Rapport d'enquête aéronautique A10O0240

Perte de maîtrise et collision avec le relief
du Bonanza F33A C–GSCZ
exploité par le Seneca College of Applied Arts and Technology
à 10 nm à l'est de l'aéroport municipal de Toronto/Buttonville (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Synopsis

    Vers 18 h 19, heure normale de l'Est, le Beechcraft F33A (portant l'immatriculation C–GSCZ et le numéro de série CE–1709) exploité par le Seneca College of Applied Arts and Technology (ci–après appelé le collège Seneca) décolle de l'aéroport municipal de Toronto/Buttonville à destination de l'aéroport de Kingston (Ontario), dans le cadre d'un vol selon les règles de vol à vue de nuit, avec à son bord un instructeur et deux élèves titulaires d'une licence de pilote professionnel. Les conditions météorologiques en route commencent à se détériorer et, alors que l'aéronef revient vers l'aéroport municipal de Toronto/Buttonville, on le voit en palier sur l'écran radar, en direction ouest, puis il vire au nord et se met en montée. Il vire ensuite brusquement à gauche et descend; le contact radar est perdu. On découvre l'aéronef plus tard dans un champ labouré, à quelque 10 milles marins à l'est de l'aéroport municipal de Toronto/Buttonville. Il est détruit par l'impact avec le sol, et les trois occupants subissent des blessures mortelles. Aucun incendie ne se déclare, et la radiobalise de repérage d'urgence ne se déclenche pas. L'accident survient vers 18 h 44, heure normale de l'Est, pendant les heures d'obscurité.

    Renseignements de base

    Déroulement du vol

    Ce vol visait à permettre aux élèves de voler de nuit selon les règles de vol à vue (VFR) jusqu'à l'aéroport de Kingston (CYGK) pour s'exercer à effectuer des approches selon les règles de vol aux instruments (IFR), avant de revenir à l'aéroport municipal de Toronto/Buttonville (CYKZ), plus tard en soirée. On avait convenu qu'un des élèves prendrait la place de gauche jusqu'à CYGK et que l'autre serait assis derrière. Ils devaient changer de place à CYGK et le deuxième élève devait effectuer des approches aux instruments simulées. Ils devaient reprendre leur place initiale pour le vol de retour. L'instructeur était le commandant de bord et il était assis à droite. L'aéronef a décollé de CYKZ vers 18 h 19 Footnote 1, alors que le premier élève était assis dans le siège de gauche, comme cela était prévu.

    À quelque 11 milles marins (nm) à l'est de l'aéroport d'Oshawa (CYOO), l'équipage de conduite a signalé la dégradation des conditions météorologiques, et il a décidé de revenir et d'effectuer une approche RNAV simulée à CYKZ.

    Pendant le vol de retour, des données radar ont révélé que C–GSCZ a maintenu une altitude de quelque 2300 pieds Footnote 2 au–dessus du niveau de la mer (asl) et une vitesse sol de 130 noeuds (vitesse indiquée (IAS) d'environ 115 noeuds) Footnote 3, sur une trajectoire de 260 degrés vrais Footnote 4. Pendant le vol, C–GSCZ a communiqué avec la tour de CYKZ pour demander l'autorisation d'effectuer une approche simulée par système de navigation de surface (RNAV) vers la piste 33. Comme l'instructeur a effectué la communication radio avec CYKZ, tout porte à croire que l'élève pilotait alors l'aéronef. Le contrôleur de la tour de CYKZ a autorisé l'approche en donnant à l'instructeur des directives l'enjoignant de poursuivre en VFR, de ne pas excéder 2500 pieds asl et de signaler son passage au point de cheminement LOBNI (voir l'annexe A). Au lieu de répéter cette autorisation ou d'en accuser réception d'une quelconque autre façon, comme l'aurait voulu la norme, l'instructeur a répondu [Traduction] « attendez ». Aucun autre message radio n'a été reçu en provenance de l'aéronef.

    Immédiatement après ce dernier message, le radar a décelé que l'aéronef amorçait un virage à droite en montée pour suivre une trajectoire de 330 degrés. Pendant la montée, l'IAS a chuté à environ 90 noeuds. L'avant–dernier contact radar a montré l'aéronef passant l'altitude de 2800 pieds asl en montée et virant vers l'ouest sur une trajectoire de 277 degrés, le tout accompagné d'une autre réduction de l'IAS à 50 noeuds. Au moment du dernier contact radar, vers 18 h 43, l'aéronef suivait une trajectoire de 211 degrés, passant les 2100 pieds asl en forte descente à une IAS à 90 noeuds qui allait en augmentant (voir la figure 1).

    La tour a demandé à un deuxième Bonanza du collège Seneca, en formation dans la région de l'aéroport CYOO, d'interrompre son entraînement et de se diriger vers l'ouest, dans la région où se trouvait C–GSCZ lors de son dernier contact avec la tour, mais ce deuxième Bonanza n'a pas été en mesure de repérer le premier. On a également dépêché un hélicoptère de police vers cette même région et, au moyen d'un phare de recherche, il est parvenu à repérer l'épave.

    Figure 1. Trajectoire de vol réelle
    Image
    Figure of Trajectoire de vol réelle

    Description et examen de l'épave

    On a retrouvé l'épave dans un champ labouré, dans une zone non résidentielle, à une altitude de 695 pieds asl. L'aéronef avait heurté le sol à l'endroit, dans un piqué de 40 degrés, creusant un cratère peu profond. Les ailes de l'aéronef avaient également heurté le sol et laissé sur ce dernier des marques indiquant qu'elles étaient presque à l'horizontale.

    L'aéronef s'était disloqué le long d'une trajectoire orientée à 303 degrés, avant de s'immobiliser à 350 pieds du point d'impact initial. Le sillon laissé par l'épave comportait plusieurs composants de la cellule, notamment l'hélice, des portes, des panneaux et des sièges. Le moteur était demeuré partiellement fixé à l'épave principale. Le stabilisateur gauche s'était détaché de l'empennage et il a été trouvé le long du sillon laissé par l'épave.

    La dérive et le stabilisateur droit étaient restés fixés à la partie arrière du fuselage qui s'était détachée. Les ailes s'étaient partiellement détachées, mais elles étaient demeurées à proximité de l'épave principale. La cabine de l'aéronef avait subi des dommages importants et elle avait perdu toute intégrité structurale. Les ferrures de fixation des ailes gauche et droite étaient restées fixées à la structure traversante. Au moment de l'impact, les ailes s'étaient rompues en surcharge à l'extérieur des ferrures de fixation. On a confirmé la continuité de tous les câbles des commandes de vol principales. Les volets et le train d'atterrissage étaient complètement rentrés. L'intégrité des sièges et des systèmes de retenue a été compromise pendant la séquence d'impact. Un examen global de l'épave a permis d'établir que l'aéronef était intact avant l'impact.

    En raison de l'étendue des dommages qu'ont subis les ailes, il a été impossible d'établir si la palette de décrochage était en bon état de service avant l'impact.

    L'examen des deux manches a permis d'en établir la position à bord de l'aéronef. On a retrouvé les deux manches le long du sillon de l'épave. Celui de gauche comportait peu de dommages comparativement à celui de droite. Les deux poignées de celui de droite s'étaient rompues en surcharge à la base.

    Par la suite, le moteur a été démonté et examiné. On n'a décelé aucun signe de défaillance interne du moteur avant l'impact. D'après les dommages qu'a subis l'hélice à pas variable, tout indique que le moteur générait de la puissance avant l'impact avec le sol. Les instruments moteur ne présentaient aucun indice permettant de connaître la puissance qui était générée au moment de l'impact.

    La radiobalise de repérage d'urgence (ELT) a subi des dommages à l'impact, et elle a été trouvée détachée de l'aéronef, dans le champ. Comme le câble de l'antenne s'était détaché de l'ELT, aucun signal n'a pu être émis.

    L'aéronef

    Ce F–33A Bonanza était un monoplan quadriplace à voilure basse équipé d'un train d'atterrissage escamotable, d'un moteur IO–520 d'une puissance de 285 hp construit par Teledyne Continental Motors et d'une hélice tripale Hartzell.

    D'après les dossiers, tout indique que l'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Il avait été construit en novembre 1992, et il était immatriculé au Canada au nom du collège Seneca depuis décembre 1992. La certification de l'aéronef permettait l'exploitation par un seul pilote, et le collège Seneca le jugeait approprié pour ses opérations de formation au pilotage. Au moment de l'événement, le collège Seneca exploitait 5 Beechcraft Bonanza F33A.

    L'aéronef était entretenu conformément à un programme d'entretien approuvé préconisant une inspection de vigilance continue. Il totalisait quelque 10 116 heures de vol. Sa plus récente inspection remontait à 8 jours avant l'événement, et il avait depuis totalisé 16 heures de vol. Les dossiers d'entretien ne font état d'aucune défectuosité différée, sauf en ce qui a trait au compensateur de tangage électrique, lequel avait été désactivé plus tôt au cours de l'année. Le compensateur de tangage manuel était utilisé pour faire fonctionner le système de compensation de tangage.

    L'aéronef était équipé de commandes de vol doubles permettant de le piloter à partir de l'une ou l'autre des deux places avant. La configuration du tableau de bord faisait en sorte que tous les instruments de vol se trouvaient du côté gauche, devant l'élève, les instruments moteur au centre et les radios ainsi que l'équipement de navigation, y compris le système mondial de positionnement (GPS), devant l'instructeur.

    L'aéronef n'était ni certifié ni équipé pour le vol dans des conditions de givrage, et seul le tube de Pitot situé sous le bord d'attaque de l'aile gauche était chauffé électriquement. La palette de décrochage, également située sur le bord d'attaque de l'aile gauche, n'était pas chauffée.

    L'aéronef était limité à une vitesse indiquée à ne jamais excéder de 196 noeuds; à la masse brute maximale de 3400 lb, l'aéronef décroche à une vitesse indiquée de 63 noeuds, lorsque les volets sont rentrés, et à une vitesse indiquée de 51 noeuds, lorsque les volets sont sortis. Le manuel d'utilisation de l'aéronef renferme une procédure d'urgence de réduction de la vitesse consistant à sortir le train d'atterrissage pour empêcher une accélération excessive, en cas de désorientation du pilote ou de perte de maîtrise de l'aéronef.

    Dispositif électrique de compensation de tangage

    Le 21 juin 2009, C–GSCZ avait été mis en cause dans un événement alors que 2 élèves avaient éprouvé de la difficulté à maîtriser le système électrique de compensation de tangage pendant une approche, le train d'atterrissage et les volets étant sortis. Le moteur de dispositif de compensation s'était mis en marche sans que les élèves ne l'activent, ce qui s'était traduit par un cabrage brusque de l'aéronef. Les deux élèves avaient dû conjuguer leurs efforts pour que l'aéronef demeure en palier. Le dispositif électrique de compensation de tangage avait fini par se mettre de lui–même hors tension, et l'aéronef avait atterri en toute sécurité. Pendant l'événement, l'interrupteur principal du dispositif électrique de compensation de tangage n'avait pas été fermé. Le personnel d'entretien n'avait pas été en mesure de reproduire cette défectuosité, mais, comme mesure de précaution, le collège Seneca avait désactivé les dispositifs électriques de compensation de tangage de tous ses Bonanza.

    Le Bureau de la sécurité des transports (BST) avait participé à l'enquête sur cet événement antérieur. Le moteur du dispositif électrique de compensation de tangage avait été récupéré et expédié au laboratoire technique du BST (événement A09O0133). Pendant l'examen, la seule défectuosité décelée avait été la rupture en fatigue de l'un des blindages magnétiques du solénoïde d'embrayage. Il avait été impossible d'établir si la rupture de ce blindage avait contribué à l'emballement du dispositif de compensation. Seul un court–circuit à l'intérieur de l'interrupteur de commande ou dans le câblage entre cet interrupteur et la servocommande aurait pu expliquer le fait que l'embrayage est resté enclenché. Cependant, le personnel d'entretien avait effectué plusieurs essais sans être en mesure de reproduire cette défectuosité. D'après les dossiers d'entretien, le dispositif électrique de compensation de tangage était demeuré désactivé sur cet aéronef.

    En raison de cet événement antérieur, le BST a examiné le reste des composants du dispositif de compensation. Le disjoncteur de ce dispositif, situé sur le tableau de bord secondaire droit, avait subi des dommages importants, et il était impossible d'en déterminer la position. Cependant, des essais effectués sur les autres composants du dispositif de compensation et sur le câblage de l'aéronef n'ont permis de déceler aucune anomalie qui pourrait laisser croire que le dispositif électrique de compensation était alimenté ou qu'il fonctionnait au moment de l'accident.

    L'expérience de vol de l'instructeur

    L'instructeur était certifié et qualifié pour le vol conformément à la réglementation en vigueur. Il était titulaire d'une licence de pilote professionnel annotée d'une qualification de vol aux instruments du groupe 1. Il était également qualifié pour piloter des aéronefs terrestres monomoteurs et multimoteurs. Il était diplômé du programme de pilotage du collège Seneca et il avait été embauché comme instructeur par ce dernier en juillet 2008. Depuis, il avait totalisé quelque 900 heures à titre d'instructeur. Un mois avant l'accident, on lui avait délivré une qualification d'instructeur de vol de classe 1.

    Un examen de son dossier de vol, lequel remontait à avril 2009, a permis d'établir qu'il totalisait 23,7 heures dans des conditions de vol de nuit. Depuis cette date, il avait totalisé 13,7 heures de vol consacrées à la formation au vol aux instruments, dont 2,7 dans des conditions de vol de nuit. Il avait totalisé toutes ses heures de vol aux instruments deux mois avant l'événement. Il totalisait 234,1 heures de vol sur le Bonanza F33A, dont 41,2 aux instruments et 3,1 de nuit.

    Le tableau 1 indique d'autres nombres totaux d'heures de vol tirés du carnet de vol de l'instructeur :

    Tableau 1. Nombres totaux d'heures de vol tirés du carnet de vol de l'instructeur
    Nombre total d'heures de vol Commandant de bord sur aéronefs monomoteurs Commandant de bord sur aéronefs multimoteurs Commandant de bord sur aéronefs monomoteurs de nuit Nombre réel d'heures de vol aux instruments Nombre total d'heures de vol aux instruments
    1254,3 1098,5 2,5 63,6 7 175 Footnote 5

    L'expérience de vol de l'élève

    L'élève aux commandes était titulaire d'une licence de pilote professionnel valide. Le tableau suivant indique l'expérience de vol de cet élève, en heures, incluant le nombre d'heures de vol qu'il totalisait avant sa participation au programme de pilotage du collège Seneca :

    Tableau 2. L'expérience de vol de l'élève avant sa participation au programme de pilotage du collège Seneca
    Nombre total d'heures de vol Commandant de bord sur aéronefs monomoteurs Vol de nuit sur le Bonanza F33A Commandant de bord sur le Bonanza F33A de jour Vol de jour en doubles commandes sur le Bonanza F33A Nombre total d'heures de vol aux instruments
    207,4 90,4 4 32 23 47

    Trajectoire de vol prévue

    L'aéronef devait demeurer dans des conditions VFR, monter jusqu'à 200 pieds et maintenir une altitude de 2500 pieds asl, en virant vers le sud pour amorcer la procédure d'approche RNAV vers la piste 33. En atteignant le point de cheminement VIGSA, l'aéronef aurait viré en direction nord, sur une trajectoire de 333° magnétiques. Une fois dépassé ce point de cheminement, l'aéronef aurait commencé à descendre jusqu'à 1500 pieds asl et, en survolant le point de cheminement LOBNI, il aurait établi un contact avec la tour de Buttonville. Il s'agit d'une procédure normalisée publiée pour une approche RNAV (GNSS) Footnote 6 vers la piste 33 que l'aéronef comptait effectuer.

    Les données radar indiquent qu'après avoir reçu l'autorisation de la tour, l'aéronef se trouvait en position de remontée en virage à droite vers le nord. Lorsque l'aéronef est monté de quelque 2300 à 2800 pieds asl, son IAS a chuté de 115 à 60 noeuds. L'aéronef a alors commencé à s'incliner vers la gauche, mais sa vitesse a chuté encore jusqu'à 50 noeuds. Il a alors subi une perte rapide d'altitude et une augmentation de vitesse tout aussi rapide. Le dernier contact radar avait montré l'aéronef à une altitude d'environ 2100 pieds asl qui descendait rapidement à 9600 pieds par minute et atteignait 140 noeuds en accélération.

    En supposant une vitesse constante de descente de quelque 9600 pieds par minute, il aurait fallu 8,6 secondes pour atteindre le relief.

    Décrochage en virage

    Lorsqu'un aéronef se trouve dans un virage en montée, la plus haute aile se trouve à un angle d'attaque plus élevé que la plus basse. Si l'aéronef s'approche de la vitesse de décrochage, la plus haute aile décrochera en premier et fera virer l'aéronef dans la direction de la plus haute aile. La puissance moteur se traduit par un plus grand écoulement d'air sur les sections intérieures de l'aile pendant l'approche de décrochage, ce qui cause un décollement tardif des filets d'air comparativement aux sections extérieures où se trouvent les ailerons. La section extérieure décroche avant la section intérieure et, s'il y a asymétrie entre les ailes, l'enfoncement de l'aile est plus prononcé. La manoeuvre de vol observée sur le radar, soutenue par des calculs techniques, supposait un décrochage de l'aile.

    Conditions météorologiques

    À 19 h la soirée de l'accident, CYKZ, qui se trouvait à quelque 10,5 nm à l'ouest des lieux de l'accident, a signalé les conditions météorologiques suivantes : vent du 280° à 6 noeuds et visibilité de 15 milles, quelque nuages à 2000 et 5000 pieds, température de 2,3 °C et point de rosée de −0,6 °C. À 20 h, les conditions météorologiques suivantes prévalaient : vent du 300° à 4 noeuds, visibilité de 15 milles, quelques nuages à 2000 et 22 000 pieds, température de 1,4 °C et point de rosée de −0,8 °C.

    Les prévisions pour CYKZ pendant la période visée étaient les suivantes : vent du 300° à 5 noeuds, visibilité de plus de 6 milles, quelques nuages à 3000 pieds et nuages fragmentés à 6000 pieds. Les prévisions qui faisaient état d'une visibilité temporairement réduite de 5 milles, dans des averses de pluie de faible intensité et de la brume, de nuages fragmentés à 2000 pieds et d'un vent du 330° à 10 noeuds soufflant en rafale à 20 noeuds devaient se terminer environ 2 heures avant l'événement. La dernière partie de la période des prévisions annonçait les conditions météorologiques suivantes : vent du 320° à 5 noeuds, visibilité de plus de 6 milles et quelques nuages à 3000 pieds.

    À 19 h la soirée de l'événement, CYOO, qui se trouvait à quelque 10,4 nm à l'est des lieux de l'événement, a signalé les conditions météorologiques suivantes : vent du 310° à 5 noeuds et visibilité de 9 milles, nuages épars à 3600 pieds et nuages fragmentés à 4500 pieds, température de 1 °C et point de rosée de 1 °C.

    Les 4 observations météorologiques spéciales suivantes avaient été signalées pour CYOO :

    • À 19 h 19 : vent du 340° à 6 noeuds variant du 290° au 350°, visibilité toujours de 9 milles, nuages épars à 1500 pieds, nuages fragmentés à 2400 et 3600 pieds, température et point de rosée toujours à 1 °C.
    • À 19 h 23 : vent du 320° à 5 noeuds, visibilité de 9 milles, nuages épars à 1500 et 2000 pieds, nuages fragmentés à 2600 et 3400 pieds, température de 2 °C et point de rosée de 2 °C.
    • À 19 h 32 : vent du 320° à 5 noeuds, visibilité de 9 milles, nuages épars à 1700 pieds, nuages fragmentés à 2200, 2900 et 3900 pieds, température de 2 °C et point de rosée de 2 °C.
    • À 19 h 33 : vent du 310° à 6 noeuds, visibilité de 9 milles dans de la pluie de faible intensité, nuages épars à 1700 pieds, nuages fragmentés à 2200 et 2700 pieds, couvert nuageux à 3700 pieds, température de 2 °C et point de rosée de 2 °C.

    À 20 h, les observations météorologiques régulières pour CYOO faisaient état des conditions météorologiques suivantes : vent du 350° à 5 noeuds, visibilité de 9 milles dans de la pluie de faible intensité, couvert nuageux à 1400 pieds, température de 2 °C et point de rosée de 2 °C.

    Il n'y avait pas de prévision d'aérodrome pour CYOO.

    Figure 2. Lieux de l'accident et conditions météorologiques
    Image
    Figure of Lieux de l'accident et conditions météorologiques

    Le radar d'Environnement Canada signalait des précipitations sous forme de pluie se déplaçant vers le sud, du lac Huron vers le lac Ontario. Les prévisions de zones graphiques (GFA) sur les nuages et les prévisions météorologiques pour la région de l'Ontario, en vigueur à 19 h, faisaient état des conditions météorologiques suivantes : cumulus bourgeonnants isolés, visibilité de 2 milles terrestres dans des averses de neige de faible intensité avec un plafond à 1000 pieds agl au–dessus et aux abords du lac Huron. Les GFA, publiées à 12 h 42 et en vigueur à 19 h sur le givrage, la turbulence et le gel, n'indiquaient aucun givrage prévu et elles faisaient état d'un isotherme zéro degré à 2500 pieds asl. Les deuxièmes GFA, publiées à 18 h 32 et en vigueur à 19 h, indiquaient un givrage mixte modéré entre 3000 et 9000 pieds asl. Ces prévisions n'étaient pas disponibles avant que l'aéronef ne décolle de CYKZ. Même si l'aéronef n'avait reçu aucun PIREP avant l'accident, les aéronefs qui se trouvaient à proximité et à une altitude de 2500 pieds agl étaient aux prises avec des conditions de givrage modéré dans un mélange de précipitations, ainsi qu'avec une température de quelque −2 °C.

    Même si les aéroports CYKZ et CYOO faisaient état de conditions météorologiques VFR, des bulletins sur les conditions météorologiques au sol faisaient état d'un mélange de pluie et de neige ainsi que de températures propices au givrage à mi–distance entre ces deux aéroports.

    L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

    • LP162/2010 – Instrument Analysis (Analyse des instruments)
    • LP164/2010 – Radar and ATC Synchronization (Synchronisation des données radar et ATC)
    • LP191/2010 – Aircraft Performance Analysis (Analyse des performances de l'aéronef)

    Analyse

    L'analyse portera sur les conditions environnementales qui prévalaient sur les lieux de l'événement, et elle fournira un scénario plausible quant à l'écart de la trajectoire de vol qui a mené à la perte de maîtrise en direction de l'aéronef et à sa descente rapide sans sortie de décrochage avant l'impact.

    La dégradation des conditions météorologiques en route a incité l'équipage de conduite à annuler le vol prévu à destination de CYGK et à retourner vers CYKZ. D'après les données radar et les communications vocales enregistrées, tout indique que le vol de retour était normal jusqu'au virage à droite en montée. Pendant ce virage, on a laissé la vitesse diminuer, ce qui laisse croire que l'on n'a pas augmenté la puissance moteur pour maintenir une vitesse de sécurité. L'aéronef a effectué un virage serré à gauche, à une vitesse de descente élevée. La manoeuvre de vol observée sur le radar et soutenue par des calculs techniques indique un décrochage de l'aile gauche, suivi d'un enfoncement brusque de cette dernière. Le décrochage brusque de l'aile pourrait avoir été amplifié par tout givrage de la cellule qui se serait accumulé sur les ailes.

    Les renseignements météorologiques provenant des autres aéronefs qui se trouvaient à proximité ainsi que d'observations au sol indiquent que les conditions météorologiques locales, qui faisaient état de pluie, de neige et de pluie verglaçante, étaient assez différentes des conditions météorologiques signalées à CYOO ou à CYKZ. Il est possible que l'équipage ait choisi de dévier vers le nord pour éviter ces conditions météorologiques inattendues. En outre, ces conditions météorologiques et l'obscurité ont peut–être contribué à limiter le repérage des références visuelles extérieures.

    Même s'il est impossible de valider qui se trouvait aux commandes de l'aéronef au moment de l'accident, il est logique de présumer que l'élève était aux commandes de l'aéronef pendant que l'instructeur demandait l'autorisation d'approche. Lorsque l'aéronef a décroché, l'instructeur aurait tenté d'en reprendre la maîtrise. La rapidité du décrochage, la vitesse pendant la descente et l'altitude insuffisante disponible ont empêché une sortie complète du décrochage avant que l'aéronef ne heurte le sol. Une référence visuelle limitée en raison des conditions météorologiques qui prévalaient et l'absence d'instruments de vol du côté droit du tableau de bord aurait aggravé la situation.

    En supposant une vitesse de descente constante de 9600 pieds par minute, on peut calculer que quelque 8 secondes se sont écoulées entre la perte de maîtrise de l'aéronef et le moment où ce dernier a heurté le sol. Les marques d'impact au sol montrent que, même si l'aéronef était en piqué, il était presque à l'horizontale, ce qui laisse croire qu'il y avait eu amorce de sortie de décrochage, mais que l'altitude et la vitesse de descente excessive avaient empêché une sortie complète du décrochage.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Après avoir été confronté à des conditions météorologiques défavorables, l'aéronef a amorcé un virage à droite en montée au cours duquel la puissance moteur ne semble pas avoir augmenté et la vitesse a diminué. On a laissé augmenter l'angle d'attaque de l'aile gauche jusqu'à ce que cette dernière décroche et s'enfonce de façon inattendue.
    2. L'emplacement des instruments de vol a nui à l'instructeur, assis à droite, puisqu'il ne pouvait pas les voir et ainsi réagir à ce qu'ils indiquaient. Conséquemment, l'instructeur n'a pu reprendre la maîtrise de l'aéronef avant que ce dernier ne percute le sol dans un impact n'offrant aucune possibilité de survie.

    Mesures de sécurité

    Pour améliorer la sécurité aérienne, le collège Seneca a apporté les modifications suivantes à son programme de formation :

    • Exposé météorologique de groupe – Tous les instructeurs et les élèves qui piloteront dans le cadre d'un quart en particulier y assistent, ce qui permet d'assurer que tous ont pris connaissance des conditions météorologiques avant de décoller. La seule exception à cette règle est lorsqu'un étudiant effectue un test en vol de Transports Canada au cours duquel il sera noté par un examinateur pour avoir vérifié les conditions météorologiques.
    • Formation périodique des instructeurs sur la perte de maîtrise – Tous les instructeurs doivent suivre une formation sur la perte de maîtrise à bord des dispositifs de formation au vol du collège Seneca, formation qui vise à aider les instructeurs à reprendre la maîtrise d'un aéronef et à sortir d'une assiette inhabituelle, dans toutes circonstances. Cette formation se donne avec certains instruments de vol en panne.
    • Exposé au sol sur le vol de nuit s'adressant aux instructeurs – Séance de formation périodique sur le vol de nuit.
    • Exposé météorologique s'adressant aux instructeurs – Séance de formation périodique sur les conditions météorologiques menaçantes, spécifiquement sur le givrage.
    • Exposé sur la désorientation spatiale s'adressant aux instructeurs – Séance de formation périodique passant en revue différents types d'illusions et de mesures préventives.
    • Formation de familiarisation étendue des nouveaux instructeurs – Les nouveaux instructeurs doivent posséder une liste de vérification de familiarisation étendue qu'ils remplissent lorsqu'ils commencent à enseigner au collège.
    • Le programme de formation en aéronautique du collège Seneca est divisé en différents volets. On est en train de mettre au point un programme de formation étendue pour les instructeurs commençant leur formation dans un nouveau volet du programme fondé sur leur expérience antérieure.
    • Des indicateurs d'assiette de secours doivent être installés dans les aéronefs – On prévoit l'installation d'indicateurs d'assiette de secours dans tous les aéronefs qui en ont besoin, au cas où il y aurait une panne de l'indicateur d'assiette principal; on pourrait alors utiliser l'indicateur d'assiette de secours pour faciliter le pilotage de l'aéronef.

    Le collège Seneca a instauré les limites de pilotage d'aéronefs monomoteurs de nuit suivantes :

    • Tous les vols de nuit doivent s'effectuer seulement dans des conditions météorologiques VFR.
    • La formation au vol aux instruments ou IFR peut être effectuée de nuit, mais uniquement en VMC.
    • Les plans de vol VFR doivent être déposés de nuit en dehors du circuit (aucun dépôt de plan de vol IFR, même en VMC).
    • La visibilité signalée et prévue ne doit pas être inférieure à 6 milles terrestres. La limite autorisée demeure conforme à la section 2.6 du Manuel d'exploitation du Collège.
    • Il ne doit y avoir aucune précipitation visible ou prévue dans la région d'exploitation lorsqu'un aéronef vole à des températures jusqu'à concurrence de 5 °C (à l'altitude de vol).
    • Aucun observateur n'est permis à bord d'un aéronef effectuant un vol de formation de nuit, c'est–à–dire un seul élève et un seul instructeur. Les leçons combinées auxquelles participent plus d'un élève seront limitées aux vols de jour.
    • Toute exception à cette politique sera accordée au cas par cas, à la seule discrétion du CIV ou de son représentant.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

    Annexes

    Annexe A – Carte d'approche RNAV de la piste 33

    (Ce document n'existe pas en français)

    NE PAS UTILISER À DES FINS DE NAVIGATION

    Annexe B – Prévisions de zones graphiques

    (Ces documents n'existent pas en français)