Perte en vol d'un tab de volet
de l'Airbus A300 B4-203 N372PC
exploité par Express Net Airlines
à Toronto (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
L'Airbus A300 B4-203 (immatriculation N372PC, numéro de série 0196) exploité par Express Net Airlines effectue le vol 137 (XNA137) entre Dayton (Ohio), aux États-Unis et Toronto. Il y a trois membres d'équipage à bord. Vers 21 h 30, heure avancée de l'Est, à l'approche de la piste 05 de l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto, l'équipage de conduite débraye le pilote automatique et l'avion commence à s'incliner à droite. On corrige cette inclinaison en mettant du pied à gauche, et l'avion atterrit sans autre incident. Une fois l'avion stationné, l'équipe au sol avise l'équipage de conduite que l'avion a perdu le tab du volet intérieur central gauche. On retrouve le tab de volet perdu dans le stationnement d'un magasin de détail situé au 2900 Argentia Road, à Mississauga (Ontario). Le tab a percuté et lourdement endommagé un véhicule stationné inoccupé. Ce stationnement se trouve à environ 13 kilomètres, ou 7 milles marins, de l'aéroport, sur la trajectoire d'approche de la piste 05.
Renseignements de base
Au moment de l'incident, les conditions météorologiques signalées étaient les suivantes : visibilité de 10 milles, vent du 100 degrés magnétiques soufflant à 9 nœuds, température de 18 °C, point de rosée de 15 °C et pression atmosphérique de 30,20 pouces de mercure.
Le pilote aux commandes (PIC) prenait place à gauche. Il était titulaire d'une licence valide de pilote de ligne des États-Unis, et son plus récent certificat médical aéronautique de catégorie 1 lui avait été délivré le 16 février 2006. En date du 1er mai 2006, le PIC totalisait environ 4681 heures de vol, dont 381 sur type.
Le commandant en second (SIC) prenait place dans le siège de droite. Elle était titulaire d'une licence valide de pilote de ligne des États-Unis, et son plus récent certificat médical aéronautique de catégorie 1 lui avait été délivré le 16 septembre 2005. En date du 1er mai 2006, le SIC totalisait environ 6000 heures de vol, dont 2655 sur type.
On a déposé l'enregistreur de données de vol (FDR) et l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR), et on les a expédiés au Laboratoire technique du Bureau de la sécurité des transports (BST) du Canada à des fins d'analyse. Il n'y a eu aucune anomalie décelable pendant les phases de décollage, de montée et de croisière du vol. À 21 h 7 min 42 s, heure avancée de l'Est (HAE)Note de bas de page 1, l'avion a amorcé sa descente initiale vers l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (CYYZ) à partir de son altitude de croisière (niveau de vol (FL) 290).
À 21 h 25 min 12 s, l'équipage a réglé le levier de commande volets à la position 10; l'avion se trouvait à 5400 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) et il volait à 183 nœuds. À 21 h 25 min 48 s, on a placé le levier de commande volets à la position 15; l'avion se trouvait à 4850 pieds asl et il volait à 182 nœuds. À 21 h 29 min 15 s, on a réglé le levier de commande volets à la position 25; l'avion se trouvait à 2550 pieds asl et il volait à 170 nœuds. À 21 h 29 min 19 s, il y a eu une augmentation importante du déplacement des ailerons et de la gouverne de direction. On croit que c'est à ce moment qu'il y a eu perte du tab du volet intérieur central gauche. L'avion se trouvait à environ 2450 pieds asl, il volait à 170 nœuds et il se trouvait alors à 7 milles marins (nm) du seuil de la piste. Moins d'une minute plus tard (à 21 h 30 min 6,5 s), l'équipage a débrayé le pilote automatique, l'avion a commencé à pivoter vers la droite, et l'équipage l'a ramené dans l'axe en mettant du pied à gauche. L'avion a semblé se stabiliser pour le reste de l'approche et il a touché le sol à 21 h 32 min 15,25 s, sous une accélération maximale de 1,8 g.
Le tab du volet intérieur central gauche fait partie du système de volets de bord de fuite (figure 1). Le tab du volet fait environ 2,8 m (112 pouces) de longueur sur 0,6 m (27 pouces) de largeur, et il pèse environ 16 kg (35 livres). La principale fixation structurale, que l'on appelle la ferrure d'articulation du tab du volet (ferrure d'articulation), se trouvait au milieu, au-bas du tab du volet, près du bord d'attaque. La ferrure d'articulation agit comme un levier rigide qui se déplace vers un caisson où elle se fixe à l'intérieur du tab du volet. La fixation est assurée par des rivets et des boulons enduit d'un produit d'étanchéité de type PRCNote de bas de page 2. Une plaque de renfort recouvre la partie inférieure du revêtement du tab du volet située immédiatement autour de la ferrure d'articulation. Cette dernière s'est rompue juste au-dessous du niveau inférieur de la plaque de renfort, dans l'axe du revêtement du tab du volet. De plus, le tab du volet était soutenu à son extrémité intérieure par une tringlerie et à son extrémité extérieure, par un levier (Photo 1). La tringlerie intérieure avait été déformée et elle s'était rompue en surcharge. Le levier extérieur avait été déformé, et le roulement à billes de la fixation avait été arraché de son palier.
L'examen des antécédents de service de l'avion a révélé l'existence de plusieurs anomalies reliées aux volets et aux tabs des volets, mais aucune de ces anomalies n'a eu de conséquence néfaste, et toutes ont été considérées comme des éléments d'usure normale en service typiques de tout aéronef.
Le tab du volet et les composants défectueux connexes, ainsi qu'un levier usé du tab du volet intérieur central droit, ont été expédiés au Laboratoire technique du BST à des fins d'inspection détaillée. Des représentants d'Airbus et de Stork Fokker (fabricant du tab du volet) ont participé à l'examen des composants défectueux avec les enquêteurs du BST au Laboratoire technique. Airbus avait déjà éprouvé des problèmes avec les ferrures d'articulation, au niveau de la patte de fixation arrière et, le 5 août 1994, avait publié les bulletins de service (BS) non obligatoires suivants :
- BS A300-57-0214 - Ailes - Inspection de la ferrure d'articulation du tab du volet intérieur central
- BS A300-57-0205 - Ailes - Amélioration de la ferrure d'articulation du tab du volet intérieur central
On a amélioré la ferrure d'articulation en augmentant la quantité de matériau de la patte de fixation arrière. L'exploitant antérieur de l'avion en question dans cet incident avait incorporé les ferrures améliorées (BS A300-57-0205), le 27 décembre 1995, alors que la cellule totalisait 27 495 heures et 23 518 cycles. L'incorporation des ferrures d'articulation améliorées a éliminé la nécessité de procéder à l'inspection mentionnée dans le BS A300-57-0214. Aucune anomalie n'avait été mentionnée dans le document d'installation disponible.
La ferrure d'articulation améliorée s'est rompue alors que la cellule totalisait 41 485 heures et 33 207 cycles, ce qui est l'équivalent d'une période installée de 13 990 heures et de 9689 cycles. La ferrure d'articulation améliorée s'est rompue en un endroit différent de celui identifié antérieurement, et en moins de la moitié du temps et du nombre de cycles que la ferrure d'articulation qui avait été installée antérieurement, laquelle était en bon état de service lorsqu'on l'avait remplacée. La ferrure d'articulation s'est rompue en un endroit où il était très difficile de déceler visuellement une crique, et où l'identification des anomalies nécessitait une certaine forme d'inspection par essais non destructifs (END).
Le tab du volet et les composants défectueux connexes, ainsi qu'un levier usé du tab du volet extérieur central droit, ont été expédiés à Stork Fokker, aux Pays-Bas, aux fins de dépose de la ferrure d'articulation et d'examen plus détaillé. Cet examen s'est déroulé sous la direction du BST, en présence du Bureau d'Enquêtes et d'Analyses pour la Sécurité de l'Aviation Civile (BEA), du Dutch Safety Board (DSB) et d'Airbus. Toutes les pièces respectaient les critères de conception mentionnés, et les différents composants de fixation comportaient de l'usure en service qui variait de normale à importante et qui permettait un jeu excessif en certains endroits.
Après la dépose du tab du volet, un examen microscopique de la ferrure d'articulation a permis d'établir qu'une crique de fatigue d'une profondeur d'environ 0,5 mm avait pris naissance en raison de dommages dus à l'impact. Ces derniers se trouvaient à l'extérieur de la ferrure d'articulation du tab du volet, sur le rayon de contour, à l'articulation de transition vers la bride. La crique de fatigue s'est propagée sur 70 pour cent de la section transversale de la ferrure d'articulation (photo 2). Incapable de résister à l'augmentation des charges de vol aérodynamiques lorsque les volets ont été sortis, la ferrure d'articulation affaiblie s'est rompue lorsque la longueur de la crique a atteint des dimensions critiques. Là où la crique avait pris naissance, les dommages dus à l'impact sont apparus en un endroit qui est caché une fois que la ferrure d'articulation est installée.
La tringlerie intérieure s'était rompue en surcharge, le levier extérieur avait été déformé et le roulement à billes reliant ce levier au volet avait été arraché du levier. Les bagues du levier du tab du volet extérieur droit présentaient une usure excessive davantage prononcée que celle du levier de gauche.
Un examen du tab du volet correspondant de l'aile droite de l'avion en question dans cet incident n'a permis de déceler aucune anomalie importante. Airbus a également été en mesure d'obtenir un autre ensemble de tabs de volets intérieurs provenant d'un autre avion, et on n'a décelé aucune anomalie importante sur ni l'un ni l'autre de ces deux tabs.
En août 1991, une autre panne de cette nature était survenue sur l'avion portant le numéro de série du constructeur (NSC) 170 (cet avion avait antérieurement été visé par une modification apportée en vertu du BS A300-57-0205), et il est possible qu'une autre soit survenue en novembre 1991 sur l'avion portant le NSC 004. En raison de l'indisponibilité des pièces aux fins d'essais, il avait été impossible de poursuivre l'enquête sur ces deux incidents. Le parc aérien d'Airbus utilisant ce type de tab de volet est indiqué dans le tableau ci-dessous :
Nombre d'avions visés par les BS A300-57-0205 et A300-57-0214 | 240 |
Nombre d'avions toujours en service | 119 |
Nombre d'avions signalés comme ultérieurs au BS A300-57-0214 | 89 |
Nombre d'avions toujours en service | 49 |
Nombre d'avions signalés comme ultérieurs au BS A300-57-0205 | 17 |
Nombre d'avions toujours en service | 7 |
Analyse
Avant cet incident, on n'avait remarqué ni dans les vols antérieurs ni dans les antécédents de service aucune anomalie indiquant l'existence d'un problème quelconque relativement à la ferrure d'articulation. Cette dernière s'est rompue en raison d'une fatigue oligocyclique, laquelle a débuté à l'endroit où on a identifié les dommages dus à l'impact. Ces derniers ont créé une concentration de contraintes qui s'est transformée en une crique de fatigue au cours de la durée de vie en service de la ferrure d'articulation. On a repéré les dommages dus à l'impact dans une région qui est cachée une fois la ferrure installée. Il est probable que la ferrure d'articulation a été endommagée avant ou pendant l'installation et, étant donné l'étendue relativement faible des dommages qu'elle a subis, que l'on n'a alors pas remarqué ces dommages. Après l'installation, il aurait été impossible d'observer ces dommages, et il aurait été très difficile de déceler la crique dans le cadre d'inspections ultérieures.
Airbus a identifié une autre défaillance de cette nature au sein d'un parc aérien de 240 avions incorporant ce type de ferrure d'articulation. Des 240 avions produits, on n'a signalé que 17 appareils qui avaient incorporé la ferrure d'articulation améliorée, dont seulement 7 étaient toujours en service dans le monde entier en date de mai 2006. Même s'il demeure possible qu'une autre défaillance de cette nature survienne, puisque cette dernière n'a eu aucun effet nuisible sur les caractéristiques de vol de l'avion, le risque que survienne un événement catastrophique est faible. Il est cependant peu probable que survienne une rupture de la ferrure d'articulation à moins que les volets ne soient sortis en vue d'un décollage ou d'un atterrissage. Par conséquent, si une autre rupture survenait, il est fort probable que l'avion en question se trouverait au-dessus d'une zone habitée.
L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :
- LP 033/2006 – Flap Tab Assembly (Tab de volet)
- LP 034/2006 – FDR & CVR Analysis (Analyse du FDR et du CVR)
On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Des dommages à la ferrure d'articulation, occasionnés avant ou pendant l'installation, ont créé une concentration de contraintes qui s'est transformée en une crique de fatigue oligocyclique, laquelle s'est développée et a progressé au cours de la durée de vie en service de la pièce.
- La ferrure d'articulation s'est rompue après la sortie des volets à 25 degrés, pendant l'approche vers l'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto. Cette rupture a permis au tab du volet de se détacher de l'avion et de percuter un véhicule stationné.
Fait établi quant aux risques
- Même si la perte en vol du tab du volet ne présente que peu de risques quant aux caractéristiques d'exploitation de l'avion, il se pourrait que, dans leur chute, les débris tombent dans une zone habitée.
Mesures de sécurité prises
Airbus élabore actuellement un programme d'inspection répétitive (bulletin de service d'inspection [BSI] 57-0250 prévu) de la ferrure d'articulation et, selon les résultats de ce programme d'inspection, l'avionneur étudiera la possibilité d'apporter d'autres modifications à cette ferrure d'articulation.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .