Perte de puissance et collision avec des câbles
de l'hélicoptère Enstrom F-28C C-GVQQ
Mont-Laurier (Québec)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Vers 8 h 55, heure avancée de l'Est, l'hélicoptère privé Enstrom F-28C (immatriculé C-GVQQ, numéro de série 387) décolle de l'aéroport de Mont-Laurier (Québec) pour effectuer un vol local selon les règles de vol à vue (VFR) au-dessus de la ville de Mont-Laurier. Le pilote et un caméraman sont à bord. Environ 20 minutes plus tard, alors que l'appareil retourne à l'aéroport, le moteur (Avco Lycoming HIO-360) subit une perte de puissance et des retours de flamme. Alors que le pilote tente d'effectuer un atterrissage d'urgence, l'appareil heurte des câbles qui traversent la route 117, percute la route et se renverse dans un fossé. L'hélicoptère est complètement détruit par l'incendie qui éclate après l'impact. Les deux occupants perdent la vie dans l'accident.
Renseignements de base
Renseignements météorologiques
Aucun message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) n'est disponible pour Mont-Laurier (Québec). Cependant, le METAR pour Gatineau (Québec), ville située à 62 milles marins (nm) au sud, et celui pour Mirabel (Québec), localité située à 83 nm au sud-est, indiquaient un faible vent de l'ouest, des nuages épars et une température de 18°CFootnote 1. Selon les images vidéo prises juste avant l'événement, des conditions similaires favorables au vol à vue prévalaient à Mont-Laurier au moment de l'événement. Par conséquent, la météo n'est pas considérée comme un facteur dans cet événement.
Renseignements sur le pilote
Le pilote possédait les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Il était titulaire d'une licence de pilote professionnel (hélicoptère) valide. Il était également titulaire d'une licence de pilote professionnel (avion) avec l'annotation pour les avions sur flotteurs et multimoteur, en plus d'une qualification de vol aux instruments valide, et ce, jusqu'au 1er septembre 2010. Un examen des dossiers médicaux pertinents n'a permis de révéler aucun facteur qui aurait pu contribuer à l'accident.
Le pilote avait obtenu une licence de pilote privé (avion) en octobre 1970, une licence de pilote professionnel (avion) en septembre 1975 et une annotation multimoteur (avion) en avril 1979. Il avait ensuite complété sa formation pour la qualification de vol aux instruments (avion) en juin 1992. Il avait obtenu une licence de pilote professionnel (hélicoptère) en mai 1985 en utilisant un Hughes 300 (H269). Le pilote était propriétaire de plusieurs aéronefs, dont un hélicoptère Enstrom F-28C (EN28), un Bell 206 (BH06), un Cessna 150, un bimoteur Piper Navajo (PA-31), un Magister Super Fouga et un Utva 66.
Le pilote totalisait environ 5500 heures de vol sur avions et hélicoptères. L'enquête n'a pas permis de confirmer l'expérience du pilote sur les hélicoptères, mais d'après le carnet de bord de l'Enstrom, il totalisait quelque 300 heures de vol sur le C-GVQQ depuis son acquisition en 1986. Le pilote avait reçu 2 heures de formation sur EN28 en juillet 1986 et 5 heures sur BH06 en avril 2006 afin d'obtenir les annotations sur ces types d'hélicoptère. Le Règlement de l'aviation canadien (RAC) n'exige pas la tenue de dossier de formation pour les pilotes en exploitation privée. Par conséquent, l'enquête n'a pas permis d'établir si le pilote avait reçu de la formation en vol supplémentaire sur l'EN28 depuis juillet 1986.
Mise à jour des connaissances
Afin de pouvoir continuer à exercer les avantages de ses licences, le pilote doit satisfaire aux exigences de mise à jour des connaissances stipulées dans le RAC. Le pilote du C-GVQQ se conformait à ces exigences comme suit :
- Il avait agi en qualité de commandant de bord d'un aéronef dans les 5 années qui ont précédé le vol Footnote 2;
- Il avait terminé avec succès un programme de formation périodique dans les 24 mois qui ont précédé le volFootnote 3.
À titre de formation périodique, les mesures acceptables comprennent des formations théoriques Footnote 4. Le « Programme d'autoformation » en est un exemple qui figure dans le bulletin Sécurité aérienne - Nouvelles de Transports Canada. Ce programme d'autoformation consiste en un questionnaire, auquel le pilote répond et qu'il corrige lui-même.
Une autre mesure acceptable est l'examen en vol, qui se fait dans le cadre du renouvellement de la qualification de vol aux instruments. Puisque le pilote avait réussi un tel examen en vol sur le Piper Navajo en juillet 2008, il remplissait les exigences de la mise à jour des connaissances pour sa licence avion et hélicoptère jusqu'en juillet 2010. De plus, il avait effectué au moins 5 décollages et 5 atterrissages en hélicoptère dans les 6 mois qui ont précédé le vol; il remplissait donc les conditions pour le transport de passagers stipulées dans le RACFootnote 5 .
Déroulement du vol
À bord du C-GVQQ, le pilote avait survolé la ville de Mont-Laurier le jour précédant l'événement pour constater l'étendue des dommages causés par le passage d'une tornade. Voulant offrir un point de vue aérien des dommages, il a proposé aux caméramans de 2 réseaux de télévision présents à Mont-Laurier de leur faire survoler la région en hélicoptère le lendemain matin. Pour ce faire, la porte droite de l'hélicoptère a été enlevée, conformément au manuel de vol, afin de permettre un enregistrement vidéo sans verrière. Il s'agissait d'un vol privé. La masse et le centrage de l'appareil respectaient les limites prescrites par le fabricant.
Vers 8 h 40 Footnote 6, l'hélicoptère a décollé de l'aéroport de Mont-Laurier pour survoler la ville de Mont-Laurier. Un des caméramans se trouvait à bord. Le vol s'est déroulé sans problème. Vers 8 h 55, l'appareil était de retour à l'aéroport. Le moteur a été laissé en marche, le caméraman est descendu, et l'autre caméraman a pris sa place pour effectuer un survol semblable de la ville.
Le vol au-dessus de la ville a été effectué à environ 250 pieds au-dessus du sol (agl). Selon le sous-alinéa 602.14 (2)a)(iii) du RAC, on ne peut utiliser un aéronef au-dessus d'une zone bâtie à moins que celui-ci évolue à une altitude qui permettrait d'effectuer un atterrissage sans constituer un danger pour les personnes ou les biens à la surface. De plus, l'hélicoptère doit être à une altitude d'au moins 1000 pieds au-dessus de l'obstacle le plus élevé et situé à une distance de 500 pieds ou moins de l'aéronef, mesurée horizontalement. Le RAC considère qu'un hélicoptère est utilisé au-dessus d'une zone bâtie s'il se trouve à une distance de moins de 500 pieds, mesurée horizontalement, de la zone bâtie en question Footnote 7.
Vers 9 h 10, lors du retour vers l'aéroport, le caméraman a terminé l'enregistrement vidéo à environ 2 km du point d'atterrissage à l'aéroport. À ce moment, l'appareil se trouvait à une hauteur d'environ 250 pieds agl, à une vitesse de 75 mph (voir photo 1). Quelques secondes plus tard, une perte de puissance accompagnée de retours de flamme est survenue, alors que l'appareil était à 1,6 km du point d'atterrissage. Environ 14 secondes après la perte de puissance, l'appareil a survolé le stationnement d'un garage à une hauteur d'environ 150 pieds agl et est passé au-dessus d'un terrain boisé avant de se positionner au-dessus de la route 117. Pendant la descente, l'appareil a effectué des oppositions de fuselage Footnote 8. Une fois l'hélicoptère arrivé au dessus de la route, la descente a été stoppée à environ 20 pieds agl avec une trajectoire horizontale le long de la route, mais l'hélicoptère était désaxé vers la droite. Il s'est écoulé environ 32 secondes entre le moment où la perte de puissance est survenue et le moment où l'hélicoptère a survolé la route.
Avant que le pilote ne puisse arrêter le déplacement latéral de l'appareil le long de la route, l'appareil a percuté les câbles qui traversent la route à une hauteur comprise entre 21 et 26 pieds agl. Les câbles se sont enroulés autour du mât du rotor principal de l'hélicoptère, qui s'est alors écrasé sur la chaussée avant de se renverser sur le côté droit dans le fossé (voir photo 2).
Lorsque l'hélicoptère s'est renversé, l'essence s'est répandue sur les parties chaudes du moteur et s'est aussitôt enflammée. Les personnes qui sont arrivées sur les lieux quelques secondes après l'impact n'ont pu maîtriser les flammes qui enveloppaient l'appareil et, par conséquent, n'ont pu porter secours aux occupants.
De nombreuses études ont démontré que les occupants d'un hélicoptère qui est la proie des flammes ne disposent que de 6 à 15 secondes pour quitter l'appareil avant que la température excède la limite de la capacité respiratoire Footnote 9.
L'habitacle ayant été complètement consumé par les flammes, aucune analyse n'a pu être faite sur les instruments de bord et les commandes de vol.
Les restes de la cellule ont été examinés dans la mesure du possible, mais la continuité des commandes n'a pas pu être déterminée en raison de l'ampleur de la destruction de nature mécanique et thermique.
Radiobalise de repérage d'urgence
L'appareil était équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) de marque Narco 10, portant le numéro de série A17809. Le commutateur était en position armée (ARM), mais l'ELT était détachée de son ancrage et de son antenne (voir photo 3). Le centre de coordination de sauvetage n'a reçu aucun avis de signal ELT au moment de l'accident.
Utilisation des commandes de vol en autorotation
Les commandes de vol d'un hélicoptère consistent en une commande de pas cyclique, une commande de pas collectif et des pédales. Un mouvement de la commande de pas cyclique dans une direction entraîne un déplacement de l'hélicoptère dans la même direction. La commande de pas collectif situé à gauche du pilote permet de contrôler le mode vertical de vol et incorpore la poignée (tournante) des gaz, utilisée pour ajuster directement la puissance du moteur.
Le rotor principal, composé de 3 pales, assure la portance de l'hélicoptère et exerce un effet de couple sur la cellule de l'appareil. Cette dernière a tendance à la faire tourner en sens inverse, c'est à dire vers la droite. Le rotor de queue, ou anticouple, empêche ce mouvement en produisant une force appliquée à l'extrémité arrière du fuselage et est contrôlé à l'aide des pédales situées au plancher devant le pilote. En vol stabilisé, la production de cette force anticouple consomme plus de 10 % de la puissance fournie par le moteur. De plus, pour tout changement de la puissance, il en résulte un changement de couple qui entraîne un changement de cap. Ce changement doit être contré à l'aide du rotor de queue par l'entremise des pédales.
La transmission réduit le ratio entre le moteur et le rotor principal et incorpore une roue libre permettant la rotation libre du rotor principal et du rotor de queue en cas de panne moteur, et ce, pour permettre l'atterrissage d'urgence en autorotation. Puisque cet appareil n'est pas muni d'un régulateur de vitesse qui maintient le régime (tours par minute) du moteur constant, le pilote doit lui-même augmenter ou réduire la puissance du moteur à l'aide de la poignée des gaz. Ce processus permet de maintenir un régime constant lorsqu'un changement de pas (collectif) est effectué, augmentant ainsi la complexité de la manipulation des commandes.
Normalement, le moteur produit la force nécessaire pour entraîner les rotors. Cependant, suite à une panne moteur, la commande de pas collectif est abaissée, l'hélicoptère est établi en descente prononcée et l'écoulement de l'air au travers du rotor assure sa rotation. Cette rotation du rotor par l'écoulement de l'air est une « autorotation ». La manœuvre d'autorotation permet au pilote de descendre sans perte de maîtrise et d'effectuer un atterrissage d'urgence en toute sécurité. Cependant, les virages survenus pendant la descente en autorotation causent l'inclinaison du rotor et, par conséquent, le taux de descente doit être augmenté pour maintenir le régime rotor.
Dans le cas d'une panne moteur complète à 250 pieds agl avec une vitesse de croisière de 75 mph, le pilote dispose d'environ 15 secondes pour effectuer l'atterrissage d'urgence en autorotation. Si le moteur produit de la puissance partielle, le taux de descente sera réduit, augmentant proportionnellement le temps disponible pour effectuer l'atterrissage d'urgence. Dans le cas du présent accident, il s'est écoulé environ 36 secondes entre le moment où la perte de puissance est survenue et l'impact avec les câbles.
Procédures en cas de panne moteur
La procédure en cas de panne moteur Footnote 10 pour l'Enstrom F-28C est la suivante :
- Il faut entrer en autorotation et stabiliser la vitesse à 58 mph.
- La vitesse maximale recommandée au contact avec le sol sur une surface préparée est de 35 mph.
- Après le contact au sol, l'hélicoptère doit s'être complètement immobilisé avant d'abaisser la commande de pas collectif.
Le manuel de vol ne contient aucune procédure relative à la perte de puissance partielle du moteur. Cependant, le manuel de formation publié par Enstrom précise les recommandations suivantes en cas de panne moteur :
- Entrer en autorotation (abaisser complètement la commande de pas collectif).
- Stabiliser la vitesse à 58 mph.
- Choisir un site d'atterrissage.
- Vérifier le régime du moteur, et s'il existe de la puissance du moteur, essayer d'utiliser la commande de pas collectif doucement pour voir si le régime du rotor principal se maintient.
Note : Le vol pourrait se poursuivre à puissance réduite, tout en étant prêt à une panne complète du moteur. - À environ 50 pieds au-dessus du sol, amorcer l'arrondi pour réduire la vitesse avant.
- Mettre l'hélicoptère en palier (de niveau) et amortir l'atterrissage avec la commande de pas collectif. La vitesse maximale de contact avec le sol est de 35 mph.
Cependant, si la panne moteur se produit entre 10 et 375 pieds au-dessus du sol, les mesures à prendre changent en fonction de la compression temporelle, et les recommandations sont les suivantes :
- Abaisser la commande de pas collectif pour maintenir le régime du rotor principal.
- Ajuster la commande de pas cyclique pour établir un vol plané en autorotation.
- À environ 50 pieds au-dessus du sol, commencer l'arrondi pour réduire la vitesse avant.
- Mettre l'hélicoptère en palier (de niveau) et amortir l'atterrissage avec la commande de pas collectif. La vitesse maximale de contact avec le sol est de 35 mph.
Quant à la vitesse maximale recommandée de contact avec le sol, on tient pour acquis que la trajectoire de l'appareil est alignée avec son axe longitudinal. Tout atterrissage lorsque l'hélicoptère est désaxé de sa trajectoire risque de provoquer le renversement de l'appareil.
Renseignements sur l'appareil
Le C-GVQQ a été construit en 1977 aux États-Unis. L'hélicoptère totalisait environ 2810 heures de service, dont 612 heures depuis son achat en 1986 par les propriétaires actuels. Trois personnes pouvaient s'asseoir en place avant.
Depuis le 1er janvier 1990, le C-GVQQ était entretenu selon l'appendice A du chapitre 571 du Manuel de navigabilité, en vigueur à l'époque Footnote 11. Ce programme d'entretien permettait aux propriétaires d'utiliser le calendrier de maintenance général publié dans le RAC au lieu des listes de vérification du constructeur. Contrairement à la liste de vérification du constructeur, le calendrier de maintenance général publié dans le RAC est moins précis. Cependant, le RAC indique que « la méthode d'inspection pour chaque article du calendrier doit être conforme aux recommandations du constructeur ou aux pratiques courantes de l'industrie » Footnote 12. L'ampleur de l'inspection relativement à chaque article du calendrier est déterminée par la personne qui effectue l'inspection.
L'appareil était muni d'un moteur Avco Lycoming (HIO-360-E1AD, numéro de série L 17129 51). Il s'agit d'un moteur à 4 temps, composé de 4 cylindres montés indépendamment et de façon opposée. Chaque cylindre est muni d'une soupape d'admission et d'une soupape d'échappement. L'ouverture et la fermeture des soupapes sont effectuées par la rotation de l'arbre à cames, qui déplace le culbuteur par l'entremise du poussoir hydraulique et de la tige poussoir.
Le 13 avril 1982, le moteur avait été révisé par la compagnie T.W. Smith Engine Co. Inc. de Cincinnati en Ohio aux États-Unis et avait été importé au Canada avec le certificat de navigabilité d'exportation E195258. Le 13 juillet 1986, soit 4 ans plus tard, le moteur avait été installé sur le C-GVQQ suite à son acquisition par les propriétaires. Le certificat de navigabilité standard en vigueur avait été émis le 18 mars 1993. Il reste en vigueur tant que l'appareil est entretenu et certifié conformément au Manuel de navigabilité Footnote 13. La dernière inscription dans le livret technique du moteur, en date du 29 octobre 2008, indique que le moteur totalisait 542,2 heures d'utilisation depuis sa révision en 1982. Selon le carnet de route de l'appareil, en date du 20 mars 2009, le moteur totalisait 611 heures d'utilisation sur une période de 27 ans depuis sa révision en 1982. Suite à son installation en 1986, le moteur avait été inactif à plusieurs reprises pendant des périodes excédant 30 jours, voire quelques mois et quelques années.
La dernière entrée figurant au carnet de route de l'appareil est en date du 20 mars 2009. L'enquête a permis d'établir que l'appareil avait effectué plusieurs vols depuis cette date et que des inscriptions figuraient néanmoins dans un carnet personnel. Selon le RACFootnote 14, les détails d'un vol doivent être inscrits dans le carnet de route quotidiennement, à la fin de chaque vol ou série de vols.
Le motoriste Avco Lycoming a publié une lettre de service Footnote 15 dans lequel on recommande d'appliquer un agent préservateur sur les moteurs qui sont inactifs pendant des périodes de plus de 30 jours, et ce, afin de réduire les risques de corrosion. Rien dans les livrets techniques du C-GVQQ n'indique que cette recommandation ait été suivie.
Avco Lycoming a également publié une lettre de service Footnote 16 dans laquelle on recommande de réviser ce modèle de moteur toutes les 1500 heures d'utilisation ou 12 ans après la dernière révision, selon la première éventualité.
On recommande de réviser le moteur lors de la douzième année puisque les moteurs se détériorent de façon constante en raison de la corrosion, de l'assèchement et du durcissement de matériaux. Ces derniers comprennent les joints d'étanchéité, les tuyaux flexibles et les diaphragmes des pompes à essence, qui se détériorent surtout lorsque les moteurs ne sont pas utilisés pendant une période prolongée. L'usure anormale des roulements peut se produire lors des démarrages suite à ces périodes prolongées d'inutilisation en raison de la perte du film de protection de l'huile. Selon le RAC, l'application de ces recommandations est facultative quant aux moteurs installés sur des appareils en exploitation privée, alors qu'elle est obligatoire pour les appareils en exploitation commerciale. Comme le C-GVQQ était exploité à titre privé, le RAC n'exigeait pas que le propriétaire se conforme à ces recommandations du motoriste Footnote 17.
En 2003, les 4 cylindres avaient été remplacés par des cylindres neufs (no de pièce 05K21274) Footnote 18, qui avaient été obtenus auprès d'un organisme de maintenance agréé par Transports Canada. De nouvelles barrures de soupape avaient été installées et, selon le carnet de route, elles totalisaient environ 100 heures d'utilisation au moment de l'accident. Ces heures ne comprennent pas les heures inscrites au carnet personnel. L'enquête n'a pas permis de déterminer la raison du remplacement des cylindres. L'arbre à cames, les poussoirs hydrauliques de soupape et les tiges poussoirs n'avaient pas été remplacés, puisque ces pièces font partie intégrante du moteur. Avco Lycoming a publié un bulletin de service Footnote 19 dans lequel on recommande une inspection précise des soupapes de ce moteur toutes les 300 heures d'utilisation sur hélicoptère. Cependant, l'application d'un bulletin de service est facultative quant aux appareils en exploitation privée.
L'appareil a été transporté au laboratoire du BST à Ottawa (Ontario). Des rivets avaient été installés sur le bord de fuite d'une des pales du rotor de queue. Selon Enstrom, l'installation de rivets visant à réparer ou à prévenir la séparation du bord de fuite du rotor de queue n'est pas approuvée. Dans la procédure de réparation approuvée, Footnote 20 on recommande plutôt d'utiliser un adhésif constitué de résine époxyde. L'examen a aussi permis de révéler que les matériaux utilisés pour équilibrer les pales du rotor de queue n'étaient pas conformes aux normes aéronautiques. Toutefois, ces non-conformités n'ont pas eu d'effets sur le fonctionnement de l'appareil ou le déroulement du présent événement.
Aucune inscription n'a été trouvée dans les livrets techniques de l'appareil, faisant état de l'installation de la pale Footnote 21 du rotor de queue avec les rivets, ni de la réparation ou de la pose de matériaux pour équilibrer les pales. Selon le RAC Footnote 22, toutes les réparations doivent être décrites dans les livrets techniques de l'appareil.
Les pales du rotor de queue sont des pièces à durée de vie limitée inscrites à la fiche technique du certificat de type de l'Enstrom F-28C. Les pièces qui y sont énumérées doivent être remplacées à un nombre d'heures de vol prédéterminé par le fabricant.
Le démontage du moteur n'a permis de révéler aucune anomalie externe. Les 4 cylindres étaient en bon état et aucun dépôt de carbone n'était présent sur les soupapes pouvant causer leur blocage. Cependant, l'examen détaillé du cylindre no 4 a permis d'établir que la barrure de la soupape d'échappement Footnote 23 et la cage de retenue de la bille dans le poussoir hydraulique Footnote 24 de la soupape d'échappement étaient brisées.
La barrure de la soupape d'échappement est composée de 2 pièces symétriques semi circulaires, et l'une de ces 2 pièces était fracturée à 2 endroits. L'examen au microscope électronique à balayage a permis d'établir que ces fractures étaient présentes avant l'accident. Il n'a pas été possible d'établir la cause initiale de ces fractures. Cependant, la barrure est demeurée en position d'installation. La barrure de la soupape d'échappement fait partie intégrante du cylindre, qui avait été remplacé en 2003.
La cage de retenue de la bille dans le poussoir hydraulique de la soupape d'échappement avait un défaut préexistant. Il s'agit de criques sur la surface extérieure qui ont contribué à sa fracture éventuelle. Cette dernière s'est propagée en mode intergranulaire, qui est caractéristique d'une fragilisation du matériau, très probablement due à l'impureté du matériau utilisé pour fabriquer la pièce. La cage de retenue de la bille fait partie intégrante du moteur, et aucune inscription dans les livrets techniques ne fait état de son remplacement depuis la révision en 1982.
Le démontage du turbocompresseur a permis de révéler la présence d'usure et d'érosion sur les aubes de turbine antérieure à la perte de puissance et à l'impact avec le sol. Le niveau d'usure observé réduirait l'efficacité du turbocompresseur, ayant ainsi une incidence sur la puissance du moteur à haute température ou altitude. Par conséquent, les performances de l'appareil auraient été limitées dans ces conditions. Cependant, la puissance disponible pour le dernier vol effectué était suffisante pour le décollage et le vol en croisière.
Analyse
L'accident résulte d'une perte partielle de puissance du moteur survenue à environ 250 pieds agl, au-dessus d'un endroit qui n'offrait aucun site propice à un atterrissage d'urgence en toute sécurité. Par conséquent, l'analyse porte sur la défaillance qui a causé la perte partielle de puissance, l'entretien de l'appareil, le choix de l'altitude de vol et l'exécution de l'atterrissage d'urgence.
Les fractures de la barrure de la soupape d'échappement n'ont pas nui au fonctionnement de celle-ci, puisque la barrure est demeurée en position d'installation. La fracture de la cage de retenue de la bille dans le poussoir hydraulique de la soupape d'échappement a permis au poussoir hydraulique de devenir spongieux ou de s'affaisser, produisant une augmentation du jeu dans la soupape. Ce jeu exagéré a causé une ouverture tardive et une fermeture prématurée de la soupape, causant ainsi des conditions propices aux retours de flamme et une diminution de la puissance.
Les déviations aux normes d'entretien notées lors de l'enquête pourraient mettre en cause les conditions et les modalités du certificat de navigabilité standard de l'appareil. Dans certains cas, des déviations aux normes pourraient réduire le niveau de sécurité établi par le fabricant et, par conséquent, la sécurité des personnes à bord de l'appareil et au sol. Cependant, les déviations observées n'ont pas eu d'effets sur le déroulement du vol ayant mené à l'accident.
Le fait de ne pas systématiquement inscrire les heures de vol au carnet de route de l'appareil ne constitue pas en soi un risque pour la sécurité du vol. Cependant, le fabricant recommande l'inspection périodique de certaines composantes à des intervalles prédéterminées. Il prévoit aussi le remplacement obligatoire de pièces à durée de vie limitée à un nombre d'heures d'utilisation préétabli. Selon le RAC, l'entrée quotidienne des heures effectuées dans le carnet de route de l'appareil constitue une des façons pour prévenir le risque de dépassement des limites en heures de vol des inspections et du remplacement de certaines pièces.
Selon le calendrier de maintenance de Transports Canada, il faut effectuer des inspections conformément aux instructions du RAC Footnote 25. L'ampleur de l'inspection relativement à chaque article du calendrier est déterminée par la personne qui effectue l'inspection. De plus, la décision de remplacer des pièces qui ne sont plus conformes aux normes de navigabilité est ensuite prise en fonction de l'expérience de cette personne, de son jugement et de ses connaissances des normes aéronautiques générales.
Puisqu'aucune révision à périodicité fixe n'est prévue dans le cas des petits aéronefs à moteur à pistons exploités à titre privé, le moteur est entretenu en fonction de son état. Le moteur peut donc être utilisé aussi longtemps que le technicien juge qu'il est en état de navigabilité et que ses performances sont conformes aux normes. Il n'est donc pas soumis aux périodes de révision, en heures d'utilisation ou en années écoulées, pendant lesquelles il faut remplacer certaines composantes ou revoir complètement le moteur. De plus, les autres recommandations du motoriste sont facultatives.
L'inspection annuelle n'aurait pas permis de déceler la présence de fissures, puisque l'inspection de ces pièces ne fait pas partie des tâches d'inspection annuelle. Les inspections précises et les révisions du moteur, aux intervalles recommandés par le motoriste, sont les principales façons permettant de déceler la présence de fissures dans ces pièces. Puisque l'appareil était exploité à titre privé, le RAC permettait à son propriétaire de ne pas effectuer la révision du moteur toutes les 1500 heures d'utilisation ou après 12 ans, comme le recommande le motoriste. Par conséquent, même si le moteur totalisait moins de 50 % du nombre d'heures d'utilisation prescrit par le motoriste, il demeure qu'il s'était écoulé un peu plus de 27 ans depuis sa dernière révision.
Lorsque les retours de flamme sont survenus, le pilote a probablement été surpris par le bruit et les mouvements d'opposition de fuselage provoqués par les changements de puissance du moteur. Le pilote devait continuellement corriger avec des ajustements sur la poignée des gaz et la commande de pas collectif pour maintenir un régime rotor constant pendant ces fluctuations de puissance. De plus, ces changements de puissance changent aussi l'effet de couple du rotor principal, qui doit alors être corrigé à l'aide du rotor de queue en utilisant les pédales pour contrôler la direction de vol. Cette difficulté de maîtrise directionnelle, causée par les changements de puissance, augmente la charge de travail du pilote pendant une période critique où il analyse la situation en vue de déterminer le problème, choisit la procédure à suivre et prend les mesures nécessaires. Le moteur ayant subi une perte partielle de puissance, le pilote n'aurait pu maintenir le régime rotor en continuant son vol en palier. La seule option possible permettant de maintenir le régime rotor était d'amorcer une descente.
Un aspect critique de l'autorotation est la manœuvre d'entrée que doit faire le pilote dès la perte de puissance motrice, car il doit y réagir rapidement afin de maintenir le régime rotor. Pour ce faire, le pilote doit abaisser la commande de pas collectif, ce qui entraîne l'amorce d'une descente. Lors d'une panne complète de moteur, un retard de seulement 2 ou 3 secondes causerait une perte importante du régime rotor et pourrait avoir une incidence sur le niveau de maîtrise de l'appareil. Ainsi, dans les procédures de panne motrice, on recommande tout d'abord d'entrer immédiatement en autorotation.
Parmi les facteurs ayant une incidence sur le vol en autorotation, l'altitude au moment de la perte de puissance motrice est un élément important qui déterminera la réussite d'une descente en autorotation et de l'atterrissage d'urgence. Plus l'altitude est élevée au-dessus du sol, plus le pilote aura du temps pour trouver un endroit propice à l'atterrissage. Le vol à basse altitude réduit la marge de manœuvre à un point tel qu'il pourrait être impossible d'effectuer une autorotation et de poser l'hélicoptère sur une surface sécuritaire.
La diminution de la puissance est survenue à un moment où l'hélicoptère survolait un terrain boisé et les choix de site d'atterrissage convenable étaient limités. Si le moteur cesse complètement de fonctionner, le pilote n'a aucun choix que de poser l'hélicoptère d'urgence, quelle que soit la condition de la surface se trouvant sous la trajectoire de vol. Cependant, lorsque le moteur fournit encore de la puissance, il est possible de prolonger la descente pour atteindre un site d'atterrissage convenable.
Puisque l'hélicoptère évoluait à une altitude de moins de 375 pieds agl, dans le cas de perte de puissance, le guide de formation recommande d'abaisser la commande de pas collectif pour maintenir le régime rotor, d'établir un vol plané en autorotation, de faire l'arrondi pour réduire la vitesse d'avant, de mettre l'hélicoptère à niveau et d'amortir l'atterrissage à l'aide de la commande de pas collectif. À une altitude de 250 pieds agl, le pilote disposait d'environ 15 secondes pour effectuer l'atterrissage d'urgence. Il disposait de peu de temps pour sélectionner un site d'atterrissage approprié. En outre, le pilote était confronté à un dilemme : effectuer un atterrissage d'urgence sur une surface non convenable ou prolonger le vol pour atteindre une surface d'atterrissage convenable au détriment du régime rotor. Le pilote a prolongé le vol pour atteindre une section de la route qui offrait une surface d'atterrissage convenable. Par conséquent, lorsque le pilote a stoppé la descente de l'appareil à environ 20 pieds au dessus de la route, l'efficacité du rotor de queue a été réduite au point que l'hélicoptère s'est désaxé considérablement vers la droite de sa trajectoire horizontale le long de la route.
Pour effectuer un atterrissage avec une vitesse longitudinale, l'appareil doit être positionné dans l'axe de déplacement, sinon l'appareil risque de se renverser. Conséquemment, le pilote devait redresser l'appareil en direction du déplacement horizontal avant de se poser sur la route. La complexité de la manœuvre qui consistait à arrêter le déplacement horizontal de l'appareil le long de la route, alors qu'il était désaxé, et à maîtriser la descente jusqu'au sol, tout en contrant les changements de puissance motrice, était particulièrement difficile à gérer.
Ainsi, lorsque la perte de maîtrise directionnelle vers la droite est survenue, la charge de travail liée à l'atterrissage d'urgence, qui était déjà élevée, a encore augmenté, causant fort probablement une surcharge de travail pour le pilote. En surcharge de travail, il est fréquent que des pilotes se concentrent sur une tâche pouvant avoir une incidence sur l'ensemble de la situation. Par conséquent, il est probable que le pilote se soit concentré sur la manœuvre à exécuter et qu'il n'ait pas vu les câbles traversant la route.
Lors de la formation initiale préalable à l'obtention de la licence de pilote, l'élève pilote pratique les manœuvres et les manœuvres d'urgence sur un certain type d'appareil afin d'atteindre le niveau de compétence nécessaire pour effectuer un examen en vol. Afin de pouvoir continuer à exercer les avantages de sa licence, le pilote doit se conformer aux dispositions du RAC relatives à la mise à jour des connaissances. Footnote 26 Il est possible d'effectuer un seul vol aux 5 ans et de remplir soi même un questionnaire dans le bulletin Sécurité aérienne - Nouvelles de Transports Canada au cours des 24 mois précédant le vol afin de se conformer aux exigences du RAC. Pour transporter des passagers, il suffit d'effectuer 5 décollages et atterrissages dans les 6 mois précédant le vol. Rien n'indique que le pilote ait effectué un vol avec un instructeur afin de pratiquer des manœuvres d'urgence sur l'EN28 suite à l'obtention de son annotation de type en septembre 1986, et le RAC ne l'exige pas.
Les manœuvres d'urgence, et particulièrement l'autorotation en hélicoptère, sont exigeantes et exigent un niveau élevé d'habileté, de précision et de jugement. De surcroît, le pilote d'hélicoptère dispose souvent de moins d'une minute pour effectuer un atterrissage d'urgence à la suite d'une panne complète de moteur. Pour acquérir et maintenir ces compétences, il faut les mettre en pratique et suivre de la formation. Footnote 27
Bien que le niveau d'expérience soit généralement plus élevé chez les pilotes en exploitation commerciale, ils doivent effectuer au moins une formation périodique en vol ou en simulateur chaque année afin de pratiquer ces manœuvres d'urgence. Cependant, les pilotes en exploitation privée ne sont pas tenus de suivre une telle formation en vol s'ils n'effectuent qu'un seul vol aux 5 ans.
L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :
- LP111/2009 – Wreckage and Engine Examination (Examen de l'épave et du moteur)
- LP112/2009 – Video Recovery (Récupération de la vidéo)
On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- La fracture de la cage de retenue de la bille dans le poussoir hydraulique est à l'origine de la défaillance de la soupape d'échappement du cylindre no 4.
- La défaillance de la soupape d'échappement du cylindre no 4 a causé les retours de flamme et a engendré une perte partielle de la puissance du moteur. Par conséquent, l'appareil ne pouvait maintenir son altitude de croisière.
- Lors de la perte de puissance motrice et l'atterrissage d'urgence qui a suivi, le régime du rotor principal de l'hélicoptère a diminué et a entraîné une perte de maîtrise directionnelle au moment de l'arrondi suivi d'un impact avec des câbles qui traversaient la route.
- À une altitude de 250 pieds au-dessus du sol, le pilote disposait de très peu de temps pour réagir à la perte de puissance du moteur et effectuer l'autorotation ainsi que l'atterrissage d'urgence.
Faits établis quant aux risques
- Il est possible pour un pilote de se conformer aux normes de mise à jour des connaissances contenues dans le Règlement de l'aviation canadien (RAC) sans effectuer un seul vol avec un instructeur. En conséquence, les pilotes en exploitation privée pourraient ne pas être adéquatement préparés pour faire face aux situations d'urgence.
- Les propriétaires d'appareils exploités à titre privé ne sont pas tenus de suivre les recommandations du motoriste. En conséquence, certaines pièces peuvent ne pas être inspectées ou changées pendant plusieurs années, soit au-delà des périodes de révision prescrites par le motoriste.
- Certains aspects de l'entretien de l'appareil n'étaient pas conformes aux normes et aux exigences. Bien qu'elle n'ait eu aucune influence sur le déroulement du vol ayant mené à l'accident, cette pratique pourrait réduire les marges de sécurité prévues par le fabricant.
- Les heures de vol n'ont pas toutes été inscrites dans le carnet de route de l'appareil, augmentant ainsi le risque de dépasser les limites d'heures prescrites par le fabricant.
Autres faits établis
- Le turbocompresseur présentait suffisamment d'usure et d'érosion pour qu'en certaines conditions atmosphériques, le moteur ne produise pas toute sa puissance nominale et, en conséquence, limite les performances de l'hélicoptère.
- L'intensité du feu après l'impact a empêché les secouristes d'enlever les occupants de l'hélicoptère accidenté.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .