Perte de maîtrise et collision au sol
du Beechcraft King Air 100, C-GXRX
exploité par Northern Thunderbird Air inc.
à l'aéroport international de Vancouver
Richmond (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
1.0 Renseignements de base
1.1 Déroulement du vol
1.1.1 Chronologie des événements avant le vol
Les activités de Northern Thunderbird Air Incorporated (NT Air) sont menées par l’entremise d’un concessionnaire de services aéronautiques à l’aéroport international de Vancouver (CYVR). L’aéronef avait été entreposé dans le hangar pendant la nuit, où il a été inspecté par le personnel de maintenance de NT Air. Un litre d’huile a été ajouté au moteur gauche, et on a indiqué que tous les éléments de l’inspection avaient été vérifiés.
Le commandant de bord s’est présenté au hangar vers 14 h 20Note de bas de page 1, a passé environ 2 minutes près de l’aéronef, puis a sorti l’aéronef du hangar pour le ravitailler en carburant. Le copilote a rejoint le commandant de bord devant le hangar pendant le ravitaillement de l’aéronef. Une inspection pré-vol complète de l’aéronef n’a pas été effectuée.
Le vol avait été nolisé par un autre transporteur qui utilisait un autre concessionnaire de services aéronautiques à CYVR. Les moteurs de l’aéronef ont été démarrés, et l’aéronef a roulé jusqu’à l’autre concessionnaire de services aéronautiques afin de faire monter les passagers. Pendant que les passagers montaient à bord, une petite flaque d’huile sous le moteur gauche a été signalée aux pilotes. Le commandant de bord a confirmé la présence de l’huile, mais aucune autre mesure n’a été prise. Le copilote a présenté l’exposé sur les mesures de sécurité à l’intention des passagers, qui comprenait une démonstration du fonctionnement de la porte principale. L’avion a quitté le concessionnaire de services aéronautiques vers 15 h 35.
1.1.2 Chronologie de l’accident
L’aéronef a décollé de CYVR à 15 h 41 en direction de Kelowna (Colombie-Britannique), en vertu d’un plan de vol selon les règles de vol aux instruments (IFR) et en utilisant l’indicatif de vol Thunderbird NT204. Le commandant de bord était le pilote aux commandes. Le vol s’est déroulé sans incident au départ et durant la montée jusqu’à une altitude d’environ 16 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). Environ 15 minutes après le décollage, l’équipage a constaté qu’il y avait un problème d’huile, puisque de l’huile s’échappait du moteur gauche. Le copilote a communiqué avec le contrôle de la circulation aérienne (ATC) et a reçu l’autorisation de retourner à CYVR. Le commandant de bord a amorcé un virage vers CYVR et a réduit la puissance pour la descente. Les passagers ont été informés de la fuite d’huile (photo 1) et ont été avisés que le vol devait retourner à CYVR. Environ 5 minutes après le virage, la liste de vérifications en situation anormale liée à une faible pression d’huile a été consultée (figure 1).
Les pilotes ont décidé d’effectuer l’approche normalement, à moins que la pression d’huile chute sous les 40 livres par pouce carré (lb/po²); le cas échéant, ils suivraient la liste de vérifications en cas d’urgence ainsi que les procédures de vol sur un seul moteur (figure 2). Ces procédures exigent notamment d’augmenter la vitesse VREF de 10 nœudsNote de bas de page 2 et de mettre l’hélice en drapeauNote de bas de page 3.
L’équipage a reçu l’autorisation d’effectuer une approche à vue sur la piste 26 gauche (26L) par l’interception du radiophare d’alignement de piste. À environ 7 milles marins (nm) de la piste, à 1500 pieds asl, l’ATC a interrogé l’équipage sur la nécessité de déployer les services d’urgence. L’équipage a refusé l’offre de déploiement, en précisant que tout allait bien pour le moment. À 3,8 nm, avec la piste en vue, l’équipage a reçu l’autorisation d’atterrir.
Le vol s’est déroulé sans incident durant l’approche initiale. Les appels standards ont été effectués, y compris la mention de la vitesse Vref de 99 nœuds. À 3 nm de la zone de toucher des roues, les volets ont été abaissés à 30 %. Par la suite, le train d’atterrissage a été abaissé en position sortie et verrouillée. Environ 45 secondes avant la perte de maîtrise, l’équipage s’est activé. Les volets ont été abaissés à 60 %. Le système d’avertissement de proximité du sol (GPWS) a signalé que l’altitude au-dessus du sol en pieds était de « 500 ». La vitesse signalée était de 105 nœuds, puis de Vref (99 nœuds), puis enfin de Vref moins 5. Le bruit de l’hélice a changé, ce qui a immédiatement été suivi d’une perte de maîtrise de l’appareil. L’aéronef a fait un mouvement de lacet vers la gauche, a effectué un mouvement de roulis d’environ 80° vers la gauche puis a piqué du nez à un angle d’environ 50°. Alors que l’aéronef plongeait vers le sol, les ailes sont revenues à l’horizontale et le nez s’est relevé, réduisant l’angle de piqué à 30°. C’est à ce moment que l’aéronef a heurté le sol. (Voir l’annexe b pour connaître le profil de vol final et les événements connexes.)
1.2 Tués et blessés
Équipage | Passagers | Autres | Total | |
---|---|---|---|---|
Tués | 2 | – | – | 2 |
Blessés graves | – | 7 | – | 7 |
Blessés légers/indemnes | – | – | 3 | 3 |
L’aéronef a heurté le sol sur une artère principale, tout juste à l’extérieur de la clôture délimitant le périmètre de l’aéroport. L’accident s’est produit à un moment où, en raison de la signalisation des feux de circulation, les véhicules étaient immobiles. Plusieurs personnes étaient arrêtées aux feux de circulation et ont porté secours aux passagers. Lorsque l’avion s’est immobilisé, le passager assis près de la porte principale a essayé à plusieurs reprises d’ouvrir la porte avant d’y parvenir. Ce passager a ensuite aidé le passager le plus près à sortir, et les personnes se trouvant sur les lieux ont aidé tous les passagers, sauf un, à sortir de l’avion en flammes. Le poste de pilotage était le plus éloigné de la porte, et les premiers intervenants n’étaient pas au courant du nombre total de personnes à bord. Après que 6 des passagers ont été évacués de l’aéronef, l’incendie a empêché les premiers intervenants de rejoindre le septième passager, qui était assis à l’avant de l’aéronef. Après avoir été avisé de l’accident de manière informelle, le personnel de lutte contre les incendies de Richmond est arrivé environ 3 minutes après l’écrasement, en provenance d’un poste de pompiers situé à environ 700 mètres du lieu de l’accident. Ils ont secouru le septième passager. L’aéronef se trouvait dans un fossé, juste à l’extérieur de la clôture périphérique de l’aéroport. Un camion de pompiers de l’aéroport de Vancouver est arrivé environ 4 minutes après l’écrasement, après avoir été dépêché sur les lieux par l’ATC. Il a pu arroser l’épave à partir du côté opposé de la clôture de l’aéroport. Un second camion de pompiers de l’aéroport a défoncé la clôture du périmètre de l’aéroport afin de se rendre sur les lieux de l’accident. Il régnait une certaine confusion quant au nombre total de personnes à bord et au nombre de pilotes; toutefois, les membres du personnel du service de sauvetage et de lutte contre les incendies ont pu éteindre le feu, couper l’épave et secourir les pilotes.
Le câblage électrique de l’aéronef produisait des étincelles, ce qui préoccupait le personnel entrant dans l’épave, même une fois que l’incendie a été éteint.
Tous les occupants ont été transportés à l’hôpital par les services ambulanciers. Deux occupants d’une voiture qui a été frappée par l’aéronef et un cycliste qui a presque été touché ont été examinés sur les lieux, avant de pouvoir partir.
1.3 Dommages à l’aéronef
L’aéronef a été détruit par les forces de décélération engendrées par l’impact, et par l’incendie (voir la rubrique 1.12).
1.4 Autres dommages
L’aéronef a heurté un lampadaire et une voiture qui circulait sur la route. La surface de la route a été endommagée par les déversements de carburant et d’huile, et par le feu. Un panneau routier a également été endommagé par le feu.
1.5 Renseignements sur le personnel
Les dossiers indiquent que les membres de l’équipage possédaient les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le commandant de bord était titulaire d’une licence de pilote de ligne (ATPL) canadienne, annotée d’une qualification de vol aux instruments de groupe 1, ainsi qu’un certificat médical valide. Le copilote était titulaire d’une licence de pilote professionnel (CPL) canadienne, annotée d’une qualification de vol aux instruments de groupe 1, ainsi qu’un certificat médical valide.
Commandant de bord | Copilote | |
---|---|---|
Licence de pilote | ATPL | CPL |
Date d’expiration du certificat de validation | 1 mai 2012 | 1 février 2012 |
Heures de vol totales | 13 876 | 1316 |
Heures de vol sur type | 978 | 85 |
Heures de vol, 90 derniers jours | 184 | 192 |
Heures de vol sur type, 90 derniers jours | 46 | 65 |
Heures de service avant l’événement | 2 | 2 |
Heures hors service avant la période de travail | 38 | 20 |
Le commandant de bord avait acquis de l’expérience de pilotage sur divers aéronefs à voilure fixe dans le monde, y compris environ 7200 heures sur des aéronefs bimoteurs à turbopropulseursNote de bas de page 4 semblables à l’aéronef en cause.
Le copilote avait commencé sa carrière de pilote 4 ans auparavant et avait accumulé environ 85 heures de vol sur le Beechcraft King Air 100 depuis qu’il avait commencé à travailler pour l’entreprise, l’année précédente.
1.6 Renseignements sur l’aéronef
1.6.1 Aéronef
Le Beechcraft King Air 100 est un petit aéronef bimoteur à turbopropulseurs pressurisé, souvent utilisé pour les vols nolisés et en aviation d’affaires.
L’aéronef, C-GXRX (photo 2), était configuré pour voler avec 2 membres d’équipage et transporter un maximum de 8 passagers, faisant tous face vers l’avant. Il n’y avait pas de cloison entre les passagers et les pilotes. Le Beechcraft King Air 100 est propulsé par des moteurs de Pratt & Whitney Canada (P&WC).
Constructeur | Hawker Beechcraft Inc. |
---|---|
Type et modèle | King Air 100 |
Année de construction | 1970 |
Numéro de série | B-36 |
Date d’émission du certificat de navigabilité | 18 juillet 2001 |
Nombre total d’heures de vol cellule | 26 993 heures |
Type de moteur (nombre) | P&WC PT6A-28 (2) |
Hélice (nombre) | Hartzell HC-B3TN (2) |
Masse maximale autorisée au décollage | 11 846 livres |
Type(s) de carburant(s) recommandé(s) | Jet A, Jet A-1, Jet B |
Type de carburant utilisé | Jet A |
1.6.2 Navigabilité
Les dossiers indiquent que l’aéronef était homologué, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. La radiobalise de repérage d’urgence avait été retirée de l’appareil aux fins de maintenance, et l’aéronef avait été autorisé à voler sans elle. Il n’y avait aucun défaut non corrigé.
1.6.3 Modification Raisbeck
On avait modifié l’aéronef en y installant un ensemble prêt-à-monter de Raisbeck Engineering, qui comprenait l’ajout de dispositifs aérodynamiques et d’hélices à 4 pales. Ces modifications ont été effectuées dans le cadre d’un certificat de type supplémentaire (CTS) approuvé par Transports Canada (TC) et la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis. Le fonctionnement de l’aéronef était décrit dans le manuel de vol original de l’aéronef Beechcraft et le supplément du manuel de vol de l’aéronef de Raisbeck Engineering, P/N 91 - 100/A100.
Bien que le CTS ait permis d’améliorer les performances de l’aéronef, la vitesse minimale de contrôle de l’aéronef lorsque le moteur critiqueNote de bas de page 5 ne fonctionne pas (VMC) est passée de 81 à 85 nœuds. (Voir également la section 1.16.5.)
1.6.4 Bulletins de service
Un bulletin de service vise un aéronef, un moteur ou un fabricant d’équipement particulier et sert à alerter les propriétaires et les techniciens de problèmes nécessitant une maintenance préventive, une réparation, une modification ou une amélioration de la performance du produit. Les bulletins de service n’ont pas le même poids, sur le plan juridique, que les consignes de navigabilité (CN); toutefois, P&WC a des lignes directrices sur la conformité, présentées sous forme de numéros de catégorie allant de 1 à 10, 1 signifiant « avant le prochain vol », et 10, « à titre d’information seulement ».
Les moteurs ont fait l’objet d’un bulletin de service du fabricant, soit le BS no 1506R2 de P&WCNote de bas de page 6, qui traite du problème lié au fait de ne pas fermer complètement le bouchon de remplissage d’huile. TC et la FAA n’ont pas créé de consigne de navigabilité connexe à ce bulletin de service.
À l’origine, le bulletin de service avait été publié en 1995 en tant que bulletin de niveau 8. En 2010, il a été publié de nouveau en tant que bulletin de niveau 6. Le bulletin de service précisait notamment ce qui suit :
[Traduction]
C. Objet
Limiter les pertes d’huile lorsque le bouchon de remplissage d’huile n’est pas correctement placé en position verrouillée.
REMARQUE : la mise en œuvre des modifications proposées dans ce bulletin de service ne supprime pas l’obligation de veiller à ce que le bouchon de remplissage d’huile soit correctement installé et verrouillé avant l’installation du moteur.
D. Description
Le tube de remplissage d’huile existant est remplacé par un tube de remplissage d’huile doté d’un clapet à bille. En outre, la jauge d’huile est remplacée par une nouvelle jauge ou une jauge modifiée qui est plus courte.
E. Conformité
CATÉGORIE 6 - P&WC recommande de mettre en œuvre les modifications proposées dans ce bulletin de service lorsque le sous-ensemble (c.-à-d. le module, les accessoires, les composants ou les groupes d’assemblage) est démonté, et que les composants concernés sont accessibles. Effectuer les travaux sur tous les sous-ensembles de rechange.
L’aéronef en cause n’a pas été modifié selon le bulletin de service et n’était pas tenu de l’être par la réglementation.
1.6.5 Avis de difficultés en service de Transports Canada
TC a reconnu qu’il existait un problème possible concernant « les bouchons de remplissage desserrés, qui fuient ou qui sont manquants » par l’analyse des rapports de difficultés en service. Par conséquent, TC a publié, en 2006, un avis de difficultés en service à l’intention des propriétaires des aéronefs concernés. Dans cet avisNote de bas de page 7, TC « […] recommande aux exploitants, aux spécialistes de la maintenance, aux ateliers de révision et aux autres parties intéressées de se conformer aux bulletins de service et au bulletin d’information sur l’entretien de P&WC […] » et qu’après « avoir fait l’appoint en huile d’un moteur, il faut toujours contre-vérifier que le ou les bouchons de remplissage d’huile ont été correctement serrés ».
1.6.6 Masse et centrage
L’aéronef était exploité conformément à ses limites de masse. Il était chargé à environ 700 livres sous sa masse maximale au décollage. Le poids était distribué de telle sorte que le centre de gravité (CG) de l’appareil était près de la partie arrière, mais à l’intérieur des limites avant et arrière. (Voir également la section 1.17.2.)
1.7 Conditions météorologiques
Le ciel était généralement dégagé, et les vents étaient légers et variables. Au cours de l’approche finale de l’aéronef, la tour de contrôle de CYVR a signalé des vents du 260º magnétique soufflant à une vitesse de 5 nœuds. La traînée de fumée de l’aéronef montait vers l’ouest sud-ouest, ce qui indiquait un vent arrière léger durant l’approche vers la piste 26L. La température était de 9 ºC. Les conditions météorologiques ne sont pas considérées comme un facteur contributif à cet accident.
1.8 Aides à la navigation
Le déroutement vers CYVR a été réalisé en utilisant des vecteurs radars de l’ATC afin d’intercepter le radiophare d’alignement de la piste 26L pour effectuer une approche à vue. Les aides à la navigation ne sont pas considérées comme un facteur contributif à cet accident.
1.9 Télécommunications
L’équipage était en constante communication avec l’ATC et le service de régulation des vols de NT Air. L’aéronef était équipé d’un système de suivi par système de positionnement mondial (GPS), qui transmettait la position de l’aéronef toutes les 6 minutes au service d’exploitation de l’entreprise.
1.10 Renseignements sur l’aérodrome
CYVR est situé en banlieue de Vancouver, sur une île à l’embouchure du fleuve Fraser, au niveau de la mer. Il s’agit d’un aéroport international offrant un service complet et un soutien aux principales compagnies aériennes. Il y a 3 surfaces de piste, dont 2 sont parallèles. L’approche a été effectuée sur la piste 26L (Figure 3. Trajectoire du vol NT204). Parmi les autres aéroports des environs, il y a Pitt Meadows (CYPK) et Abbotsford (CYXX), comme l’indique la figure 7.
Le vol en cause n’a pas été retardé une seule fois par l’ATC à partir du moment où l’équipage a demandé l’autorisation de revenir à CYVR. Il n’y avait aucune turbulence de sillage causée par les autres aéronefs des environs qui aurait pu avoir une incidence sur le vol en cause.
1.11 Enregistreurs de bord
L’aéronef était doté d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR), et toutes les conversations du vol ont été enregistrées. L’aéronef n’était pas doté d’un enregistreur de données de vol, et n’était pas tenu d’en avoir un selon la réglementation en vigueur.
1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact
Le train avant de l’aéronef a d’abord heurté le sol, et il s’est brisé. Peu de temps après, les 2 hélices et les trains d’atterrissage principaux ont heurté le sol simultanément. Les trains d’atterrissage principaux ont été arrachés, et l’extrémité de l’aile droite s’est cassée et s’est renversée du bord d’attaque au bord de fuite. Des conduites de carburant se sont rompues, et du carburant s’est déversé sur la chaussée et a pris feu.
L’aéronef a glissé sur le ventre sur une distance de 558 pieds (170 mètres) le long d’une artère très achalandée de 6 voies de large et a accroché une voiture roulant dans la direction opposée. Le côté droit de la partie avant du fuselage a heurté un poteau de lampadaire qui se trouvait sur le terre-plein central de la route. Par la suite, la partie avant du fuselage et la section arrière de l’aéronef se sont détachées du fuselage, n’étant retenues que par les câbles de commande.
L’épave a laissé une traînée de feu, correspondant au déversement de carburant, qui a pris feu en raison du frottement du train d’atterrissage contre l’asphalte. Le côté droit de l’aéronef a brûlé plus que le côté gauche (figure 4).
1.13 Renseignements médicaux et pathologiques
Selon l’enquête, rien ne donne à croire que des facteurs physiologiques aient pu nuire au rendement de l’équipage.
1.14 Incendie
Une fois que l’aéronef s’est immobilisé et que les moteurs se sont arrêtés, le feu était concentré sur l’aile droite et le long des câbles du circuit électrique de l’aéronef. Le câblage convergeait vers le poste de pilotage et était alimenté par la batterie située dans l’aile droite jusqu’à ce qu’elle soit déconnectée par les enquêteurs quelques heures plus tard. Les zones incendiées et les endroits exposés à la chaleur intense correspondaient largement au câblage électrique principal de l’appareil (figure 4).
Les aéronefs certifiés au Canada ne sont pas tenus d’avoir un dispositif de sécurité qui déconnecte automatiquement la batterie en cas d’accident. Les courants électriques fournis par les batteries peuvent produire des arcs électriques lorsque des circuits sous tension sont endommagés durant les accidents.
Il y avait des indications que le système d’oxygène d’urgence avait été endommagé durant l’accident. Une fuite d’oxygène a alimenté un feu isolé dans une zone située au-dessus du siège du commandant de bord et derrière ce dernier. Le réservoir d’oxygène est situé à l’arrière de l’aéronef, et des conduites sont situées à l’intérieur du toit de l’habitacle et du poste de pilotage. Le système était actif. Il est normalement activé par l’équipage avant le décollage, ce qui signifie que le robinet du réservoir d’oxygène est ouvert et que les conduites sont remplies d’oxygène.
1.15 Questions relatives à la survie des occupants
La cabine du Beechcraft King Air 100 est équipée de 1 seule porte, située à l’arrière de l’aéronef sur la gauche. Un hublot sert de sortie de secours et est situé sur l’aile droite. La cabine avait une configuration à 8 sièges passagers, tous orientés vers l’avant dans des rangées séparées par un couloir central. La figure 5 montre la configuration de la cabine ainsi que les sorties d’urgence. Le feu étant visible à l’extérieur du côté droit, la porte de la cabine constituait donc la seule sortie utilisable. La porte de la cabine a été ouverte avec difficulté puisque le châssis de la porte avait été déformé. Tous les passagers et les 2 pilotes ont subi des blessures à l’impact, et tous les passagers, sauf 1, ont eu besoin d’aide pour sortir de l’aéronef. Le commandant de bord ne portait pas de bretelles de sécurité.
En raison des forces de décélération à l’impact, toutes les personnes à bord ont subi des blessures, mais celles-ci n’étaient pas mortelles. Les possibilités de survie ont été compromises par l’incendie qui s’est déclaré après l’impact. Les pilotes ont subi de graves brûlures et ont inhalé de la fumée. Le passager qui était assis le plus près du poste de pilotage a subi des brûlures et a souffert des effets graves de l’inhalation de fumée.
1.16 Essais et recherches
1.16.1 Examen de l’épave
Les 2 hélices ont été examinées en détail, mais les seules conclusions fiables qui ont pu être tirées étaient qu’elles présentaient des dommages causés à régime normalNote de bas de page 8, qu’elles n’avaient pas été mises en drapeau, et que les marques internes des moyeux d’hélice étaient similaires.
L’examen des moteurs a révélé que le bouchon du réservoir d’huile du moteur gauche n’était pas verrouillé (photo 3)Note de bas de page 9.
L’examen avec démontage du moteur droit a révélé des dommages causés par la force verticale d’impact et des dommages dus à la rotation, qui correspondent à un fonctionnement à faible puissance (presque au ralenti). Les marques de décoloration laissées par le feu indiquent qu’il y avait environ 7 litres d’huile dans le réservoir après l’impact.
L’examen avec démontage du moteur gauche a révélé des dommages similaires, qui correspondent à un fonctionnement à faible puissance (presque au ralenti). Des marques de décoloration similaires indiquent qu’il y avait environ 0,8 litre d’huile dans le réservoir après l’impact. Toutefois, cette quantité était suffisante pour recouvrir l’orifice d’entrée de la pompe à huile (photo 4), ce qui signifie que l’huile était toujours fournie au moteur.
Rien n’indiquait, dans un moteur comme dans l’autre, qu’ils avaient été endommagés ou qu’ils présentaient des défectuosités avant l’impact qui auraient pu réduire la puissance.
Les moteurs gauche et droit présentaient, sur leurs composants internes, des marques laissées à l’impact, caractéristiques de moteurs fonctionnant à faible puissance et même presque au ralenti au moment de l’impact. Les marques laissées sur la turbine de puissance et sur la bague d’aube directrice de la turbine de puissance du moteur droit étaient légèrement plus prononcées que sur le moteur gauche, ce qui suggère que ce moteur fonctionnait peut-être à une puissance légèrement supérieure.
Il semble que les gouvernes, les tringleries, les vérins et les câbles étaient tous en bon état de fonctionnement avant l’impact.
Le CVR, certains instruments de vol et tous les instruments des moteurs ont été enlevés et envoyés au Laboratoire du Bureau de la sécurité des transports (BST) en vue de l’extraction des données enregistrées. Le CVR a fourni des enregistrements sonores clairs des communications entre les pilotes, ainsi que des sons des moteurs, des hélices et des autres systèmes. Les instruments n’indiquaient aucun renseignement d’intérêt.
1.16.2 Examen des enregistrements audio
L’analyse des enregistrements audio du poste de pilotage a révélé que le son des hélices à 4 pales correspondait au bruit qu’elles émettent lorsqu’elles tournent à environ 1905 tours/minute et qu’elles sont synchronisées; ce son est demeuré inchangé jusqu’aux derniers moments avant la perte de maîtrise de l’appareil. Il y a eu un changement dans le son des hélices, mais elles continuaient de tourner à environ 1900 tours/minute. Un circuit d’allumage de moteurNote de bas de page 10 était en fonction tout au long de la descente, jusqu’à la perte de maîtrise.
1.16.3 Circuit d’huile moteur (série PT6 de Pratt & Whitney)
Chaque moteur a son propre circuit d’huile qui lubrifie et refroidit les paliers réacteurs, réchauffe le carburant et fournit au régulateur d’hélice l’huile nécessaire pour fonctionner. L’huile est stockée dans un réservoir d’une capacité de 8,7 litres. Normalement, les pertes d’huile sont négligeables. Cependant, si le réservoir est trop plein, l’huile s’échappe par l’évent d’huile lorsque le moteur est en marche.
La pompe de pression d’huile moteur prend l’huile dans le réservoir, et tant que l’alimentation en huile n’est pas épuisée ou interrompue, la pression d’huile du moteur est maintenue. La température de l’huile moteur peut augmenter au fur et à mesure que son volume diminue, surtout si la charge du moteur est élevée. Toutefois, lorsque le réservoir d’huile est à sec, les indications de température ne sont pas fiables. Lorsqu’il y a des fuites d’huile du côté haute pression du système, la pression d’huile peut diminuer, et l’importance de la fuite peut varier en fonction des variations de régime du moteur (c.-à-d. les pertes d’huile diminuent avec la puissance). Toutefois, lorsque la fuite est du côté basse pression (conduites de retour et réservoir), il est peu probable que le régime du moteur ait un effet sur la quantité d’huile perdue. L’arrêt du moteur peut limiter la perte d’huile dans ce cas.
1.16.4 Système de commande des hélices
Les aéronefs bimoteurs sont dotés d’un système de mise en drapeau des hélices. Ce système permet au pilote de mettre l’hélice en drapeau en cas de perte de puissance ou d’autres problèmes de moteur. La mise en drapeau de l’hélice élimine la traînée que l’hélice causerait autrement si elle tournait en moulinet. Cette élimination de la traînée améliore la capacité de l’avion à voler avec 1 moteur en panne vers l’aéroport approprié le plus proche.
Le moteur fournit de l’huile au régulateur d’hélice, ce qui augmente la pression d’huile dans le système de commande des hélices. Cette augmentation de la pression compense le contre-poids et les forces de rappel dans le moyeu de l’hélice qui assure la mise en drapeau de l’hélice. Des clapets commandés par le pilote ou des capteurs de vitesse commandent le pas de l’hélice et la vitesse de rotation. Dans le cas d’une panne de moteur, il faut du temps avant que la pression d’huile dans le moyeu de l’hélice diminue; c’est la raison pour laquelle un mécanisme est mis à la disposition des pilotes pour réduire la pression, ce qui permet de mettre rapidement l’hélice en drapeau. Certains aéronefs sont équipés d’un système de mise en drapeau automatique (déclenché lorsque la vitesse ou le couple du compresseur du moteur est faible). L’aéronef en cause n’était pas équipé d’un système de mise en drapeau automatique.
1.16.5 Poussée asymétrique
Sur les bimoteurs où les 2 moteurs tournent dans le sens horaire, comme le Beechcraft King Air 100, le moteur gauche est considéré comme le moteur critique (note en base de page 5). Lorsqu’un moteur tombe en panne, un effet de lacet se produit. L’effet de lacet varie selon la distance latérale entre l’axe central de l’aéronef et le vecteur poussée du moteur qui fonctionne. Cet effet est accentué par la poussée produite par le moteur qui fonctionne. En raison du facteur PNote de bas de page 11, le vecteur poussée du moteur droit est plus éloigné de l’axe central de l’aéronef que celui du moteur gauche. En conséquence, si le moteur gauche tombe en panne, l’effet de lacet causé par le moteur droit qui fonctionne sera plus important (figure 6).
1.16.6 Maîtrise avec un seul moteur
Lorsque la poussée des moteurs, décentrés par rapport à l’axe central d’un aéronef, diffère l’un de l’autre, la maîtrise de l’effet de lacet repose principalement sur le stabilisateur vertical et la gouverne de direction de la queue et, dans une moindre mesure, les ailerons. L’efficacité de ces surfaces augmente avec la vitesse.
La plupart des aéronefs multimoteurs à voilure fixe ont une vitesse minimale de contrôle (VMC), qui est la vitesse minimale à laquelle la direction de l’aéronef peut être maîtrisée lorsque le moteur critique est en panne. Si la vitesse est inférieure à la VMC, le pilote risque de ne pas pouvoir maîtriser l’appareil. La VMC de l’aéronef en cause était de 85 nœuds, compte tenu de l’hélice du moteur en panne qui tournait en moulinet, d’une inclinaison latérale de 5° vers le moteur en marche, de la puissance de décollage du moteur en marche, du train d’atterrissage rentré, des volets en position de décollage et d’un centre de gravité vers la limite arrière.
Les renseignements sur la vitesse minimale à laquelle la direction peut être assurée lorsque les hélices ne sont pas mises en drapeau et qu’elles tournent à régime normal ne sont pas normalement fournis aux équipages de conduite. Toutefois, le fabricant de l’hélice a calculé que la traînée produite par l’hélice à 4 pales de l’appareil, tournant à environ 1900 tours/minute, était d’environ 300 livres.
L’application d’une poussée asymétrique à basse vitesse lorsque les 2 moteurs fonctionnent peut entraîner une perte de maîtrise directionnelle.
En août 2012, AvioConsult, une entreprise spécialisée dans les essais expérimentaux en vol, a publié une étude et a formulé des recommandations en vue d’améliorer l’Airplane Flying Handbook de la FAA (FAA-H-8083-3A). L’étude aborde particulièrement le chapitre 12 (« Transition to Multiengine Airplanes ») et recommande de fournir aux pilotes des renseignements plus complets pour les aider à comprendre les risques liés à la poussée asymétrique qui peuvent entraîner une perte de maîtrise. Les publications canadiennes sont également dépourvues de ces précieux renseignements.
1.16.7 Décrochage aérodynamique
Un décrochage aérodynamique survient lorsque l’angle d’attaque de l’aile excède l’angle critique où l’écoulement de l’air commence à se décoller. Lorsqu’il y a décrochage de l’aile, l’écoulement de l’air décolle de l’extrados, et la portance diminue au point de ne plus supporter l’aéronef. Même si le décrochage survient à angle d’attaque précis, il peut se produire à toutes les vitesses. Toutefois, ces vitesses peuvent être estimées pour des conditions données.
Selon les renseignements extraits des données radars de l’ATC et du CVR, l’aéronef volait à environ 20 nœuds au-dessus de la vitesse de décrochage, ce qui était d’environ 72 nœuds compte tenu des facteurs de charge. De plus, puisque la perte de maîtrise a été accompagnée, semble-t-il, d’une augmentation de puissance, il a été déterminé que le décrochage n’a pas été l’événement déclencheur.
1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion
1.17.1 Opérations aériennes de l’entreprise
NT Air exerce ses activités en Colombie-Britannique et au Yukon depuis 1971. Au départ, elle menait des activités hors-piste dans le nord de la Colombie-Britannique avec des aéronefs équipés de flotteurs et de skis. Aujourd’hui, elle exploite une flotte d’appareils Beechcraft 1900, King Air et Cessna Caravan. NT Air dessert une vaste zone géographique. Elle fournit des services nolisés et réguliers, ainsi que des services d’évacuation médicale, de voyages d’affaires et de transport de fret.
1.17.2 Masse et centrage
L’entreprise a été autorisée par TC à utiliser une calculatrice appelée « CAVU SEE GEE » (SeeGee) pour calculer le centre de gravité de l’aéronef. Les calculs effectués avec le SeeGee sont rapides et faciles à préparer, et les valeurs obtenues sont assez précises comparativement aux valeurs calculées au moyen des poids et des moments. Le SeeGee ne tient pas compte des poids de carburant au-dessus de 800 livres. Le fabricant du SeeGee a compensé en déplaçant les limites avant et arrière de masse et de centrage vers l’intérieur (annexe d – Calcul de poids et de centrage).
Le service de la maintenance n’a pas inclus les valeurs de l’indice de la masse et du centrage à vide après chaque modification; les pilotes ont donc dû calculer la valeur de l’indice en fonction des valeurs de masse et de centrage à vide associées à la dernière modification. Les mauvaises valeurs de masse et de centrage à vide ont été utilisées par les pilotes pour calculer l’indice, et, même si la masse et le centrage respectaient les limites, le calcul était erroné.
La masse opérationnelle consignée de l’aéronef ne tenait pas compte du poids de l’équipement que l’aéronef transporte normalement, c’est-à-dire 53 livres d’équipement dans la soute à bagages arrière et 31 livres d’équipement dans le poste de pilotage. Reportez-vous à l’annexe d pour prendre connaissance des différences dans les calculs.
1.17.3 Procédures d’utilisation normalisées
1.17.3.1 Inspections pré-vol
Les procédures d’utilisation normalisées (SOP) de NT Air pour le Beechcraft King Air 100 suggèrent que le commandant de bord délègue l’inspection pré-vol de l’aéronef. Elles ne précisent pas en quoi consiste cette inspection, mais le manuel d’utilisation de l’aéronef du fabricant mentionne, à la section portant sur les procédures pré-vol normales, qu’il faut vérifier les quantités d’huile moteur et veiller à ce que le bouchon soit bien verrouillé (« Engine Oil – CHECK QUANTITY, CAP SECURE »).
1.17.3.2 Listes de vérifications
L’index des procédures de NT Air ne traite pas des fuites d’huile du moteur, mais la faible pression d’huile est mentionnée à la fois dans la liste de vérifications en situation anormale et dans la liste de vérifications en situation d’urgence(figure 1 et figure 2).
Les 2 listes de vérifications suggèrent de réduire la puissance, mais ni l’une ni l’autre ne met en garde le pilote concernant les risques liés au maintien de la vitesse minimale lorsque la puissance du moteur est réduite, l’hélice n’est pas mise en drapeau et une poussée asymétrique est appliquée. Toutefois, la liste de vérifications en situation d’urgence des appareils monomoteurs indique que 10 nœuds doivent être ajoutés à toutes les vitesses VREF.
1.17.3.3 Approches stabilisées
Les SOP traitent des approches stabiliséesNote de bas de page 12 une fois que l’aéronef a franchi le repère d’approche finale. Les SOP précisent également les critères d’une approche non stabilisée, et le moment où il est nécessaire d’interrompre l’approche. Toutefois, ces critères établissent des limites qui ne déclenchent la procédure d’approche interrompue qu’une fois que l’appareil a déjà dépassé les normes d’approche aux instruments établies dans les paragraphes précédents des SOP. Les SOP sont dépourvues de directives claires quant à la façon dont l’aéronef doit être configuré pour les 500 derniers pieds, ou sur ce qu’il faut faire lorsqu’une approche est encore instable lorsqu’il reste 500 pieds à parcourir, en particulier en situation anormale.
1.17.4 Formation sur les opérations aériennes
Les manuels de vol des aéronefs à turbopropulseur et les programmes de formation les concernant ne font aucune mise en garde sur l’application de la puissance sur un seul moteur lorsque le moteur opposé n’est pas mis en drapeau et la vitesse minimale de contrôle lorsqu’une hélice n’est pas mise en drapeau.
Tous les scénarios de formation qui concernent un moteur en panne informent clairement les pilotes qu’il y a une panne moteur ou qu’il est nécessaire de couper le moteur. Dans tous les cas, il est clair que les pilotes doivent mettre l’hélice en drapeau, sauf si l’aéronef est doté d’un système de mise en drapeau automatique. Toutes les mesures et les données sont ensuite fondées sur l’hypothèse selon laquelle l’hélice du moteur en panne a été mise en drapeau.
Aucun de ces scénarios de formation ne simule un aéronef en approche se déplaçant à faible vitesse et à faible puissance et dont le moteur critique (gauche) ne répond pas à une demande de puissance, tandis que l’autre moteur (droit) le fait. Le scénario de formation le plus approprié qui a été trouvé concernait une panne moteur durant une procédure d’approche interrompue. Ce scénario fournit également aux pilotes une solution claire qui comprend la mise en drapeau de l’hélice du moteur en panne.
1.17.5 Pratiques de l’entreprise en matière de maintenance
NT Air effectue la maintenance sur ses aéronefs à titre d’organisation de maintenance agréée (OMA). Dans le cadre des procédures de contrôle de la maintenance approuvées par TC, le directeur de la maintenance, en collaboration avec le responsable de la qualité, examine la pertinence de toutes les CN et de tous les bulletins de service. Les CN applicables sont obligatoires, mais les BS ne le sont pas.
Une des tâches comprises dans les listes de vérifications de la maintenance de nuit concerne la vérification du niveau d’huile moteur. Cela nécessite d’enlever le bouchon du réservoir d’huile moteur et de le remettre en place; cependant, rien n’est mentionné concernant la nécessité de vérifier que le bouchon est bien verrouillé. Il est difficile de voir le bouchon au moment de la fermeture du capot moteur (photo 5).
L’inspection de nuit sur l’aéronef en cause a été effectuée par un apprenti technicien d’entretien d’aéronef. Le technicien embauché par l’entreprise était un diplômé d’une école de formation technique. L’apprenti travaillait chez NT Air depuis environ 6 mois et avait effectué auparavant plusieurs centaines d’inspections de nuit semblables à celle-ci sans problème. Il était autorisé à effectuer cette inspection sans surveillance; toutefois, un titulaire d’une licence de technicien d’entretien d’aéronef (TEA) devait apposer sa signature afin de confirmer que l’inspection avait été effectuée, ce qui a été fait.
1.17.6 Système de gestion de la sécurité
L’entreprise disposait d’un système de gestion de la sécurité (SGS), mais il n’était ni exigé, ni approuvé par TC. Un processus de gestion de la sécurité entièrement fonctionnel devrait remettre en question et valider de façon rigoureuse toutes les hypothèses sous-jacentes concernant les risques pour la sécurité. Le SGS de l’entreprise n’a pas permis de relever les cas de bouchons de réservoir d’huile moteur laissés déverrouillés. Il n’a pas non plus amené l’entreprise à évaluer le bulletin de service ni à mettre en place des mesures d’atténuation des risques liés aux bouchons de réservoir d’huile moteur déverrouillés.
1.18 Renseignements supplémentaires
1.18.1 Préoccupations antérieures relatives aux incendies après impact
Des enquêtes antérieures effectuées par le BST ont déjà cerné les risques que posent pour la sécurité aérienne les incendies après impact. En outre, suivant l’étude de sécurité SII A05-11 réalisée par le BST en 2006, il a été conclu que des exigences concernant l’examen et l’adoption de mesures de prévention dans la conception des nouveaux aéronefs pourraient réduire considérablement les risques et la fréquence d’incendies après impact dans le cas d’accidents offrant des chances de survie. En conséquence, dans la recommandation A06-09, émise le 29 août 2006, le Bureau recommande que :
afin de réduire le nombre d’incendies qui se déclarent après des accidents offrant des chances de survie et mettant en cause de nouveaux avions de production ayant une masse inférieure à 5700 kg, Transports Canada, la Federal Aviation Administration et d’autres organismes de réglementation étrangers ajoutent dans les normes relatives à la définition de type des nouveaux avions :
- des méthodes visant à réduire le risque que des articles portés à haute température ne deviennent des sources d’incendie;
- des procédés techniques conçus pour neutraliser la batterie et le circuit électrique à l’impact pour empêcher les arcs électriques à haute température d’être une source d’incendie;
- des exigences imposant la présence de matériaux isolants protecteurs ou sacrificiels aux endroits exposés à la chaleur ou aux étincelles dues au frottement lors d’un accident pour empêcher les étincelles de frottement d’être une source d’incendie;
- des exigences en matière de résistance à l’écrasement du circuit carburant;
- des exigences voulant que les réservoirs de carburant soient situés le plus loin possible des parties occupées de l’aéronef et voulant que les conduites de carburant passent à l’extérieur des parties occupées de l’aéronef afin d’augmenter la distance entre les occupants et le carburant;
- de meilleures normes relatives aux issues, aux dispositifs de retenue et aux sièges afin d’améliorer les chances de survie et les possibilités d’évacuation des occupants.
TC a répondu à cette recommandation en novembre 2006 et en janvier 2007, mais étant donné que ces réponses ne comprennent aucune mesure précise ni mesure proposée qui pourrait réduire ou éliminer les risques associés à cette lacune, la réponse globale à la recommandation A06-09 a été évaluée comme non satisfaisante.
Le Bureau a également conclu qu’il existe un nombre important de petits aéronefs déjà en service, et que leurs moyens de défense contre les incendies après impact dans le cas des accidents offrant des chances de survie sont insuffisants et vont le demeurer jusqu’à la mise en place de mesures de prévention visant à réduire les risques. Dans le cas des petits aéronefs existants, les moyens les plus efficaces de prévention des incendies après impact consistent à éliminer les sources potentielles d’incendie, comme les articles à haute température, les arcs électriques à haute température et les étincelles dues au frottement, et à éviter tout déversement de carburant en préservant l’intégrité du circuit carburant, après un accident offrant des chances de survie. Les moyens techniques connus pour réduire la fréquence des incendies après impact en évitant l’inflammation et en confinant le carburant en cas d’accident pourraient être installés en rattrapage de façon sélective sur les petits aéronefs existants, y compris sur les hélicoptères certifiés avant 1994. En conséquence, dans la recommandation A06-10, émise le 29 août 2006, le Bureau recommande que :
afin de réduire le nombre d’incendies qui se déclarent après des accidents offrant des chances de survie mettant en cause de nouveaux avions de production ayant une masse inférieure à 5700 kg, Transports Canada, la Federal Aviation Administration et d’autres organismes de réglementation étrangers effectuent des évaluations des risques des éléments qui suivent afin de déterminer la faisabilité du montage en rattrapage sur les aéronefs existants :
- certains moyens techniques permettant d’éviter que des articles portés à haute température ne deviennent des sources d’incendie;
- des procédés techniques conçus pour neutraliser la batterie et le circuit électrique à l’impact pour empêcher les arcs électriques à haute température d’être une source d’incendie;
- la présence de matériaux isolants protecteurs ou sacrificiels aux endroits exposés à la chaleur ou aux étincelles dues au frottement lors d’un accident pour empêcher les étincelles de frottement d’être une source d’incendie;
- certains composants du circuit carburant résistant à l’écrasement capables de confiner le carburant.
TC a répondu à cette recommandation en novembre 2006 et en janvier 2007, mais étant donné que ces réponses ne comprennent aucune mesure précise ni mesure proposée qui pourrait réduire ou éliminer les risques associés à cette lacune, la réponse globale de TC à la recommandation A06-10 a été évaluée comme étant non satisfaisante.
Une étude similaire a été menée aux États-Unis par le National Transportation Safety Board (NTSB)Note de bas de page 13 en 1980; elle a donné lieu aux recommandations A-80-90 à A-80-95. Quatre de ces cinq recommandations sont maintenant classées avec la mention « Closed - Unacceptable Action » (fermé - mesure inacceptable). La seule qui est classée avec la mention « Closed - Acceptable Action » (fermé - mesure acceptable) est la recommandation A-80-094, qui stipule ce qui suit :
[traduction] Le NTSB recommande à la Federal Aviation Administration d’évaluer la possibilité d’exiger l’installation de certains composants de circuit carburant résistants aux impacts qui sont offerts par les fabricants sous forme de systèmes prêt-à-monter, dans les aéronefs existants de l’aviation générale dans le cadre d’activités de montage en rattrapage, et de promulguer les règlements appropriés.
La FAA a entamé le processus de réglementation en vue de la mise en place des normes pour les composants de circuit de carburant, mais le processus a été interrompu en raison des résultats de l’analyse coûts-avantages.
Bien que les sources de carburant soient difficiles à contenir, les sources d’incendie quant à elles sont peut-être plus faciles à isoler. Il existe plusieurs sources potentielles d’incendie en cas d’impact, comme la friction et la chaleur des composants, les étincelles créées au contact du métal et les arcs électriques. La source d’arc électrique peut être isolée, et l’industrie automobile mondiale a réussi à le faire en installant aux bornes de la batterie un petit interrupteur du détecteur d’écrasement, une solution simple et peu coûteuse. Ces dispositifs s’activent lorsque la décélération atteint un facteur de charge préétabli et déconnectent le courant de la batterie, ce qui coupe, de ce fait, l’alimentation du circuit électrique. Des discussions informelles tenues avec un important fabricant de batteries de l’industrie de l’aviation ont permis de conclure qu’il est possible de concevoir un interrupteur pour la batterie, et le montage en rattrapage sur les aéronefs serait facile (c.-à-d. qu’il suffirait de remplacer la batterie par une autre de nouveau type). Il est important de souligner que la mise hors circuit de la batterie désactiverait également les pompes carburant électriques d’appoint qui pourraient être actives. L’effet combiné d’un débit de carburant sous pression et d’une source d’inflammation continue peut provoquer un incendie qu’il est difficile d’éteindre.
1.19 Techniques d’enquête utiles ou efficaces
Un examen des images captées par les caméras de sécurité a permis de recueillir des renseignements sur la préparation de l’aéronef avant le vol.
2.0 Analyse
2.1 Généralités
À l’exception du bouchon de remplissage d’huile du moteur gauche qui était déverrouillé, l’examen de l’épave n’a révélé aucune condition mécanique préexistante ayant pu contribuer à l’accident. L’analyse qui suit est axée sur les facteurs humains, le pilotage de l’aéronef, les caractéristiques aérodynamiques de l’aéronef et les chances de survie après l’écrasement.
2.2 Fuite d’huile moteur
La feuille de vérification d’inspection de nuit B-100 de Northern Thunderbird Air (NT Air) ne fait pas explicitement mention du verrouillage du bouchon de réservoir d’huile moteur après la vérification du niveau d’huile et l’ajout d’huile, mais ce verrouillage est nécessaire. Il est probable que le bouchon n’a pas été verrouillé ou vérifié durant l’inspection de nuit.
Avant le vol, mais après que l’avion avait roulé pour faire embarquer les passagers à un autre concessionnaire de services aéronautiques, une flaque d’huile a été découverte sous le moteur gauche. L’équipage a pris connaissance de cette flaque d’huile, mais aucune autre mesure n’a été prise pour en déterminer la source. Lorsqu’un réservoir d’huile est trop rempli, l’huile s’en échappe, mais il n’a pas été possible de déterminer si, selon le commandant de bord, cela en était la cause.
L’enquête a permis de déterminer que, même si une quantité importante d’huile s’était échappée du moteur gauche parce que le bouchon de remplissage d’huile n’était pas verrouillé, il en restait suffisamment pour permettre au moteur et à l’hélice de fonctionner normalement.
2.3 Bulletin de service
La modification non obligatoire proposée dans le bulletin de service no 1506R2 de Pratt & Whitney Canada (P&WC) aurait pu limiter la perte d’huile du moteur gauche pendant le vol. La modification proposée dans le bulletin de service n’a pas été mise en œuvre, et aucune autre mesure n’a été prise pour atténuer les risques précisés dans le bulletin. Bien que le fabricant du moteur ait jugé qu’il y avait un nombre suffisant de cas de bouchons de réservoir d’huile moteur non verrouillés pour justifier la publication d’un bulletin de service, NT Air n’a soulevé aucune lacune liée à son exploitation; en outre, elle n’a pas mis en œuvre la modification et n’a pas abordé la question par l’entremise de son système de gestion de la sécurité (SGS).
2.4 Beechcraft King Air 100 de Northern Thunderbird Air – Procédures d’utilisation normalisées
Les procédures d’utilisation normalisées (SOP) de l’entreprise suggèrent que le commandant de bord délègue l’inspection quotidienne ou l’inspection pré-vol de l’aéronef. Cependant, le commandant de bord effectuait habituellement l’inspection pré-vol. Dans ce cas, le commandant de bord n’a pas effectué une inspection pré-vol complète, ce qui aurait dû lui permettre de déterminer que le bouchon d’huile n’était pas verrouillé.
L’équipage a examiné la liste de vérifications en cas de faible pression d’huile, mais n’a pas piloté l’aéronef selon la procédure d’approche avec un moteur, qui nécessitait d’augmenter la vitesse de référence d’atterrissage (VREF) de 10 nœuds.
Les SOP ne fournissaient pas de directives claires sur la stabilisation de l’aéronef avant 500 pieds au-dessus de la zone de toucher des roues, et en particulier en situation anormale. La vitesse VREF est calculée en supposant les pleins volets et, sur l’aéronef en cause, les volets étaient toujours en transition au moment de la perte de maîtrise. L’approche finale n’était pas stabilisée pour les 500 derniers pieds.
2.5 Décision relative au déroutement
Comme la fuite d’huile provenait du réservoir d’huile moteur, la pression d’huile n’a pas diminué immédiatement. S’il y avait eu une indication de baisse de pression d’huile, celle-ci serait passée d’une pression normale à aucune pression assez rapidement. Cette situation aurait permis au moteur touché de fonctionner normalement jusqu’à ce que plusieurs litres d’huile soient perdus. La décision du commandant de bord de revenir à l’aéroport international de Vancouver (CYVR) était raisonnable compte tenu de la position de l’aéronef (figure 7). Il n’était pas approprié d’effectuer une descente d’urgence, étant donné le problème. En utilisant un profil de descente normale à partir de 16 000 pieds, il aurait fallu éloigner l’aéronef en cause de l’aérodrome le plus proche (distance horizontale) (Pitt Meadows [CYPK]) ou faire descendre l’aéronef selon une trajectoire circulaire pour atteindre cet aérodrome. Le temps de vol vers les autres aérodromes n’était pas plus court, et CYVR était également le meilleur choix compte tenu des besoins opérationnels (aéroport d’attache).
2.6 Urgence ou non-urgence
Les membres de l’équipage du vol NT204 n’avaient aucune indication que le problème constituait une situation d’urgence, et il n’était pas normal de déclarer une urgence pour une fuite d’huile. Les pilotes devaient savoir que la fuite d’huile pouvait éventuellement causer un problème, et il est raisonnable de conclure que les pilotes auraient signalé une situation d’urgence si la pression d’huile avait chuté sous 40 livres par pouce carré.
Ce n’est que par hasard que le personnel du service de sauvetage et de lutte contre les incendies de Richmond a été informé de l’écrasement de l’aéronef par un témoin; les pompiers se sont ainsi rendus sur les lieux de leur propre chef environ 3 minutes après l’accident. Le personnel du service de sauvetage et de lutte contre les incendies de CYVR a réagi lorsque le contrôle de la circulation aérienne (ATC) a sonné l’alarme après l’impact, et est arrivé sur les lieux 4 minutes après l’écrasement.
2.7 Configuration et vitesses de contrôle de l’aéronef
Il n’y avait pas de vitesse minimale de contrôle publiée pour cet aéronef et cette configuration; selon toutes les informations disponibles, la vitesse devait être supérieure à 85 nœuds. Le commandant de bord a laissé l’aéronef ralentir sous la vitesse VREF de 99 nœuds. Le commandant de bord tentait possiblement de rejoindre la piste sans augmenter la puissance et de compromettre la vitesse pour maintenir une altitude.
Au cours de la phase finale de l’approche en vue de l’atterrissage, l’aéronef a ralenti sous la vitesse VREF et sous la vitesse minimale pour assurer la maîtrise directionnelle selon sa configuration. Le commandant de bord a pris les mesures nécessaires pour reprendre la vitesse VREF en augmentant la puissance; lorsque la puissance a été augmentée, il est probable qu’elle ait seulement été augmentée pour le moteur droit. Comme le moteur gauche était au ralenti et que l’hélice n’avait pas été mise en drapeau, l’aéronef a fait un mouvement de lacet vers la gauche en raison de la poussée et de la traînée asymétriques. La poussée asymétrique a été aggravée par le facteur P, puisque l’angle d’attaque a augmenté lorsque l’aéronef a ralenti. Étant donné que la vitesse anémométrique était faible, la gouverne de direction n’était pas suffisamment efficace pour arrêter le mouvement de lacet.
Ces effets combinés ont entraîné le mouvement de lacet vers la gauche, le mouvement de roulis et le piqué de l’aéronef.
Le commandant de bord a probablement voulu redresser l’appareil en réduisant la puissance du moteur droit. Cependant, l’altitude était insuffisante pour y parvenir avant de heurter le sol.
Les manuels de vol des aéronefs multimoteurs et les programmes de formation sur ces aéronefs ne font aucune mise en garde et n’indiquent pas les vitesses minimales de contrôle concernant le recours à la poussée asymétrique dans les situations où un moteur fonctionne à faible puissance ou l’hélice n’est pas mise en drapeau. Les pilotes risquent de ne pas anticiper le comportement d’un aéronef lorsque la poussée asymétrique est appliquée à une vitesse avoisinant la vitesse critique non publiée ou à une vitesse inférieure à cette dernière, et de perdre la maîtrise de l’aéronef.
2.8 Sécurité des passagers
L’exposé sur les mesures de sécurité donné aux passagers par le copilote avant le départ a permis à un des passagers d’ouvrir la porte, qui s’est avérée la seule issue possible. La porte était coincée, mais a finalement pu être ouverte de l’intérieur. L’hublot issue de secours était situé sur l’aile, et en raison de l’incendie qui s’était déclaré à l’extérieur à cet endroit, elle n’a pu être utilisée.
2.9 Incendie après impact
Les forces de l’impact ont brisé les conduites de carburant, et le carburant qui s’en est échappé a pris feu, ce qui a provoqué un incendie important et beaucoup de fumée. Certaines des zones ravagées par le feu correspondaient au parcours du câblage électrique principal de l’aéronef, possiblement parce que le câblage endommagé et alimenté par la batterie a entretenu le feu à ces endroits. Cette hypothèse est confirmée par les arcs électriques qui ont été observés jusqu’à ce que la batterie soit débranchée par les enquêteurs.
Bien que les sources de carburant soient difficiles à contenir, les sources d’incendie quant à elles sont plus faciles à isoler. Il existe plusieurs sources d’inflammation, comme la friction et la chaleur des composants ainsi que les étincelles créées au contact du métal et les arcs électriques. Comme l’a déjà soulevé l’étude de sécurité SII A05-11 du Bureau de la sécurité des transports (BST), si la conception des aéronefs n’est pas améliorée, le risque d’incendies après impact déclenchés par des arcs électriques, qui eux sont causés par des dommages à l’aéronef, demeure élevé.
Les risques de formation d’arcs électriques peuvent être atténués par des dispositifs qui s’activent lorsque l’accélération due à la pesanteur atteint un facteur de charge préétabli et qui déconnectent le courant de la batterie, ce qui coupe, de ce fait, l’alimentation du câblage électrique de l’appareil.
Très peu d’aéronefs sont dotés de dispositifs qui coupent l’alimentation de la batterie lorsqu’ils subissent des forces de décélération élevées. Sans système de débranchement automatique de la batterie à l’impact, il y a risque de blessures additionnelles causées par des incendies après l’impact.
2.10 Calculs de la masse et du centrage
Bien que l’aéronef ait décollé avec des valeurs de masse et de centrage qui étaient à l’intérieur des limites autorisées, les données utilisées par l’équipage étaient erronées. Il peut arriver que des aéronefs décollent avec des valeurs de masse et de centrage qui dépassent les limites autorisées lorsque des erreurs de calcul sont faites.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Durant la maintenance habituelle, il est probable que le bouchon du réservoir d’huile du moteur gauche n’a pas été verrouillé.
- L’aéronef n’a pas été soumis à une inspection pré-vol complète; par conséquent, le bouchon non verrouillé du réservoir d’huile moteur n’a pas été détecté, et une quantité importante d’huile s’est échappée du moteur gauche pendant le vol.
- Une modification non obligatoire visant à limiter la perte d’huile lorsque le bouchon d’huile du moteur n’est pas verrouillé n’avait pas été effectuée sur les moteurs.
- Après que l’aéronef a été déplacé, une fuite d’huile du moteur gauche a été signalée à l’équipage, qui n’en a pas déterminé la source avant le décollage.
- Durant l’approche finale, l’aéronef a ralenti pour atteindre une vitesse inférieure à la vitesse VREF. Lorsque la puissance a été appliquée, probablement seulement au moteur droit, la vitesse de l’aéronef n’était pas suffisante pour maintenir le contrôle directionnel; l’aéronef a donc fait des mouvements de lacet et de roulis vers la gauche et a piqué du nez.
- Une manœuvre de reprise, qui n’a été efficace qu’en partie, a probablement été tentée en réduisant la puissance du moteur droit; toutefois, l’altitude était insuffisante pour redresser l’aéronef complètement, et l’aéronef a heurté le sol.
- Le circuit carburant a été endommagé par l’impact. La friction avec le métal et possiblement le circuit électrique de l’aéronef ont déclenché des incendies.
- Le circuit électrique endommagé a continué d’être alimenté par la batterie, ce qui a entraîné la formation d’arcs électriques qui ont déclenché des incendies, dont celui dans le poste de pilotage.
- Les blessures subies par les pilotes et la plupart des passagers au moment de l’impact ont limité leur capacité de sortir de l’aéronef.
3.2 Faits établis quant aux risques
- Les manuels de vol des aéronefs multimoteurs et les programmes de formation sur ces aéronefs ne font aucune mise en garde et n’indiquent pas les vitesses minimales de contrôle concernant le recours à la poussée asymétrique dans les situations où un moteur fonctionne à faible puissance ou l’hélice n’est pas mise en drapeau. Les pilotes risquent de ne pas anticiper le comportement d’un aéronef lorsque la poussée asymétrique est appliquée à une vitesse avoisinant la vitesse critique non publiée ou à une vitesse inférieure à cette dernière, et de perdre la maîtrise de l’avion.
- Les procédures d’utilisation normalisées de l’entreprise étaient dépourvues de directives claires quant à la façon dont l’aéronef doit être configuré pour les 500 derniers pieds, ou sur ce qu’il faut faire lorsqu’une approche est encore instable lorsqu’il reste 500 pieds à parcourir, en particulier en situation anormale. Le risque que se produisent des accidents durant les approches non stabilisées à une altitude inférieure à 500 pieds au-dessus du niveau du sol a été démontré.
- Si la batterie n’est pas isolée après que l’aéronef a été endommagé, la batterie sous tension risque de déclencher des incendies en raison des arcs électriques qu’elle produit.
- Lorsque l’équipage utilise des données erronées pour calculer la masse et le centrage, il risque, par inadvertance, de piloter l’aéronef avec un centre de gravité qui est en dehors des limites permises.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
4.1.1 Northern Thunderbird Air inc.
Le 27 décembre 2011, Northern Thunderbird Air Incorporated a transmis à tous les employés, par l’entremise du Centre de formation en ligne, un avis concernant les pilotes qui décident de faire fonctionner les moteurs à turbine à puissance réduite (monomoteur). L’avis stipulait entre autres ce qui suit :
[traduction] Veuillez noter que si la puissance est réglée de manière à ce que le couple soit inférieur à 500 pi/lb sur le Beech 1900 et le Beech 100 et inférieur à 10 % sur le Beech 350, des mouvements de lacet indésirables ou intempestifs peuvent se produire lorsque la vitesse anémométrique diminue.
En outre, le 27 décembre 2011, l’entreprise a publié des procédures d’utilisation normalisées relatives au Beechcraft King Air 100, qui prévoient notamment ce qui suit :
[traduction] … une vitesse de 130 nœuds doit être maintenue jusqu’à ce que les conditions suivantes soient remplies :
- l’aéronef est en configuration d’approche finale en vue de l’atterrissage;
- l’aéronef est sur la pente d’approche finale vers la piste;
- les repères visuels de l’aéroport sont visibles;
- le pilote aux commandes prononce les mots « target VREF » (cible VREF).
4.1.2 Transports Canada
Transports Canada collabore avec le fabricant du moteur pour améliorer la mise en œuvre du bulletin de service no 1506R2 de Pratt & Whitney Canada afin d’atténuer les risques liés au non-verrouillage du bouchon de remplissage d’huile. Cette mise en œuvre pourrait comprendre l’obligation d’apporter la modification de conception proposée sur ce moteur et d’autres moteurs.
4.2 Préoccupations en matière de sécurité
4.2.1 Réduction des risques d’incendie après un écrasement
Cet accident met en lumière des problèmes à l’égard desquels le Bureau a déjà formulé des recommandations visant à réduire les risques d’incendie après un écrasement. En 2006, le Bureau de la sécurité des transports (BST) a mené une étude sur les incendies après impact (SII A05-01) qui a révélé que dans 128 cas sur 521, l’incendie ou l’inhalation de fumée avait contribué à des décès ou à des blessures graves. La plupart des accidents en question offraient par ailleurs des chances de survie.
Les sources courantes d’incendies dus à des articles à haute température sont les conduites d’échappement chaudes, les gaz et les flammes sortant de l’échappement du moteur ainsi que les pièces de moteur chaudes. Les accidents où une conduite d’échappement chaude est la source d’incendie probable ont causé 91 décès liés à l’incendie; 32 décès ont été attribués aux flammes et aux gaz d’échappement chauds, et 9, à des pièces de moteur chaudes. Les principaux moyens de défense pour empêcher que des articles portés à haute température ne deviennent une source d’incendie en cas d’accident consistent à protéger les pièces chaudes du moteur contre les liquides inflammables et à prévenir les déversements de carburant sur le moteur. À l’heure actuelle, aucune exigence de conception n’est prévue pour réduire le risque que des articles portés à haute température deviennent une source d’incendie après impact en cas d’accident de petit aéronef, et aucune exigence de conception n’est prévue pour se protéger contre ce risque.
Les arcs électriques, les fils électriques et les batteries sont également des sources d’incendie d’origine électrique courantes. Les accidents où des arcs électriques sont une source probable d’incendie ont causé 104 décès liés à l’incendie. Les arcs électriques ont été identifiés comme une source d’incendie après impact courante dans le cas d’accidents de petits aéronefs où il y a incendie après impact dans d’autres rapports et documents intéressant l’aviation, y compris dans le rapport du National Transportation Safety Board intitulé General Aviation Accidents: Postcrash Fires and How to Prevent or Control Them (NTSB-AAS-80-2) [accidents de l’aviation générale : comment prévenir ou maîtriser les incendies après impact]. Il n’y a aucune exigence réglementaire traitant spécifiquement de la présence de sources potentielles d’incendie d’origine électrique à proximité de matériaux combustibles ou de la maîtrise ou de la suppression des sources d’incendie d’origine électrique dans les accidents de petit aéronef.
Des étincelles dues au frottement se produisent lorsque des métaux ferreux, comme ceux utilisés dans les composants du train d’atterrissage, dans les tuyaux ou les conduites d’échappement ou encore dans les bâtis moteurs, entrent en contact avec une surface dure, comme des roches, du béton ou de l’asphalte. Les accidents où le frottement est la source d’incendie probable ont causé 58 décès liés à l’incendie. Le principal moyen de défense contre la chaleur et les étincelles générées par le frottement consiste à isoler les métaux ferreux producteurs d’étincelles avec des matériaux non ferreux ou à protéger d’une autre façon les composants pour les empêcher d’entrer en contact direct avec une surface dure au cours d’un accident. Aucune exigence de conception n’est prévue pour réduire le risque que le frottement devienne une source d’incendie après impact au cours d’un accident de petit aéronef ni pour se protéger contre ce risque.
En conséquence, le Bureau a émis les recommandations A06-09 et A06-10, le 29 août 2006, dans lesquelles il recommande que :
afin de réduire le nombre d’incendies qui se déclarent après des accidents offrant des chances de survie et mettant en cause de nouveaux avions de production ayant une masse inférieure à 5 700 kg, Transports Canada, la Federal Aviation Administration et d’autres organismes de réglementation étrangers ajoutent dans les normes relatives à la définition de type des nouveaux avions :
- des méthodes visant à réduire le risque que des articles portés à haute température ne deviennent des sources d’incendie;
- des procédés techniques conçus pour neutraliser la batterie et le circuit électrique à l’impact pour empêcher les arcs électriques à haute température d’être une source d’incendie;
- des exigences imposant la présence de matériaux isolants protecteurs ou sacrificiels aux endroits exposés à la chaleur ou aux étincelles dues au frottement au cours d’un accident pour empêcher les étincelles de frottement d’être une source d’incendie;
- des exigences en matière de résistance à l’écrasement du circuit carburant;
- des exigences voulant que les réservoirs de carburant soient situés le plus loin possible des parties occupées de l’aéronef et voulant que les conduites de carburant passent à l’extérieur des parties occupées de l’aéronef afin d’augmenter la distance entre les occupants et le carburant;
- de meilleures normes relatives aux issues, aux dispositifs de retenue et aux sièges afin d’améliorer les chances de survie et les possibilités d’évacuation des occupants;
et que :
afin de réduire le nombre d’incendies qui se déclarent après des accidents offrant des chances de survie mettant en cause de nouveaux avions de production ayant une masse inférieure à 5700 kg, Transports Canada, la Federal Aviation Administration et d’autres organismes de réglementation étrangers effectuent des évaluations des risques des éléments qui suivent afin de déterminer la faisabilité du montage en rattrapage sur les aéronefs existants :
- certains moyens techniques permettant d’éviter que des articles portés à haute température ne deviennent des sources d’incendie;
- des procédés techniques conçus pour neutraliser la batterie et le circuit électrique à l’impact pour empêcher les arcs électriques à haute température d’être une source d’incendie;
- la présence de matériaux isolants protecteurs ou sacrificiels aux endroits exposés à la chaleur ou aux étincelles dues au frottement lors d’un accident pour empêcher les étincelles de frottement d’être une source d’incendie;
- certains composants du circuit carburant résistant à l’écrasement capables de confiner le carburant.
Cette enquête a révélé que des circuits étaient alimentés par une batterie sous tension après que l’avion se soit immobilisé et que des zones comme le poste de pilotage, où le câblage électrique convergeait, ont été ravagées par le feu. Les 2 pilotes ont succombé à des brûlures. Des mesures additionnelles doivent être mises en œuvre pour réduire les risques associés aux incendies après impact.
Le Bureau craint que si Transports Canada ne prend aucune mesure pour appliquer les recommandations formulées dans l’étude de sécurité SII A05-1 du BST, publiée en 2006, les sources d’incendie continueront d’exister et le risque d’incendie après impact persistera.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le .
Annexes
Annexe A – Liste des rapports de laboratoire du BST
L’enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :
- LP 166/2011 – Instrument examination (examen des instruments)
Ce rapport peut être obtenu sur demande auprès du Bureau de la sécurité des transports du Canada.
Annexe B – Profil du dernier vol et événements connexes
Annexe C – Représentation agrandie de la trajectoire de l’approche finale
Annexe D – Calculs de masse et de centrage