Incursion sur piste et risque de collision
NAV CANADA
Tour de contrôle d’Ottawa
Aéroport international Macdonald-Cartier d’Ottawa
Ottawa (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 1er décembre 2013, à 19 h 16, heure normale de l'Est, alors qu'il faisait noir, un Piaggio P-180 (immatriculé C-GFOX, numéro de série 1065) avec 2 membres d'équipage à bord a reçu l'autorisation de circuler pour traverser la piste 14 afin de rejoindre la piste 07 à l'aéroport international Macdonald-Cartier d'Ottawa (Ontario). Peu de temps après, un deuxième aéronef, un de Havilland DHC-8-311 (immatriculé C-GEWQ, numéro de série 202) effectuant le vol régulier de passagers Jazz (JZA) 988 à destination de l'aéroport international Pierre Elliott Trudeau de Montréal (Québec) avec 3 membres d'équipage et 15 passagers à bord, a circulé depuis le poste de dégivrage jusqu'à la piste 14 en prévision du décollage. À 19 h 19, le vol JZA988 a reçu l'autorisation de décoller et a amorcé sa course au décollage. À 19 h 20, l'aéronef C-GFOX a traversé la piste 14, à environ 4400 pieds devant le vol JZA988. Ni l'un ni l'autre des aéronefs ne s'est rendu compte de l'incursion sur piste et chacun a poursuivi son vol sans autre incident.
Renseignements de base
Déroulement du vol
Le 1er décembre 2013, la piste 07 à l'aéroport international Macdonald-Cartier d'Ottawa (CYOW), en Ontario, était en service pour les arrivées et les départs. Les opérations de dégivrage des aéronefs étaient en cours, et les aéronefs qui quittaient le poste de dégivrage avaient le choix de décoller depuis la piste 14 afin de réduire au minimum le temps de circulation au sol.
À 19 h 16Note de bas de page 1, le contrôleur solNote de bas de page 2 a transmis à l'aéronef C-GFOX des instructions pour circuler depuis l'aire de trafic de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) jusqu'à la piste 07 en empruntant les voies de circulation G et B, l'aire de trafic principale, la voie de circulation C, puis en traversant la piste 14/32 (annexe A). Le C-GFOX a reçu l'instruction de communiquer avec la tour dès qu'il se trouverait à l'écart de la piste 07.
À 19 h 17, le contrôleur sol a transmis au vol Jazz (JZA) 988 des instructions pour circuler depuis le poste de dégivrage jusqu'à la piste 14 en empruntant les voies de circulation A et L (annexe A). Le JZA988 a reçu l'instruction de communiquer avec la tour dès qu'il se trouverait à l'écart de la piste 14 sur la voie de circulation L.
À 19 h 18, les contrôleurs sol et d'aéroportNote de bas de page 3 ont achevé de coordonner leurs efforts pour transférer la responsabilité de la piste 14 en vue de son utilisation par le vol JZA988; c'est alors que le contrôleur d'aéroport a assumé la responsabilité de la piste 14.
Le contrôleur d'aéroport a balayé du regard l'aire de manœuvre de l'aéroport et l'affichage du système d'affichage amélioré (EXCDS) de NAV CANADANote de bas de page 4. Le contrôleur d'aéroport a aperçu un aéronef (le C-GFOX) qui s'approchait de la voie de circulation C; toutefois, comme il n'y avait aucune indication sur l'affichage EXCDS du contrôleur d'aéroport comme quoi un aéronef circulait pour atteindre une piste, on a présumé que l'aéronef sur la voie de circulation C se rendait au poste de dégivrage.
À 19 h 19 min 28 s, le JZA988 a reçu l'autorisation de décoller de la piste 14 depuis l'intersection de la voie de circulation L. À 19 h 20 min 00 s, au moment où le C-GFOX s'avançait sur la piste 14, le JZA988 avait déjà commencé sa course au décollage et avait atteint une vitesse sol d'environ 60 nœuds. Vers 19 h 20 min 4 s, alors que le C-GFOX était presque au milieu de la piste 14, la distance horizontale entre les 2 aéronefs était d'environ 4400 pieds (figure 1). Le contrôleur sol a remarqué l'incursion sur piste et a jugé que le C-GFOX aurait dégagé la piste au moment où le JZA988 atteindrait l'intersection avec la voie de circulation C. Ainsi, il n'y a pas eu d'appel pour demander au JZA988 d'interrompre le décollage, et le vol s'est poursuivi sans autre incident, sans que l'on se rende compte de l'incursion sur piste.
Conditions météorologiques
Le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) pour l'aérodrome CYOW émis à 19 h était le suivant : vents du 060° magnétique soufflant à 6 nœuds, visibilité de 2,5 milles terrestres, neige légère, nuages dispersés à 500 pieds au-dessus du niveau du sol (agl), ciel couvert à 1500 pieds agl, température de −3°C, point de rosée à −4°C, et calage altimétrique de 30,08 pouces de mercure.
Service de la circulation aérienne
Effectifs
Le contrôleur d'aéroport avait travaillé pendant le quart de nuit (de 23 h 15 à 7 h 43) le 29 novembre et il avait été en congé le 30 novembre. Le contrôleur sol avait été en congé du 26 au 29 novembre et avait travaillé pendant le quart de soirée (de 15 h à 23 h 28) le 30 novembre, la veille de l'événement à l'étude. Rien n'indique que la fatigue ait été un facteur contributif.
Les lignes directrices en matière d'effectifs à la tour de contrôle d'Ottawa stipulent qu'il doit y avoir au moins 4 contrôleurs en service durant le quart de soirée; toutefois, seulement 2 contrôleurs étaient en service au moment de l'événement. Un contrôleur occupait le poste de contrôle d'aéroport, tandis que l'autre occupait les postes regroupés de contrôleur chargé des autorisations et de contrôleur solNote de bas de page 5.
À 15 h, il y avait 4 contrôleurs en service. À 19 h, 2 des contrôleurs ont quitté à la fin de leur quart de travail. Quatre contrôleurs étaient censés être en service pour le quart de soirée; toutefois, 2 s'étaient déclarés malades ce matin-là. Comme tous les autres contrôleurs avaient déjà atteint le nombre maximal permis d'heures supplémentaires, aucun remplaçant n'était disponible.
Pour pallier en partie cette lacune, les gestionnaires de NAV CANADA avaient demandé à l'un des contrôleurs du quart de jour de quitter le travail plus tôt, puis de revenir plus tôt que prévu pour travailler pendant le quart de nuit. Ce contrôleur devait donc se présenter au travail à 21 h au lieu de 23 h.
Conformément aux procédures établiesNote de bas de page 6, le contrôleur sol / des autorisations (ci-après appelé le contrôleur sol) a été relevé de ses fonctions après l'incursion sur piste. On a donc joint un autre contrôleur pour lui demander de se présenter au travail à 20 h plutôt qu'à 23 h.
Par conséquent, pendant environ 40 minutes, le contrôleur d'aéroport a dû assumer les 3 postes de contrôleur d'aéroport, contrôleur sol et contrôleur des autorisations. Le contrôleur sol est demeuré dans la tour de contrôle pour répondre au téléphone et effectuer des tâches relatives au service automatique d'information de région terminale (ATIS).
Les pénuries de personnel étaient chose courante à la tour de contrôle d'Ottawa. NAV CANADA préconise un seuil de dotation de 23 contrôleurs pour cette tour de contrôle. Au moment de l'événement à l'étude, la tour comptait un effectif de 24 contrôleurs compétents, mais 5 d'entre eux étaient temporairement inadmissibles au service pour des raisons médicales ou étaient en congé parental. En outre, 2 contrôleurs stagiaires suivaient le programme de formation en vue d'obtenir la qualification pour cette unité.
NAV CANADA s'efforçait de remédier à la pénurie de personnel, sans toutefois y parvenir. On prévoyait que la situation touchant l'effectif persisterait jusqu'à ce que l'on ait ajouté plus de contrôleurs par l'intermédiaire du programme de formation.
Procédures relatives au système d'affichage amélioré à la tour d'Ottawa
La tour de contrôle d'Ottawa utilise le système EXCDS. Sur l'affichage EXCDS, chaque aéronef au décollage est indiqué par un élément de données de vol (FDE) électroniques qui affiche les renseignements sur l'aéronef, y compris son identification (ACID), le type et l'itinéraire; l'heure de décollage proposée; la piste prévue; et la destination. En outre, diverses couleurs servent à communiquer l'information au contrôleur. Par exemple, à la figure 2, la mise en évidence en vert pâle des FDE indique les aéronefs qui communiquent en français, alors que la mise en évidence en rouge des pistes désigne les aéronefs pour lesquels une autorisation de décollage est requise du contrôleur terminalNote de bas de page 7, qui travaille au centre de contrôle régional de Montréal.
Les FDE d'aéronefs au décollage peuvent être transférés dans plusieurs fenêtres de l'affichage, entre autres les fenêtres Cleared [autorisation IFR reçue], De-Ice [dégivrage] et Taxied [circulation au sol]. En outre, l'affichage du contrôleur sol comprend une fenêtre Arrived [arrivée], pour les aéronefs qui ont atterri et qui vont rouler vers l'aire de trafic, et une fenêtre Vehicles [véhicules]. L'affichage EXCDS du contrôleur sol reproduit celui du contrôleur d'aéroport, dans le coin supérieur droit, et comporte des fenêtres qui indiquent les arrivées et départs sur chacune des pistes.
Dès qu'une autorisation ou une instruction est transmise à un aéronef, le FDE de ce dernier est transmis à la fenêtre appropriée. D'après la publication intitulée Ottawa Tower EXCDS Manual de NAV CANADA : [traduction] « Pour un aéronef qui circule au sol en vue d'un décollage, transmettre le FDE au poste de tour [aéroport]... » Lorsque le contrôleur sol transmet le FDE d'un aéronef au décollage à la fenêtre Taxied, le FDE apparaît également à l'écran EXCDS du contrôleur d'aéroport dans la fenêtre Departures [départs] et indique la piste de décollage prévue. Dès que le FDE s'affiche dans cette fenêtre, le contrôleur d'aéroport peut intégrer l'aéronef dans sa planification.
Les départs sont ordonnés sur les affichages des contrôleurs sol et d'aéroport dans l'ordre dans lequel le contrôleur sol transmet les FDE à la fenêtre Taxied. Une fois le FDE transmis à la fenêtre Taxied, le contrôleur sol peut modifier l'ordre des départs sur l'affichage; toutefois, ces changements n'apparaissent pas sur l'affichage du contrôleur d'aéroport. La coordination verbale est nécessaire pour que le contrôleur d'aéroport mette à jour manuellement son affichage EXCDS afin de refléter le nouvel ordre des départs.
L'affichage EXCDS comporte aussi des indicateurs d'obstruction de piste (RWY OBS) rouges qui s'affichent lorsqu'une piste ne peut être utilisée pour un décollage ou un atterrissage et qu'elle relève de la responsabilité du contrôleur sol. C'est le cas pour les pistes 04/22 et 14/32, à la figure 2. Étant donné que les indicateurs d'obstruction de piste représentent un transfert de responsabilité de la piste, lorsque les postes de contrôleur d'aéroport et sol ne sont pas regroupés, seul le contrôleur d'aéroport peut placer des indicateurs d'obstruction de piste, et seul le contrôleur sol peut les retirer.
La publication intitulée Ottawa Tower EXCDS Manual de NAV CANADA décrit l'utilisation de la fonction de mise en évidence pour le poste de contrôleur sol. D'après ce manuel, la couleur bleu pâle sert à indiquer qu'un aéronef refoule à sa porte d'embarquement, tandis que le bleu foncé [traduction] « rappelle qu'une intervention est requise sur le FDE (c.-à-d., un nouveau code à émettre, une modification de l'heure de régulation à relayer, etc.). »
Pratiques des contrôleurs qui utilisent le système d'affichage amélioré
D'après la section 9.7 du manuel d'exploitation d'unité de la tour de contrôle d'Ottawa (UOM), le contrôleur sol doit [traduction] « maintenir à jour, à l'écran d'affichage EXCDS du contrôleur sol, l'état de tous les aéronefs et véhicules qui circulent dans les aires de manœuvre. »
Le soir de l'événement à l'étude, la plupart des aéronefs passaient au poste de dégivrage avant de décoller. Pour ces aéronefs, le contrôleur sol transférait les FDE de la fenêtre Cleared à la fenêtre De-Ice au moment de transmettre l'autorisation de rouler vers le poste de dégivrage, et de la fenêtre De-Ice à la fenêtre Taxied au moment où l'aéronef recevait l'autorisation de rouler après avoir quitté le poste de dégivrage. Dans le cas d'un aéronef ne passant pas au poste de dégivrage, le contrôleur sol avait l'habitude de laisser le FDE dans la fenêtre Cleared, de la mettre en évidence en bleu foncé au moment de transmettre l'autorisation de rouler, et de transférer le FDE à la fenêtre Taxied alors que l'aéronef s'approchait de la piste de décollage.
L'enquête a relevé d'importantes différences dans les pratiques des contrôleurs sol quant à l'utilisation de cette fonctionnalité EXCDS pour les aéronefs au départ. Par exemple, le moment de transmettre les FDE à la fenêtre Taxied : certains contrôleurs sol transféraient les FDE au moment de transmettre l'autorisation de rouler alors que d'autres le faisaient seulement après que les aéronefs avaient traversé la piste et une fois que l'ordre des départs était connu. De plus, les contrôleurs utilisaient différemment la fonction de mise en évidence pour les aider dans le cas d'aéronefs devant traverser une piste; certains contrôleurs mettaient en évidence les FDE en bleu foncé pour indiquer un aéronef qui était autorisé à traverser une piste, tandis que d'autres se servaient de cette fonction pour indiquer qu'un aéronef avait reçu l'instruction d'attendre à l'écart pour recevoir l'autorisation de traverser une piste.
Procédures de contrôle de la circulation aérienne
La section 16.2 du manuel d'exploitation de l'unité (UOM) énumère les critères d'ouverture et de fermeture du poste des autorisations. On y lit [traduction] :
Lorsque l'effectif le permet, le poste des autorisations doit être ouvert et ne doit être regroupé avec un autre poste de contrôle si au moins une des conditions suivantes existe :
- des opérations de déneigement sont en cours sur les aires de manœuvre;
- de nombreux programmes de régulation du débit sont en vigueur;
- des opérations de dégivrage sont en cours;
- en cas de situation d'urgence, ou lorsque des véhicules SLIA [sauvetage et lutte contre les incendies d'aéronef] sont en état d'alerte;
- lorsque des conditions météorologiques changeantes justifient de fréquentes mises à jour ATIS.
Au moment de l'événement à l'étude, 4 des 5 conditions existaient, mais comme seulement 2 contrôleurs étaient en service, il était impossible d'ouvrir le poste de contrôleur des autorisations; il est donc demeuré regroupé avec le poste de contrôleur sol. Le manuel d'exploitation de l'unité n'offre aucune directive sur l'exploitation au cas où l'une ou l'autre des conditions indiquées à la section 16.2 existerait lorsqu'il y a une pénurie de personnel qui empêche l'ouverture du poste de contrôleur des autorisations.
L'enquête a révélé que pour maintenir la charge de travail à un niveau raisonnable durant les périodes de pénurie de personnel, une des options possibles pour les 2 contrôleurs en service, aurait été de réguler le débit vers l'aéroport, notamment de demander au contrôleur terminal de prolonger les intervalles. Mettre en œuvre une telle option aurait eu un plus grand impact sur la charge de travail du poste de contrôleur d'aéroport que sur celle du poste de contrôleur sol. Cependant, elle n'a pas été envisagée ou mise en œuvre par les contrôleurs qui étaient en service lors de l'événement à l'étude.
La piste 07 était la piste en service pour les arrivées et les départs. La piste 14 était également ouverte pour les départs des aéronefs qui étaient d'abord passés au poste de dégivrage. Par conséquent, les contrôleurs sol et d'aéroport transféraient fréquemment les responsabilités de contrôle de la piste 14. Dans de telles circonstances, les pratiques exemplaires pour transmettre des instructions de circulation à un aéronef roulant jusqu'à la piste 07 devraient comprendre la restriction d'attendre à l'écart de la piste 14.
Le C-GFOX roulait tout d'abord sur une voie de circulation non contrôlée depuis un endroit à l'aéroport que le contrôleur sol ne pouvait voir. Cette voie de circulation rejoint une voie de circulation contrôlée près de l'endroit où les aéronefs à l'atterrissage quittent la piste 07 (intersection des voies de circulation G, B et F). Néanmoins, le contrôleur sol a transmis au C-GFOX l'autorisation de rouler sans restriction jusqu'à la piste 07 pour décoller.
Transfert des responsabilités de piste
Les contrôleurs sol répondent couramment aux demandes de contrôle d'une piste de la part du contrôleur d'aéroport. Lorsque le contrôleur sol reçoit une telle demande, il doit vérifier diverses sources d'information, y compris l'affichage EXCDS, le radar sol et l'aire de manœuvre de l'aéroport, pour vérifier qu'il n'y a aucun conflit avant de retirer l'indicateur d'obstruction de piste sur l'affichage EXCDS.
Lorsque le C-GFOX a reçu des instructions de circulation, c'est le contrôleur sol qui était responsable de la piste 14. Lorsque celui-ci a transféré la responsabilité de la piste 14 au contrôleur d'aéroport, rien n'indiquait que le contrôleur sol se soit souvenu ou ait été au courant que le C-GFOX s'apprêtait à traverser la piste 14. À peu près au moment du transfert de la responsabilité de la piste 14 au contrôleur d'aéroport, le contrôleur sol se concentrait sur les tâches afférentes à l'équipement de déneigement.
La section 361.7 de la publication intitulée Contrôle de la circulation aérienne – Manuel d'exploitation (ATC MANOPS) de NAV CANADA précise : « N'autorisez pas le trafic terrestre à manœuvrer sur une piste servant aux atterrissages et aux décollages à moins d'être en coordination avec le contrôleur d'aéroport. »
Charge de travail au poste regroupé de contrôleur sol / des autorisations
La charge de travail du contrôleur est le résultat de l'interaction entre les exigences des tâches relatives au contrôle de la circulation aérienne et les stratégies pour gérer cette charge qu'adopte le contrôleur de la circulation aérienne. Il s'avère que la charge de travail dépend de facteurs conjoncturels tels le volume et la densité du trafic ainsi que de facteurs de complexité. Elle dépend aussi de la réaction du contrôleur face à la circulation aérienne; des études ont montré que les contrôleurs ont tendance à adopter des stratégies pour optimiser la charge de travail et l'efficacité de la circulationNote de bas de page 8. L'enquête a révélé qu'on avait évalué que la charge de travail au poste regroupé de contrôleur sol / des autorisations était modérée et complexe.
Le contrôleur sol a pris en charge son poste 38 minutes avant l'événement à l'étude; le contrôleur venait tout juste d'occuper le poste de contrôleur d'aéroport. À 18 h 42, moment où le transfert des responsabilités des postes s'est effectué, le contrôleur sol était responsable de 13 aéronefs et d'une flotte de véhicules de déneigement. Plus précisément, 3 aéronefs avaient reçu leur autorisation IFR (règles de vol aux instruments)Note de bas de page 9, 6 aéronefs se trouvaient au poste de dégivrage en prévision de leur départ, 3 autres roulaient vers leur piste de décollage, et 1 aéronef venait d'atterrir et roulait vers l'aire de trafic. Un certain nombre de situations accroissaient la complexité de l'opération, notamment la présence des véhicules de déneigement, la régulation du débit, les opérations de dégivrage, et l'utilisation de pistes sécantes.
Le niveau de complexité et la charge de travail étaient sensiblement les mêmes à 18 h 59, lorsque le JZA988 a reçu l'instruction de rouler vers le poste de dégivrage. À 19 h 7, le contrôleur sol a commencé à composer un message ATIS, tâche qui a pris environ 3 minutes. Le contrôleur sol a terminé le message ATIS sans interruption.
À 19 h 15, le contrôleur sol a transmis l'autorisation IFR au C-GFOX.
Durant la période de 40 secondes qui a suivi, le contrôleur sol a fait de brèves transmissions radio et a effectué plusieurs tâches simultanément, entre autres :
- il a accusé réception de la demande de refoulement d'un aéronef;
- il a reçu par le biais de EXCDS une heure de circulation pour un départ, et a transmis cette heure à l'aéronef;
- il a répondu à un appel téléphonique qui informait le contrôleur d'aéroport de l'annulation de la régulation du débit vers un autre aéroport; et
- il a reçu un message d'un véhicule de déneigement à l'effet qu'il avait quitté l'aire de trafic.
Durant cette période, des transmissions radio ont coïncidé avec un appel téléphonique, et à un moment donné, 2 transmissions radio sont survenues simultanément.
À 19 h 16, le C-GFOX a communiqué avec le contrôleur pour obtenir des instructions de circulation, et on lui a indiqué de rouler jusqu'à la piste 07 en traversant la piste 14/32. Au cours des 2 minutes qui ont suivi, jusqu'au moment du transfert de la responsabilité de la piste 14 au contrôleur d'aéroport, le contrôleur sol était occupé à exécuter plusieurs tâches. Des instructions de circulation ont été transmises au JZA988, qui quittait le poste de dégivrage. Comme pour tous les départs depuis la piste 14, cela exigeait de confirmer que la distance de décollage depuis l'intersection avec la voie de circulation L était suffisante pour cet aéronef, et la saisie de l'intersection de départ dans EXCDS. Cette tâche a été accomplie environ 1 minute après la transmission de l'autorisation de rouler. Entretemps, le contrôleur sol a accusé réception de l'appel d'une équipe de véhicules de déneigement, a mis à jour les FDE connexes, et a retiré une autre FDE de la fenêtre Vehicles pour le véhicule qui avait signalé qu'il avait quitté l'aire de trafic à 19 h 15. Immédiatement après avoir terminé ces tâches, le contrôleur sol a accusé réception d'un appel d'un autre véhicule de déneigement, puis a retiré l'indicateur d'obstruction de piste pour transférer la responsabilité de la piste 14 au contrôleur d'aéroport.
Au moment du transfert de la responsabilité de la piste 14 au contrôleur d'aéroport, le contrôleur sol était responsable de 8 aéronefs et de 3 équipes de véhicules de déneigement (figure 2). La fenêtre Cleared comptait 6 aéronefs, dont 2 apparaissaient en bleu pâle pour indiquer qu'ils avaient refoulé, et 1 apparaissait en bleu foncé (le C-GFOX) pour indiquer qu'il roulait déjà. La fenêtre De-Ice affichait 1 aéronef, et la fenêtre Taxied affichait 1 autre aéronef (le JZA988). La situation concernant les véhicules évoluait rapidement alors que plusieurs véhicules accédaient aux pistes et les quittaient, ce qui exigeait plusieurs communications radio et mises à jour dans EXCDS. On a noté certains légers retards dans l'exécution des mises à jour dans EXCDS durant cette période, mais le contrôleur a effectué ces tâches dès qu'il a pu le faire. Rien n'indiquait l'abandon de certaines tâches, ce qui aurait donné à croire que la charge de travail dépassait la capacité du contrôleur.
Le contrôleur sol a constaté le conflit après la transmission du FDE du C-GFOX à la fenêtre Taxied, à 19 h 19 min 50 s. Entre le moment où il a transféré la responsabilité de la piste 14/32 au contrôleur d'aéroport et le moment où il a constaté le conflit, le contrôleur sol a accusé réception de communications ou a transmis des autorisations pour 2 véhicules et 1 aéronef, et a mis à jour plusieurs FDE dans EXCDS.
Facteurs humains
Il existe une abondante documentation sur les facteurs humains qui explique, en partie du moins, pourquoi les gens « ratent » certains gestes ou ont des trous de mémoire. Voici un exemple [traduction] :
[…] les « ratés » concernant certains gestes n'ont rien d'aléatoire. Ils s'inscrivent dans des modèles prévisibles et sont liés à 3 facteurs de causalité distincts :
- l'exécution de tâches de routine et habituelles dans des circonstances familières;
- la monopolisation de l'attention par une quelconque préoccupation ou distraction sans rapport;
- un changement quelconque, soit dans le plan d'action, soit dans le cadre de travail.Note de bas de page 10
La nature prévisible des erreurs et des trous de mémoire souligne l'importance des aide-mémoire dans les systèmes dynamiques afin de réduire au minimum la probabilité d'omettre ou d'oublier certains éléments.
Dans de telles situations, des erreurs peuvent survenir si l'on ne fait pas de vérifications additionnelles au bon moment, ou lorsqu'on les fait, mais qu'elles donnent lieu à une mauvaise évaluation de la situation. Dans le présent cas, soit le contrôleur sol n'a pas fait le balayage visuel au bon moment et s'est fié à sa mémoire, soit il a fait le balayage visuel, sans toutefois prendre conscience de la présence du C-GFOX.
Dans l'événement à l'étude, le contrôleur sol avait prévu donner l'instruction au C-GFOX de rouler sans restriction jusqu'à la piste 07. Ce plan n'a pas été revu pour déterminer sa viabilité au moment du transfert de la responsabilité de la piste 14.
Connaissance par les pilotes des mouvements d'autres aéronefs
Selon le message ATIS à CYOW, la piste 07 était la piste en service pour les arrivées et les départs. Le message ATIS ne mentionnait pas que la piste 14 servait elle aussi aux départs.
D'après la séquence des transmissions radio du contrôleur sol, le C-GFOX aurait pu entendre et savoir que des aéronefs utilisaient la piste 14 pour décoller. Le C-GFOX a reçu l'instruction de rester sur la fréquence sol et de communiquer avec la tour une fois qu'il se trouverait à l'écart de la piste 07.
Lorsque le C-GFOX a reçu ses instructions de circulation, le JZA988 se trouvait au poste de dégivrage et n'écoutait pas la fréquence sol. Le JZA988 ne savait pas que le C-GFOX roulait jusqu'à la piste 07 sans la restriction d'attendre à l'écart de la piste 14.
Au moment où le C-GFOX s'approchait de la voie de circulation C en provenance de l'aire de trafic, plusieurs véhicules de déneigement se trouvaient à sa droite. Ces véhicules étaient munis de balises lumineuses clignotantes. Le Piaggio P-180 est un aéronef au profil relativement bas; la hauteur entre les yeux et les roues est d'environ 72 pouces au-dessus de la surface de la piste. Le poste de pilotage du Piaggio P-180 est muni d'une liseuse carte sur le panneau d'instruments de droite du copilote; elle était peut-être allumée pour la lecture de la liste de vérification.
Le phare de roulage de l'aéronef était allumé; toutefois, sa faible puissance et son emplacement bas sur le train d'atterrissage avant peuvent l'avoir rendu difficile à apercevoir.
L'équipage de conduite du JZA988 n'a pas vu le C-GFOX lorsqu'il a traversé la piste devant lui; par contre, l'équipage pouvait voir au-delà de l'intersection de la piste 14 et de la voie de circulation C, et avait noté qu'un aéronef atterrissait sur la piste 07 juste avant de recevoir l'autorisation de décoller. Ni le C-GFOX, ni le JZA988 n'ont eu conscience de l'incursion sur piste.
Liste de surveillance du BST
Le risque de collisions sur les pistes figure sur la Liste de surveillance 2014
La Liste de surveillance renferme les enjeux qui font courir les plus grands risques au système de transport du Canada; le BST la publie pour attirer l'attention de l'industrie et des organismes de réglementation sur les problèmes qui nécessitent une attention immédiate.
Aux aéroports, les aéronefs et divers véhicules doivent se déplacer entre les aires de trafic, les voies de circulation et les pistes. Ce mouvement engendre parfois des conflits entre aéronefs, ou entre aéronefs et véhicules. Ces conflits peuvent également se produire lorsque des aéronefs ou des véhicules se trouvent par mégarde sur une aire de décollage ou d'atterrissage en service.
Durant une période de 10 ans, de 2005 à 2014, 4232 de ces conflits, que l'on appelle incursions sur piste, sont survenus au CanadaNote de bas de page 11. Compte tenu des millions de décollages et d'atterrissages chaque année, les incursions sont rares; par contre, elles peuvent avoir des conséquences catastrophiques.
Depuis que le BST a inscrit ce problème pour la première fois à sa Liste de surveillance, en 2010, le nombre d'événements de ce type est demeuré trop élevé : en 2010, il y en a eu 346, puis 454 en 2011, 429 en 2012, 381 en 2013 et 349 en 2014. Ils continuent de se produire environ une fois par jour.
Le BST a fait publiquement rapport sur les risques de collision sur les pistesNote de bas de page 12. Le Bureau demeure préoccupé du fait que les incursions sur piste et les risques de collision resteront un problème jusqu'à ce que de meilleurs moyens de protection soient mis en place.
Rapports de laboratoire du BST
Le BST a complété le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :
- LP237/2013 – FDR Data & ASDE Radar Analysis [Analyse des données de l'enregistreur de données de vol (FDR) et du radar de surveillance des mouvements de surface (ASDE)]
Ce rapport est disponible sur demande auprès du BST.
Analyse
Généralités
Lors de l'événement à l'étude, le contrôleur sol a transféré la responsabilité d'une piste qu'un aéronef avait reçu l'autorisation de traverser. L'analyse portera sur les facteurs qui ont fait en sorte que le contrôleur sol n'a pas constaté le conflit, y compris la charge de travail du contrôleur, et les méthodes de travail qui ont réduit l'efficacité du système d'affichage amélioré (EXCDS) pour maintenir la connaissance de la situation des contrôleurs. En outre, l'analyse examinera la question des effectifs de contrôleurs à la tour d'Ottawa.
Instructions de circulation
La piste 07 était la piste en service pour les arrivées et les départs. La piste 14 était également ouverte pour les départs des avions qui étaient d'abord passés au poste de dégivrage. Par conséquent, les contrôleurs sol et d'aéroport transféraient fréquemment les responsabilités de contrôle de la piste 14. Dans de telles circonstances, les pratiques exemplaires pour transmettre des instructions de circulation à un aéronef roulant jusqu'à la piste 07 devraient comprendre la restriction d'attendre à l'écart de la piste 14. Ainsi, on ajoute un mécanisme de protection additionnel pour prévenir les incursions sur piste, surtout lorsque la responsabilité de contrôle de la piste 14 change souvent.
Le C-GFOX roulait tout d'abord sur une voie de circulation non contrôlée depuis un endroit à l'aéroport que le contrôleur sol ne pouvait pas voir. Cette voie de circulation rejoint une voie de circulation contrôlée près de l'endroit où les aéronefs à l'atterrissage quittent la piste 07 (intersection des voies de circulation G, B et F). Néanmoins, le contrôleur sol a transmis au C-GFOX l'autorisation de rouler sans restriction jusqu'à la piste 07 pour décoller. Des restrictions progressives auraient permis au contrôleur sol de mieux déterminer la position du C-GFOX.
Le contrôleur sol a transmis au C-GFOX l'instruction de rouler sans restriction depuis l'aire de trafic de la Gendarmerie royale du Canada jusqu'à la piste 07, malgré l'utilisation fréquente de la piste 14 pour les décollages.
Procédures relatives au système d'affichage amélioré
D'après la publication intitulée Ottawa Tower EXCDS Manual, le contrôleur sol doit déplacer l'élément de données de vol (FDE) d'un aéronef qui roule en prévision d'un départ dans la fenêtre Taxied de sorte que le FDE s'affiche dans la fenêtre Departure de l'affichage du contrôleur d'aéroport. Toutefois, ni le manuel d'exploitation d'unité de la tour de contrôle d'Ottawa (UOM), ni les directives de l'unité n'indiquent le moment auquel ce déplacement doit avoir lieu; chaque contrôleur le fait à sa discrétion.
Le contrôleur sol en cause dans l'événement avait l'habitude de n'effectuer le déplacement des FDE que lorsque les aéronefs étaient plus proches de la piste de décollage. Le FDE en question est demeuré dans la fenêtre Cleared, et le C-GFOX apparaissait en bleu foncé, rappel qu'une intervention était requise. Après la transmission des instructions de circulation au C-GFOX, le contrôleur sol n'a pas immédiatement transféré le FDE de la fenêtre Cleared à la fenêtre Taxied; par conséquent, l'affichage EXCDS du contrôleur d'aéroport n'indiquait pas que le C-GFOX roulait jusqu'à la piste 07 (figure 3).
Le contrôleur d'aéroport n'était pas au courant que le C-GFOX roulait jusqu'à la piste 07 lorsque l'autorisation de décoller a été transmise au JZA988, à 19 h 19 min 28 s.
L'enquête a révélé certaines incohérences relativement au moment où les contrôleurs transfèrent, de la fenêtre Cleared à la fenêtre Taxied, le FDE d'un aéronef en circulation. Si le fournisseur de services de circulation aérienne ne donne pas de directives claires quant au moment où l'on doit déplacer le FDE d'une fenêtre à l'autre dans le système EXCDS, il y a risque que l'on transmette des instructions de contrôle sans une connaissance exhaustive de l'environnement opérationnel.
Transfert des responsabilités de piste
Le contrôleur sol et le contrôleur d'aéroport devaient coordonner leurs activités avant de transférer la responsabilité de la piste 14. Le contrôleur sol devait donc vérifier la position de tous les véhicules et aéronefs. Lors de l'événement à l'étude, le contrôleur sol aurait dû déterminer la position du C-GFOX et lui transmettre la restriction d'attendre à l'écart de la piste 14 s'il ne l'avait pas encore traversée.
Dans le cadre de la coordination avant le transfert de responsabilité d'une piste, le contrôleur sol doit balayer du regard plusieurs sources d'information pour s'assurer qu'il n'y a aucun conflit avant de retirer l'indicateur d'obstruction de piste de l'affichage EXCDS. Ce balayage visuel comprend l'affichage EXCDS, l'affichage radar sol et l'aire de manœuvre de l'aéroport. Dans de telles situations, des erreurs peuvent survenir si l'on ne fait pas de vérifications additionnelles au bon moment, ou lorsqu'on les fait, mais qu'elles donnent lieu à une mauvaise évaluation de la situation. Dans le présent cas, soit le contrôleur sol n'a pas fait le balayage visuel au bon moment et s'est fié à sa mémoire, soit il a fait le balayage visuel, sans toutefois prendre conscience de la présence du C-GFOX.
Ce raté peut avoir pour cause un changement, soit dans le plan d'action, soit dans le cadre de travail. Dans l'événement à l'étude, le contrôleur sol avait prévu donner l'instruction au C-GFOX de rouler sans restriction jusqu'à la piste 07. Ce plan n'a pas été revu pour déterminer sa viabilité au moment du transfert de la responsabilité de la piste 14.
La nature prévisible des erreurs et des trous de mémoire souligne l'importance des aide-mémoire dans les systèmes dynamiques afin de réduire au minimum la probabilité d'omettre ou d'oublier certains éléments. EXCDS est justement l'un de ces systèmes qui fournissent aux contrôleurs un portrait de l'état des aéronefs qu'ils contrôlent.
La pratique du contrôleur sol, qui consistait à ne pas effectuer immédiatement le déplacement, de la fenêtre Cleared à la fenêtre Taxied, du FDE de l'aéronef qui circulait a empêché le contrôleur d'aéroport de savoir que l'aéronef en question roulait jusqu'à la piste 07 en vue du décollage, ce qui a réduit sa capacité d'avoir une vue d'ensemble complète du trafic et de planifier son travail en conséquence. Cette pratique pourrait également avoir contribué au fait que le contrôleur sol ne savait pas où se trouvait le C-GFOX avant qu'il transfère la responsabilité de la piste. Le contrôleur sol n'a pas vérifié la position du C-GFOX par rapport à la piste 14 avant de transférer la responsabilité de la piste 14 au contrôleur d'aéroport.
Après le dégivrage, le contrôleur sol a transmis au JZA988 l'instruction de rouler jusqu'à la piste 14 et de communiquer avec la tour une fois qu'il se tiendrait en attente à l'écart de cette piste. Lorsque le JZA988 a communiqué avec la tour, le contrôleur d'aéroport lui a transmis l'instruction de s'aligner et d'attendre sur la piste 14. Au moment du transfert de responsabilité de la piste 14, le contrôleur d'aéroport a balayé du regard l'environnement de l'aéroport et l'affichage EXCDS. Le contrôleur d'aéroport a vu un aéronef (le C-GFOX) sur l'aire de trafic, mais s'attendait à ce que celui-ci se dirige vers le poste de dégivrage plutôt que de traverser la piste 14, car il n'y avait aucune indication sur l'affichage EXCDS qu'un aéronef roulait jusqu'à la piste 07.
Le contrôleur d'aéroport a autorisé le JZA988 à décoller de la piste 14, et le C-GFOX s'est ensuite avancé sur la piste 14 au moment où le JZA988 amorçait le décollage, ce qui a entraîné l'incursion sur piste et le risque de collision.
Effectifs de la tour de contrôle d'Ottawa et charge de travail des contrôleurs
On a décrit la charge de travail au moment de l'événement à l'étude comme étant modérée et complexe, étant donné les conditions météorologiques, les opérations de déneigement, l'utilisation de pistes sécantes et la régulation du débit de la circulation aérienne. Même si les procédures de l'unité stipulent de ne pas regrouper les postes de contrôleur sol / des autorisations dans de telles situations, une pénurie de personnel de tour a fait en sorte qu'aucun autre contrôleur ne pouvait être rappelé au travail. On avait pris des mesures pour réduire au minimum la période durant laquelle il n'y aurait que 2 contrôleurs en service.
On a noté certains légers retards dans l'exécution des mises à jour de l'affichage EXCDS durant cette période, mais le contrôleur sol a effectué ces tâches dès qu'il a pu le faire. Rien n'indiquait l'abandon de certaines tâches, ce qui aurait donné à croire que la charge de travail dépassait la capacité du contrôleur.
Une des options possibles pour les 2 contrôleurs en service pour maintenir la charge de travail à un niveau raisonnable durant les périodes de pénurie de personnel, aurait été de réguler le débit vers l'aéroport, notamment de demander au contrôleur terminal de prolonger les intervalles entre les arrivées. Cependant, ni l'une ni l'autre de ces options n'a été envisagée ou mise en œuvre par les contrôleurs, ce qui indique qu'ils estimaient que la charge de travail était raisonnable.
Les pénuries de personnel étaient courantes à la tour d'Ottawa, en particulier vers la fin d'un cycle de quarts, lorsque la plupart des contrôleurs avaient déjà travaillé le nombre maximal permis d'heures supplémentaires. Même si l'unité comptait plus que le nombre cible de contrôleurs dans ses effectifs, plus de 20 % d'entre eux (5 sur 24) n'étaient pas en mesure de travailler au moment de l'événement. Des efforts pour ajouter des contrôleurs n'avaient pas donné les résultats escomptés, et par conséquent, l'on s'attendait à ce que la situation se poursuive jusqu'à l'ajout de contrôleurs grâce au programme de formation. Entretemps, le seuil de dotation à la tour d'Ottawa occasionnait régulièrement des pénuries de personnel et des quantités importantes d'heures supplémentaires pour beaucoup de contrôleurs, situation qui ne faisait qu'accroître le risque d'événements liés à la charge de travail et à la fatigue des contrôleurs.
Puisqu'il n'y avait que 2 contrôleurs en service durant un quart qui en exige normalement 4, la nécessité de relever un contrôleur de ses fonctions après l'événement a augmenté la charge de travail et la complexité des tâches du seul contrôleur restant, ce qui a accru le risque d'erreur.
Lorsqu'il n'y a pas assez d'effectifs pour répondre à une situation de pénurie de personnel, il y a un risque accru d'erreur attribuable à la charge de travail et à la fatigue.
Conscience de la présence de l'autre aéronef chez les équipages de conduite
L'équipage de conduite du JZA988 n'écoutait pas la fréquence sol lorsque le C-GFOX a reçu ses instructions de circulation jusqu'à la piste 07. L'équipage de conduite du C-GFOX ne savait pas que le JZA988 avait reçu l'autorisation de décoller de la piste 14. De plus, l'événement est survenu alors qu'il faisait noir et qu'il neigeait légèrement. Il se peut que tous ces facteurs, ainsi que les balises clignotantes de plusieurs véhicules de déneigement situés à la droite du C-GFOX, et l'éclairage à l'intérieur du poste de pilotage de ce dernier, aient empêché l'équipage de conduite du C-GFOX de détecter la présence du JZA988 près du seuil de la piste 14. Ainsi, aucun des équipages de conduite n'était conscient de la présence de l'autre aéronef et du conflit possible qu'il représentait.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le contrôleur sol a transmis au C-GFOX l'instruction de rouler sans restriction depuis l'aire de trafic de la Gendarmerie royale du Canada jusqu'à la piste 07, malgré l'utilisation fréquente de la piste 14 pour les décollages.
- D'après la publication intitulée Ottawa Tower EXCDS Manual, le contrôleur sol doit déplacer dans la fenêtre Taxied l'élément de données de vol (FDE) d'un aéronef qui roule en prévision d'un départ de sorte que le FDE s'affiche dans la fenêtre Departure de l'affichage du contrôleur d'aéroport. Toutefois, ni le manuel d'exploitation d'unité de la tour de contrôle d'Ottawa, ni les directives de l'unité n'indiquent le moment auquel ce déplacement doit avoir lieu; chaque contrôleur le fait à sa discrétion.
- Après la transmission des instructions de circulation au C-GFOX, le contrôleur sol n'a pas immédiatement transféré l'élément de données de vol du C-GFOX de la fenêtre Cleared à la fenêtre Taxied; par conséquent, le système d'affichage amélioré du contrôleur d'aéroport n'indiquait pas que le C-GFOX roulait jusqu'à la piste 07.
- Le contrôleur sol n'a pas vérifié la position du C-GFOX par rapport à la piste 14 avant de transférer la responsabilité de la piste 14 au contrôleur d'aéroport.
- Le contrôleur d'aéroport a autorisé le JZA988 à décoller de la piste 14, et le C-GFOX a ensuite roulé sur la piste 14 au moment où le JZA988 amorçait le décollage, ce qui a entraîné l'incursion sur piste et le risque de collision.
Faits établis quant aux risques
- Lorsqu'il n'y a pas assez d'effectifs pour répondre à une situation de pénurie de personnel, il y a un risque accru d'erreur attribuable à la charge de travail et à la fatigue.
- Si le fournisseur de services de circulation aérienne ne donne pas de directives claires quant au moment où l'on doit déplacer les entrées des données de vol d'une fenêtre à l'autre dans le système d'affichage amélioré, il y a risque que l'on transmette des instructions de contrôle sans avoir une connaissance exhaustive de l'environnement opérationnel.
Mesures de sécurité
Mesures de sécurité prises
NAV CANADA
NAV CANADA a examiné ses procédures d'exploitation en cas de pénurie de personnel. Ainsi, l'entreprise a publié le 8 janvier 2014 une directive d'exploitation à l'intention de la tour d'Ottawa qui prévoit certaines restrictions d'exploitation en cas de pénurie de personnel. La directive a fait l'objet d'un exposé verbal obligatoire.
Les superviseurs à la tour d'Ottawa encouragent les contrôleurs à demander au contrôleur terminal d'Ottawa de prolonger les intervalles et d'expliquer le motif de leur demande, si nécessaire, lorsqu'il y a une pénurie de personnel.
La tour de contrôle d'Ottawa a publié la directive opérationnelle OD 2014-15, qui a été ajoutée au manuel d'exploitation de l'unité. Cette directive stipule que les contrôleurs doivent indiquer sur l'affichage EXCDS qu'un véhicule ou un aéronef a reçu l'autorisation de traverser une piste en activant l'indicateur de passage de véhicule (RCI) associé à un FDE. Le RCI ne pourra être désactivé qu'une fois l'aéronef ou le véhicule hors de la zone protégée de la piste, de l'autre côté de la piste.
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .
Annexes