Rapport d'enquête aéronautique A07W0186

Panne moteur et collision avec le relief
du Piper Malibu PA-46-310P, C-GTCS
à 11 nm à l'est d'Invermere (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    L'avion privé Piper Malibu PA46-310P (immatriculation C-GTCS, numéro de série 4608065) quitte Salem (Oregon) à destination de Springbank (Alberta) en suivant un plan de vol aux instruments. En passant 17 000 pieds en descente, à environ 55 milles marins (nm) au sud-ouest de Calgary, le pilote déclare une situation d'urgence au Centre de contrôle régional d'Edmonton en précisant que le moteur est tombé en panne. Le pilote tente d'effectuer un atterrissage d'urgence à l'aéroport de Fairmont Hot Springs (Colombie-Britannique), mais l'avion s'écrase de nuit, vers 19 h 12, heure avancée des Rocheuses, à 11 milles marins à l'est d'Invermere (Colombie-Britannique), dans un terrain boisé. Le pilote et les deux passagers sont blessés mortellement.

    Renseignements de base

    Le pilote emmenait des amis de Calgary (Alberta) à Salem (Oregon), et il prévoyait revenir le jour même. L'avion a quitté l'aéroport de Springbank à Calgary, à 8 h, heure avancée des Rocheuses (HAR)Footnote 1, et il est arrivé à Portland (Oregon) à 10 h 30 pour passer à la douane. À 11 h, le vol a quitté Portland, et il est arrivé à Salem (Oregon), à 11 h 20, où les occupants ont passé une bonne partie de l'après-midi. On a fait le ravitaillement en carburant de l'avion, et il a quitté Salem à destination de Springbank à 16 h 20, en suivant un plan de vol aux instruments (IFR). L'avion avait suffisamment de carburant à bord pour effectuer le vol de retour, conformément à la réglementation IFR. L'avion était équipé de l'avionique approuvée pour la navigation IFR. Un assistant numérique iQue 3600a, de Garmin, du système mondial de localisation (GPS) se trouvait dans le poste de pilotage. Les cartes en route et d'approches IFR trouvées dans l'avion étaient périmées depuis de 8 à 12 mois.

    À 18 h 45, le pilote a communiqué une première fois avec le Centre de contrôle régional (ACC) d'Edmonton, au niveau de vol (FL) 210Footnote 2, et il a demandé l'autorisation de descendre à 14 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). Initialement, le contrôleur ne pouvait pas acquiescer à la demande de descente, mais, à 18 h 49, il a autorisé le pilote à descendre à 16 000 pieds. À 18 h 52, une autre autorisation de descendre à 14 000 pieds a été donnée. À 18 h 56, alors qu'il passait 16 500 pieds asl, le pilote a signalé une panne moteur aux contrôleurs. Le pilote a été avisé que l'aéroport de Fairmont Hot Springs, situé à environ 20 nm de la position de C-GTCS, était le plus proche, et on lui a donné un vecteur de 215° magnétiques (M). Le pilote a accusé réception des renseignements et indiqué qu'il devait franchir une crête avant d'atteindre l'aéroport. Le vol évoluait dans des conditions météorologiques de vol à vue au moment de la panne moteur.

    À 19 h 1, le contrôleur régional a demandé à un avion qui survolait l'endroit de tourner en rond jusqu'à ce que C-GTCS atterrisse. À 19 h 3, l'avion qui survolait le secteur a transmis un message signalant que C-GTCS avait l'aéroport en vue et que celui-ci traverserait la crête. À 19 h 5, l'avion qui survolait le secteur a transmis un message indiquant que C-GTCS virait vers le nord en direction d'Invermere, parce que C-GTCS ne pouvait pas franchir la crête. Aucune autre communication n'a été reçue jusqu'à ce que l'avion qui survolait le secteur signale, à 19 h 12, qu'il entendait le signal d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT).

    Le lieu de l'accident se trouvait à 11 nm à l'est d'Invermere, à environ 3633 pieds asl, dans un terrain boisé, dans les Rocheuses. Il y avait au fond de la vallée une série de petits chemins étroits qui n'étaient plus utilisés. Ces chemins sont difficiles à voir des airs, à moins qu'on ne se trouve directement au-dessus d'eux. La cellule de l'avion était relativement intacte, et tous les composants principaux étaient plus ou moins en place. La cime endommagée des arbres situés à environ 57 pieds à l'ouest du fuselage indique que l'avion est descendu dans un angle de 45 degrés, et que l'angle d'inclinaison de l'aile gauche était d'environ 52 degrés. Les dommages causés à l'avion et les angles d'impact cadrent avec un accident sans possibilité de survie.

    Le pilote était titulaire d'une licence de pilote privé, valide de jour et de nuit pour le pilotage de tous les avions monomoteurs terrestres, autres que ceux à hautes performances, dont l'équipage de conduite est d'un seul pilote. Il détenait également une qualification de vol aux instruments du groupe trois qui était à jour et valide jusqu'au 1er octobre 2008. Le pilote possédait les licences et les qualifications nécessaires au vol, conformément à la réglementation en vigueur.

    Une image satellite du sud-est de la Colombie-Britannique, prise à 20 h, soit environ 40 minutes après l'accident, n'indiquait aucune couverture nuageuse. À 20 h, le bulletin météorologique horaire de Cranbrook (situé à environ 60 nm au sud du lieu de l'accident) signalait un vent calme, une visibilité de 25 milles terrestres, un ciel dégagé, une température de 0 °C, un point de rosée de -9 °C et un calage altimétrique de 30,45. Le 26 octobre 2007, à la latitude et à la longitude du lieu de l'accident, le coucher du soleil était prévu à 18 h 30 et l'heure de nuit officielle, à 19 h 3.

    À la page 5-27 du Pilot Operating Handbook (manuel d'utilisation de l'avion) du PA-46, le tableau indiquant la durée et la distance de plané précise que, à des températures standard, l'avion devrait planer de 16 500 pieds asl à 3600 pieds asl (altitude du lieu de l'accident) sur une distance d'environ 35 nm ou en près de 17 minutes. Seize minutes se sont écoulées entre le moment où le pilote a signalé la panne moteur et celui où le signal de l'ELT a été capté.

    Les livrets et les dossiers techniques indiquent que l'avion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Les livrets de l'avion indiquent qu'aucune défaillance n'avait été consignée avant l'accident en question. Au cours de l'été ayant précédé l'accident, le moteur avait commencé à faire un bruit de cognement que l'on pouvait entendre lorsque la puissance était réduite pour l'atterrissage. Ce fait n'avait pas été consigné dans le livret ni signalé à une installation de maintenance. Au moment de l'accident, on a estimé que la masse de l'avion était d'environ 3735 livres, laquelle est inférieure à la masse brute maximale permise. En outre, le centrage se trouvait dans les limites prescrites.

    Teledyne Continental Motors avait construit le moteur TSIO 550C - 1B, un modèle de la série Permold. L'intérieur du moteur est lubrifié par un circuit de graissage haute pression à carter humide. Des passages à l'intérieur du vilebrequin permettent de faire circuler l'huile sous pression, qui passe par le palier de vilebrequin numéro deux pour alimenter les coussinets de maneton fixés aux bielles numéro deux et numéro trois. Le jour de l'accident, tous les vols ont été effectués sans que le bouchon de remplissage d'huile soit en place, car celui-ci a été retrouvé dans le hangar où l'avion était remisé. L'absence du bouchon de remplissage d'huile aurait pu provoquer une perte d'huile, mais aucune huile ne s'est écoulée par cette ouverture. Le tube du reniflard pour l'huile du carter moteur relie l'ouverture de la jauge au boîtier du reniflard. Il n'y avait aucun signe d'une accumulation d'huile à cet endroit ni dans la partie inférieure du capotage.

    Deux alternateurs produisent de l'énergie électrique : un est entraîné par courroie et l'autre, par engrenages. L'alternateur entraîné par engrenage tire sa puissance d'une roue dentée qui est boulonnée au vilebrequin entre le palier de vilebrequin numéro quatre et le palier numéro cinq; cette roue dentée entraîne ensuite le coupleur de l'alternateur. Le coupleur est formé d'un manchon auquel est attachée une coupelle, et il est fixé à l'axe de l'alternateur. La coupelle est entraînée par un anneau profilé en caoutchouc qui se trouve sur la surface intérieure de la paroi externe de la coupelle; cet anneau est fixé à la roue dentée de l'axe de l'alternateur. Le mécanisme d'entraînement de l'alternateur est conçu de façon à glisser si un couple moteur anormal est nécessaire pour faire tourner l'axe de l'alternateur. On évite ainsi d'endommager le moteur ou de perdre de la puissance si l'alternateur est grippé.

    Dans les mois qui ont précédé l'accident, l'alternateur entraîné par engrenage a fait l'objet de certaines travaux de maintenance en raison d'une indication de panne d'alternateur. Le coupleur d'entraînement de l'alternateur avait été remplacé environ cinq heures de vol avant la tenue du vol en question. Il manquait beaucoup de caoutchouc sur les parties avant et arrière du coupleur qui a été déposé à ce moment-là. Par conséquent, le joint coulissant tournait sans s'encliqueter dans la coupelle comme il le devait. À l'intérieur de la coupelle se trouvait également une rondelle plate faite à la main et non approuvée, dont les bords étaient très rugueux et striés. Ce type d'alternateur n'est pas conçu pour être utilisé avec une telle rondelle, et cette dernière n'est pas approuvée aux fins de réparation et de maintien de la navigabilité du moteur. Cette rondelle a forcé l'anneau en caoutchouc à sortir plus qu'il ne devait de la coupelle et à toucher la denture de la roue dentée d'entraînement de l'alternateur du vilebrequin. Par conséquent, la partie en caoutchouc du coupleur a été détruite. Des particules en caoutchouc de diverses tailles se sont retrouvées dans le puisard du moteur (voir la photo 1).

    Photo 1. Dommage causé au caoutchouc de l'anneau.
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    Photo of Dommage causé au caoutchouc de l'anneau.

    Le caoutchouc des particules trouvées dans le puisard du moteur correspondait au caoutchouc de l'ancien coupleur. En outre, plusieurs poussoirs contenaient des débris de caoutchouc, ce qui indique que le filtre à huile se trouvait en mode de dérivation, ce qui permettait aux débris de circuler dans le circuit. Le filtre à huile contenait également beaucoup de débris de caoutchouc et de métal. Lorsque le coupleur a été remplacé, l'huile et le filtre n'ont pas été remplacés, et le circuit d'huile moteur n'a pas été vidangé. Le manuel d'entretien du moteur recommande de vérifier la présence de particules de métal dans le filtre à huile pendant la vidange d'huile, mais il ne précise pas de vérifier la présence d'autres types de débris pendant d'autres activités de maintenance. En 1984, le motoriste a publié le Bulletin de service M84-5 pour traiter des défaillances de l'alternateur entraîné par engrenage des moteurs de la série 520. Il indiquait les étapes à suivre si l'on trouvait des contaminants en déposant l'alternateur : il fallait déposer le puisard d'huile, nettoyer ou remplacer le dispositif d'aspiration d'huile et, si l'on trouvait d'autres contaminants, communiquer avec un représentant des services techniques de Teledyne Continental. Le bulletin de service en question ne s'applique pas aux moteurs de la série 550, même si ces derniers sont équipés d'alternateurs entraînés par engrenage. La pratique normale de l'industrie consiste à vérifier les circuits d'huile lorsque n'importe quel type de contamination est trouvé ou connu, à vidanger le circuit et à déterminer la source de la contamination avant de remettre l'aéronef en service.

    Sur le dessus du moteur, la partie centrale présentait un gros trou juste au-dessus de la bielle numéro deux. Le vilebrequin et la bielle numéro deux présentaient des signes de chaleur intense, lesquels se limitaient à cet endroit (voir les photos 2 et 3). Le palier de vilebrequin numéro deux était brisé sur un côté en raison d'efforts oligocycliques de martèlement. Au fil du temps, le piston numéro deux avait fini par toucher sa culasse et ses soupapes.

    Photo 2. Dommages à la bielle numéro deux causés par la chaleur et par contact.
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    Photo of Dommages à la bielle numéro deux causés par la chaleur et par contact.
    Photo 3. Partie surchauffée du vilebrequin.
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    Photo of Partie surchauffée du vilebrequin.

    Analyse

    Un examen de la cellule de l'épave et de ses composants n'a révélé aucune défaillance mécanique qui aurait pu provoquer l'accident ou y contribuer.

    En outre, les conditions météorologiques n'ont pas été considérées comme un facteur dans l'accident en question même si au sol, dans la vallée, l'obscurité a pu contribuer à empêcher le pilote de repérer un endroit convenant davantage à un atterrissage forcé. Le sillon laissé par l'épave et les indices associés à la force d'impact indiquent que l'avion s'est écrasé alors qu'il était en décrochage.

    Une rondelle faite en atelier et non approuvée avait été posée dans le coupleur d'entraînement de l'alternateur, et elle a contribué à l'introduction de débris en caoutchouc dans le moteur. En outre, à cause de la présence de la rondelle dans le coupleur, le disque en caoutchouc a touché la roue à denture droite de l'alternateur fixé au vilebrequin, ce qui a fait entrer davantage de débris dans le puisard. Ces débris ont ensuite réduit l'écoulement d'huile dans la zone du moteur ayant subi une défaillance. La pratique courante de l'industrie consistant à vérifier les circuits d'huile lorsque la présence de contaminants est constatée ou connue n'a pas été exécutée. L'entreprise chargée de la maintenance n'a pas pu tirer profit des conseils publiés dans le Bulletin de service M84-5, car ce dernier ne traitait pas de la série du moteur en question, même si celui-ci avait un alternateur entraîné par engrenage.

    Il est fort probable que la panne moteur a été causée par l'obstruction partielle de l'écoulement d'huile alimentant le coussinet de maneton de la bielle et le palier de vilebrequin numéro deux; cette obstruction provenait des débris qui se trouvaient dans l'huile. Elle a entraîné une augmentation graduelle du dégagement à cet endroit; la course du piston a graduellement augmenté et le contact entre le piston et le cylindre et les soupapes s'est accru. Cette augmentation du dégagement a provoqué des forces de réaction répétées sur le palier de vilebrequin numéro deux; le martèlement continu a provoqué sa fissuration par fatigue, ce qui a fini par briser la coquille gauche du coussinet du maneton. La bielle a continué à surchauffer et à allonger cette partie du maneton jusqu'à ce que l'écrou borgne bas du chapeau de la bielle se détache. C'est alors que le moteur s'est grippé et qu'il est tombé en panne totale.

    Le cognement du moteur qui avait été constaté au cours de l'été ayant précédé l'accident n'avait pas été consigné dans le carnet de route de l'avion ni signalé aux employés chargés de la maintenance. Si les pièces desserrées et surchauffées avaient été remarquées plus tôt, un entretien préventif aurait pu être fait.

    L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

    • LP116/2007 – GPS Analysis (Analyse des données du récepteur GPS)
    • LP115/2007 – Engine Failure Analysis (Analyse de la panne moteur)

    Ces rapports sont offerts sur demande par le Bureau de la sécurité des transports du Canada.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Une pièce non approuvée a été posée dans le coupleur de l'alternateur. Celle-ci a provoqué la formation de débris dans le coupleur et l'obstruction partielle de l'écoulement d'huile vers le coussinet de maneton de la bielle numéro deux. Ce faible écoulement d'huile a entraîné la surchauffe et la défaillance des coussinets, des écrous et des boulons du chapeau de la bielle, puis la panne moteur subséquente.
    2. La panne moteur s'est produite après le coucher du soleil, et les conditions de faible luminosité qui régnaient dans la vallée auraient rendu la tâche difficile au pilote qui tentait de trouver un terrain d'atterrissage convenable.
    3. Le cognement du moteur n'a pas été signalé aux employés chargés de la maintenance, et on a ainsi raté une occasion de découvrir que l'état du moteur se détériorait.

    Fait établi quant aux risques

    1. Tous les vols effectués le jour de l'accident se sont déroulés sans que le bouchon de remplissage d'huile soit à sa place. L'absence du bouchon de remplissage d'huile aurait pu provoquer la perte de l'huile du moteur.

    Autres faits établis

    1. Il n'y avait pas de cartes en route et d'approches IFR à jour dans l'avion pour le vol prévu.
    2. Le Bulletin de service M84-5 publié par Teledyne Continental Motors traitait seulement des moteurs de la série 520, et il ne visait pas d'autres moteurs équipés d'alternateurs entraînés par engrenage.

    Mesures de sécurité

    Teledyne Continental Motors signale que son Bulletin de service M84-5 sera modifié pour y ajouter les moteurs de la série 550. Les instructions de Teledyne Continental Motors relatives au maintien de la navigabilité seront également modifiées pour refléter les mises à jour périodiques apportées au Bulletin de service M84-5.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .