitude maximale. Plus particulièrement, on a examiné la descente de l’hélicoptère pour déterminer s’il pouvait s’agir d’une autorotation et si elle avait été influencée par les manipulations des commandes de vol par le pilote.

Cette analyse, dont les résultats ont été vérifiés de façon indépendante par Bell Textron, a permis de déterminer que, au cours des 10 dernières secondes des données de vol enregistrées, en supposant que l’hélicoptère était en autorotation non propulsée, la vitesse moyenne du rotor principal devait être de 110 % pour produire le taux de descente et la vitesse sol enregistrés. La constance des paramètres pendant la descente indique qu’il n’y a eu aucune manipulation des commandes de vol par le pilote qui aurait pu ralentir le régime du rotor principal.

Dans un hélicoptère en parfait état de service, une augmentation du pas collectif en autorotation se traduit par une modification du régime du rotor, du taux de descente et de la vitesse longitudinale. L’analyse photogrammétrique de la vidéo a toutefois montré que les pales du rotor principal avaient cessé de tourner avant l’impact au sol. Il est possible qu’une pale considérablement déformée arrête la rotation des pales du rotor principal en moins de 5 secondes en raison de charges aérodynamiques et d’une trainée de profil anormales de la pale.

1.16.3 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a réalisé les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

1.17.1 E & B Helicopters Ltd.

E & B Helicopters Ltd. était une entreprise privée qui offrait des services aériens commerciaux par hélicoptère au public. L’entreprise était titulaire d’un certificat d’exploitation aérienne pour mener des opérations en vertu des sous-parties 702 (Opérations de travail aérien) et 703 (Exploitation d’un taxi aérien) du RAC. Elle exploitait une flotte de 10 hélicoptères monomoteurs et comptait environ 20 employés. L’entreprise offrait des services de formation au pilotage, de travail aérien et de taxi aérien à partir de sa base principale à Campbell River (Colombie-Britannique) et d’une base secondaire à Gold River (Colombie-Britannique). La maintenance était principalement assurée par son propre organisme de maintenance approuvé (OMA) et par des OMA externes embauchés selon les besoins.

Le pilote de l’événement à l’étude était le propriétaire de l’entreprise, le gestionnaire supérieur responsable et le gestionnaire des opérations. Le 4 janvier 2021, E & B Helicopters Ltd. a remis son certificat d’exploitation aérienne à TC et a cessé ses opérations aériennes.

1.17.2 Surveillance exercée par Transports Canada

Un examen des activités de surveillance menées par TC sur 10 ans auprès de cette entreprise a révélé que plusieurs lacunes avaient été relevées par le passé; toutefois, les pratiques et les processus internes de l’entreprise s’étaient améliorés. La dernière inspection du processus, une semaine seulement avant l’événement à l’étude, n’a donné lieu à aucun constat de non-conformité.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Culture de sécurité

La culture de sécurité peut être définie comme [traduction] « des valeurs (ce qui est important) et des croyances (la façon dont les choses fonctionnent) communes qui interagissent avec les structures et systèmes de contrôle d’une organisation pour donner lieu à des normes comportementales (notre façon de faire) »Note de bas de page 61.

La définition de la culture de sécurité, du fait qu’elle décrit ce qui a de l’importance et de la valeur pour les membres d’une organisation, est un déterminant crucial de leur comportement quotidien. Une culture de sécurité communique de façon tacite les attentes aux membres, nouveaux ou anciens, d’une organisation. Par conséquent, elle a une incidence sur la mesure dans laquelle le travail est accompli de façon sécuritaire et sur la mesure dans laquelle les membres d’une organisation participent aux processus de gestion de la sécurité.

Une autre description de la culture de sécuritéNote de bas de page 62 place les organisations dans un continuum allant d’extrêmement décourageant à extrêmement favorable. Une culture extrêmement favorable encourage activement l’échange d’information, elle incite à accepter la responsabilité de la sécurité, elle encourage la communication libre et ouverte des erreurs, et elle encourage les idées nouvelles et en fait la promotion.

Le pilote, qui assumait à la fois les rôles de gestionnaire supérieur responsable et de gestionnaire des opérations, était responsable des pratiques opérationnelles quotidiennes. L’enquête a permis de déterminer que le pilote surveillait également de près les décisions liées à la maintenance. Au cours des années qui ont précédé l’événement à l’étude, l’entreprise était très active et les aéronefs étaient utilisés fréquemment. Par conséquent, les personnes qui assumaient les rôles de supervision de l’exploitation et de la maintenance de l’organisation prenaient et exécutaient des décisions dans un souci de sécurité et de respect de la réglementation, comme il se doit. Toutefois, ces décisions étaient parfois annulées par la haute direction. Dans l’année qui a précédé l’événement, les recettes ont diminué et les facteurs financiers sont devenus une priorité dans les décisions relatives à l’exploitation et à la maintenance. Par conséquent, la haute direction a annulé ces décisions de supervision plus souvent.

Dans la pratique, de nombreuses décisions liées aux opérations et à la maintenance étaient prises en fonction d’une opinion unique plutôt que d’un processus de validation exécuté par une hiérarchie de superviseurs indépendants et compétents. Cela comprenait les décisions relatives aux vols du gestionnaire supérieur responsable, qui était le seul à prendre des décisions relatives à la supervision, à la planification et à la répartition de ses vols. Par conséquent, aucun processus indépendant efficace n’était en place pour détecter et rectifier les pratiques non sécuritaires. Le jour de l’événement, malgré une défectuosité non résolue et le fait qu’on lui ait dit que l’aéronef n’était pas en état de service, le pilote a outrepassé les consignes du personnel de maintenance et d’exploitation et a utilisé l’aéronef pour effectuer le vol en question.

1.18.2 Perte de puissance et autorotation

Le Manuel de pilotage des hélicoptères de TC décrit l’autorotation en ces termes :

[L]a condition de vol où le rotor est entraîné par des forces aérodynamiques, aucune force motrice ne provenant du moteur. L’autorotation est une procédure d’urgence fondamentale et essentielle que tout pilote d’hélicoptère doit être capable d’exécuter. […] En autorotation, l’hélicoptère vole toujours bien que le moteur ne transmette aucune force motrice aux rotors. L’appareil reste entièrement manœuvrable, mais en vol de descente uniquement. Souvenez-vous également que le flux d’air traverse maintenant le disque vers le haut plutôt que vers le bas comme dans le vol propulsé Note de bas de page 63.

Le manuel de vol de l’appareil Bell B206B précise que les étapes ci-après doivent être suivies pour amorcer et maintenir une autorotation, et pour atterrir en autorotation [traduction] :

Pas collectif – Ajustez au besoin pour maintenir le régime du rotor entre 90 % et 107 %. […]

Commande cyclique – Ajustez pour obtenir la vitesse anémométrique souhaitée en autorotation en fonction des conditions existantes.

Si l’altitude le permet, tentez de rallumer le moteur en vol.

À basse altitude, fermez la manette des gaz et arrondir au besoin pour perdre une vitesse excessive.

Appliquez le pas collectif lorsque l’effet de l’arrondi diminue pour réduire davantage la vitesse vers l’avant et amortir l’atterrissage. […]

Il est recommandé d’effectuer un toucher au niveau avant de passer sous 70 % du régime du rotor. Au contact avec le sol, il faut réduire le pas collectif en douceur tout en maintenant le cyclique en position neutre ou centrée. […]

La vitesse anémométrique maximale pour une autorotation stable est de [100 nœuds de vitesse indiquée (KIAS)]. L’autorotation à une vitesse supérieure entraîne des taux de descente élevés et une faible vitesse du rotor. Un radial bleu est installé sur l’anémomètre pour rappeler cette conditionNote de bas de page 64.

La procédure indique que, bien que le maintien du régime du rotor à la limite supérieure de la plage d’utilisation produise l’énergie maximale du rotor nécessaire pour effectuer un atterrissage, cela entraîne également un accroissement du taux de descente. La procédure comporte également un avertissement selon lequel la vitesse longitudinale devrait être réduite à la vitesse souhaitée en autorotation en fonction des conditions existantes. La vitesse anémométrique minimale pour une descente en autorotation est de 52 KIAS et, pour une distance maximale en plané, de 69 KIASNote de bas de page 65.

Le Helicopter Flying Handbook de la FAA indique que, pendant une autorotation, un pilote peut effectuer des virages — le plus souvent avec un changement de cap de 90° ou de 180° — pour faciliter l’atterrissage face au vent ou éviter les obstacles. Ces virages doivent être effectués assez tôt afin que l’autorotation se poursuivre selon une trajectoire d’approche rectiligneNote de bas de page 66.

1.18.3 Décrochage du rotor principal de l’hélicoptère

Tel qu’il est décrit dans le Helicopter Flying Handbook de la FAANote de bas de page 67, le régime du rotor principal est essentiel à l’exploitation sécuritaire d’un hélicoptère. Si le régime du rotor principal descend en deçà de la plage d’utilisation sécuritaire et continue de diminuer, le rotor principal subira un décrochage aérodynamique.

À mesure que la vitesse du rotor de l’hélicoptère diminue, l’angle d’attaque de la pale du rotor doit être augmenté pour supporter le poids de l’hélicoptère. À un angle critique (environ 15°), l’écoulement de l’air au-dessus de la pale du rotor se sépare, ce qui entraîne une perte soudaine de portance et un accroissement de la traînée. Au cours de la descente qui s’ensuit, l’hélicoptère est soumis à un écoulement d’air vers le haut à travers le disque rotor, et l’angle d’attaque qui en résulte est si élevé que même le fait de baisser complètement le levier de pas collectif, ce qui réduit l’angle d’attaque de la pale du rotor principal, ne permet pas de rétablir l’écoulement normal de l’air. Le rotor ne décroche pas de façon symétrique parce que toute vitesse longitudinale produit un écoulement d’air plus important du côté avançant que sur le côté reculant. Ainsi, la pale reculante décroche en premier, et sa portance insuffisante la fait descendre lorsqu’elle se déplace vers l’arrière, tandis que la pale avançante monte lorsqu’elle se déplace vers l’avant. La pale arrière basse et la pale avant haute qui en résultent entraînent un basculement rapide du disque rotor vers l’arrière, parfois appelé « refoulement ». Alors que l’hélicoptère commence à descendre, l’écoulement d’air vers le haut qui agit sur les surfaces inférieures de la poutre de queue et sur tout stabilisateur horizontal a tendance à faire baisser le nez de l’aéronef. Ces 2 effets, combinés à toute manipulation du pas cyclique vers l’arrière par le pilote pour essayer de maintenir l’aéronef à l’horizontale, permettent aux pales du rotor d’être soufflées vers l’arrière et d’entrer en contact avec la poutre de queue et, dans certains cas, de la sectionner. Étant donné que le rotor de queue est couplé au rotor principal, dans de nombreux hélicoptères, la perte de régime du rotor principal entraîne également une perte importante de poussée du rotor de queue et une perte correspondante du contrôle directionnel.

« Il est impossible de se rétablir d’un décrochage du rotor principal d’un hélicoptère. À basse altitude, un décrochage du rotor principal entraînera un accident qui causera des dommages importants à l’hélicoptère, et à des altitudes supérieures à environ 50 pieds, l’accident sera probablement mortel » [traduction]Note de bas de page 68. Pour ces raisons, il est impératif de reconnaître rapidement une situation de faible régime du rotor principal et d’appliquer la procédure de rétablissement appropriée.

1.18.4 Certification des pales de rotor principal en matériau composite de Van Horn

1.18.4.1 Généralités

Le 17 février 2016, la FAA a délivré à Van Horn le STC SR02577LA pour l’installation et la maintenance du jeu de pales de rotor principal correspondant au numéro de pièce 20631000-100 sur les giravions Bell 206B. Le 27 octobre 2016, Transports Canada a émis le STC SH16-46 pour l’installation et la maintenance de la pièce sur les giravions Bell 206B immatriculés au Canada.

La pale de rotor principal en matériau composite de Van Horn était certifiée conformément aux paragraphes pertinents de la partie 27 du titre 14 du Code of Federal Regulations des États-Unis, jusqu’à la modification 27-47. L’évaluation de la résistance à la fatigue structurale, qui est abordée aux paragraphes 27.571 et 27.573, présente un intérêt pour la présente enquête.Note de bas de page 69

L’Instruction visant le personnel (IP) 513-003 de TC fournit des directives sur le niveau d’examen qui doit être appliqué avant d’accepter et de délivrer un CTS. L’IP 513-003 est conforme aux Procédures de mise en œuvre en matière de navigabilité aérienne, un accord conclu entre les États-Unis et le Canada. L’accord est fondé sur la « confiance mutuelle quant aux compétences techniques et aux moyens réglementaires dont disposent la FAA et TCAC [Transports Canada, Aviation civile], ainsi que sur les similitudes entre les différents systèmes de certification et d’approbation »Note de bas de page 70.

1.18.4.2 Tolérance aux dommages et évaluation de la fatigue

Conformément à la circulaire d’information (AC) 27-1BNote de bas de page 71 de la FAA, qui établit un moyen acceptable de se conformer aux exigences de certification, Van Horn a effectué un essai de résistance à la fatigue des structures dans lequel il a simulé des défauts de fabrication et des dommages en service.

Van Horn a choisi de recourir à la méthode d’essai de résistance à la fatigue « sans accroissement »Note de bas de page 72; par conséquent, le programme d’essai n’a donné lieu à aucune exigence d’inspection particulière. Lorsque cette méthode est utilisée, seules [traduction] « les inspections de routine pour la recherche de fissures, de délaminations et de dommages en service ainsi que les autres limites prescrites conformément à [l’article] 27.1529 [du Code of Federal Regulations des États-Unis] sont […] requises »Note de bas de page 73. L’essai de résistance à la fatigue est utilisé pour démontrer que les dommages subis alors qu’un composant est en service ne s’aggraveront pas avant le retrait de celui-ci.

L’essai de résistance à la fatigue sert également à justifier les limites de navigabilité, qui établissent le [traduction] « délai de remplacement obligatoire, l’intervalle d’inspection de la structure et la procédure connexe d’inspection de la structure requis pour la certification de type »Note de bas de page 74. Conformément au Code of Federal Regulations des États-Unis, le type, l’étendue et l’emplacement des dommages simulés sur l’échantillon d’essai de résistance à la fatigue étaient fondés sur l’évaluation des menaces pesant sur les principaux éléments structuraux de Van HornNote de bas de page 75.

L’AC 27-1B fournit des directives détaillées sur l’évaluation des menaces pesant sur les éléments structuraux principaux. Cette évaluation des menaces, qui doit être accompagnée d’une justification et présentée à la FAA aux fins d’approbation, doit comprendre les éléments suivants [traduction] :

  • Une évaluation systématique de tous les dommages (emplacements, types et étendue) et de leur probabilité d’occurrence.
  • Une sélection ou une élimination de ces dommages en fonction de l’estimation ci-dessus.
  • Une vérification pour veiller à ce que la méthode d’inspection choisie permette de détecter les dommages dont l’étendue et l’emplacement ont été déterminésNote de bas de page 76.

En outre, [traduction] « les dommages définis au sous-alinéa f.(6)(ii) de la présente AC pour la structure en question doivent être infligés à chaque zone critique de la structure »Note de bas de page 77.

L’évaluation des menaces pesant sur les éléments structuraux principaux de Van Horn a permis d’évaluer les différents types de défauts mentionnés dans l’AC 27-1B Note de bas de page 78 ; toutefois, à l’exception des dommages causés par la grêle, l’évaluation des menaces comportait peu d’évaluations quantitatives et de références aux données de contrainte et de charge enregistrées pour déterminer l’étendue et l’emplacement des dommages simulés. On a supposé que chaque type de dommage était soit préexistant dans l’échantillon d’essai sans avoir été infligé de façon intentionnelle, soit infligé selon des étendues et des emplacements aléatoires.

Conformément à l’AC 27-1B, l’évaluation des menaces [traduction] « doit être accompagnée d’une justification et présentée à la FAA/AUTHORITÉ aux fins d’approbation »Note de bas de page 79. Conformément au Code of Federal Regulations, Part 183, Title 14Note de bas de page 80 et à l’alinéa 2-5(a) de l’Order 8110.4C de la FAANote de bas de page 81, la FAA a le pouvoir d’utiliser sa discrétion au moment de déléguer l’approbation des données aux représentants techniques désignés (DER). Le système DER permet à la FAA de se servir de personnes techniques qualifiées pour effectuer certains examens, tests et inspections qui sont nécessaires pour assurer le respect des exigences de navigabilité applicables.

Les dossiers indiquent que l’évaluation des menaces pesant sur les éléments structuraux principaux de Van Horn a été approuvée par un représentant technique désigné par la FAA.

1.18.4.3 Considérations relatives à la dynamique

Un essai de résistance à la fatigue structurale est un essai cyclique. Pour tenir compte des effets de la charge dynamique sur la structure, l’alinéa 27.573(d)(3) du Code of Federal Regulations des États-Unis prévoit ce qui suit [traduction] :

Chaque demandeur doit prendre en compte les effets des dommages sur la rigidité, le comportement dynamique, les charges et les performances fonctionnelles de tous les ESP [éléments structuraux principaux] lorsqu’il justifie l’étendue maximale présumée des dommages et l’intervalle d’inspectionNote de bas de page 82.

L’AC 27-1B traite du chargement dynamique et des exigences en matière d’intervention [traduction] :

Les pièces critiques, les emplacements, les modes d’excitation et les séparations doivent être cernés et justifiés. Cette justification doit comprendre une analyse appuyée par des tests, notamment des tests qui tiennent compte des effets de chargements répétés et des effets d’exposition à l’environnement sur les propriétés critiques, comme la rigidité, la masse et l’amortissement. Ceci doit être accompli pour s’assurer que la rigidité initiale, la rigidité résiduelle, la conception appropriée en matière de fréquence critique et l’amortissement structurel sont assurés, au besoin, pour prévenir les problèmes de vibration, de résonance et de battementNote de bas de page 83.

Aucune évaluation dynamique n’a été effectuée pour la certification des pales en matériau composite de Van Horn. Dans le cadre de la présente enquête, la FAA a été consultée pour obtenir une interprétation du règlement. Selon l’interprétation de la FAA, Van Horn était autorisé à passer outre cette évaluation en raison de la méthode d’essai de résistance à la fatigue utilisée. Toutefois, l’essai de résistance à la fatigue de Van Horn n’a pas évalué la rigidité initiale et résiduelle. En outre, il n’y avait pas d’information sur la propagation des fissures à la fin de l’essai de résistance à la fatigue, ce qui pourrait offrir un autre moyen d’évaluer les changements dans la rigidité de la pale. La FAA a également déclaré qu’aucune norme d’essai suffisante n’existe pour mettre à l’essai les pales sous charge dynamique seulement.

Étant donné que ni le Code of Federal Regulations des États-Unis ni l’AC 27-1B ne prévoient de conditions expresses permettant de laisser de côté les considérations relatives aux charges dynamiques, TC a été consulté pour obtenir son interprétation de l’exigence. Selon l’interprétation que fait TC de l’article 27.573 du Code of Federal Regulations des États-Unis, il faut tenir compte des charges dynamiques.

1.18.4.4 Assurance de la qualité

Aux États-Unis, l’assurance de la qualité des structures en matériau composite est couverte par de nombreuses normes réglementaires.

Les exigences génériques en matière d’assurance de la qualité des produits aéronautiques se trouvent à la partie 21 du Code of Federal Regulations des États-Unis : Certification Procedures for Products and Articles [procédures de certification des produits et articles]. Les exigences en matière d’assurance de la qualité pour la production des certificats d’agrément des fabricants de piècesNote de bas de page 84 se trouvent à la sous-partie K de la partie 21 du Code of Federal Regulations des États-Unis : Parts Manufacturer Approvals [certificats d’agrément des fabricants de pièces].

Les exigences en matière d’assurance de la qualité propres aux giravions de catégorie normale se trouvent à l’article 27.605 du Code of Federal Regulations des États-Unis : Fabrication methods [méthodes de fabrication]. Bien que l’article 27.573 du Code of Federal Regulations des États-Unis intitulé « Damage Tolerance and Fatigue Evaluation of Composite Rotorcraft Structures » [tolérance aux dommages et évaluation de la fatigue des structures en matériau composite des giravions] traite expressément de l’utilisation de matériau composite pour les structures de giravions, il ne mentionne aucun système d’assurance de la qualité.

Plusieurs AC de la FAA fournissent des directives sur l’assurance de la qualité, entre autres :

Un système de contrôle et d’assurance de la qualité approuvé par la FAA pour la fabrication de structures en matériau composite commence par l’acceptation des matières premières et comprend l’assurance de la qualité des activités importantes pendant le processus de fabrication. Une partie du processus d’acceptation finale comporte l’acceptation par inspection non destructive.

Selon le procédé de fabrication de Van Horn, il y a des inspections en cours de fabrication obligatoires afin de détecter divers défauts. L’acceptation finale des pales en matériau composite repose sur une inspection visuelle de la surface externe. Le procédé de fabrication ne comprend pas d’inspection des surfaces internes ni de critères permettant de repérer les défauts internes susceptibles de survenir pendant la production.

2.0 Analyse

Cette analyse traitera de la descente finale de l’aéronef, de la défaillance structurale d’une pale du rotor principal et de la perte de maîtrise subséquente. L’analyse portera également sur le circuit de carburant non standard qui a été installé, ainsi que sur la culture de l’entreprise entourant les activités de maintenance pendant l’installation du moteur et le dépannage subséquent lorsque des problèmes de puissance du moteur sont survenus. De plus, l’analyse abordera le processus de certification des pales de rotor principal en matériau composite. Enfin, l’analyse examinera l’approche adoptée par Transports Canada (TC) pour gérer la santé cardiovasculaire et l’hypertension chez les pilotes.

2.1 Descente finale de l’hélicoptère

2.1.1 Trajectoire de vol et performances

Les données GPS (système mondial de positionnement) ont montré que, pendant le vol de l’événement à l’étude, l’hélicoptère a effectué un changement de cap de 180° avec un rayon de virage assez serré, ainsi qu’une montée abrupte avec une vitesse sol décroissante. Étant donné que la trajectoire de vol initiale se dirigeait vers l’eau, cette manœuvre était cohérente avec une situation où le pilote réagissait à une anomalie quelconque et préparait l’hélicoptère pour un atterrissage d’urgence sur la terre ferme.

Étant donné les constatations de l’enquête par rapport au moteur, à son historique d’entretien, à la configuration du circuit carburant installé et aux témoignages faisant état de bruits anormaux du moteur, il est probable que l’événement déclencheur qui a mené au virage de 180° était lié à la puissance du moteur. L’examen effectué après l’accident vient également appuyer cette probabilité, car il a permis de déterminer que le voyant ENG OUT (panne moteur) s’était allumé sur le panneau annonciateur avant l’impact.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

Une anomalie liée à la puissance du moteur s’est probablement produite alors que l’hélicoptère était en vol de croisière et, par conséquent, le pilote a fait demi-tour et a amorcé une descente cohérente avec une autorotation.

Pendant les 5 premières secondes de la descente, après que l’hélicoptère eut commencé à sortir de virage sur la trajectoire inverse, les données du GPS ont montré que la vitesse sol et le taux de descente de l’hélicoptère étaient cohérentes avec une autorotation. Toutefois, pour atteindre ce taux de descente et cette vitesse sol, une telle autorotation aurait entraîné un régime du rotor principal d’environ 110 %.

Or, contrairement au régime du rotor principal calculé de 110 %, des témoins oculaires ont rapporté un mouvement erratique de l’hélicoptère et un faible régime du rotor principal. Le faible régime du rotor principal est également étayé par les dommages relativement légers causés par l’impact du rotor principal sur le capot de l’arbre d’entraînement du rotor de queue. Enfin, lors de l’analyse de la vidéo de la caméra de sécurité, les pales du rotor principal n’ont montré aucun mouvement de rotation.

2.1.2 Défaillance des pales du rotor principal

Un examen visuel et microscopique des pales du rotor principal a révélé plusieurs signes de défaillance structurale en vol. Les cassures en diagonale relevées sur les deux pales du rotor principal sont cohérentes avec des dommages causés par un effort de torsion. Un changement de direction de 90° des cassures en diagonale indique un changement de direction des efforts de torsion, ce qui indique la présence d’effets de torsion en alternance. Ces observations donnent à penser que les dommages susmentionnés aux 2 pales du rotor principal se sont probablement produits en vol avant l’impact avec le bâtiment et le sol.

Les rouleaux matriciels relevés sur les surfaces de rupture interlaminaires et intralaminaires du revêtement inférieur, sur la bande de bord de fuite et dans le joint de liaison fixant le revêtement inférieur au bord de fuite de la pale A084 du rotor principal, tous situés dans une région près de la position repère 60, portent à croire que des dommages par fatigue étaient déjà présents avant l’événement à l’étude.

Aucun dommage par fatigue n’a été relevé sur la pale A085 du rotor principal. Il est peu probable que la fatigue soit présente sur les 2 pales du rotor principal et entraîne la défaillance du matériau sur les 2 pales du rotor principal en même temps.

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

À un moment donné pendant le vol, les pales du rotor principal se sont déformées. Même si des signes de fatigue étaient présents après l’événement, il n’a pas été possible de déterminer la mesure dans laquelle cette fatigue a contribué à la déformation.

Dans les derniers instants du vol, probablement en raison de la déformation des pales, le régime du rotor principal a diminué au point de ne plus pouvoir soutenir le vol en autorotation, et l’hélicoptère est tombé verticalement et a percuté le sol.

2.2 Circuit de carburant réacteur

Le circuit de carburant du moteur ne présentait pas les accumulateurs et le double clapet antiretour appropriés pour l’hélicoptère Bell 206. Au cours de l’installation du moteur, le programme de contrôle de la maintenance de l’entreprise n’a pas permis de s’assurer que l’installation du moteur respectait les recommandations du fabricant, notamment avoir la configuration correcte de l’accumulateur et du double clapet antiretour pour l’appareil Bell 206. L’enquête n’a pas permis de déterminer la raison sous-jacente pour laquelle les documents d’orientation n’ont pas été suivis.

Fait établi quant aux risques

Si les procédures de maintenance ne comprennent pas un examen approfondi de toutes les instructions et de tous les bulletins connexes, il y a un risque que l’aéronef soit remis en service même s’il n’est pas en état de navigabilité.

2.2.1 Perte de puissance du moteur

L’allumage du voyant lumineux ENG OUT (moteur en panne) et l’absence de dommages au moteur dus à la rotation étayent la théorie selon laquelle le moteur s’était éteint à un moment donné pendant la descente. Toutefois, l’enquête n’a pas permis de déterminer pourquoi le moteur avait cessé de produire de la puissance avant que la maîtrise de l’aéronef soit perdue et que l’aéronef percute le bâtiment. Bien que la configuration du circuit de carburant ait pu rendre le circuit instable et entraîner d’éventuelles fluctuations de puissance, aucune information disponible ne permet de penser qu’elle aurait pu conduire à une perte de puissance complète, et l’examen du moteur et de ses circuits n’a révélé aucun autre indice susceptible d’expliquer une perte de puissance complète.

Fait établi : Autre

Des examens approfondis du moteur et de ses circuits n’ont révélé aucune anomalie qui aurait pu empêcher le moteur de produire de la puissance. Il n’a pas été possible de déterminer la raison pour laquelle le moteur s’était éteint avant l’impact.

2.3 Culture de l’entreprise

La culture de sécurité au sein d’une entreprise peut se résumer à « notre façon de faire ». Lorsqu’une perte partielle de puissance s’est produite la semaine précédant l’accident, l’événement n’a pas été consigné dans le carnet de route de l’aéronef. Les activités de maintenance et les vols d’essai effectués pour résoudre le problème n’ont pas non plus été consignés, ce qui est contraire à la réglementation.

Le pilote était le propriétaire, le gestionnaire supérieur responsable et le gestionnaire des opérations de l’entreprise, de sorte que les directives sur la façon dont le service de maintenance devait réagir à la perte partielle de puissance du moteur émanaient de lui. L’indifférence dont le gestionnaire supérieur responsable a fait preuve à l’égard de la réglementation de TC a donné le ton à l’entreprise quant à la façon dont la maintenance devait être effectuée et ne représentait pas une culture favorable à la sécurité. Cela a contribué à une situation où un aéronef qui n’était pas en état de navigabilité a été autorisé à voler.

En outre, de nombreuses décisions liées aux opérations et à la maintenance étaient prises en fonction d’une opinion unique plutôt que d’un processus de validation exécuté par une hiérarchie de superviseurs indépendants et compétents. Ces décisions comprenaient celles relatives aux vols du gestionnaire supérieur responsable, alors qu’il était la seule personne à prendre les décisions liées à la supervision, à la planification et à la répartition de ses vols. Par conséquent, aucun processus efficace n’était en place pour détecter et rectifier les pratiques non sécuritaires.

La manière dont plusieurs occasions d’améliorer la sécurité du vol avaient été manquées était également incompatible avec une culture favorisant la sécurité. Le port d’un casque et de la ceinture-baudrier disponibles ainsi que l’arrimage de la cargaison chargée à bord de l’hélicoptère constituaient autant de mesures de sécurité dont le pilote n’avait pas tenu compte avant d’effectuer le vol.

Fait établi quant aux risques

Si la direction de l’entreprise s’écarte régulièrement des exigences réglementaires, il existe un risque accru qu’une culture défavorable à la sécurité se développe et influe sur l’ensemble de l’organisation.

2.4 Certification des pales de rotor principal en matériau composite

2.4.1 Évaluation des menaces pesant sur les éléments structuraux principaux

Un essai de résistance à la fatigue structurale, effectué dans le cadre de l’évaluation des menaces pesant sur les éléments structuraux principaux, vise à assurer le maintien de la navigabilité d’un composant structural dont la défaillance pourrait être catastrophique. Les résultats de l’essai de résistance à la fatigue justifient le délai de remplacement, l’intervalle d’inspection de la structure et la procédure d’inspection de la structure connexe qui doivent être compris dans les limites de navigabilité du composant. Étant donné que des dommages simulés ont été introduits de façon aléatoire pendant l’essai de résistance à la fatigue des pales du rotor principal de Van Horn plutôt que des dommages d’étendues probables introduits délibérément à des emplacements critiques, ils n’étaient pas représentatifs d’une situation où la structure endommagée peut résister aux charges et aux contraintes sans défaillance ni déformations excessives de la structure jusqu’à ce que les dommages soient détectés.

L’évaluation de la charge dynamique permet de déterminer la taille maximale des dommages à infliger à l’échantillon d’essai de résistance à la fatigue structurale. La FAA exige que les effets des dommages sur la rigidité, le comportement dynamique, les charges et les performances fonctionnelles de tous les éléments structuraux principaux soient pris en considération au moment de justifier la taille maximale présumée des dommages et l’intervalle d’inspection. Cependant, aucune évaluation de la dynamique n’a été effectuée pour la certification des pales en matériau composite de Van Horn. Si les données d’une évaluation de la dynamique ne sont pas disponibles, l’essai de résistance à la fatigue pourrait ne pas révéler les comportements structuraux associés à ces dommages.

Fait établi quant aux risques

Si un essai de résistance à la fatigue structurale ne comprend pas d’évaluations quantitatives et de dommages simulés d’étendues probables et à des emplacements critiques déterminés à partir d’une évaluation de la charge dynamique, les limites de navigabilité qui en résultent risquent de ne pas être suffisantes pour prévenir les défaillances ou les déformations excessives de la structure.

2.4.2 Inspection non destructive

Les pales en matériau composite de Van Horn sont certifiées en fonction de la méthode « sans accroissement », qui est utilisée pour montrer que la structure, qui présente des dommages, est capable de résister à des charges répétées de valeur variable sans qu’il y ait un accroissement détectable des dommages dans un délai de remplacement donné. Toutefois, le processus d’assurance de la qualité de Van Horn ne prévoit aucune inspection des défauts internes après la production ni aucun critère quant à la taille admissible des défauts internes. Par conséquent, il est possible qu’un défaut intrinsèque inconnu puisse exister après la production, qui pourrait dépasser une limite de dommages prédéfinie et nuire à l’intégrité structurale des pales de l’hélicoptère.

Fait établi quant aux risques

Si les processus de fabrication des pales de rotor principal d’hélicoptère ne comprennent pas d’inspections internes visant à détecter les défauts ou de critères relatifs aux défauts admissibles, il existe un risque que les défauts qui nuisent à l’intégrité structurale ne soient pas repérés.

2.4.3 Acceptation par Transports Canada du certificat de type supplémentaire de Van Horn

TC utilise des accords et des arrangements internationaux pour faciliter l’acceptation des approbations de conception étrangères. Ces accords et arrangements sont fondés sur la confiance accordée à ses homologues, compte tenu des similitudes qui existent entre leurs systèmes de certification et d’approbation. Toutefois, au cours de cette enquête, des différences ont été relevées entre l’interprétation de TC et celle de la Federal Aviation Administration des États-Unis des normes et des règlements connexes pour la certification des structures en matériau composite des giravions. En particulier, la FAA interprète les exigences de l’article 27.573 du Code of Federal Regulations, Part 27, Title 14, en ce qui concerne le chargement dynamique et les exigences en matière d’intervention de telle façon que l’essai de résistance à la fatigue tient déjà compte des effets dynamiques et que les évaluations de la charge dynamique peuvent donc être omises. Selon l’interprétation de TC, en revanche, les évaluations des charges dynamiques sont encore requises. Avant la présente enquête, TC n’était pas au courant de ces différences d’interprétation, et l’enquête n’a pas permis de déterminer la logique motivant l’interprétation effectuée par chaque organisation.

Fait établi quant aux risques

Il peut y avoir des différences dans l’interprétation des normes et des règlements entre les autorités de certification. Lorsque la certification étrangère est pleinement et automatiquement acceptée, il existe un risque que ces différences d’interprétation entraînent l’acceptation d’un produit étranger qui ne présente pas le même niveau de sécurité qu’un produit certifié au pays.

2.5 Surveillance médicale de Transports Canada Aviation civile

À l’aide d’une variété de calculateurs de risque et de tous les renseignements médicaux disponibles sur le pilote dans l’événement à l’étude, l’examen cardiologique indépendant réalisé dans le cadre de cette enquête a permis de déterminer que le risque réel du pilote d’être victime d’un événement cardiovasculaire incapacitant soudain, évalué chaque année, dépassait 5 % par an. Ce chiffre dépasse le seuil de 2 % fixé par TC et le seuil de 1 % recommandé par les cardiologues pour les opérations à un seul pilote.

Au cours des années et des mois qui ont précédé l’événement, le pilote dans l’événement à l’étude présentait un risque élevé de maladie cardiaque et d’événement cardiovasculaire majeur connexe, lequel aurait fort probablement été un arrêt cardiaque causé par une ischémie (athérosclérose). Selon les renseignements médicaux, jusqu’au mois de l’accident, le pilote était atteint d’obésité et d’hypertension et présentait des taux élevés de lipides sanguins, de glycémie et d’enzymes hépatiques. Les résultats de l’autopsie ont confirmé la présence d’une coronaropathie athéroscléreuse étendue aux 4 artères coronaires principales et d’une sténose importante (> 75 %) de celles-ci. Cette analyse a révélé que le pilote présentait bon nombre des indicateurs clés d’un événement cardiaque à haut risque. Dans l’événement à l’étude, le système d’évaluation de l’état de santé du pilote utilisé par TC n’a pas permis d’évaluer avec précision le niveau de risque présenté par le pilote.

Fait établi quant aux risques

Si les documents d’orientation de TC et le rapport d’examen médical de l’aviation civile n’exigent pas que le médecin examinateur de l’aviation civile (MEAC) effectue une évaluation cardiovasculaire globale, il existe un risque accru qu’un pilote présentant des facteurs de risque cardiovasculaire élevés soit victime d’une incapacité pendant qu’il exploite un aéronef, en conséquence d’un événement médical.

L’enquête a permis de déterminer que le pilote n’était pas franc avec ses MEAC au sujet de ses problèmes de santé faisant l’objet d’un suivi par son médecin de famille. De plus, le médecin de famille n’a pas signalé l’état de santé du pilote à TC, ce qui a contribué à la mauvaise compréhension de TC concernant l’état de santé de ce dernier. En vertu de la Loi sur l’aéronautique, les pilotes doivent divulguer honnêtement leur état de santé afin d’obtenir un certificat médical d’aviation valide de TC, et les médecins doivent signaler à TC tout problème médical qui est susceptible de constituer un danger pour l’aviation.

Fait établi quant aux risques

Si les pilotes ne déclarent pas tous leurs problèmes de santé aux MEAC de TC ou si les médecins de famille des pilotes ne déclarent pas tous les problèmes connus à TC, il existe un risque accru que les pilotes exploitent des aéronefs malgré le diagnostic de problèmes médicaux qui pourraient avoir une incidence sur la sécurité des vols.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

  1. Un événement indéterminé s’est produit alors que l’hélicoptère était en vol de croisière; par conséquent, le pilote a fait demi-tour et a amorcé une descente correspondant à une autorotation.
  2. À un moment donné pendant le vol, les pales du rotor principal se sont déformées. Même si des signes de fatigue étaient présents après l’événement, il n’a pas été possible de déterminer la mesure dans laquelle cette fatigue a contribué à la déformation.
  3. Dans les derniers instants du vol, probablement en raison de la déformation des pales, le régime du rotor principal a diminué au point de ne plus pouvoir soutenir le vol en autorotation, et l’hélicoptère est tombé verticalement et a percuté le sol.

