Rapport d'enquête aéronautique A09Q0210

Réduction du régime rotor en vol suivi d'une collision avec le relief
de l'hélicoptère Robinson R44 II C-GDSF
à Montréal (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Synopsis

    Le Robinson R44 II version ENG (Electronic News Gathering), un hélicoptère privé exploité par le Groupe TVA Inc. (immatriculé C-GDSF, numéro de série 10750) décolle de l'aéroport international de Montréal (Mirabel) (Québec) vers 7 h 05 heure normale de l'Est, avec le pilote et un journaliste pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue au-dessus de la région métropolitaine de Montréal. À 7 h 24, l'appareil se trouve au nord du pont Champlain et suit le fleuve Saint-Laurent à 1100 pieds au-dessus du niveau de la mer en direction nord-est lorsque le régime rotor diminue en deçà des limites. Le pilote informe le contrôleur de l'aéroport international de Montréal/Pierre Elliott Trudeau qu'il atterrit d'urgence au Studios Mel's. L'hélicoptère descend rapidement et atterrit brutalement dans un fossé situé entre les Studios Mel's et l'autoroute Bonaventure. L'hélicoptère repose sur le côté gauche et est lourdement endommagé. Les deux occupants subissent des blessures graves.

    Renseignements de base

    Déroulement du vol

    Avant le décollage, le pilote a effectué la visite extérieure de l'hélicoptère. Il a vérifié tous les systèmes décrits dans le Pilot Operating Handbook (POH) et aucune anomalie n'a été décelée.

    Les données radarNote de bas de page 1, les enregistrements phoniques du service de la circulation aérienne et un enregistrement vidéo provenant de la caméra située dans le nez de l'appareil ont été utilisés pour recréer la trajectoire de vol de l'appareil. À 7 h 05Note de bas de page 2, l'appareil décolle de l'aéroport international de Montréal (Mirabel) (Québec) avec à son bord le pilote et un journaliste afin d'effectuer une patrouille de routine pour la retransmission télévisée des évènements de l'actualité dans la région métropolitaine de Montréal. L'appareil monte jusqu'à 1300Note de bas de page 3 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) et se dirige vers le sud-est. Vers 7 h 12, l'hélicoptère entre dans la zone de contrôle de l'aéroport Montréal/Pierre Elliott Trudeau International et est autorisé à se rendre au pont Mercier. Après avoir tourné en rond au-dessus du pont Mercier, l'appareil se dirige vers le nord-est à environ 1100 pieds asl en suivant la rive nord du fleuve Saint-Laurent.

    À 7 h 24 min 55 s, juste à l'est du pont Champlain, le klaxon d'avertissement de bas régime rotor retentit pour la première fois et le régime moteur s'emballe. Le klaxon sonnera par la suite à 4 reprises. À 7 h 25 min 17 s, à une altitude d'environ 650 asl, le pilote informe le contrôleur qu'il effectue un atterrissage d'urgence au Studios Mel's Note de bas de page 4. L'appareil se trouve alors quelque peu au nord de l'héliport des Studios Mel's. À environ 500 pieds asl, le pilote exécute un virage vers la droite de 180°. Pendant les derniers moments du vol, le contrôle en tangage et en roulis Note de bas de page 5 de l'appareil est mou et presque inexistant. L'appareil s'écrase dans un fossé situé entre le Studios Mel's et l'autoroute Bonaventure (voir la figure 1).

    Figure 1. Trajectoire de l'hélicoptère (heures en temps universel coordonné)
    Image
    Figure of Trajectoire de l'hélicoptère (heures en temps universel coordonné)

    Conditions météorologiques

    Des conditions météorologiques de vol à vue prévalaient lors du vol et au moment de l'accident. Selon le METARNote de bas de page 6 de 7 h émis à l'aéroport international de Montréal/Pierre-Elliott-Trudeau (Québec), le vent soufflait de l'ouest à 6 nœuds, la visibilité était de plus de 15 milles, le plafond était fragmenté à 11 000 pieds au dessus du niveau du sol (agl), la température extérieure était de −13°C et le point de rosée était de −19°C .

    Renseignements sur le pilote

    Au moment de l'accident, le pilote était qualifié sur Robinson R22, Robinson R44, Hughes 500, Bell 206, Bell 427, Bell 430 et Eurocoptère AS350. Il avait accumulé environ 2400 heures de vol sur hélicoptères. Quelque 1000 heures ont été effectuées sur Robinson R44, dont 163,5 heures aux commandes du C-GDSF. Sa plus récente vérification de contrôle de compétence pilote (CCP) sur le Robinson R44 avait été effectuée par un inspecteur de Transports Canada en juin 2002.

    En mars 2006, le pilote suit une formation en vol sur Robinson R44 chez Passport Hélico en compagnie du chef instructeur. Le pilote effectue des autorotations et il revoit les procédures d'urgence. Le même mois, le pilote devient pilote suppléant pour le Groupe TVA Inc. Les dossiers ne démontrent aucune autre formation additionnelle. En mai 2007, lors d'un vol sur le C-GDSF, le pilote doit exécuter un atterrissage d'urgence à l'héliport des Studios Mel's en raison du bris d'une soupape moteur.

    En septembre 2009, il devient pilote permanent sur le C-GDSF. Il pilote cet appareil de façon régulière, soit une journée par semaine et selon les besoins des impératifs opérationnels. Le journal de bord de l'appareil confirme que le pilote avait effectué 37,3 heures de vol au cours des 90 jours précédant l'accident, dont 20,5 heures de vol lors des 60 premiers jours et 5 heures de vol lors des 30 jours suivants. C'était son premier vol depuis une semaine.

    L'horaire de travail du pilote, le temps de vol, le temps de service et la période de repos ont permis d'écarter la fatigue comme étant un facteur dans l'accident. L'enquête a démontré que le pilote était bien reposé avant sa prise de service.

    Renseignements sur l'appareil

    La certification du Robinson R44 est conforme au chapitre 527 du Règlement de l'aviation canadien (RAC). Le C-GDSF a été importé au Canada en juillet 2005, avec 35 heures en service. Au terme des procédures d'importation, l'appareil a reçu son certificat de navigabilité le 8 juillet 2005. Au moment de l'accident, l'hélicoptère avait accumulé 2103 heures de vol.

    Le Robinson R44 version ENG (Electronic News Gathering) est une plate-forme aérienne « clé en main » conçue pour retransmettre au studio de télévision les images captées par sa caméra ventrale (voir la photo 1) ainsi que les paroles des occupants. Le R44 version ENG est un appareil trois places, monorotor à bi-pales doté d'un moteur à pistons à injection (Lycoming I0-540-AE1A5). Plus particulièrement, ce modèle d'hélicoptère est équipé d'un système électrique de 28 volts, d'un phare orientable, d'un système de communication, d'une caméra infrarouge gyro stabilisée installée dans le nez de l'appareil et d'une batterie principale située en dessous de la poutre de queue afin de contrebalancer le poids de la caméra.

    L'hélicoptère doit être révisé après 2200 heures en service ou 12 ans. La révision comprend le remplacement de la majorité des principaux composants, incluant le moteur. Le 8 juin 2009, le C-GDSF avait accumulé 1900 heures d'utilisation et le propriétaire avait choisi de faire effectuer cette révision par un organisme de maintenance agréé (OMA) par Transports Canada qui est également un centre de service autorisé de la compagnie Robinson. Cette révision s'est échelonnée de juin 2009 à août 2009.

    Même si au Canada, le RACNote de bas de page 7 n'exige pas de la part des propriétaires d'aéronefs privés de suivre les recommandations des manufacturiers pour effectuer l'entretien de leurs appareils, Groupe TVA Inc. avait choisi d'entretenir son appareil selon les normes d'appareils commerciaux. Les registres et les dossiers de maintenance indiquent que l'hélicoptère avait été certifié, équipé et entretenu conformément aux procédures approuvées.

    Aucune anomalie ne figurait dans les livres de bord avant l'envolée.

    Le démantèlement de l'appareil s'est déroulé le 2 février 2010 en présence de représentants du manufacturier Robinson, de la compagnie manufacturière du moteur Avco Lycoming, du propriétaire de l'appareil et du ministre des Transports.

    Suite au démantèlement, certains composants ont été acheminés chez le manufacturier afin de les vérifier sur banc d'essai. L'examen des composants n'a révélé aucune anomalie.

    L'appareil était équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) de marque Kannad, modèle 406-AF. Le commutateur était en position armée (ARM), et le centre de coordination de sauvetage a reçu un avis de signal au moment de l'accident. L'ELT s'est déclenchée à l'impact.

    Le C-GDSF était équipé d'un GPS Garmin GPSmap 696 qui enregistre les données de navigation telles l'heure, la vitesse sol, les coordonnées géographiques et l'altitude de l'appareil lors de ses déplacements. Toutefois, l'enregistrement des données de navigation avait été désactivé.

    Photo 1. Robinson R44 II version ENG C-GDSF
    Image
    Photo of Robinson R44 II version ENG C-GDSF

    Caractéristiques et procédures d'urgence du Robinson R44

    Le rotor principal du Robinson R44 est considéré comme un système rotor à faible inertie, c'est-à-dire que ce type de rotor a tendance à consommer rapidement l'énergie emmagasinée menant à la chute du régime rotor principal (Nr). La puissance motrice est transmise au rotor principal par un système à courroies. L'embrayage entre le moteur et la transmission se fait par une mise en tension progressive des courroies. Lorsque le rotor principal n'est plus entraîné par le moteur, le pilote doit abaisser rapidement le collectif pour contrer la réduction rapide Nr et ainsi prévenir un éventuel décrochage aérodynamique du rotor principal.

    Perte de puissance

    Une perte de puissance peut être causée par une panne moteur ou une défaillance du système d'entraînement; normalement, elle devrait être signalée par la mise en marche du klaxon d'avertissement de bas Nr. Une défectuosité du système d'entraînement peut être reconnue par des bruits ou des vibrations inhabituels, un lacet droit ou gauche, ou bien une baisse du Nr et une augmentation du régime moteur simultanéesNote de bas de page 8.

    Autorotation

    L'autorotation permet à l'hélicoptère de descendre sans perte de maîtrise lors d'une panne moteur ou de toute autre défaillance mécanique catastrophique et cette manœuvre permet au pilote d'effectuer un atterrissage en toute sécurité. Un aspect critique de l'autorotation est la manœuvre d'entrée que le pilote doit faire dès la perte de puissance moteur, car il doit réagir rapidement pour maintenir le régime rotor. De tous les facteurs ayant une incidence sur le vol en autorotation, une altitude suffisante au moment de la perte de puissance moteur est cruciale à la réussite d'une descente et d'un atterrissage. L'atterrissage sans moteur après une descente en autorotation est une manœuvre difficile pour n'importe quel pilote, car il doit faire appel à des compétences qu'il n'a pas souvent l'occasion de mettre en pratique.

    Lorsqu'une panne moteur survient, le pilote doit abaisser la commande de pas collectif au minimum, dans le but d'empêcher la perte du Nr afin de procurer un écoulement d'air favorisant la rotation du rotor principal. Durant le vol, le moteur fournit la puissance nécessaire pour entraîner les rotors. Si celui-ci s'arrête ou qu'il survient un bris mécanique au système d'embrayage, une autre force doit alors entraîner les rotors afin que le vol puisse se poursuivre jusqu'à l'atterrissage. Cette force, produite en descente par l'écoulement de l'air au travers du rotor principal et suffisante pour contrer la traînée des pales, est fournie par l'énergie potentielle accumulée par l'hélicoptère. En d'autres termes, la descente de l'hélicoptère transforme le potentiel d'altitude perdu en énergie cinétique, suffisante pour entraîner les rotors.

    La procédure recommandée dans le POH du Robinson R44 pour exécuter une autorotation à une altitude de plus de 500 pieds agl est la suivante [Traduction] :

    • abaisser immédiatement le collectif pour maintenir le Nr et entrer en autorotation normale;
    • s'établir dans un plané uniforme à environ 70 KIASNote de bas de page 9;
    • régler le collectif pour que le Nr demeure dans l'arc vert où bien abaisser complètement le collectif si la masse de l'hélicoptère empêche d'obtenir plus de 97 % Nr;
    • choisir une aire d'atterrissage et, si l'altitude le permet, manœuvrer pour se poser dans le vent;
    • à 40 pi agl, commencer l'arrondi au cyclique pour réduire le taux de descente et la vitesse vers l'avant;
    • à 8 pi agl, pousser sur le cyclique pour mettre l'hélicoptère à l'horizontale, puis relever le collectif avant la prise de terrain pour amortir l'atterrissage. Se poser à l'horizontale le nez droit devant.

    La configuration pour la distance de plané maximum

    • Vitesse approximative de 90 KIAS.
    • Le Nr approximativement de 90 %.
    • Le meilleur ratio de vol plané est d'environ 4.7:1 ou un mille nautique pour 1300 pieds agl.

    La configuration pour le taux de descente minimum

    • Vitesse approximative de 55 KIAS.
    • Le Nr approximativement de 90 %.
    • Le taux de descente minimum est d'environ 1300 pieds/minute. Le meilleur ratio plané est d'environ 4:1 ou un mille nautique par 1500 pieds agl.

    Une mise en garde publiée dans le POH (voir la figure 2) requiert d'augmenter le régime rotor à un minimum de 97 % au-dessous de 500 pieds agl.

    Figure 2. Mise en garde publiée dans le POH
    Image
    Figure of Mise en garde publiée dans le POH

    Risques associés à un bas Nr

    Lors d'une autorotation, le Nr décroît quand le pas collectif augmente. L'augmentation de pas crée très provisoirement un gain de portance et une baisse du Nr. La baisse du Nr qui s'ensuit engendre rapidement une diminution de la portance et une chute plus rapide. Un faible Nr peut entraîner une perte de maîtrise.

    À ce sujet, le POH publie une mise en garde sur les dangers d'un Nr qui passe sous 80 % (voir la figure 3).

    Figure 3. Mise en garde publiée dans le POH
    Image
    Figure of Mise en garde publiée dans le POH

    Afin de souligner les dangers liés au décrochage du rotor principal, Robinson Helicopter Company a publié l'avis de sécurité SN-24 (voir l'annexe A — Avis de sécurité SN-24), en septembre 1986. L'avis affirme qu'un pourcentage très élevé d'accidents est causé par le décrochage du rotor principal à la suite d'un faible Nr.

    Le Robinson R44 est muni d'un seul klaxon d'avertissement qui retentit lors d'un bas Nr. Ce klaxon d'avertissement sonne et un voyant jaune LOW RPM (voir la photo 2) s'allume pour indiquer que le Nr est sous la limite de sécurité fixée à 97 %. Le klaxon d'avertissement s'arrête et le voyant s'éteint dans les deux conditions suivantes:

    • lorsque le Nr atteint la limite de sécurité;
    • lorsque le levier de pas collectif est complètement abaissé.

    Lors de l'essai prévol du matin de l'évènement, le klaxon d'avertissement et la lumière fonctionnaient correctement.

    L'arc vert dénotant un fonctionnement dans la plage de sécurité du Nr, moteur arrêté, se situe entre 90 % et 108 %. La zone de « danger » sur l'indicateur de Nr se trouve à 90 % et elle est indiquée par une ligne rouge. Le danger que représente un faible Nr qui risque d'aboutir à un décrochage aérodynamique du rotor principal pendant une autorotation est traité pendant la formation au sol.

    Photo 2. Tableau de bord d'un R44 ordinaire
    Image
    Photo of Tableau de bord d'un R44 ordinaire

    La manette de puissance se trouve sur le manche de collectif. Lorsque la manette de puissance est tournée pour augmenter la puissance motrice, le gouverneur prend le contrôle à 80 %. Le gouverneur avance automatiquement jusqu'à la puissance requise. Durant les changements de puissance, la manette bouge constamment, donc le pilote apprend à garder une pression minime de deux doigts sur la manette alors que les autres doigts demeurent sur le collectif afin de ne pas gêner le mouvement du gouverneur.

    L'inspection quotidienne peut être effectuée par un pilote, sans l'aide d'un technicien d'entretien licencié. Durant l'inspection quotidienne, le pilote vérifiera, entres autres, les timbres autocollants TelaTemp qui sont apposés sur les différents composants majeurs. Si ces composants ont surchauffé, ces timbres autocollants porteront cette indication et de surcroît, préviendront le pilote d'une défectuosité à venir. Lors de l'inspection quotidienne du 16 décembre 2010 ainsi que lors du démantèlement des composants, tous les TelaTemp étaient dans les normes de températures prescrites.

    Système d'embrayage

    La puissance motrice est transmise au rotor principal par un système à courroies. L'embrayage entre le moteur et la transmission se fait par une mise en tension progressive des courroies. Après le démarrage du moteur, on engage la mise en tension des courroies au moyen d'un servomoteur électrique qui s'arrête automatiquement à une tension préétablie. Un voyant avertisseur CLUTCH en jaune, situé sur le panneau de bord (voir la photo 2), s'illumine lorsque le servomoteur fonctionne, soit lors de la mise en tension ou bien la mise hors tension des courroies. Son illumination en vol indique que le servomoteur est en fonction suite à une détente des courroies. Le réchauffement des courroies peut être une cause de relâchement. Un fusible situé dans le compartiment des commutateurs de testNote de bas de page 10 protège le disjoncteur de l'embrayage et empêche son déclenchement, qui désactiverait le voyant avertisseur lors d'une surcharge du servomoteur.

    Il est normal que le voyant avertisseur s'illumine en vol. Si, toutefois, il reste allumé pour plus de 7 ou 8 secondes, le POH recommande de tirer le disjoncteur CLUTCH (voir la photo 3), de réduire la puissance et d'atterrir immédiatement. C'est pour cette raison que ce disjoncteur est muni d'une rondelle rouge afin d'en faciliter son identification et son déclenchement manuel. De plus, le pilote est averti de se préparer à exécuter une autorotation et de vérifier le système d'entraînement (voir la figure 4).

    Photo 3. Disjoncteur CLUTCH
    Image
    Photo of Disjoncteur CLUTCH
    Figure 4. Procédure en cas d'illumination du voyant avertisseur CLUTCH
    Image
    Figure of Procédure en cas d'illumination du voyant avertisseur CLUTCH

    Circuit électrique

    Le Robinson R44 version ENG est muni de deux panneaux disjoncteurs montés sur le plancher de l'hélicoptère. Un panneau disjoncteur, situé du côté droit à l'avant du siège du pilote, contrôle l'équipement spécialisé relié aux communications. L'autre panneau disjoncteur situé sur le plancher à l'avant du siège de gauche, contrôle le système électrique de l'hélicoptère (voir la photo 4). Du siège du pilote, le panneau disjoncteur gauche est difficilement visible. Le R44 n'est pas équipé d'un voyant avertisseur en cas de déclenchement d'un disjoncteur.

    Photo 4. Panneau disjoncteur gauche
    Image
    Photo of Panneau disjoncteur gauche

    Sur les lieux de l'accident, le disjoncteur Clutch /Start, situé sur le panneau gauche, a été retrouvé en position déclenchée. La fonction de ce disjoncteur est d'alimenter le servomoteur de tension des courroies, par le biais de l'interrupteur du servomoteur. Le voyant avertisseur CLUTCH ne s'illumine pas lorsque le courant est interrompu au servomoteur. Lorsque le disjoncteur est déclenché, le servomoteur et le voyant avertisseur cessent de fonctionner. L'examen du disjoncteur Clutch/Start n'a révélé aucune anomalie.

    Le disjoncteur Clutch /Start n'est pas exclusif au servomoteur; il alimente également les circuits électriques de freins des pales principales et du système de démarrage de l'hélicoptère. Selon l'article 527.1357Note de bas de page 11 (Dispositifs de protection des circuits) du RAC, « un dispositif de protection d'un circuit essentiel à la sécurité du vol ne doit pas être utilisé pour protéger un autre circuit ».

    Le R44 est équipé de deux voyants d'alarme rouge (feu moteur et huile moteur) et de treize voyants avertisseurs de couleur ambre. L'examen au microscope des filaments des voyants avertisseurs et d'alarme a permis de confirmer qu'aucun d'eux n'était illuminé au moment de l'impactNote de bas de page 12.

    La fréquence d'illumination du voyant avertisseur CLUTCH varie d'un R44 à un autre. Les heures d'utilisation des courroies, leur usure et la température extérieure peuvent avoir une incidence sur la fréquence d'illumination lors d'un vol. Comme les courroies de l'appareil accidenté avaient peu d'heures Note de bas de page 13 d'utilisation, elles s'étiraient normalement et le voyant CLUTCH s'illuminait momentanément de façon régulière.

    À la section 4 du POH, la liste de vérification comprend la vérification des disjoncteurs. Le pilote doit alors s'assurer que tous les disjoncteurs sont en place. Cette procédure de vérification doit être faite avant le démarrage du moteur.

    Exploitation

    Généralités

    L'appareil était exploité par le Groupe TVA Inc. De jour et au besoin de nuit, l'appareil retransmettait en direct les images d'événements médiatiques qui se déroulaient dans la grande région métropolitaine de Montréal. Les jours de semaine, l'appareil était appelé à décoller de sa base à l'aéroport de Mirabel vers 6 h 30 avec un pilote et un journaliste pour effectuer une première patrouille d'une durée d'environ 2 heures. Par la suite, l'équipage était en attente jusqu'à 19 h à sa base pour effectuer des sorties au gré des événements. L'appareil volait quelque 450 heures par année. Selon les renseignements obtenus, TVA n'exerçait aucune pression sur ses pilotes et leur autorité n'a jamais été contestée lors de la couverture journalistique d'évènements spéciaux.

    Accord avec NAV CANADA

    Quelque mois avant le début des opérations aériennes, Groupe TVA Inc. et Nav Canada ont signé un accordNote de bas de page 14 dont l'objet était, entre autres, d'établir les procédures relatives aux vols de patrouille de l'hélicoptère. Les parties se sont entendues pour que l'appareil emprunte des circuits préférentiels à 1300 pieds asl afin de faciliter la navigation et le contrôle aérien. Les circuits favorisent le vol au-dessus de zones urbaines et offrent des sites d'atterrissages convenables en cas d'urgence. Cela dit, l'hélicoptère pouvait quand même quitter ces circuits selon les normes et procédures du contrôle aérien pour survoler tout évènement médiatique qui se déroulait dans la grande région de Montréal. Il avait également été entendu que les vols de patrouille s'effectueraient avec un plafond nuageux d'au moins 1600 pieds agl et une visibilité minimale de 4 milles.

    Privé/commercial

    Une rencontre entre Groupe TVA Inc. et Transports Canada avait eu lieu avant le début de l'utilisation de l'hélicoptère. Le but de la rencontre était d'informer le ministre du type d'exploitation que le Groupe TVA Inc. comptait établir et de confirmer qu'une exploitation privée était conforme à la réglementation. Le Groupe TVA Inc. a fait parvenir une lettre d'intention, et Transports Canada n'a formulé aucune autre demande, ni demandé de rencontre subséquente. De plus, l'enquête a établi qu'aucune analyse de risque n'a été effectuée par Transports Canada puisque l'exploitation était privée. En conséquence, aucune inspection ni revue d'exploitation ou d'entretien n'a été effectuée par les inspecteurs de Transports Canada depuis la mise en service de l'appareil en 2005.

    Comme Groupe TVA Inc. n'exploitait pas un service aérien commercial, ne demandait ou ne percevait aucune rétribution, directement ou indirectement, pour l'utilisation de son hélicoptère, et qu'il s'en servait exclusivement aux fins de son entreprise, Transports Canada n'a pas réclamé que l'exploitation du C-GDSF soit soumise aux exigences de la Partie VII – Services aériens commerciaux. En tant qu'appareil privé, le C-GDSF était exploité selon le RAC - Partie VI - Règles générales d'utilisation et de vol des aéronefs, dont les règles sont moins contraignantes que celles de la Partie VII. Par exemple, les exigences réglementaires relatives aux qualifications des membres d'équipage de conduite et aux exploitants commerciaux stipulées dans la Partie VII diffèrent de manière significative avec celles de la Partie VI (voir tableau 1.).

    Tableau 1. Certaines différences règlementaires entre un appareil privé et un appareil commercial
    RAC, Partie VII RAC, Partie VI
    Les membres d'équipage de conduite doivent:
    • suivre avec succès un contrôle de la compétence du pilote sur un des types d'hélicoptères monomoteurs utilisés par l'exploitant aérien annuellement;
    • suivre une formation technique au sol annuelle sur l'hélicoptère;
    • suivre les formations stipulées dans le programme de formation de l'exploitant aérien;
    • être titulaire de la qualification de vol aux instruments pour la classe d'aéronef utilisé pour effectuer un vol VFR de nuit.
    Tous les deux ans, les pilotes doivent réussir un programme de formation périodique. Les pilotes peuvent choisir une de sept activités.
    • Subir une révision de vol dispensé par un instructeur ;
    • Participer à un séminaire sur la sécurité dirigé par Transports Canada ;
    • Participer à un programme de formation périodique approuvé par Transports Canada ;
    • Suivre le programme d'autoformation présenté chaque année dans la publication Sécurité aérienne – Nouvelles de Transports Canada ;
    • Suivre un programme de formation ou subir un contrôle de compétence du pilote ;
    • Satisfaire aux exigences de délivrance ou de renouvellement d'une licence, d'un permis ou d'une qualification ;
    • Subir l'examen écrit en vue d'obtenir une licence, un permis ou une qualification.
    • Les membres d'équipage sont soumis à des limites de temps de vol et de temps de service de vol et périodes de repos.
    • Sans objet
    • L'exploitant aérien doit établir et maintenir un programme de formation au sol et en vol.
    • Sans objet
    • L'exploitant aérien doit établir et tenir à jour, pour chaque personne tenue de recevoir la formation des dossiers de formations et de qualifications.
    • Sans objet
    • L'exploitant aérien doit établir et tenir à jour un manuel d'exploitation de la compagnie.
    • Sans objet
    • Les vols de nuit avec passagers sont interdits en avion monomoteur.
    • Sans objet

    Autre différence importante, un pilote qui conduit un appareil privé n'est pas tenu de subir chaque année un contrôle de compétence pilote (CCP)Note de bas de page 15 comme l'est un pilote qui conduit un même type d'appareil effectuant le même genre de travail aérien, mais dans le cadre d'une exploitation commerciale.

    Même si la règlementation ne l'exige pas, l'exploitation de l'hélicoptère était effectuée sous la surveillance limitée d'une personne qui agissait également comme pilote principal. La compagnie pouvait compter sur d'autres pilotes qui assuraient la relève du pilote principal au besoin. Le pilote principal s'occupait des horaires de travail. Lors de l'embauche de ces pilotes, le pilote principal s'assurait que ceux-ci possédaient une licence de pilote valide. Quant au pilote principal, il recevait annuellement une formation en vol dispensée par l'école de pilotage Passport Hélico, et payée par Groupe TVA Inc.

    Enregistrement TVA

    Pendant le vol, les images de la caméra de l'appareil et les paroles du journaliste étaient retransmises en direct à la régie de la station TVA. Toutefois, l'enregistrement de ces données était intermittent; l'interférence des obstacles sur la portée optique du signal et l'inclinaison de l'appareil ont entrecoupé la retransmission micro-onde vers l'édifice TVA. Selon les renseignements obtenus, l'interruption de signal était normale, compte tenu de la position de l'antenne par rapport à l'hélicoptère.

    La bande TVA a été analysée au laboratoire du BST. On n'a pas pu déceler le bruit du moteur. Néanmoins, on perçoit un changement du Nr juste avant le déclenchement du klaxon d'avertissement de bas Nr. Comme le signal était faible et de courte durée, le Nr n'a pu être établi. Les trois dernières alarmes ont été enregistrées dans les instants qui ont précédé l'écrasement, elles étaient entrecoupées par l'interruption de la transmission vers la régie de TVA.

    Altitude de vol au-dessus d'une agglomération

    L'article 602.14 du RAC est une interdiction générale, en vertu de laquelle on ne peut utiliser un aéronef au-dessus d'une zone bâtie à moins que celui-ci évolue à une altitude qui permettrait d'effectuer un atterrissage sans constituer un danger pour les personnes ou les biens à la surface. Dans tous les cas, l'altitude que doit respecter un hélicoptère est de 1000 pieds au-dessus de l'obstacle le plus élevé situé à une distance de 500 pieds ou moins de l'aéronef, mesurée horizontalement. Dans les autres cas, l'aéronef ne peut être utilisé à une distance inférieure à 500 pieds de toute personne, tout navire, tout véhicule ou toute structure. Selon l'article 602.12 du RAC, un hélicoptère est utilisé au-dessus d'une zone bâtie s'il se trouve à une distance de moins de 500 pieds mesurée horizontalement de la zone bâtie en question.

    Le Robinson R44 se trouvait juste à l'est de l'autoroute 15 à environ 1100 pieds asl et quelques 2700 pieds à l'ouest de l'héliport du Studios Mel's lorsque le premier klaxon d'avertissement de bas régime rotor a retenti. L'appareil a poursuivi son vol vers l'est avec un taux de descente d'environ 1200 pieds par minuteNote de bas de page 16.

    Lorsque le klaxon bas Nr a retenti, l'hélicoptère survolait un quartier industriel parsemé de sites propices à un atterrissage d'urgence sécuritaire. Ces sites d'atterrissage comprenaient des stationnements, des routes d'accès, des terrains vagues, des champs, dont l'héliport des Studios Mel's. Au moment des faits, le sol était enneigé et le ciel était couvert. Dans de telles conditions, il est difficile d'évaluer la profondeur du relief en raison d'un manque de perspective.

    Renseignements sur le site d'écrasement

    L'héliport des Studios Mel's est un héliport privé et il n'est pas certifié par Transports Canada. Il se trouve juste à l'ouest des studios entre le fleuve Saint-Laurent au sud et un atelier ferroviaire au nord. Sa surface mesure 150 pieds par 150 pieds et est bordée à l'est par deux hangars. L'hélicoptère s'est écrasé à 70 pieds au nord de l'autoroute Bonaventure dans un fossé et à quelque 800 pieds de l'héliport. Le fossé est bordé de chaque côté par un terrain plat d'une largeur d'environ 35 pieds.

    L'appareil s'est immobilisé sur le côté gauche. Il y avait de fortes odeurs de carburant. Les services de secours ont dû utiliser des pinces de désincarcération afin de dégager le passager, assis dans le siège arrière gauche. La cabine a été en partie détruite. À la suite de l'impact avec le sol, une des pales du rotor principal s'est sectionnée et s'est détachée du moyeu, elle reposait au sud de l'autoroute à environ 200 pieds de l'épave. Les deux pales du rotor de queue étaient peu endommagées et étaient attachées à la queue. Le patin de droite a d'abord heurté la surface enneigée et, compte tenu de la vitesse avant, l'hélicoptère s'est retrouvé dans un fossé, à la gauche du premier impact avec le sol. L'angle du fossé était prononcé et l'appareil s'est immobilisé le long d'une clôture. L'impact avec le sol a été brutal, les deux patins se sont affaissés sous la force de l'impact. La cabine s'est sectionnée en deux parties, entre les sièges avant et arrière. Le pilote et le passager portaient leur ceinture baudrier.

    Le robinet de vidange carburant s'était brisé lors de l'impact. Lorsque l'appareil a été soulevé, le carburant s'est répandu dans la neige par le robinet de vidange normalement utilisé pour drainer l'eau et les débris dans les réservoirs lors de la visite prévol. L'arbre qui assurait la connexion entre la transmission et le rotor arrière était toujours connecté puisque lors de la rotation des pales principales, les pales du rotor de queue suivaient le mouvement. Le moteur s'était déplacé vers l'arrière et vers le haut, ce qui explique qu'une des courroies d'embrayage arrière n'était plus en place.

    L'hélicoptère a été examiné dans la mesure du possible sur le site d'écrasement avant d'être transporté au laboratoire du BST à Ottawa. Compte tenu de l'état de l'appareil, il a été impossible de déterminer la continuité des commandes en raison de l'ampleur de la destruction de nature mécanique. Toutefois, toutes les fractures se sont produites à la suite d'une surcharge. Rien n'indique qu'une anomalie ou une défaillance des commandes avait précédé l'accident, et aurait pu y contribuer.

    Rapports de laboratoire du BST

    L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

    • LP002/2010 – Instruments and Circuit Breaker Analysis
    • LP003/2010 – DVD Analysis
    • LP049/2010 – Airframe and Engine Analysis

    Analyse

    L'accident s'est produit suite à une baisse du Nr concurrente à une augmentation du régime moteur. Étant donné que l'examen de l'épave n'a révélé aucune anomalie, il est raisonnable de penser que le système de courroies s'est distendu en vol. Un glissement des courroies entraine une augmentation du régime moteur parce que celui-ci n'est plus en demande de tension de la part du système d'embrayage. De plus, comme le rotor principal n'est plus entrainé par le moteur, le Nr subit un ralentissement. En conséquence, on peut conclure que l'hélicoptère a subi une défectuosité du système d'entraînement. L'analyse traitera de la défaillance qui aurait causé la diminution du Nr et de l'exécution de l'atterrissage d'urgence par le pilote.

    Scénarios plausibles

    Aucune défectuosité n'a été observée lors de l'examen de l'appareil. Par ailleurs, on a noté sur le site de l'accident que le disjoncteur Clutch/Start était déclenché. Trois scénarios pouvant expliquer le déclenchement du disjoncteur ont été étudiés.

    Le disjoncteur a été tiré en vol

    On a jugé peu probable ce scénario. D'une part, l'enquête n'a révélé aucun indice suggérant que le pilote a tiré le disjoncteur suite à l'illumination du voyant CLUTCH. D'autre part, dans une telle éventualité, comme le pilote devait effectuer un atterrissage de précaution dans les plus brefs délais, il aurait averti le contrôleur de ses intentions d'atterrir avant le déclenchement du klaxon bas Nr. Or, dans les faits, le pilote n'a signalé son intention d'atterrir au Studios Mel's qu'après le déclenchement du klaxon bas Nr.

    Le disjoncteur s'est déclenché lors de l'impact avec le sol

    On ne peut écarter entièrement l'hypothèse selon laquelle le disjoncteur se serait déclenché lors de l'impact. Étant donné que le choc de la collision avec le sol a été suffisamment grand pour causer des dommages importants à l'appareil et provoquer des blessures graves à ses occupants, on peut penser que les forces d'impact auraient pu déclencher les disjoncteurs situés sur le plancher. Si le disjoncteur avait été enclenché avant l'accident, le voyant avertisseur CLUTCH se serait illuminé en vol et le pilote l'aurait vu avant le retentissement du klaxon bas Nr.

    Le disjoncteur s'est déclenché en vol à la suite d'une surtension momentanée

    Le système d'embrayage fonctionnait normalement avant le volNote de bas de page 17. De plus, son examen n'a révélé aucune anomalie lors des essais en laboratoire. Donc, le servomoteur de tension des courroies aurait dû se mettre en marche et le voyant avertisseur CLUTCH s'illuminer lors de la perte de tension des courroies, avant le déclenchement du klaxon bas Nr. Il ressort de ce constat que si le disjoncteur ne s'était pas déclenché, le pilote aurait vraisemblablement observé l'illumination du voyant avertisseur CLUTCH. Dans ces circonstances, on peut présumer que le disjoncteur Clutch/Start était déclenché avant la diminution du Nr. Si on retient cette hypothèse, il est possible que le disjoncteur se soit déclenché à l'insu du pilote puisqu'il se trouve hors de son champ visuel normalNote de bas de page 18 et qu'aucune indication sonore ou visuelle ne signale son déclenchement. En conséquence, l'hélicoptère a pu poursuivre son vol avec le système d'embrayage hors tension. L'enquête n'a pas été en mesure de déterminer la cause du déclenchement du disjoncteur Clutch/Start.

    Le disjoncteur Clutch/Start

    Puisque le disjoncteur Clutch/Start n'est pas dédié uniquement au système d'embrayage, son déclenchement peut être causé par une défectuosité d'un composant d'un système électrique connexe non essentielNote de bas de page 19. En se déclenchant, le disjoncteur n'alimente plus en courant le servomoteur et le voyant d'avertissement. Par conséquent, le servomoteur n'est plus en mesure de resserrer les courroies. Selon l'article 527.1357 du RAC, le système électrique d'un système essentiel au vol devrait être exclusif à ce système. Or, bien que le système d'embrayage du R44 soit essentiel à la sécurité du vol de l'hélicoptère, son disjoncteur Clutch/Start alimente deux autres circuits électriques dont les systèmes ne sont pas essentiels.

    La liste de vérification de la section 4 du POH demande à ce que les disjoncteurs soient vérifiés avant le démarrage du moteur. Advenant le cas où un problème électrique survient lors du démarrage et que le disjoncteur se déclenche, une vérification additionnelle du panneau des disjoncteurs devrait faire partie intégrante de la liste de vérification immédiatement avant le décollage.

    L'atterrissage d'urgence

    Alors que l'hélicoptère était à la hauteur du pont Champlain, à 1100 pieds asl, le klaxon bas Nr a retenti pour signaler que le Nr avait passé en deçà de 97 %. Le moteur continuait de générer de la puissance et aucun autre voyant lumineux n'était allumé. Bien qu'il ait reconnu le klaxon bas Nr, le pilote a probablement cru qu'une certaine force se rendait encore au système du rotor principal. C'est pourquoi le problème d'embrayage n'a pas été relevé et le pilote n'a pas mis l'appareil en autorotation. Par conséquent, le régime du rotor a chuté au point de limiter sérieusement le contrôle de l'appareil, empêchant par la suite toute possibilité d'atterrissage normal en autorotation.

    Étant donné que les symptômes d'un problème d'embrayage ne sont pas reproduits pendant les vols de formation, le pilote ne pouvait pas s'appuyer sur une expérience contextuelle pour évaluer rapidement la situation.

    L'entrée en autorotation, qui consiste à abaisser le pas collectif au minimum, est essentielle pour empêcher la perte du Nr. Un délai dans la mise en autorotation ou l'abaissement partiel du pas collectif peut entraîner une perte significative du Nr et provoquer des problèmes de maîtrise pouvant nuire à l'atterrissage. L'analyse de la bande DVD de TVA révèle que le klaxon bas Nr a été enregistré quatre fois après son premier déclenchement. On note également que les trois dernières alarmes bas Nr ont été enregistrées dans les instants qui ont précédé l'écrasement et qu'elles étaient coupées par l'interruption de la transmission vers la régie de TVA. On peut penser que les trois dernières alarmes étaient en fait une alarme continue entrecoupée par les interruptions de transmission. En tenant compte de ce qui précède et de la mollesse du manche lors des derniers instants du vol, on peut conclure que le Nr s'est détérioré lors de l'autorotation au point où la contrôlabilité de l'appareil a été compromise.

    L'autorotation est une manœuvre qui fait appel à des compétences rarement mises en pratique, mis à part lors des formations périodiques. Au moment du déclenchement du klaxon bas Nr, le pilote disposait de peu de temps pour choisir un site propice à l'atterrissage forcé. Bien que plusieurs sites permettant un atterrissage sécuritaire étaient disponibles dans la zone survolée, peu de ces endroits convenaient à un atterrissage en autorotation. Le choix d'un endroit convenable pour un atterrissage forcé est tributaire de l'altitude de l'appareil au moment de la panne, de son emplacement par rapport à l'hélicoptère, de sa surface, et des obstacles dans ses environs.

    L'emplacement de l'héliport des Studios Mel's présentait un défi plus important que d'autres endroits disponibles situés droit devant. En effet, les hangars du côté est gênaient une approche de l'est et son emplacement par rapport à l'hélicoptère exigeait l'amorce d'un virage d'au moins 180° à une altitude de 700 pieds agl. Ces deux éléments complexifiaient la tâche du pilote en limitant l'axe d'approche et en augmentant le taux de descente pendant le virage.

    Le fait que l'hélicoptère TVA, un monomoteur, évoluait au-dessus d'une zone urbaine selon des critères pour une exploitation privée n'est aucunement lié à la panne qui a entraîné l'atterrissage forcé. Néanmoins, il est raisonnable de penser que l'exploitation soutenueNote de bas de page 20, à basse altitude, d'un hélicoptère monomoteur privé au-dessus d'une région bâtie de jour et de nuit accroît la possibilité de conséquences malheureuses lorsque l'appareil n'est pas exploité selon les normes commerciales. Signalons à ce propos que le Groupe TVA avait décidé dès l'acquisition de l'hélicoptère que son entretien serait effectué selon les normes commerciales. Toutefois, le Groupe TVA a jugé que l'exploitation opérationnelle s'accomplirait selon les normes moins restrictives de la Partie VI du RAC.

    On peut croire que les exigences pour l'exploitation commerciale, qui portent sur les façons d'opérer d'une compagnie et sur la formation des pilotes, diminuent la probabilité qu'une quelconque condition ait des conséquences et que ces conséquences soient graves (voir Tableau 1). Il est intéressant de noter à ce propos que Transports Canada n'effectue aucune analyse de risque dans le cas d'une exploitation privée. Le nombre d'heures de vol au-dessus d'une zone urbaine, la motorisation (monomoteur ou bimoteur) des appareils, l'horaire (jour ou nuit), la formation périodique des pilotes et le type de vol ne sont pas pris en considération par Transports Canada dans le cas d'une exploitation privée. Pourtant, si l'on tient compte de la nature de son travail, l'exploitation de l'appareil TVA comporte un niveau de risque plus important que s'il était exploité selon les normes d'exploitations commerciales.

    Dans le cas qui nous concerne, le pilote détenait une licence professionnelle. Toutefois, son dernier CCP sur R44 remontait à 2002 et sa dernière formation en vol sur type avait eu lieu 2,5 ans avant l'accident. On peut donc conclure que ses compétences pour faire face à la situation étaient moindres que si sa formation périodique avait été effectuée selon les exigences pour une exploitation commerciale. On ne peut pas affirmer de façon catégorique que le pilote aurait réussie l'atterrissage forcé s'il avait suivi le programme de formation exigé par la Partie VII du RAC. Toutefois, cette formation aurait accru la possibilité de réussir l'autorotation.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Le disjoncteur du système d'embrayage s'est déclenché pour une raison inconnue, entraînant l'arrêt de fonctionnement du système et une diminution subséquente du régime rotor (Nr). Comme la défectuosité s'est produite à basse altitude, le pilote n'a eu que très peu de temps pour y réagir.

    Faits établis quant aux risques

    1. Exploiter de façon soutenue un appareil monomoteur au-dessus d'une zone bâtie sans suivre les normes commerciales pose un risque accru d'accidents.
    2. Il n'existe aucune exigence règlementaire de formation au pilotage périodique continue pour un pilote privé. Par conséquent, un pilote privé peut conduire un appareil dans des conditions difficiles sans avoir à prouver sa compétence, comme on l'exige d'un pilote commercial dans les mêmes conditions opérationnelles.
    3. Il n'existe aucun panneau annonciateur ni système d'avertissement sonore pour signaler une défectuosité électrique d'un système essentiel, ce qui augmente le risque qu'un pilote ne détecte pas une défaillance du système et qu'il n'y réagisse pas correctement.

    Autres faits établis

    1. Le disjoncteur du circuit électrique du système d'embrayage était relié à d'autres systèmes électriques à bord de l'appareil.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

    Annexes

    Annexe A – Avis de sécurité SN-24

    Ce document est disponible en anglais seulement.

    ROBINSON HELICOPTER COMPANY

    Safety Notice SN-24

    Issued: Sep 86 Rev: Jun 94

    Low RPM Rotor Stall can be Fatal

    Rotor stall due to low RPM causes a very high percentage of helicopter accidents, both fatal and non-fatal. Frequently misunderstood, rotor stall is not to be confused with retreating tip stall which occurs only at high forward speeds when stall occurs over a small portion of the retreating blade tip. Retreating tip stall causes vibration and control problems, but the rotor is still very capable of providing sufficient lift to support the weight of the helicopter.

    Rotor stall, on the other hand, can occur at any airspeed and when it does, the rotor stops producing the lift required to support the helicopter and the aircraft literally falls out of the sky. Fortunately, rotor stall accidents most often occur close to the ground during takeoff or landing and the helicopter falls only four or five feet. The helicopter is wrecked but the occupants survive. However, rotor stall also occurs at higher altitudes and when it happens at heights above 40 or 50 feet AGL it is most likely to be fatal.

    Rotor stall is very similar to the stall of an airplane wing at low airspeeds. As the airspeed of an airplane gets lower, the nose-up angle, or angle-of-attack, of the wing must be higher for the wind to produce the lift required to support the weight of the airplane. At a critical angle (about 15 degrees), the airflow over the wing will separate and stall, causing a sudden loss of lift and a very large increase in drag. The airplane pilot recovers by lowering the nose of the airplane to reduce the wing angle-of-attack below stall and adds power to recover the lost airspeed.

    The same thing happens during rotor stall with a helicopter except it occurs due to low rotor RPM instead of low airspeed. As the RPM of the rotor gets lower, the angle-of-attack of the rotor blades must be higher to generate the lift required to support the weight of the helicopter. Even if the collective is not raised by the pilot to provide the higher blade angle, the helicopter will start to descend until the upward movement of air to the rotor provides the necessary increase in blade angle-of-attack. As with the airplane wing, the blade airfoil will stall at a critical angle, resulting in a sudden loss of lift and a large increase in drag. The increased drag on the blades acts like a huge rotor brake causing the rotor RPM to rapidly decrease, further increasing the rotor stall. As the helicopter begins to fall, the upward rushing air continues to increase the angle-of-attack on the slowly rotating blades, making recovery virtually impossible, even with full down collective.

    Wing or rotor blade unstalled and stalled.
    Image
    Appendix A. Wing or rotor blade unstalled and stalled.

    When the rotor stalls, it does not do so symmetrically because any forward airspeed of the helicopter will produce a higher airflow on the advancing blade than on the retreating blade. This causes the retreating blade to stall first, allowing it to dive as it goes aft while the advancing blade is still climbing as it goes forward. The resulting low aft blade and high forward blade become a rapid aft tilting of the rotor disc sometimes referred to as "rotor blow-back". Also, as the helicopter begins to fall, the upward flow of air under the tail surfaces tends to pitch the aircraft nose-down. These two effects, combined with aft cyclic by the pilot attempting to keep the nose from dropping, will frequently allow the rotor blades to blow back and chop off the tailboom as the stalled helicopter falls. Due to the magnitude of the forces involved and the flexibility of rotor blades, rotor teeter stops will not prevent the boom chop. The resulting boom chop, however, is academic, as the aircraft and its occupants are already doomed by the stalled rotor before the chop occurs.