Rapport d'enquête aéronautique A05W0137

Collision avec le relief
du Piper PA-18 C-FJYS
exploité par B. Allison Flying Services
à 9 nm à l'ouest d'Andrew (Alberta)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le pilote du Piper PA-18 de B. Allison Flying Services (immatriculé C-FJYS et portant le numéro de série 18-4734) quitte l'aéroport de Cooking Lake (Alberta) vers 11 h 30, heure avancée des Rocheuses, et va se poser au terrain de Chipman pour y prendre un passager. Ces deux personnes partent à 12 h 12 pour effectuer leur dernière journée d'une mission de deux semaines consacrée à la photographie aérienne. Il fait beau et le vent est calme lorsque C-FJYS quitte Chipman.

    Vers 18 h 10, un agriculteur découvre l'épave de l'avion dans un champ de foin à 9 milles marins d'Andrew. L'avion a percuté le sol dans un piqué extrême et très fortement incliné à gauche et a été lourdement endommagé. Les deux occupants ont subi des blessures mortelles. Il n'y a pas eu d'incendie après l'impact.

    Renseignements de base

    Le pilote détenait une licence de pilote professionnel valide et était qualifié pour effectuer le vol. En date du 3 juin 2005, il totalisait 1043 heures de vol, la plupart accomplies sur des appareils monomoteurs.

    L'avion s'est écrasé à quelque 90 km à l'est-nord-est de l'aéroport City Centre d'Edmonton (CYXD), l'aéroport le plus proche doté d'une station météorologique. À 12 h, heure avancée des Rocheuses (HAR)Note de bas de page 1, soit une trentaine de minutes avant l'accident, le bulletin météorologique de CYXD se lisait comme suit : vent du 070° vrais à 7 noeuds, visibilité de 9 milles terrestres, ciel dégagé, température de 25 °C, point de rosée à 15 °C, calage altimétrique de 29,50. Un orage a eu lieu dans la région vers 16 h, bien après l'heure de l'accident.

    D'après les dossiers, l'avion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées pour exploiter un taxi aérien en vertu de la sous-partie 703 du Règlement de l'aviation canadien (RAC). L'avion n'avait aucune défectuosité connue avant le premier vol de la journée, et les calculs ont montré que sa masse et son centre de gravité se trouvaient dans les limites permises au moment de l'accident.

    L'appareil photographique du passager a été récupéré au complet dans l'épave, film exposé compris. Les photographies prises par le passager immédiatement avant l'accident montraient un ciel dégagé. Le Bureau de la sécurité des transports (BST) a effectué une analyse photogrammétrique des photographies prises près du lieu de l'accident, laquelle a permis d'établir que, alors qu'il manoeuvrait près des bâtiments d'une ferme, l'avion se trouvait entre 225 et 270 pieds au-dessus du sol.

    D'après l'heure de départ de Chipman, la lecture du compteur Hobbs de l'avion et la mesure des ombres laissées par le soleil sur les photographies prises avec l'appareil photographique du passager, il a été établi que l'accident s'était produit vers 12 h 30.

    L'examen de l'épave a montré que, au moment de l'accident, le pilote portait une ceinture-baudrier complète à quatre points et le passager portait une sangle sous-abdominale, les deux bretelles n'étant par ailleurs pas bouclées. Une pale d'hélice avait pénétré dans le sol à un angle de 70° par rapport à la verticale. Son extrémité était courbée vers l'avant, signe que le moteur fournissait une certaine puissance à l'impact. L'autre pale d'hélice était courbée vers l'arrière à partir de la région du pied. Toutes les commandes de vol étaient raccordées et assuraient la continuité. Le manche arrière avait été enlevé, mais aucun cache de son embout n'a été trouvé dans l'épave. Le passager pouvait faire fonctionner les pédales du palonnier arrière.

    Le moteur ne présentait aucune anomalie qui aurait pu contribuer à l'accident. L'anémomètre, le variomètre ainsi que le manomètre d'huile et le tachymètre du moteur ont été envoyés au Laboratoire technique du BST pour y être examinés. Des marques d'impact présentes sur ces instruments montraient que le moteur fournissait presque sa puissance maximale au moment de l'impact, et deux marques ont été trouvées sur l'anémomètre, une à 0 noeud et l'autre à 79 noeuds.

    Le réservoir de carburant gauche ne contenait pas de carburant, et les enquêteurs du BST n'ont senti aucune odeur de carburant quand ils sont arrivés sur place. Le col de remplissage du réservoir gauche s'était brisé à l'impact, et il y avait une petite crique sur le joint avant du réservoir. Le réservoir ventral (CTS no SA02068AK) s'était fracturé et ne contenait pas de carburant. D'après les estimations, le réservoir droit, qui était légèrement déformé, était plein aux trois quarts au moment de l'impact. Les conduites de carburant partant du réservoir droit et se rendant au sélecteur de carburant puis au filtre de carburant monté sur la cloison pare-feu, contenaient du carburant. La conduite allant du filtre de carburant au carburateur ayant été détruite, il n'a pas été possible de savoir si elle contenait du carburant. Le sélecteur de carburant était réglé sur le réservoir gauche; il se peut toutefois que ce réglage ait été modifié à l'impact. Une inscription non signée faite dans le registre de carburant de la compagnie indiquait la prise de 25 gallons américains de carburant le 6 juillet et, comme cette inscription n'a pu être rattachée à aucun autre aéronef, elle avait probablement été faite par le pilote de C-FJYS.

    Le Centre de coordination des opérations de sauvetage n'a reçu aucun signal de la radiobalise de repérage d'urgence de C-FJYS. La radiobalise était armée, mais le câble coaxial de l'antenne avait été arraché de sa borne de raccordement au cours de l'impact. Le câble avait été posé serré afin d'être bien à l'écart des câbles des commandes de vol, aucun jeu n'étant prévu pour une déformation du fuselage en cas d'impact.

    Un récepteur GPS portatif se trouvait dans l'avion, mais il était endommagé et n'a pu fournir aucune donnée utile. L'avion n'était équipé ni d'un enregistreur de données de vol (FDR) ni d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage, ce qui ne contrevenait pas à la réglementation. En règle générale, les aéronefs exploités en vertu de la sous-partie 703 du RAC ne sont pas dotés, au moment de leur construction, de l'infrastructure électrique nécessaire à la pose d'un FDR, et l'installation de FDR dans cette catégorie d'aéronefs exigerait d'importantes améliorations aux systèmes de bord.

    Un petit enregistreur vidéo numérique du poste de pilotage (CVDR) offre une solution de rechange relativement moins coûteuse qu'un FDR. Bien que la technologie du CVDR permette déjà d'enregistrer le tableau de bord et la vue avant d'un aéronef en vol, il n'existe ni exigence réglementaire ni calendrier prévoyant l'installation de ce dispositif dans un type d'aéronef ou un autre. La présence d'un CVDR en marche aurait permis aux enquêteurs de se faire une meilleure idée des circonstances qui ont mené à cet accident.

    La compagnie utilisait un système de régulation des vols par les pilotes. Le pilote de C-FJYS n'avait déposé ni plan de vol de NAV CANADA ni itinéraire de vol de compagnie, contrairement à ce qu'exigeaient le manuel d'exploitation, les consignes et les bulletins de la compagnie. Rien n'indique que le pilote aurait contacté une installation de NAV CANADA avant ou pendant le vol. Toutefois, avant de partir, il avait indiqué par hasard à un employé administratif du bureau qu'il pensait être de retour en après-midi vers 15 h 30. Cet employé travaillant à temps partiel, il avait quitté le bureau vers midi. Il n'y avait aucun service d'alerte pour signaler que l'avion n'était pas de retour à sa base.

    Tant le gestionnaire des opérations que le pilote en chef n'étaient pas dans la province au moment de l'accident et, malgré la présence d'un pilote principal, celui-ci n'avait pas reçu de délégation pour s'occuper des tâches de gestion opérationnelle. Par conséquent, les opérations aériennes faisaient l'objet d'une surveillance limitée. Un plan d'intervention d'urgence avait été publié et affiché bien en vue dans le bureau de la compagnie. Il ne comprenait toutefois aucune délégation de responsabilités en cas d'absence du personnel clé. Vers 19 h, le pilote principal s'était rendu en voiture au hangar, où il a constaté que la voiture du pilote était toujours là, mais il n'a lancé aucune recherche. C'est seulement quelque quatre heures après l'heure prévue de retour qu'il a véritablement appris que l'avion était en retard.

    L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

    • LP 070/2005 – Photo Analysis (Analyse de photographies)
    • LP 071/2005 – Instrument Examination (Examen d'instruments)

    On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

    Faits établis

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. L'avion est devenu ingouvernable sans que l'on sache pourquoi, et il a percuté le sol.

    Faits établis quant aux risques

    1. Le câble de l'antenne de la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) avait été posé serré, ce qui a provoqué son débranchement de l'ELT à l'impact; l'ELT n'a donc pu émettre aucun signal utile.
    2. Le pilote n'avait déposé ni plan de vol ni itinéraire de vol, ce qui aurait pu retarder les opérations de sauvetage d'éventuels survivants.
    3. Les procédures de délégation des pouvoirs de gestion en cas d'absence du personnel clé de la compagnie étaient incomplètes, ce qui a entraîné un mauvais suivi du vol et une mauvaise intervention d'urgence.

    Autres faits établis

    1. Les enquêteurs n'ont pas été en mesure de déterminer pourquoi l'avion était devenu ingouvernable. Ce dernier ne possédait aucun enregistreur de vol, appareil qui aurait peut-être permis aux enquêteurs de reconstituer les circonstances ayant mené à cet accident.
    2. Le cache de l'embout de la commande arrière n'a pu être trouvé dans l'épave.

    Mesures de sécurité prises

    La compagnie a élaboré un système de délégation garantissant qu'une personne responsable est toujours disponible. Des listes de vérifications ont été rédigées à l'intention des postes de gestion, et elles seront utilisées par les délégués en cas d'absence du personnel de gestion. Ces mesures permettront de s'assurer que des gestionnaires par intérim seront nommés systématiquement et qu'ils seront conscients de leurs responsabilités.

    Le système de suivi des vols a été renforcé, les pilotes étant informés de la nécessité de déposer un itinéraire de vol ou un plan de vol complet avant chaque vol. Le système de répondeur téléphonique continuera de servir de babillard pour les délégués et ne servira pas comme outil principal de suivi des vols. Pour assumer leurs responsabilités, les gestionnaires par intérim se serviront de la liste de vérifications mentionnant les tâches déléguées. Le système d'alerte en cas de retard sera respecté de façon plus stricte.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .