Rapport d'enquête aéronautique A11Q0168

Collision avec le sol à la suite d'un décollage de nuit
de l'hélicoptère Robinson R44 Raven II C-GEBY
Saint-Ferdinand (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Vers 21 h, heure avancée de l’Est, l’hélicoptère privé Robinson R44 Raven II (immatriculation C-GEBY, numéro de série 11505) décolle de l’aérodrome de Saint-Ferdinand (Québec) avec à son bord le pilote et 3 passagers pour un vol de nuit selon les règles de vol à vue à destination de Saint-Nicolas (Québec). À 21 h 09, le système SARSAT (système d’aide aux recherches et sauvetage par satellites) capte un signal de détresse émis par la radiobalise de repérage d’urgence. L’appareil est localisé environ 2 heures 35 minutes plus tard dans un boisé à environ 3940 pieds de son point de décollage. L’hélicoptère est détruit à l’impact, mais ne prend pas feu. Tous les occupants périssent dans l’accident.

    Renseignements de base

    Déroulement du vol

    Figure 1. Vue aérienne de la région de Saint-Ferdinand
    Image
    Vue aérienne de la région de Saint-Ferdinand

    Plus tôt, le jour du vol en cause, le 27 août 2011, le pilote et 3 membres de sa famille ont décollé de la résidence du pilote située à Saint-Nicolas (Québec) pour rendre visite à des amis dans la région de Saint-Ferdinand (Québec). On ajoute 46 litres de carburant de type 100LL au réservoir principal pour le remplirNote de bas de page 1. Le point de départ se trouvant à l’intérieur de la zone de contrôle de l’aéroport international Jean-Lesage de Québec (CYQB), le pilote avait communiqué avec la tour vers 18 h 09Note de bas de page 2 avant de décoller, et obtenu les informations sur la direction et la vélocité du vent ainsi que le calage altimétrique. Aucun plan de vol n’avait été déposé auprès du Centre d’information de vol (FIC) de Québec; aucun itinéraire de vol n’avait été déposé auprès d’une personne responsable. L’appareil a décollé vers 18 h 13 et le pilote a immédiatement été autorisé en fréquence de route dès qu’il aurait quitté la zone de contrôle. L’appareil a poursuivi son vol à une altitude de 1500 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). À 18 h 38, l’appareil est disparu de l’écran radar alors qu’il se trouvait à 0,25 mille marin (nm) à l’est de l’aérodrome de Saint-Ferdinand et à une altitude de 1500 pieds aslNote de bas de page 3. L’appareil s’est posé sans problème dans le champ au sud du seuil de la piste 05. Il y est demeuré stationné jusqu’à son départ.

    Vers 20 h 50, le pilote et ses 3 passagers sont retournés à l’hélicoptère pour effectuer un vol de nuit de retour à la maison. Le vol devait durer environ 20 minutes pour parcourir une distance de 37 nm. À la suite du décollage, on n’a pas détecté l’appareil sur les écrans radars. Personne n’a vu l’appareil décoller ni s’écraser; seul un bruit d’impact a été entendu vers 21 h. À 21 h 09, un signal de détresse en provenance de la radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de l’aéronef a été capté par le réseau satellitaire Cospas-SarsatNote de bas de page 4. L’appareil a été localisé par un patrouilleur de la Sûreté du Québec à 23 h 44, dans un boisé à environ 3940 pieds au nord-est du point de décollage, soit à peine 1215 pieds à l’est de l’extrémité de la piste 05 (figure 1).

    Tous les occupants ont péri dans l’écrasement. Les 2 passagers arrière ainsi que le passager avant assis du côté gauche ont été retrouvés toujours attachés à leur siège, alors que le pilote avait été éjecté hors du siège avant droit. En raison des dommages au dispositif de retenue du siège du pilote et de l’état de fonctionnement de ce dispositif, l’enquête n’a pas été en mesure de déterminer si le pilote portait sa ceinture de sécurité ou non.

    Tués et blessés

    Table 1. Tués et blessés
    Blessures Membres d’équipage Passagers Autres personnes Total
    Mortelles 1 3 4
    Graves
    Légères/Aucunes
    Total 1 3 4

    Dommages à l'aéronef

    L’aéronef n’a pas pris feu et tous les dommages sont attribuables à l’impact. La partie avant de l’aéronef a été complètement détruite. Le panneau des instruments de bord et les commandes de vol ont été lourdement endommagés. Les sièges arrière étaient toujours ancrés au plancher et à la cloison pare-feu du compartiment moteur. Le mât principal et la tête rotor étaient toujours rattachés au moteur, lequel présentait peu de dommages apparents. Les pales du rotor principal se sont sectionnées lors de l’impact. Seule une petite portion des pales est demeurée attachée à la tête de rotor principal. La poutre de queue, quoique cassée, était partiellement attachée au fuselage. Les pales du rotor principal et du rotor de queue présentaient des dommages typiques d’un impact avec un objet alors qu’elles étaient en rotation.

    Autres dommages

    Plusieurs arbres ont été endommagés lors de l’impact et environ 125 litresNote de bas de page 5 de carburant se sont déversés sur le sol.

    Renseignements sur le personnel

    Le pilote était détenteur d’une licence de pilote privé–hélicoptère délivrée en 2005 assortie d’un certificat médical de catégorie 3 valide. Le pilote avait reçu sa formation sur un R44, et avait reçu son annotation pour le vol de nuit en décembre 2006. Le carnet de vol personnel du pilote indique, en date du 26 août 2011, un total de 879,7 heures de vol avec hélicoptère, dont 10,6 heures de vol aux instruments en simulation. À la même date, le carnet de vol indique que le pilote avait cumulé, en vol de nuit, 13 heures en double commande et 46,8 heures en tant que pilote aux commandes.

    Au cours des 6 derniers mois, le pilote avait effectué 6 heures de vol de nuit à titre de pilote aux commandes pour un total de 9 décollages/atterrissages, ce qui répond aux exigences de mise à jour des connaissances prévues au Règlement de l’aviation canadien (RAC)Note de bas de page 6. Tous ces décollages ont été effectués dans un environnement avoisinant éclairé. Le pilote respectait aussi l’exigence de terminer avec succès un programme de formation périodique conformément aux normes de délivranceNote de bas de page 7 des licences du personnel, en effectuant un vol avec un instructeur au cours des 24 mois qui précèdent le vol.

    Le passager avant, assis à gauche, était titulaire d’un permis d’élève-pilote hélicoptère délivré le 15 juillet 2011. Il est peu probable que ce passager ait été aux commandes de l’aéronef le soir de l’accident, considérant que cette personne n’avait jamais reçu d’instruction en vol à partir du siège gauche. De plus, cette personne n’avait pas d’expérience au vol de nuit et le pilote assis à droite n’était pas qualifié pour donner des instructions à un élève-pilote aux commandes ni pour assurer sa supervision.

    Renseignements sur l’aéronef

    Généralités

    Table 2. Renseignements généraux sur l'aéronef
    Constructeur Robinson Helicopter Company
    Type et modèle Robinson R44 Raven II
    Année de construction 2006
    Numéro de série 11505
    Certificat de navigabilité Valide
    Nombre d’heures cellule 594.9
    Moteurs Avco Lycoming IO-540-AE1A5
    Masse maximale autorisée au décollage 2500 livres
    Type de carburant recommandé 100LL
    Type de carburant utilisé 100LL

    Le C-GEBY avait été importé au Canada en 2007. L’appareil utilisé en exploitation privée appartenait à la société 9049-5854 Québec Inc., dont le pilote était actionnaire. La société en avait fait l’achat en mai 2011. À ce moment, l’appareil portait la marque d’immatriculation C-FFSM, qui a été changée pour C-GEBY le 30 mai 2011.

    Les dossiers indiquent que l’hélicoptère était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur. L’appareil était muni de l’équipement requis pour le vol de nuit aux termes du règlement 605.16 du RAC. L’hélicoptère n’était pas équipé d’un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage ni d’un enregistreur de données de vol, et la réglementation ne l’exigeait pas.

    En date du 26 août 2011, l’hélicoptère totalisait 594,9 heures de vol depuis sa construction. Il avait effectué 29,2 heures de vol depuis sa dernière inspection des 50 heures, laquelle avait eu lieu le 16 août 2011. La masse et le centrage de l’appareil se situaient dans les limites prescrites au moment de l’accident.

    En date du 10 novembre 2011, la Robinson Helicopter Company (RHC) annonçait la production de son 10 000e hélicoptère, dont un peu plus de la moitié sont des R44. En date du 16 juillet 2012, le registre des aéronefs civils canadiens indiquait 406 R44 en exploitation au pays, dont 241 en exploitation privée. De ce nombre, 104 R44 sont au QuébecNote de bas de page 8.

    Radiobalise de repérage d’urgence

    L’appareil était muni d’une radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de modèle Kannad 406 AF transmettant sur les fréquences 121,5 mégahertz (MHz) et 406 MHz. L’ELT a été activée par l’impact, mais n’a pas été endommagée dans l’accident. Elle est restée dans son support et son antenne y est demeurée attachée.

    Lorsqu’elle est activée, une ELT transmet un signal de détresse au système satellitaire Cospas-Sarsat, lequel est composé d’une constellation de satellites LEOSARNote de bas de page 9 (LEO) et GEOSARNote de bas de page 10 (GEO). Ces satellites traitent et relaient le signal 406 MHz à des stations au sol (LUT) où la position de l’ELT émettant le signal de détresse est déterminée avec une précision de 2 nm prèsNote de bas de page 11. De plus, ce type d’ELT est programmé pour transmettre, 50 secondes après un impact, un message codé qui permet au Centre canadien de contrôle des missions (CCCM) d’accéder à l’information fournie lors de son enregistrement, dont l’identification de l’appareil et de la personne ou l’agence responsable de l’aéronef. Ce message est normalement capté sur la fréquence 406 MHz par un des satellites GEO. Dans le cas de cet événement, le signal n’a été détecté par aucun des satellites GEONote de bas de page 12. Cependant, des satellites LEO ont capté le message codé sur la fréquence 406 MHz, à 21 h 09, et la position calculéeNote de bas de page 13 a été transmise au Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC), qui a la responsabilité de coordonner toutes les opérations de recherche et sauvetage (SAR) associées aux urgences aéronautiques et maritimes. La Sûreté du Québec a été avisée de la position calculée de l’écrasement à 22 h 41.

    Un aéronef C-130 Hercules des Forces canadiennes a été dépêché de Trenton (Ontario) sur place le soir même à 23 h 46 et est arrivé au-dessus de la position calculée à 0 h 42 (le 28 août). Un hélicoptère de type Griffon avait également été dépêché sur les lieux, mais a rebroussé chemin une fois l’épave et ses occupants localisés par la Sûreté du Québec à 23 h 44, soit environ 2 heures 35 minutes après l’écrasement.

    L’enregistrement des radiobalises de repérage d’urgence

    Aux termes du paragraphe 605.38(4) du RAC, une ELT capable d’émettre sur une fréquence de 406 MHz doit être inscrite au Registre canadien des radiobalises (le registre) du Secrétariat national de recherche et de sauvetage. Le système canadien d’enregistrement tient à jour le registre, qui comprend les balises de localisation personnelle (PLB), les radiobalises de localisation des sinistres (EPIRB) et les ELT. L’accès en ligne au registre est à la disposition de tous les propriétaires de balises de détresse 406 MHz pour leur permettre d’enregistrer de nouvelles balises de détresse ou pour mettre à jour leurs renseignements actuels. L’information contenue dans le registre comprend le nom du propriétaire, les détails de l’aéronef et l’information sur la personne-ressource en cas d’urgence. Les autorités de recherche et de sauvetage font les renvois de l’identification de la balise de détresse avec le registre. En un seul appel téléphonique, elles peuvent déterminer si le signal de détresse est une fausse alerte ou recueillir des détails supplémentaires afin de mieux répondre à l’incident. L’ajout de renseignements sur les balises de détresse et la mise à jour de ces renseignements peuvent se faire en ligne ou encore par télécopieur ou par courriel, en remplissant un formulaire d’enregistrement.

    Chaque balise de détresse contient un numéro d’identification unique et un code pour le pays. Ces caractéristiques, combinées à l’enregistrement de l’unité auprès du registre, fournissent des renseignements importants aux autorités de recherche et de sauvetage lors de situations de détresse. Dans le cas de cet événement, le nouveau propriétaire n’avait pas fait la mise à jour de l’information au registre après l’acquisition de l’appareil et le changement de l’immatriculation en mai 2011. Lorsque l’ELT s’est déclenchée, au moment de l’impact, l’information reçue a donc renvoyé le personnel du CCCM à l’ancien propriétaire et à l’ancienne marque d’immatriculation. Par conséquent, il s’est écoulé 27 minutes avant que le CCCM puisse joindre une personne qui sache où pouvait se trouver l’aéronef.

    L’utilisation d’ELT émettant sur la fréquence 406 MHz est relativement récente dans l’industrie de l’aviation. Le CCCM indique qu’il est fréquent que l’information au Registre ne soit pas mise à jour à la suite d’un changement de propriétaire ou d’immatriculation. Dans le cas de cet événement, le changement d’immatriculation et de propriétaire était récent, et le CCCM a donc pu retracer les coordonnées du nouveau propriétaire dans un délai raisonnable. Cependant, ce n’est pas toujours le cas : l’ancien propriétaire pourrait ne pas être en mesure de fournir les coordonnées du nouveau propriétaire. Dans un tel cas, des recherches supplémentaires pour retracer le nouveau propriétaire pourraient retarder le déploiement des services de recherches et sauvetage.

    Conditions météorologiques

    Le soir de l’accident, le sud-est du Québec était sous une crête de haute pression avec des vents généralement légers et des nuages épars de type altocumulus et cirrus, en raison de l’approche de la tempête post-tropicale Irène. Cette tempête, située sur l’est des États-Unis à 21 h, a seulement commencé à toucher de manière significative le sud-est du Québec vers 7 h, le lendemain, lorsque de la pluie modérée a été signalée à Sherbrooke (Québec).

    En outre, entre 20 h et 23 h, on a observé la présence de nuages de type cumulus bourgeonnants (TCU) et des cumulonimbus (CB) près de la vallée du Saint-Laurent et la ville de Québec, donnant des averses de pluie légère et des orages isolés. Les images satellites et radar ne démontrent pas la présence de nuages TCU et CB près de Saint-Ferdinand et de Sherbrooke.

    Aucune condition de givrage et de turbulence importante n’a été observée ou prévue, autre que la possibilité de givrage modéré à fort au-dessus de 10 000 pieds asl dans les nuages TCU et CB observés sur les images radar et satellites près de la ville de Québec.

    Aucun message d’observation météorologique régulière pour l’aviation (METAR) n’est émis pour l’aérodrome de Saint-Ferdinand. Les 2 aérodromes les plus près qui émettent des METAR sont CYQB et l’aérodrome de Sherbrooke (CYSC) situés respectivement à 40 nm et à 42 nm de Saint-Ferdinand. Les observations METAR de 21 h pour CYQB et CYSC étaient les suivantes :

    • CYQB à 21 h : vent du 230° vrai (V) à 2 nœuds, visibilité de 8 milles terrestres (sm), dans les averses de pluie faible, quelques nuages à 2500 pieds au-dessus du sol (agl), un ciel couvert à 5300 pieds agl, température de 20 °C, Paspoint de rosée de 17 °C et calage altimétrique de 29,90 pouces de mercure (Hg).
    • CYSC à 21 h : vent calme, visibilité de 9 sm, nuages épars à 13 000 pieds agl, température de 16 °C, point de rosée de 15 °C et calage altimétrique de 29,91 pouces Hg.

    Le soleil s’est couché à 20 h 45Note de bas de page 14. La lune décroissante était sur un azimut d’environ 321° et 25° sous l’horizon, avec seulement 3% de son disque illuminé. La lune n’était donc pas visible au moment du décollage. L’information recueillie indique qu’il faisait très noir.

    Aides à la navigation

    Sans objet.

    Communications

    La fréquence de trafic d’aérodrome (ATF) 123.2 MHz est la fréquence désignée pour l’aérodrome de Saint-Ferdinand. Les communications transmises sur cette fréquence ne sont pas enregistrées et rien n’exige qu’elles le soient. Par conséquent, il n’a pas été possible d’établir si les procédures de communication applicables aux aérodromes non contrôlés ayant une zone ATFNote de bas de page 15 ont été suivies. Aucune transmission de la part du pilote n’a été entendue par qui que ce soit dans les environs qui aurait pu se trouver sur cette fréquence. Aucun message de détresse en provenance du C-GEBY n’a été entendu ou enregistré sur la fréquence d’urgence 121.5 MHz.

    Renseignements sur l’aérodrome

    L’aérodrome de Saint-Ferdinand est d’une élévation de 1050 pieds asl et compte une piste en gazon/gravelle, la piste 05/23, d’une longueur de 3000 pieds et d’une largeur de 75 pieds. Elle n’est munie d’aucun balisage lumineuxNote de bas de page 16. À l’extrémité de la piste 05 se trouve un boisé, alors qu’à l’extrémité de la piste 23 se trouve un champ entièrement dégagé de près de 1400 pieds présentant une pente descendante jusqu’à un lac. L’aérodrome ne dispose pas de services de sauvetage et de lutte contre les incendies d’aéronefs (SLIA). Ceux-ci ne sont pas exigés par règlement.

    À l’exception du village de Bernierville, situé à environ 1,7 nm au sud-ouest de l’aéroport, et du village de Saint-Ferdinand, situé à environ 2 nm à l’ouest, l’environnement présente peu de sources de référence visuelle la nuit (annexe B). Quelques hangars se trouvent du côté sud-ouest de la piste, mais aucun d’entre eux n’est éclairé. Les routes adjacentes à l’aéroport ne sont pas éclairées non plus, et très peu de résidences se trouvent à proximité. De plus, la région située au nord-nord-est de l’aérodrome, soit en direction de la destination prévue, est relativement boisée.

    Le circuit d’aérodrome est le trajet que les aéronefs doivent suivre lorsqu’ils volent aux abords d’un aérodrome. À Saint-Ferdinand, le circuit est standard, c’est-à-dire que tous les virages sont effectués à gauche. Les aéronefs qui quittent le circuit ou l’aérodrome doivent monter directement au cap de piste jusqu’à l’altitude du circuit avant de virer vers leur cap de destination. Les virages dans la direction du circuit doivent être effectués à une altitude d’au moins 500 pieds agl.

    Rien n’indique que le pilote avait atterri ou décollé de l’aérodrome de Saint-Ferdinand auparavant, que ce soit de jour ou de nuit.

    Enregistreurs de bord

    Sans objet.

    Renseignements sur l’épave et sur l’impact

    Généralités

    Les dommages observés aux arbres révèlent que l’angle d’impact était d’environ 40° vers le bas sur une trajectoire de 350° magnétiques à une vitesse indéterminée. L’appareil a glissé sur 250 pieds au plus sur le plan horizontal avant de s’immobiliser. Le rotor de queue, le bouchon du réservoir principal, les patins, des morceaux de plastique provenant du pare-brise et des fenêtres latérales ainsi que les panneaux de portes ont été retrouvés au début de la trajectoire de l’impact.

    La partie avant du fuselage, incluant les 2 sièges avant, les commandes de vol et le panneau des instruments disjoint, était sectionnée et a été retrouvée à quelque 230 pieds du point d’impact initial avec les arbres. La partie arrière du fuselage comprenant les 2 sièges arrière, les réservoirs d’essence, la transmission du rotor principal, le moteur et la poutre de queue se sont immobilisés sur le côté gauche en sens opposé à la trajectoire de l’impact à quelque 20 pieds de la partie avant du fuselage.

    Les commandes de vol ont subi une rupture en surcharge lors de l’impact, et leur continuité n’a pu être examinée. La bande indicatrice de la température TelatempNote de bas de page 17 fixée à la roue libreNote de bas de page 18 ne présentait aucun signe de décoloration, ce qui a permis d’éliminer la possibilité d’un mauvais fonctionnement de la roue libre avant l’accident.

    Le réservoir d’essence principal était fissuré, causant le déversement d’environ 125 litres de carburant. Le réservoir auxiliaire contenait une faible quantité de carburant, qui a été récupérée et vérifiée. Le carburant ne contenait ni eau ni contaminant, et sa couleur a permis de confirmer qu’il s’agissait de carburant de type 100LL, approprié au moteur de l’aéronef.

    Examen de l’épave

    L’épave a été transportée au Laboratoire du Bureau de la sécurité des transports (BST) en vue de son examen. Tous les instruments de bord récupérés ont été examinés (annexe C). À l’exception de l’indicateur de vitesse, tous présentaient des dommages d’impact.

    L’examen du moteur et des accessoires n’a révélé aucune anomalie qui aurait pu nuire au fonctionnement du moteur. Afin de corroborer les observations de l’examen du moteur, les ampoules des voyants d’alarmes ont été examinées pour déterminer si l’illumination d’un des voyants aurait pu nécessiter l’attention du pilote.

    Le R44 Raven II est doté de 15 voyants d’alarmes ayant pour fonction d’alerter le pilote de conditions qui requièrent son attention. Huit de ces voyants sont localisés sur le haut du tableau de bord et 7 se trouvent sur le panneau central (photo 1)Note de bas de page 19.

    Photo 1. Tableau de bord typique d'un R44 Raven II
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    Tableau de bord typique d'un R44 Raven II

    Typiquement, le filament d’une ampoule subira une déformation (s’allongera ou s’étirera) s’il est chaud ou incandescent au moment de l’impact. Un filament peut également se fracturer en morceaux lorsqu’il est froid ou peut ne pas montrer de changement. À l’exception du filament du voyant indicateur d’embrayage (CLUTCH), lequel présentait des signes mineurs d’étirement, aucun des filaments des ampoules ayant résisté à l’impact ne présentait de fractures ni d’étirements (annexe D).

    Malgré l’incertitude de l’état de certains voyants, d’autres éléments indiquent qu’ils étaient fort probablement éteints. Par exemple, il est improbable que le voyant « LOW FUEL » se soit allumé considérant la quantité d’essence embarquée avant le départ de Saint-Nicolas et le temps de vol effectué. Quant aux voyants « FUEL FILTER », « AUX FUEL PUMP », « ALT », « OIL PRESSURE » et « GOVERNOR OFF », l’examen de leurs composants respectifs n’a révélé aucune anomalie qui aurait pu faire allumer ces voyants. Le voyant « ENGINE FIRE » était fort probablement éteint considérant qu’aucun indice ne suggère la présence de feu avant l’impact ni après. Pour ce qui est du voyant « CLUTCH », lequel était peut-être allumé lors de l’impact, le Pilot’s Operating Handbook indique qu’il est normal que ce voyant s’illumine à l’occasion pour une courte durée.

    Renseignements sur le système d'embrayage

    Photo 2. Panneau disjoncteur gauche
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    Panneau disjoncteur gauche

    La puissance motrice est transmise au rotor principal par un système à courroies. L’embrayage entre le moteur et la transmission se fait par une mise en tension progressive des courroies. Après le démarrage du moteur, on engage la mise en tension des courroies au moyen d’un servomoteur électrique qui s’arrête automatiquement à une tension préétablie. Un voyant avertisseur « CLUTCH » en jaune, situé sur le panneau de bord, s’illumine lorsque le servomoteur fonctionne, soit lors de la mise en tension ou de la mise hors tension des courroiesNote de bas de page 20.

    Comme il a été indiqué précédemment, il est normal que le voyant avertisseur s’illumine en vol. Toutefois, s’il reste allumé pour plus de 7 ou 8 secondes, le Pilot’s Operating Handbook (POH) recommande de tirer le disjoncteur « CLUTCH », de réduire la puissance et d’atterrir immédiatement. Le panneau des disjoncteurs, qui est situé sur le plancher à l’avant du siège de gauche, est difficilement visible du siège du pilote (photo 2). C’est pour cette raison que ce disjoncteur est muni d’une rondelle rouge qui en facilite l’identification et le déclenchement manuel. De plus, le pilote est averti de se préparer à exécuter une autorotation et de vérifier le système d’entraînement. Suite à l’accident, le disjoncteur était enclenché et fonctionnait normalement.

    Examen des systèmes de positionnement mondial

    L’hélicoptère était équipé d’un système de positionnement mondial (GPS) portatif Garmin GPSMAP696 et d’un GPSMAP60Cx. L’examen des 2 GPS indique qu’aucun des GPS n’était fonctionnel à la suite de l’accident. Le BST n’a pas été en mesure de trouver la technologie requise afin d’extraire et d’interpréter les données contenues dans la mémoire non volatile de ces GPS.

    Le GPSMAP696 possède un écran vidéographique couleur de 7 pouces. La fonction « Autolocate » permet au système d’obtenir les données satellites et d’établir la position actuelle de l’appareil. Cette étape peut prendre jusqu’à 5 minutes. La fonction de l’intensité du rétroéclairage du modèle de GPS696 permet à l’opérateur d’ajuster l’intensité lumineuse de l’écran de « 0 » à « 10 »Note de bas de page 21. Les tests effectués par le BST sur un GPS695Note de bas de page 22 démontrent que la gamme d’intensité du rétroéclairage du Garmin GPSMAP696 lui permet de fonctionner même dans les conditions les plus sombres.

    Le BST a sollicité le concours de Garmin pour extraire et interpréter ces données. Garmin a dit recevoir fréquemment des demandes de soutien lorsque les données ne sont pas nécessaires pour déterminer la cause d’un accident, ou qu’elles sont liées à un incident, ou dans de nombreux cas, lorsqu’il s’agit de confirmer des faits déjà connus (tels que les données radar). En outre, les données contenues dans la mémoire non volatile varient selon le modèle. Selon Garmin, sa capacité à contribuer aux enquêtes sur les accidents est limitée dans de nombreux cas. En général, Garmin s’abstient de soutenir l’enquête.

    Renseignements médicaux et pathologiques

    Rien n’indique que la performance du pilote ait été affectée par des facteurs physiologiques.

    Incendie

    Le carburant non confiné est le matériau combustible qui joue le rôle le plus significatif dans les accidents de petits aéronefs. Malgré un déversement de carburant, aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact. La batterie de l’appareil a été retrouvée à quelque 20 pieds du compartiment moteur et des réservoirs d’essence, et les réservoirs d’essence et leurs liens électriques se sont rompus lors de l’impact.

    Questions relatives à la survie des occupants

    L’accident offrait peu de chances de survie aux occupants vu la destruction de la cabine lors de l’impact avec les arbres.

    Essais et recherches

    Sans objet.

    Renseignements sur les organismes et la gestion

    Sans objet.

    Renseignements supplémentaires

    Le vol de nuit

    Le vol de nuit comporte de nombreux risques en raison de mauvais repères visuels, surtout au décollage et à l’atterrissage. L’absence ou le peu de références visuelles peuvent survenir la nuit et produire diverses illusions entraînant une désorientation spatiale.

    Les vols de nuit à l’arrivée ou au départ de zones sans traits distinctifs dans la noirceur, comme les plans d’eau ou un secteur boisé, sont difficiles. Ces zones sont communément appelées « trous noirs ». Lors du passage de la lumière vive à l’obscurité, l’œil met du temps à s’adapter, ce qui peut affecter la vision nocturne. Pour faciliter l’adaptation à l’obscurité, on conseille aux pilotes de régler à une faible intensité les lumières du poste de pilotage pour que l’œil reste habitué à l’obscurité pour bien voir à l’extérieurNote de bas de page 23. De plus, l’éclairage des instruments ou de la cabine peut se refléter sur le pare-brise et amener le pilote à confondre cette lumière avec autre chose.

    Dans le cas de cet accident, il n’a pas été possible d’établir quel était le niveau de luminosité à l’intérieur du poste de pilotage. De plus, puisque le GPSMAP696 ne fonctionnait pas par suite de l’accident, il n’a pas été possible de déterminer quel niveau d’intensité le pilote avait sélectionné et ainsi connaître l’impact d’éclairage du GPS ou de son reflet dans le pare-brise sur sa vision nocturne.

    Deux avis de sécurité émis par la Robinson Helicopter Company (avis de sécurité SN-18 et SN-26) font référence aux dangers et aux risques auxquels sont exposés les pilotes lors de vols de nuit en hélicoptère. Quoique les 2 avis fassent aussi référence à la mauvaise visibilité de nuit, l’avis de sécurité SN-26 indique qu’il ne faut jamais voler de nuit à moins que les conditions météorologiques offrent un plafond illimité ou très haut avec beaucoup de lumières au sol ou célestes pour référence visuelle. En outre, le Pilot’s Operating Handbook indique que les vols de nuit selon les règles de vol à vue sont interdits, à moins que les phares d’atterrissage, les feux de navigation, l’éclairage des instruments et les feux anticollision soient allumésNote de bas de page 24.

    La formation au vol de nuit

    Le demandeur d’une qualification de vol de nuit doit avoir accumulé sur hélicoptère au moins 20 heures de vol en qualité de pilote, dont :

    • au moins 10 heures de vol de nuit comprenant au moins :
      • 5 heures de vol en double commande, dont 2 heures de vol-voyage;
      • 5 heures de vol en solo comprenant 10 décollages, 10 circuits et 10 atterrissages;
    • au moins 10 heures de temps aux instruments en double commandeNote de bas de page 25.

    Un pilote peut donc n’avoir effectué que 10 heures réelles de vol de nuit. Cinq heures additionnelles de vol peuvent être effectuées sur un simulateur et 5 heures de vol aux instruments en double commande peuvent être effectuées de jour sous une visière.

    Les écoles de formation au pilotage sont souvent situées près de régions peuplées; la formation s’effectue donc à l’intérieur et aux abords de villes ou de villages dont l’environnement avoisinant est éclairé. Les décollages et les atterrissages sont habituellement effectués sur des pistes ou des héliports éclairés. Les pilotes d’aéronefs à voilure fixe titulaires de la qualification de vol de nuit volent habituellement d’un aéroport ou d’un aérodrome à un autre, décollant et atterrissant toujours sur des pistes éclairées par des systèmes de balisage lumineux et des aides à l’approche, comme l’indicateur visuel de pente d’approche (VASIS).

    Les exigences réglementaires en vigueur pour la formation en vue de la qualification de vol de nuit sont les mêmes pour les pilotes d’hélicoptères privés que pour les pilotes d’aéronefs à voilure fixe. L’environnement dans lequel un pilote d’hélicoptère titulaire de la qualification de vol de nuit peut choisir de piloter peut varier grandement en raison de la polyvalence de l’hélicoptère et de l’environnement où se déroulent les opérations en hélicoptère.

    Une recherche dans la base de données de Transports Canada démontre qu’en 1988, on comptait 210 titulaires de la licence de pilote privé-hélicoptère au Canada. Ce nombre est passé à 331 en 1998, à 596 en 2008 et à 637 en juin 2011Note de bas de page 26. La région du Québec est celle qui compte le plus grand nombre de titulaires de licence de pilote privé-hélicoptère, soit 259, comparativement à 124 pour l’Ontario, 110 pour la Colombie-Britannique, 77 en Alberta, 12 au Manitoba, 9 en Nouvelle-Écosse, 5 en Saskatchewan et 2 au Nouveau-Brunswick.

    On compte présentement au Canada 120 titulaires de la licence de pilote privé-hélicoptère valide possédant une qualification de vol de nuit, dont 73 au Québec.

    La base de données du BST démontre qu’au cours de la période de 10 ans du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2011, 63 accidents d’hélicoptères en exploitation privée sont survenus au pays, dont 28 au Québec. De ces 63 accidents, 22 mettaient en cause des hélicoptères de type Robinson R44, et 7 d’entre ces accidents se sont révélés mortels. Il est à noter qu’unNote de bas de page 27 seul de ces 22 accidents (rapport A04P0422) était lié à un ennui mécanique. Au cours de la même période, 5 des 6 accidents de nuit sont survenus au Québec dont 4 mettaient en cause le R44, incluant l’événement en question. Aucun de ces écrasements n’a été causé par une anomalie mécanique.

    La désorientation spatiale

    La publication AM 400 03/1 intitulée Medical Facts for Pilots de la Federal Aviation Administration (FAA) définit l’orientation spatiale comme étant l’habileté naturelle à maintenir l’orientation du corps ou la posture au repos et en mouvement par rapport au milieu environnant (l’espace physique). Du point de vue de la génétique, l’orientation spatiale des humains est normalement maintenue au sol. Le milieu en 3 dimensions dans lequel se déroule un vol est étranger au corps humain, et il en résulte des conflits des sens et des illusions qui rendent difficile, voire parfois impossible, le maintien de l’orientation spatiale. Les statistiques montrent qu’entre 5 et 10 % des accidents de l’aviation générale peuvent être liés à la désorientation spatiale, et 90 % d’entre eux sont mortelsNote de bas de page 28.

    Le système visuel est de loin le plus important de ces 3 systèmes sensorielsNote de bas de page 29; il fournit 80 % de l’information brute. Par conséquent, en l’absence de repères visuels, 80 % de l’information d’orientation est perdue, ne laissant que 20 % répartis également entre les systèmes vestibulaireNote de bas de page 30 et proprioceptifNote de bas de page 31. Ces 2 systèmes sont moins précis, et également prédisposés aux illusions et aux erreurs d’interprétation.

    Il existe plusieurs types d’illusions qui peuvent affecter le sens de l’orientation d’un pilote, notamment les illusions vestibulaires. Les illusions vestibulaires sont les plus complexes et les plus dangereuses. Le labyrinthe situé dans l’oreille interne se compose de 2 otolithesNote de bas de page 32, sensibles à l’accélération linéaire, et les canaux semi-circulaires, sensibles à l’accélération angulaire.

    Dans le cadre d’accélération linéaire, l’illusion somatogravique est une forte sensation de cabrage lors d’une accélération. En absence de repères visuels, l’accélération est perçue par le cerveau comme une inclinaison vers l’arrière, ce qui peut inciter le pilote à pousser sur le manche au point de placer l’appareil dans un piqué jusqu’au sol. Réciproquement, une décélération est perçue comme une inclinaison vers l’avant.

    L’accélération angulaire survient lors d’un virage. Il y a 3 canaux semi-circulaires dans chaque oreille interne, qui correspondent aux principaux axes de mouvement (c.-à-d. les plans de tangage, de roulis et de lacet). Tout déplacement du liquide se trouvant dans les canaux est interprété comme une rotation. Lorsque le pilote amorce un virage, le liquide se trouvant dans les canaux se déplace et avertit le pilote qu’il a commencé un virage. Une fois le virage terminé et l’aéronef rétabli, l’inertie fait que le liquide à l’intérieur des canaux continue à se déplacer et le pilote aura l’impression de tourner dans le sens opposé pendant 10 à 20 secondes.

    Selon la Section 2 du document TP 13312 - Guide pour les médecins examinateurs de l’aviation civile, la forme la plus extrême de trouble de l’orientation liée à l’appareil vestibulaire est attribuable au phénomène dit de Coriolis. Le phénomène, croit-on, résulte de la stimulation simultanée de 2 canaux semi-circulaires distincts et est associé à un mouvement de la tête du pilote vers l’avant ou l’arrière tandis que l’aéronef est en virage.Note de bas de page 33 Ceci peut survenir si on penche la tête vers l’avant pour effectuer une tâche quelconque, ou en relevant la tête pour regarder vers l’avant. Ceci produit une sensation simultanée de tangage, de roulis et de lacet et peut amener le pilote à éprouver des difficultés de contrôle. Même si le pilote réussit à contrôler l’appareil dans ces circonstances, il n’évitera peut-être pas l’illusion d’inclinaison ou d’autres sensations anormales tant qu’il n’aura pas de repère visuelNote de bas de page 34.

    Il est important de souligner que tous les pilotes peuvent ressentir de la désorientation spatiale. Toutefois, le résultat n’est pas toujours la perte de la maitrise de l’appareil. Il existe plusieurs mesures préventives pour minimiser le risque que la désorientation spatiale se produise, ou qu’elle conduise à un accident, et la plupart de celles-ci peuvent être prises avant le décollageNote de bas de page 35. En bref, la fatigue, le stress, un rhume, la consommation d’alcool et certains médicaments peuvent augmenter le risque de désorientation spatiale. Cependant, la conscience du potentiel de désorientation pendant un vol constitue une principale mesure pour prévenir la perte de maitrise en vol.

    Analyse

    Généralités

    Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol et rien n’indique que ses capacités aient été réduites par des facteurs physiologiques. Rien n’indique que la fatigue, les conditions météorologiques ou l’état de navigabilité de l’appareil aient pu jouer un rôle dans cet événement. Par conséquent, l’analyse portera sur les scénarios plausibles qui ont pu mener à l’écrasement et sur les risques associés au vol de nuit.

    Scénarios plausibles

    Étant donné qu’il faisait nuit et que l’aérodrome n’était pas muni de balisage lumineux, le décollage était interdit aux termes du Règlement de l’aviation canadien (RAC). Les facteurs qui ont incité le pilote à décoller malgré l’absence de balisage lumineux ne sont pas connus, mais les points suivants ont pu jouer un rôle dans sa décision :

    • Le retour avait été prévu la journée même;
    • Les conditions météorologiques étaient propices au vol à vue;
    • Le trajet était de courte durée;
    • L’approche de la tempête post-tropicale Irène aurait eu une incidence sur les conditions de vol le lendemain.

    En l’absence de témoins oculaires, de données radar ou de données d’un système de positionnement mondial (GPS), la trajectoire de décollage n’a pu être établie. Il est toutefois raisonnable de croire que l’appareil s’est écrasé peu de temps après le décollage. Les occupants sont arrivés à l’aérodrome vers 20 h 50, et le premier signal de l’ELT a été capté à 21 h 09. Les 19 minutes écoulées entre l’arrivée à l’aérodrome et le premier signal de l’ELT s’expliquent par la combinaison des points suivants :

    • Temps requis pour effectuer les vérifications extérieures de l’appareil avant le départ;
    • Temps requis pour que le pilote et les passagers prennent place à bord de l’aéronef;
    • Temps requis pour le démarrage et le réchauffement du moteur;
    • Temps nécessaire pour que le receveur du GPS obtienne les données satellites et établisse la position présente de l’appareil, ce qui peut prendre jusqu’à 5 minutes;
    • Temps requis pour charger la route dans le GPS;
    • Délai de 50 secondes de l’ELT pour transmettre le message codé à la suite de l’impact.

    Puisque le vent au sol était léger et variable, le pilote avait 4 options au décollage, soit :

    1. Décoller de sa position et se diriger directement vers sa destination;
    2. Décoller de la piste 05 en suivant l’axe de piste avant de virer à gauche;
    3. Remonter la piste 23 pour en décoller dans l’axe de piste;
    4. Décoller de sa position en suivant l’axe de départ de la piste 23 et virer à droite.

    Les scénarios 1 et 2 sont peu probables pour les raisons suivantes :

    • Le départ dans ces directions offrait peu de références visuelles;
    • Le relief ascendant réduisait la marge de franchissement des obstacles pendant la montée initiale;
    • Le secteur étant plus boisé, il offrait une moindre possibilité d’effectuer un atterrissage forcé advenant une panne-moteur lors de la montée initiale.

    Le scénario 3 est aussi peu probable : circuler à ras le sol et faire demi-tour au-dessus d’une piste sans balisage alors que l’environnement immédiat de l’aérodrome était sombre rendaient la manœuvre plus difficile pour le pilote.

    Le scénario 4 étant le plus approprié pour les raisons suivantes, c’est l’hypothèse qui a été retenue :

    • La circulation au ras du sol n’était pas nécessaire;
    • Un champ libre d’obstacles d’une longueur d’environ 1400 pieds se trouvait à l’extrémité de la piste;
    • Le relief offrait une pente descendante, ce qui augmentait la marge de franchissement d’obstacles pendant la montée initiale;
    • Les villages de Bernierville et de Saint-Ferdinand offraient des références visuelles pour la montée initiale;
    • Le secteur présentait plus de champs où effectuer un atterrissage forcé, au besoin.

    En décollant dans l’axe de la piste 23, le pilote avait l’option de virer à gauche ou à droite. Puisque le circuit standard s’effectue du côté gauche, le pilote, pour faire un virage à droite, aurait eu à monter dans l’axe de piste jusqu’à 1000 pieds au-dessus du sol (agl) avant de virer à droite vers sa destination. Il aurait été imprudent de tourner à droite en dessous de 1000 pieds agl, compte tenu du relief ascendant dans cette direction. De plus, l’appareil s’est écrasé à l’est du seuil de la piste 23, ce qui n’est pas dans la trajectoire d’un virage à droite après le décollage. Par contre, un virage à gauche après le décollage respectait les normes du circuit, et le virage pouvait se faire à 500 pieds agl. De plus, le site de l’écrasement et la trajectoire de l’écrasement coïncident avec un virage à gauche après le décollage vers un cap pour intercepter la route. Lors de son arrivée à Saint-Ferdinand, l’appareil est disparu de l’écran radar à environ 500 pieds agl. Puisqu’au départ aucune cible n’a été captée par les radars, il est fort probable que l’appareil n’ait pas atteint 500 pieds agl après le décollage.

    Hormis l’illumination du voyant « CLUTCH », comme l’indiquait le filament étiré, l’examen de l’appareil, du moteur et de ses accessoires n’a révélé aucun indice d’une anomalie en vol qui aurait nécessité un atterrissage d’urgence. Bien qu’il soit possible que le voyant « CLUTCH » se soit allumé en vol, l’examen de l’épave et du système d’embrayage n’a pas permis d’établir que le voyant ait été allumé pendant plus de 7 à 8 secondes. Le disjoncteur « CLUTCH » a été retrouvé enclenché, ce qui laisse croire que la procédure applicable n’a pas été débutée ou n’était pas nécessaire. Cependant, l’emplacement du panneau des disjoncteurs exige que le pilote se penche vers la gauche et tâte les disjoncteurs pour repérer le disjoncteur marqué d’une rondelle rouge, ce qui peut prendre un certain temps. Cette manœuvre, si elle a été effectuée pendant le virage avec peu de références visuelles, pourrait avoir causé une désorientation spatiale attribuable au phénomène de Coriolis.

    Si la lumière s’était s’allumée pendant plus de 7 à 8 secondes, la procédure exigeait un atterrissage immédiat. Si cela s’est produit, le pilote se sera trouvé dans une situation précaire : il était pratiquement impossible d’effectuer un retour vers la piste non éclairée ou encore un atterrissage d’urgence dans un champ en toute sécurité. L’environnement offrait peu de références visuelles et la luminosité de la lune ne permettait pas de distinguer clairement le relief et les obstacles.

    Les risques associés au vol de nuit en hélicoptère

    L’absence de repères visuels de nuit dans des régions mal éclairées peut rendre le pilotage, les décollages et les atterrissages de nuit plus difficiles. D’ailleurs, un des avis de sécurité émis par le constructeur indique qu’il ne faut jamais voler de nuit à moins que les conditions météorologiques offrent un plafond illimité ou très haut avec beaucoup de lumières au sol ou célestes pour offrir des références visuelles. Bien que le soir de l’accident, le plafond était élevé, il y avait peu de lumières au sol et il n’y avait aucune luminosité céleste. Par conséquent, le risque associé à la désorientation spatiale était accru.

    Le fait d’être conscient des risques d’illusions optiques pouvant entraîner une désorientation spatiale de même que de bonnes vérifications des instruments peuvent prévenir ces problèmes. La conscience du risque de désorientation spatiale joue un rôle clé dans la prévention d’accidents liés à la désorientation spatiale, et la plupart des mesures existantes pour réduire les risques associés à la désorientation spatiale portent sur la préparation préalable au vol. Le fait de subir les effets de la désorientation spatiale n’aboutit pas nécessairement à la perte de maitrise de l’appareil. Cela dit, le pilote du C-GEBY a vraisemblablement perdu la maîtrise de l’appareil peu de temps après le décollage en raison d’une désorientation spatiale.

    À la suite du décollage dans l’axe de la piste 23, le pilote aurait disposé des références visuelles que constituent les villages de Bernierville et de Saint-Ferdinand. Cependant, dans l’hypothèse qu’un virage à gauche a été effectué après le décollage, le pilote s’est retrouvé avec des références visuelles grandement réduites, et peut s’être trouvé dans une zone appelée « trou noir ». Le passage de la lumière vive des villages vers une zone d’obscurité a pu nuire à sa vision nocturne. Le Bureau de la sécurité des transports (BST) n’a pas été en mesure de déterminer le niveau d’intensité de la luminosité à l’intérieur du poste de pilotage que procurait le panneau des instruments ou le GPS696. Cependant, un réglage inapproprié peut aussi nuire à la vision nocturne. Le pilote peut ainsi avoir de la difficulté à distinguer le peu de références visuelles extérieures nécessaires au maintien de l’orientation spatiale. De plus, l’accélération angulaire produite pendant le virage à gauche a pu donner au pilote l’impression d’un virage en sens opposé une fois son virage terminé. Une telle impression peut durer de 10 à 20 secondes, ce qui est suffisant pour perdre le contrôle de l’appareil, particulièrement lorsque les références visuelles extérieures sont moindres.

    Le pilote peut avoir tenté de maîtriser l’hélicoptère en se référant aux instruments de vol, comme le prévoyait sa formation. Cependant, le pilote n’avait pas d’expérience réelle de vol aux instruments et n’avait pas été exposé de manière significative au vol de nuit en dehors des zones métropolitaines. Par conséquent, le pilote a pu subir les effets de la désorientation spatiale plus rapidement.

    Sur une période de 20 ans, le nombre de titulaires de licence de pilote privé-hélicoptère au Canada a plus que doubléNote de bas de page 36. Ce nombre a continué d’augmenter depuis et pourrait augmenter davantage si les 320 détenteurs d’un permis d’élève-pilote valide obtiennent leur licence. On compte 60 % des titulaires de licence de pilote privé d’hélicoptère valide possédant une qualification au vol de nuit au Québec, ce qui explique peut-être pourquoi 5 des 6 accidents survenus de nuit se sont produits au Québec.

    Le R44 a gagné en popularité au cours des dernières années, comme en témoigne le nombre produit. Près de 60 % des R44 au pays sont en exploitation privée. De ce nombre, 43 % sont exploités au Québec. Quoique 35 % des accidents d’hélicoptère en exploitation privée survenus au Canada sur une période de 10 ans mettent en cause le R44, la plupart de ces accidents était attribuable à une perte de maîtrise et non à des ennuis mécaniques.

    Considérant le nombre croissant de pilotes privés—hélicoptère, on peut raisonnablement s’attendre à ce que le nombre de détenteurs de la qualification au vol de nuit augmentera également. Il est difficile de prédire l’impact de cette croissance sur le nombre ou le taux d’accidents liés au vol de nuit en hélicoptère, tous types confondus. Il est toutefois permis de croire que les exigences minimales en vue de l’obtention de la qualification de vol de nuit pour un pilote d’hélicoptère privé ne suffisent pas à bien former les pilotes d’hélicoptères privés sur les risques inhérents au vol de nuit, à les informer à ce sujet et à leur démontrer correctement ces risques, notamment les illusions pouvant mener à la désorientation spatiale. Les exigences actuelles concernant la qualification au vol de nuit sont les mêmes pour les pilotes d’hélicoptères privés que pour les pilotes d’aéronefs à voilure fixe privés, même si les environnements dans lesquels ils peuvent voler de nuit peuvent différer grandement.

    Selon les avis de sécurité SN-18 et SN-26 de la Robinson Helicopter Company, les hélicoptères ont une stabilité inhérente inférieure à celle des avions et un taux de roulis beaucoup plus rapide. La perte des repères visuels extérieurs, ne serait-ce que l’espace d’un instant, peut causer la désorientation spatiale du pilote, une mauvaise sollicitation des commandes et une perte de maîtrise de l’appareil.

    Les circonstances entourant cet accident mettent en évidence le risque lié à la désorientation spatiale au cours des opérations selon les règles de vol à vue (VFR) de nuit et renforcent l’importance de la mise en garde de sécurité incluse dans les avis de sécurité SN-18 et SN-26 émises par le constructeur.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Le pilote a entrepris un vol de nuit avec peu de références visuelles extérieures.
    2. Le pilote a probablement perdu la maîtrise de l’appareil peu de temps après le décollage en raison d’une désorientation spatiale.

    Faits établis quant aux risques

    1. Le décollage de nuit d’un aérodrome non éclairé augmente le risque de collision avec des obstacles ou avec le sol.
    2. Les pilotes n’ayant pas été exposés de manière significative au vol de nuit en dehors des zones métropolitaines sont à plus haut risque de désorientation spatiale.
    3. Lorsque l’information au Registre canadien des balises n’est pas mise à jour après un changement de propriétaire ou d’immatriculation, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour trouver les nouvelles coordonnées du propriétaire, ce qui pourrait retarder le déploiement des services de recherches et sauvetage.
    4. Il est possible que les exigences minimales en vue de l’obtention de la qualification de vol de nuit pour un pilote d’hélicoptère privé ne suffisent pas à bien informer les pilotes d’hélicoptère privé au sujet des risques inhérents au vol de nuit et à leur démontrer correctement ces risques, notamment les illusions optiques pouvant mener à une désorientation spatiale.

    Autres faits établis

    1. Le Bureau de la sécurité des transports n’a pas été en mesure de trouver la technologie requise pour extraire et interpréter les données contenues dans la mémoire non volatile de tous les systèmes de positionnement mondial.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité prises

    Le Registre canadien des balises a depuis fait parvenir à tous les propriétaires de balises de détresse une lettre leur demandant de réviser les renseignements fournis, d’apporter les corrections nécessaires et de fournir l’information manquante.

    Le présent rapport met un terme à l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le .

    Annexes

    Annexe A – Liste des rapports du Laboratoire du Bureau de la sécurité des transports

    L’enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

    • LP105/2011 — Examen des instruments
    • LP133/2011 — Examen du moteur et de la cellule

    On peut obtenir ces rapports en s’adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

    Annexe B – Environnement de l’aérodrome

    Appendix B – Environnement de l'aérodrome
    Image
    Environnement de l'aérodrome

    Annexe C – Résultats d’examen des instruments de bord

    Résultats d'examen des instruments de bord
    Instruments examinés Marques témoins à l’impact
    Indicateur de vitesse 32 noeuds
    Altimètre 29,81 po Hg
    Gyroscope directionnel 167° à 213°
    Compteur hobbs 596,1 heures
    Indicateur de la quantité d’essence du réservoir auxiliaire Légèrement au-dessus de la position « E »
    Indicateur de la quantité d’essence du réservoir principal Aucune marque témoin
    Indicateur de la pression d’admission 21,5 ou 22,5 po HgNote de bas de page 37
    RPM du moteur Approximativement 100 %Note de bas de page 38
    RPM du rotor principal Aucune marque témoinNote de bas de page 39
    Indicateur de la pression d’huile Aucune marque témoin
    Indicateur de la température de l’huile Aucune marque témoin
    Indicateur de la température des cylindres Aucune marque témoin
    Ampèremètre Aucune marque témoin

    Annexe D – Résultats d’examen des voyants d’alarmes

    Résultats d'examen des voyants d'alarmes
    Voyants d’alarmes Observations relatives au filament État des voyants à l’impact
    CLUTCH Légèrement étiré Peut-être allumé
    MR TEMP Filament intact Lumière éteinte
    MR CHIP Filament intact Lumière éteinte
    CARBON MONOXIDE Trop endommagé pour permettre l’analyse Incertain
    STARTER ON Filament intact Lumière éteinte
    TR CHIP Filament intact Lumière éteinte
    LOW FUEL Trop endommagé pour permettre l’analyse Incertain
    LOW RPM Filament intact Lumière éteinte
    FUEL FILTER Trop endommagé pour permettre l’analyse Incertain
    AUX FUEL PUMP Trop endommagé pour permettre l’analyse Incertain
    ALT Trop endommagé pour permettre l’analyse Incertain
    ENGINE FIRE Trop endommagé pour permettre l’analyse Incertain
    OIL PRESSURE Trop endommagé pour permettre l’analyse Incertain
    GOVERNOR OFF Trop endommagé pour permettre l’analyse Incertain