Perte de la roue avant à l’atterrissage
Air Georgian Ltd.
Beechcraft 1900D (C-GZGA)
Aéroport international de Calgary (Alberta)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Déroulement du vol
Le 9 avril 2018, à 19 h 10Note de bas de page 1, l’aéronef Beechcraft 1900D d’Air Georgian Ltd. (immatriculation C-GZGA, numéro de série UE-306) effectuant le vol 7228 (GGN7228) a quitté l'aéroport international de Cranbrook/Canadian Rockies (CYXC; Colombie-Britannique) à destination de l'aéroport international de Calgary (CYYC; Alberta) avec 2 membres d'équipage et 8 passagers à son bord. Le commandant de bord, qui occupait le siège gauche, était le pilote aux commandes, et le premier officier, qui occupait le siège droit, était le pilote surveillant.
Pendant la circulation au sol, l'équipage a entendu un bruit inhabituel provenant de la cellule de l'aéronef. Le commandant de bord, croyant qu'il y avait peut-être eu accumulation de glace sur les freins du train d'atterrissage principal, a activé le système de dégivrage des freins. Il a éteint ce système après avoir constaté que la température extérieure était de 10 °C. À ce moment, l'aéronef avait remonté la piste 16, et le bruit a cessé lorsque l'aéronef a fait demi-tour. Comme le bruit avait cessé, le commandant de bord et le premier officier croyaient que le problème était réglé, et ils ont effectué un décollage normal sur la piste 16.
Pendant la montée de l'appareil jusqu'à 15 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL), le commandant de bord a remarqué que le voyant de déplacement du train d'atterrissage était allumé. Il a obtenu l'autorisation du contrôleur de la circulation aérienne de se mettre en palier à 17 000 pieds ASL et a réduit la vitesse de l'aéronef pour permettre l'utilisation du train d'atterrissage. Il a commandé la sortie du train d'atterrissage, et les 3 voyants verts indiquant que le train d'atterrissage était sorti et verrouillé se sont allumés. Le commandant de bord a ensuite sélectionné la position rentrée du train d’atterrissage.
Un son inhabituel s'est produit pendant la rentrée du train d'atterrissage. Tous les voyants du train d'atterrissage se sont éteints, ce qui indiquait que le train d'atterrissage était rentré et verrouillé.
Le vol s'est poursuivi vers CYYC, et l'équipage a suivi la route d'arrivée VESGA FOUR ARR vers la piste 17R. L'équipage a discuté d'un possible problème de train d'atterrissage et a prévu un atterrissage le plus en douceur possible. L'aéronef s'est posé à environ 3000 pieds au-delà du seuil de la piste, juste avant l'intersection avec la piste 11/29. Le train principal a touché le sol en douceur, mais un shimmy s'est immédiatement fait sentir lorsque la roue avant a touché le sol. L'angle de tangage de l'aéronef a ensuite diminué lorsque la roue avant s'est séparée du train avant. Un grincement s'est produit, et le contrôleur de la tour a informé l'équipage que des étincelles provenaient de l'avant de l'aéronef.
L'équipage a déclaré une situation d'urgence. Lorsque l'aéronef s'est immobilisé sur la piste, les passagers ont été évacués par la porte principale de la cabine, puis une navette de l'aéroport les a transportés jusqu'à l'aérogare. Il n'y a eu ni blessure ni incendie. La radiobalise de repérage d'urgence ne s'est pas déclenchée.
Répartition des pièces de l'aéronef
Le jour suivant l'événement à l'étude, l'administration de CYXC a trouvé des débris de roulements de roue sur la piste 16. À CYYC, on a trouvé la roue avant dans l'herbe à la droite de la piste 17R, et du personnel d'entretien a trouvé des débris de roulements de la roue avant sur la piste. L'écrou d'essieu, la rondelle-frein, la rondelle et la goupille fendue de l'essieu (figure 1) ne se sont pas séparés de l'essieu.
Dommages à l'aéronef
La partie inférieure du train d'atterrissage avant de l'aéronef a subi des dommages. L'ouverture du logement du train d'atterrissage avant a été endommagée parce qu'elle est entrée en contact avec la roue avant déplacée pendant les cycles de rentrée. Le côté tige de manœuvre du logement de roulement de la demi-roue avant était complètement alésé, ce qui a permis à la roue de glisser par-dessus les pièces de fixation. Après la séparation de la roue avant de son essieu, l'aéronef a glissé sur une distance d'environ 1200 pieds sur la piste 17R et y a laissé une marque. L'essieu et le talon de la pièce coulée inférieure du train d'atterrissage avant ont subi un meulage qui a éliminé la moitié de leur diamètre normal (figure 2).
Conditions météorologiques
À 19 h, le bulletin météorologique pour CYYC faisait état des conditions suivantes : visibilité de 10 milles, nuages épars à 10 000 pieds ASL, nuages fragmentés à 28 000 pieds ASL, température de 5 °C, point de rosée de −3 °C. Le calage altimétrique était stable à 29,98 inHg. Les conditions météorologiques n'ont pas contribué à l'événement à l'étude.
Normes de l'industrie liées à l'entretien des roulements
Selon une pratique acceptée au sein de l'industrie de l'entretien d'aéronefs, il faut nettoyer des roulements en service à l'aide d'un solvant acceptable, puis les assécher avant qu'ils soient inspectés et graissés. Cela permet de soumettre les roulements à une inspection approfondie et précise qui permet de déterminer s'ils peuvent demeurer en service ou non. Dans différents manuels techniquesNote de bas de page 2Note de bas de page 3, on décrit des procédures semblables d'inspection des roues, y compris le nettoyage, l'inspection et le graissage des roulements.
Plus précisément, le manuel utilisé par l'établissement de formation qu'a fréquenté le technicien en entretien d'aéronef ayant effectué l'entretien de l'aéronef en cause dans l'événement à l'étude comprend la mention suivante [traduction] :
Note de bas de page 4Pour que le technicien d'entretien d'aéronef puisse déterminer si un roulement est en bon état ou non, le roulement et le cône doivent être à la fois propres et secs. Après s'être assuré que le roulement est en bon état, il peut le lubrifier avec la graisse appropriée.
Intervalle d'entretien des roulements
En ce qui concerne les intervalles de graissage des roulements de roue, le manuel d'entretien de l'aéronef Beechcraft 1900D comporte la mention suivante [traduction] :
Note de bas de page 5Le formulaire de demande de travaux supplémentaires -017 d'Air Georgian (MPM-AWR-017)Note de bas de page 6 fournit des instructions détaillées pour le nettoyage, l'inspection et l'entretien des roulements de la roue avant. Ce formulaire publié en 2012 faisait passer de 200 heures à 600 heures l'intervalle pour l'entretien des roulements de la roue avant. L'enquête n'a pas permis de trouver de la documentation liée à cette augmentation de 200 % de l'intervalle d'inspection. L'enquête n'a pas permis de trouver d'indication que l'organisme de réglementation avait approuvé cette augmentation, comme l'exigeait le calendrier de maintenance des gros aéronefs approuvé par Air GeorgianNote de bas de page 7.
Historique d'entretien des roulements de la roue avant de l'aéronef en cause dans l'événement à l'étude
La roue avant se compose de 2 demi-roues en aluminium et d'un pneu. Lorsque l'ensemble est démonté pour le remplacement d'un pneu et l'entretien des roulements, on effectue un essai non destructif et on inspecte les pièces pour déceler toute encoche ou fissure qui pourrait compromettre le fonctionnement de la demi-roue. On a effectué le dernier remplacement du pneu et la dernière inspection des demi-roues avant de l'aéronef en cause 680 heures avant l'événement à l'étude. Cette inspection avait permis de constater que l'une des demi-roues devait être remplacée, ce qui avait été fait. Les dossiers d'entretien indiquaient que le démontage, l'inspection et l'entretien des roulements avaient été effectués conformément au manuel d'entretien de l'aéronef.
Air Georgian a effectué l'entretien des roulements de la roue avant de l'aéronef en cause à son atelier de CYYC 81,5 heures avant l'événement à l'étude. L'enquête a permis de constater qu'on a signé le formulaire MPM-AWR-017 pendant cet entretien, mais que la procédure utilisée n'était pas conforme aux instructions figurant sur le formulaire. On a fait sortir la vieille graisse en ajoutant de la nouvelle graisse, et les roulements n'ont pas fait l'objet d'un nettoyage ou d'une inspection approfondie. On a inspecté la vieille graisse pour déceler toute contamination. On a fait pivoter les roulements pour en vérifier la liberté de mouvement, puis on les a installés. L'enquête a permis de constater que, même si la procédure de l'entreprise tenait compte des exigences du fabricant de l'aéronef, le technicien d'entretien d'aéronef qui a effectué les travaux sur l'aéronef en cause dans l'événement à l'étude a modifié l'un des éléments de cette procédure.
Principal message de sécurité
Comme le démontre l'événement à l'étude, si les instructions précises concernant les activités d'entretien ne sont pas suivies, il peut en résulter la défaillance d'un composant, ce qui expose l'équipage et les passagers à des dangers supplémentaires.
Mesures de sécurité prises
Air Georgian a pris les mesures suivantes à la suite de l'événement à l'étude :
- On a modifié la fiche de travail pour qu'elle comprenne des directives plus claires et des remarques supplémentaires concernant la méthode de nettoyage des roulements.
- On a émis un bulletin technique d'entretien général (destiné à tout le personnel d'entretien) définissant les pratiques exemplaires en matière de nettoyage, d'inspection et de graissage. Ce bulletin devait être affiché pendant 6 mois, et tous les employés d'entretien devaient le signer après l'avoir lu.
- Le technicien d'entretien d'aéronef qui a effectué les travaux sur l'aéronef en cause dans l'événement à l'étude a reçu de l'encadrement sur la bonne procédure à suivre.
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .