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Rapport d'enquête aéronautique A15Q0075

Sortie en bout de piste
WestJet
Boeing 737-6CT, C-GWCT
Aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 5 juin 2015, un Boeing 737-6CT de WestJet (immatriculé C-GWCT, numéro de série 35112) effectuait le vol régulier 588 en provenance de l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (Ontario) à destination de l'Aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal (Québec). À 14 h 57, heure avancée de l'Est, l'aéronef s'est posé sous de fortes averses de pluie à environ 2550 pieds au-delà du seuil de la piste 24L et ne s'est pas arrêté avant d'atteindre l'extrémité de la piste. L'aéronef a quitté la surface revêtue à une vitesse sol d'environ 39 nœuds et s'est immobilisé dans l'herbe, à environ 200 pieds au-delà de la piste. Aucun des 107 passagers et des 5 membres d'équipage n'a été blessé, et l'aéronef n'a subi aucun dommage. La radiobalise de repérage d'urgence de 406 mégahertz ne s'est pas déclenchée. L'incident s'est produit de jour, à 14 h 58.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le vol 588 de WestJet (WJA588) a décollé de l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (CYYZ) (Ontario), pour effectuer un vol régulier à destination de l'aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal (CYUL) (Québec). Le commandant de bord était le pilote aux commandes (PF), et le premier officier était le pilote qui n'était pas aux commandes (PNF). En route, le PNF a téléchargé la procédure d'arrivée normalisée applicable et l'approche de la piste 24L dans le système de gestion de vol avant de terminer l'exposé d'approche. La distance d'atterrissage calculée obtenue du système embarqué de communications, d'adressage et de compte rendu (ACARS) était de 7784 pieds avec les volets braqués à 30 °et le circuit de freinage automatique réglé à 1. Puisque la porte d'embarquement où l'aéronef devait se stationner était proche de l'extrémité de la piste d'une longueur de 9600 pieds, le PF avait prévu de quitter la piste 24L à son extrémité; en conséquence, l'équipage a préparé l'atterrissage avec les volets braqués à 30 et le circuit de freinage automatique réglé à 1.

Pendant la descente, l'équipage a obtenu l'information du service automatique d'information de région terminale (ATIS) Lima, émise à 14 h 18Note de bas de page 1, qui était la suivante : conditions météorologiques à 14 h 12; vents du 240 °magnétique (M) à 8 nœuds; visibilité de 15 milles terrestres (sm) dans de légères averses de pluie; cumulus fragmentés bourgeonnants à 4500 pieds au-dessus du sol (AGL ), une autre couche de nuages fragmentés à 7500 pieds AGL, et couvert nuageux à 24 000 pieds AGL; température de 23 °C; point de rosée de 16 °C; calage altimétrique de 29,91 pouces de mercure; approche selon les règles de vol aux instruments; système d'atterrissage aux instruments (ILS) pistes 24L et 24R; règles de vol à vue piste 24L. À partir de ces renseignements, le PF a choisi d'effectuer une approche à vue vers la piste 24L et de se servir de l'approche ILS comme solution de rechange.

Pendant qu'il effectuait l'approche par guidage radar, l'équipage a observé sur le radar météorologique de l'aéronef qu'il y avait des averses de pluie de modérées à fortes au nord‑nord‑ouest du terrain. Une fois établi au cap 330 °M, en base gauche pour la piste 24L, l'équipage a observé sur le radar météorologique de fortes précipitations de pluie sur la trajectoire d'approche, mais aucune turbulence ou grêle. À 14 h 53, à environ 8,8 milles marins (nm) de la piste, l'aéronef a été configuré pour l'atterrissage : volets braqués à 30 °, train d'atterrissage sorti et aérofreins armés.

À 14 h 55, WJA588 a appelé le contrôleur de la tour, l'informant que l'aéronef était établi en approche ILS de la piste 24L. Peu après, WJA588 a reçu l'autorisation d'atterrir et a été informé de s'attendre à quitter la piste à son extrémité. On a signalé à l'équipage des vents soufflant du 350 °M à 17 nœuds avec rafales pouvant atteindre 22 nœuds, au moment où l'aéronef traversait de fortes averses de pluie. Les essuie-glaces ont été mis en marche.

Les renseignements suivants ont été extraits de l'enregistreur de données de vol (FDR). L'équipage a asservi le pilote automatique à l'approche ILS et a embrayé la commande automatique de poussée (A/T) en mode SPEED. La vitesse initiale sélectionnée sur le tableau de commande de mode (MCP) était de 130 nœuds. Toutefois, elle a été portée à une valeur finale de 140 nœudsNote de bas de page 2 alors que l'aéronef franchissait 740 pieds AGL en descente. La vitesse de référence d'atterrissage enregistrée (Vref) était de 125 nœuds; c'est donc dire que la vitesse finale sélectionnée était Vref + 15.

Le pilote automatique a été débrayé pendant que l'aéronef descendait à environ 280 pieds AGL. L'aéronef a commencé à dévier au-dessus de l'alignement de descente et a franchi le seuil de la piste à 52 pieds AGL à une vitesse de 145 nœudsNote de bas de page 3 (Vref + 20) à 14 h 57 min 48 s (annexe A). L'aéronef a atterri sur le train d'atterrissage principal droit 10 secondes plus tard, à environ 2550 pieds au-delà du seuil de la piste, à une vitesse de 133 nœuds. Les aérofreins se sont déployés automatiquement. L'aéronef a rebondi brièvement après le dernier poser des roues, et à 14 h 58 min 1 s, le freinage automatique s'est activé et les 2 manettes d'inversion de poussée ont été mises au cran de ralenti.

À 14 h 58 min 8 s, roulant à 103 nœuds et n'ayant plus que 4940 pieds de piste, le PF a rentré manuellement les aérofreins, ce qui a désarmé le freinage automatique. À 14 h 58 min 17 s, soit 9 secondes plus tard, le PF a utilisé le freinage aux pieds; la vitesse était de 92 nœuds et il restait 3320 pieds de piste. La pression maximale de freinage a été obtenue alors que l'aéronef roulait à 85 nœuds et qu'il ne restait plus que 2270 pieds de piste. À 83 nœuds, le PF a commandé l'inversion de poussée maximale. À ce moment-là, le PF avait orienté l'aéronef vers la droite de l'axe de la piste afin d'éviter les feux d'extrémité de piste et le balisage lumineux d'approche pour la piste opposée. L'inversion de poussée maximale (83 % N1Note de bas de page 4) a été obtenue 10 secondes plus tardNote de bas de page 5. À ce moment-là, la vitesse de l'aéronef était de 55 nœuds, et il restait 550 pieds de piste. À 14 h 58 min 43 s, à une vitesse sol d'environ 39 nœuds, l'aéronef a quitté la surface revêtue de la piste et a parcouru environ 200 pieds dans l'herbe avant de s'immobiliser à 200 pieds à la droite de l'axe de la piste, à 14 h 58 min 48 s (figure 1).

Figure 1. C-GWCT après son immobilisation
C-GWCT après son immobilisation

Personne n'a été blessé (tableau 1), et tous les passagers et l'équipage ont débarqué par un escalier mobile placé à la porte avant droite.

1.2 Victimes

Tableau 1. Victimes
  Équipage Passagers Autres Total
Tués 0 0 0
Blessés graves 0 0 0
Blessés légers/indemnes 5 107 112
Total 5 107 112

1.3 Dommages à l'aéronef

L'appareil n'a subi aucun dommage.

1.4 Autres dommages

À la suite de la sortie en bout de piste, les pneus du train d'atterrissage se sont enfoncés dans la surface meuble et gazonnée de l'aire de sécurité d'extrémité de piste (RESA), laissant des sillons d'une profondeur allant jusqu'à 12 pouces.

1.5 Renseignements sur le personnel

Tableau 2. Renseignements sur le personnel
  Commandant de bord Premier officier
Licence de pilote Licence de pilote de ligne (ATPL) Licence de pilote de ligne (ATPL)
Date d'expiration du certificat médical 1er juillet 2016 1er janvier 2016
Heures totales de vol 9000 13 898
Heures de vol sur ce type 7500 3360
Heures de vol au cours des 7 derniers jours 20,2 16,2
Heures de vol au cours des 30 derniers jours 83,3 66,4
Heures de vol au cours des 90 derniers jours 139,7 177,1
Heures de vol sur type au cours des 90 derniers jours 139,7 177,1
Heures de service avant l'événement 2,0 2,0
Heures de congé avant la période de travail 62,0 22,5

Le commandant de bord possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le commandant de bord avait effectué un contrôle de compétence pilote (PPC) initial sur Boeing 737 le 23 février 2007 en tant que premier officier, puis avait été promu commandant de bord de Boeing 737 le 7 mars 2014. Le PPC était valide jusqu'au 1er octobre 2015. La dernière vérification de compétence en vol du commandant de bord avait été effectuée le 8 avril 2015 et était valide jusqu'au 1er mai 2016.

Le premier officier possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le premier officier avait effectué un PPC initial sur Boeing 737 en tant que premier officier le 25 octobre 2010. Le PPC était valide jusqu'au 1er mai 2016. La dernière vérification de compétence en vol du premier officier avait été effectuée le 8 mai 2015 et était valide jusqu'au 1er août 2016.

L'équipage avait cumulé environ 2 heures de service continu au moment de l'événement. Une analyse des données relatives au cycle veille-sommeil fournies par l'équipage a été réalisée afin de déterminer si les 6 facteurs de risqueNote de bas de page 6 susceptibles d'augmenter la probabilité des effets de la fatigue sur le rendement étaient présents au moment de l'événement. L'analyse a démontré que ni l'un ni l'autre des membres de l'équipage n'était fatigué au moment de l'événement.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

Tableau 3. Renseignements sur l'aéronef
Constructeur Boeing
Type, modèle et immatriculation* Boeing 737-6CT, C-GWCT
Année de construction 2006
Numéro de série 35112
Date d'émission du certificat de navigabilité 11 août 2006
Nombre total d'heures de vol cellule 26 573,25 heures
Type de moteur (nombre de moteurs) CFM International CFM56-7B22
CFM International CFM56-7B22/3 (1)
Masse maximale autorisée au décollage 145 502,45 livres
Types de carburant recommandés Kérosène Jet A, Jet A-1, JP-5, JP-8
Type de carburant utilisé Jet A

* La spécification de type est la principale référence concernant le type et le modèle; le document 8643/22 de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) est la référence secondaire.

1.6.1 Généralités

Les dossiers indiquent que l'aéronef était homologué et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées, et qu'aucune déficience n'avait été signalée avant le vol menant à l'événement. À la suite de l'événement, tous les dispositifs de décélération et d'arrêtNote de bas de page 7 ont été vérifiés et aucune anomalie n'a été constatée. Tous les systèmes ont passé leurs essais de fonctionnement respectifs et se sont révélés en bon état de service aux termes du manuel de maintenance de l'avionneur.

1.6 Dispositifs de décélération

1.6.2.1 Aérofreins

Habituellement, lorsque les aérofreins sont armés, ils se déploient automatiquement au moment du poser des roues du train principal; leur déploiement cause 2 effets aérodynamiques distincts : une augmentation de la traînée aérodynamique, ce qui contribue à la décélération de l'aéronef; la destruction de la portance, ce qui augmente la charge sur les roues, provoquant un freinage plus efficace.

Selon la procédure de course à l'atterrissage du manuel d'exploitation (ME) du Boeing 737NG de WestJetNote de bas de page 8, on peut désarmer le freinage automatique selon 2 méthodes : appuyer en douceur sur la pédale de frein jusqu'à ce que le circuit de freinage automatiqueNote de bas de page 9 se désarme; ou rentrer le levier aérofreins. Le ME mentionne [traduction] « Il est permis de rentrer les leviers aérofreins lorsque l'aéronef a décéléré sous 80 [nœuds] et que la distance d'arrêt est assurée dans la distance de piste restanteNote de bas de page 10. » Pour déterminer la procédure à privilégier, la procédure de course à l'atterrissage stipule que l'utilisation des freins aux pieds est la procédure à suivre lors d'une [traduction] « désactivation du freinage automatique maximal »Note de bas de page 11, tandis que la rentrée des aérofreins « ne doit être privilégiée que si une diminution de freinage est souhaitable »Note de bas de page 12.

Lors de l'événement à l'étude, les aérofreins se sont automatiquement déployés après le poser des roues, mais ils ont été rentrés au cours de la décélération à 103 nœuds, désarmant ainsi le circuit de freinage automatique alors qu'il restait 4940 pieds de piste.

1.6.2.2 Inverseurs de poussée

Les inverseurs de poussée produisent une force de décélération qui ne dépend pas de l'état de piste; par ailleurs, ils sont plus efficaces à haute vitesse anémométrique. Selon le ME, l'utilisation des inverseurs de poussée lors de la course à l'atterrissage se fait comme suit :

[traduction]

Sans tarder, relever les manettes d'inversion de poussée jusqu'au verrouillage, maintenir une légère pression jusqu'au dégagement du système de verrouillage, puis appliquer l'inversion de poussée, comme ci-dessous :

Lors de l'événement à l'étude, les inverseurs de poussée ont été déployés au ralenti inversion près de 3 secondes après le premier poser des roues et maintenus dans cette position pendant environ 25 secondes. L'inversion maximale a été commandée à 83 nœuds. Toutefois, en raison du délai d'accélération des réacteurs, l'inversion de poussée maximale n'a été obtenue que 10 secondes plus tard, à 55 nœuds, alors qu'il ne restait plus que 550 pieds de piste.

1.6.2.3 Circuit de freinage automatique

Le circuit de freinage automatique utilise le fluide sous pression du circuit hydraulique B pour fournir une décélération maximale dans le cas d'un décollage interrompu et un freinage automatique à des coefficients de décélération présélectionnés immédiatement après le poser des roues. Le circuit fonctionne uniquement lorsque le circuit de freinage normal fonctionne et que la protection assurée par le système d'antidérapage est présente pendant le freinage automatique.

Il est possible de sélectionner 4 niveaux de décélération pour l'atterrissageNote de bas de page 14. Après l'atterrissage, le freinage automatique est appliqué lorsque les 2 manettes de poussée normale sont placées au cran IDLE (ralenti) et les roues principales tournent.

Pour maintenir le coefficient de décélération d'atterrissage choisi, la pression de freinage automatique est réduite, car d'autres commandes, telles que les inverseurs de poussée et les déporteurs, contribuent à la décélération totale. Le niveau de décélération peut être modifié (sans que le circuit soit désarmé) en tournant le sélecteur. Le circuit de freinage automatique provoque l'arrêt complet de l'aéronef à moins que le pilote ne le désarme.

Un pilote peut débrayer le circuit de freinage automatique en tournant le sélecteur à OFF (hors circuit) ou par l'une des actions suivantes :

Lors de l'événement à l'étude, le circuit de freinage automatique a été désarmé lorsque le PF a rentré manuellement le levier aérofrein à 103 nœuds. Le freinage aux pieds a été initialement appliqué à 92 nœuds, alors qu'il restait 3320 pieds de piste. La pression de freinage maximale a été commandée alors qu'il ne restait plus que 2270 pieds de piste.

Selon le ME :

[traduction]

Le réglage du circuit de freinage automatique devrait tenir compte de la distance d'arrêt désirée et de la distance de piste disponible. Au moment de l'atterrissage, annuler le freinage automatique et appliquer le freinage aux pieds requis si la décélération n'est pas suffisante pour arrêter l'aéronef à la distance désiréeNote de bas de page 15.

Pour déterminer le réglage de freinage automatique le mieux adapté à la longueur de piste disponible, l'équipage peut [traduction] « se servir des données sur la distance d'atterrissage du système embarqué de communications, d'adressage et de compte rendu (ACARS), du rapport de décollage et d'atterrissage (RDA) ou des tableaux de distances d'atterrissage dans le manuel de référence rapide (QRH)Note de bas de page 16 ».

Lors de l'événement à l'étude, le freinage automatique a été réglé à 1 compte tenu de la distance d'atterrissage calculée de 7784 pieds obtenue de l'ACARS. On abordera le calculateur de distance d'atterrissage de l'ACARS plus loin dans le présent rapport.

Chaque bloc-frein dispose d'un indicateur d'usure qui fait saillie de la pièce guide encastrée dans son boîtier. L'indicateur d'usure se rétracte dans la pièce guide à mesure que le frein s'use. L'usure maximale est atteinte lorsque l'extrémité de l'indicateur d'usure affleure la pièce guide alors que la pression hydraulique de freinage normal est appliquée. L'état d'usure des freins a été vérifié et il a été déterminé que tous les blocs-freins ne dépassaient pas leurs tolérances d'usure en service (tableau 4).

Tableau 4. Mesures de la saillie des indicateurs d'usure des freins pour l'aéronef en cause lors de l'événement à l'étude
Position de freinage 1 2 3 4
Saillie de l'indicateur en pouces (minimum : 0,00) 0,300 1,095 0,537 0,770

1.6.3 Protection antidérapage

Les circuits de freinage normal et auxiliaire fournissent une protection antidérapage. Le circuit hydraulique de freinage normal fournit à chaque roue de train principal une protection antidérapage individuelle. Lorsque le circuit détecte un dérapage, le robinet d'antidérapage associé réduit la pression de freinage jusqu'à ce que le dérapage cesse. Le circuit hydraulique de freinage auxiliaire fonctionne de manière semblable au circuit normal; cependant, la protection antidérapage est appliquée aux paires de roues du train principal et non pas à chacune des roues individuellement. Les circuits de freinage normal et auxiliaire fournissent tous deux  une protection contre le dérapage, le blocage des roues et l'aquaplanage. La protection antidérapage est fonctionnelle même en cas de perte des 2 circuits hydrauliques.

Le coefficient de frottement du circuit de freinage et du système d'antidérapage est faible lorsque la pression de freinage commandée est supérieure ou égale à la pression de freinage régie par le robinet d'antidérapage. Le système d'antidérapage s'adapte à l'état de piste en détectant une condition de dérapage imminente, auquel cas il ajuste la pression de freinage exercée sur chaque roue pour obtenir un freinage maximal. Lors de l'événement à l'étude, puisque la pression maximale de freinage aux pieds était appliquée, l'accélération longitudinale enregistrée dans le FDR est restée constante, ce qui correspond à une réduction de la pression de freinage par le système d'antidérapage pour éviter les glissements et le blocage des roues.

1.6.4 Pneus des roues du train d'atterrissage principal

L'examen des pneus n'a révélé aucun dommage. La pression des pneus mesurée peu de temps après l'événement (tableau 5) se trouvait dans la plage admissible indiquée dans le manuel de maintenance, soit à 205 (± 5) lb/po² de pression manométrique (psig)Note de bas de page 17. La pression d'un pneu du train principal excédait de 1 psig la plage de pression indiquée, mais cela a été jugé négligeable et n'a pas été retenu comme facteur contributif dans l'événement à l'étude.

L'usure des pneus a également été évaluée (tableau 5). On a jugé qu'elle était acceptable, car tous les pneus présentaient des profondeurs de sculptures supérieures à la valeur minimale définie dans le manuel de maintenance. Tous les pneus du train principal présentaient de légères égratignures en circonférence, mais aucune marque de dévulcanisation du caoutchouc; aucun méplat n'a pu être discerné en dehors de 5 zones localisées de marques de chevrons qui résultaient vraisemblablement de l'événement. Les profondeurs de sculptures ont été mesurées sur toute la circonférence des pneus, donnant ainsi une plage de profondeurs; la profondeur minimale étant de 0,031 pouce.

Tableau 5. Pression des pneus et profondeurs de sculptures mesurées peu après l'événement
Position du pneu Nº 1 train principal Nº 2 train principal Train avant gauche Train avant droit Nº 3 train principal Nº 4 train principal
Pression des pneus (psig) 210 208 210 210 210 211
Plage de profondeurs de sculptures des pneus (pouces) 0,190–0,210 0,305–0,330 0,195–0,210 0,175–0,180 0,075–0,140 0,140–0,170

1.6.5 Performance à l'atterrissage

Avant le départ, l'équipage a reçu des documents d'autorisation de vol du service de régulation des vols de la compagnie. Ces documents comprenaient tous les renseignements pertinents au vol, notamment les conditions météorologiques en cours et prévues, les vents en altitude, des avis aux aviateurs (NOTAM) et des données d'analyse de l'état des aéroports et des pistes. Une remarque dans les documents indiquait « PISTE MOUILLÉE » à CYUL.

Les documents d'autorisation de vol contiennent également des données de performance, notamment la masse de l'aéronef au décollage ou à l'atterrissage, et toute autre restriction applicable. Le jour de l'événement, la masse prévue à l'atterrissage à CYUL était de 115 400 livres. Or, l'aéronef a décollé avec une charge utile moindre, et la masse réelle à l'atterrissage était d'environ 113 500 livres.

1.6.5.1 Calcul de la distance d'atterrissage

Selon le ME :

[traduction]Les pilotes doivent déterminer la distance d'atterrissage nécessaire à l'aide des procédures établies décrites dans le manuel de référence rapide (QRH), à la section Performances en vol – Généralités, de pair avec : le calculateur de distance d'atterrissage de l'ACARS, les données d'atterrissage du rapport de décollage et d'atterrissage (RDA) ou les tableaux de performance du QRH – Performances en volNote de bas de page 18.

L'atterrissage doit être effectué avec les volets braqués à 30  ou à 40 °. Le braquage des volets à 40 °réduit la distance d'atterrissage pondérée d'environ 2,8 %. Le ME indique [traduction], « l'état et la longueur de la piste doivent être pris en compte lors du choix de la position de braquage des volets pour l'atterrissageNote de bas de page 19. »

1.6.5.1.1 Rapport de décollage et d'atterrissage

Le RDA comprenait les documents d'autorisation de vol qui indiquaient à l'équipage « les distances d'atterrissage pondérées en volNote de bas de page 20 » fondées sur la masse de l'aéronef, des configurations de braquage des volets de 30 ° et 40 °, l'état de surface de la pisteNote de bas de page 21 et le réglage du freinage automatique, et il comprenait en plus un crédit à l'inversion de poussée normale.

Selon le RDA, la distance d'atterrissage pondérée était de 7750 pieds pour la masse de 115 400 livres à l'atterrissage prévue par le service de régulation des vols, avec le circuit de freinage automatique réglé à 1 et les volets braqués à 30 ° (figure 2). La masse à l'atterrissage la plus faible indiquée dans le RDA était de 114 000 livres, soit 500 livres de plus que la masse réelle à l'atterrissage. Pour cette valeur, le RDA indiquait une distance d'atterrissage pondérée de 7671 pieds. Ces distances d'atterrissage étaient valables pour des pistes sèches ou humides pour lesquelles le rapport de freinage (RF) était bon. Le freinage automatique doit être réglé à 2, 3 ou MAX pour un RF passable, et à 3 ou MAX pour un RF faible.

Figure 2. Rapport de décollage et d'atterrissage compris dans les documents d'autorisation de vol (Source : WestJet, avec annotations du BST)
Rapport de décollage et d'atterrissage compris dans les documents d'autorisation de vol

Le RDA indiquait également qu'il fallait ajouter une distance de 130 pieds par nœud de vent arrière, et une distance de 1242 pieds pour une vitesse d'approche de 20 nœuds supérieure à la Vref. Étant donné que l'aéronef avait franchi le seuil à Vref + 20 avec une composante vent arrière de 6 nœuds, la distance d'atterrissage (sans la marge de sécurité de 15 %) à une masse à l'atterrissage de 114 000 livres aurait été d'environ 8692 piedsNote de bas de page 22. Toutefois, ce calcul suppose un poser des roues à 1500 pieds du seuil de la piste. Or, lors de l'événement à l'étude, l'aéronef a effectué un poser des roues à 1050 pieds au-delà du point de référence de 1500 pieds. En conséquence, la distance d'atterrissage aurait été d'environ 9742 pieds, soit 142 pieds au-delà de l'extrémité de la piste.

Étant donné que le RDA est préparé avant le départ, il ne repose pas sur les données réelles à l'heure d'arrivée. Les pilotes doivent donc corriger manuellement les données en fonction du vent, de la déclivité de la piste, de la température et de la vitesse s'ils utilisent les chiffres du RDA au lieu du calculateur de distance d'atterrissage de l'ACARS. Dans l'événement à l'étude, l'équipage de conduite a utilisé le calculateur de distance d'atterrissage de l'ACARS.

1.6.5.1.2. Tableaux de distance d'atterrissage

Le QRH contient des tableaux de distance d'atterrissage qui indiquent les distances d'atterrissage nécessaires en fonction du braquage des volets et de la configuration de freinage, ainsi que de tout ajustement nécessaire selon la masse, l'altitude, les vents, la déclivité, la température et la vitesse. La distance de référence du tableau, à partir de laquelle les ajustements sont faits, correspond aux conditions suivantes [traduction] : « niveau de la mer, atmosphère standard, vents nuls, aucune déclivité, cran 2 d'inversion de poussée, plus une marge de sécurité de 15 %Note de bas de page 23 ». La distance indiquée est la distance nécessaire pour que l'aéronef s'immobilise complètement après avoir franchi le seuil de piste à 50 pieds AGL et posé les roues à 1500 pieds au-delà du seuil (annexe B).

Selon les indications du tableau pour un atterrissage avec les volets braqués à 30 °, freinage automatique réglé à 1 et masse à l'atterrissage de 110 000 livres, la distance d'atterrissage nécessaire sur une piste sèche est de 7354 pieds;  cette distance comprend une marge de sécurité de 15 %. Sans la marge de sécurité, la distance d'atterrissage est alors de 6395 piedsNote de bas de page 24. Après avoir effectué les ajustements requis pour la masse, l'altitude, la composante réelle de vent arrière, la déclivité de la piste, la température et la vitesse d'approche, la distance d'atterrissage (toujours sans marge de sécurité) est de 8624 pieds si l'aéronef pose les roues à 1500 pieds du seuil de la piste. Toutefois, lors de l'événement à l'étude, l'aéronef s'est posé à 1050 pieds au-delà du point d'atterrissage de référence de 1500 pieds; par conséquent, selon le tableau, l'aéronef serait sorti en bout de piste d'environ 74 pieds, comparativement aux 142 pieds calculés selon le RDA.

Pour les pistes mouillées ou contaminées, les tableaux du QRH ne fournissent pas de distances d'atterrissage avec le freinage automatique réglé à 1; cependant, ils fournissent les distances d'atterrissage pour les configurations de freinage lorsque le freinage automatique est réglé à 2, 3 ou MAX. Ces tableaux sont basés sur le braquage des volets et le RF signalé. Les calculs effectués à l'aide des tableaux appropriés montrent que, sur une piste mouillée présentant un bon RF, le freinage automatique réglé à 2 et un poser des roues à 1050 pieds au-delà du point d'atterrissage normal de 1500 pieds au-delà du seuil de la piste, l'aéronef aurait dû s'immobiliser à environ 590 pieds avant l'extrémité de la piste. Par comparaison, un aéronef configuré de la même façon atterrissant sur une piste mouillée avec un RF passable, se serait immobilisé 351 pieds avant l'extrémité de la piste.

Lors de l'événement à l'étude, l'équipage savait que la piste serait mouillée à l'atterrissage, mais ne connaissait pas le RF réel, puisqu'aucun aéronef s'étant posé avant eux, n'avait fait de RF. Le QRH énonce ce qui suit :

[traduction]

Si la surface présente de l'eau, de la neige ou de la glace, et qu'on rapporte un bon rapport de freinage, il ne faut pas s'attendre à ce que les conditions soient aussi bonnes que sur une piste sèche et propre. L'indice de freinage BON est comparatif. Il signifie que les avions ne devraient pas avoir de problèmes de contrôle directionnel ou de freinage à l'atterrissage. Le niveau de performance pour le calcul des données d'indice de freinage BON concorde avec les essais effectués sur piste mouillée avec les appareils Boeing de première générationNote de bas de page 25.

1.6.5.1.3 Calculateur de distance d'atterrissage du système embarqué de communications, d'adressage et de compte rendu

Selon le ME de WestJet :

[traduction]

Le serveur de données ACARS utilise les mêmes données de performance de Boeing pour effectuer les calculs de distance d'atterrissage que celles mentionnées dans les tableaux de distance d'atterrissage du QRH – Performance Inflight (Performances en vol)Note de bas de page 26.

Pour obtenir les calculs de distance d'atterrissage de l'ACARS, l'équipage doit entrer des données telles que l'indicatif de l'aéroport, la piste d'atterrissage, le RF signaléNote de bas de page 27, les vents de surface en degrés magnétiques, la température de l'air extérieur, la pression barométrique, l'état de l'antigivrage réacteur (hors tension ou sous tension), l'angle de braquage des volets (de 30 ou 40 °) et la masse réelle de l'aéronef.

Une fois que le serveur a terminé les calculs de distance d'atterrissage, un message texte indique à l'équipage les distances d'atterrissage calculées pour les conditions à l'aéroport saisies.

Le ME comprend plusieurs notes sur le calculateur de distance d'atterrissage de l'ACARS, notamment :

[traduction]

Le jour de l'événement, l'ACARS avait calculé une distance d'atterrissage de 7784 pieds, compte tenu du RF GOOD (bon) sélectionné par l'équipage dans le champ RF de l'ACARS. Le QRH contient un tableau des distances d'atterrissages (annexe C) et un tableau d'équivalences de RF et d'état de piste (annexe D) pour aider les pilotes à déterminer les données de performance d'atterrissage qu'ils doivent sélectionner. Le tableau des distances d'atterrissages et le tableau d'équivalences fournissent des critères d'utilisation des données en fonction d'un RF bon, passable ou faible. Ces tableaux précisent que l'on peut s'attendre à un bon RF pour une piste mouillée présentant moins de 1/8 pouce d'eau stagnante pour laquelle un bon RF a été signalé. Lors de l'événement à l'étude, l'équipage n'a reçu de RF d'aucun autre aéronef qui avait atterri sur la piste 24L avant eux.

1.6.6 Définitions des états de piste

La liste qui suit comprend les états de piste définis dans le QRH :

[traduction]

1.6.7 Atterrissage sur piste mouillée, glissante ou contaminée

Tel qu'indiqué précédemment, le QRH fournit aux équipages un tableau des distances d'atterrissage pour les aider à prendre une décision si la piste n'est pas sèche. L'une des règles à suivre en utilisant le tableau est de savoir que [traduction] « les précipitations, quelle que soit leur forme, constituent une condition activeNote de bas de page 30 ». Dans ce cas [traduction] « le commandant de bord doit être convaincu que les calculs de distance d'atterrissage sont basés sur des conditions valables, sinon il est interdit d'atterrirNote de bas de page 31. »  On peut obtenir les conditions valables d'un RF, d'un compte rendu de l'état de surface de la piste (RSC) ou d'un rapport de coefficient canadien de frottement sur piste (CRFI). Lors de l'événement à l'étude, aucune de ces données n'était disponible. Par conséquent, le tableau n'aurait été d'aucune utilité pour l'équipage, même s'il l'avait consulté.

1.6.8 Calculs de performance de Boeing Commercial Aircraft

Pour mieux comprendre les facteurs qui entrent en jeu pendant la course à l'atterrissage, on a demandé à l'avionneur Boeing Commercial Aircraft (Boeing) d'effectuer une analyse de performance aérodynamique de l'avion en fonction des données du FDR. L'information suivante est tirée d'un rapport d'analyse que Boeing a préparé pour le BST.

Boeing définit le coefficient de freinage d'un avion comme suit :

[traduction] Le coefficient de freinage d'un avion  est le rapport entre la force de décélération des freins de roues et la force normale agissant sur les roues. La force de décélération des freins de roues est calculée à partir de la décélération totale de l'avion moins la traînée aérodynamique et les composantes de poussée, et la force normale agissant sur les roues est essentiellement la masse moins la portance. Le coefficient de freinage de l'avion est un terme général qui englobe les effets dus à la surface de la piste, aux contaminants, et au circuit de freinage de l'avion (par exemple, l'efficacité du système d'antidérapage, l'usure des freins, l'état des pneus, etc.). Par conséquent, le coefficient de freinage de l'avion [...] n'est pas équivalent au coefficient de frottement des pneus au sol [frottement sur piste] qui pourrait être mesuré par un véhicule de piste de l'aéroport.

En termes simples, le coefficient de freinage de l'avion représente la capacité de freinage de l'avion et ne représente que les caractéristiques de la piste lorsque le coefficient de frottement du circuit de freinage et du système d'antidérapage est faible. Le coefficient de frottement du circuit de freinage et du système d'antidérapage est faible lorsque la pression de freinage commandée est supérieure ou égale à la pression de freinage régie par le robinet d'antidérapage. Le système d'antidérapage s'adapte à l'état de piste en détectant une condition de dérapage imminente, et en ajustant la pression de freinage exercée sur chaque roue pour obtenir un freinage maximal. Lorsque le coefficient de frottement n'est pas faible, le coefficient de freinage de l'avion représente le niveau de freinage appliqué. [...]

Les résultats montrent que le coefficient de frottement de freinage de l'avion est devenu faible à 6750 pieds au-delà du seuil [lorsqu'il restait 2850 pieds de piste] et que ce coefficient s'est maintenu pendant toute la course à l'atterrissage, jusqu'à ce que l'avion sorte de la piste [...]Note de bas de page 32.

Selon les données du FDR, [traduction] « puisque le freinage aux pieds maximal était appliqué, l'accélération longitudinale est demeurée constanteNote de bas de page 33.  »  Cela correspond à « une réduction de la pression de freinage par le système d'antidérapage pour éviter les glissements et le blocage des roues (coefficient de frottement faible). Au cours de cette période de freinage à faible coefficient de frottement, on peut supposer que le coefficient de freinage de l'avion représente l'état de surface de la pisteNote de bas de page 34. »

Boeing a comparé le RF signalé par le pilote aux coefficients de freinage de l'avion. On a opté pour un rapport conservateur entre le freinage réel et le coefficient de freinage de l'avion. Les coefficients de freinage de l'avion indiqués au tableau 6 sont utilisés pour produire l'information de distance d'atterrissage conseillée pour les RF mentionnés au QRH de Westjet.

Tableau 6. Coefficients de freinage de l'avionNote de bas de page 35
Rapport de freinage signalé par le pilote Coefficient de freinage de l'avion (µavion)
Sec ~0,40
Bon 0,20
Passable 0,10
Faible 0,05

En se basant sur les données du FDR,

[traduction] le segment initial du freinage aux pieds maximal démontre que l'état de surface de la piste était de passable (µavion = 0,10) à faible (µavion = 0,05); son état s'est graduellement amélioré à passable au fur et à mesure que l'avion s'approchait de l'extrémité de la pisteNote de bas de page 36.

1.6.8.1 Effet des aérofreins et de l'inversion de poussée

Boeing a effectué des simulations techniques pour quantifier les effets de la rentrée précoce des aérofreins sur la distance d'arrêt. Les résultats montrent l'importance des aérofreins et leurs effets sur l'arrêt d'un avion sur une piste dont l'état se détériore. Selon les données du FDR, [traduction] « la pression de freinage commandée par l'équipage est demeurée plus ou moins aux niveaux commandés par le freinage automatique »Note de bas de page 37 une fois celui-ci désarmé; toutefois, la décélération a diminué de moitié. Selon Boeing, cela peut être principalement attribuable à la rentrée des aérofreinsNote de bas de page 38.

Sur une surface de piste au RF passable, la distance d'atterrissage aurait été de 9873 pieds si, lors de l'événement, les aérofreins avaient été déployés pendant toute la course à l'atterrissage et que l'inversion de poussée avait été en fonction. Cette distance tient compte du point de poser des roues et de l'utilisation du freinage automatique réglé à 1 jusqu'à l'arrêt complet. Sur une surface de piste au RF faible, avec les mêmes conditions que ci-dessus, la distance d'atterrissage aurait été de 10 178 pieds environ si les aérofreins avaient été déployés pendant toute la course à l'atterrissage.

Étant donné qu'il y avait une inversion de poussée supplémentaire disponible pendant la course à l'atterrissage, d'autres calculs ont été effectués pour quantifier les effets de l'utilisation de l'inversion de poussée maximale pendant toute la course à l'atterrissage, avec les aérofreins déployés comme dans l'événement à l'étude. Sur une surface de piste au RF passable, si l'inversion de poussée maximale avait été utilisée pendant toute la course à l'atterrissage, la distance d'atterrissage aurait été d'environ 9498 pieds. Sur une surface de piste au RF faible, avec les mêmes conditions que ci-dessus, la distance d'atterrissage avec une inversion de poussée maximale pendant toute la course à l'atterrissage aurait été de 9563 pieds.

Par conséquent, [traduction] « peu importe l'état de piste, l'utilisation de l'inversion de poussée maximale aurait permis à l'avion de rester sur la piste »Note de bas de page 39 avec le freinage automatique réglé à 1, même avec les aérofreins déployés comme lors de l'événement à l'étude et un poser des roues à 1050 pieds au-delà du point d'atterrissage normal de 1500 pieds.

1.7 Renseignements météorologiques

Les renseignements météorologiques suivants sont tirés d'un rapport d'analyse météorologique qu'Environnement Canada a préparé pour le BSTNote de bas de page 40.

Dans la matinée du 5 juin 2015, le ciel s'est partiellement dégagé à CYUL et à l'ouest, ce qui a permis à la température de surface d'augmenter avec le réchauffement diurne. De plus, des vents modérés du sud au sud-ouest ont permis une augmentation de l'humidité à basse altitude, ce qui a engendré un développement convectif sous forme de cumulus.

Ces cellules de convection ont continué de grossir et étaient devenues des cumulus bourgeonnants à 13 h. On a signalé des précipitations pour la première fois à 14 h. À 14 h 51, environ 7 minutes avant l'atterrissage du WJA588, un message d'observation météorologique spéciale d'aérodrome (SPECI) a été publié pour CYUL et indiquait ce qui suit : vents du 330 °V (degrés vrais) à 18 nœuds, variables de 250 °V à 340 °V, visibilité de 15 sm dans des averses de pluie, quelques nuages à 1200 pieds, cumulus fragmentés bourgeonnants à 2500 pieds, couvert nuageux à 7500 pieds, température de 20 °C, point de rosée de 18 °C, calage altimétrique de 29,92 pouces de mercure. Remarques : stratus fractus 2/8, cumulus bourgeonnants 5/8, altocumulus 1/8, visibilité du sud-ouest au nord de 2 ½ sm, augmentation rapide de la pression, pression au niveau de la mer de 1013,1 hectopascals, altitude-densité de 700 pieds. Le SPECI a été diffusé avec l'ATIS Mike à 14 h 58, alors que l'aéronef se trouvait déjà sur la piste. L'équipage n'avait donc pas été informé du SPECI avant d'atterrir.

Le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) émis à 15 h signalait de fortes averses avec une visibilité réduite de 1 ½ sm et des vents du 330 °V à 12 nœuds avec des rafales pouvant atteindre 23 nœuds. Les plafonds au cours de ces averses sont restés égaux ou supérieurs à 2200 pieds AGL. Ce METAR a été diffusé environ 2 minutes après l'atterrissage de l'aéronef. Le message ATIS November a été diffusé à 15 h 9 pour tenir compte de l'observation du METAR de 15 h. À 15 h 13, les précipitations avaient diminué en averses légères au-dessus de la station météorologique, avec une visibilité dominante de 3 sm. Les METAR n'ont fait mention d'aucun orage dans la région entre 14 h et 15 h 13.

À partir des images radar prises entre 13 h et 15 h, la bande de précipitations semblait se diriger sur l'axe est-sud-est à une vitesse de 15 à 20 nœuds. Les réflectivités les plus intenses se trouvaient au-dessus de CYUL entre 14 h 50 et 15 h 10. (CYUL est signalé par un point bleu, comme le montre la flèche rouge dans la figure 3.) Une valeur de réflectivité d'environ 45 dBZNote de bas de page 41 a été observée dans les environs de CYUL à 15 h, ce qui représente un taux de précipitation d'environ 25 mm par heure.

Figure 3. Image radar montrant la bande de précipitations moins de 2 minutes après l'événement à l'étude. (Source : Environnement Canada, avec annotations du BST)
Image radar montrant la bande de précipitations moins de 2 minutes après l'événement à l'étude.

Le pluviomètre automatique AU8 de la station automatique WTQNote de bas de page 42 a enregistré 5 mm de précipitations entre 14 h et 15 h 5. Cependant, de ces 5 mm de précipitations, 4,2 mm ont été enregistrés entre 14 h 55 et 15 h 5, soit un taux de précipitation de 25,2 mm par heure. Le taux de précipitation estimé à partir du radar correspond à celui observé sur le terrain. Selon le Manuel d'observations météorologiques de surface (MANOBS) d'Environnement CanadaNote de bas de page 43, ce taux de précipitation correspond à une forte averse de pluie. La quantité des précipitations enregistrées à partir de 14 h 55 jusqu'à ce que l'aéronef quitte la surface revêtue à 14 h 58 min 43 s était d'environ 1,6 mm, ce qui correspond aussi à une forte averse de pluie.

1.8 Aides à la navigation

Il n'y avait aucune indication de pannes des aides à la navigation au moment de l'approche et de l'atterrissage du WJA588 sur la piste 24L.

1.9 Communications

1.9.1 Généralités

Vers 14 h 55, l'équipage de conduite du WJA588 a communiqué avec le contrôleur pour l'informer qu'il était en approche finale pour l'atterrissage sur la piste 24L. L'équipage de conduite a reçu l'instruction de continuer et a été informé que leur aéronef était en deuxième position pour l'approche à l'atterrissage sur la piste 24L, derrière un Cessna 441.

Immédiatement après l'atterrissage du Cessna 441, le vol WJA588 a reçu l'autorisation d'atterrir et on a indiqué à l'équipage de prévoir quitter la piste à son extrémité. Après que le vol WJA588 se fut posé, en observant la vitesse du WJA588 et la quantité d'eau projetée par l'aéronef alors qu'il s'approchait de l'extrémité de la piste, le contrôle de la circulation aérienne a sonné l'alarme d'écrasement pour alerter les services de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronefs, avant même que l'aéronef ne sorte de la piste.

1.9.2 Atterrissages précédents

De 14 h 51 à 15 h 13, alors que les précipitations signalées sont passées d'averses de pluie modérées à de fortes averses de pluie, puis à de légères averses, 9 aéronefs en tout ont atterri à CYUL : 3 sur la piste 24LNote de bas de page 44 et 6 sur la piste 24RNote de bas de page 45.

Un DHC-8-400 qui a atterri sur la piste 24L avait tout d'abord été autorisé à quitter la piste à son extrémité. Cependant, une fois au sol, le DHC-8-400 a reçu l'instruction d'emprunter la voie de circulation A2 située à environ 5200 pieds du seuil de la piste. Un Cessna 441, qui a atterri immédiatement avant le WJA588, devait également quitter la piste à la voie de circulation A2. À ce moment-là, le contrôleur pouvait à peine voir la voie de circulation A2, qui se trouve à environ 1 sm de la tour. Le contrôleur n'a pas demandé de RF aux équipages de conduite de ces 2 vols, car les 2 aéronefs avaient pu suivre sans difficulté les instructions données. De plus, ni l'un ni l'autre des pilotes n'avait signalé de problèmes de freinage. Par conséquent, il n'y avait aucun RF disponible pour le WJA588. En outre, une inspection de la piste 24L avait été effectuée à 14 h 40, soit environ 18 minutes avant l'atterrissage du WJA588, et rien n'indiquait que l'état de surface de la piste pourrait empêcher l'atterrissage de se faire en toute sécurité.

Les 6 aéronefs qui ont atterri sur la piste 24R pendant la même période ont tous reçu l'instruction d'emprunter la voie de circulation B2, située à environ 7400 pieds du seuil de la piste, à l'exception d'un King Air, qui devait emprunter la voie de circulation E située à environ 5500 pieds du seuil de la piste. Tous les aéronefs ont été en mesure de quitter la piste selon les instructions reçues. Le contrôleur a demandé un premier RF vers 15 h 8, après l'atterrissage d'un Airbus 320. Le pilote a indiqué un RF passable. Par la suite, l'équipage d'un Airbus 310 a indiqué un RF de bon à passable, et l'équipage d'un Boeing 737 a indiqué un RF passable.

1.10 Renseignements sur l'aérodrome

1.10.1 Généralités

Aéroports de Montréal est une société privée, sans but lucratif et indépendante financièrement, responsable de la gestion, de l'exploitation et du développement de CYUL. CYUL compte 3 pistes : la piste 10/28, de 7000 pieds de longueur et de 200 pieds de largeur, revêtue d'asphalte; la piste 06L/24R, de 11 000 pieds de longueur et de 200 pieds de largeur,  revêtue d'asphalte et de béton; et la piste 06R/24L, de 9600 pieds de longueur et 200 pieds de largeur, revêtue de béton rainuréNote de bas de page 46.

1.10.2 Description physique de la piste 24L

Un dessin techniqueNote de bas de page 47 indique que la déclivité longitudinale descendante de la piste 24L est d'environ 0,20 % sur la plus grande partie de sa longueur, à l'exception des 820 derniers pieds où elle augmente à 0,51 % sur environ 328 pieds, puis diminue par la suite à environ 0,25 % sur les derniers 492 pieds. Ces déclivités sont conformes aux normes établies dans le document Normes et pratiques recommandées pour les aérodromes (TP312) de Transports Canada TCNote de bas de page 48, qui recommande que la déclivité longitudinale n'excède pas 1,5 %, et que sur le premier et le dernier quart de la piste, la déclivité longitudinale n'excède pas 0,8 % pour les pistes de codes 3 et 4Note de bas de page 49.

Pour faciliter un drainage rapide, le TP312 recommande que la surface d'une piste soit cambrée, si cela est possible. La déclivité transversale ne doit pas dépasser 1,5 % et ne devrait pas être inférieure à 1 %, sauf aux intersections de la piste et des voies de circulation où il peut être nécessaire d'avoir une déclivité moins forte. Un dessin techniqueNote de bas de page 50 indique que les déclivités transversales de la piste 24L sont conformes aux exigences établies. La piste 24L comprend également des collecteurs d'eaux pluviales. Une vidéo prise pendant de légères averses de pluie une quarantaine de minutes après l'événement à l'étude montre une piste mouillée d'aspect luisant, sans flaque d'eau stagnante.

1.10.3 Marques et balisages de la piste 24L

Le balisage lumineux d'approche de la piste 24L est un balisage lumineux d'approche courte simplifiée avec feux indicateurs d'alignement de piste ; il s'agit d'un dispositif lumineux d'approche à haute intensité conçu pour fournir une trajectoire d'atterrissage visuelle aux aéronefs. La piste 24L est également munie de feux de bord de piste, uniformément espacés de 200 pieds, avec 5 réglages d'intensité. Lors de l'événement à l'étude, les feux de bord de piste étaient réglés à 5, soit le réglage maximal.

Contrairement à la piste 24R, la piste 24L n'est pas munie de feux d'axe de piste. Sur les pistes qui en sont munies, ces feux sont blancs jusqu'à 3000 pieds de l'extrémité de la piste. Ensuite, les feux rouges et blancs alternent jusqu'à 1000 pieds de l'extrémité de la piste, après quoi ils sont rouges sur les 1000 derniers pieds. La piste 24L présentait des marques de piste blanches conformes à une piste avec approche aux instruments de plus de 5000 pieds de longueur. La piste avait les marques suivantes :

Toutes les marques et tous les feux de la piste 24L sont conformes aux normes de marques et de balisages de pistes du TP312Note de bas de page 51.

Les marques de zone d'atterrissage servent à indiquer la zone de poser idéale, et l'écart entre ces marques varie en fonction de la longueur de la piste. On peut évaluer l'orientation de l'aéronef sur la piste à l'aide des marques d'axe, des feux d'axe, des bords de piste et des feux de bord de piste.

La piste n'avait pas d'affichage de la distance restante, ce qui n'était pas requis par la réglementation canadienne ni par les normes de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).

1.10.4 Frottement sur piste

Il est essentiel que la surface revêtue d'une piste soit construite de manière à comporter des caractéristiques de frottement optimales lorsque la piste est mouillée. Des caractéristiques de frottement sur piste adéquates sont requises pour la décélération de l'aéronef, le contrôle directionnel et la mise en rotation des roues au poser. D'importantes réductions des coefficients de frottement peuvent résulter de dépôts de caoutchouc, surtout quand la piste est mouillée.

Tradewind Scientific a effectué un essai de frottement sur piste à l'aéroport CYUL le 13 mai 2015. Voici un extrait du rapport sommaire de Tradewind Scientific :

[traduction]

[On a utilisé] une version sur remorque de l'appareil de mesure du coefficient de frottement (SFT) de SARSYSNote de bas de page 52 approuvée par la FAANote de bas de page 53 et Transports Canada, et répertoriée par l'OACI. Ce type d'appareil est utilisé pour réaliser les programmes d'essai nationaux de Transports Canada depuis plus de 30 ans.

Conformément aux plus récentes spécifications des conditions d'essai standards de la circulaire d'information AC 302-017 de Transports CanadaNote de bas de page 54 pour le SFT, les essais de frottement normal avec cet appareil ont été menés à 65 km/h en utilisant un pneu d'essai à bande de roulement lisse conforme à la norme ASTMNote de bas de page 55 1551, gonflé à 200 kPaNote de bas de page 56 de pression, dans des conditions d'automouillage produisant une pellicule d'eau de 1,0 mm d'épaisseur. Des essais effectués sur toute la longueur de la piste à 6 mètres à gauche et à droite de l'axe de la piste 06R-24L ont été menés selon les recommandations de Transports Canada pour les pistes utilisées par les gros-porteurs.

Le   TP312 de Transports Canada comprend des lignes directrices pour les essais effectués dans de telles conditions; ces lignes directrices indiquent que des mesures correctives doivent être programmées pour une installation lorsque le coefficient de frottement moyen sur piste est inférieur à 60 ou lorsque le coefficient de toute section de 100 m est inférieur à 40.Note de bas de page 57

Le tableau 7 ci-dessous comprend les valeurs de coefficient de frottement mesurées le 13 mai 2015.

Tableau 7. Résultats de l'essai de frottement sur piste effectué le 13 mai 2015Note de bas de page 58
Piste Coefficient de frottement sur piste moyen Coefficient de frottement sur piste minimal sur une section de 100 m
06R/24L (3 m) 56 48
06R/24L (6 m) 58 43
06R/24L (22 m) 64 54

Comme l'indique le tableau, une grande partie de la longueur de la piste 06R/24L présentait des coefficients de frottement inférieurs à 60, à 3 m et à 6 m à gauche et à droite de l'axe de la piste, ce qui correspond au niveau de planification de maintenance fixé par TC. On a également observé des accumulations de contaminants de caoutchouc ainsi que des pertes de texture du revêtement de la piste près des 2 zones d'atterrissage de la piste 06R/24L.

Fondé sur ces résultats, le rapport de Tradewind Scientific mentionne que [traduction] « des essais de frottement ultérieurs de la piste 06R/24L doivent être prévus dès que la piste sera décontaminée du caoutchouc et que les travaux de maintenance auront été faitsNote de bas de page 59. »

L'enlèvement du caoutchouc a eu lieu le 2 juin 2015, 3 jours à peine avant l'événement. Des essais de frottement ont eu lieu le 16 juillet 2015, après l'enlèvement du caoutchouc.

Tableau 8. Résultats de l'essai de frottement sur piste effectué le 16 juillet 2015Note de bas de page 60
Piste Coefficient de frottement sur piste moyen Coefficient de frottement  sur piste minimalsur une section de 100 m
06R/24L (3 m) 73 62
06R/24L (6 m) 61 51
06R/24L (22 m) N/D N/D

Comme il est indiqué au tableau 8, une grande partie de la longueur de la piste 06R/24L présentait des coefficients de frottement supérieurs à 60, à 3 m et à 6 m à gauche et à droite de l'axe de la piste, et toutes les sections de 100 m présentaient des coefficients supérieurs à 40.

1.10.5 Rainurage des pistes

Le rainurage réduit le risque d'aquaplanage dynamique et visqueux en fournissant à l'eau une voie d'échappement sous les pneus (par les rainures). Le rainurage est appliqué à la macrotexture et à la microtexture de la surface de la piste. Au Canada, le rainurage des pistes n'est pas obligatoire pour le revêtement de pistes nouvelles ou existantes. Bien que le rainurage de piste ne fasse l'objet d'aucune définition précise, en général, dans la communauté de l'aviation, on entend par piste rainurée des rainures pratiquées selon la technique et la configuration (profondeur, largeur et entraxe) décrites dans la Circulaire d'information (CI) 300-008Note de bas de page 61. Le traitement au peigne métallique utilise des fils d'acier rigides pour texturer profondément la surface malléable de la chaussée en béton; d'après la CI 300-008, il n'est pas considéré comme équivalent au rainurage.

1.10.6 Aire de sécurité d'extrémité de piste

En juin 2009, l'Australian Transport Safety Bureau (ATSB) a publié un rapport de sécuritéNote de bas de page 62 sur les sorties de piste, qui mentionne entre autres :

[traduction]

Les aires de sécurité d'extrémité de piste (RESA) sont conçues pour réduire les risques de dommages à un aéronef qui :

Une RESA permet aux aéronefs de ralentir de façon contrôlée.

Les revêtements de surface des RESA varient considérablement, de la surface naturelle à la surface pavée. Dans les revêtements de surface usuels des RESA, on retrouve le gravier tassé, les cendres volantes (PFA), l'herbe, le béton de revêtement (PQC), la terre compactée, ou une combinaison de ces différents matériaux. Dans tous les cas, la force portante des RESA doit pouvoir soutenir le mouvement des véhicules de sauvetage et lutte contre les incendies d'aéronefs (SLIA) et résister à l'érosion due au souffle des gaz d'échappement des moteurs à réaction des aéronefs au cours des activités quotidiennes.

[...]

Les dispositions pour l'aménagement des RESA dans les aéroports sont tirées d'une étude de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis sur les accidents liés à des sorties en bout de piste et à des atterrissages trop courts qui se sont produits entre 1975 et 1987. Cette étude a montré qu'environ 90 % des aéronefs qui effectuaient une sortie en bout de piste s'arrêtaient à moins de 1000 pieds (environ 330 m) après l'extrémité de la piste. La moitié des aéronefs s'étaient arrêtés à moins de 300 pieds (90 m), et 80 % s'étaient arrêtés à moins de 700 pieds (environ 210 m) [...]Note de bas de page 63. L'étude a également permis de constater que la plupart des aéronefs qui effectuaient une sortie en bout de piste ne s'écartaient pas très loin de l'axe de la piste dans son prolongementNote de bas de page 64.

1.10.6.1 Exigences relatives aux aires de sécurité d'extrémité de piste

Le tableau 9 présente les longueurs de bande de piste standards de l'OACI et de TC ainsi que les longueurs standards de RESA recommandées.

Tableau 9. Longueurs standards et recommandées des aires de sécurité d'extrémité de piste (RESA)
Pour pistes de codes 3 et 4 Bande de piste standard RESA standard RESA recommandée
OACI annexe 14Note de bas de page 65 60 m 90 m 240 m
TP312, 4e éditionNote de bas de page 66 60 m S.O. 90 m

La piste 24L a une bande de piste qui se prolonge sur 60 m au-delà de l'extrémité de la piste et une RESA de 240 m de longueur et de 152 m de largeur. Ces dimensions sont conformes à la norme et la recommandation de l'OACI. Cependant, les pistes de code 4 au Canada ne sont pas toutes pourvues de RESA de telles dimensions ou d'un autre moyen d'immobilisation des aéronefs offrant un niveau de sécurité équivalent.

Après l'enquête du BST sur un événement mettant en cause une sortie en bout de piste à l'atterrissage à l'aéroport international Lester B. Pearson de TorontoNote de bas de page 67, le Bureau a recommandé que

le ministère des Transports exige que toutes les pistes de code 4 soient pourvues d'une aire de sécurité d'extrémité de piste (RESA) de 300 m ou d'un autre moyen d'immobilisation des aéronefs offrant un niveau de sécurité équivalent.
Recommandation A07-06 du BST

Depuis la publication de la recommandation A07-06 du BST, TC a fourni plusieurs réponsesNote de bas de page 68 à la suite des évaluations du BST de ses premières réponses.

Dans sa plus récente réponse (novembre 2015), TC souscrivait à l'intention de la recommandation et a déclaré ce qui suit :

Au début de 2014, TC a demandé une évaluation des risques indépendante pour définir les critères de mise en œuvre des RESA pour tous les types d'aéroports au Canada. Cette évaluation des risques a été effectuée. TC élabore actuellement des options pour la mise en œuvre des RESA en fonction de cette évaluation des risques. TC effectuera ensuite une analyse complète des coûts et des avantages et organisera des consultations supplémentaires avec les intervenants, puis mettra à jour l'Avis de proposition de modification (APM) et révisera la terminologie réglementaire.

Dans cette réponse, TC n'a pas fourni de renseignements pour répondre à la préoccupation émise par le BST en mars 2015 concernant le fait que l'évaluation des risques indépendante de TC, intitulée Évaluation des risques des aires de sécurité d'extrémité de piste aux aéroports canadiens (T8080‑120164) n'allait pas comprendre une étude des RESA de 300 m pour les pistes de code 4.

De plus, la plus récente réponse de TC ne comprenait aucun détail sur les constatations de l'ER; TC y a seulement indiqué que cette évaluation était terminée. En l'absence de tels renseignements, il est impossible d'évaluer si le plan élaboré par TC pour mettre en œuvre les modifications aux exigences réglementaires relatives aux RESA comprendra des options permettant de corriger en particulier la lacune soulignée dans la recommandation A07-06.

En conséquence, on ne sait pas encore si TC prévoira une discussion sur la possibilité d'ajouter une RESA de 300 m pour les pistes de code 4 lorsqu'il mettra en œuvre un plan d'élaboration des options, effectuera une analyse des coûts et des avantages, consultera les intervenants et rédigera l'ébauche d'un APM.

Comme la plus récente réponse de TC ne comprend pas d'information précise, de plan d'action ni d'échéancier en ce qui concerne l'ajout de RESA de 300 m pour les pistes de code 4 des aéroports canadiens, le Bureau a estimé que la réponse de TC dénotait une attention non satisfaisante.

1.11 Enregistreurs de bord

L'aéronef était muni d'un FDR (Honeywell à semi-conducteurs, modèle SSFDR) qui contenait environ 26,5 heures de données. Les données du vol de l'événement à l'étude et des 18 vols précédents y étaient consignées. Tel que mentionné précédemment, les aérofreins ont été rentrés manuellement à 103 nœuds lors du vol à l'étude, soit 23 nœuds au-dessus de la limite de 80 nœuds établie dans le ME. Un examen des données du FDR a révélé que lors du vol à l'étude les aérofreins ont été rentrés à l'atterrissage à une vitesse considérablement supérieure à celles des 18 vols précédents (variant entre 9 et 88 nœuds). Un examen des données relatives aux systèmes n'a relevé aucune défaillance qui aurait dégradé les performances de freinage de l'aéronef.

L'aéronef était aussi muni d'un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR) (Honeywell à semi-conducteurs, modèle SSCVR, numéro de pièce 980-6022-001, numéro de série CVR120-12629) dans lequel la totalité du vol depuis CYYZ a été consignée, y compris la sortie en bout de piste. L'enregistrement a pris fin lorsque le disjoncteur du CVR a été ouvert après l'événement.

1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

Sans objet.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Sans objet.

1.14 Incendie

Il n'y a eu aucun incendie avant ou après la sortie en bout de piste de l'aéronef.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

1.15.1 Évacuation de l'aéronef

Une fois l'aéronef immobilisé, le commandant de bord a fait une annonce aux passagers, leur demandant de rester assis avec leur ceinture de sécurité bouclée. On a mis en marche le groupe auxiliaire de bord  et les 2 moteurs ont été arrêtés à 15 h 5 min 2 s. Tous les passagers sont sortis de l'aéronef par la porte principale avant droite à l'aide d'un escalier mobile. Ils ont été recueillis par un car transbordeur qui les a conduits à l'aérogare principale.

1.15.2 Sauvetage et lutte contre les incendies d'aéronefs

Le poste de pompiers de CYUL est situé au nord-est de l'aérogare dans un espace dégagé entre les pistes. Selon les données du radar au sol, les véhicules SLIA ont quitté le poste de pompiers, se sont dirigés vers le site à 15 h, et sont arrivés à l'aéronef à 15 h 1 min 51 s, soit environ 3 minutes après l'événement.

1.16 Essais et recherches

1.16.1 Performance de freinage du turboréacteur sur piste mouillée

Le 31 août 2006, la FAA a publié la Safety Alert for Operators (SAFO) 06012. Cette SAFO recommandait vivement que les exploitants d'avions à turboréacteurs élaborent des procédures à l'intention des équipages de conduite sur l'évaluation des performances d'atterrissage basées sur diverses conditions existant à l'arrivée, plutôt que sur les conditions présumées au moment des activités de régulation du vol. Ces conditions comprennent les conditions météorologiques, l'état de piste, la masse de l'avion et les circuits de freinage à utiliser. Une fois la distance d'atterrissage réelle déterminée, on devrait y ajouter une marge de sécurité supplémentaire d'au moins 15 %.

Les résultats de l'analyse de données d'arrêt de plusieurs incidents et accidents récents à l'atterrissageNote de bas de page 69 ont indiqué que [traduction] « le coefficient de frottement au freinage dans chaque cas était considérablement plus faible que prévu pour une piste mouilléeNote de bas de page 70 ». Par la suite, la FAA a publié la SAFO 15009 le 11 août 2015. La SAFO

[traduction] avertit les exploitants et les pilotes d'avion que les données d'information sur les atterrissages sur piste mouillée peuvent ne pas fournir une marge d'arrêt sécuritaire dans toutes les conditions. […] Les données indiquent qu'en présence d'une piste mouillée, l'ajout d'une marge de sécurité de 15 % aux données d'information à l'heure d'arrivée, comme le recommande la SAFO 06012, peut être insuffisant dans certaines conditions de piste mouillée.

La cause fondamentale de la carence de freinage sur une piste mouillée n'est pas totalement comprise à ce jour; cependant, des éléments d'états de piste semblent y contribuer; la texture du revêtement (surface polie ou contaminée de caoutchouc), le drainage, des flaques d'eau stagnante dans les traces de roue ainsi que les précipitations. L'analyse de ces données indique que 30 à 40 % de distance d'arrêt supplémentaire peut s'avérer nécessaire dans certains cas où la piste est très mouillée, sans pour autant être inondée.

Pour les pistes non rainurées ou à texture sans couche de frottement poreuse (PFC), l'expérience démontre que le freinage des roues peut être altéré lorsque la piste est très mouillée. En présence de précipitations modérées ou fortes, l'exploitant devrait évaluer les conditions d'arrivée de façon plus conservatrice.

Pour les pistes rainurées ou à PFC, l'expérience démontre que le freinage des roues est altéré lorsque la piste est très mouillée. En présence de fortes précipitations, l'exploitant devrait évaluer les conditions d'arrivée de façon plus conservatriceNote de bas de page 71.

1.16.2 Sorties en bout de piste

Pour fournir aux pilotes et aux exploitants un moyen [traduction] « de déterminer, de comprendre et d'atténuer les risques associés aux sorties en bout de piste à l'atterrissageNote de bas de page 72, » la FAA a publié le document AC 91-79A le 17 septembre 2014. Conçu pour être utilisé dans l'élaboration de procédures d'utilisation normalisées (SOP) qui atténuent ces risques, ce document rapporte ce qui suit :

[traduction]

Une étude des données de la FAA et du NTSB ( National Transportation Safety Board des États-Unis) indique que les dangers suivants augmentent le risque de sortie en bout de piste :

Selon l'AC 91-79A, des SOP précises constituent [traduction] « des outils fondamentaux d'atténuation des risques » et devraient porter « à tout le moins »  sur les dangers énumérés ci-dessus. En outre, il est « impératif » que l'équipage de conduite exécute fidèlement ces SOP. Un programme efficace de formation sur la réduction des sorties en bout de piste offert par les exploitants constitue également un outil qui fournit aux équipages de conduite des [traduction] « connaissances académiques et des compétences dans le but de sensibiliser le pilote aux facteurs susceptibles de provoquer une sortie en bout de pisteNote de bas de page 74 ».

1.16.3 Études des facteurs contribuant aux sorties en bout de piste

1.16.3.1 Flight Safety Foundation

Une analyse des données sur les sorties en bout de piste accumulées sur 14 ans, menée par la Flight Safety Foundation (FSF)Note de bas de page 75, a déterminé que les sorties en bout de piste étaient habituellement occasionnées par au moins un des facteurs suivants : conditions météorologiques, performances de l'aéronef, technique et prise de décisions de l'équipage, ou systèmes de bord. Fait pertinent à l'événement à l'étude, l'examen a révélé que les facteurs suivants contribuaient fréquemment à des tels événements :

Les mesures d'atténuation recommandées par la FSF pour ces facteurs comprenaient

1.16.3.2 Boeing

Boeing a publiait chaque trimestre de 1998 à 2014 le magazine AERO, qui fournissait aux exploitants de l'information technique supplémentaire pour promouvoir la sécurité et l'efficacité continues dans les activités quotidiennes de leur flotte. L'information suivante est un résumé d'un article publié dans le magazine sur la réduction des sorties en bout de piste à l'atterrissage :

[traduction]

Les données recueillies et analysées entre 2003 et 2010 montrent que les facteurs contributifs à une sortie en bout de piste à l'atterrissage se produisent aux fréquences suivantes :

Un examen des sorties en bout de piste mené par Boeing a montré que de tels incidents sont généralement dus à plusieurs facteurs. En conséquence, il fallait élaborer une approche polyvalente pour réduire la fréquence de tels incidents. En analysant les facteurs contributifs par phase de vol, l'étude a révélé que les facteurs contribuant le plus souvent aux sorties en bout de piste sont les suivants :

Également, un facteur contributif fréquent à ces événements est un manque de reconnaissance des conditions réelles :

[traduction]

Les données sur les sorties en bout de piste laissent croire qu'un certain nombre de tels incidents pourrait être évité si l'équipage de conduite comprenait mieux les relations entre l'environnement d'atterrissage et les risques potentiels existant le jour même (conditions météorologiques, vents, état de piste, liste d'équipement minimal, masse de l'avion)Note de bas de page 77.

Les mesures d'atténuation recommandées par Boeing pour réduire les sorties en bout de piste mettent l'accent sur la sensibilisation de l'équipage :

1.16.4 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a complété les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

1.17 Renseignements sur l'organisme et sur la gestion

WestJet est un exploitant aérien canadien et un organisme de maintenance agréé détenteur de certificats d'exploitation en vertu des sous-parties 705 et 573 du Règlement de l'aviation canadien (RAC). WestJet est également un organisme de formation agréé.

La flotte actuelle exploitée par WestJet compte environ 104 aéronefs B737-600,  -700 et  -800. WestJet possède 3 simulateurs de vol pour l'entraînement des pilotes sur  B737-700NG à Calgary (Alberta). La formation théorique initiale et périodique a lieu aux installations de WestJet à Calgary.

1.17.1 Programme de surveillance des données de vol de WestJet

Après l'événement à l'étude, WestJet a utilisé l'information du programme de surveillance des données de vol pour examiner les cas où les aérofreins avaient été rentrés à une vitesse supérieure à 80 nœuds. Le tableau 10 indique le nombre de cas identifiés à divers aéroports, par piste, entre janvier et septembre 2015.

Tableau 10. Cas (WestJet) où les aérofreins ont été rentrés à des vitesses supérieures à 80 nœuds à divers aéroports, par piste, entre janvier et septembre 2015
Piste d'atterrissage Nombre de vols Nombre de cas Pourcentage
CYYC* - 35L 4815 583 12
CYEG** - 30 4408 166 4
CYYZ - 05 5098 151 3
CYEG - 20 2236 138 6
CYYC - 17L 5454 109 2
CYUL - 24L 771 108 14
CYVR*** - 26R 4992 78 2
CYYC - 35R 4690 73 2
CYUL - 24R 1923 70 4
CYVR - 08L 3957 63 2

* Aéroport international de Calgary (Alberta).

** Aéroport international d'Edmonton (Alberta).

*** Aéroport international de Vancouver (Colombie-Britannique).

Le tableau montre que la piste 24L de CYUL et la piste 35L de l'aéroport international de Calgary (CYYC) (Alberta) sont la scène du plus grand pourcentage de cas. Ces 2 pistes ont des configurations similaires; l'aérogare est située à l'extrémité de départ de la piste et les aéronefs reçoivent souvent l'instruction de quitter la piste à son extrémité pour garder les voies de circulation parallèles libres pour la circulation des aéronefs en partance à l'extrémité opposée de la piste.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Approche et atterrissage

Selon le ME de WestJetNote de bas de page 78, lorsque l'automanette est désactivée, ce qui était le cas lors de l'événement à l'étude [traduction], « la vitesse d'approche cible se calcule comme suit : ajouter la demie de la composante vent de face constant signalé et la composante des rafales au-dessus du vent constant à la vitesse d'approche de référence VrefNote de bas de page 79, Note de bas de page 80 ». La vitesse cible ne doit pas être inférieure à Vref + 5 nœuds et ne doit pas dépasser Vref + 20 nœuds. La [traduction] « correction pour les rafales devrait être conservée jusqu'au poser des roues, tandis que celle pour les vents constants devrait être réduite à mesure que le poser des roues de l'aéronef approcheNote de bas de page 81. » Une erreur fréquente relevée par les pilotes examinateurs de WestJet lors de l'application de cette procédure est l'ajout de la demie du total des vents plutôt que de la demie de la composante vent de face.

La masse à l'atterrissage de l'aéronef en cause dans l'événement était de 113 500 livres et la Vref calculée avec les volets braqués à 30° était de 125 nœuds. Pendant l'approche finale, les vents signalés à l'équipage étaient les suivants : soufflant du 350 °M à 17 nœuds avec rafales pouvant atteindre 22 nœuds. Par conséquent, il n'y avait aucune composante vent de face. Seules les rafales de 5 nœuds au-dessus du vent constant auraient dû être ajoutées à la Vref, ce qui aurait donné une vitesse cible de 130 nœuds, soit la vitesse qu'il aurait fallu maintenir jusqu'au poser des roues. Lors de l'événement à l'étude, le PF a initialement réglé la vitesse cible à 130 nœuds dans le MCP, mais l'a augmentée à 140 nœuds après que le contrôleur de la tour a signalé le régime des vents cité précédemment. Selon les données du FDR, l'aéronef a franchi le seuil à 145 nœuds, soit 20 nœuds au-dessus de la Vref. La vitesse a été réduite pendant l'arrondi, et l'aéronef a atterri à 133 nœuds.

1.18.2 Approche stabilisée

Selon le ME de WestJet,

[traduction]

Selon ces critères, on a conclu que l'approche lors de l'événement à l'étude était stabilisée : la configuration d'atterrissage indiquait un braquage des volets à 30 °, le réglage de puissance convenait pour la configuration de l'aéronef, la vitesse anémométrique ne dépassait pas la vitesse cible + 20  (150 nœuds), et l'aéronef se trouvait sur l'alignement de descente. Toutefois, la vitesse cible de 140 nœuds était trop élevée pour le régime des vents.

Les procédures normales de WestJet exigent une remise des gaz si un atterrissage ne peut être effectué dans la zone d'atterrissageNote de bas de page 83. Cependant, rien n'exige que l'équipage détermine à l'avance des critères qui serviraient de déclencheurs pour l'aider à reconnaître que l'aéronef ne pourra pas atterrir dans la zone d'atterrissage.

1.18.3 Opérations sur piste mouillée

À l'heure actuelle, les coefficients de frottement sur piste ne sont pas fournis l'été quand il pleut. Le Manuel d'information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC) traite des points suivants :

Bien que les valeurs de coefficient de frottement ne puissent être établies pour les pistes mouillées et que l'aquaplanage puisse causer de sérieux problèmes aux pilotes, il a été constaté que les pistes bien drainées de la plupart des aéroports canadiens ne permettent pas que l'eau s'accumule en quantité suffisante pour donner lieu à l'aquaplanage. Par temps de pluie, le CRFI sur une piste mouillée pourrait être de l'ordre de 0,3 sur une piste mal entretenue ou mal drainée, mais en général, sa valeur est de 0,5. Ces chiffres peuvent servir à titre indicatif en conjonction avec les rapports des pilotes et d'autres rapportsNote de bas de page 84[.]

La section AIR 1.6.6 de l'AIM de TC comprend des tableaux qui présentent les distances d'atterrissage recommandées selon le CRFI signalé, et qui reposent sur les éléments suivants :

Les tableaux des distances d'atterrissage qui tiennent compte du CRFI ne s'appliquent pas aux opérations sur piste mouillée. TC a fait savoir qu'il modifiera la référence dans l'AIM afin de clarifier cette notion à l'occasion d'un futur cycle de publication.

En utilisant la masse réelle de l'aéronef à l'atterrissage au moment de l'événement à l'étude et le réglage maximal du freinage automatique sur une piste sèche avec les volets braqués à 30 °, la distance d'atterrissage non pondérée est d'environ 3700 piedsNote de bas de page 86 à partir d'un poser des roues à 1500 pieds au-delà du seuil de la piste. D'après le tableau 1 (sans effet de disque ni inversion de poussée) de l'AIM de TC, la distance d'atterrissage recommandée avec un CRFI signalé de 0,3 est de 8200 pieds, et de 6665 pieds avec un CRFI signalé de 0,5 (annexe E).

1.18.4 Compte rendu d'évaluation et d'état de la surface de la piste

En 2008, l'OACI a établi un groupe de travail sur le coefficient de frottement des pistes (Friction Task Force [FTF]). Composé d'experts et d'intervenants internationaux provenant de groupes sectoriels clés, le FTF a pour tâche d'examiner les dispositions ayant trait à la sécurité, de les mettre à jour et d'y recommander des modifications. Le FTF s'est penché sur les lacunes des normes et pratiques recommandées en vigueur liées aux méthodes qui servent à évaluer et à signaler les caractéristiques de frottement des pistes, à l'utilisation de valeurs de frottement mesurées aux fins des opérations aériennes, et à l'enlèvement prompt de contaminants.

Le FTF a élaboré un cadre général de présentation des rapports (GRF) sur l'état de la surface des pistes. Ce concept se fonde sur une grille d'évaluation de l'état de surface de la piste (RCAM), qui utilise certains critères pour évaluer l'état de la surface des pistes et attribuer à celles-ci un code d'état de surface de piste correspondant. Cette méthodologie se fonde sur les recommandations de l'initiative d'évaluation de la performance de décollage et d'atterrissage de l'Aviation Rulemaking Committee de la FAA.

Après un dépassement de piste par un Boeing 737 à l'aéroport international Midway à Chicago, aux États-Unis, en décembre 2005, la FAA et le secteur de l'aviation ont mis au point une nouvelle méthodologie pour communiquer aux pilotes l'état réel des pistes au moyen d'une terminologie ayant un lien direct avec la performance attendue de l'aéronef. Le 15 août 2016, la FAA a émis l'alerte de sécurité SAFO 16009 pour informer les exploitants, pilotes, fournisseurs de formation et autre personnel des changements dans la façon de rendre compte de l'état de la surface des pistes qui sont dans tout état autre que sec. Ce changement est entré en vigueur aux États-Unis le 1er octobre 2016.

D'après la SAFO 16009 [traduction] :

La FAA met en œuvre l'utilisation d'une grille d'évaluation de l'état de surface de la piste (RCAM) dont se serviront les exploitants d'aéroports pour évaluer l'état de la surface des pistes, et par les pilotes pour interpréter le compte rendu d'état de la surface des pistes. La RCAM est présentée dans un format standard, en fonction des données de performance de l'aéronef fournies par le fabricant, pour chacun des types de contaminants et chacune des profondeurs. La RCAM remplace les jugements subjectifs de l'état de la surface des pistes par des évaluations objectives en rapport direct avec le type de contaminant et les catégories de profondeurs.

L'exploitant d'aéroport utilisera la RCAM pour évaluer la surface des pistes avec revêtement, signaler les contaminants présents, et avec l'aide du système d'avis aux aviateurs (NOTAM) fédéral, déterminer le code d'état de surface de piste (RwyCC) selon la RCAM. Les codes RwyCC s'appliquent aux pistes avec revêtement et peuvent être identiques ou varier pour chaque tiers de piste, selon le ou les types de contaminants présents. Les codes RwyCC vont remplacer les comptes rendus Mu, qui ne seront plus publiés par le système NOTAM. En outre, on exprimera la couverture de contaminants en pourcentage pour chaque tiers de piste, depuis l'extrémité de la piste à partir de laquelle on a fait l'évaluation. Il s'agit habituellement de l'extrémité qui est principalement utilisée.

On continuera de demander des rapports de freinage aux pilotes; ces rapports serviront à évaluer la performance de freinage. À compter du 1er octobre 2016, le terme « Fair » sera remplacé par « Medium » [passable], et les rapports de freinage décriront les états par les termes « Good » [bon], « Good to Medium » [bon à passable], « Medium » [passable], « Medium to Poor » [passable à médiocre], ou « NIL » [nul]. Ainsi, les normes NAS [National Aircraft Standards] seront harmonisées avec les normes de l'OACI.

De plus, un aéroport inscrit au registre fédéral ne pourra plus signaler un état de freinage « NIL ». Un tel état, sur quelque surface que ce soit, exige la fermeture de cette surface. Une telle surface ne pourra être rouverte tant que l'exploitant d'aéroport n'aura pas la certitude que l'état de freinage « NIL » a été corrigéNote de bas de page 87.

Comme suite à l'émission de la SAFO 16009, TC a émis l'Alerte à la sécurité de l'Aviation civile (ASAC) No 2016-08, « Mise en œuvre du Takeoff and Landing Performance Assessment (TALPA) [évaluation de la performance au décollage et à l'atterrissage] des États-Unis » pour aviser les pilotes, régulateurs de vols, exploitants aériens et exploitants privés canadiens des changements qui touchent les opérations aériennes aux États-Unis. TC entend mettre en œuvre le cadre général de présentation des rapports (GRF) d'ici à novembre 2020.

1.18.5 Aquaplanage

L'aquaplanage survient lorsqu'une pellicule d'eau s'accumule entre les pneus de l'aéronef et la surface de la piste, ce qui entraîne une perte de traction et empêche l'aéronef de répondre aux commandes telles que la direction ou le freinage. L'aquaplanage dépend de la profondeur de l'eau, de la pression des pneus et de la vitesse de l'aéronef. Une piste et une bande de roulement des pneus lisses favorisent l'aquaplanage avec une pellicule d'eau plus mince.

Il existe 3 types d'aquaplanage : dynamique, visqueux et dû à la dévulcanisation du caoutchouc. L'aquaplanage dynamique peut se produire lors des vitesses plus élevées de la course au décollage ou à l'atterrissage et

[traduction]

il s'agit du résultat des forces hydrodynamiques développées quand un pneu roule sur une surface couverte d'eau. […] La bande de roulement des pneus, la profondeur de la pellicule d'eau et la macrorugosité de la piste ont une incidence sur l'aquaplanage dynamique. […] Lorsque la macrorugosité de la surface ou la bande de roulement des pneus sont suffisantes, il ne survient habituellement pas d'aquaplanage dynamique total. Cependant, ce dernier peut survenir lorsque la pellicule est assez épaisse pour empêcher la bande de roulement des pneus et la macrorugosité de la piste d'évacuer l'eau assez rapidementNote de bas de page 88.

De plus, selon l'OACI, « On a constaté qu'une pellicule d'eau d'aussi peu que 0,5 mm suffisait pour causer l'aquaplanage dynamiqueNote de bas de page 89 ». Un aquaplanage dynamique laisse rarement d'indice matériel sur les pneus ou sur la surface de la piste.

Il y a aquaplanage visqueux lorsqu'un pneu est incapable de percer la mince pellicule d'eau (il suffit d'une pellicule d'à peine un millième de pouce) sur le revêtement,  le faisant rouler sur l'eau. Cela peut survenir à une vitesse beaucoup moins élevée que pour l'aquaplanage dynamique, mais il faut que la surface de la piste soit très lisse, comme si elle avait été polie par la circulation ou autrement. L'aquaplanage visqueux est associé aux pistes humides ou mouillées et, une fois qu'il a commencé, il peut se poursuivre jusqu'à une très basse vitesse. Comme dans le cas de l'aquaplanage dynamique, l'aquaplanage visqueux laisse rarement d'indice matériel sur les pneus ou sur la surface de la piste.

L'aquaplanage dû à la dévulcanisation du caoutchouc se produit lorsqu'une roue bloquée patine. Dans un tel cas, la chaleur générée par le frottement produit de la vapeur et commence à dévulcaniser le caoutchouc sur une partie du pneu (le caoutchouc « retrouve » son état originel et non traité). Le pneu présentera des signes évidents de dévulcanisation et la surface de la piste montrera clairement la trace des roues générée par la vapeur sous pression sous les pneus. Rien de la sorte n'a été observé sur les pneus ni sur la piste après l'événement à l'étude.

1.18.6 Gestion des menaces et des erreurs

Le modèle de gestion des menaces et des erreurs (TEM) est un cadre conceptuel qui peut être utilisé pour décrire comment l'équipage de conduite gère les situations auxquelles il doit faire face et qui augmentent les risques associés à un vol donné, et pour diagnostiquer l'évolution des situations après un événement. Le modèle comprend les menaces, les erreurs et les états défavorables de l'aéronef. Le modèle décrit également les contre-mesures qui se sont révélées efficaces dans la gestion de telles situationsNote de bas de page 90.

Les menaces sont des conditions qui échappent au contrôle de l'équipage et qui augmentent le risque. Elles peuvent inclure des menaces environnementales, telles que des conditions météorologiques défavorables, une piste contaminée, ou de la difficulté à se conformer à une autorisation du contrôle de la circulation aérienne. Si les menaces sont cernées et gérées de près, elles peuvent n'avoir que peu de conséquences. Cependant, les équipages font souvent des erreurs face aux menaces, ce qui génère un état défavorable de l'aéronef.

Ces erreurs incluent des actions ou inactions de la part d'un équipage qui mènent à des écarts par rapport aux intentions ou aux attentes de l'organisation ou de l'équipage. Ces écarts peuvent inclure des erreurs de pilotage, telles que l'utilisation incorrecte des dispositifs automatisés, des erreurs de procédure (p. ex., exécuter des listes de vérification de mémoire ou omettre des consignes) ou des erreurs de communication (p. ex., des annonces manquées ou une mauvaise relecture des instructions du contrôle de la circulation aérienne). Les erreurs peuvent résulter de la mauvaise gestion d'une menace ou peuvent se produire spontanément. La clé pour bien gérer les erreurs consiste à les détecter et à y réagir.

Un aéronef est dans un état défavorable lorsqu'il se trouve dans une situation de risque accru, le plus souvent en raison de la mauvaise gestion d'une menace ou d'une erreur. Parmi les états défavorables, on retrouve les problèmes de pilotage (p. ex., un écart d'altitude ou de vitesse), des problèmes de navigation au sol, ou des cas de mauvaise configuration de l'aéronef (p. ex., le réglage incorrect des dispositifs automatisés ou une configuration tardive en vue de l'atterrissage).

La TEM recommande d'analyser attentivement les dangers potentiels et de prendre les mesures qui s'imposent pour éviter, limiter ou atténuer les menaces et les erreurs avant qu'elles n'aboutissent à un état défavorable de l'aéronef. Autrement dit, la TEM fait de l'anticipation, de l'identification et de la correction les principes clés sur lesquels elle se fondeNote de bas de page 91.

1.18.7 Conscience situationnelle, modèles mentaux et prise de décisions

La conscience situationnelle (SA) décrit dans quelle mesure les éléments dans l'environnement opérationnel sont perçus et leur importance comprise au moment où ils se manifestent, et ultérieurement. Le modèle le plus largement utiliséNote de bas de page 92 de SA distingue 3 niveaux et états de comportements. Il indique qu'un rendement efficace exige des équipages qu'ils

  1. perçoivent les éléments dans l'environnement (SA de niveau 1);
  2. comprennent leur importance par rapport  à la situation présente (SA de niveau 2);
  3. utilisent ces éléments pour prévoir les prochains états (SA de niveau 3)Note de bas de page 93.

Des problèmes peuvent survenir aux 3 niveaux et donner lieu à des cas où les éléments critiques passent inaperçus, où la situation en cours est incomprise et où les situations ne sont pas anticipées.

La SA se développe et se maintient grâce à un processus continu de réévaluation de la situation. Dans certaines circonstances, ce processus peut être déclenché par un élément introduit dans l'environnement opérationnel. En pareil cas, l'importance de l'élément introduit sera un facteur important pour déterminer si le modèle mental que se fait la personne de la situation en tient compte et l'assimile.

Dans des environnements familiers, cependant, les ressources attentionnelles d'une personne sont, la plupart du temps, alimentées par son propre modèle mental de la situation. En effet, son expérience antérieure déterminera en tout temps les éléments les plus pertinents. Dans ce mode de traitement axé sur les buts [traduction] : « La SA est influencée par les objectifs et les attentes de l'équipage, qui influent sur la façon dont il dirigera son attention et percevra et interprétera les élémentsNote de bas de page 94. » Ce traitement est essentiel à un rendement efficace dans des environnements dynamiques, car il réduit la demande attentionnelle; cependant, il peut aussi engendrer des erreurs : un modèle mental inexact entravera la perception des éléments critiques ou la compréhension de leur importanceNote de bas de page 95.

L'évaluation de la situation peut être déclenchée par des indices présents dans l'environnement opérationnel ou par les attentes du décideur face au déroulement de la situationNote de bas de page 96. Pour cette raison, pour assurer une évaluation en temps opportun de la situation, des procédures ou de la formation devraient inciter à concentrer les efforts pour faire ressortir davantage les éléments qui déclencheront une évaluation de la situation ou pour augmenter la probabilité d'une réévaluationNote de bas de page 97.

1.18.8 Liste de surveillance du BST

La Liste de surveillance énumère les principaux enjeux de sécurité qu'il faut s'employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

Les sorties en bout de piste sont l'un des enjeux de la Liste de surveillance 2016. Comme l'illustre cet événement des sorties en bout de piste continuent de se produire aux aéroports canadiens.

Cet enjeu restera sur la Liste de surveillance du BST jusqu'à ce que :

La base de données du BST indique que, sur la période de 10 ans allant du 6 juin 2005 au 6 juin 2015, on a compté 80 sorties en bout de piste à l'atterrissage au Canada. Parmi ces événements, 3 ont causé des décès et 20 ont causé des blessures graves. Des 80 cas de sorties en bout de piste, 5Note de bas de page 98 mettaient en cause un Boeing 737. De ces 5 événements, aucun n'a causé de décès ou de blessures graves. Le dernier cas de sortie de piste de piste à CYUL, avant l'événement à l'étude, a eu lieu en 2006, après l'atterrissage d'un Learjet 35A sur la piste 06RNote de bas de page 99.

1.19 Techniques d'enquête utiles ou efficaces

Sans objet.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

Les dossiers indiquent que l'aéronef était homologué, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. On n'a relevé aucune anomalie mécanique sur l'aéronef. Un examen des dispositifs de décélération de l'aéronef a été effectué, et aucune anomalie n'a été relevée.

L'équipage de conduite possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur, et rien n'indique que des facteurs physiologiques comme la fatigue aient atténué les capacités de l'équipage de conduite. Par conséquent, la présente analyse portera sur la gestion des menaces opérationnelles auxquelles l'équipage faisait face et sur l'utilisation des dispositifs de décélération disponibles.

2.2 Menaces opérationnelles

2.2.1 Généralités

Pour qu'un équipage puisse gérer les menaces opérationnelles de façon judicieuse, il doit les cerner et évaluer leur impact potentiel actuel et à venir avec précision. L'équipage perçoit et évalue les éléments disponibles dans l'environnement conformément au modèle mental qu'il a de la situation.

2.2.2 États de piste attendus

Lorsque l'équipage a planifié l'arrivée à l'Aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal (CYUL), il prévoyait effectuer une approche à vue sur une piste mouillée. Cette approche était basée sur les renseignements météorologiques fournis par l'information du service automatique d'information de région terminale (ATIS) Lima, qui faisait état d'une visibilité de 15 milles terrestres (sm) dans de légères averses de pluie et d'un plafond de nuages fragmentés à 4500 pieds au-dessus du niveau du sol (AGL) avec présence de cumulus bourgeonnants. Dans de telles conditions météorologiques, et en anticipant la pratique normale de quitter la piste 24L à son extrémité, l'équipage a annoncé une approche à vue, soutenue par le système d'atterrissage aux instruments (ILS) et prévoyait un réglage du freinage automatique à 1 et un braquage des volets à 30 °.

Les documents d'orientation disponibles pour aider les équipages dans ces situations associent une piste mouillée à une bonne performance de freinage. Le tableau des distances d'atterrissage et les tableaux d'équivalences des distances d'arrêt contenus dans le manuel d'exploitation (ME) de WestJet précisent que, à moins d'avoir reçu un rapport de freinage (RF) d'un type d'aéronef similaire indiquant un freinage faible ou passable, ou à moins que l'équipage s'attende à ce qu'il y ait plus de 1/8 pouce d'eau stagnante sur la piste, les calculs de distance d'atterrissage dans de bonnes conditions de freinage peuvent être utilisés.

Ces procédures s'appuient sur des renseignements qui ne sont pas toujours mis à la disposition de l'équipage. Selon l'information  de l'ATIS Lima, qui indiquait de légères averses de pluie, l'équipage n'avait aucune raison de croire que la piste serait plus que simplement mouillée ou contaminée par de l'eau (soit plus de 3 mm, soit 1/8 pouce, d'eau stagnante). Par conséquent, afin d'obtenir le résultat des calculs de distance d'atterrissage du système embarqué de communications, d'adressage et de compte rendu (ACARS), l'équipage a sélectionné GOOD (bon) dans le champ RF. La distance d'atterrissage calculée par l'ACARS avec les volets braqués à 30 °et le freinage automatique réglé à 1 était de 7784 pieds. Sachant que cette distance comprenait une marge de sécurité de 15 % et que la longueur d'atterrissage disponible était de 9600 pieds, l'équipage n'avait aucune raison de revoir sa décision afin d'utiliser un niveau de freinage automatique supérieur ou de régler les volets à 40 °pour l'atterrissage.

L'utilisation du rapport de décollage et d'atterrissage (RDA) et des tableaux des distances d'atterrissage aurait fourni à l'équipage de conduite des distances d'atterrissage semblables. Tel qu'indiqué dans le Manuel d'information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC), une piste mouillée peut produire des coefficients de frottement qui équivaudraient à un coefficient canadien de frottement sur piste (CRFI) de 0,3 sur une piste mal entretenue ou mal drainée. Toutefois, même si l'équipage avait consulté le tableau de distances d'atterrissage recommandées, la distance d'atterrissage indiquée aurait également été bien en deçà de la distance d'atterrissage disponible, même sans l'utilisation de l'inversion de poussée.

2.2.3 État réel de la piste

La piste 24L était entretenue selon les normes établies dans les Normes et pratiques recommandées pour les aérodromes (TP312) de Transports Canada (TC). L'enlèvement du caoutchouc a eu lieu le 2 juin 2015, soit 3 jours avant l'événement à l'étude. Les essais de frottement effectués le 16 juillet 2015 (soit plus d'un mois après l'événement) montrent que les coefficients de frottement étaient conformes aux normes du document TP312. Il n'y a donc aucune raison de croire que les coefficients de frottement auraient été inférieurs le jour de l'événement.

Quoique les coefficients de frottement aient été conformes aux normes du TP312, il est probable qu'un aquaplanage visqueux s'est produit alors que l'aéronef approchait de l'extrémité de la piste, comme en témoigne l'absence d'indices de décélération après l'application du freinage maximal. Il est normal d'observer de l'accumulation de contaminants de caoutchouc, ainsi que des pertes de texture du revêtement près des 2 zones d'atterrissage d'une piste, même après l'enlèvement du caoutchouc, surtout quand la piste est mouillée. Cela, combiné à la déclivité négative, a réduit les chances d'immobiliser l'aéronef sur la piste.

La piste 24L est une piste rainurée et, à ce titre, comprend des canaux d'évacuation de l'eau, ce qui augmente le coefficient de freinage lorsque la piste est mouillée. Toutefois, selon la Safety Alert for Operators (SAFO) 15009 de la Federal Aviation Administration (FAA), l'expérience a démontré que le freinage des roues sur une piste rainurée est altéré lorsque la piste est très mouillée, auquel cas les exploitants devraient évaluer les conditions d'arrivée de façon plus conservatrice. Si les exploitants n'envisagent pas d'évaluer les conditions d'arrivée de façon plus conservatrice en cas de précipitations abondantes, il y a alors un risque de sortie en bout de piste.

Les déclivités longitudinale et transversale de la piste 24L sont conformes aux normes du document TP312 et rien n'indique que le drainage de la piste était insuffisant. Selon le pluviomètre de CYUL, les précipitations enregistrées entre 14 h 55 et le moment où l'aéronef a quitté la surface revêtue de la piste à 14 h 58 n'auraient été que de 1,6 mm. Bien que cette quantité semble faible pour une telle période, l'intensité des précipitations était importante et équivalente à une forte averse selon les critères du Manuel d'observations météorologiques de surface (MANOBS) d'Environnement Canada. Par conséquent, la piste n'était pas contaminée en soi, mais elle était probablement plus que mouillée avec un aspect luisant. De plus, la quantité d'eau projetée par l'aéronef observée, alors qu'il s'approchait de l'extrémité de la piste, correspond à un certain niveau d'accumulation d'eau.

Les pilotes sont tenus de calculer la distance d'atterrissage nécessaire; pour assurer l'exactitude de leurs calculs, ils ont donc besoin de données exactes et à jour sur l'état de piste, comme la présence de neige, de pluie ou de glace qui peut avoir une incidence sur la distance d'atterrissage. Toutefois, pendant les périodes de pluie, la profondeur de l'eau sur une piste peut changer rapidement; il n'existe aucune procédure formelle pour signaler l'état de piste comme c'est le cas pour d'autres contaminants, comme la neige et la glace. Ainsi, à moins qu'un autre aéronef n'ait déjà atterri et signalé un freinage faible, l'équipage aurait peu d'information pour se faire une idée de la performance de la piste. Comme l'a démontré l'événement à l'étude, les 2 aéronefs qui avaient atterri sur la piste 24L avant le vol 588 (WJA588) de WestJet n'ont eu aucun problème pour quitter la piste conformément aux instructions. Toutefois, ni l'un ni l'autre n'a fourni de rapport de freinage (RF) au contrôleur, et ce dernier ne leur en a pas demandé.

Au cours de la période d'averses de pluie de modérées à fortes, 6 aéronefs ont atterri sur la piste 24R. Aucun d'eux n'a fourni de RF au contrôleur, et ce dernier ne leur en a pas demandé. Ce n'est qu'une dizaine de minutes après l'événement que le contrôleur a commencé à demander aux équipages de fournir des RF afin de transmettre l'information aux prochains aéronefs atterrissant à CYUL.

Le cadre général de présentation des rapports (GRF) pour l'état de la surface des pistes mis en œuvre par la FAA est un concept qui s'appuie sur une grille d'évaluation de l'état de surface de la piste (RCAM). Cette grille utilise certains critères pour évaluer l'état de la surface des pistes et attribuer à celles-ci un code d'état correspondant. On utilise cette nouvelle méthodologie pour évaluer et communiquer les états réels de surface des pistes aux pilotes au moyen d'une terminologie ayant un lien direct avec la performance attendue de l'aéronef. Ces renseignements vont certainement améliorer la capacité des équipages de conduite d'évaluer correctement les conditions d'atterrissage, surtout durant les mois autres que ceux d'hiver Toutefois, le cadre GRF pour l'état de la surface des pistes n'a pas encore été mis en œuvre au Canada. Par conséquent, s'il n'existe aucune indication particulière sur la façon d'évaluer et de signaler l'état de surface de la piste au cours des mois autres que ceux d'hiver, il y a alors un risque que les équipages ne soient pas en mesure d'effectuer une évaluation appropriée des conditions d'atterrissage.

L'inspection de la piste réalisée environ 18 minutes avant que le WJA588 se pose n'a soulevé aucun problème qui aurait pu nuire à la réalisation d'atterrissages sûrs. Toutefois, l'inspection de la piste a été réalisée avant le début des averses de pluie modérées et fortes. La vidéo de l'inspection de la piste effectuée après l'événement, pendant de légères averses de pluie, montrait une piste mouillée avec un aspect luisant, sans trace d'accumulation d'eau. Toutefois, cette inspection de la piste a eu lieu 40 minutes après l'événement à l'étude.

2.2.4 Approche et atterrissage dans de fortes pluies

Qu'une averse ou même que de fortes pluies se produisent n'amènera pas nécessairement un équipage à anticiper un mauvais freinage, car on attendrait d'une piste mouillée qu'elle offre une bonne qualité de freinage et on suppose habituellement que le drainage de la piste est approprié. À moins que l'on ne rende compte de flaques d'eau sur la piste, il est peu probable que des pilotes considèrent la pluie ou même de fortes averses comme une menace qui les empêcherait d'immobiliser l'aéronef. Cette supposition est renforcée par l'information contenue dans l'AIM de TC, qui indique ceci : « les pistes bien drainées de la plupart des aéroports canadiens ne permettent pas que l'eau s'accumule en quantité suffisante pour donner lieu à l'aquaplanageNote de bas de page 100 ». Ainsi, le plan d'arrivée initial de l'équipage, qui comprenait un freinage automatique réglé à 1 avec inverseurs de poussée réglés à une décélération minimale, était conforme aux directives existantes selon lesquelles une piste mouillée devrait fournir un bon freinage.

Un message d'observation météorologique spéciale d'aérodrome (SPECI) avait été émis à 14 h 51, soit 7 minutes avant l'atterrissage du WJA588, et il faisait état d'une visibilité de 15 milles terrestres (sm) dans une de la pluie modérée. Au même moment, le WJA588 était guidé vers la piste 24L et n'était pas au courant de ce SPECI. Cependant, une fois en phase d'approche, l'équipage s'est rendu compte que les conditions météorologiques étaient pires que prévu; l'équipage a constaté des précipitations abondantes sur le radar météorologique de l'aéronef et a traversé de fortes pluies lors de l'approche finale. Même en constatant que les précipitations s'intensifiaient vers l'aéroport, l'équipage n'a jugé à aucun moment que la piste pourrait être contaminée plutôt que simplement mouillée; par conséquent, l'équipage a continué à s'attendre à de bonnes performances de freinage sur une piste mouillée. Le SPECI a été diffusé avec l'ATIS Mike à 14 h 58. À ce moment-là, l'aéronef se trouvait déjà sur la piste.

Certains renseignements laissent croire que la supposition admise qu'une piste mouillée permet un bon freinage n'atténue peut-être pas adéquatement les risques associés à une piste mouillée. En août 2015, la FAA a publié une SAFO à la suite d'une analyse de performance d'un certain nombre de sorties en bout de piste à l'atterrissage. La SAFO mentionnait que le coefficient de frottement de freinage était considérablement plus faible que prévu pour une piste mouillée. En conséquence, la SAFO a averti les exploitants qu'il peut être nécessaire de prévoir de 30 à 40 % de distance d'arrêt supplémentaire sur une piste mouillée, sans être inondéeNote de bas de page 101.

Selon les renseignements contenus dans la SAFO de la FAA, les exploitants devraient évaluer les conditions d'arrivée de façon plus conservatrice dans les cas où des précipitations modérées ou fortes se produisent sur des pistes non rainurées ou non revêtues d'une couche de frottement poreuse (PFC) et les cas où de fortes précipitations se produisent sur des pistes rainurées ou à PFC. Si les procédures et les directives n'incitent pas les équipages de conduite à prévoir des conditions de freinage moindres sur une piste mouillée, il y a alors un risque que la distance d'atterrissage et la gestion de l'aéronef ne permettent pas d'atteindre une performance d'arrêt sécuritaire.

2.2.5 Approche, arrondi et point d'atterrissage

Une approche stabilisée est la base d'un bon atterrissage. Lors de l'événement à l'étude, tous les critères énoncés dans le ME de WestJet pour une approche stabilisée ont été respectés; l'aéronef est malgré tout sorti en bout de piste. Comme le montrent les données recueillies et analysées entre 2003 et 2010, 68 % des sorties en bout de piste à l'atterrissage surviennent après une approche stabiliséeNote de bas de page 102.

Un examen des sorties en bout de piste effectué par Boeing a démontré que ces incidents sont généralement dus à plusieurs facteurs. L'un de ces facteurs est la vitesse d'approche cible. Selon les directives du ME de WestJet, la vitesse cible se calcule en ajoutant à la vitesse d'approche de référence Vref la demie de la composante vent de face constant signalé et les rafales au-dessus du vent constant. La vitesse cible ne doit pas être inférieure à Vref + 5 nœuds et ne doit pas dépasser Vref + 20 nœuds. Une erreur fréquente notée par les pilotes examinateurs de WestJet lors de l'application de cette procédure est l'ajout de la demie du total des vents plutôt que de la composante vent de face.

Avant l'atterrissage, on avait signalé à l'équipage des vents soufflant du 350 °M (degrés magnétiques) à 17 nœuds avec rafales pouvant atteindre 22 nœuds. Cette information n'a pas incité l'équipage à prendre en compte la composante vent arrière pour le calcul de leur vitesse cible. En fait, après réception de l'autorisation d'atterrir, la vitesse cible indiquée sur le tableau de commande de mode (MCP) a été augmentée de 130 à 140 nœuds.

Lors de l'événement à l'étude, l'équipage a calculé une vitesse d'approche cible inexacte et a franchi le seuil de la piste 15 nœuds plus vite que la vitesse recommandée. Combinée à des vents arrière et à un arrondi un peu haut, cette erreur a fait en sorte que l'aéronef s'est posé au-delà de la zone normale d'atterrissage, réduisant ainsi la distance de piste disponible pour s'arrêter.

Toutefois, cet écart n'était pas suffisant pour inciter les membres de l'équipage à envisager une remise des gaz avant de toucher la piste. Il est probable que l'équipage n'avait pas conscience de la distance qui séparait l'aéronef de la zone normale d'atterrissage.

Aucun indice clair ne permet à l'équipage de déterminer la distance à laquelle l'aéronef a atterri au‑delà de la zone d'atterrissage, car les aéroports civils canadiens n'ont aucun marqueur de distance restante. Une méthode recommandée pour atténuer la tendance à poursuivre un atterrissage qui a commencé au-delà de la zone d'atterrissage consiste à inclure l'obligation d'indiquer un point précis (p. ex., une voie de circulation ou un repère matériel) au-delà duquel une remise des gaz sera effectuée si l'aéronef n'est pas au sol.

Bien que les procédures normales de WestJet exigent une remise des gaz s'il est impossible d'effectuer un atterrissage dans la zone d'atterrissage, l'équipage n'avait aucune obligation d'avoir un point de repère pour les aider à déterminer si l'aéronef avait ou non atterri dans la zone d'atterrissage. Si les pilotes n'ont pas un point de repère au-delà duquel une remise des gaz devrait être effectuée si l'aéronef n'est pas au sol, il y a alors un risque que l'atterrissage se termine par une sortie en bout de piste.

2.3 Gestion des dispositifs de décélération

Le pilotage de l'aéronef après le poser des roues démontre que l'équipage n'avait pas constaté que le poser des roues s'était fait plus loin sur la piste que normal et qu'il s'attendait à un bon freinage, même sous une pluie battante. L'équipage a poursuivi le plan prévu qui consistait à utiliser une décélération minimale parce qu'il s'attendait à quitter la piste à son extrémité. L'inversion de poussée a été sélectionnée peu après le poser des roues, mais seul le ralenti inversion a été sélectionné pour la majeure partie de la course à l'atterrissage. Selon les procédures d'utilisation normalisées (SOP) de WestJet, le ralenti inversion peut être utilisé au besoin pour se conformer aux exigences d'atténuation du bruit; dans le cas contraire, il faut employer l'inversion de poussée normale ou maximale en fonction de la performance de freinage requise et des données de performance à l'atterrissage fournies à l'équipageNote de bas de page 103.

Comme en témoignent les simulations techniques menées par Boeing, si l'inversion de poussée maximale avait été utilisée tout au long de la course à l'atterrissage avec les aérofreins utilisés comme ils l'ont été lors de l'événement à l'étude et le freinage automatique réglé à 1, l'aéronef serait demeuré sur la surface revêtue de la piste même en se posant à 1050 pieds au-delà du point d'atterrissage normal situé 1500 pieds du seuil. Lors de l'événement à l'étude, le commandant de bord a sélectionné l'inversion de poussée maximale seulement 25 secondes environ après le poser des roues. Par conséquent, la distance nécessaire pour immobiliser l'aéronef a augmenté.

En outre, le commandant de bord a rentré les aérofreins de l'aéronef à une vitesse supérieure à 80 nœuds contrairement à ce qui est spécifié dans les SOP de WestJet, et ils n'ont pas été redéployés pendant la course à l'atterrissage. Cela a réduit la charge normale sur le train d'atterrissage ainsi que la traînée aérodynamique. Par conséquent, le coefficient de décélération a diminué, ce qui a augmenté la distance d'arrêt.

Les résultats des simulations techniques menées par Boeing montrent l'importance des aérofreins et de leur rôle dans l'arrêt de l'avion alors que l'état de piste se détériore. Selon les données de l'enregistreur de données de vol (FDR), la pression de freinage commandée par l'équipage est restée plus ou moins aux niveaux commandés par le freinage automatique une fois celui-ci désarmé; toutefois, la décélération a diminué de moitié. Selon Boeing, cela peut être principalement attribuable à la rentrée des aérofreins. Toutefois, lors de l'événement à l'étude, même si les aérofreins avaient été laissés déployés tout au long de la course à l'atterrissage, l'aéronef serait malgré tout sorti en bout de piste à cause du réglage sélectionné de l'inversion de poussée.

Selon le ME de WestJet,

[traduction]

Si le circuit de freinage automatique se désactive, les pilotes doivent immédiatement appliquer le freinage aux pieds approprié en fonction de la longueur de piste restante. Les pilotes ne doivent pas désarmer intentionnellement le freinage automatique tant que la distance d'atterrissage n'est pas assurée ou tant que le freinage aux pieds maximal est requisNote de bas de page 104.

Lors de l'événement à l'étude, le pilote aux commandes (PF) a volontairement désarmé le freinage automatique en rentrant les déporteurs à 103 nœuds. Aucun freinage aux pieds n'a été engagé pendant les 16 premières secondes qui ont suivi le poser des roues. Par conséquent, il est raisonnable de croire que le PF a jugé qu'il restait une distance de piste suffisante après avoir rentré les déporteurs, en fonction de son observation de l'état de piste.

La piste 24L n'est pas munie de marqueurs de distance restante ou de feux d'axe de piste, et ces éléments ne sont pas requis. Toutefois, de tels marqueurs ou de tels feux auraient pu fournir des indices à l'équipage alors qu'il était à 3000 pieds et à 1000 pieds de l'extrémité de la piste. Cela aurait pu inciter le PF à appliquer l'inversion de poussée maximale ainsi que le freinage maximal plus tôt ou à redéployer les aérofreins. Si les équipages n'ont aucun indice clair pour leur indiquer la distance restante par rapport à l'extrémité de la piste, il y a alors un risque de ne pas utiliser les dispositifs de décélération en temps voulu pour empêcher une sortie en bout de piste.

2.4 Conclusion

Comme l'a démontré l'examen que Boeing a effectué sur les sorties en bout de piste, de tels incidents sont généralement dus à plusieurs facteurs. Une vitesse élevée, des vents arrière, un atterrissage long et l'utilisation tardive des dispositifs de décélération sont les facteurs qui ont contribué à l'événement à l'étude. Heureusement, l'aire de sécurité d'extrémité de piste (RESA) a permis à l'aéronef de ralentir de manière contrôlée; l'aéronef n'a ainsi subi aucun dommage et il n'y a eu aucun blessé. Cependant, les pistes de code 4 au Canada ne sont pas toutes pourvues d'une RESA de 300 m ou d'un autre moyen d'immobilisation des aéronefs offrant un niveau de sécurité équivalent. Par conséquent, si les pistes de code 4 ne sont pas pourvues d'une RESA de 300 m ou d'un autre moyen d'immobilisation des aéronefs offrant un niveau de sécurité équivalent, il y a alors un risque de blessures pour les occupants en cas de sortie en bout de piste.

Les pratiques exemplaires recommandées pour prévenir les sorties en bout de piste comprennent un poser des roues dans la zone d'atterrissage et l'utilisation optimale des dispositifs de décélération dès le début de la course à l'atterrissage. Cela est particulièrement vrai pour l'inversion de poussée, qui est plus efficace à des vitesses élevées. Comme l'a montré l'événement à l'étude, l'instruction du contrôleur de quitter la piste à son extrémité a contribué à l'utilisation minimale des dispositifs de décélération au début de la course à l'atterrissage, car l'équipage tentait d'accélérer son arrivée à l'extrémité de la piste 24L pour en sortir.

Les aéronefs qui atterrissent sur la piste 24L à CYUL reçoivent généralement l'instruction de quitter la piste à son extrémité pour se rendre à l'aérogare. Cela allège la circulation générale en laissant l'unique voie de circulation libre pour les aéronefs en partance. En pareilles circonstances, la sécurité et les pratiques exemplaires pour prévenir les sorties en bout de piste dictent l'usage optimal des dispositifs de décélération disponibles par les équipages de conduite, puis d'avancer jusqu'au point de sortie à une vitesse de roulage normale.

Le contrôle des données de vol effectué par WestJet après l'événement à l'étude laisse croire qu'une utilisation non standard des dispositifs de décélération est plus répandue sur les pistes où un aéronef doit généralement quitter la piste à son extrémité. Ces données confirment que, dans ces situations, les pilotes pourraient être portés à maintenir la vitesse et à ne ralentir qu'à l'extrémité de la piste plutôt que de décélérer normalement en utilisant rapidement tous les dispositifs de décélération disponibles, puis en roulant jusqu'à l'extrémité de la piste. Si les pilotes limitent l'utilisation des dispositifs de décélération pour se conformer à une exigence réelle ou perçue dans le but d'arriver le plus rapidement possible au point de sortie à l'extrémité d'une piste, il y a alors un risque que l'atterrissage se termine par une sortie en bout de piste.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le fait qu'il avait constaté que les précipitations s'intensifiaient à l'aéroport n'a pas incité l'équipage à s'attendre à ce que la piste puisse être contaminée plutôt que simplement mouillée et, par conséquent, l'équipage a continué à s'attendre à de bonnes performances de freinage sur une piste mouillée.
  2. L'équipage a calculé une vitesse d'approche cible inexacte et a franchi le seuil de la piste 15 nœuds plus vite que la vitesse recommandée. Combinée à des vents arrière et à un arrondi un peu haut, cette erreur a fait en sorte que l'aéronef s'est posé au-delà de la zone normale d'atterrissage, réduisant ainsi la distance de piste disponible pour s'arrêter.
  3. Le commandant de bord n'a sélectionné l'inversion de poussée maximale que 25 secondes environ après le poser des roues. Par conséquent, la distance nécessaire pour immobiliser l'aéronef a augmenté.
  4. Le commandant de bord a rentré les aérofreins de l'aéronef à une vitesse supérieure à 80 nœuds, contrairement à ce qui est spécifié dans les procédures d'utilisation normalisées de WestJet, et les aérofreins n'ont pas été redéployés pendant la course à l'atterrissage. Cela a réduit la charge normale sur le train d'atterrissage ainsi que la traînée aérodynamique. Par conséquent, le coefficient de décélération a diminué, ce qui a augmenté la distance d'arrêt.
  5. L'instruction du contrôleur de quitter la piste à son extrémité a contribué à l'utilisation minimale des dispositifs de décélération au début de la course à l'atterrissage, car l'équipage tentait d'accélérer son arrivée à l'extrémité de la piste 24L pour en sortir.
  6. Il est probable qu'un aquaplanage visqueux se soit produit alors que l'aéronef approchait de l'extrémité de la piste, comme en témoigne l'absence d'indices de décélération après l'application du freinage maximal. Cet effet, combiné à la déclivité négative, a réduit les chances d'immobiliser l'aéronef sur la piste.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Si les exploitants n'envisagent pas d'évaluer les conditions d'arrivée de façon plus conservatrice en cas de précipitations abondantes, il y a alors un risque de sortie en bout de piste.
  2. S'il n'existe aucune indication particulière sur la façon d'évaluer et de signaler l'état de surface de la piste au cours des mois autres que ceux d'hiver, il y a alors un risque que les équipages ne soient pas en mesure d'effectuer une évaluation appropriée des conditions d'atterrissage.
  3. Si les procédures et les directives n'incitent pas les équipages de conduite à prévoir des conditions de freinage moindres sur une piste mouillée, il y a alors un risque que la distance d'atterrissage et la gestion de l'aéronef ne permettent pas d'atteindre une performance d'arrêt sécuritaire.
  4. Si les pilotes n'ont pas un point de repère au-delà duquel une remise des gaz devrait être effectuée si l'aéronef n'est pas au sol, il y a alors un risque que l'atterrissage se termine par une sortie en bout de piste.
  5. Si les équipages n'ont aucun indice clair pour leur indiquer la distance restante par rapport à l'extrémité de la piste, il y a alors un risque de ne pas utiliser les dispositifs de décélération en temps voulu pour empêcher une sortie en bout de piste.
  6. Si les pilotes limitent l'utilisation des dispositifs de décélération pour se conformer à une exigence réelle ou perçue d'arriver plus rapidement possible au point de sortie à l'extrémité d'une piste, il y a alors un risque que l'atterrissage se termine par une sortie en bout de piste.
  7. Si les pistes de code 4 ne sont pas pourvues d'une aire de sécurité d'extrémité de piste de 300 m ou d'un autre moyen d'immobilisation des aéronefs offrant un niveau de sécurité équivalent, il y a alors un risque de blessures pour les occupants en cas de sortie en bout de piste.

3.3 Autres faits établis

  1. Le plan d'arrivée initial de l'équipage, qui comprenait un freinage automatique réglé à 1 avec inverseurs de poussée réglés à une décélération minimale, était conforme aux directives existantes selon lesquelles une piste mouillée devrait fournir un bon freinage.
  2. Le pilote aux commandes a volontairement désarmé le freinage automatique en rentrant les déporteurs à 103 nœuds. Aucun freinage aux pieds n'a été engagé pendant les 16 premières secondes qui ont suivi le poser des roues. Par conséquent, il est raisonnable de croire que le pilote aux commandes a jugé qu'il restait une distance de piste suffisante après avoir rentré les déporteurs, en fonction de son observation de l'état de piste.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 WestJet

Après l'événement à l'étude, le pilote en chef de WestJet a fait le bilan avec l'équipage de conduite, et tous les pilotes en formation ont reçu un exposé sur cet incident. L'exposé a également fait référence à la rentrée des aérofreins à une vitesse supérieure à 80 nœuds.

Le programme de formation au sol annuel sur la sécurité en vol inclut désormais les sujets suivants :

Au cours de la formation au pilotage, la rentrée des aérofreins à une vitesse supérieure à 80 nœuds et les performances de freinage sur piste mouillée sont abordées. Les séances d'entraînement périodique sur simulateur comprennent maintenant des atterrissages sur piste mouillée par vents traversiers.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A – Déroulement des événements du vol WestJet 588

Source : Google Earth, avec annotations du BST. Remarque : Les heures indiquées sur cette figure sont exprimées en heure avancée de l'Est (temps universel coordonné moins 4 heures).
Abréviation Sens
AGL au-dessus du sol
g force gravitationnelle
M magnétique (degré)
N1 tours par minute du compresseur basse pression
Nz accélération normale
pi pieds

Annexe B – Tableaux de distances d'atterrissage de WestJet

Source : WestJet, Flight Operations Manual – Boeing 737NG
(en anglais seulement)

Annexe C – Tableau de calcul des distances d'atterrissage de WestJet

Source : WestJet, Flight Operations ManualBoeing 737NG
(en anglais seulement)
Tableau de calcul des distances d'atterrissage de WestJet

Annexe D – Tableau d'équivalence du rapport de freinage et de l'état de piste de WestJet

Source : WestJet, Flight Operations ManualBoeing 737NG
(en anglais seulement)
Flight Operations Manual

Annexe E – Distances d'atterrissage recommandées selon le coefficient canadien de frottement sur piste (sans inversion de poussée)

Source : Transports Canada, TP14371, Manuel d'information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC), 2 avril 2015, p. 458, avec annotations du BST

Annexe F – Abréviations et acronymes

A/T
commande automatique de poussée
ACARS
système embarqué de communications, d'adressage et de compte rendu
AGL
au-dessus du sol
AIM de TC
Manuel d'information aéronautique de Transports Canada
APM
Avis de proposition de modification
ASAC
Alerte à la sécurité de l'Aviation  civile
ASTM
American Society for Testing and Materials
ATIS
service automatique d'information de région terminale
ATPL 
licence de pilote de ligne
ATSB
Australian Transport Safety Bureau
CI
circulaire d'information
CRFI
coefficient canadien de frottement sur piste
CVR
enregistreur de conversations de poste de pilotage
CYEG 
aéroport international d'Edmonton (Alberta)
CYUL 
Aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal (Québec)
CYVR 
aéroport international de Vancouver (Colombie-Britannique).
CYYC 
aéroport international de Calgary (Alberta)
CYYZ 
aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (Ontario)
DFDR 
enregistreur numérique de données de vol
FAA
Federal Aviation Administration (États-Unis)
FDR
enregistreur de données de vol
FSF 
Flight Safety Foundation
FTF 
Friction Task Force
GRF
Cadre général de présentation des rapports
IFR 
règles de vol aux instruments
ILS
système d'atterrissage aux instruments
M
degré magnétique
MANOBS
Manuel d'observations météorologiques de surface
MCP
tableau de commande de mode
ME 
manuel d'exploitation
METAR
message d'observation météorologique régulière pour l'aviation
nm
mille marin
NOTAM
avis aux aviateurs
OACI 
Organisation de l'aviation civile internationale
PF 
pilote aux commandes
PFA
cendres volantes
PFC
couche de frottement poreuse
PNF
pilote qui n'est pas aux commandes
PPC
contrôle de compétence pilote
PQC
béton de revêtement
QRH
manuel de référence rapide
RAC
Règlement de l'aviation canadien
RCAM 
grille d'évaluation de l'état de surface de la piste
RDA
rapport de décollage et d'atterrissage
RESA
aire de sécurité d'extrémité de piste
RF
rapport de freinage
SA
conscience de la situation
SAFO 
Safety Alert for Operators
SARSYS SFT
Scandinavian Airport and Road Systems surface friction test
SGS
système de gestion de la sécurité
sm
mille terrestre
SLIA
service de sauvetage et lutte contre les incendies d'aéronefs
SOP
procédures d'utilisation normalisées
SPECI 
message d'observation météorologique spéciale d'aérodrome
TC
Transports Canada
TP 312
Normes et pratiques recommandées pour les aérodromes
TEM
gestion des menaces et des erreurs
V
vrai (degrés)
VREF
vitesse de référence d'atterrissage