Rapport d'enquête aéronautique A06A0115

erte de pression cabine
du Canadair CL600-2B19 C-FSJJ
exploité par Air Canada Jazz
à 100 nm au nord-ouest de l'aéroport de Fredericton
(Nouveau-Brunswick)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le Canadair CL600-2B19 d'Air Canada Jazz portant le numéro de série 7058 et l'immatriculation C-FSJJ assure, sous le numéro de vol JZA8954, un vol régulier entre Toronto (Ontario) et Fredericton (Nouveau-Brunswick). En croisière au niveau de vol 330, l'équipage de conduite remarque que l'altitude cabine augmente à un taux d'environ 1000 pieds par minute. Une autorisation de descente au niveau de vol 250 est demandée auprès du Centre de contrôle régional de Moncton et, une fois l'avion en palier au niveau de vol 250, il apparaît que l'altitude cabine continue d'augmenter. L'équipage demande à poursuivre sa descente jusqu'à 9000 pieds et y est autorisé. Au cours de la descente, les pilotes mettent leur masque à oxygène alors que l'altitude cabine passe 10 000 pieds en montée. Quand l'altitude cabine atteint 14 000 pieds, les masques à oxygène des passagers sortent automatiquement. L'avion est mis en palier à 9000 pieds et y demeure jusqu'à la descente en prévision de l'approche finale. L'avion se pose à Fredericton sans autre incident à 21 h 15, temps universel coordonné. Personne n'est blessé parmi les 50 passagers et 3 membres d'équipage.

    Renseignements de base

    Les avions commerciaux modernes conçus pour voler de façon prolongée à plus de 10 000 pieds sont pressurisés. Les systèmes de pressurisation bénéficient d'une régulation automatique qui maintient les altitudes cabine au-dessous de 10 000 pieds dans le but d'offrir aux passagers un environnement sûr et confortable. À mesure que l'avion monte, son système de pressurisation pompe de l'air dans le fuselage afin que l'altitude-pression de la cabine puisse demeurer au-dessous de 10 000 pieds. Ainsi, la pression qui règne à l'intérieur de l'avion est supérieure à la pression atmosphérique extérieure. Le différentiel de pression qui en résulte est régulé par le système de l'aéronef.

    Avant le début de la perte de pression, C-FSJJ était en palier au niveau de vol (FL) 330 alors que l'altitude cabine était maintenue au-dessous de 10 000 pieds. L'avion en croisière volait en palier depuis environ 16 minutes lorsque l'équipage a constaté une variation de la pression cabine. Bien qu'aucun avertissement ni message de mise en garde relatif à un système de l'avion ne soit apparu sur le système d'affichage des paramètres moteurs et d'alerte de l'équipage (EICAS), l'équipage a remarqué que l'altitude cabine augmentait d'environ 1000 pieds par minute. Au moment de la vérification du panneau de commande du conditionnement d'air, il est apparu que le groupe de l'unité de conditionnement d'air (ACU) de gauche était en circuit alors que le groupe ACU de droite était hors circuit. Le panneau de commande de l'air de prélèvement indiquait que le clapet d'arrêt de prélèvement d'air du 10e étage de droite était également hors circuit. Par conséquent, le groupe ACU de gauche était la seule source de pression disponible pour répondre à la demande de conditionnement d'air et de pressurisation de l'avion.

    Si l'un des deux groupes ACU se met hors circuit, une fonction normale du système prévoit le passage automatique en mode de débit élevé de l'autre groupe. Il devrait ainsi être possible de maintenir une pression cabine correspondant à une altitude de moins de 8000 pieds. En cas de fonctionnement d'un seul groupe, l'altitude maximale de l'avion est fixée à 25 000 pieds.

    Après avoir reçu son autorisation du Centre de contrôle de Moncton (ACC), l'équipage est descendu rapidement dans l'intention de se mettre en palier au FL250 avant que l'altitude cabine atteigne 10 000 pieds. Pendant la descente, l'équipage a essayé de réinitialiser tant le clapet d'arrêt de l'air de prélèvement du 10e étage de droite que le groupe ACU de droite, mais ni l'un ni l'autre ne se sont remis en circuit.

    Une fois la descente depuis le FL250 amorcée, le commandant de bord a fait une annonce pour informer les passagers que l'un des groupes ACU ne fonctionnait pas mais que le vol allait se poursuivre jusqu'à destination. Environ une minute après le début de la descente, le voyant d'alarme principal s'est allumé pendant deux secondes, puis l'équipage a constaté l'apparition des messages « DISPLAY COOL » et « AIRINC COOL » sur l'écran principal de l'EICAS.

    Pendant la descente à partir du FL250, l'alarme de l'altitude cabine s'est déclenchée pour indiquer que l'altitude cabine avait atteint 10 000 pieds. Les membres de l'équipage de conduite ont alors mis leur masque à oxygène. Malgré un taux de descente moyen de 4000 pieds par minute, l'altitude cabine est montée de façon continue jusqu'à atteindre 14 000 pieds. À ce moment-là, les masques à oxygène des passagers sont sortis automatiquement.

    Une fois l'avion descendu au-dessous de 10 000 pieds, l'alarme de l'altitude cabine a disparu. Après la mise en palier de l'avion à 9000 pieds, l'équipage de conduite a passé en revue les listes de vérifications connexes et s'est rendu compte que le voyant de panne de pressurisation situé sur le panneau de pressurisation était allumé. L'équipage est alors passé en mode de pressurisation manuel.

    Sept jours auparavant, il avait été signalé que la circulation d'air de l'avion était mauvaise. Après des essais au sol effectués par le personnel de maintenance, la circulation d 'air avait été jugée normale.

    Après le vol en question, une inspection de maintenance a révélé plusieurs anomalies distinctes reliées aux systèmes de conditionnement d'air de gauche et de droite :

    • Le conduit d'alimentation d'air du système de gauche (référence 601R95211-113) s'était détaché de sa bride de fixation au niveau du joint du séparateur d'eau. Ce conduit se trouve dans la section arrière non pressurisée de l'avion, au-delà de la partie pressurisée. Compte tenu de cette bride détachée, de l'air pouvait fuir selon un pourcentage qui n'a pas été déterminé.
    • La conduite de détection du clapet d'arrêt du régulateur de pression du système de droite s'était détachée, ce qui avait dans les faits causé la mise hors circuit du système.
    • Un ressort de rappel manquait sur les clapets anti-retour (référence 92E20-4) de la cloison étanche des systèmes de droite et de gauche : ces ressorts manquants devaient permettre aux clapets anti-retour de rester ouverts et de laisser l'air s'écouler à contre-courant et s'échapper par les conduits en cas de rupture des conduits propres à chaque système entre les clapets d'arrêt du régulateur de pression et la cloison étanche. Les ressorts manquants n'ont pu être localisés.

    La rupture de la bride du conduit constatée dans le système de gauche était de nature similaire à d'autres observées antérieurement dans des systèmes d'alimentation d'air d'avions CRJ des séries 100/200. Ces ruptures de conduit font l'objet d'une consigne de navigabilité (CF-2003-05R1). Toutefois, ces conduits portent une référence différente et se trouvent à un autre endroit dans le système d'alimentation d'air que le conduit trouvé détaché dans C-FSJJ.

    La Consigne de navigabilité (CN) CF-2003-05 « Inspections - Conduits d'alimentation d'air et clapet anti-retour de cloison étanche » a été publiée le 4 février 2003, avant d'être remplacée plus tard par la CN CF-2003-05R1 publiée le 31 mars 2006. La rubrique de cette CN précisant le contexte se lit comme suit :

    Le procédé de fabrication utilisé pour fixer les brides aux conduits d'alimentation d'air a donné lieu à des liaisons qui, à hautes températures, peuvent perdre de leur résistance en cisaillement. Cette situation pourrait provoquer la séparation du conduit qui, jumelée avec la défaillance d'un clapet anti-retour, aurait comme conséquence la perte de la pressurisation de l'avion en vol.

    Les dossiers techniques indiquaient qu'aucune opération de maintenance récente n'avait été effectuée sur la conduite du clapet d'arrêt du régulateur de pression. L'enquête n'a pas pu déterminer comment cette conduite avait pu se desserrer et se détacher.

    Il importe de noter que, dans le cadre de la CN CF-2003-05R1, Bombardier a ajouté une nouvelle tâche au programme de maintenance du CRJ. Celle-ci exige de procéder à une inspection récurrente des clapets anti-retour à des intervalles de 4000 heures de vol. Avant le présent incident, les clapets anti-retour (référence 92E20-4) avaient été inspectés pour la dernière fois le 8 août 2005 dans les installations de l'exploitant; les ressorts étaient présents et avaient été jugés en bon état de service.

    Analyse

    La conduite du clapet d'arrêt du régulateur de pression du système desservant le groupe de conditionnement d'air de droite constitue l'élément déclencheur le plus plausible relié à la diminution de la pression cabine. Une fois cette conduite complètement détachée, la véritable pression dans le conduit du groupe de conditionnement d'air de droite n'a alors pu être détectée avec précision, et le clapet d'arrêt du régulateur de pression s'est probablement fermé. La fermeture de ce clapet a dans les faits entraîné la mise hors circuit du groupe de droite. Lorsque l'un ou l'autre des deux groupes se met hors circuit, une fonction normale du système prévoit le passage automatique en mode de débit élevé du groupe qui reste. Dans le cas présent, le groupe de gauche est passé en mode de débit élevé, ce qui a augmenté la pression dans les conduits de ce système en particulier.

    Il se pourrait que cette pression additionnelle inhérente au débit élevé ait causé la rupture complète d'un raccord déjà affaibli entre la bride et le conduit. Il est également possible que le conduit se soit détérioré au fil du temps et qu'il ait déjà été partiellement détaché de la bride. Normalement, un groupe de conditionnement d'air qui fonctionne en mode de débit élevé est suffisant pour assurer la pressurisation de l'avion, à condition que celui-ci maintienne une altitude maximale de 25 000 pieds. Toutefois, une fois la bride rompue, la pression dans le conduit a été réduite à cause de l'air qui s'échappait dans la partie arrière non pressurisée de l'avion.

    Les messages « DISPLAY COOL » et « ARINC COOL » que l'équipage a pu voir sur l'EICAS sont fort probablement apparus à cause d'une faible alimentation d'air dans les conduits qui fournissent l'air de refroidissement au tableau de bord et au compartiment avionique de l'avion. Les messages d'avertissement n'indiquent pas nécessairement une température plus élevée que la normale dans les conduits. Ils indiquent en fait qu'une faible alimentation de l'air desservant le tableau de bord et le compartiment avionique entraîne une température de fonctionnement plus élevée de ces composants précis. Il se peut également que ces messages apparaissent à cause des capteurs de débit du système qui sont sensibles aux variations de la densité de l'air à mesure que l'altitude cabine augmente.

    Une fois le système de conditionnement d'air de droite hors circuit et le système de conditionnement d'air de gauche devenu la seule source de pression d'air dans la cabine, le clapet anti-retour de la cloison étanche de droite aurait dû se fermer. Toutefois, ce clapet est resté ouvert à cause du ressort de rappel qui manquait. La pression d'air de la cabine a ainsi pu remonter à contre courant par les conduits du système de droite ne fonctionnant plus jusqu'au clapet d'arrêt du régulateur de pression qui s'était fermé à cause de la conduite de ce même régulateur qui s'était détachée. Si le ressort du clapet anti-retour de la cloison étanche avait été à sa place, le clapet aurait pu se fermer lorsque, dans le conduit, la pression s'opposant à cette fermeture aurait diminué. Il n'y aurait alors pas eu remontée de l'air de pressurisation jusqu'au clapet d'arrêt du régulateur de pression. Comme il n'y avait rien d'anormal dans le système de droite entre le clapet anti-retour de la cloison étanche et le clapet d'arrêt du régulateur de pression, la perte de pression cabine dans l'air ambiant du côté droit aurait été négligeable. Le ressort du clapet anti-retour de la cloison étanche de gauche était lui aussi absent mais, dans le cas présent, cette absence a eu peu d'effet sur l'importance de la perte de pression cabine, puisqu'une certaine alimentation d'air était probablement fournie par le groupe de conditionnement d'air de gauche. Les ressorts de clapet anti-retour qui manquaient n'ont pu être retrouvés, et il n'a pas été possible de déterminer depuis combien de temps ils étaient absents. L'effet de l'absence d'un ressort de clapet anti-retour aurait pu ne pas être remarqué pendant un fonctionnement normal du système et, de ce fait, une telle absence aurait pu passer inaperçue pendant un certain temps. Le conduit du système de gauche s'était détaché au niveau du séparateur d'eau, ce qui a permis dans les faits à la majeure partie de l'air fourni par le groupe de conditionnement d'air de gauche de s'échapper des conduits.

    Bien que le système de conditionnement d'air de gauche ait continué à fonctionner et à alimenter en air la cabine et le poste de pilotage, la pression fournie était insuffisante pour contrecarrer la perte de pression créée par la fuite du conduit du système de gauche. Par conséquent, l'altitude cabine ne pouvait plu être régulée et a continué à augmenter.

    L'effet combiné des défaillances techniques indépendantes survenues dans les systèmes des deux groupes de conditionnement d'air indépendants a entraîné une perte de pressurisation de la cabine. Cette anomalie n'a pas été décelée facilement, car un groupe était resté en circuit et fonctionnait en mode de débit élevé. Toutefois, la majorité de l'air fourni par ce groupe s'échappait, avant de pénétrer dans la cabine, par la bride de conduit qui s'était détachée. D'après l'analyse d'autres incidents faite par Bombardier, l'importance de la perte de pression dans le cas présent était identique à ce que l'on pouvait s'attendre s'il n'y avait eu que peu ou pas d'air du tout entrant dans la cabine, en supposant que les conditions suivantes soient respectées : il n'y avait aucune brèche importante dans la partie pressurisée ou dans les systèmes qui assurent la pressurisation de la cabine, et la partie pressurisée de l'avion ne présentait pas un taux de fuite autre que le taux normal attendu.

    Il est inhabituel, pour un équipage de conduite, d'être confronté à plusieurs défaillances indépendantes simultanées. Dans le présent cas, l'équipage a essayé de régler le problème, ce qui s'est révélé impossible en vol. Compte tenu de l'absence de tout autre avertissement important relatif à la pressurisation, et comme l'avion peut voler normalement à l'aide d'un seul groupe, la décision initiale de l'équipage de descendre à 25 000 pieds était raisonnable.

    L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

    • LP 109/2006 – FDR Analysis (Analyse du FDR)

    On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

    Faits établis

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. L'effet combiné du conduit du système d'alimentation en air du groupe de conditionnement d'air de gauche qui s'était détaché, de la conduite du clapet d'arrêt du régulateur de pression du système de droite qui s'était détachée et du ressort de rappel qui était absent sur le clapet anti-retour de la cloison étanche du système de gauche, a entraîné une perte de pressurisation de la cabine.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .