Perte d'espacement
mettant en cause le centre de contrôle régional d'Edmonton exploité par NAV CANADA
à 30 nm au sud-ouest de Fort McMurray (Alberta)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le Jetstream 3100 exploité par Air Mikisew sous l'indicatif AM304 décolle de l'aéroport City Centre d'Edmonton (Alberta) en route pour Fort McMurray (CYMM). Le Boeing 737 exploité par WestJet sous l'indicatif WJA255 décolle de l'Aéroport international d'Edmonton également en route pour Fort McMurray. En raison d'une ligne d'orages au sud-ouest de Fort McMurray, le contrôle de la circulation aérienne autorise plusieurs avions, y compris AM304 et WJA255, à contourner les orages au besoin. WJA255 est autorisé à 9000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) et le vol suit sur une trajectoire parallèle à celle d'AM304, qui est autorisé à descendre à 7000 pieds ASL. À 18 h 34, heure avancée des Rocheuses, à environ 30 milles marins (nm) au sud-ouest de CYMM, AM304 dévie vers WJA255, lequel est maintenant à la même altitude. Il en résulte une perte de l'espacement, lequel est maintenant de 1,4 nm et de 100 pieds, alors qu'il devrait être de 5 nm ou de 1000 pieds. WJA255 réagit alors à un avis de résolution du système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions qui recommande de monter.
Renseignements de base
Description et effectif de la sous-unité
La sous-unité des secteurs inférieurs du nord du centre de contrôle régional d'Edmonton était composé de sept secteurs : McMurray, Inuvik, Peace River, Slave Lake, Uranium, Whitehorse et Yellowknife (voir l'annexe A — Carte des secteurs inférieurs du nord). La sous-unité fournit des services de contrôle du trafic aérien dans l'espace aérien sous le niveau de vol (FL) 290Footnote 1. Le jour de l'événement, l'effectif était en nombre suffisant. Pendant l'événement, les secteurs de McMurray, Peace River et Slave Lake étaient regroupés et un contrôleur radar et un contrôleur des données s'en occupaient.
Quatre aéroports dans le secteur McMurray accueillent des transporteurs aériens réguliers et des exploitants de vols d'affrètement qui utilisent des avions à réaction de taille moyenne. Ces aéroports totalisent plus de 75 000 mouvements d'aéronef annuellement. Le secteur jouxte un espace aérien militaire règlementé qui entoure Cold Lake, ce qui peut réduire les possibilités de déviation de trajectoire et de gestion du trafic aérien offertes aux contrôleurs.
Au moment de l'événement, la charge de travail était décrite comme moyenne, mais complexe en raison de la présence d'orages au sud et à l'ouest de l'aéroport de Fort McMurray et des demandes de déviation de trajectoire qui en résultaient.
Antécédents du contrôleur
Le contrôleur concerné possédait la certification et les qualifications requises pour travailler au secteur McMurray à la suite d'une évaluation partielle au mois de janvier 2008. Cette démarche progressive était utilisée en raison des nombreuses connaissances à maîtriser dans la sous-unité des secteurs inférieurs du nord. Le contrôleur est d'abord évalué aux secteurs McMurray, Peace River, Uranium et Slave Lake, lesquels sont principalement des secteurs contrôlés au radar. Puis, tout en gardant ses connaissances à jour dans ces secteurs, le contrôleur continue sa formation dans les secteurs Yellowknife, Whitehorse et Inuvik, lesquels sont principalement des secteurs ayant des procédures non radar. Cette technique était utilisée afin de s'assurer que le niveau de compétence atteint dans les secteurs radar ne se détériore pas pendant la formation dans les secteurs avec procédure non radar.
Afin de faciliter la formation en cours d'emploi au secteur Yellowknife, le contrôleur travaillait selon un horaire qui convenait aux divers horaires des instructeurs en cours d'emploi. Ainsi, le contrôleur avait un horaire assez régulier en juillet, travaillant principalement la semaine et faisant peu d'heures supplémentaire et aucun quart de nuit. Le jour de l'événement, le contrôleur a commencé son quart par une séance de formation au secteur Yellowknife à 12 h 58, heure avancée des Rocheuses (HAR)Footnote 2. Le contrôleur a passé les quatre premières heures de son quart (une heure en service, une heure libre et deux heures en service) en formation. Après avoir commencé une pause de 30 minutes, le contrôleur a été rappelé au travail à 18 h 10 afin de combler le poste de contrôleur des données du secteur McMurray. Peu de temps après, le contrôleur s'est vu confier le poste de contrôleur radar du secteur McMurray. Ce changement était dû à une allégation d'irrégularité d'exploitation de la part d'un autre contrôleur de la sous-unité. Le contrôleur a alors pris le poste radar à 18 h 19 et y est resté jusqu'à l'événement.
Le contrôleur avait été préalablement avisé par le superviseur qu'une vérification en poste allait avoir lieu au secteur McMurray à un moment donné au cours du quart de travail. Juste avant l'événement, le superviseur a branché son casque d'écoute dans la console du contrôleur afin de commencer la vérification. C'est pendant que le superviseur et le contrôleur des données discutaient d'une question de données que la perte d'espacement s'est produite.
Le contrôleur avait récemment suivi une formation périodique annuelle sur le système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions (TCAS) en complétant un module de formation sur ordinateur. Le module insistait sur le fait que des instructions de contrôle qui contredisent les instructions de l'avis de résolution ou un avertissement de l'aéronef ne doivent pas être données, mais que des renseignements pertinents sur le trafic et des avis permettant l'évitement des abordages peuvent être donnés au besoin.
Météo
Le nord de l'Alberta était sous l'influence d'une masse d'air instable qui produisait une activité orageuse. Ainsi, un message SIGMET A2Footnote 3 avait été émis pour le nord-est de l'Alberta, lequel décrivait une ligne d'orages sur le radar dans les environs de Fort McMurray montant jusqu'au FL 350 et même 400. Le SIGMET était valide de 18 h 10 à 22 h 10. L'imagerie par satellite de la zone montrait également une importante activité convective au moment de l'événement. Le détecteur de foudre d'Environnement Canada a détecté de nombreux éclairs dans cette zone.
Description des événements
Entre le moment où le contrôleur a occupé le poste radar à 18 h 19 et la perte d'espacement à 18 h 34, c'est la piste 07 qui a été en service à Fort McMurray (CYMM). Il y avait quatre arrivées à CYMM et une à Peace River (CYPE) (Alberta). Toutes les arrivées à CYMM avaient demandé et reçu des autorisations de dévier de leur trajectoire en raison du temps. Trois des arrivées s'étaient déviées à l'ouest et une autre a été capable de traverser le mauvais temps en déviant à l'est. Il y avait quatre départs de CYMM pendant ce temps et tous se dirigeaient vers le sud. Seulement un des départs a demandé une déviation de trajectoire.
Les trois arrivées à CYMM qui déviaient à l'ouest étaient AM304 (Jetstream 31), CPB502 (Saab 340) et WJA255 (Boeing 737). Le contrôleur avait donné à ces trois avions une autorisation de dévier de leur trajectoire au besoin sans restriction en matière de direction du virage ou de changement de cap. Afin d'assurer l'espacement nécessaire, le contrôleur avait l'intention d'utiliser l'espacement vertical et la connaissance des vitesses descensionnelles escomptées des avions (1500 pieds par minute (pi/min) pour le Jetstream 31). Une analyse après l'événement a montré qu'il aurait fallu qu'AM304 prenne une vitesse descensionnelle d'au moins 1160 pi/min pour avoir 1000 pieds d'espacement avec WJA255 au moment où WJA255 le dépasserait (voir l'annexe B — Profils de descente). Tout au cours de la descente, les trois avions ont suivi des trajectoires relativement parallèles.
Règles de vol aux instruments - Procédures en route, Montée et descente
Selon le Manuel d'information aéronautique de Transports Canada (AIM), TP 14371, article RAC 8.5.1 (a), un pilote devrait amorcer la montée ou la descente rapidement et la montée ou la descente doit être effectuée au taux optimal compte tenu des caractéristiques d'utilisation de l'aéronef. Si le pilote ne peut pas se conformer, il devrait en aviser le contrôle de la circulation aérienne.
Les trois avions descendaient et se sont successivement vu donner des altitudes inférieures à atteindre. WJA255 avait une vitesse sol plus rapide et, parce que CPB502 serait le premier avion à être dépassé, le contrôleur s'assurait que l'altitude autorisée de WJA255 était toujours supérieure à celle libérée par CPB502. Vers 18 h 29, AM304 a été autorisé à descendre à 7000 pieds ASL alors qu'il se trouvait à environ 16 milles marins (nm) en avant de WJA255 et 11 nm en avant de CPB502 (voir l'annexe C — Vue de dessus). L'espacement vertical entre AM304 et WJA255 était de 3600 pieds et la vitesse sol de WJA255 était d'environ 130 nœuds plus élevée que celle d'AM304. À 18 h 31 min 30, WJA255 a dépassé CPB502 et était maintenant à 2400 pieds au-dessus et à 10 milles en arrière d'AM304, et il suivait une trajectoire parallèle à 6 nm à l'ouest de la trajectoire d'AM304 (voir la figure C de l'annexe C — Vue de dessus). À 18 h 33, WJA255 passait 12 200 pieds en descente quand il a été autorisé à descendre à 9000 pieds. AM304 passait 11 400 pieds en descente et les vitesses descensionnelles de WJA255 et AM304 étaient stables à environ 1730 et 970 pi/min. À 18 h 33 min 30, WJA255 avait atteint l'altitude d'AM304 et se trouvait à 6 nm au sud-ouest d'AM304. Au cours des 45 prochaines secondes, AM304 a changé de cap de 60° à gauche en raison du temps. AM304 n'a pas annoncé ses intentions ni demandé à dévier de sa trajectoire parce qu'il avait préalablement reçu une autorisation de le faire au besoin. À 18 h 34 min 44, WJA255 a annoncé sa mise en palier à 9000 pieds. Le contrôleur n'a pas accusé réception du message.
Les exigences relatives à un espacement latéral de 5 nm ou à un espacement vertical de 1000 pieds ont cessé d'être respectées à 18 h 34 min 15, WJA255 et AM304 ayant alors un espacement latéral de moins de 5 nm et un espacement vertical de 200 pieds et les deux avions étant encore en descente. L'espacement le plus faible entre les deux avions est survenu à 18 h 35 min 8 lorsque ceux-ci ont eu 1,4 nm d'espacement latéral et 100 pieds d'espacement vertical. WJA255 était à 9100 pieds et montait en réaction à un avis de résolution (RA) du système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions (TCAS) et AM304 était à 9200 pieds et se mettait en montée à la demande du contrôleur.
L'écran radar (RSiT) peut afficher les alertes de conflit. Cependant, NAV CANADA exige que cette fonction soit enlevée à moins de 14 000 pieds afin de réduire le nombre de fausses alertes.
Mesures prises par le pilote et le contrôleur pendant les manœuvres TCAS
Le contrôleur n'a pas remarqué les trajectoires convergentes de WJA255 et AM304 jusqu'à ce que, à 18 h 34 min 58, il demande à AM304 de monter à 10 000 pieds. À ce moment (au cours duquel l'équipage de conduite s'occupait d'une situation médicale liée à un passager), le système TCAS a généré un RA sous la forme d'une commande de montée « CLIMB ». L'équipage de conduite a avisé le contrôleur du RA du TCAS, mais ne lui a pas indiqué s'il montait ou descendait comme le veut l'article RAC 12.15.8 de l'AIM. Le contrôleur a demandé à WJA255 de virer de 40° à gauche, mais l'équipage de conduite n'a pas immédiatement obtempéré, ce qu'il n'était pas tenu de faire non plus comme l'indique le paragraphe 602.31(4) du RAC. Au moment où l'autorisation de montée a été donnée à AM304, celui-ci descendait toujours et venait de franchir 9300 pieds. AM304 a pris environ 25 secondes avant d'avoir une vitesse ascensionnelle franche, après quoi les deux avions se sont trouvés à 0,5 nm l'un de l'autre et WJA255 passait déjà 10 000 pieds en montée. Pendant environ 30 secondes, les deux avions ont monté et l'espacement requis a été atteint à 18 h 35 min 37 quand WJA255 a obtenu un espacement vertical 1000 pieds par rapport à AM304. À 18 h 35 min 47, WJA255 maintenant en palier à 11 000 pieds a viré de 40° à gauche. Le contrôleur concerné a été relevé de son poste par le superviseur du secteur à 18 h 37.
La présentation de l'information sur l'évitement des abordages varie entre le MANOPS de NAV CANADAFootnote 4, le Document 4444 publié par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et les publications de Transports Canada (TC).
MANOPS ATC de NAV CANADA 127.2 Donnez des renseignements pertinents sur le trafic et des avis pour l'évitement des abordages selon les besoins à un aéronef dans votre zone de responsabilité si l'aéronef vous informe qu'il répond à un avis de résolution ACAS/TCAS ou à un avertissement GPWS/TAWSFootnote 5. Ne donnez pas d'instructions de contrôle qui contredisent les instructions de l'avis de résolution ou de l'avertissement de l'aéronef.
AIM de TC - RAC 12.15.8 (d) Lorsqu'un pilote signale une manœuvre induite par un RA, le contrôleur ne devrait pas essayer de modifier la trajectoire de vol de l'aéronef tant que le pilote n'a pas signalé qu'il a repris son vol conformément à l'instruction ou à l'autorisation ATC, mais il devrait fournir des renseignements sur la circulation selon le cas.
OACI, Doc. 4444 (ATM/501) - Procédures pour les services de navigation aérienne, Gestion du trafic aérien, article 15.7.3.2 Lorsqu'un pilote a signalé qu'il exécute une manœuvre pour donner suite à un avis de résolution (RA) de l'ACAS, le contrôleur ne devra pas intervenir pour modifier la trajectoire de l'aéronef tant que le pilote n'aura pas indiqué qu'il revient à l'instruction ou à l'autorisation ATC en vigueur. Le contrôleur fournira toutefois des renseignements sur le trafic selon les besoins.
Phraséologie en cas d'alerte à la sécurité
Lorsque le contrôleur s'est aperçu de la proximité entre WJA255 et AM304, la phraséologie en cas d'alerte à la sécurité n'a pas été utilisée quand AM304 a reçu l'instruction de monter à 10 000 pieds, pas plus que des renseignements sur le trafic n'ont été transmis à aucun des avions quant à leur proximité ou à leur position l'un par rapport à l'autre.
Le 5 février 2004, NAV CANADA a publié le Bulletin de sécurité des Services de la circulation aérienne NP 8493 sur la phraséologie impérative, suite à plusieurs enquêtes du Bureau de la sécurité des transports du Canada. Le Bulletin faisait état de la nécessité d'utiliser une phraséologie claire et concise afin d'exprimer l'urgence. De plus, un changement urgent au manuel opérationnel ATS contenant la nouvelle phraséologie à utiliser a été publié.
MANOPS 507.1 - Alerte à la sécurité :
Émettez une alerte à la sécurité à un aéronef, si vous jugez que ce dernier a une altitude dangereusement proche du relief, d'un obstacle ou d'un autre aéronef. L'article suggère une phraséologie en cas de proximité d'aéronefs : DE MONTER/DE DESCENDRE (précisez l'altitude, s'il le faut) IMMÉDIATEMENT - ou - VIRER À GAUCHE/DROITE IMMÉDIATEMENT CAP (nombre) POUR ÉVITER TRAFIC [NON IDENTIFIÉ] (relèvement selon le système horaire et distance) - ou - VIRER À GAUCHE/DROITE (nombre) DEGRÉS IMMÉDIATEMENT POUR ÉVITER TRAFIC [NON IDENTIFIÉ] À (relèvement selon le système horaire et distance).
Tendance à l'anticipation
La tendance à l'anticipationFootnote 6 veut que lorsqu'une personne s'attend à une situation, elle risque de ne pas remarquer des signes indiquant que la situation n'est pas ce qu'elle devrait être. La tendance à l'anticipation est aggravée quand les gens doivent prendre en compte de nouveaux renseignements qui arrivent sporadiquement de façon incomplète et parfois ambiguë.
NAV CANADA expose les contrôleurs à cette tendance au cours de leur formation initiale sur simulateur et le contrôleur concerné connaissait cette tendance et les irrégularités d'exploitation qui peuvent en découler.
Analyse
Le contrôleur a été confronté à une situation complexe quand il a commencé à travailler à ce poste, puisqu'il y avait de nombreux vols à l'arrivée et au départ à l'aéroport de Fort McMurray, en plus de la présence d'orages au sud et à l'ouest de l'aéroport qui exigeait des déviations de trajectoire.
Le plan choisi par le contrôleur afin d'assurer l'espacement entre les trois avions, AM304, CPB502 et WJA255, consistait à permettre les déviations de trajectoire au besoin et à maintenir l'espacement vertical.
Le contrôleur a cessé par inadvertance d'assurer l'espacement vertical lorsque WJA255 a été autorisé à descendre à une altitude plus basse que celle d'AM304 avant que WJA255 n'ait dépassé AM304. Cette situation a probablement été causée par le fait que le contrôleur se concentrait sur le maintien de l'espacement vertical entre WJA255 et CPB502 jusqu'à ce que WJA255 dépasse CPB502. Le plan du contrôleur pour maintenir l'espacement se fondait sur une vitesse descensionnelle précise de la part d'AM304 et sur le fait que la route affichée sur l'écran radar serait maintenue. Pour que cet objectif puisse être atteint, AM304 aurait dû descendre à une vitesse d'au moins 1160 pi/min. En se fiant à l'expérience qu'il avait de ce type d'avion et de la compagnie, le contrôleur s'attendait à ce qu'AM304 descende à 1500 pi/min.
Pour des raisons inconnues, le contrôleur n'a pas remarqué le changement de la vitesse descensionnelle prévue d'AM304 et les changements de cap des avions. Ainsi, la perte d'espacement vertical imminente est passée inaperçue jusqu'à ce que WJA255 ait annoncé être en palier à 9000 pieds ASL, ce qui a attiré l'attention du contrôleur sur l'altitude d'AM304 qui était à ce moment-là à 9300 pieds ASL. Pour compliquer la situation, le contrôleur s'attendait à ce que WJA255 et AM304 maintiennent leurs trajectoires parallèles, même s'ils avaient reçu l'autorisation de dévier au besoin. Le contrôleur n'avait pas imposé de restriction ou demandé d'être avisé des changements de cap des avions, ce qui a eu pour résultat que le seul filet de sauvegarde consistait en une surveillance serrée et continue de la progression des avions. Même une brève distraction pour se consacrer à une autre tâche peut faire en sorte que des indices comme quoi la situation ne se déroule pas comme prévu passent inaperçus.
Lorsque le RA demandant de monter a été donné par le système TCAS de WJA255, l'équipage de conduite n'a pas averti le contrôle de la circulation aérienne qu'il effectuait une montée ou une descente TCAS. Cette omission a probablement été due à la charge de travail de l'équipage de conduite qui devait composer avec une situation médicale à bord de l'avion au moment de la commande du RA du TCAS. En conséquence, la mesure prise par le contrôleur pour rétablir l'espacement en faisant monter AM304 a retardé le rétablissement de l'espacement vertical puisque les deux avions montaient. Si le contrôleur avait été au courant qu'une manœuvre TCAS était en cours, une meilleure instruction aurait pu être donnée à AM304, ce qui aurait rétabli plus rapidement l'espacement vertical.
La phraséologie d'alerte à la sécurité n'a pas été utilisée lorsque la demande de montée a été transmise à AM304. L'utilisation de la phraséologie d'alerte à la sécurité par les contrôleurs donne normalement une meilleure compréhension de la situation aux équipages de conduite et leur donne la chance de rétablir l'espacement plus rapidement.
De nombreux facteurs auraient pu constituer des distractions supplémentaires pour le contrôleur au cours de cette période chargée. Cependant, il n'a pas été possible de déterminer comment ces facteurs ont influencé la capacité du contrôleur à surveiller la situation qui s'est développée au cours de la descente :
- Le superviseur de quart avait branché son casque dans la console et s'apprêtait à effectuer une vérification en poste.
- Le contrôleur avait été en formation au secteur Yellowknife pendant presque tout le quart de travail. L'enquête n'a pas été en mesure de déterminer à quel point travailler au secteur Yellowknife juste avant de passer au secteur McMurray aurait pu influencer son rendement.
- Le superviseur était en discussion avec le contrôleur des données au moment de la perte de l'espacement.
Bien que le MANOPS ATC s'adresse aux contrôleurs de la circulation aérienne et que le principal lectorat de l'AIM soit les pilotes, il y a une zone grise entre les deux en ce qui a trait aux RA ACAS/TCAS.
Le MANOPS ATC interdit aux contrôleurs de donner des instructions qui « contredisent les instructions de l'avis de résolution ou de l'avertissement de l'aéronef ». L'AIM informe les pilotes que le contrôleur « ne devrait pas essayer de modifier la trajectoire de vol de l'aéronef tant que le pilote n'a pas signalé qu'il a repris son vol conformément à l'instruction ou à l'autorisation ATC ». Les avis de résolution demandent soit une montée soit une descente. Le MANOPS ATC pourrait être interprété de sorte que les contrôleurs pourraient donner des instructions de changement de cap à un avion parce qu'elles ne contredisent pas le RA. Il est dit aux pilotes de ne pas s'attendre à ce que le contrôleur tente de modifier la trajectoire de vol, ce qui a une application plus large et s'apparente davantage à la pratique internationale du Document 4444 de l'OACI.
De plus, le MANOPS ATC exige des contrôleurs de « donner des renseignements pertinents sur le trafic et des avis pour l'évitement des abordages […] ». Déterminer ce qui constitue un avis dans ce contexte n'est pas clair, et le MANOPS ATC ne donne pas d'orientation sur les circonstances, les conditions ou les limites dont il faut tenir compte en donnant cet avis. La formation périodique récente sur le TCAS suivie par le contrôleur peut avoir renforcé la pensée du contrôleur selon laquelle une instruction de virage constituait un avis conformément à l'article 127.2 du MANOPS.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le contrôleur a donné des autorisations de déviation de trajectoire selon les besoins et sans restriction aux trois avions qui descendaient pour atterrir sur la même piste et qui étaient relativement proches les uns par rapport aux autres.
- Le plan du contrôleur pour maintenir l'espacement n'avait pas été bien préparé au moment où l'instruction de descendre a été donnée afin que l'espacement requis puisse être maintenu.
- Une perte d'espacement s'est produite quand AM304 a changé de cap à gauche et que la distance entre les deux avions a baissé sous les 5 milles marins ou les 1000 pieds obligatoires.
Faits établis quant aux risques
- L'équipage de conduite du WJA255 n'a pas précisé le type de manœuvre demandé dans l'avis de résolution (RA) du système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions (TCAS), ce qui a retardé le rétablissement de l'espacement.
- Le contrôleur a donné une instruction de virage à WJA255 alors que ce dernier effectuait une manœuvre TCAS.
- Quand l'instruction de monter à 10 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) a été donnée à AM304, le contrôleur n'a pas utilisée la phraséologie d'alerte à la sécurité du Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne (MANOPS ATC), laquelle aurait pu exprimer une certaine urgence.
- Au cours de la manœuvre TCAS, le contrôleur n'a pas fourni de renseignement sur le trafic à aucun des avions, empêchant ainsi les pilotes d'avoir des renseignements à partir desquels ils auraient pu prendre des mesures plus énergiques.
Autre fait établi
- Le Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne (MANOPS ATC) ne donne aucune orientation aux contrôleurs sur la manière de fournir des avis sur l'évitement des abordages et sur les circonstances dans lesquelles les fournir.
Mesures de sécurité
NAV CANADA va modifier comme suit le Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne (MANOPS ATC) afin qu'il reflète mieux l'intention du document 4444 de l'Organisation de l'aviation civile internationale :
MANOPS ATC 127.2 - Donnez des renseignements pertinents sur le trafic et des avis pour l'évitement des abordages selon les besoins à un aéronef dans votre zone de responsabilité si l'aéronef vous informe qu'il répond à un avis de résolution ACAS/TCAS ou à un avertissement GPWS/TAWS. N'intervenez pas pour modifier la trajectoire de l'aéronef tant que le pilote n'aura pas indiqué qu'il revient à l'instruction ou à l'autorisation ATC en vigueur.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A — Carte des secteurs inférieurs du nord — FL 290 et moins
Annexe B — Profils de descente
Annexe C — Vue de dessus
Le cercle autour de WJA255 représente cinq milles marins. La ligne de trajectoire prévue des trois avions représente la position des avions dans trois minutes, et l'altitude est exprimée en pieds au-dessus de la mer. Les lettres A, B, C et D correspondent aux zones apparaissant dans les profils de descente de l'annexe B.