Panne d'alimentation carburant
du Piper PA-34-200T C-FANI
à Mirabel (Québec)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le Piper PA-34-200T en exploitation privée (immatriculé C-FANI, numéro de série 34-7570278) décolle de l'aéroport de Saint-Georges (Québec) à destination de Gatineau (Québec) selon un plan de vol aux instruments. Alors que l'appareil est en croisière à une altitude de 10 000 pieds, à 7,4 milles marins (nm) au sud-ouest de l'aéroport de Mirabel (Québec), les deux moteurs perdent simultanément leur puissance. L'appareil entame un virage de 180° par la droite. Le pilote avise le contrôle de la circulation aérienne qu'il a des problèmes de moteur mais ne déclare pas d'urgence. Des guidages radar sont fournis au pilote afin de le diriger vers l'aéroport de Mirabel. En descente, l'appareil dévie vers le sud avant de revenir vers l'aéroport. L'altitude restante ne permet pas de planer jusqu'à l'aéroport, et l'appareil s'écrase dans une érablière à 1,2 nm du seuil de la piste 06 de l'aéroport de Mirabel à 17 h 32, heure avancée de l'Est. Quelques minutes plus tard, l'appareil est localisé par un hélicoptère. Le pilote, seul à bord, est grièvement blessé.
Renseignements de base
Le pilote
Le pilote était titulaire d'une licence de pilote privé et possédait les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Il totalisait plus de 4800 heures de vol dont 3800 sur le PA-34.
Conditions météorologiques
Les conditions météorologiques signalées à l'aéroport de Mirabel à 17 hFootnote 1 étaient les suivantes : masse nuageuse formée de strato-cumulus épars à 6000 pieds au-dessus du sol (agl) altocumulus fragmentés à 9000 pieds agl, vent du 220° vrai à 10 nœuds, et légères averses de pluie occasionnelles. Dû à l'activité générée par l'écrasement, le message d'observations météorologiques réguliers de 18 h a été retardé à 18 h 17. À ce moment, la couche nuageuse était formée d'altocumulus épars à 8000 pieds agl et le vent soufflait du 280° vrai à 5 nœuds.
L'appareil
Le bimoteur Piper Seneca PA34-200T était entretenu selon la règlementation en vigueur et était muni de l'équipement requis pour le vol aux instruments. Son instrumentation avait été modernisée et était dotée d'un écran principal de vol et d'un système de pilotage automatique trois axes couplé au système de positionnement mondial (GPS). Un système de débit de carburant comptabilisant l'essence utilisée avait aussi été ajouté. Au moment de l'accident, il n'y avait aucune anomalie différée inscrite au journal de bord. La masse et le centrage de l'appareil se trouvaient dans les limites prescrites.
Déroulement du vol
La veille de l'accident, les réservoirs d'essence sont remplis avec un ajout de 258 litres d'essence, et l'avion est remisé dans un hangar appartenant au pilote. Le lendemain, le pilote réalise qu'il doit retourner à Gatineau. Son arrivée au hangar coïncide avec celle d'un préposé qui devait laver l'avion.
Le pilote initialise le système d'indication de débit de carburant en introduisant la valeur correspondante au réservoir plein, soit 176 litres par réservoir. L'avion décolle vers 16 h 12 et atteint à 16 h 27 l'altitude de croisière de 10 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). La durée du vol prévue est de une heure et 35 minutes alors que l'autonomie allouée avec réservoirs pleins est d'un peu plus de quatre heures. Durant le vol, la gestion du carburant se limite à vérifier le débit d'essence de chaque moteur et la quantité restante indiquée digitalement par le système. Peu d'attention est portée aux jauges à essence en raison de leur imprécision.
À 17 h 26, soit au bout de une heure et 14 minutes de vol, alors que l'appareil est à 7,4 nm au sud-ouest de l'aéroport de Mirabel, les deux moteurs perdent leur puissance. Le système de pilotage automatique se débranche et l'appareil amorce un virage par la droite d'environ 180°. (Voir Figure 1). Suite au virage, alors qu'il est 1000 pieds sous l'altitude assignée, le pilote avise le contrôle de la circulation aérienne (ATC) qu'il a des problèmes de moteur, mais il ne déclare pas d'urgence. Il indique que les moteurs semblent gelés. Un cap magnétique de 080° est assigné au pilote afin de le diriger vers l'aéroport de Mirabel. L'ATC demande s'il a besoin d'équipement d'urgence à Mirabel ou s'il désire déclarer une urgence. Le pilote décline l'offre. Bien qu'il ait collationné le cap de 080°, le pilote continue le virage vers le sud sur un cap magnétique d'environ 180° avant que lui soit assigné un nouveau cap vers Mirabel. Lorsque le pilote avise qu'il a la piste en vue, l'ATC l'autorise pour une approche visuelle piste 24, puisque le vent au sol de 6 nœuds favorise cette piste. À environ 4500 pieds asl, bien que les moteurs ne développent pas de puissance, le pilote rapporte que les moteurs fonctionnent toujours. Au cours de la descente, le pilote met les pompes de suralimentation en circuit, mais ceci n'a aucun impact. Les hélices ne sont pas mises en drapeau et continuent de tourner en moulinet. À 1600 pied asl et à 2,2 nm à l'ouest du seuil de la piste 06, le pilote avise Mirabel radio qu'il ne pourra atteindre la piste 24. L'appareil disparaît de l'écran radar à environ 400 pieds asl ou 150 pieds agl et s'écrase à 17 h 32 à 1,2 nm du seuil de la piste 06 de l'aéroport de Mirabel.
L'impact
L'appareil s'écrase dans une érablière au travers d'arbres matures d'un diamètre moyen de 24 pouces et dépassant 100 pieds de hauteur. L'avion pénètre dans les arbres sur un cap magnétique de 040° avec un angle d'inclinaison vers la droite d'environ 30.
Au cours de l'impact, le réservoir d'essence droit est perforé alors que le gauche est complètement éventré. Le fuselage termine sa course sur le dos contre un arbre d'environ huit pouces de diamètre qui pénètre dans la cabine du côté passager (voir figure 2). Une forte odeur d'essence est présente au site d'accident, ce qui confirme la présence d'essence à bord au moment de l'impact. Le pilote est grièvement blessé. Il réussi à s'extirper du poste de pilotage et est retrouvé dans la cabine arrière.
Les secours
Même si le pilote n'a pas déclaré une situation d'urgence, le spécialiste de l'information de vol en service à Mirabel a avisé le service de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronef (SLIA) de l'aéroport de se tenir prêt à intervenir parce qu'un avion en difficulté se dirigeait vers Mirabel. Après l'impact, le spécialiste a indiqué au SLIA que le site de l'accident se situait à environ un demi-mille au sud du seuil de la piste 29 sans toutefois être en mesure de confirmer si le site était à l'intérieur du périmètre d'aéroport. Le SLIA a immédiatement alerté les pompiers de la municipalité de Mirabel et la Sûreté du Québec. Comme la localisation de l'appareil s'avérait difficile, le spécialiste a alors demandé à l'équipage d'un hélicoptère Bell 222 qui revenait à Mirabel en provenance de Montréal de l'aider à localiser le site de l'accident. Après avoir identifié le site d'écrasement, l'hélicoptère s'est posé dans un champ avoisinant. Le copilote de l'hélicoptère a marché dans la forêt vers le site en étant guidé par l'hélicoptère qui avait redécollé et s'était placé en vol stationnaire au-dessus de l'épave. Le copilote de l'hélicoptère est arrivé au site à 17 h 56 et a constaté que le pilote de l'avion accidenté était blessé mais qu'il était conscient. En raison de la difficulté d'accès au site, un des pompiers a été en mesure de prodiguer les premiers soins au pilote blessé à compter de 18 h 15.
La configuration de l'hélicoptère ne permettant pas de prendre un patient en position couchée, le pilote de l'avion accidenté a finalement pu être évacué par camion 4×4 vers 19 h avec l'assistance du propriétaire de l'érablière qui connaissait un chemin forestier adjacent au site.
Le système d'essence
Le système d'essence pour cet appareil est composé de deux cellules montées dans chacune des ailes et qui sont réunies pour constituer un seul réservoir. Les réservoirs adoptent le profil de l'aile, et leur surface par rapport à leur profondeur fait qu'une différence de hauteur de quelques millimètres du niveau d'essence peut égaler quelques litres. Chaque réservoir a une capacité de 46,5 gallons américains dont 2,5 gallons d'essence inutilisable, ce qui laisse 44 gallons ou 166,5 litres d'essence utilisable.
Le système d'essence est pourvu de deux sélecteurs d'essence (voir Figure 3), un par moteur qui sont identifiés Left Engine et l'autre Right Engine. Chacun des sélecteurs comporte trois positions. La position avant (ON) permet à chaque réservoir d'alimenter son moteur respectif. La position centrale (OFF) coupe l'alimentation d'essence. La position arrière (XFEED) est la position d'intercommunication permettant l'alimentation d'un moteur à partir du réservoir opposé. Concrètement si le sélecteur de droite est sur XFEED, le moteur droit sera alimenté par le réservoir gauche.
Selon la liste de vérification utilisée par le pilote, le fonctionnement du sélecteur d'essence fait l'objet d'une vérification alors que l'appareil circule au sol. Dans le cas de cet événement, son fonctionnement a été vérifié avant le début de la circulation au sol. La vérification consiste à placer un des sélecteurs sur OFF. Dès que le moteur correspondant commence à manquer, le sélecteur est placé sur XFEED, et le moteur doit de nouveau fonctionner normalement. Par la suite, le sélecteur doit être remis sur ON. La même vérification est faite pour l'autre moteur. Par la suite, la liste de vérification permet à quatre reprises de s'assurer que les deux sélecteurs d'essence sont sur ON : lors du point fixe, lors des vérifications avant décollage, lors de l'alignement sur la piste et une fois établi à l'altitude de croisière. Lors de l'examen de l'appareil au site de l'accident, le sélecteur gauche a été trouvé sur ON et celui de droite sur XFEED.
Une note au manuel de vol de l'appareil indique que chaque moteur retourne avec les vapeurs, un pourcentage d'essence à son réservoir respectif. De ce fait, on doit utiliser un minimum de 30 minutes d'essence de ce réservoir avant de sélectionner l'intercommunication. Si la jauge d'essence indique que le réservoir est presque plein, on doit réutiliser l'essence de ce réservoir pendant 30 minutes additionnelles pour baisser le niveau d'essence du réservoir; sinon l'essence sera vidangée à l'extérieur via la buse de ventilation du réservoir.
Une vérification des spécifications des moteurs Teledyne Continental de type TSIO-360-EB et LTSIO-360-EB installés sur l'appareil en cause a révélé que chaque moteur, lorsqu'il fonctionne à plein régime, peut retourner un maximum de 80 livres d'essence par heure à son réservoir respectif. Aucune spécification n'est fournie pour les gammes de révolutions plus basses comme celles utilisées en croisière ou en descente. Le retour d'essence n'est pas fonction de la puissance utilisée, il est plutôt lié à la vitesse de rotation du moteur. Comme la vitesse de rotation de la pompe à essence du régulateur de carburant est en ratio avec celle du moteur, le retour d'essence diminue avec une réduction du régime moteur. Pour un poids donné, le volume de l'essence varie selon sa température; à 15 °C, 80 livres d'essence égale 50,47 litres.
Un calcul de consommation démontre que, pendant la montée de 15 minutes avec une consommation moyenne de 45 litres à l'heure par moteur, 11,25 litres d'essence ont été utilisés par moteur. Les 59 minutes en croisière à 40 litres à l'heure par moteur donnent une consommation de 39,33 litres. Ceci donne un total de 50,58 litres par moteur ou 101,16 litres pour les deux moteurs.
L'appareil utilisait une chaufferette de type Janitrol consommant 3 litres d'essence à l'heure, ce qui correspond à 3,7 litres d'essence pour le vol de une heure et 14 minutes.
En utilisant des quantités de retour d'essence correspondant à la réduction du régime moteur, comme 50 litres en montée et 45 litres en croisière, une quantité estimée à 56,75 litres aurait été retournée au réservoir droit et évacuée via la buse de ventilation. Cette situation ne prévaut que si le sélecteur droit a été laissé sur XFEED pendant tout le vol (position à laquelle il a été trouvé sur le site de l'accident).
Le total de la consommation d'essence des moteurs (101,16 litres), plus la consommation de la chaufferette (3,7 litres), plus un retour de 56,75 litres au réservoir droit, équivaut à une utilisation totale de 161,61 litres. Cette quantité représente un écart de moins de 5 litres par rapport aux 166,5 litres d'essence utilisable de chacun des réservoirs.
L'ajout d'un système digital affichant le taux de consommation d'essence permet au pilote de visualiser la quantité d'essence utilisée par chaque moteur. Cependant le capteur est monté en aval du régulateur carburant et ne mesure que l'essence dirigée vers les injecteurs. Le système inclus également un totalisateur d'essence. Cet indicateur soustrait de la quantité inscrite au départ, l'essence consommée par le moteur, sans tenir compte de la provenance de l'essence ou de la quantité restante dans les réservoirs. Avec l'usage, ce système avait démontré sa fiabilité en indiquant avec précision l'essence requise lors des avitaillements, et avait conduit le pilote à y porter plus d'attention qu'à ses jauges à carburant.
Panne moteur
Le pilote avait fait plusieurs exercices de panne moteur. Cependant aucun exercice de panne simultanée des deux moteurs n'avait été effectué; rien ne l'exige. La probabilité d'une panne simultanée des deux moteurs pour des raisons mécaniques est très faible. De plus, le constructeur ne publie aucune procédure traitant une panne simultanée des deux moteurs. Cependant, suite à la panne d'un moteur, le premier élément figurant sur la liste de vérification utilisée par le pilote consiste à placer le sélecteur d'essence sur ON ou sur X-FEED après s'être assuré qu'il n'y a pas de feu moteur.
Au moment de la panne des moteurs, l'appareil se trouvait à une distance de 6,5 nm du seuil de piste 06 et s'est rapproché par la suite à 4,5 nm du seuil de piste avant de dévier vers le sud. Cette déviation a augmenté la distance à parcourir pour atteindre le seuil de piste. L'appareil a parcouru une distance de 10,7 nm en vol plané avant de s'écraser.
La radiobalise de détresse
L'appareil était muni d'une radiobalise de détresse transmettant sur la fréquence 121,5 MHz et 406 MHz. La balise n'a pas été endommagée dans l'accident et a été activée par l'impact. Cependant l'antenne, montée sur le dos de la cabine, a été fracturée suite à l'impact et n'a pas favorisé la captation des signaux.
Cette balise est programmée pour transmettre, 50 secondes après un impact, un message codé qui permet au Centre canadien de contrôle des missions (CCCM) d'accéder à l'information fournie lors de son enregistrement, dont l'identification de l'appareil et la personne ou l'agence responsable de l'aéronef. Ce message est normalement capté sur la fréquence 406 MHz par un des satellites de type GEFootnote 2. Cependant, à moins que la balise ne soit en mesure de transmettre une position GPS, ce qui n'était pas le cas pour le modèle monté dans le C-FANI, ces satellites ne peuvent qu'identifier la balise émettrice sans fournir d'information sur sa position. Selon le CCCM, à cause de la distance de ces satellites, si l'antenne est endommagée ou se retrouve sous l'épave après l'accident, le message codé ne peut être capté. Cependant, d'autres satellites de type LEFootnote 3 peuvent capter le message codé sur la fréquence 406 MHz, et ce sont eux qui localisent la position du signal. Malgré une antenne endommagée ou mal orientée, les LEO peuvent parfois recevoir et identifier la location du signal, ce qui a été le cas dans cet événement.
Depuis le 1er février 2009, le réseau international de satellites de recherche et sauvetage, COSPAS-SARSATFootnote 4, ne détecte plus les signaux émis sur la fréquence 121,5 MHz. Cependant, les signaux peuvent être entendus par les avions à l'écoute de cette fréquence. Suite à l'écrasement, aucun appareil n'a signalé la réception d'un signal sur la fréquence 121,5 MHz.
L'accident s'est produit à 17 h 32. L'ATC a transmis l'information aux services de recherche et sauvetage (SAR) à 17 h 5. Comme il arrive qu'aucun satellite LEO ne soit en position de capter le message, des délais pouvant aller jusqu'à deux heures peuvent être encourus.
Dans cet événement, la première alerte transmise par satellite avec l'information codée au CCCM a été reçue à 18 h 2, soit 30 minutes après l'accident. Ce signal transmet deux positions dont l'une est une position fantôme. Au deuxième passage d'un satellite, la position réelle reste identique alors que la position fantôme change. Le deuxième passage a été rapporté à 19 h 9 et a fourni une position correspondant à moins de 1000 pieds du site de l'accident. Le signal peut être capté par plus d'un satellite à la fois et un total de 18 captations ont été enregistrés. Les coordonnées fournies par chaque captation étaient différentes mais se situaient à moins d'un demi-mille du site de l'accident. La dernière transmission a été reçue à 2 h 31 le lendemain.
La balise a été fermée vers 9 h 15. La balise est conçue pour une autonomie de transmission d'au moins 24 heures. Aucune transmission n'a été reçue 9 heures après l'activation de la balise.
Le Laboratoire du BST a examiné la balise et a conclu qu'elle était apte à transmettre sur les deux fréquences et que la batterie avait conservé suffisamment d'énergie pour produire un signal de 5 watts, ce qui est conforme aux exigences. Le bris d'antenne n'a pas favorisé la captation des signaux.
Analyse
L'hypothèse voulant que le sélecteur d'essence droit ait été laissé sur XFEED suite à sa vérification avant le départ de Saint-Georges est la plus plausible.
Le calcul de la consommation d'essence indique que dans un tel cas le vol aurait disposé de 166,5 litres en 74 minutes, avant que les deux moteurs s'arrêtent, soit l'équivalent d'une consommation horaire de 135 litres, ce qui est largement supérieur à la consommation normale de 80 litres à l'heure. Par conséquent, la différence de 55 litres est retournée au réservoir droit. Puisque ce dernier était plein, ce carburant a été évacué via la buse de ventilation.
Lors de l'avitaillement, en fonction de la grande surface des réservoirs, une différence de quelques millimètres est égale à quelques litres, ce qui rend négligeable l'écart de 5 litres entre l'essence disponible et celle utilisée. De plus, le taux de consommation exact ainsi que l'heure précise du départ n'ont pu être validés. L'arrêt simultané des moteurs, la position à laquelle le sélecteur droit a été trouvé et le calcul de l'utilisation d'essence confirment que la double panne résulte du fait que les moteurs étaient alimentés à partir du même réservoir.
Au départ de Saint-Georges, le pilote a pu être distrait par la présence du préposé qui l'a salué pendant qu'il effectuait ses vérifications prévol et peut avoir omis de remettre le sélecteur d'essence droit sur ON. Cependant, la liste de vérification offrait quatre occasions de s'assurer que les deux sélecteurs d'essence étaient sur ON : lors du point fixe, lors des vérifications avant décollage, lors de l'alignement sur la piste et une fois établi à l'altitude de croisière. Le pilote n'a pas rectifié la position du sélecteur, ce qui permet de croire que la liste de vérification n'a pas été utilisée.
En vol, comme il n'a pas porté une attention particulière aux jauges à essence, le pilote ne s'est pas rendu compte que le réservoir gauche baissait rapidement alors que celui de droit restait plein. Du fait que le pilote automatique était en fonction, le pilote ne pouvait ressentir sur les commandes le déséquilibre latéral causé par la différence de quantité d'essence entre les deux réservoirs. Ce déséquilibre explique pourquoi l'appareil a tourné à droite suite au débranchement du pilote automatique. La charge de travail du pilote a augmenté subitement de telle sorte qu'il n'a pas réalisé que l'appareil était en virage.
Le rôle principal d'un pilote est de contrôler efficacement les risques liés à un vol. Les listes de vérification sont les outils de défense les plus facilement disponibles pour contrôler les menaces, les erreurs et les conditions indésirables. L'omission d'éléments figurant sur la liste de vérification lors du point fixe, lors des vérifications avant décollage, lors de l'alignement sur la piste, une fois établi à l'altitude de croisière, et suite à la perte de puissance, a graduellement augmenté le risque, jusqu'à l'écrasement.
Le système digital de consommation d'essence a fonctionné normalement. La quantité d'essence utilisable par réservoir était de 166,5 litres, mais le système avait été programmé pour indiquer la capacité totale de 176 litres par réservoir lorsque réinitialisé avant le départ de Saint-Georges. Comme il n'est pas conçu pour détecter l'essence restante dans les réservoirs, le système aurait indiqué environ 125 litres par réservoir (176 - 50,58) au moment de la perte de puissance, car il tient seulement compte de l'essence consommée par le moteur. L'habitude d'une indication fiable de ce système n'a pas amené le pilote à s'interroger sur la quantité d'essence restante dans les réservoirs après la perte de puissance des moteurs. Sans mouvement de lacet, le pilote n'a pas identifié la perte de puissance comme étant une panne moteur, et la liste de vérification d'urgence en cas de perte d'un moteur n'a pas été exécutée.
Comme les hélices n'ont pas été mises en drapeau, elles tournaient en moulinet, ce qui pouvait donner l'impression au pilote que les moteurs fonctionnaient toujours, mais au ralenti. Ceci peut expliquer pourquoi le pilote a mentionné à l'ATC que les moteurs fonctionnaient alors qu'il passait 4500 pieds en descente. Le positionnement du sélecteur gauche sur XFEED et du sélecteur droit sur ON aurait permis de rétablir l'alimentation en essence aux deux moteurs.
Au moment où les moteurs se sont arrêtés, l'appareil se trouvait à 10 000 pieds asl et à 6,5 nm du seuil de la piste 06 de l'aéroport. Considérant que la bifurcation vers le sud a augmenté de 4,2 nm la distance à parcourir et que l'avion s'est écrasé à 1,2 nm du seuil de piste, il est fort probable que l'appareil aurait pu atteindre le seuil de la piste 06 en vol plané, même si les hélices n'avaient pas été mises en drapeau.
Malgré l'absence évidente de puissance, le pilote n'a pas choisi de déclarer une urgence. Le fait de déclarer une situation d'urgence au bon moment permet aux pilotes de bénéficier de l'attention immédiate et soutenue de l'ATC et d'une meilleure assistance lorsqu'ils sont confrontés à une situation anormale ou d'urgence. Tout écart aux instructions fournies, comme la déviation d'un cap donné, est immédiatement indiqué au pilote pour donner la meilleure assistance possible.
La balise était apte à transmettre sur les fréquences 121,5 et 406 MHz, et la batterie avait suffisamment d'énergie pour produire un signal. Par contre, le bris de l'antenne n'a pas favorisé la captation des signaux.
Bien que la localisation de l'appareil ait été facilitée par l'assistance d'un hélicoptère de passage, l'atteinte du site s'est révélée difficile. Le délai d'une heure et trente minutes entre le moment de l'accident et l'évacuation du pilote blessé s'explique par le fait que l'accident s'est produit à l'extérieur du périmètre de l'aéroport dans une forêt privée dont l'accès n'était bien connu que par les propriétaires.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Probablement dû à une distraction et/ou à un manque de suivi de la liste de vérification, le sélecteur d'essence droit a été laissé à la position XFEED. En conséquence, les deux moteurs n'ont été alimentés qu'à partir du réservoir gauche jusqu'à épuisement de ce réservoir, ce qui a provoqué l'arrêt simultané des moteurs.
- Le pilote s'est fié à un système d'indication de quantité d'essence basé sur la consommation d'essence du moteur et non sur la quantité d'essence restante indiquée par les jauges.
- Le pilote n'a pas identifié la perte de puissance comme étant une panne des moteurs. La liste de vérification d'urgence en cas de panne moteur n'a pas été exécutée.
Autres faits établis
- La radiobalise de détresse (ELT) de l'appareil émettait sur 121,5 MHz et 406 MHz; elle n'a pas été endommagée au moment de l'impact, mais son antenne a été cisaillée, ce qui n'a pas favorisé la captation des signaux.
- Le pilote n'a pas déclaré une situation d'urgence et n'a pas signalé clairement la nature du problème. Par conséquent le contrôle de la circulation aérienne (ATC) ne pouvait pas prévoir les besoins du pilote.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .