Incursion sur piste
NAV CANADA
Tour de contrôle de Calgary
Aéroport international de Calgary (Alberta)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Un aéronef Airbus A320-200 (immatriculation C-FDQV, numéro de série 068) d'Air Canada effectuait le vol 221 (ACA221), de l'aéroport international de Calgary (Alberta) à l'aéroport international de Vancouver (Colombie-Britannique), et avait été autorisé à décoller de la piste 29. À 16 h 49, heure normale des Rocheuses, tandis que la noirceur approchait au crépuscule, l'Airbus était en accélération à une vitesse indiquée de 100 nœuds lorsque l'équipage de conduite a vu un aéronef Swearingen SA226-TC (immatriculation C-FGEW, numéro de série TC347) de Sunwest Aviation qui traversait la piste 29 du sud au nord à l'intersection de la voie de circulation A. Le C-FGEW avait été autorisé à traverser la piste 29 par le contrôleur sol. Comme le C-FGEW avait déjà franchi plus de la moitié de la piste 29 lorsque le contact visuel a été établi par l'équipage de conduite de l'ACA221, celui-ci a décidé de poursuivre le décollage, qui a eu lieu sans autre incident.
Renseignements de base
Chronologie des faits
Durant les heures de clarté, le vendredi 2 décembre 2016, les pistes en service Note de bas de page 1 à l'aéroport international de Calgary (CYYC) (Alberta) étaient des pistes parallèles : 17L (gauche) et 17R (droite); 4 postes de contrôleur étaient ouverts dans la tour de contrôle : tour ouest, tour est, aire de trafic/sol est et autorisations/sol ouest.
Le système d'affichage amélioré (EXCDS) est un système évolué de coordination entre les secteurs tour, terminal, aéroportuaire et en route. Il permet aux contrôleurs de gérer les données de vol électroniques en utilisant des affichages à écran tactile. L'EXCDS automatise l'échange de données de vol, éliminant la nécessité de fiches en papier, réduisant les communications vocales et minimisant le temps passé tête baissée. L'EXCDS affiche également les conditions actuelles de l'aéroport (par exemple, vent, calage altimétrique, portée visuelle de piste, intensité des feux de piste et pistes en service). L'utilisation de l'EXCDS à Calgary a pratiquement éliminé l'usage du papier : les fiches en papier ne servent que de système de secours, et la plupart des tâches de coordination sont automatisées. L'EXCDS recueille également des données à des fins statistiques et de facturation. Une fiche de progression de vol EXCDS peut suivre plus de 110 éléments de données distincts (par exemple, heure de départ, type d'aéronef, destination et poste de stationnement).
À 16 h Note de bas de page 2, la tour de contrôle a reçu des données météorologiques à jour qui indiquaient une augmentation de la vitesse du vent accompagnée d'un changement de direction. Cette évolution des conditions rendait nécessaire un changement des pistes en service. Le personnel de la tour de contrôle a donc entrepris de mettre plutôt en service la piste 29. Par conséquent, les derniers aéronefs qui avaient reçu la consigne d'atterrir sur les pistes 17L et 17R ont été autorisés à poursuivre l'approche et l'atterrissage sur ces pistes, tandis que les aéronefs au départ étaient autorisés à rouler au sol jusqu'à la piste 29.
Ce changement de pistes en service a obligé à regrouper des fonctions de contrôleur, de sorte que :
- le contrôleur tour ouest a assumé les fonctions regroupées de contrôleur tour (est et ouest);
- le contrôleur tour est a assumé les fonctions regroupées de contrôleur d'aire de trafic et des autorisations;
- le contrôleur d'aire de trafic/sol est (contrôleur en cause dans l'événement à l'étude) a assumé les fonctions regroupées de contrôleur sol (est et ouest);
- le contrôleur des autorisations/sol ouest s'est retiré pour agir comme superviseur de l'équipe.
À 16 h 39 min 58 s, le système d'affichage amélioré (EXCDS) a indiqué que le contrôleur sol est/ouest transférait le contrôle de la piste 11/29 au contrôleur tour est/ouest. Le premier aéronef a quitté la piste 29 peu après, à 16 h 40 min 12 s. À 16 h 40 min 30 s, l'EXCDS indiquait le regroupement du contrôle sol est et ouest; à 16 h 40 min 35 s, le contrôleur de l'aire de trafic/sol est, est passé de ce poste au poste sol ouest pour assumer les fonctions regroupées du contrôle sol (est et ouest).
La figure 1 et le tableau 1 montrent les lieux où se sont produits les événements entourant l'incursion sur piste, et en donnent l'heure et la description.
Lieu | Heure | Événement |
---|---|---|
1 | 1643:48 | L'ACA221 a quitté la porte d'embarquement et a été autorisé à rouler au sol sur les voies de circulation G et F pour aller attendre à l'écart de la piste 29. |
1 | 1647:45 | Un CRJ900 a atterri sur la piste 29. |
2 | 1648:02 | Le C-FGEW, en position sur l'aire de trafic 7, a appelé le contrôleur sol est/ouest pour obtenir des instructions de roulage vers le hangar de Sunwest Aviation situé dans le secteur des hangars nord-ouest. Il a reçu l'ordre de rouler sur les voies de circulation W et A, pour aller attendre à l'écart de la piste 29, ce qu'il a fait. |
3 | 1648:32 | En roulant sur la voie de circulation F, l'ACA221 a communiqué avec le contrôleur tour est/ouest. |
4 | 1648:39 | Le contrôleur tour est/ouest a demandé si l'ACA221 était prêt pour un départ immédiat. L'ACA221 ayant répondu que oui, on lui a dit de continuer de rouler en vue du décollage. L'ACA221 a alors été autorisé à décoller sur la piste 29. |
4 | 1648:49 | Le CRJ900 qui avait atterri plus tôt a quitté la piste par la voie de sortie rapide J2, puis a communiqué avec le contrôleur sol est/ouest pour obtenir des instructions de roulage. Il a reçu instruction de rouler sur la voie de circulation J, de traverser la piste 35L, puis de prendre la voie de circulation JT jusqu'à l'aire de trafic principale. |
4 | 1649:02 | Le contrôleur sol est/ouest a mis à jour l'entrée de données de vol (FDE) pour le CRJ900 dans l'EXCDS pour y inclure l'information de roulage et de porte. |
5 | 1649:12 | Le contrôleur sol est/ouest a mis à jour la FDE du C-FGEW dans l'EXCDS pour qu'elle fasse état de l'instruction d'attendre à l'écart de la piste 29. Le contrôleur sol est/ouest a ensuite informé le C-FGEW qu'il était autorisé à traverser la piste 29. |
5 | 1649:19 | Le contrôleur sol est/ouest a mis à jour la FDE dans l'EXCDS pour faire état de la limite d'autorisation du C-FGEW, soit l'intersection des voies de circulation A et J, et pour s'assurer qu'il n'y aurait pas de conflit avec le CRJ900 qui venait d'atterrir et roulait sur la voie de circulation J en direction de la porte, ce qui l'amènerait à traverser la voie de circulation A. |
6 | 1649:34 | Le C-FGEW a franchi la ligne d'attente à l'écart sud de la piste 29 sur la voie de circulation A. |
7 | 1649:46 | Le C-FGEW a franchi l'axe de la piste 29. |
8 | 1649:57 | Le C-FGEW a franchi la ligne d'attente à l'écart nord de la piste 29 sur la voie de circulation A. |
9 | 1650 | L'ACA221, qui décollait de la piste 29, a croisé la voie de circulation A en vol, à une vitesse sol d'environ 136 nœuds. |
Entre le moment où le contrôleur tour est/ouest a pris le contrôle de la piste 29 (16 h 39 min 58 s) et le départ de l'ACA221, il y a eu 2 départs et 2 arrivées sur la piste 29. Le départ de l'ACA221 était le cinquième mouvement sur la piste 29 depuis qu'elle était la piste en service.
Renseignements sur le personnel
Tous les contrôleurs de la circulation aérienne possédaient les licences et les qualifications nécessaires aux opérations dans la tour de contrôle, conformément à la réglementation en vigueur.
Contrôleur sol est/ouest | Contrôleur tour est/ouest | |
Licence | Contrôleur de la circulation aérienne | Contrôleur de la circulation aérienne |
Date d'expiration du certificat médical | 1er octobre 2017 | 1er mai 2017 |
Nombre d'années d'expérience comme contrôleur | 15 | 10 |
Nombre d'années d'expérience dans la présente unité | 11 | 5 |
Heures de service avant l'événement à l'étude | 4 | 4 |
Heures de congé avant la période de travail | 14 | 38 |
Horaire de travail du contrôleur sol est/ouest
Le contrôleur sol est/ouest en était à son deuxième quart de soir consécutif au moment de l'événement. L'analyse de l'horaire de travail du contrôleur sol est/ouest effectuée dans le cadre de l'enquête a permis de conclure que la fatigue n'était pas un facteur dans cet événement.
Renseignements météorologiques
Le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) de CYYC à 16 h donnait les indications suivantes :
- vents soufflant à 270° vrai (V) à 17 nœuds avec rafales atteignant 26 nœuds;
- visibilité de 40 milles terrestres;
- quelques nuages à 6000 pieds, plafond de nuages fragmentés à 9000 pieds et une autre couche de nuages fragmentés à 20 000 pieds;
- température de 4°C et point de rosée de −7°C.
Selon le Conseil national de recherches du Canada, le 2 décembre 2016, le soleil s'est couché à 16 h 32 et le crépuscule civil a pris fin à 17 h 11 Note de bas de page 3. Les enquêteurs ont noté que l'événement a eu lieu alors que la lumière déclinait. Les feux de bord de piste, de bord de voie de circulation et de panneaux indicateurs de l'aéroport étaient allumés, de même que l'éclairage artificiel de l'aéroport et de la ville.
Sauf pour la visibilité réduite attribuable au crépuscule, les conditions météorologiques ne sont pas considérées comme un facteur dans cet événement.
Renseignements sur l'aérodrome
Aéroport international de Calgary
CYYC comprend 4 pistes (08/26, 11/29, 17R/35L et 17L/35R), de nombreuses voies de circulation et 10 aires de trafic (annexe A). La construction de la piste parallèle nord/sud 17L/35R a été achevée en juin 2014.
En 2015, CYYC s'est classé au troisième rang des aéroports les plus achalandés au Canada selon le nombre annuel de mouvements d'aéronefs (248 900) Note de bas de page 4 et au quatrième rang selon le trafic de passagers (environ 15 millions) Note de bas de page 5.
Équipement de surveillance au sol
Radar de surveillance des mouvements de surface
CYYC est équipé d'un système perfectionné de guidage et de contrôle de la circulation de surface (A-SMGCS) de niveau 1, qui fournit au personnel de la tour de contrôle un affichage en temps réel du trafic d'aéronefs et de véhicules dans les aires de manœuvre de l'aéroport. Ce système est appelé « airport surface detection equipment » (ASDE), ou équipement aéroportuaire de détection de surface, dans le manuel d'exploitation d'unité de la tour de contrôle de Calgary (Calgary Control Tower Unit Operations Manual).
Système de multilatération
CYYC est également muni d'un système de multilatération (MLAT) pour la surveillance des mouvements de surface. Ce système utilise un réseau de capteurs au sol pour recevoir les signaux de transpondeurs montés dans les aéronefs et les véhicules; il assure ainsi une surveillance supplémentaire des mouvements au sol dans l'ensemble du terrain d'aviation Note de bas de page 6. Le système MLAT calcule la position d'un véhicule ou d'un aéronef en interrogeant son transpondeur depuis plusieurs antennes. Les données de MLAT sont combinées avec celles du radar de surveillance des mouvements de surface pour créer une image du trafic que voient les contrôleurs sur l'affichage ASDE Note de bas de page 7.
Selon le Calgary Control Tower Unit Operations Manual, tous les aéronefs sont censés laisser leur transpondeur en marche lors des manœuvres sur les aires de trafic, voies de circulation et pistes Note de bas de page 8. Les aéronefs qui n'ont pas reçu de code de transpondeur des services de la circulation aérienne doivent utiliser le code de transpondeur 1000. S'ils sont équipés d'un transpondeur en mode S Note de bas de page 9, leur immatriculation civile sera visible sur l'affichage ASDE.
Procédures pour les traversées de piste
Le Manuel des services de la circulation aérienne (MATS) de NAV CANADA indique ceci : « N'autorisez pas les aéronefs circulant au sol ni le trafic terrestre à manœuvrer sur une piste servant aux atterrissages et aux décollages à moins d'avoir coordonné avec le contrôleur d'aéroport Note de bas de page 10. » Le Calgary Control Tower Operations Manual tient compte de cette directive, indiquant parmi les responsabilités d'un contrôleur sol : [traduction] « coordonner l'accès aux pistes dont il n'est pas responsable avec le ou les contrôleurs tour Note de bas de page 11 ».
Fréquence d'utilisation de la piste 29
Depuis l'instauration de pistes parallèles à CYYC, la piste 29 est utilisée beaucoup moins souvent. Étant donné la capacité nettement accrue offerte par les pistes parallèles, la piste 29 n'est utilisée qu'en cas de forts vents de l'ouest et à des fins d'atténuation du bruit la nuit, mais elle sert surtout pour les opérations de nuit. À ce moment, il y a habituellement un seul contrôleur à la tour, qui est responsable de toutes les pistes; par conséquent, aucune coordination n'est nécessaire.
L'enquête a permis d'établir que le jour de l'événement à l'étude, le contrôleur sol est/ouest dirigeait les mouvements sur la piste 29 pour la troisième fois, en excluant les opérations de nuit, depuis le début des opérations sur pistes parallèles en juin 2014.
Coordination des responsabilités des pistes et des traversées de piste
L'EXCDS de la tour de contrôle de Calgary comprend un système d'indicateurs de responsabilité de piste (RJS) servant d'aide-mémoire pour savoir quand une piste relève du contrôleur sol ou du contrôleur tour. Ce RJS apparaît dans le haut de l'affichage de l'EXCDS, sous les données de vent et d'altimètre (figure 2). Chacune des 4 pistes de l'aéroport est représentée par un bouton dont la couleur indique qui en est responsable. Si le bouton est vert sur l'afficheur d'un contrôleur, c'est ce contrôleur qui est responsable de la piste; si le bouton est rouge, la piste relève d'un autre contrôleur.
Le transfert de responsabilité d'une piste s'effectue en 2 étapes. Après avoir coordonné verbalement l'échange avec son collègue, le contrôleur qui cède la responsabilité de la piste doit mettre à jour le RJS dans l'EXCDS. Pour des raisons de sécurité, le transfert de responsabilité d'une piste est un processus à sens unique dans l'EXCDS, c'est-à-dire que la responsabilité de la piste peut uniquement être cédée Note de bas de page 12.
Un contrôleur sol peut autoriser un aéronef ou un véhicule à traverser une piste sans coordination seulement s'il est responsable de cette piste (c.-à-d. si le RJS de cette piste est vert sur son affichage EXCDS). Par contre, si le contrôleur sol n'est pas responsable de la piste (auquel cas le RJS correspondant est rouge sur son affichage EXCDS), il lui faut coordonner avec le contrôleur responsable avant de donner l'autorisation de traverser la piste Note de bas de page 13.
Barres d'arrêt virtuelles
La configuration de l'ASDE comprend des barres d'arrêt virtuelles qui peuvent être affichées sur l'écran ASDE à l'endroit approximatif où se trouvent les lignes d'arrêt physiques sur les voies de circulation et les pistes. Lorsqu'un véhicule ou un aéronef se déplaçant vers la piste franchit une barre d'arrêt virtuelle activée, une alarme sonore se fait entendre aux postes de contrôleur tour et sol ouest, et une alerte visuelle s'allume en rouge à tous les postes ASDE. Ces signaux permettent au contrôleur de donner d'autres instructions aux équipages de conduite ou aux conducteurs de véhicule.
Rien n'indique aux équipages de conduite et aux conducteurs de véhicule la présence des barres d'arrêt virtuelles lorsqu'elles sont utilisées. L'alarme qui se déclenche n'est transmise qu'aux contrôleurs de la circulation aérienne.
À CYYC, c'est au contrôleur tour qu'il incombe de désactiver une barre d'arrêt virtuelle avant qu'un aéronef ou un véhicule la franchisse. Un clic sur la barre d'arrêt de l'affichage ASDE la désactive pendant 45 secondes. Les aéronefs qui ont atterri (ou se trouvent sur la piste), puis quittent la piste ne déclenchent pas d'alarme.
L'utilisation des barres d'arrêt virtuelles est obligatoire à CYYC lorsque la visibilité est réduite, et on peut les utiliser dans d'autres circonstances pour plus de sécurité. Au moment de l'événement, celles disponibles sur la voie de circulation A, à l'intersection de la piste 29, n'étaient pas allumées, et leur utilisation n'était pas exigée étant donné le niveau de visibilité.
Renseignements sur les organismes et sur la gestion
Système de gestion de la sécurité de NAV CANADA
Le Manuel du Système de gestion de la sécurité de NAV CANADA Note de bas de page 14 décrit divers processus préventifs et réactifs visant à améliorer la sécurité en cernant et en atténuant les risques dans le système de navigation aérienne. Parmi ceux-ci, le processus d'établissement des dangers et d'évaluation des risques, le processus d'enquête sur la sécurité de l'exploitation (OSI) et le programme de rapports confidentiels sur la sécurité ARGUS sont pertinents pour la présente enquête.
Gestion du changement – processus d'établissement des dangers et d'évaluation des risques
Sur la question de la gestion du changement, le Manuel SGS indique ceci :
Note de bas de page 15Le Manuel pour l'intégration des activités de gestion de la sécurité pour les changements aux aménagements, aux systèmes et à l'équipement opérationnels Note de bas de page 16 décrit les procédures précises à suivre pour la gestion du changement, y compris l'établissement des dangers et l'évaluation des risques.
Processus d'enquête sur la sécurité de l'exploitation
En ce qui concerne le processus OSI, le Manuel SGS indique ceci :
Enquête sur la sécurité de l'exploitation (OSI) ou enquête de l'unité (UI) : L'enquête relative aux événements d'aviation représente une exigence essentielle pour assurer l'intégrité du SNA. Les OSI et les UI visent à assurer les fonctions principales suivantes :
- constater et mettre par écrit des faits liés aux événements d'aviation;
- assurer que les circonstances entourant l'événement d'aviation ne sont pas oubliées, dissimulées ou ignorées;
- déterminer les résultats quant aux causes et aux facteurs contributifs, les résultats quant aux risques et les autres résultats. L'équipe d'enquête peut également formuler des recommandations afin de s'attaquer aux problème de sécurité possibles relevés durant l'enquête Note de bas de page 17.
Programme de rapports confidentiels sur la sécurité (ARGUS)
ARGUS est le programme de rapports confidentiels sur la sécurité de NAV CANADA. Il vise à renseigner rapidement les gestionnaires sur des lacunes perçues dans la gestion des risques et la sécurité des systèmes qui passeraient autrement inaperçues, et à leur suggérer des améliorations de la sécurité Note de bas de page 18.
Les rapports ARGUS sont remis confidentiellement au groupe Sécurité et qualité au siège social. Une lettre décrivant les problèmes de sécurité soulevés est transmise au groupe concerné, qui doit y répondre par écrit.
Instauration des pistes parallèles
En juin 2014, NAV CANADA et l'administration aéroportuaire, la Calgary Airport Authority, ont commencé à exploiter la nouvelle piste parallèle 17L/35R qui s'étend à l'est et au nord de la piste 17R/35L existante.
En prévision du début des opérations sur pistes parallèles à Calgary, NAV CANADA a mené 10 activités de détermination des dangers et évaluation des risques (DDER) avec divers intervenants, entre avril et juin 2014.
Ce processus a relevé 14 dangers en lien avec le changement. Dans chaque cas, des mesures d'atténuation ont été mises en place et un suivi a été fait à l'aide d'un registre des dangers. Aucun des dangers relevés n'était lié spécifiquement à la fréquence d'utilisation réduite de la piste 29 ou à son utilisation comme voie de circulation.
Parmi les dangers relevés, les éléments suivants pourraient être considérés comme ayant un lien avec l'événement à l'étude :
- Le nombre accru de traversées des pistes rendues nécessaires par cette nouvelle configuration de l'espace aérien (de sorte que des aéronefs dont le hangar se trouve du côté ouest de l'aéroport et qui décollent en direction de l'est devraient traverser la piste 17R/35L) : Les mesures visant à atténuer ce danger incluaient l'établissement d'un effectif minimal, de la formation à l'intention des contrôleurs et de la surveillance des opérations sur pistes parallèles à leurs débuts.
- Les possibilités réduites d'utilisation de configurations à pistes sécantes : Avant le début des opérations sur pistes parallèles, CYYC utilisait fréquemment l'exploitation en pistes sécantes (c.-à-d. permettant des atterrissages et des départs sur des pistes qui se croisent) pour augmenter la capacité. On avait souligné le risque que les contrôleurs deviennent moins habiles à gérer ce type d'exploitation après l'instauration des pistes parallèles. Pour atténuer ce risque, on a décidé d'éviter les configurations à pistes sécantes en limitant les heures d'utilisation des configurations d'atténuation du bruit, en utilisant des pistes différentes pour les arrivées et les départs et en augmentant l'espacement lors des opérations sur des pistes sécantes.
- Opérations inhabituelles : On a noté que les contrôleurs pourraient avoir à composer avec une configuration pour laquelle ils n'avaient pas été formés au cours des préparatifs à l'instauration des opérations sur pistes parallèles. Les mesures d'atténuation mises en place pour ce danger incluaient la coordination tactique des nouvelles configurations, des réunions de coordination plus fréquentes entre les intervenants et un effectif plus important dans les débuts de ce type d'opérations.
On estimait qu'une fois toutes les mesures d'atténuation en place, le niveau de risque associé à chacun des dangers relevés était faible.
Irrégularités d'exploitation de la piste 29
Outre l'événement à l'étude, il y a eu 4 irrégularités d'exploitation entraînant des incursions sur piste à CYYC depuis le début des opérations sur pistes parallèles.
Les 3 premières OSI menées par NAV CANADA citaient l'utilisation peu fréquente de la piste 29 comme facteur contributif. Un des rapports d'enquête faisait remarquer que les rappels disponibles de responsabilité des pistes ne suffisaient pas à contrer les habitudes établies. Une des mesures de sécurité prises consistait à relever systématiquement un contrôleur de ses fonctions pour analyser l'événement et s'assurer que sa capacité à retourner à ses tâches opérationnelles ne faisait pas de doute.
Le 24 septembre 2015, après la troisième des 4 incursions sur piste survenues avant l'événement à l'étude, NAV CANADA a reçu un rapport de sécurité confidentiel (par l'intermédiaire du système ARGUS) qui faisait état d'inquiétudes quant à la maîtrise des opérations sur la piste 29 par les contrôleurs. Dans sa réponse à ce rapport ARGUS, NAV CANADA faisait savoir que la direction locale et le comité d'exploitation de la tour de contrôle de Calgary envisageaient l'inclusion d'une simulation de la piste 11/29 dans la formation annuelle locale de recyclage. Cette réponse précisait également que le comité se penchait sur des signaux techniques et procéduraux qui pourraient être mis en œuvre pour les opérations sur la piste 11/29. Bien que le rapport ARGUS ait été fermé le 8 mars 2016, le groupe Sécurité et qualité a continué de faire un suivi de cette question dans le cadre d'enquêtes de sécurité internes à propos des incursions sur piste à CYYC.
La quatrième irrégularité d'exploitation de la piste 29 s'est produite en mars 2016, environ 6 mois après la réception du rapport ARGUS. L'OSI de NAV CANADA à propos de cet événement a encore une fois désigné l'utilisation peu fréquente de la piste 29 comme facteur contributif, ainsi que l'inefficacité de l'affichage du RJS comme aide-mémoire. Ce rapport d'OSI recommandait de prendre des mesures afin de trouver et d'évaluer des mesures de contrôle susceptibles de réduire la probabilité qu'un contrôleur oublie qui était responsable de la piste 29. Il concluait à la nécessité de modifier l'EXCDS afin que l'affichage du RJS ne soit pas masqué par des boîtes de dialogues contextuelles.
En réponse à ce rapport, la tour de contrôle de Calgary (ci-après appelée l'unité) a fait savoir que la dernière recommandation avait été mise en œuvre (c.-à-d. que l'EXCDS avait été modifié de manière que l'affichage du RJS demeure visible) et qu'elle étudiait les 2 autres recommandations de l'équipe d'enquête. Elle analysait d'abord la possibilité d'utiliser un poste « de surveillance » lors de l'utilisation de la piste 29, et elle s'efforçait également de déterminer la formule optimale de formation de recyclage qui pourrait être mise en place pour les opérations sur la piste 29.
Avant l'incursion sur piste du 2 décembre 2016, les mesures suivantes avaient été prises par NAV CANADA pour réduire le risque que les contrôleurs oublient que la piste 29 était en cours d'utilisation, le cas échéant :
- Puisque la plupart de ces irrégularités d'exploitation étaient survenues dans la matinée, au moment où le trafic augmentait, l'horaire des procédures a été modifié de manière que l'utilisation de la piste 29 à des fins d'atténuation du bruit se termine à la même heure les fins de semaine et la semaine.
- L'EXCDS a été modifié de manière que l'affichage de l'aide-mémoire RJS ne soit pas masqué par des boîtes de dialogue utilisées par le contrôleur pour la saisie de données.
- Depuis novembre 2016, tous les plans d'action résultant d'enquêtes sur la sécurité doivent avoir une date de mise en œuvre, et tout changement apporté à un plan ou à ses dates fait l'objet d'un suivi par le groupe Sécurité et qualité.
Transports Canada
En mars 2016, Transports Canada a mené une inspection des processus d'enquête prévus par le SGS de NAV CANADA et a analysé les rapports d'enquête de ce système. Il en a résulté l'obligation pour NAV CANADA de mener une OSI même pour les incidents sur lesquels le BST enquêtait.
Erreurs d'inattention
L'intrusion d'une habitude bien ancrée est une forme fréquente de distraction dans laquelle une séquence d'actions prévue est supplantée par un automatisme bien rodé. Le résultat de ce type d'erreur est qu'une séquence d'actions normale ou habituelle est exécutée au lieu de celle souhaitée.
Une erreur due à l'intrusion d'un automatisme peut survenir quand les conditions suivantes sont réunies Note de bas de page 19 :
- l'exécution de tâches routinières dans un environnement familier;
- une intention de s'écarter de la routine;
- l'existence d'un schéma bien ancré représentant les façons de faire habituelles.
Ce type d'erreur se produit souvent lorsqu'un sujet de préoccupation interne ou une source de distraction externe amène à négliger d'effectuer un contrôle de vigilance au moment approprié. Ce contrôle aurait permis de s'écarter du sentier bien battu et de privilégier la séquence d'actions souhaitée, mais sinon, [traduction] « la maîtrise des actions est supplantée par la séquence la mieux ancrée à partir de ce point particulier dans la séquence Note de bas de page 20 ».
Les efforts visant à prévenir ces types d'erreurs se concentrent habituellement sur la modification de procédures ou d'équipement afin de fournir de meilleurs signaux quant aux tâches à effectuer. [traduction] « Étant donné la fréquence des erreurs d'inattention, on peut prendre soin de rappeler aux utilisateurs les étapes dont on sait qu'elles sont particulièrement susceptibles d'être oubliées Note de bas de page 21. » L'utilisation de listes de contrôle et d'aide-mémoire peut améliorer le rendement dans les tâches qui font appel à la mémoire prospective (capacité de se souvenir d'effectuer une action, par exemple, coordonner une traversée de piste) Note de bas de page 22.
Les aide-mémoire préviennent les erreurs liées aux connaissances, en corrigeant la tendance à privilégier des solutions familières mais inappropriées, en encourageant à effectuer les tâches dans le bon ordre et en incitant à effectuer au moment opportun des vérifications de l'état des tâches avant de passer à l'étape suivante Note de bas de page 23.
La formation peut aussi prévenir ces types d'erreurs. S'exercer à effectuer des procédures ou tâches rarement effectuées permet de renforcer le schéma peu utilisé qui guide leur exécution.
Les compétences (capacité d'effectuer des procédures spécifiques) se dégradent au fil du temps, particulièrement si elles ne sont pas activement utilisées. L'importance de la formation de recyclage nécessaire pour conserver une compétence et être en mesure de la mettre en œuvre efficacement dépend de multiples facteurs, notamment :
- Les possibilités de surapprentissage, c'est-à-dire des exercices additionnels qui aident à automatiser l'exécution de la tâche et réduisent le taux d'oubli. Les compétences utilisées régulièrement sont ainsi renforcées automatiquement, mais celles qui sont peu utilisées nécessitent des exercices supplémentaires et plus fréquents.
- Le type de compétence en cause. Les aptitudes perceptivo-motrices se dégradent moins au fil du temps que les aptitudes opératoires, qui nécessitent un renforcement plus fréquent Note de bas de page 24.
Il faut par conséquent renforcer fréquemment les aptitudes opératoires rarement utilisées, comme celles en cause dans la coordination des opérations sur la piste 29 à CYYC, pour qu'elles soient conservées et bien maîtrisées.
Liste de surveillance du BST
Le risque de collision sur les pistes restera sur la Liste de surveillance du BST jusqu'à ce que :
- de nouveaux moyens de protection technologiques soient mis en place dans les grands aéroports du Canada pour réduire le nombre d'incursions importantes sur les pistes;
- le nombre total d'incursions sur piste baisse.
La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu'il faut s'employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.
Le risque de collision sur les pistes figure sur la Liste de surveillance 2016. Aux aéroports, les aéronefs et les véhicules doivent se déplacer entre les aires de trafic, les voies de circulation et les pistes. Parfois, des aéronefs ou des véhicules se trouvent par erreur sur une aire de décollage ou d'atterrissage en service, ce qui engendre des conflits entre aéronefs, ou entre aéronefs et véhicules. Ces conflits se nomment des incursions sur piste. Compte tenu des millions de décollages et d'atterrissages chaque année Note de bas de page 25, les incursions sont rares; par contre, leurs conséquences peuvent être catastrophiques.
Les incursions sur piste figurent depuis 2010 sur la Liste de surveillance du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST), et le BST estime que leur nombre total est encore beaucoup trop élevé. Le nombre des incursions sur piste graves est particulièrement préoccupant au Canada Note de bas de page 26 – des incursions au cours desquelles la collision a été évitée de justesse ou qui présentaient un important risque de collision. L'événement à l'étude serait une incursion de piste de catégorie B.
De 2011 à 2015, les aéroports canadiens ont enregistré 2041 Note de bas de page 27 incursions sur piste, dont 27 incursions sur piste graves (tableau 3).
Année | Total des incursions sur piste | Incursions sur piste graves |
---|---|---|
2011 | 386 | 10 |
2012 | 355 | 3 |
2013 | 422 | 5 |
2014 | 462 | 3 |
2015 | 416 | 6 |
2016 | 411 | 21 |
Plusieurs enquêtes récentes du BST ont révélé un risque de collision sur les pistes Note de bas de page 28, et le Bureau demeure préoccupé par le fait que les incursions graves persisteront jusqu'à ce que de meilleurs mécanismes de protection soient mis en place.
Dans son rapport d'enquête aéronautique A07O0305 à propos d'une incursion sur piste à l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto, le BST se disait préoccupé du fait que :
Les États-Unis mettent actuellement à l'essai des systèmes automatisés qui ne requièrent pas l'intervention du contrôleur ou du pilote pour assurer la sécurité des pistes. Toutefois, une augmentation récente des incursions les plus graves dans les aéroports américains a poussé le National Transportation Safety Board (NTSB) à lancer une enquête spéciale pour cerner certains des effets et causes les plus fondamentaux de ces incursions.
Les intervenants du secteur et les organismes de réglementation prennent des mesures utiles pour communiquer des données et autres renseignements visant à améliorer les procédures aéroportuaires locales, mais rares sont les moyens de protection technologiques à avoir été envisagés ou mis en œuvre au Canada pour signaler les conflits sur piste aux équipages de conduite et aux conducteurs de véhicules. Transports Canada, NAV CANADA, les autorités aéroportuaires et les intervenants du secteur doivent manifester davantage de leadership pour tirer pleinement parti des technologies afin d'assurer la sécurité des pistes.
Analyse
L'incursion sur piste s'est produite après que le contrôleur sol est/ouest eut autorisé le C-FGEW à traverser la piste 29 sans coordonner sa décision avec le contrôleur tour est/ouest. L'analyse va donc porter principalement sur les facteurs sous-jacents de cette incursion et sur l'adéquation des mécanismes de défense mis en place pour prévenir ce type d'événement.
Les équipages de conduite en cause ne pouvaient pas voir l'autre aéronef pendant les manœuvres effectuées en réponse aux autorisations et aux instructions données par les contrôleurs, pour les raisons suivantes :
- conditions d'éclairage du crépuscule;
- position relative des 2 aéronefs et distance entre eux au moment où les autorisations ont été données de traverser la piste 29 et d'en décoller;
- effet de masque des feux de position de chaque aéronef dans des conditions où les feux de bord de piste et de bord de voie de circulation se confondaient à l'éclairage artificiel de l'aéroport et de la ville.
Instruction de traverser la piste 29
Le contrôleur sol est/ouest savait que le contrôleur tour était responsable de la piste 29 et que des arrivées et départs avaient lieu sur cette piste. Dans les 15 minutes précédant l'événement à l'étude, le contrôleur sol est/ouest avait reçu un exposé de transfert de responsabilité des postes, effectué en raison du changement de configuration des pistes. Le contrôleur sol est/ouest avait donné à l'ACA221 des instructions de roulage jusqu'à la piste 29; il avait aussi donné des instructions de roulage à 2 autres aéronefs qui avaient atterri sur la piste 29.
Le contrôleur sol est/ouest avait l'intention de coordonner avec le contrôleur tour est/ouest avant d'autoriser le C-FGEW à traverser la piste 29. Cependant, lorsque le C-FGEW s'est approché de la piste 29, le contrôleur sol est/ouest lui a automatiquement donné l'instruction de traverser sans coordonner avec le contrôleur tour est/ouest.
Depuis l'instauration des opérations sur pistes parallèles, la piste 29 était peu utilisée durant le jour. Elle est habituellement la responsabilité des contrôleurs sol, et les aéronefs la traversent fréquemment. Les contrôleurs ont donc acquis une habitude bien ancrée d'autoriser automatiquement les aéronefs à la traverser sans coordination préalable. En outre, peu avant que le contrôleur sol est/ouest autorise le C-FGEW à traverser la piste 29, son attention était accaparée par la nécessité d'éviter un conflit entre le C-FGEW et le CRJ900 à l'intersection des voies de circulation A et J.
Tous les facteurs de risque d'erreur due à l'intrusion d'une habitude bien ancrée étaient présents. Le contrôleur effectuait une tâche routinière dans un environnement familier; il avait l'intention de s'écarter de la routine et, pour ce faire, il devait surmonter un automatisme Note de bas de page 29. De plus, son attention était concentrée sur un autre aspect de la tâche au moment où un contrôle de vigilance aurait été de mise. L'intrusion d'une habitude bien ancrée a amené le contrôleur sol est/ouest à s'en remettre à son habitude routinière d'autoriser l'aéronef à traverser la piste 29 sans coordination préalable avec le contrôleur tour est/ouest.
Bien que ce type d'erreur soit courant, il est également prévisible et peut être prévenu. Les mesures d'atténuation possibles comprennent des aide-mémoire faisant en sorte que les contrôles de vigilance soient effectués au moment approprié et une formation renforçant les schémas peu employés, au moyen d'exercices.
La nécessité de coordonner
Les contrôleurs avaient peu d'occasions de travailler dans une configuration où une coordination préalable était nécessaire pour qu'un aéronef puisse traverser la piste 29. Depuis l'instauration des pistes parallèles, les opérations sur la piste 29 avaient principalement eu lieu la nuit (quand les contrôleurs sol et tour assument des fonctions regroupées, de sorte qu'aucune coordination n'est nécessaire) ou lorsque les vents d'ouest étaient forts. Par conséquent, il y avait peu d'occasions d'entretenir la maîtrise des opérations sur la piste 29 durant le jour, et aucune simulation ou formation n'était offerte pour s'y exercer. En raison de l'utilisation peu fréquente de la piste 29 pendant le jour et de l'absence de scénarios de formation pertinents ou de simulations des opérations sur la piste 29, les contrôleurs étaient rarement exposés à des situations où la nécessité d'une coordination préalable à la traversée de la piste 29 était renforcée.
Système d'affichage amélioré
Un aide-mémoire permettait aux contrôleurs de vérifier qui était responsable d'une piste avant d'autoriser un aéronef à y circuler. Le système d'indicateurs de responsabilité de piste (RJS) était composé de 4 indicateurs (un pour chaque piste) situés dans le haut de l'écran du système d'affichage amélioré (EXCDS). Ces indicateurs étaient verts pour les pistes dont le contrôleur était responsable et rouges pour celles qui relevaient d'un autre contrôleur. Des enquêtes à propos d'incursions sur piste similaires survenues antérieurement avaient déterminé que le RJS était inefficace en tant que rappel de la nécessité d'effectuer une coordination puisqu'il était toujours présent et n'attirait pas suffisamment l'attention au moment voulu. De même, dans l'événement à l'étude, le RJS n'a pas émis un signal assez impérieux pour éviter que le contrôleur sol est/ouest s'en remette à l'habitude bien établie d'autoriser les aéronefs à circuler sur la piste 29 sans coordination.
Gestion des risques liés aux opérations sur la piste 29
Une gestion efficace de la sécurité nécessite des processus préventifs et réactifs servant à cerner les dangers et à maintenir les risques au plus bas niveau que l'on puisse raisonnablement atteindre. Les 2 types de processus sont complémentaires; le premier aide à déceler les dangers avant d'apporter des changements à une tâche, tandis que le deuxième aide à relever des problèmes de sécurité imprévus après la mise en œuvre des changements.
L'ouverture de la piste parallèle en juin 2014 constituait un changement majeur dans les opérations à l'aéroport international de Calgary. Au préalable, NAV CANADA avait mené 10 processus de détermination des dangers et évaluation des risques (DDER), qui avaient relevé 14 dangers. Des mesures d'atténuation avaient été mises en place, et le niveau de risque résiduel associé à chacun des dangers relevés avait été jugé faible. Comme le processus DDER se concentrait sur les nouvelles opérations sur pistes parallèles, la problématique de la maîtrise des opérations sur la piste 29 par les contrôleurs n'est pas ressortie à ce moment.
Une fois les pistes parallèles en service, l'utilisation de la piste 29 est devenue rare. Étant donné la capacité nettement accrue offerte par les pistes parallèles, la piste 29 n'était utilisée que la nuit, à des fins d'atténuation du bruit, et au besoin en cas de forts vents d'ouest. Au cours des 2½ années écoulées entre l'ouverture des pistes parallèles et l'événement à l'étude, le problème des erreurs des contrôleurs attribuables à une dégradation de leur maîtrise des opérations sur la piste 29 s'est graduellement manifesté dans les processus de système de gestion de la sécurité (SGS) de NAV CANADA.
Après 9 mois d'opérations sur pistes parallèles, NAV CANADA a connu 3 incursions sur piste en lien avec les opérations sur la piste 29 au cours d'une période de 6 mois, d'avril à septembre 2015. Les 2 premières sont survenues des matins de fin de semaine tandis que le trafic augmentait, mais que la piste 29 était toujours utilisée à des fins d'atténuation du bruit. La troisième incursion a eu lieu un mardi matin.
L'enquête de NAV CANADA sur ces événements a fait ressortir une dégradation de la maîtrise des opérations sur la piste 29, ainsi que l'insuffisance des signaux sonores et visuels pour surmonter l'habitude bien établie des contrôleurs sol d'autoriser les aéronefs à circuler sur la piste 29 sans coordination. Bien que les enquêtes sur ces 3 premières incursions sur piste aient relevé des problèmes, la nature systémique de ceux-ci n'avait initialement pas été bien saisie. Les mesures de sécurité recommandées dans les rapports d'enquête se limitaient à relever systématiquement un contrôleur de ses fonctions pour analyser l'événement et s'assurer que sa capacité à retourner à ses tâches opérationnelles ne faisait pas de doute.
Toutefois, à la même époque, l'unité a aussi pris des mesures afin de réduire les heures d'utilisation de la piste 29 à des fins d'atténuation du bruit les fins de semaine. Notant que la plupart des incursions avaient eu lieu des matins de fin de semaine, quand la piste 29 était toujours utilisée pour des raisons d'atténuation du bruit, mais où le trafic était suffisant pour que les fonctions du contrôleur tour et du contrôleur sol soient séparés, l'unité avait conclu qu'avoir les mêmes horaires de fonctionnement la semaine et la fin de semaine réduirait la probabilité d'incursions sur la piste 29.
Peu après la troisième incursion, NAV CANADA a reçu un rapport dans le cadre de son programme de rapports confidentiels sur la sécurité ARGUS et y a répondu. Ce rapport a suscité des préoccupations au sujet de la dégradation de la maîtrise des contrôleurs des opérations sur la piste 29. La réponse de l'unité décrivait les mesures prises pour uniformiser les horaires des procédures d'atténuation du bruit la fin de semaine et la semaine, et indiquait qu'aucun nouvel événement n'avait été signalé depuis. Cette réponse mentionnait également plusieurs autres mesures d'atténuation des risques à l'étude, concernant la formation des contrôleurs et des modifications des procédures.
Cette réponse a été jugée suffisante, et le dossier ARGUS a été fermé. Les mesures que l'unité disait envisager n'ont pas été appliquées, et les résultats n'ont pas fait l'objet d'un suivi dans le cadre du programme ARGUS.
Après environ 4 mois sans autre incident, une quatrième incursion sur piste s'est produite en mars 2016. L'enquête sur la sécurité de NAV CANADA a de nouveau cité le manque d'occasions de s'exercer aux opérations sur la piste 29 et des aide-mémoire inefficaces comme problèmes de sécurité. L'unité a par conséquent immédiatement pris une mesure d'atténuation du risque (modification de l'EXCDS afin que la fenêtre contextuelle de schéma de l'aéroport ne masque pas le RJS à l'écran) et fait savoir qu'elle allait en étudier d'autres (créer un poste de surveillance et déterminer quel type de formation de recyclage pourrait aider à empêcher que de tels incidents se produisent à nouveau). Ces mesures supplémentaires n'ont pas été appliquées, et il s'est écoulé encore 9 mois sans incident similaire avant l'incursion sur piste de décembre 2016.
Le SGS de NAV CANADA a fait ressortir à de multiples reprises les problèmes de la dégradation de la maîtrise des contrôleurs des opérations sur la piste 29 et l'inefficacité des aide-mémoire. Cependant, les mesures correctives prises localement et les longues périodes s'écoulant entre les événements ont amené à conclure que le niveau de risque associé à ces types d'événements était le plus faible raisonnablement réalisable. En conséquence, les autres mesures de sécurité à l'étude n'ont pas été appliquées.
En outre, les mesures de sécurité proposées par suite du rapport ARGUS et des enquêtes sur la sécurité de l'exploitation n'ont pas fait l'objet d'un suivi en bonne et due forme dans le SGS de NAV CANADA. Si des mesures de sécurité proposées ne font pas l'objet d'un suivi jusqu'à leur pleine mise en œuvre, la probabilité augmente que des risques pour la sécurité relevés ne soient pas atténués efficacement.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- L'incursion sur piste s'est produite après que le contrôleur sol est/ouest eut autorisé le C-FGEW à traverser la piste 29 au moment où le vol 221 d'Air Canada décollait sur la piste 29.
- L'intrusion d'une habitude bien ancrée a amené le contrôleur sol est/ouest à s'en remettre à son habitude routinière d'autoriser l'aéronef à traverser la piste 29 sans coordination préalable avec le contrôleur tour est/ouest.
- En raison de l'utilisation peu fréquente de la piste 29 pendant le jour et de l'absence de scénarios de formation pertinents ou de simulations des opérations sur la piste 29, les contrôleurs étaient rarement exposés à des situations où la nécessité d'une coordination préalable à la traversée de la piste 29 était renforcée.
- Le système d'indicateurs de responsabilité de piste n'a pas émis un signal assez impérieux pour éviter que le contrôleur sol est/ouest s'en remette à l'habitude bien établie d'autoriser les aéronefs à circuler sur la piste 29 sans coordination.
Faits établis quant aux risques
- Si les mesures de sécurité proposées ne font pas l'objet d'un suivi jusqu'à leur pleine mise en œuvre, la probabilité augmente que des risques pour la sécurité relevés ne soient pas atténués efficacement.
Mesures de sécurité
Mesures de sécurité prises
NAV CANADA
NAV CANADA a instauré une nouvelle procédure prévoyant que les superviseurs de la tour de contrôle de Calgary communiquent avec la Calgary Airport Authority pour l'informer du fait que la piste 11/29 est utilisée et que les mouvements de véhicules aux environs de cette piste doivent être limités aux besoins immédiats. Cette procédure a pour but de réduire le nombre de véhicules ayant à traverser sur la piste 11/29.
Des procédures avec barre d'arrêt virtuelle à utiliser lors des opérations sur la piste 11/29 ont été ajoutées à l'équipement aéroportuaire de détection de surface (ASDE).
Un nouveau poste de contrôleur de surveillance a été créé. Ce poste doit être ouvert lorsque la piste 11/29 est en service et en cas d' « opérations chinook » (opérations en présence de forts vents d'ouest). L'emplacement du poste de surveillance permet une surveillance visuelle efficace de l'ASDE, de la piste 29 et des voies de circulation G, C, A, J, et W.
Tous les contrôleurs de la tour de contrôle de Calgary ont reçu un exposé à propos de la sécurité des opérations sur la piste 11/29, y compris sur les changements technologiques et de procédure (décrits plus bas), le renforcement des pratiques exemplaires concernant la phraséologie des instructions de roulage et la coordination de responsabilité des pistes, ainsi que sur des stratégies pour réduire les sources de distractions.
On a mené une campagne éclair d'évaluation pour s'assurer que la phraséologie employée par les contrôleurs de la tour de contrôle de Calgary était correcte.
L'ASDE a été modifié pour mettre en évidence la piste 29, en jaune, sur l'affichage ASDE des postes de contrôleur sol ouest, tour ouest et de surveillance lors de l'exploitation en mode piste 29. Cette mesure vise à rappeler aux contrôleurs qu'une coordination est requise.
Les modifications suivantes ont été apportées au système d'affichage amélioré (EXCDS) :
- La piste 29 s'affiche en jaune dans la fenêtre contextuelle d'attente à l'écart de l'EXCDS au poste de contrôleur sol ouest lors de l'exploitation en mode piste 29 (afin de rappeler aux contrôleurs que la coordination est requise).
- Une fenêtre d'avertissement et d'information jaune d'entrée de données de vol (FDE) s'affiche dans l'aire de roulage lors de l'exploitation en mode piste 29 (afin de rappeler aux contrôleurs que la coordination est requise).
- En cas d'opérations sur la piste 29, lorsque les contrôleurs sol ouest tentent de supprimer la consigne d'attendre à l'écart de la piste 11 ou piste 29 dans une FDE, une boîte de dialogue jaune s'affiche pour demander une confirmation.
Une nouvelle procédure a été mise en place : dans des conditions d'exploitation normales, il est interdit de regrouper les fonctions du contrôleur sol ouest avec celles d'un autre si la piste 29 est en service si le volume du trafic rend nécessaire l'utilisation d'au moins 2 postes opérationnels.
L'horaire d'exploitation de la piste 29 durant la nuit a été modifié pour éviter les situations susceptibles de donner lieu à cette erreur. La piste 29 n'est en service la nuit que lorsque le volume du trafic permet de n'avoir qu'un seul contrôleur.
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .
Annexes