Rapport d'enquête aéronautique A11O0166

Décrochage et collision avec un plan d'eau
Georgian Bay Airways
Found FBA-2C2 Bush Hawk-XP, C-GYWK
Parry Sound (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le Found FBA-2C2 Bush Hawk-XP (immatriculé C-GYWK, numéro de série 41) exploité par Georgian Bay Airways était au décollage depuis la base d'hydravions de la compagnie à Parry Sound (Ontario) pour effectuer un vol de 32 milles marins vers un chalet isolé. L'aéronef avait 2 passagers et du matériel à bord. Le pilote a interrompu la première tentative de décollage, car l'aéronef n'a pas décollé assez rapidement. À la deuxième tentative, l'aéronef a décollé après une course d'environ 4200 pieds. Par la suite, pour éviter le relief qui approchait, le pilote a amorcé un virage à gauche vers un relief plus bas. Peu après avoir amorcé le virage, l'aile gauche et le nez ont piqué soudainement, et l'aéronef a percuté la surface de l'eau. Le pilote et les passagers ont subi des blessures mineures, mais ils ont pu sortir rapidement de l'aéronef avant d'être secourus par plusieurs bateaux qui se sont rendus sur les lieux dans les minutes qui ont suivi l'accident. La radiobalise de repérage d'urgence de 406 mégahertz (MHz) à bord de l'aéronef a fonctionné comme elle le devait. L'accident est survenu durant les heures de clarté vers 10 h 47, heure avancée de l'Est.

    Renseignements de base

    Déroulement du vol

    L’aéronef en cause avait été nolisé pour transporter 2 passagers, dont 1 client habituel, 2 bouteilles de gaz propane de 100 livres chacuneFootnote 1, ainsi que d’autre matériel vers un chalet isolé situé à 32 milles marins (nm). Deux des 3 sièges arrière avaient été retirés de l’aéronef pour recevoir ce matériel.

    L’aéronef a quitté le quai environ 30 minutes plus tard que prévu, en raison de l’arrivée tardive de matériel et du temps de chargement. Le pilote a aidé les passagers à monter à bord de l’aéronef; toutefois, le pilote n’a fait aucun exposé sur les mesures de sécurité, ni montré aux passagers les cartes de mesures de sécurité à bord de l’aéronef.

    Le pilote a choisi de décoller face au vent, donc a circulé sur l’eau vers l’extrémité sud-ouest du port. Le point fixe et les vérifications avant décollage ont été effectués pendant que l’aéronef circulait; aucune anomalie n’a été notée. Les volets étaient fixés correctement à 20° pour le décollage. À environ 1400 pieds de la rive, le pilote a mis le cap sur le nord-est et a entrepris la course au décollage. L’aéronef a eu de la difficulté à passer sur le redanFootnote 2, et le pilote a interrompu la tentative de décollage après une course d’environ 1300 pieds.

    Le pilote a donc pris un cap sud-ouest pour retourner à son point de départ et tenter un deuxième décollage, cette fois-ci en partant le plus près possible de la rive. Encore une fois, l’aéronef a eu de la difficulté à passer sur le redan et à déjauger, mais le pilote a néanmoins réussi à décoller après une course d’environ 4200 pieds. L’aéronef a alors amorcé une montée lente en effet de sol, et le pilote a maintenu une vitesse indiquée (KIAS) de 60 nœuds, soit 6 nœuds de moins que la vitesse d’angle de montée optimale de 66 KIAS. D’après le manuel d’utilisation de l’aéronef, la vitesse de décrochage, avec l’aéronef à sa masse brute et les volets à 20°, est de 49 KIAS, et passe à 53 KIAS dans un virage à inclinaison de 30°. Durant cette manœuvre, le klaxon de l’avertisseur de décrochage a retenti de façon intermittente.

    À l’extrémité nord-est du détroit, à environ 4000 pieds du point de décollage, le relief s’élève assez rapidement et il y a plusieurs obstacles de taille, y compris un pont ferroviaire sur chevalets élevé. Le pilote a déterminé que l’aéronef serait incapable de survoler ce relief et a choisi d’effectuer un virage à gauche afin de survoler un relief moins élevé, et ensuite une étendue d’eau libre. À une altitude d’environ 40 pieds, à peine hors de l’effet de sol, le pilote a amorcé un lent virage à gauche. Presque aussitôt après avoir amorcé le virage, le klaxon de l’avertisseur de décrochage a retenti de façon continue, l’aile gauche et le nez de l’aéronef ont piqué soudainement, et l’aéronef a percuté le plan d’eau.

    Figure 1. Tentatives de décollage de l'aéronef en cause
    Image
    Figure of Tentatives de décollage de l'aéronef en cause

    La moitié extérieure de l’aile gauche et le flotteur gauche ont été détruits au contact avec le plan d’eau, et la force de l’impact a arraché le moteur de ses supports. La structure avant du fuselage, fabriquée en tubes carrés d’acier chrome-molybdène (« chromoly »), est demeurée relativement intacte et en position verticale. Sur le côté gauche, les grandes vitres en plexiglass, qui couvrent presque toute la surface de chaque porte, ont été forcées hors de leur cadre. Bien que les verrous des portes aient été trouvés en position verrouillée, les portes étaient ouvertes, ce qui laisse croire qu’elles ont pu s’ouvrir à la suite de la déformation des cadres de porte.

    Le pilote a demandé aux passagers de détacher leur ceinture de sécurité et de sortir de l’aéronef. Le passager arrière a évacué l’aéronef par la porte arrière gauche, tandis que le passager avant droit ainsi que le pilote ont évacué l’aéronef par la porte avant gauche. En quittant l’aéronef, le pilote a saisi 3 gilets de sauvetageFootnote 3 et en a remis 1 à chacun des passagers une fois à l’extérieur. Le pilote a enfilé son gilet de sauvetage correctement, mais 1 des passagers a gonflé le sien avant de l’enfiler. L’autre passager a été incapable de trouver les poignées de gonflage au CO2 et a gonflé son gilet en soufflant dans les buses.

    Étant donné que l’accident est survenu relativement près de la rive, plusieurs bateaux sont arrivés sur place en quelques minutes à peine. L’aéronef était doté d’une radiobalise de repérage d’urgence de 406 mégahertz (MHz) qui a fonctionné correctement.

    Lorsque l’on a récupéré l’aéronef après l’accident, on a constaté que le commutateur de magnéto se trouvait en position droite seulement. Avec le commutateur ainsi positionné, seules 6 des 12 bougies d’allumage du moteur peuvent fonctionner. Aucun des instruments moteur n’aurait indiqué qu’une seule magnéto fonctionnait. Des essais réalisés par Lycoming, fabricant du moteur IO-540-L1C5 de l’aéronef en cause, ont montré que dans un tel cas, la puissance de sortie maximale du moteur aurait été réduite d’environ 4 à 8 %. Cette baisse de puissance aurait été encore plus prononcée si le moteur avait fonctionné avec une seule magnéto sur une période prolongée, à un réglage de puissance inférieur et avec un mélange riche, par exemple durant la circulation sur l’eau, ce qui aurait probablement pour effet d’encrasser les bougies. Les vérifications avant décollage ne prévoyaient aucune vérification du commutateur de magnéto pour s’assurer qu’il est bien en position « BOTH » (les deux).

    Conditions météorologiques

    La station d’observation météorologique la plus près se trouve à l’aéroport de Muskoka, à 43 nm au sud-est de Parry Sound (Ontario). Le message d’observation météorologique régulière pour l’aviation de 10 hFootnote 4, enregistré par le système automatisé d’observations météorologiques, comprenait les renseignements suivants : vent 40° vrai (V) à 4 nœuds, vent de direction variable de 360° à 140°, visibilité 9 milles terrestres (sm), ciel dégagé, température de 16 °C, point de rosée de 12 °C, calage altimétrique 30,14 pouces de mercure.

    Des conditions similaires prévalaient dans le détroit, et la surface de l’eau était propice au décollage, avec quelques vaguelettes en surface. Il est estimé que les conditions météorologiques et la surface de l’eau n’ont pas été des facteurs dans cet accident.

    Pilote

    Les dossiers indiquent que le pilote possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le pilote était titulaire d’une licence de pilote professionnel et avait accumulé environ 1400 heures de vol au total, dont plus de 800 heures avec des hydravions. Le pilote en était à sa deuxième saison au service de Georgian Bay Airways (GBA). Le pilote n’avait pas travaillé le jour précédent, donc il est estimé qu’il était bien reposé.

    Renseignements sur l’aéronef

    Les dossiers indiquent que l’aéronef était certifié et équipé, et que la maintenance avait été effectuée, conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.

    Les aéronefs dotés de flotteurs ne se comportent pas comme ceux dotés de roues, et c’est pourquoi les constructeurs ajoutent habituellement une section supplémentaire au manuel d’utilisation de l’avion (POH) qui porte sur ces différences. Le POH trouvé à bord de l’aéronef en cause comprenait cette section supplémentaire et, entre autres informations, les schémas et les limites de masse et de centrage pour l’aéronef lorsque doté de flotteurs. Le manuel d’exploitation de la compagnie (MEC) approuvé par Transports Canada (TC) comprenait également des renseignements semblables, mais les schémas portaient plutôt sur un aéronef à roues. Un aéronef de ce type doté de roues a une masse brute maximale de 300 livres inférieure à celle de l’aéronef en cause.

    En 2004, lorsque le Found FBA-2C2 doté de flotteurs Aerocet 3500L a reçu une certification de type, la réglementation n’exigeait pas la publication des données de performance au décollage. Ainsi, la section supplémentaire du POH ne comprend pas ces données. Durant les essais en vol, les pilotes d’essai de Found ont réussi à décoller sur l’eau, avec une masse brute maximale au décollage, sur une distance d’environ 1500 pieds, ou 2200 pieds pour survoler un obstacle d’une hauteur de 50 pieds.

    Tous les aéronefs subissent l’effet de sol dans une certaine mesure. Pour ce qui est de l’effet de sol, le Manuel de pilotage de TC stipule ceci :

    Cet effet est dû au contact du sol avec l’écoulement d’air autour d’une aile en vol. L’effet de sol se traduit par une diminution de la traînée induite, ce qui permet ainsi à un aéronef de prendre le vol à une vitesse inférieure aux vitesses normales. En règle générale, l’effet de sol se fait sentir jusqu’à une hauteur égale, au-dessus de la surface, à l’envergure d’une aile de l’aéronef […]Le phénomène de l’effet de sol comporte deux aspects importants qui, s’ils sont négligés, peuvent se révéler très dangereux. Toute tentative de monter hors de l’effet de sol avant d’atteindre la vitesse du meilleur angle de montée peut faire retomber l’aéronef sur la surface de la piste. Ensuite, il est possible de faire décoller un aéronef sous l’effet de sol, alors que la puissance est insuffisante ou que la charge est trop grande pour que l’aéronef monte hors de l’effet de sol.

    L’exploitant

    GBA possède une flotte de 3 hydravions ayant pour port d’attache l’hydrobase Parry Sound Harbour Water Aerodrome (CPS1), exploitée grâce à un certificat émis conformément à la sous-partie 703 - Exploitation d’un taxi aérien du Règlement de l’aviation canadien. Les activités de l’entreprise comprennent principalement des tours d’avion et le nolisement d’aéronefs pour des excursions dans la région. L’entreprise exploite également une école d’entraînement au vol pour enseigner le pilotage d’hydravions.

    Matériel transporté à bord de l’aéronef

    GBA a l’autorisation de transporter des matières dangereuses. Pour ce qui est du transport de gaz propane, la partie 12.9, Accès limité, du Règlement sur le transport de marchandises dangereuses (Règlement TMD) de TC prévoit :

    (10) Les marchandises dangereuses visées au paragraphe (9) doivent être placées, selon le cas :

    1. dans un contenant qui est marqué TC-51, DOT-51 ou CTC-51 et qui est en règle à l’égard de la norme CSA B622 et des Appendices A et B de la norme CSA B620;
    2. dans une bouteille à gaz qui est conforme aux exigences de l’article 5.10 de la partie 5, Contenants, et les conditions suivantes doivent être respectées :
      1. elle a une capacité inférieure ou égale à 100 L,
      2. si les marchandises dangereuses sont transportées dans des bouteilles à gaz à bord d’un aéronef de passagers, la capacité totale de toutes les bouteilles à gaz doit être inférieure ou égale à 120 L,
      3. elle est assujettie en position verticale, ou le plus près possible de la position verticale, afin d’empêcher tout mouvement au cours du transport.

    Les bouteilles de gaz propane à bord de l’aéronef en cause n’affichaient pas les marques prescrites par le Règlement TMD, et elles contenaient une quantité totale de gaz de 200 L.

    Les bouteilles de gaz propane étaient trop grandes pour être rangées à la verticale, donc elles ont été couchées à l’horizontale le plus possible vers l’avant de l’aéronef. Le reste du matériel a été réparti entre les compartiments dans les flotteurs et dans la cabine de l’aéronef, et l’ensemble du matériel a été fixé aux points d’arrimage à l’aide de cordes, lorsque nécessaire. Le passager dans le siège avant droit a utilisé le harnais de sécurité à 4 points. L’autre passager dans le siège derrière le pilote a utilisé le harnais de sécurité à 3 points.

    Étant donné que la plupart des vols qu’effectue GBA comportent le transport de petits groupes de personnes avec peu ou pas de bagage, l’exploitant utilise des tableaux de masse et de centrage fondés sur les poids normalisés de passagers fournis par TC. Lorsqu’une charge n’est pas conforme à l’une des catégories établies, on doit remplir un devis de masse et de centrage. Des devis vierges photocopiés du POH ainsi que des calculatrices se trouvent au bureau de l’hydrobase uniquement. Toutefois, ce devis ne comporte aucune ligne pour y inscrire la masse du matériel rangé dans les compartiments des flotteurs. D’après le MEC, la masse du fret ou du matériel doit être déterminée au moyen d’une balance, également située au bureau principal seulement.

    L’entreprise effectue rarement des vols où les masses ne sont pas conformes aux tableaux précalculés. Par conséquent, le pilote n’avait pas beaucoup d’expérience relativement aux devis et à la pesée des passagers et du matériel. Le fret à bord de l’aéronef n’a pas été pesé.

    Le pilote a déterminé que les 2 bouteilles de gaz propane pesaient 100 livres chacune et a conclu que leur masse équivalait à celle d’un passager de 200 livres. Le pilote a estimé que le reste du matériel pesait 200 livres, en plus des 2 passagers à 200 livres chacun. Le pilote a consulté le tableau des masses précalculées en fonction d’une masse équivalant à 4 passagers de 200 livres. D’après le tableau, la masse brute au décollage de l’aéronef serait plus de 250 livres en deçà du maximum établi. Puisque le pilote croyait que la charge était conforme aux valeurs précalculées pour un vol avec 4 personnes à bord, un devis de masse et de centrage n’a pas été rempli. On a relevé le fait que le devis vierge tiré du POH, puis recopié dans le MEC, ne comprend aucune ligne pour inscrire la masse du matériel qui se trouve dans les compartiments des flotteurs.

    Après l’accident, il a été déterminé que la masse de chacune des bouteilles de gaz propane était d’environ 165 livres, et que celle du fret additionnel était de 306 livres. Le calcul de la masse et du centrage, effectué après l’accident, a déterminé que la masse au décollage était de 3725 livres, soit 75 livres en deçà de la masse brute maximale au décollage de l’hydravion.

    Il a également été déterminé que le centre de gravité se trouvait 26 pouces derrière la ligne de référence, bien au-delà de la plage publiée de 20,5 à 23,5 pouces. Bien que cela n’ait joué aucun rôle dans l’accident, un centre de gravité situé derrière cette limite pourrait entraîner une instabilité longitudinale qui, dans un cas extrême, pourrait rendre l’aéronef impossible à contrôler dans l’axe de tangage.

    Analyse

    Les compétences du pilote, l’état de l’aéronef et les conditions météorologiques n’ont pas été des facteurs dans cet accident. La présente analyse portera donc sur les aspects liés à la performance de l’aéronef et aux risques associés aux calculs incomplets de masse et de centrage.

    Puisque le pilote croyait que la masse totale (gaz et bouteille) d’une bouteille de propane de 100 livres était réellement de 100 livres, le fret n’a pas été pesé. Aucun devis n’a été rempli, et ce, malgré le fait que le matériel nécessaire pour le faire se trouvait à la base principale et que la charge ne se conformait à aucun des scénarios précalculés de masse et de centrage.

    Plutôt, le pilote a tenu pour acquis que la masse des bouteilles de gaz propane équivalait à celle de 2 passagers de 100 livres, ou à 1 seul passager de 200 livres, scénario pour lequel il existait un tableau précalculé de masse et de centrage. C’est précisément ce tableau qui a servi de comparatif pour ce vol. Le pilote a donc conclu que l’aéronef et sa charge étaient bien en deçà des limites de masse et de centrage.

    Même si la masse réelle était bel et bien inférieure à la masse brute maximale au décollage, elle était beaucoup plus près du maximum que le pilote croyait. Toutefois, le centre de gravité de l’aéronef était derrière la limite, ce qui augmente le risque d’instabilité longitudinale, et qui, dans des cas extrêmes, peut rendre un aéronef impossible à contrôler dans l’axe de tangage.

    Les moyens pour peser une charge et remplir un devis de masse et de centrage se trouvaient uniquement à la base principale de l’entreprise. Les valeurs et tableaux de masse et de centrage qui se trouvaient dans le MEC étaient erronés pour un hydravion. Toutefois, cela n’a pas contribué à l’accident. De plus, le devis de masse et de centrage ne comprenait pas de ligne pour inscrire le matériel rangé dans les compartiments des flotteurs. Cette situation accroît la probabilité d’omissions dans les calculs de masse et de centrage, et donc accroît le risque de surcharger l’aéronef par inadvertance.

    Il n’a pas été possible de déterminer pourquoi le commutateur de magnéto se trouvait en position droite seulement. Il est improbable que le réglage ait été changé après la collision avec le plan d’eau. Il est possible qu’au moment de vérifier les magnétos, lors du point fixe, le commutateur ait été laissé dans la mauvaise position par inadvertance. Et puisque les vérifications avant décollage ne comprenaient pas de confirmation que le commutateur de magnéto est dans la bonne position, il n’a pas été possible de détecter et de corriger cette lacune. Le fonctionnement du moteur à une seule magnéto a pour effet de réduire la puissance disponible et entraîne une mauvaise performance.

    Étant donné le manque d’information précise dans le POH concernant la performance au décollage, il est impossible de déterminer exactement dans quelle mesure l’aéronef a dépassé la distance de décollage normale; toutefois, on s’accorde pour dire que celle-ci a été amplement dépassée.

    Lorsque l’aéronef a pris son envol avec une puissance moteur réduite, il était difficile à manœuvrer aisément. Pour éviter le relief qui approchait, l’aéronef s’est cabré. L’angle d’attaque accru, dont fait foi le klaxon de l’avertisseur de décrochage, jumelé au manque de puissance moteur habituelle, a empêché l’aéronef d’accélérer et d’atteindre une vitesse de montée suffisante. Lorsque l’aéronef a décollé, la traînée induite de l’effet de sol se serait accrue, ce qui aurait empiré le déficit au chapitre de la performance. L’aéronef se trouvant très près de décrocher, le virage à gauche a ralenti la vitesse d’écoulement de l’air au-dessus de l’aile gauche, ce qui l’a forcée à baisser. L’aéronef a décroché à une altitude à laquelle toute sortie était impossible.

    Contrairement à beaucoup d’autres accidents d’hydravions ayant fait l’objet d’une enquête du BST, plusieurs facteurs ont grandement accru les chances de survie des occupants :

    • l’évacuation des occupants a probablement été beaucoup plus facile du fait que les portes se sont ouvertes et que les vitres en plexiglass ont été forcées hors de leur cadre à la suite de l’impact;
    • le fait que l’aéronef était doté de harnais de sécurité à 3 et à 4 points – et que les occupants les ont utilisés – a probablement accru les chances de survie à l’impact.

    Le fait que les passagers n’ont pas enfilé correctement leur gilet de sauvetage pourrait s’expliquer par l’absence d’exposé sur les mesures de sécurité. Le pilote a peut-être omis cet exposé parce que l’un des passagers était un habitué ou par manque de temps.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Le pilote a cabré l’aéronef et a amorcé un virage pour éviter le relief qui approchait. L’aéronef est sorti de l’effet de sol à une vitesse anémométrique inférieure à la meilleure vitesse d’angle de montée. Durant le virage, l’aéronef a décroché à une altitude à laquelle toute sortie était impossible, et l’aéronef a percuté le plan d’eau.
    2. Il est possible que le commutateur de magnéto ait été réglé par inadvertance en position droite seulement, ce qui a eu pour effet de réduire la puissance moteur et, du même coup, la performance au décollage.

    Faits établis quant aux risques

    1. Lorsque l’on ne pèse pas la charge de l’aéronef ou que l’on ne remplit pas un devis de masse et de centrage, on risque de tenter un décollage avec un centre de gravité derrière la limite prescrite, ce qui accroît le risque de difficultés à contrôler l’aéronef.
    2. Si le devis de masse et de centrage ne comprend aucune ligne où inscrire le matériel rangé dans les compartiments des flotteurs, il y a une probabilité accrue qu’il y ait des omissions dans les calculs de masse et de centrage, et on risque de surcharger l’aéronef ou de mal centrer la charge par mégarde.
    3. Lorsque l’on ne fait pas d’exposé sur les mesures de sécurité, il y a un risque accru que les passagers soient incapables d’exécuter rapidement les mesures d’urgence nécessaires pour éviter les blessures ou la perte de vie.

    Autres faits établis

    1. Le manuel d’exploitation de la compagnie approuvé par Transports Canada comprenait des tableaux de masse et de centrage erronés pour l’hydravion.
    2. La quantité de matières dangereuses à bord de l’aéronef dépassait les limites prescrites par la réglementation.
    3. Le port de harnais de sécurité à 3 et à 4 points a probablement accru les chances de survie des occupants de l’aéronef.
    4. L’évacuation des occupants a probablement été facilitée par le fait que les portes se sont ouvertes et que les vitres en plexiglass ont été forcées hors de leur cadre à la suite de l’impact.  

    Mesures de sécurité prises

    Georgian Bay Airways

    1. L’exploitant a modifié son manuel d’exploitation pour y ajouter les bons tableaux de masse et de centrage pour tous les aéronefs de sa flotte.
    2. L’exploitant a installé une balance de 2000 livres à la base principale pour que les pilotes puissent peser le fret au lieu d’en estimer la masse.
    3. L’exploitant a ajouté la phrase « Mags on Both » (les deux magnétos fonctionnent) aux vérifications avant décollage.
    4. Durant la formation annuelle au printemps et dans le cadre des ateliers sur les facteurs humains, l’exploitant a renforcé l’importance de faire des exposés complets sur les mesures de sécurité.

    Le présent rapport met un terme à l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le .