3.2 Faits établis quant aux risques

Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

  1. Si les procédures de maintenance ne comprennent pas un examen approfondi de toutes les instructions et de tous les bulletins connexes, il y a un risque que l’aéronef soit remis en service et que celui-ci ne soit pas en état de navigabilité.
  2. Si la direction de l’entreprise s’écarte régulièrement des exigences réglementaires, il existe un risque accru qu’une faible culture de sécurité se développe et ait une incidence à l’échelle de l’organisation.
  3. Si un essai de résistance à la fatigue structurale ne comprend pas d’évaluations quantitatives et de dommages simulés d’étendues probables et à des emplacements critiques déterminés à partir d’une évaluation de la charge dynamique, les limites de navigabilité qui en résultent risquent de ne pas être suffisantes pour prévenir les défaillances ou les déformations excessives de la structure.
  4. Si les processus de fabrication des pales de rotor principal d’hélicoptère ne comprennent pas d’inspections internes visant à détecter les défauts ou de critères relatifs aux défauts admissibles, il existe un risque que les défauts qui nuisent à l’intégrité structurale ne soient pas repérés.
  5. Il peut y avoir des différences dans l’interprétation des normes et des règlements entre les autorités de certification. Lorsque la certification étrangère est pleinement et automatiquement acceptée, il existe un risque que ces différences d’interprétation entraînent l’acceptation d’un produit étranger qui ne présente pas le même niveau de sécurité qu’un produit certifié au pays.
  6. Si les documents d’orientation de Transports Canada et le rapport d’examen médical de l’aviation civile n’exigent pas que le médecin examinateur de l’aviation civile effectue une évaluation cardiovasculaire globale, il existe un risque accru qu’un pilote présentant des facteurs de risque cardiovasculaire élevés soit victime d’une incapacité pendant qu’il exploite un aéronef, en conséquence d’un événement médical prévisible.
  7. Si les pilotes ne déclarent pas tous leurs problèmes de santé aux médecins examinateurs de l’aviation civile de Transports Canada ou si les médecins de famille des pilotes ne déclarent pas tous les problèmes connus à Transports Canada, il existe un risque accru que les pilotes exploitent des aéronefs malgré le diagnostic de problèmes médicaux qui pourraient avoir une incidence sur la sécurité des vols.

3.3 Autres faits établis

Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

  1. Des examens approfondis du moteur et de ses circuits n’ont révélé aucune anomalie qui aurait pu empêcher le moteur de produire de la puissance. Il n’a pas été possible de déterminer la raison pour laquelle, au moment de l’impact, le moteur s’était éteint.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

Le Bureau n’est pas au courant de mesures de sécurité prises à la suite de l’événement à l’étude.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A –Résumé des dommages visuels aux pales du rotor principal

Emplacement sur la pale du rotor principal Pale du rotor principal dont le numéro de série est A084 Pale du rotor principal dont le numéro de série est A085
Revêtement supérieur Deux cassures en diagonale aux positions repères 60 et 75. Cassures en diagonale (45°) dont les fibres sont normales aux lignes de fracture, rompues sans signe de compression. Deux cassures partielles en diagonale se croisant pour former un V à la position repère 99 et une cassure partielle en diagonale plus petite à la position repère 117. Des cassures en diagonale (45°) dont les fibres sont normales aux lignes de fracture, rompues sans signe de compression.
Longeron supérieur Essentiellement une délamination (rupture intralaminaire) entre les faisceaux de fibres. Une délamination (rupture intralaminaire) entre les faisceaux de fibres. Une rupture translaminaire est également apparente à la position repère 102.
Revêtement inférieur Essentiellement une rupture translaminaire avec une ligne de fracture à un angle d’environ 13° par rapport au sens de la corde à la position repère 60. Une rupture interlaminaire localisée située au bord de fuite a également été relevée. Essentiellement une rupture translaminaire avec une ligne de fracture à un angle d’environ 14° par rapport au sens de la corde à la position repère 117.
Longeron inférieur Essentiellement une rupture translaminaire avec une ligne de fracture dans le sens de la corde à la position repère 60. Essentiellement une rupture translaminaire avec une ligne de fracture dans le sens de la corde à la position repère 102. Une rupture partielle était également manifeste à la position repère 113.
Joint de liaison du bord de fuite Une rupture du joint de liaison entre le revêtement inférieur et la bande de bord de fuite sur 8 pieds. Une rupture du joint de liaison entre le revêtement supérieur et la bande de bord de fuite sur 9 pieds.
Liaison entre les revêtements et le centre Un ensemble de marques concentriques (lignes d’arrêt de rupture), indiquant que la rupture a progressé de l’intérieur vers l’extérieur et du bord de fuite vers le bord d’attaque. Un ensemble de marques concentriques (lignes d’arrêt de rupture), indiquant que la rupture a progressé de l’intérieur vers l’extérieur et du bord de fuite vers le bord d’attaque.
Bord de fuite Aucun signe de compression du bord de fuite dans le sens longitudinal n’a été constaté. Aucun signe de compression du bord de fuite dans le sens longitudinal n’a été constaté.
Remarques La surface de rupture du joint de liaison de bande entre le revêtement inférieur et la bande de bord de fuite comporte une section présentant un aspect terne, une décoloration et des signes de frottement. Elle est située juste à l’extérieur de la ligne de rupture principale à la position repère 60. Une section de bande de bord de fuite s’était complètement séparée de la pale et présentait un délaminage multicouche. Les ruptures dans le sens de la corde dans la section du rotor n’ont pas été examinées en détail en raison des dommages causés par l’incendie qui a suivi l’impact.

Annexe B – Tracé des données de vol

Annexe B – Tracé des données de vol
Tracé des données de vol