Collision avec le relief
d'un hélicoptère Robinson R22 Beta C-GVAR
exploité par Great Lakes Helicopter Corp.
à l'Aéroport international de la région de
Waterloo (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
L’hélicoptère Robinson R22 (immatriculé C-GVAR et portant le numéro de série 2110) quitte l’aéroport international de la région de Waterloo (Ontario), pour un vol d’entraînement local avec à son bord un élève et un instructeur. À 11 h 31, heure normale de l’Est, approximativement une minute après le décollage, l’hélicoptère s’écrase dans un bassin de drainage sur la propriété de l’aéroport, infligeant des blessures mortelles à l’instructeur et de graves blessures à l’élève. L’hélicoptère est détruit sous la force de l’impact, et aucun incendie ne se déclare après l’impact. La radiobalise de repérage d’urgence transmet un signal.
Renseignements de base
Déroulement du vol
Le vol devait être un exercice de navigation élémentaire dans une zone s'étendant jusqu'à une distance d'environ 28 miles au sud-ouest de l'aéroport international de la région de Waterloo, en Ontario (CYKF). La vérification avant le vol, le démarrage et le point fixe ont été effectués près du hangar de la compagnie, situé à l'ouest de la tour de contrôle de CYKF. Des bâtiments obstruent la vue entre la tour de contrôle et la zone du hangar; la procédure de la compagnie consiste donc à déplacer l'hélicoptère (taxi aérien) après le point fixe vers une aire de départ située au sud de la trajectoire d'approche de la piste 08.
Une fois l’aéronef C-GVAR en place sur l’aire de départ gazonnée, un encombrement des fréquences à la tour de contrôle a entraîné un court retard. L’équipage a profité de cette période de 5 minutes pour s’exercer à décoller et à atterrir en vol stationnaire. À 11 h 30, le contrôleur aérien a informé les membres de l’équipage de l’aéronef C -GVAR qu’ils pouvaient décoller à leur discrétion et contourner la tour de contrôle pour partir en direction sud (Figure 1).
L’aéronef C-GVAR a décollé de la surface gazonnée alors que l’élève était aux commandes selon une trajectoire conforme aux instructions du contrôleur aérien. Ayant atteint une altitude d’environ 200 pieds au-dessus du sol (agl), alors qu’il volait à une vitesse de départ normale, en direction sud au-dessus d’une zone occupée par de nombreux hangars et surplombée par des câbles aériens, l’instructeur a demandé à l’élève de mettre en marche le réchauffeur du carburateur. Il n’est pas certain que cette instruction a été suivie, mais, peu de temps après, le moteur s’est mis à vibrer, le régime du moteur (rpm) a baissé, et l’instructeur a pris les commandes. L’hélicoptère a fait un mouvement en lacet vers la gauche puis vers la droite et s’est mis à descendre. À 11 h 31, l’aéronef C-GVAR a percuté le sol en maintenant une assiette en tangage nulle et une vitesse de translation vers l’avant faible.
Le site de l’écrasement est un bassin de drainage d’une profondeur de 4 pieds qui se trouve le long du terrain de l’aéroport du côté sud, à environ 60 pieds d’un champ libre. L’hélicoptère a été détruit. L’instructeur a subi des blessures mortelles en raison de la force de l’impact sur le plan vertical et l’élève a subi des blessures graves.
Renseignements météorologiques
Les conditions météorologiques à CYKF étaient propices au vol selon les règles de vol à vue (VFR). Le vent était léger et variable, la visibilité était supérieure à 9 milles terrestres, le ciel était couvert à 1300 pieds agl, la température était de 4 °C et le point de rosée était de 1 °C. Il avait plu presque toute la journée la veille et au moment de l’accident, le sol, y compris le gazon, était très mouillé.
Renseignements sur l'équipage
Selon les dossiers, l’instructeur était titulaire d’un brevet de pilotage et avait les qualifications nécessaires conformément à la réglementation. En plus de la formation obligatoire, il avait suivi un cours sur le pilotage sécuritaire, offert par la compagnie Robinson Helicopter, qui portait surtout sur les procédures d’urgence, notamment l’autorotation, en décembre 2008. Au moment de l’accident, l’instructeur avait accumulé environ 1040 heures de vol en tout, surtout aux commandes d’hélicoptères Robinson. L’instructeur était en congé au cours des 2 jours précédents et l’accident est survenu lors du deuxième vol de la journée.
L’élève-pilote avait accumulé environ 18 heures de vol au total et son vol le plus récent avait été effectué 1 semaine plus tôt.
Renseignements sur l'hélicoptère
Selon les dossiers, l’aéronef C-GVAR était équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur. L’hélicoptère avait accumulé un total de 5448,5 heures de vol depuis sa mise en service. La dernière fois que l’aéronef avait été inspecté était le 1er novembre 2011; il s’agissait d’une inspection périodique aux 50 heures qui avait été effectuée alors que l’aéronef avait effectué 5441,6 heures de vol. Au moment de l’accident, l’aéronef ne présentait aucune anomalie connue ni point d’entretien différé. L’hélicoptère était exploité conformément à ses limites de masse et de centrage.
L’hélicoptère était équipé d’un moteur Lycoming O320-B2C. Il s’agit d’un moteur à 4 cylindres, à carburateur, normalement alimenté en air et produisant 160 chevaux. Les commandes du moteur comprennent un accélérateur à poignée tournante, une commande de mélange air/carburant, un réchauffeur de carburateur et un régulateur de régime (rpm). Les jauges suivantes servent à vérifier le rendement du moteur : un tachymètre double pour le moteur et le rotor, un indicateur de pression d’admission, un ampèremètre, un indicateur de pression et de température d’huile, et une jauge de température du carburateur.
La commande de mélange air/carburant et celle du réchauffeur du carburateur sont situées sur la console centrale à proximité l’une de l’autre. Afin de les distinguer plus facilement, les manettes de commande ont une forme différente. En outre, la manette de commande de mélange air/carburant est rouge tandis que celui de la commande du réchauffeur du carburateur est noir (photo 1). Afin d’éviter qu’il soit actionné par inadvertance en vol, la liste de vérification du fabricant recommande fortement au pilote de placer un protecteur cylindrique en plastique amovible sur la manette de commande de mélange air/carburant avant de lancer le moteur (photo 2). Ce protecteur ne doit pas être retiré avant de procéder à l’arrêt du moteur en tirant sur la manette de commande de mélange air/carburant jusqu’en position étouffoir (photo 3). Ce protecteur en plastique n’est pas fixé en permanence au panneau de contrôle.
L’aéronef C-GVAR n’était pas équipé d’enregistreurs de bord et n’était pas tenu de l’être en vertu de la réglementation.
Examen de l'épave
Le site de l’écrasement est un bassin de drainage qui se trouve le long du terrain de l’aéroport; ce bassin est recouvert de minces fils métalliques joints les uns aux autres de manière à former un damier afin d’empêcher les oiseaux de s’y poser. Selon la position de l’hélicoptère par rapport aux fils métalliques, la descente de l’aéronef fut quasi verticale. Les dommages et la déformation que l’hélicoptère a subis étaient, en grande partie, localisés sous le châssis, ce qui indique que l’impact s’est produit en descente quasi verticale à une vitesse de translation vers l’avant faible. La manière dont l’une des pales principales du rotor était pliée rappelle le type de dommages normalement associés à la conicité des pales, ce qui peut avoir été causé par le faible régime de rpm en vol ou le contact entre les pales et l’eau. Rien ne permet de conclure qu’il y ait eu cognement du mât ou contact entre une des pales principales du rotor et la poutre de queue.
Rien n’indique qu’il y ait eu une défaillance mécanique ou une défaillance du système avant l’impact qui aurait pu contribuer à l’accident. Le démontage du moteur et du boîtier d’entraînement des accessoires moteur a révélé qu’ils étaient utilisables, mais qu’ils ne tournaient pas au moment de l’impact. Le protecteur en plastique de la commande de mélange air/carburant n’a pas été trouvé sur les lieux de l’accident. La commande de mélange air/carburant était en position plein riche. La manette de commande du réchauffeur du carburateur était en position froide. Un examen du robinet-vanne à guillotine actionné par câble du carburateur confirme que le réchauffeur du carburateur a été mis en position froide avant l’impact.
L’hélicoptère était équipé d’une radiobalise de repérage d’urgence Pointer Sentry 4000-10 (numéro de série 342606) qui s’est déclenchée lors de l’impact.
Givrage du carburateur
Le givrage du carburateur se produit lorsque la température de l’air entrant dans le carburateur est réduite en raison de l’évaporation du carburant et de la diminution de la pression d’air provoquée par l’effet Venturi. Si la vapeur d’eau contenue dans l’air se condense lorsque la température du carburateur est égale ou inférieure au point de congélation, il peut se former de la glace sur les surfaces internes du carburateur, notamment la soupape de la manette de commande des gaz. La formation de glace accentue le refroidissement causé par l’effet Venturi en raison du rétrécissement de la cavité du carburateur; ce rétrécissement entraîne également une réduction de la puissance de sortie. Si rien n’est fait, la glace peut rapidement causer une panne complète du moteur. Pour éviter le problème de givrage du carburateur, les fabricants installent un système visant à réchauffer l’air entrant et à prévenir l’accumulation de glace.
Contrairement aux avions équipés de moteur à pistons qui, normalement, décollent à plein régime, les hélicoptères n’utilisent que la puissance nécessaire lors du décollage. En raison de cette activation partielle de la manette de commande des gaz, l’aéronef est plus susceptible de subir un givrage du carburateur, surtout lorsque le moteur et le dispositif d’admission sont encore froids. L’aéronef Robinson R22 est équipé d’un régulateur des gaz qui peut facilement masquer le givrage du carburateur en actionnant automatiquement la manette de commande des gaz afin de maintenir constants le régime moteur et la pression d’admission (Annexe A). Afin de prévenir les pilotes du risque de givrage du carburateur, l’hélicoptère est également doté d’un indicateur de température du carburateur affichant un arc jaune qui représente la plage des températures à éviter dans des conditions où le givrage du carburateur est susceptible de se produire. Il est fortement recommandé aux pilotes de l’aéronef Robinson R22 d’activer le réchauffeur du carburateur au besoin pour que l’aiguille de l’indicateur de température demeure en dehors de la plage représentée par l’arc jaune lorsque la pression d’admission est supérieure à 18 pouces et de le faire fonctionner à plein régime lorsque la pression d’admission est inférieure à 18 pouces (Annexe A et Annexe B).
Si une couche de glace importante se forme dans le carburateur et que le réchauffeur est réglé au maximum pour la faire fondre, la quantité d’eau entrant dans le moteur qui en résulte provoque un fonctionnement irrégulier du moteur pendant un certain temps et donne lieu à une réduction supplémentaire de la puissance Footnote 1.
Un graphique aidant à déterminer si les conditions de vol risquent ou non d’engendrer un givrage du carburateur, en fonction de la température de l’air sec (ambiante) et de l’humidité (point de rosée), a été créé (Annexe C). Les conditions de température ambiante et de point de rosée au moment de l’accident sont définies, selon ce graphique, comme étant les plus défavorables, soit « Givrage important – quelle que soit la puissance ». En outre, la probabilité que de la glace se forme peut augmenter lorsque l’aéronef est piloté dans les nuages, le brouillard, la pluie ou des zones de forte humidité, ou dans ce cas-ci, lorsque l’aéronef fonctionne au sol lorsque la surface est humide, particulièrement sur du gazon mouillé Footnote 2.
Décrochage du rotor à bas régime
Le fabricant indique qu’une des principales causes d’accident impliquant des hélicoptères légers est le décrochage du rotor à bas régime (Annexe D et Annexe E). Ce risque est plus élevé pour les petits hélicoptères, comme le R22, dotés d’un rotor à faible inertie. Lorsque le moteur subit une perte de puissance, le levier de pas collectif doit être abaissé immédiatement, ce qui amorce la descente. Si le taux de descente est réduit en relevant le levier de pas collectif, le régime du rotor diminue. Si la baisse de régime est excessive, le rotor décroche et ne fournit plus la portance nécessaire pour soutenir le poids de l’hélicoptère.
Avis de sécurité de l'entreprise Robinson Helicopter
Après que se soient produits plusieurs accidents et incidents, l’entreprise Robinson Helicopter a émis des avis de sécurité (SN) à l’intention des exploitants de ses aéronefs en vue d’atténuer ces risques. Ils sont publiés sur son site Internet et à la fin du manuel d’utilisation de l’aéronef. Les avis de sécurité suivants sont particulièrement pertinents (se reporter aux annexes) :
- SN-01 – Activation involontaire de la commande de mélange air/carburant en vol
- SN-10 – Accidents mortels provoqués par un décrochage du rotor à bas régime
- SN-24 – Le décrochage du rotor à bas régime peut être fatal
- SN-25 – Givrage du carburateur
- SN-31 – Le régulateur des gaz peut masquer le givrage du carburateur
Analyse
Le moteur de l’hélicoptère n’était pas en marche au moment de l’impact même si aucune défaillance mécanique ne l’empêchait de fonctionner.
Les conditions météorologiques à CYKF étaient très propices à la formation de glace dans le carburateur. En plus des conditions de température et de point de rosée, les manœuvres effectuées sur le gazon mouillé peuvent avoir accéléré le givrage.
L’enquête n’a pas permis de déterminer si la commande du réchauffeur du carburateur avait été réglée comme il se doit pour maintenir l’aiguille de l’indicateur de température en dehors de la plage représentée par l’arc jaune pendant que l’hélicoptère était en vol stationnaire au-dessus du gazon mouillé ou au moment du décollage; cependant, lorsque l’hélicoptère a percuté le sol, le réchauffeur du carburateur était en position froide. Cela est peut-être attribuable au fait que le réchauffeur du carburateur n’a pas été actionné; par contre, il est également possible qu’il ait été actionné après que de la glace s’est formée et qu’en raison du fonctionnement irrégulier du moteur qui s’en est suivi, le pilote ait décidé de le désactiver. Dans les deux cas, le moteur s’est probablement arrêté en raison de la glace qui bloquait l’arrivée d’air dans le carburateur.
Un instructeur de vol en compagnie d’un élève ayant relativement peu d’expérience surveillerait probablement de près tous ses gestes, en particulier durant la phase critique du décollage. La possibilité que la commande de mélange air/carburant ait été mise en position étouffoir par inadvertance est jugée peu probable puisqu’il aurait fallu que l’élève enlève le protecteur de la commande, tire sur la manette jusqu’en position étouffoir et qu’il le remette en position plein riche, sans que l’instructeur intervienne. En outre, le fait que le réchauffeur du carburateur, normalement actionné dans ces conditions, a été trouvé dans la position froide vient appuyer le raisonnement selon lequel ce scénario est improbable.
Au moment de la panne du moteur, en raison de la position de l’hélicoptère, il aurait été très difficile de réussir la procédure d’autorotation; l’aéronef volait à basse altitude au-dessus d’un groupe de hangars et de nombreux poteaux auxquels étaient suspendus plusieurs câbles. L’endroit libre de tout obstacle le plus près était le champ situé à 60 pieds au-delà du lieu de l’accident.
Le mouvement rapide en lacet suivant la panne du moteur est fort probablement attribuable au changement de couple causé par la perte de puissance. Ce mouvement a probablement contribué à diminuer la vitesse de translation vers l’avant, et à augmenter l’angle de descente. En tentant de diminuer l’angle de descente et d’atteindre le champ, le pilote a probablement relevé le levier de pas collectif ce qui a entraîné une baisse du régime du rotor au point où il n’était plus en mesure d’assurer la sustentation de l’aéronef. L’hélicoptère est ensuite tombé presque verticalement dans le bassin situé avant le champ.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Les conditions météorologiques étaient propices au givrage du carburateur. Il n’a pas été possible de déterminer si le réchauffeur du carburateur avait été actionné.
- Le moteur de l’hélicoptère s’est arrêté lors du décollage, fort probablement en raison d’une accumulation de glace dans le carburateur.
- En raison de la trajectoire de départ, qui a amené l’hélicoptère à survoler une zone où se trouvaient des bâtiments et des obstacles, il aurait été très difficile de réussir la procédure d’autorotation.
- Le pilote a probablement relevé le levier de pas collectif en tentant d’atteindre un terrain propice, ce qui a causé une baisse de régime du rotor suffisante pour qu’il ne soit plus en mesure d’assurer la sustentation de l’aéronef. L’hélicoptère est ensuite tombé, presque verticalement, dans le bassin.
Le présent rapport met un terme à l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le .
Annexes