Impact avec un plan d'eau
du Cessna 414A C-GENG
à 13 nm à l'est-nord-est de Sydney (Nouvelle-Écosse)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Synopsis
Le Cessna 414A de propriété privée immatriculé C-GENG et portant le numéro de série 414A0288 effectue un vol de l'aéroport municipal de Toronto / Buttonville (Ontario) à Sydney (Nouvelle-Écosse). Le vol se déroule en vertu d'un plan de vol aux instruments et il y a à bord le commandant de bord et le propriétaire de l'avion. Lorsqu'il est près de Sydney, l'avion est autorisé à effectuer une approche aux instruments. À l'approche finale, le pilote reçoit comme consigne d'interrompre l'approche en raison de trafic en conflit. Pendant les manœuvres pour la seconde approche, l'avion quitte le vol stabilisé, entre dans une descente rapide et percute la surface de l'eau à 23 h 35, heure avancée de l'Atlantique. L'épave est retrouvée sous l'eau à l'aide d'un sonar à balayage latéral 11 jours plus tard, à 170 pieds de profondeur. L'avion est détruit par l'impact et les deux occupants sont tués dans l'accident. Aucune transmission n'est reçue de la radiobalise de repérage d'urgence.
Renseignements de base
Déroulement du vol
Le propriétaire avait récemment acheté l'avion en question et il en prenait possession le jour de l'accident à l'aéroport municipal de Toronto / Buttonville. Le propriétaire n'avait aucune expérience à titre de commandant de bordFootnote 1 sur un appareil multimoteur; la compagnie d'assurance a donc exigé qu'un pilote plus expérimenté pilote l'avion avec lui pendant 20 heures. Le propriétaire a demandé à un pilote ayant de l'expérience sur Cessna 340 et quelques heures sur appareil multimoteur d'agir à titre de commandant de bord. Ce dernier n'avait jamais piloté de Cessna 414 auparavant.
Lorsqu'un pilote privé reçoit une qualification multimoteur, il peut piloter tout aéronef multimoteur qui n'est pas à hautes performancesFootnote 2 en vertu de la qualification générale.
À Buttonville, le commandant de bord a suivi une formation de familiarisation au sol de 1,5 heure sur le Cessna 414A. La formation a eu lieu à bord de l'avion, sans climatisation et par une température extérieure dépassant les 30 °C dans des conditions d'humidité élevée. Il a effectué un vol d'une heure avec le pilote vérificateur, le propriétaire étant assis à l'arrière de l'avion et la climatisation fonctionnant durant le vol. Le vol a eu lieu dans des conditions météorologiques de vol à vue (VFR) dans de la turbulence légère à modérée. La formation portait sur les virages serrés, le vol lent et le fonctionnement du pilote automatique. Le décrochage aérodynamique n'a pas été pratiqué en raison de la turbulence. Il n'y a eu aucune défectuosité de l'avion durant le vol.
À la suite de la formation de familiarisation, le commandant de bord et le propriétaire ont quitté l'aéroport municipal de Toronto / Buttonville à 19 h 30Footnote 3 (18 h 30, heure locale) pour se rendre à Sydney selon les règles de vol aux instruments (IFR). Le carnet technique et les autres documents de l'avion étaient à bord de l'avion lors du départ de Buttonville. Le vol s'est déroulé sans problème jusqu'à l'approche de l'aéroport J.A. Douglas McCurdy de Sydney. L'avion se maintenait à 4000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) lorsque le centre de contrôle régional (ACC) de Moncton l'a autorisé à effectuer une approche RNAV (GNSS)Footnote 4 de la piste 25 en passant par le point de cheminement initial OBVUP (voir l'annexe A).
C'est le commandant de bord qui communiquait par radio durant l'approche RNAV. À 23 h 24, l'ACC de Moncton a annulé l'autorisation d'approche et signalé à l'avion de prévoir un circuit d'attente au point de cheminement d'approche finale (EBLUG) parce qu'un aéronef commercial atterrissait sur la piste 07. Il lui a également indiqué de ralentir pour tenter d'éviter le circuit d'attente. L'avion n'a pas ralenti. Environ 1 minute plus tard, l'avion s'est de nouveau fait demander de réduire sa vitesse pour éviter le circuit d'attente et il ne l'a toujours pas réduite. À 23 h 26 min 45, l'ACC de Moncton a indiqué à l'avion d'effectuer un virage à droite (nord) et de retourner à OBVUP en raison du trafic à l'atterrissage. L'avion a effectué un virage à gauche (sud).
Après que l'avion a viré à gauche, la trajectoire de vol est devenue erratique (voir la figure 1). L'avion a changé de cap à plusieurs reprises et connu des écarts d'altitude atteignant 500 pieds, ce qui correspond à un pilotage manuel (peut-être pendant que l'on reprogrammait le GPS). Durant cette période, la vitesse indiquée n'a pas changé de manière importante. La trajectoire de vol erratique a continué pendant plus de 4 minutes au cours desquelles les communications radio ont été maintenues avec l'ACC de Moncton et la radio de CharlottetownFootnote 5.
À 23 h 28, l'ACC de Moncton a offert à l'avion d'effectuer l'approche RNAV (GNSS) de la piste 25 par le point de cheminement d'approche initial sud (LERES) et indiqué à l'avion de descendre à 3000 pieds asl. Le pilote a accusé réception, mais il a décliné l'offre; l'avion n'est pas descendu. À 23 h 29 min 6, après que l'autre avion a atterri et libéré la piste, l'ACC de Moncton a de nouveau indiqué au pilote de descendre à 3000 pieds asl. Le pilote a encore accusé réception des instructions, mais l'avion n'a pas descendu.
Le pilote a obtenu une nouvelle autorisation d'effectuer l'approche RNAV (GNSS) de la piste 25 en empruntant OBVUP, mais il n'a pas accusé réception. À 23 h 29 min 40, l'ACC de Moncton a de nouveau communiqué avec le pilote pour l'autoriser à effectuer l'approche RNAV; le commandant de bord a répondu en citant l'indicatif d'appel de son appareil personnel. À 23 h 33, l'avion apparaissait au radar en direction d'OBVUP.
À 23 h 33 min 9, l'ACC de Moncton a offert de communiquer au commandant de bord des vecteurs radar pour les pistes 25 ou 07. Le pilote les a refusés et a indiqué que l'avion se redirigeait directement vers OBVUP. L'altitude et le cap de l'avion étaient stables, ce qui indique que le pilote automatique fonctionnait. La trajectoire de l'avion jusqu'à OBVUP formait un angle d'approche d'environ 130° avec OBVUP-GAGBU. L'ACC de Moncton a indiqué au pilote de demander des vecteurs radar s'il le préférait, et de communiquer avec la radio de Charlottetown. À 23 h 34 min 37, le pilote a communiqué avec la radio de Charlottetown et il a reçu les conditions météorologiques locales. Il s'agit de la dernière communication radio de l'avion. À 23 h 35 min 36, l'avion était observé pour la dernière fois sur le radar et amorçait un virage à droite avant de descendre rapidement. L'avion a percuté l'eau dans une assiette quasi verticale à haute vitesseFootnote 6.
Le commandant de bord
Le commandant de bord a commencé sa formation au pilotage en 2000 et il était titulaire d'une licence de pilote privé assortie des qualifications multimoteur et IFR de groupe 1. La qualification IFR a été renouvelée le 7 juin 2009. Il détenait un certificat médical de catégorie 1 délivré en mars 2010 et il avait indiqué sur le document médical qu'il avait accumulé 530 heures de vol, dont 100 au cours des 12 derniers mois. Le commandant de bord a suivi une formation au sol sur le vol dans les régions montagneuses en mai 2002 et une formation au sol de mise à jour en mars 2003. Les deux formations théoriques étaient offertes par l'aéroclub de Calgary et comprenaient des volets sur les facteurs humains et la prise de décision par les pilotes. En décembre 2007, il a suivi une formation au sol de licence de pilote professionnel qui comprenait des volets sur la gestion des ressources de l'équipage, la liste d'équipement minimale et l'évitement des impacts sans perte de contrôle. En septembre 2009, il avait accumulé 21 heures de formation au vol pour l'obtention d'une licence de pilote professionnel. Il était propriétaire d'un Cessna 340 bimoteur depuis 2008. La compagnie d'assurance a estimé qu'il était suffisamment expérimenté pour agir à titre de commandant de bord et de pilote chargé du convoyage à bord de l'avion en question.
L'expérience du commandant de bord sur l'avion en question et ses systèmes se limitait à la formation qu'il a reçue à Buttonville et à la durée du vol en question. Il n'était pas familiarisé avec les dispositifs GPS posés sur l'avion et il n'avait jamais piloté jusqu'à l'aéroport de Sydney. Le commandant de bord préférait ne pas voler par mauvais temps ou la nuit. Lorsqu'il volait avec un autre pilote, il laissait souvent l'autre pilote aux commandes de l'appareil.
Propriétaire de l'avion
Le propriétaire a commencé sa formation au pilotage en 1993 et il était titulaire d'une licence de pilote privé assortie d'une qualification multimoteur. Il avait suivi une formation théorique de licence de pilote professionnel en octobre 2003, laquelle comprenait des volets sur les facteurs humains et la prise de décision par les pilotes. Son expérience sur multimoteur se limitait à 15 heures de formation au vol sur bimoteur avant août 2008. Il détenait un certificat médical de catégorie 3 délivré en mars 2010 et il avait indiqué sur le document médical qu'il avait accumulé 460 heures de vol, dont 50 au cours des 12 derniers mois. En février 2010, il totalisait 25 heures de formation sur le vol aux instruments sous une visière et, du 2 au 22 juin 2010, 6,7 heures en simulateur.
Le propriétaire n'a pas suivi de formation sur l'avion en question ou sur ses systèmes. Il était propriétaire d'un Cessna 182 monomoteur depuis 2003, et il avait volé jusqu'à l'aéroport de Sydney quelques fois, mais seulement durant les heures de clarté. Lorsqu'il volait avec d'autres pilotes, il préférait être le pilote aux commandes de l'appareil, surtout s'il s'agissait du sien.
Activités de l'équipage
Durant les jours précédant le vol en question, le commandant de bord et le propriétaire n'ont pas dévié de leur routine normale.
Le matin du jour de l'événement, le commandant de bord et le propriétaire ont quitté Calgary (Alberta) à 10 h (7 h, heure locale) à bord d'un vol commercial et sont arrivés à Toronto (Ontario) à environ 13 h 40 (12 h 40, heure locale). En se fondant sur une estimation prudente du temps requis pour se rendre à l'aéroport de Calgary, en plus de l'heure d'attente nécessaire entre l'arrivée à l'aéroport et le départ, il est probable qu'ils se sont réveillés, au plus tard, à 8 h (5 h, heure locale). Au moment de l'événement, ils auraient été en voyage depuis plus de 15 heures. Il existe des exigences liées aux durées de jour de service s'appliquant aux pilotes professionnels dans le Règlement de l'aviation canadien (RAC 720.15). Cependant, il n'en existe pas en ce qui concerne les pilotes privés.
Le commandant de bord était l'administrateur d'une entreprise qui avait prévu tenir une réunion du conseil d'administration à Sydney, le 7 août 2010. D'autres réunions étaient prévues avec des investisseurs le 6 août 2010 dans la région de Sydney. L'entreprise avait acheté des billets sur un vol commercial pour le commandant de bord, mais il les avait refusés en indiquant qu'il allait aider un ami à convoyer un aéronef et qu'il serait tout de même là le matin du 6 août 2010.
Renseignements sur l'aéronef
Le Cessna 414A est un bimoteur pressurisé à aile basse muni d'un train tricycle escamotable (voir la photo 1). L'avion en question avait subi une conversion RAM Series IV, laquelle comprenait l'amélioration du rendement des moteurs et la pose de générateurs de tourbillons sur l'aile visant à augmenter les performances et la charge utile de l'appareil. L'avion était équipé et certifié pour les opérations IFR.
Deux GPS, un Garmin 430 et un King KLN 90B, avaient été posés sur le tableau de bord de l'avion pour la navigation et les approches IFR approuvées. Un interrupteur monté sur le tableau de bord pouvait sélectionner l'un des GPS et le connecter au pilote automatique Bendix. Le Cessna 414A possède des commandes doubles et peut être piloté à partir de l'un ou l'autre des sièges avant.
Les dossiers indiquent que l'avion était certifié et équipé conformément à la réglementation en vigueur. Les dossiers de l'avion étaient à bord de l'appareil. Des exemplaires des documents des plus récents travaux de maintenance se trouvaient aux installations de maintenance de Buttonville. Après consultation, rien n'indique que l'avion comportait des défectuosités connues avant le vol en question. Le 27 juillet 2010, la chaufferette à combustion a été déposée et révisée, et a été mise à l'essai avant d'être réinstallée. La masse et le centrage étaient situés à l'intérieur des limites prescrites au moment de l'accident. Il y avait une quantité suffisante de carburant à bord pour effectuer le vol prévu. L'avion n'était pas équipé d'enregistreurs de bord, la réglementation ne l'exigeant pas (RAC 605.33). L'avion était équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) Artex de modèle ME-406. Cette dernière n'a pas été récupérée.
Conditions météorologiques
Au moment de l'accident, les conditions météorologiques dans la région étaient les suivantes : vent soufflant du 200° vrai (V) à 8 nœuds, visibilité de 12 milles terrestres (sm), plafond avec nuages fragmentés à 700 pieds au-dessus du sol (agl), plafond avec couvert nuageux à 15 000 pieds agl, température de 21 °C et pression barométrique de 29,64 pouces de mercure. Les conditions météorologiques en vigueur n'excédaient pas celles prévues par la réglementation, de sorte que le commandant de bord pouvait effectuer une approche et un atterrissage conformément au tableau de procédures aux instruments pour Sydney du Canada Air Pilot. La prévision de zone graphique n'indiquait pas de turbulence dans la région de l'Atlantique.
Renseignements sur l'épave
Il n'y avait presque aucun débris de l'épave à la surface de l'eau. Un engin sous-marin télécommandé a enregistré des images des débris de l'épave qui étaient répartis dans une zone relativement restreinte sur le plancher océanique à une profondeur de 170 pieds. L'épave récupérée comprenait des morceaux d'aile, de fuselage et d'empennage. Les images enregistrées et l'épave récupérée ont été examinées. Il n'y avait aucune indication de désintégration en vol et il a été déterminé que les moteurs fonctionnaient au moment de l'impact. Les dommages correspondaient à un impact à haute vitesse selon une assiette quasi verticale.
Tâches des pilotes lors du vol
Lorsque deux pilotes ayant le même degré de compétence et d'expérience volent ensemble, ils partagent habituellement les tâches de pilotage; l'un pilote l'appareil tandis que l'autre utilise les radios, entre des données dans le système de navigation et surveille le pilote aux commandes. Bien que les fonctions de pilotage puissent être partagées, c'est au commandant de bord désigné que revient la responsabilité de s'assurer de tous les aspects d'une utilisation sécuritaire de l'aéronef.
État de saturation des tâches et désorientation spatiale
Toute personne peut être victime de désorientation spatiale. Dans le domaine de l'aviation, on définit la désorientation spatiale comme étant l'impossibilité pour le pilote de percevoir correctement la position, le déplacement ou l'assiette de son aéronef ou de son corps par rapport à la surface du sol et à l'axe vertical de la gravité. Richard Leland, directeur du Aeromedical Training Institute, traite de la désorientation spatiale dans un article sur lequel se base la plus grande partie de la rubrique qui suit et à partir duquel proviennent les citations ci-dessousFootnote 7.
Dans l'obscurité, les renseignements tirés de la vision périphérique (ou ambiante) diminuent. [Traduction ] « La vision ambiante est sensible aux plans plats (c.-à-d. l'horizon) et aux indices de mouvement, et c'est la partie préconsciente du cerveau qui la traite. Dans des conditions météorologiques de vol à vue (VMC) de jour, le pilote utilise les renseignements tirés de la vision ambiante […] pour déterminer la bonne assiette de l'aéronef et la maintenir. »
[Traduction] « La nuit, une grande partie des renseignements tirés de la vision ambiante ne sont pas là. De plus, la possibilité que d'autres illusions visuelles (faux horizon ou horizon indistinct) se produisent est beaucoup plus élevée. »
La vision focale doit être utilisée pour maintenir l'assiette de l'aéronef en consultant les instruments de vol. C'est la partie consciente du cerveau qui gère la vision focale, et cette partie peut être rapidement dépassée. C'est ce qu'on appelle l'état de saturation des tâches, lequel peut faire en sorte que d'importants indices de conscience de la situation (c.-à-d. l'altitude, la vitesse de descente) peuvent passer inaperçus. Les pilotes les plus vulnérables à la saturation des tâches sont ceux qui n'ont pas de formation pour piloter dans des conditions de faible visibilité, ceux qui ont suivi une formation mais qui n'ont pas piloté dans de telles conditions depuis une longue période, et les pilotes qui ont peu d'expérience.
Les tâches dans le poste de pilotage sont plus difficiles la nuit. [Traduction] « Les commutateurs sont difficiles à trouver et les affiches sont peu lisibles dans les conditions de faible éclairage du poste de pilotage. Ainsi, la partie consciente du cerveau doit composer avec d'autres difficultés, ce qui augmente la possibilité d'une désorientation spatiale non reconnue et/ou la perte de la conscience de la situation. »
[Traduction] « La formation au vol aux instruments entraîne le pilote à gérer l'attention consciente et l'aide à éviter des problèmes de gestion de l'attention comme l'attention canalisée, les distractions et la saturation des tâches. En outre, la formation au vol aux instruments apprend au pilote à ignorer les perceptions erronées de ses sens et à se fier aux instruments. »
Selon la Federal Aviation Administration, la désorientation spatiale et la perte de la conscience de la situation sont à l'origine de 15 % à 17 % des écrasements mortels dans l'aviation générale chaque année (environ 2,5 % du total des accidents). [Traduction] « De plus, 9 désorientations spatiales sur 10 sont mortelles. La plupart de ces accidents se produisent lorsque les pilotes volent la nuit et/ou […] dans des conditions météorologiques de vol aux instruments. »
De nombreux facteurs peuvent rendre un pilote vulnérable à la désorientation spatiale durant le vol de nuit. Ces facteurs peuvent entrer dans 3 catégories, soit environnementaux, psychologiques et physiologiques.
Les facteurs environnementaux sont ceux qui réduisent la quantité de renseignements (habituellement visuels) auxquels le pilote a normalement accès le jour dans des conditions de vol VMC. Ils comprennent : la nuit, les conditions IMC, la surface de l'eau qui se confond à un ciel couvert (dans le cas des vols au-dessus d'un plan d'eau), le brouillard et la brume. Ces facteurs rendent généralement l'horizon difficile ou impossible à distinguer, ce qui force le pilote à se fier à ses instruments de vol pour demeurer en palier.
Les facteurs psychologiques sont ceux qui imposent une tâche additionnelle de traitement de l'information dans la partie consciente du cerveau. Un pilote confronté à ces facteurs peut devoir composer avec une saturation des tâches; une situation où il y a plus de renseignements que la partie consciente du cerveau peut en traiter. Ainsi, de dangereuses conditions de vol peuvent persister jusqu'à ce qu'il n'y ait plus assez de temps pour se sortir de la situation. Les facteurs psychologiques peuvent comprendre le vol aux instruments/la navigation, le vol à basse altitude, les situations d'urgence (comme une urgence en vol), ou la navigation visuelle dans des conditions de visibilité dégradée.
Les facteurs physiologiques sont ceux qui réduisent le rendement du pilote. Au contraire des facteurs environnementaux et psychologiques, le pilote peut directement influer sur la présence ou l'absence de facteurs physiologiques en vol. Le facteur qui revient le plus souvent est la fatigue. Celle-ci nuit à la concentration, de sorte que de simples tâches deviennent difficiles et des tâches difficiles semblent impossibles lorsque le pilote est fatiguéFootnote 8.
Selon des études effectuées par les chercheurs spécialisés en aéronautique de l'University of Illinois au cours des années 1990, on estime qu'en moyenne, un pilote en VFR exposé à des conditions d'IMC simulées devient victime de désorientation spatiale en 178 secondesFootnote 9. Les études ont été décrites dans un article publié dans Flight Safety Australia, dont voici un extrait :
[Traduction]
Vingt pilotes VFR ont été mis aux commandes de simulateurs de vol spécialement programmés pour des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC). Tous les pilotes de l'étude se sont retrouvés soit dans une spirale de la mort qui aurait causé un impact avec perte de maîtrise, soit assujettis à des oscillations d'intensité en dents de scie avec des pointes si fortes qu'elles auraient causé des défaillances structurelles de l'aéronef.
Piqué en spirale
Un piqué en spirale peut se définir comme un virage serré en descente où l'avion adopte une assiette de piqué excessive et où la vitesse indiquée augmente rapidement. Un pilote peut s'engager dans un piqué en spirale en laissant le nez de l'appareil descendre trop bas en raison d'une trop grande inclinaison dans un virage serré. S'il y a tentative de redressement du nez, la spirale se resserre, puis une rapide perte d'altitude et une augmentation de la vitesse s'ensuivent. Transports Canada cite la désorientation spatiale et l'absence d'horizon visible comme des facteurs contributifs d'un piqué en spiraleFootnote 10.
Dernières minutes du vol
Lorsque l'avion a été établi sur sa seconde approche, il a maintenu son altitude et son cap, ce qui indique que le pilote automatique fonctionnait.
L'avion a été observé sur le radar alors qu'il se dirigeait directement vers OBVUP, avant d'effectuer un virage à droite de 360° en près de 20 secondes, les échos radar indiquant 4000, 2600 et 1900 pieds asl avant que l'appareil ne disparaisse de l'écran radar. Le tracé radar et la vitesse de descente de l'avion correspondent à un piqué en spirale.
L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :
- LP115/2010 – Radar /ATC Synchronization (synchronisation des données radar et ATC)
- LP153/2010 – Route Map (carte du trajet)
Analyse
Les deux occupants de l'avion n'ont pas survécu à l'accident. Personne n'a été témoin des derniers moments du vol et il n'y avait aucun enregistreur de bord pour aider les enquêteurs. L'avion a percuté l'eau selon une assiette quasi verticale, ce qui porte à croire qu'il y a eu une perte de maîtrise en vol. Par conséquent, l'analyse examinera des scénarios possibles pouvant expliquer pourquoi l'avion a quitté le vol stabilisé et s'est abîmé dans l'eau.
Même si l'avion a été considérablement endommagé par l'impact, rien ne permet de conclure qu'il y avait un problème avec les commandes de vol ou les moteurs. Tous les documents techniques de l'avion en question étaient à bord; seuls les plus récents documents de maintenance ont pu être examinés, les exemplaires étant conservés aux installations de Buttonville. Cette pratique a nui aux efforts déployés pour déterminer les antécédents de maintenance de l'avion depuis sa mise en service initiale. Les enquêteurs ont écarté la turbulence comme facteur ayant contribué à la perte de la maîtrise de l'appareil étant donné l'absence de temps significatif dans la région qui aurait pu causer de la turbulence.
Le commandant de bord communiquait avec l'ATC au moyen de la radio, la dernière communication remontant à une minute avant la perte de la maîtrise de l'avion. Durant ces communications, le commandant de bord n'a pas indiqué de préoccupations médicales ni montré de signes d'incapacité. En conjuguant cela au fait que la chaufferette avait été révisée récemment et qu'elle avait été mise à l'essai avec succès quelques jours à peine avant le vol en question, les enquêteurs ont pu éliminer la possibilité d'empoisonnement au monoxyde de carbone. Ainsi, l'incapacité du pilote n'est pas considérée comme un facteur contributif.
Le commandant de bord pilotait un appareil avec lequel il n'avait pas d'expérience, dans des conditions qu'il préférait éviter (de nuit et par mauvais temps), vers un aéroport qu'il ne connaissait pas. Ces facteurs auraient pu contribuer à la dégradation de la capacité du commandant de bord de gérer son attention consciente. De simples tâches comme la reprogrammation du GPS seraient devenues difficiles et auraient pu détourner l'attention du pilotage pendant quelques minutes. D'importantes étapes ont été omises comme la réduction de la vitesse indiquée ou la modification de l'altitude après avoir reçu plusieurs instructions en ce sens. De plus, le pilote a viré à gauche alors qu'il avait reçu l'instruction de virer à droite, et il a refusé l'offre de vecteurs radar, ce qui aurait pourtant réduit sa charge de travail.
Le propriétaire n'avait acquis qu'une expérience limitée sur multimoteur 2 ans auparavant, il avait peu d'expérience du pilotage selon les règles de vol aux instruments et il n'avait suivi aucune formation sur l'avion en question ou sur ses systèmes. Ces facteurs auraient pu contribuer à la dégradation de la capacité du propriétaire de gérer son attention consciente.
La trajectoire de l'avion jusqu'à OBVUP formait un angle d'approche serré avec la route OBVUP-GAGBU. À mesure que l'avion approchait du point de cheminement OBVUP, la barre de route du GPS se serait déplacée rapidement vers le point de cheminement GAGBU. En raison du taux de virage maximal permis par un système de pilote automatique, l'avion aurait dépassé la route OBVUP-GAGBU avant d'y revenir. Afin d'éviter cette situation, un pilote doit prendre les commandes manuellement et amorcer un virage serré. Afin d'intercepter la route OBVUP-GAGBU, un pilote inexpérimenté peut tenter de suivre la barre de route en inclinant toujours plus l'avion. Si rien n'est fait pour corriger cet angle d'inclinaison prononcé, l'avion va s'engager dans un piqué en spirale.
Le commandant de bord et le propriétaire ont commencé leur journée à Calgary à 8 h (5 h, heure locale) et voyageaient depuis plus de 15 heures. La formation à Buttonville s'était déroulée dans des conditions de chaleur et d'humidité élevées. Durant les dernières minutes du vol, le commandant de bord et le propriétaire étaient probablement saturés par les tâches. Bien qu'aucun renseignement de base n'indique qu'ils étaient fatigués, la longue journée aurait pu exacerber le degré de saturation des tâches. Lorsqu'un pilote est saturé par les tâches, la charge de travail additionnelle avec laquelle la partie consciente du cerveau doit composer augmente la possibilité d'une désorientation spatiale non reconnue ou d'une perte de conscience de la situation. Le pilotage erratique comprenant plusieurs écarts de cap et d'altitude alors que l'avion est piloté manuellement constitue une indication que le pilote était peut-être saturé par les tâches et désorienté. La désorientation spatiale et l'absence d'un horizon visible sont des facteurs pouvant contribuer à un piqué en spirale. Le tracé radar et la vitesse de descente de l'avion correspondent à un piqué en spirale. Le commandant de bord et le propriétaire souffraient probablement de désorientation spatiale durant la portion finale du vol. L'équipage n'a pas été en mesure de rétablir la maîtrise de l'avion avant qu'il ne percute l'eau.
L'enquête n'a pas permis de déterminer lequel du commandant de bord ou du propriétaire était aux commandes.
Le commandant de bord avait prévu une réunion d'affaires à Sydney le matin du 6 août 2010. La pression de participer à la réunion que s'est imposée l'équipage a probablement influé sur la décision de l'équipage de partir de Buttonville malgré :
- le manque d'expérience sur le type d'appareil;
- le manque de connaissances sur l'aéroport de destination;
- la nuit/les conditions IFR;
- la longue journée.
En raison des lourds dommages subis par l'avion au moment de l'impact, il a probablement coulé rapidement et l'ELT n'a pas eu le temps de transmettre un messageFootnote 11. À une profondeur de 170 pieds, l'atténuation du signal par l'eau aurait masqué toute transmission de l'ELT en supposant qu'elle aurait résisté à l'impact initial.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le commandant de bord et le propriétaire souffraient probablement d'un certain degré de désorientation spatiale durant la portion finale du vol. Une perte de la maîtrise de l'avion en a résulté et l'équipage n'a pas été en mesure de rétablir la maîtrise avant que l'appareil ne percute l'eau.
- Le commandant de bord n'a pas accepté l'aide sous forme de vecteurs radar, ce qui a contribué à sa charge de travail durant l'approche.
- La pression que s'est imposée l'équipage a probablement influé sur sa décision de partir de Buttonville malgré les conditions de vol, la longue journée, ainsi que le manque d'expérience avec l'avion et l'aéroport de destination.
Autres faits établis
- Il a été impossible de déterminer avec certitude qui pilotait l'avion au moment de l'événement.
- Étant donné l'absence d'enregistreurs de bord, il a été impossible de déterminer les causes de la perte de maîtrise en vol.
- La pratique de placer les dossiers techniques à bord de l'aéronef peut nuire à une enquête s'ils sont perdus dans un accident.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A – Approche RNAV de la piste 25
Note : Ce document est disponible en anglais seulement.
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