Rapport d'enquête aéronautique
Vol dans des conditions météorologiques
défavorables au vol à vue et
collision avec le terrain
du Cessna U206F sur flotteurs C-FASO
exploité par Aviation Mauricie/Aviation Batiscan
Lac Caron (Québec)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
L'hydravion, un Cessna U206F, immatriculé C-FASO, numéro de série U20602081, exploité par Aviation Mauricie/Aviation Batiscan effectue un vol touristique local dans la région de Grand-Mère (Québec). Le pilote et les cinq passagers décollent de l'hydroaérodrome du lac à la Tortue (Québec) à 10 h 20, heure avancée de l'Est, en direction du lac des Piles. Après un survol du barrage hydro-électrique de Grand-Mère, l'appareil s'engage dans une vallée menant au lac des Piles. Les conditions météorologiques se détériorent, et l'hydravion entre dans un banc de brouillard le long des collines. Le pilote perd toute référence visuelle au sol et tente de maintenir les ailes de l'aéronef à l'horizontale tout en appliquant pleine puissance pour monter. Le flotteur gauche heurte un arbre, l'aéronef pique du nez et termine sa course sur le dos. Le pilote et les passagers évacuent l'aéronef indemnes. L'appareil subit des dommages importants.
Renseignements de base
L'appareil était en état de navigabilité, et aucune défectuosité ayant pu contribuer à l'accident n'a été signalée. Le Cessna U206F est un monomoteur à aile haute qui peut transporter six personnes. Il était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.
Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Il était titulaire d'une licence de pilote professionnel avion depuis le 12 juillet 2004. Au moment de l'événement, il totalisait environ 700 heures de vol. La majorité de ces heures ont été effectuées sur hydravion. Le pilote avait été embauché par Aviation Mauricie/Aviation Batiscan en juillet 2006 et avait reçu une formation sur le Cessna 206 sur flotteurs.
La compagnie Aviation Mauricie /Aviation Batiscan possède un certificat d'exploitation valide émis par Transports Canada (TC) depuis le 26 juillet 2001. Elle exploite des appareils de type Cessna 206 et de Havilland DHC-2 Beaver en vertu des sous-parties 2 et 3 de la partie VII du Règlement de l'aviation canadien (RAC). Le vol au départ de l'hydroaérodrome du lac à la Tortue (Québec) devait durer environ 20 minutes. Ce vol était effectué en vertu de la sous-partie 3, puisque l'aéronef était utilisé dans le cadre d'une excursion aérienne.
Le matin de l'accident, deux départs avaient été annulés en raison des conditions météorologiques défavorables. Vers 9 h 30Note de bas de page 1, les conditions se sont améliorées, et le chef pilote a autorisé le vol. Le plafond était estimé à environ 1100 pieds au-dessus du sol (AGL) et la visibilité, à six milles. Une spécification au certificat d'exploitation permettait le vol selon les règles de vol à vue (VFR) de jour avec une visibilité d'au moins un mille lorsque l'appareil est utilisé à moins de 1000 pieds AGL dans l'espace aérien non contrôlé.
Les touristes se sont présentés au quai et attendaient leur vol déjà prévu au programme de la journée. Le départ a eu lieu à 10 h 20. Le pilote a établi l'appareil à environ 700 pieds AGL, soit environ 1100 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL). La visibilité était d'environ six milles. Cependant, les conditions météorologiques se sont détériorées au fur et à mesure que le vol progressait. Rendu dans la vallée menant au lac des Piles, situé à environ 8 milles au nord-ouest du lac à la Tortue, le pilote a communiqué par radio avec le chef pilote qui le suivait dans un autre aéronef et l'a prévenu de la présence de brouillard. Il lui a signalé qu'il allait faire demi-tour. L'aéronef est entré soudainement dans une épaisse couche de brouillard, et le pilote a perdu les références visuelles au sol requises pour le vol VFR. Il a aperçu les arbres au-dessous de l'appareil et a appliqué pleine puissance pour entamer une montée. Au même moment, le flotteur de gauche a percuté la cime d'un arbre, et l'aéronef a piqué du nez. L'aéronef a capoté et est passé sur le dos.
Le pilote et le passager en place avant droite portaient leur ceinture de sécurité comprenant une ceinture-baudrier, et les autres passagers portaient leur ceinture de sécurité. Ils n'ont subi que des blessures légères et ont pu évacuer l'appareil rapidement. L'aéronef a subi des dommages importants, mais n'a pas pris feu. À l'aide de son téléphone cellulaire, le pilote a appelé la compagnie, qui à son tour a appelé le 911. Le pilote a également mis l'émetteur de la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) en marche. Les secours sont arrivés sur le site à 12 h 30, soit environ deux heures après l'accident. L'appareil s'était écrasé en montagne près du lac Caron. Le sommet dans cette région se trouve à 1100 pieds ASL.
Aucune observation METARNote de bas de page 2 et prévision d'aérodrome ne sont émises pour Lac-à-la-Tortue. Les pilotes opérant localement dans cette région doivent planifier leur vol en tenant compte des cartes de prévision de zone graphique (GFA), nuages et temps. La GFA, valide le 19 octobre à 8 h pour la région de Grand-Mère, indiquait un plafond couvert à 1500 pieds et une visibilité de plus de six milles. Localement, la visibilité pouvait diminuer à ½ mille dans la bruine légère et le brouillard, avec un plafond à 300 pieds AGL.
Les seuls METAR et prévisions d'aérodrome disponibles et situés le plus près de Lac-à-la-Tortue sont ceux émis pour l'aéroport international de Montréal/Mirabel (Québec) et l'aéroport de Québec (Québec), tous deux situés à plus de 60 milles marins. À 11 h, soit quelques minutes après l'accident, les conditions à Mirabel étaient propices au vol à vue alors que Québec signalait des conditions de vol aux instruments avec un ciel obscurci à 200 pieds et une visibilité de 1/8 de mille dans le brouillard.
Le 8 juillet 2006, un autre Cessna C206 de la compagnie a eu un accident mortel. Cet accident a fait l'objet d'une enquête par le BST (A06Q0114). À la suite de cet accident, TC a effectué une vérification réglementaire de la compagnie. Lors de la vérification, qui a eu lieu entre le 7 août et le 11 août 2006, TC a constaté, entre autres, que le gestionnaire des opérations ne s'acquittait pas de ses responsabilités, particulièrement en ce qui concerne les programmes de formation, la sécurité des vols, la conformité à la réglementation et aux politiques de la compagnie. La compagnie a soumis un plan de mesures correctives à TC le 10 octobre 2006. Le plan a été accepté avec l'objectif de revisiter la base d'opération le 16 décembre 2006.
Le lendemain de l'accident qui fait l'objet du présent rapport, soit le 20 octobre 2006, TC a émis à la compagnie un avis de suspension de son certificat d'exploitation. Le certificat d'exploitation limitant l'opération au Cessna 206 a été remis à la compagnie le 3 janvier 2007. Après s'être assuré que l'exploitant se conformait aux exigences requises, TC a délivré de nouveau, le 10 avril 2007, le certificat d'exploitation incluant l'opération du DHC-2 Beaver.
Analyse
Puisque deux des vols précédents avaient été annulés en raison des conditions météorologiques, il est permis de croire que le pilote n'a subi aucune pression de la part du chef pilote pour effectuer le vol. Étant donné les conditions météorologiques qui prévalaient juste avant le départ, ainsi que la spécification au certificat d'exploitation qui permettait le vol avec une visibilité d'au moins un mille, la décision d'entreprendre le vol était justifiable. Même si les conditions météorologiques étaient propices au vol à vue au départ du lac à la Tortue, elles se sont détériorées rapidement en approchant du lac des Piles. Cette réduction de visibilité concordait avec la GFA qui indiquait que les conditions pouvaient se détériorer au point de réduire la visibilité à ½ mille avec un plafond de 300 pieds AGL.
Voler à basse altitude dans des conditions de faible visibilité est dangereux. Le vol à basse altitude offre peu de temps aux pilotes pour apercevoir les obstacles et effectuer une manoeuvre d'évitement. La décision du pilote de rebrousser chemin a été tardive. Elle a eu comme conséquence la perte des références visuelles au sol, et le pilote n'a pu éviter la montagne droit devant. Même si le pilote possédait la licence et les qualifications requises, il est possible que sa faible expérience ait contribué à la décision tardive.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le pilote a tardé à rebrousser chemin lorsqu'il a rencontré des conditions météorologiques défavorables, ce qui a entraîné une perte des références visuelles avec le sol.
- En perdant ses références visuelles au sol, le pilote n'a pu éviter la montagne droit devant. L'appareil a percuté les arbres avant de capoter et terminer sa course sur le dos.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .