Perte de maîtrise et collision avec le relief
de l'hélicoptère Bell 206B C-GPGX
exploité par Precision Helicopters Inc.
à la tour de Nose Mountain (Alberta)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
L'hélicoptère Bell 206B Jet Ranger (immatriculation C-GPGX, numéro de série 1362) de Precision Helicopters Inc. décolle d'une aire d'atterrissage aménagée pour hélicoptères, près de la tour d'observation des feux de forêt de Nose Mountain (Alberta) vers 18 h 15, heure avancée des Rocheuses. Un pilote et trois sapeurs-pompiers d'attaque initiale sont à bord. L'aire d'atterrissage est située dans une clairière, sur un plateau en montagne situé sur l'arête nord d'un escarpement raide. Après le déjaugeage, le pilote circule en progression rasante autour d'un amas de broussailles du côté ouest de la clairière et quitte en direction ouest, vers l'escarpement. Lorsque l'hélicoptère survole le bord de l'escarpement, il commence à embarder sur la droite. Le pilote n'est pas en mesure de mettre fin au mouvement de lacet en compensant au pied à gauche. Pendant que l'hélicoptère pivote de 180° sur lui-même, le pilote abaisse le collectif pour regagner la maîtrise en direction. L'hélicoptère descend sur l'escarpement , bascule et s'immobilise sur le côté gauche. Un sapeur-pompier est mortellement blessé, et un autre est grièvement blessé. Le pilote et le troisième sapeur-pompier sont légèrement blessés. Les forces de l'impact déclenchent la radiobalise de repérage d'urgence qui se trouve à bord. L'hélicoptère est gravement endommagé, mais il n'y a aucun incendie après l'impact.
Renseignements de base
Precision Helicopters Inc. exploite deux hélicoptères Eurocopter AS 350 et un hélicoptère Bell 206B selon les sous-parties 702 et 703 du Règlement de l'aviation canadien (RAC).
L'hélicoptère avait été affrété par la direction de la protection des forêts du ministère albertain du développement durable des ressources (DPF-MADDR). Il avait été envoyé en mission à 16 h 14, heure avancée des RocheusesNote de bas de page 1 avec le pilote et l'équipe de trois sapeurs-pompiers d'attaque initiale à partir de la base des services de lutte contre les feux de forêts de Graham. Il y avait eu des orages généralisés et de la foudre dans la région, et l'équipe avait été chargée de confirmer des rapports voulant que des feux de forêt faisaient rage au sud de Nose Mountain.
Après avoir fait face à des cellules orageuses et à de forts vents rabattants en route vers les feux de forêt, le pilote s'est dérouté vers Nose Mountain pour prendre du carburant. Un autre orage se déplaçant au-dessus de la région de Nose Mountain a forcé le pilote à se poser six milles au sud de Nose Mountain pour le laisser passer. L'hélicoptère est arrivé à l'aire d'atterrissage de Nose Mountain à 18 h 3, et le pilote a coupé le moteur et fait débarquer les sapeurs-pompiers. Environ 22 gallons US de carburant Jet A ont été pris à bord, portant la quantité totale de carburant à bord à 45 gallons US. Après le ravitaillement, le pilote et les mêmes trois sapeurs-pompiers sont montés à bord de l'hélicoptère et ont repris le vol en question.
Conditions météorologiques
Des conditions météorologiques de vol à vue prévalaient à Nose Mountain au moment de l'accident. Toutefois, il y avait un orage généralisé et de la foudre dans le secteur. Le vent et la température ne sont pas officiellement consignés à chaque heure sur les lieux. Le personnel sur place a estimé la température comme allant de 15 à 28 °C. À partir d'une valeur de 22 °C, l'altitude-densité aurait été d'environ 7000 pieds. Le vent changeait de direction du nord-est au sud-est à des vitesses estimées qui pouvaient atteindre 10 noeuds.
Aire d'atterrissage
L'aire d'atterrissage mesurait environ 200 pieds sur 150 pieds et elle se trouvait au nord-est d'une clairière, entourée sur trois côtés par des arbres pouvant atteindre 25 pieds de hauteur. De jeunes broussailles avaient été récemment enlevées de la clairière pour améliorer des opérations des aéronefs et faciliter les multiples atterrissages et départs des hélicoptères. Un amas de broussailles d'une hauteur de 6 pieds et d'un diamètre de 20 pieds avait été empilé dans la clairière, à l'ouest de l'aire d'atterrissage. La distance séparant l'aire d'atterrissage de l'escarpement était de 200 pieds environ, et la distance entre la position de décollage et le bord de l'escarpement était d'environ 125 pieds (voir l'annexe A). L'altitude de l'aire d'atterrissage est de 4879 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl).
Le vent dominant soufflait normalement de l'ouest, et les pilotes décollaient habituellement de l'aire d'atterrissage vers l'ouest et au-dessus de l'escarpement. Un départ exécuté directement vers l'est aurait nécessité une montée initiale de 25 à 30 pieds pour franchir la limite des arbres. Le pilote avait décollé directement de l'aire d'atterrissage vers l'escarpement à de nombreuses reprises par le passé, souvent à masse brute élevée.
Pour décoller vers l'escarpement lors du vol en question, il était nécessaire de manoeuvrer l'hélicoptère de façon à éviter l'amas de broussailles. Le pilote a exécuté un virage en stationnaire vers la droite dans la clairière, puis a circulé au ras du sol vers le sud tout en maintenant un cap vers l'ouest, au-dessus du sol plat et vers l'escarpement. L'hélicoptère n'a pas atteint suffisamment de vitesse pour générer la portance de translationNote de bas de page 2 avant d'atteindre le bord de l'escarpement. Le lieu de l'accident se trouve à 54° 34′ de latitude N et 119° 38′ de longitude W.
Pilote
Le pilote était certifié et qualifié pour le vol conformément à la réglementation en vigueur. Il était titulaire d'une licence de pilote professionnel d'hélicoptère et d'une licence de technicien d'entretien d'aéronef (TEA) valides. Il totalisait environ 5250 heures de vol, dont à peu près 3750 sur hélicoptères Bell 206. Il travaillait pour Precision Helicopters Inc. depuis 1981 et il assumait des fonctions de vol depuis 1986. Au moment de l'accident, il était le chef pilote de la compagnie et le gestionnaire des opérations.
Il satisfaisait à toutes les exigences de formation au sol et en vol, et il connaissait les conditions qui peuvent contribuer à un manque de puissance et à un mouvement imprévu en lacet des hélicoptères Bell. Le pilote avait utilisé l'aire d'atterrissage de Nose Mountain cinq ou six fois en 2006. Le pilote était bien reposé avant de prendre son service à 10 h 30 le matin, et rien n'indique que des facteurs physiologiques avaient compromis son comportement. Ses clients et ses pairs le considéraient comme un pilote très compétent et prudent.
Hélicoptère
Rien n'indique qu'une défectuosité préalable des commandes de vol ou de l'entraînement du rotor de queue aurait contribué à l'accident. Le moteur (Rolls-Royce 250 C20) avait été modifié par l'installation d'un compresseur et d'une turbine Rolls-Royce 250-C20B, selon les dispositions d'un bulletin de moteur commercial Allison approuvé. Cette modification avait pour effet d'améliorer les performances à haute altitude. L'hélicoptère était muni d'un séparateur de particules.
Masse et centrage de l'hélicoptère
Le pilote avait estimé le poids des sapeurs-pompiers et de leur équipement avant de quitter la base des services de lutte contre les incendies de Graham. Cette pratique était la norme pour les pilotes d'hélicoptère participant à des activités de lutte contre les feux de forêt. Sur le devis de masse et centrage remis aux enquêteurs du BST par le pilote, on avait consigné le poids des sapeurs-pompiers comme étant de 200, 150 et 130 livres, et inscrit le poids de leurs bagages comme étant de 100 livres. De ce fait, la masse brute au décollage a été calculée à 3104 livres. La masse maximale au décollage pour un hélicoptère Bell 206B avec une charge interne est de 3200 livres.
Tout le matériel et l'équipement à bord de l'hélicoptère a été récupéré par la suite et pesé sur une balance étalonnée. La masse totale du matériel et de l'équipement se chiffrait à 239 livres. On a estimé que chaque passager portait un équipement personnel de sécurité et de lutte contre les feux de forêt qui ajoutait de 14 à 17 livres, lesquels n'avaient pas été pris en compte dans les estimations d'origine du poids des passagers.
Les calculs de masse et de centrage effectués après l'accident au moyen des poids révisés des passagers et de leur équipement indiquaient que la masse au décollage était d'environ 3245 livres.
Pratiques de pesée des passagers
L'article 703.37 du RAC exige que les exploitant disposent d'un système de calculs de masse et de centrage conforme aux Normes de service aérien commercial (NSAC). L'article 723.37 des NSAC énonce trois méthodes pour déterminer le poids des passagers : le poids réel, les poids normalisés homologués ou les poids généraux homologués. Le poids du fret doit être le poids réel de celui-ci.
Le manuel d'exploitation de Precision Helicopters Inc. exigeait d'utiliser les poids réels pour calculer la charge lorsque le pilote commandant de bord estime que le poids des passagers est supérieur ou inférieur aux poids normalisés réglementaires. Comme on l'a vu plus haut, le pilote avait estimé le poids des passagers et de leur équipement à bord de l'hélicoptère.
La DPF-MADDR fournit l'ouvrage The Pilot's Handbook (manuel du pilote) aux pilotes qui travaillent dans le cadre de programmes de gestion des feux de forêt en Alberta. Le manuel donne de l'information de base sur la politique et les procédures de la DPF-MADDR. L'annexe B du manuel fait état des responsabilités des pilotes et des représentants du gouvernement en ce qui a trait aux calculs des charges à bord des hélicoptères. Elle mentionne que le pilote est responsable du calcul de la charge utile admissible à bord d'un hélicoptère; toutefois, un représentant du gouvernement est responsable de fournir un manifeste exact du poids des passagers et du fret.
Au moment de l'accident, la DPF-MADDR n'avait aucun système officiel en place pour fournir aux pilotes d'hélicoptère le poids réel de chaque sapeur-pompier et de leur équipement personnel. Aussi, il n'y avait aucune information à la disposition des sapeurs-pompiers leur indiquant que tout excès de poids était un élément critique pour les petits hélicoptères utilisés par la DPF-MADDR.
Les sapeurs-pompiers employés par la DPF-MADDR subissent une évaluation de leur condition physique chaque année, au printemps. À ce moment, ils se pèsent et consignent leur propre poids. Cette procédure d'auto-pesée fait partie du système de surveillance du poids de la DPF-MADDR. Mais n'est pas inclus dans ce poids consigné, le poids supplémentaire de l'équipement qu'un sapeur-pompier est tenu de porter lorsqu'il vole à bord d'un hélicoptère : bottes, casque de protection, combinaison, gants, ceinture de sécurité contenant une trousse de premiers soins et une bouteille d'eau, et, dans le cas du chef d'équipe, une ou deux radios portatives.
Au cours des dernières années, la DPF-MADDR avait préféré transporter des équipes d'attaque initiale dans des hélicoptères capables de transporter de plus grandes charges, comme l'Eurocopter AS 350. La DPF-MADDR a continué à utiliser des hélicoptères Bell 206B pendant les périodes où les hélicoptères étaient en forte demande, comme lorsque des activités de lutte contre les feux de forêt ont cours. Les équipes d'attaque initiale savaient que l'hélicoptère AS 350 était capable de transporter des charges plus importantes.
Puissance moteur disponible
Pour les hélicoptères, la puissance moteur disponible désigne couramment la différence entre la puissance utilisée et les limites des performances moteur, notamment, du régime, de la température et du couple de la turbine de travail. Des augmentations de l'altitude-densité ou de la masse de l'aéronef, et le vol stationnaire dans un vent arrière se traduisent tous par une augmentation de la puissance nécessaire pour réaliser le vol en stationnaire. Inversement, ces conditions réduisent la marge de puissance moteur disponible et ont un effet sur les performances générales de décollage. Dans un petit hélicoptère comme le Bell 206, des ajouts de poids apparemment négligeables peuvent influencer la puissance nécessaire pour voler en stationnaire.
Le couple de décollage maximal admissible pour le moteur installé à bord de l'hélicoptère accidenté est de 100 pour cent pendant cinq minutes, assorti d'un couple excessif transitoire de 110 pour cent tolérable pendant cinq secondes. Avant le début du vol en translation à partir du point de départ dans la clairière, le couple nécessaire pour voler en stationnaire dans l'effet de sol était de 96 pour cent; il est probable que cette valeur a augmenté légèrement lors de la transition initiale au sortir du vol stationnaire. Les indications de couple habituelles pour les hélicoptères Bell 206B volant en stationnaire dans l'effet de sol et dans des conditions et pour une charge similaires sont de l'ordre de 85 à 90 pour cent selon ce qui a été rapporté. L'hélicoptère n'a pas tiré profit de la portance de translation avant d'atteindre le bord de l'escarpement, endroit où l'avantage de l'effet de sol sur les performances a été perdu. Compte tenu de la masse de l'hélicoptère et de l'altitude-densité, une augmentation de la puissance au-dessus de 96 pour cent aurait été nécessaire pour demeurer en palier une fois que l'hélicoptère aurait franchi le bord de l'escarpement.
Mouvement de lacet imprévu vers la droite
Le phénomène nuisible que représente un mouvement de lacet imprévu sur la droite est largement mentionné lors de la formation ou dans la documentation sur l'aviationFootnote 3, Footnote 4, Footnote 5, Footnote 6. L'information contenue dans ces documents est reprise dans une publication de la Federal Aviation Administration (FAA) intitulée The Rotorcraft Flying Handbook (le manuel de pilotage du giravion), qui précise ce qui suit :
[Traduction]
Un mouvement de lacet imprévu survient lorsqu'un départ en lacet non sollicité ne s'annule pas de lui-même et qui, s'il n'est pas corrigé, peut se traduire par la perte de maîtrise de l'hélicoptère. Ce départ en lacet non sollicité s'appelle perte d'efficacité du rotor de queue et il survient du côté droit des hélicoptères dont le rotor principal tourne dans le sens antihoraire...
La perte d'efficacité du rotor de queue n'est pas attribuable à une défectuosité d'équipement ni à une anomalie de maintenance pour tout hélicoptère monorotor volant à des vitesses inférieures à 30 noeuds. Elle est causé par un rotor de queue qui ne fournit pas une poussée suffisante pour maintenir la maîtrise en direction du fait, habituellement, de certaines directions de vent pendant le vol en stationnaire, ou par une poussée insuffisante du rotor de queue pour un certain réglage de puissance à des altitudes plus élevées.
En général, un mouvement de lacet imprévu vers la droite peut se produire lorsque l'hélicoptère vole à basse vitesse et à puissance élevée dans un vent arrière, surtout à altitude élevée, où l'air est moins dense et où la poussée et l'efficacité du rotor de queue sont réduites. La réaction initiale du pilote pour corriger cette situation est d'abaisser le levier de collectif. Il s'ensuit une réduction du couple produit par le rotor principal, une réduction de la poussée anticouple du rotor de queue et une augmentation de l'efficacité.
Même si les pilotes d'hélicoptère connaissent le phénomène du mouvement de lacet imprévu vers la droite, plusieurs cas par le passé ont montré que les pilotes ne reconnaissaient pas l'éventualité que ce phénomène se produise avant d'être victimes d'une perte de maîtrise. On n'a pas déterminé si le pilote en question savait que le vent existant, l'altitude-densité et les conditions du relief étaient propices à un mouvement de lacet imprévu vers la droite durant le décollage et le départ en question.
Performances en vol stationnaire
Les tableaux de vol stationnaire hors de l'effet de sol dans le manuel de vol du Bell 206B fournissent la performance en vol stationnaire (c'est-à-dire, la masse brute maximale autorisée) en fonction de l'altitude-pression et de la température. Les tableaux se divisent en Zone A et Zone B. La Zone A indique les performances en vol stationnaire pour lesquelles une stabilité et une maîtrise satisfaisantes ont été démontrées dans un vent relatif de 17 noeuds soufflant sur le côté ou par l'arrière dans toutes les conditions de charge. La Zone B indique les performances de vol stationnaire qui peuvent être atteintes par vent calme ou dans un vent soufflant à l'extérieur de la zone horizontale de vent relatif critique. La maîtrise du rotor de queue pourrait ne pas être possible pour les opérations effectuées dans la Zone B des tableaux de plafond de vol stationnaire lorsque le vent relatif souffle dans la zone horizontale de vent critique. Pour le Bell 206B, la zone horizontale de vent relatif critique couvre un secteur allant dans le sens horaire de 50° par rapport au nez de l'hélicoptère jusqu'à 210° (voir l'annexe B).
Le tableau de vol stationnaire hors de l'effet de sol du Bell 206B indique que, compte tenu des conditions sur les lieux de l'accident, 2925 livres serait la masse maximale en vol stationnaire hors de l'effet de sol et elle demeurerait dans la Zone A (voir l'annexe C). À 3245 livres, l'hélicoptère avait environ 320 livres de plus que cette masse maximale, et il se trouvait alors dans la Zone B du tableau de vol stationnaire hors de l'effet de sol.
Résistance à l'impact/possibilité de survie
Le sapeur-pompier assis en place gauche du poste de pilotage a été grièvement blessé par le rotor principal lorsque ce dernier a pénétré dans la cabine à la suite de l'impact avec le relief. Le sapeur-pompier assis en place gauche dans la cabine a été mortellement blessé, probablement par la combinaison du même impact de rotor principal et de l'impact avec le relief. Les renseignements médicaux et de l'équipe de sauvetage ont indiqué que ce sapeur-pompier ne portait vraisemblablement que sa ceinture de sécurité, et non la partie harnais du dispositif de retenue à sa disposition. Les systèmes rotors bipales basculants sont intrinsèquement instables à faible régime, comparativement à des systèmes multipales rigides. Des renseignements tirés d'accidents similaires indiquent que les hélicoptères à rotor principal bipale causent un plus grand nombre de blessures par pales de rotor lorsque celles-ci pénètrent dans la cabine que les rotors principaux multipales.
Le préposé à la tour d'observation des feux de forêt a déclenché les opérations de sauvetage sur la fréquence radio des agents forestiers, et deux hélicoptères se sont déroutés vers le lieu de l'accident. Le pilote, le préposé de la tour d'observation et le personnel forestier qui arrivait ont prodigué les premiers soins d'urgence sur les lieux. Les occupants de l'hélicoptère accidenté ont été transportés par hélicoptère à Grande Prairie (Alberta).
Analyse
Rien n'indique qu'il y ait eu une défectuosité préexistante du système d'entraînement du rotor de queue ou des commandes de vol qui aurait contribué à une perte de maîtrise du rotor de queue. L'analyse portera sur l'expérience du pilote et sa connaissance des lieux, les facteurs environnementaux, les performances dont était capable l'hélicoptère, la masse au décollage de l'hélicoptère et les facteurs relatifs à la possibilité de survie.
Expérience du pilote et connaissance des lieux
Le pilote était expérimenté sur hélicoptères Bell 206B, il connaissait les conditions propices à un mouvement de lacet imprévu vers la droite et il connaissait l'aire d'atterrissage de Nose Mountain. Il avait décollé de l'aire d'atterrissage en direction ouest à de nombreuses reprises par le passé. Il savait que le vent soufflait en rafales et que sa direction variait, et il avait été en mesure de conserver la maîtrise en direction de l'hélicoptère par vent arrière lorsqu'il avait circulé au ras du sol pour éviter l'amas de broussailles. Toutes ces conditions pouvaient l'avoir rassuré sur le fait qu'un décollage en direction ouest pouvait être exécuté en toute sécurité dans le vent existant. Malgré les connaissances et l'expérience élevées démontrées par le pilote, rien n'indique qu'il était conscient d'un risque de mouvement de lacet imprévu vers la droite ni qu'il l'avait envisagé avant d'entreprendre le décollage.
Pour éviter les phénomènes liés aux giravions, comme le mouvement de lacet imprévu vers la droite, il faut reconnaître les conditions qui contribuent à un événement du genre et prendre des mesures correctrices avant de se trouver face à cet événement. Replacer l'hélicoptère pour éviter l'amas de broussailles peut avoir accru le risque associé au décollage. Cette manoeuvre a réduit la distance de décollage disponible ainsi que les chances que l'hélicoptère atteigne la vitesse de portance de translation par vent arrière avant d'atteindre l'escarpement.
Facteurs environnementaux
Trois facteurs environnementaux présentaient un défi plus grand qu'en temps normal pour ce décollage :
- le vent soufflait vers l'ouest mais il était variable, avec des rafales attribuables au récent passage d'un orage dans la région;
- un décollage vers l'est était gêné par la présence d'arbres;
- un amas de broussailles dans la clairière empêchait l'hélicoptère de décoller directement de l'aire d'atterrissage vers l'escarpement.
La direction du vent a été particulièrement significative, en ce que le départ vers l'ouest a placé la queue de l'hélicoptère dans la zone horizontale de vent relatif critique. Cette situation augmentait le risque de mouvement de lacet imprévu vers la droite. Aussi, décoller avec un vent arrière nécessite beaucoup plus de distance pour accélérer en vue d'atteindre la portance de translation. Décoller avec un vent arrière augmentait aussi la probabilité que l'hélicoptère rencontre un vent rabattant au-dessus du bord de l'escarpement.
Performances de l'hélicoptère
L'hélicoptère a quitté l'effet de sol avant d'atteindre la vitesse de portance de translation. Il fallait donc un pas de pale plus grand (une plus grande demande de puissance) sur le rotor principal et le rotor de queue pour maintenir la hauteur et la maîtrise en direction. De plus, le pilote a sans doute augmenté le pas collectif en premier lieu au moment où l'hélicoptère a franchi le bord de l'escarpement. Cette condition, qui a rapidement dégénéré, a placé l'hélicoptère dans une situation où la puissance requise pour voler a dépassé la puissance que pouvait fournir le système de transmission du moteur. Il s'en est suivi un dépassement des limites de puissance moteur et des performances du rotor.
La demande de puissance moteur élevée, la faible vitesse, l'altitude-densité élevée et le vent arrière ont contribué ensemble à une perte de poussée et d'efficacité du rotor de queue. L'hélicoptère a amorcé un virage non prévu sur la droite puisqu'il n'y avait pas suffisamment de poussée du rotor de queue pour contrer le couple produit par le rotor principal.
La seule option à la disposition du pilote consistait à abaisser le levier de pas collectif pour tenter d'empêcher l'hélicoptère de virer. Cette mesure a mis fin au virage, mais a engendré une descente dans les arbres et sur le relief en pente. Il n'y avait pas suffisamment de hauteur au-dessus du sol pour effectuer un rétablissement avant que l'hélicoptère ne percute le sol et bascule.
Masse au décollage
La DPF-MADDR avait mis en place un programme de surveillance du poids des sapeurs-pompiers, mais il n'était pas efficace. Il n'y avait aucun mécanisme pour fournir aux pilotes d'hélicoptère le poids réel de chaque sapeur-pompier, et aucune instruction n'avait été donnée aux sapeurs-pompiers sur le fait que tout poids supplémentaire devenait critique dans de petits hélicoptères comme le Bell 206.
Le pilote avait estimé le poids de la charge à bord de l'hélicoptère parce qu'il n'y avait aucun système en place pour fournir aux pilotes d'hélicoptère le poids réel des sapeurs-pompiers et de leur équipement. Il s'en est suivi que la masse au décollage de l'hélicoptère avait été sous-estimée d'environ 140 livres, et l'hélicoptère se trouvait à environ 320 livres au-dessus de la limite de 2925 livres du tableau de vol stationnaire hors de l'effet de sol. Ces facteurs ont amené l'hélicoptère à être exploité à l'extérieur de ses capacités de performances.
De multiples légères augmentations de poids attribuables à des effets personnels ou à de l'équipement peuvent causer une dégradation progressive et notable des performances de décollage et de vol stationnaire prévus dans la fiche technique de petits hélicoptères. Une surveillance assidue de la part des pilotes du poids des passagers et des charges est la seule solution permettant de prévenir toute surcharge de l'hélicoptère, surtout dans un milieu difficile à altitude-densité élevée et à vent défavorable.
Facteurs relatifs aux possibilités de survie
Il est probable que le passager assis en place arrière ne portait pas le harnais à sa disposition. Cette situation a probablement aggravé ses blessures. Un pale du rotor bipale a heurté le côté gauche du poste de pilotage et de la cabine et y a pénétré pendant la séquence d'accident, ce qui a considérablement augmenté le nombre de blessures infligées aux occupants.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Un vent arrière variable, une masse brute excédentaire et l'altitude-densité élevée ont ensemble dépassé les limites des performances du moteur et du rotor de l'hélicoptère, et ce dernier n'a pas été en mesure de décoller sur la distance à sa disposition.
- De plus, les performances du rotor ont été perdues lorsque l'hélicoptère a volé hors de l'effet de sol au-dessus du bord de l'escarpement, ce qui a précipité la situation de puissance insuffisante qui se dégradait, et l'hélicoptère n'a pu se maintenir en vol.
- Dans les conditions auxquelles il a fait face lors du décollage, l'hélicoptère est entré dans un régime vulnérable où s'est produit un mouvement de lacet imprévu vers la droite. Le rotor de queue ne produisait pas suffisamment de poussée pour contrer le couple du rotor principal, et l'hélicoptère a viré à droite.
- Les mesures de rétablissement du pilote ont mis fin au virage à droite, mais il n'y avait pas suffisamment de hauteur pour empêcher l'hélicoptère de heurter le relief.
- Les caractéristiques inhospitalières du relief situé immédiatement au-dessous de l'hélicoptère ont empêché le pilote d'exécuter un atterrissage sans anicroche, et l'hélicoptère à basculé sur le côté lors du poser.
- La masse de l'hélicoptère au décollage n'était pas exacte à cause d'estimations imprécises du poids des sapeurs-pompiers, de leurs vêtements et de leur équipement. Dans les conditions du moment, la masse au décollage dépassait la limite de masse brute maximale et la limite de plafond en vol stationnaire hors de l'effet de sol.
- Le rotor principal a pénétré dans le poste de pilotage et la cabine par le côté gauche, et a contribué à la gravité des blessures infligées aux passagers.
- Il est probable que le passager assis en place gauche arrière ne portait pas le harnais à sa disposition; cette omission a probablement aggravé ses blessures.
- La direction de la protection des forêts du ministère albertain du développement durable des ressources (DPF-MADDR) n'avait aucun système en place pour fournir aux pilotes d'hélicoptère le poids réel de chaque sapeur-pompier et de leur équipement personnel.
Mesures de sécurité prises
Le 11 décembre 2006, le BST a envoyé la Lettre d'information sur la sécurité A060041, Poids des passagers et de l'équipement dans les hélicoptères effectuant des opérations de lutte contre les incendies, au directeur des opérations contre les feux irréprimés du ministère albertain du développement durable des ressources. La Lettre d'information sur la sécurité précisait que la surveillance assidue du poids des passagers et de l'équipement est la seule solution pour éviter la surcharge des hélicoptères, et qu'un processus visant à fournir aux pilotes d'hélicoptère le poids réel des sapeurs-pompiers et de leur équipement pourrait aider à assurer que les hélicoptères participant à des activités de lutte contre les feux de forêt en Alberta sont exploités dans les limites de masse et de centrage prescrites.
En réponse à la Lettre d'information sur la sécurité A060041, la direction de la protection des forêts du ministère albertain du développement durable des ressources (DPF-MADDR) a indiqué qu'elle prenait les mesures suivantes :
- La partie « Equipment List and Weights » (liste d'équipement et poids) du Pilot's Handbook (manuel du pilote) de la DPF-MADDR sera révisée.
- L'altitude de la tour et du lieu des caches à carburant sera ajoutée aux publications de la DPF-MADDR et aux cartes d'opérations aériennes 2007.
- Des pèse-personnes et des balances de haute qualité seront achetées pour être utilisées par les équipes aux bases principales de services de lutte contre les feux de forêt et dans les entrepôts.
- Une copie de la Lettre d'information sur la sécurité a été distribuée à tous les bureaux régionaux de la DPF-MADDR.
- La responsabilité du pilote et la responsabilité des représentants du MADDR ont été clarifiées aux articles 6.10 et 6.11 des procédures d'utilisation normalisées de la DPF-MADDR de la façon suivante :
- le pilote est responsable d'indiquer les calculs de charge correctement au moyen de l'information pertinente des tableaux de performances, conformément au manuel d'exploitation de la compagnie, au Règlement de l'aviation canadien (RAC) et aux Normes de service aérien commercial;
- le pilote est responsable de calculer la charge utile admissible;
- le pilote doit vérifier l'entrée de tout poids subséquent de passager ou de fret inscrit au manifeste, ou en être informé, en sus des calculs de charge initiaux pour assurer que la charge utile admissible n'est pas dépassée;
- le représentant du MADDR responsable d'un vol (par exemple le chef d'équipe, l'arrimeur, le sapeur de feu irréprimé, l'agent forestier) est responsable de fournir au pilote un manifeste complet des passagers et du fret, y compris les poids exacts, et d'aviser le pilote de la présence de toute marchandise dangereuse qui est transportée;
- le formulaire des masses et du manifeste passagers/fret peut servir à consigner l'information donnée au pilote.
Le 14 mai 2007, la direction de la protection des forêts a indiqué que toutes les mesures correctives proposées avaient été mises en oeuvre. De plus, des vérifications relatives à l'aviation ont été menées à trois des quatre principaux lieux d'éradication du dendroctone du pin argenté en Alberta, et la question de fournir des poids exacts a été passée en revue et rappelée lors d'un récent cours de formation à l'intention des chefs d'attaque initiale de type 1 et 1F.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .