Perte de pression d'huile des deux moteurs
du Bombardier DHC-8-402 C-FBAM
exploité par Cascade Aerospace Inc.
à 5 nm à l'ouest de Tofino (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
À 13 h 31, heure avancée du Pacifique, l'avion décolle de l'aéroport international d'Abbotsford (Colombie-Britannique) en vertu d'un plan de vol selon les règles de vol aux instruments, pour aller effectuer des essais en vol près de Tofino (Colombie-Britannique); à son bord se trouvent deux pilotes et deux ingénieurs des essais en vol engagés à forfait. La firme Cascade Aerospace Inc. effectue un programme d'essais en vol de certification sur le Bombardier DHC-8-402 (portant l'immatriculation C-FBAM et le numéro de série 4040) modifié pour servir d'avion-citerne. Ce programme d'essais en vol comporte une série de manoeuvres d'amorce de descente/de montée d'amplitude croissante servant à évaluer la force exercée au manche par g (force de gravité) et à démontrer des caractéristiques de pilotabilité satisfaisantes pendant une amorce de descente jusqu'à 0 g alors que l'avion transporte un chargement d'eau/de produit retardant.
Vers 15 h 32, pendant la troisième et dernière amorce de descente, les voyants de basse pression d'huile des moteurs nos 1 et 2 s'allument. S'ensuivent une réduction non sollicitée de la vitesse de rotation des deux hélices de quelque 300 tr/min et une augmentation proportionnelle du couple des deux moteurs. L'avion est ramené dans une assiette normale et les voyants de basse pression d'huile des deux moteurs s'éteignent. L'hélice du moteur no 1 revient à son régime sélectionné de 1 020 tr/min, mais l'hélice du moteur no 2 passe en survitesse que le régulateur de survitesse ramène à 1 060 tr/min. L'hélice du moteur no 2 est alors intentionnellement mise en drapeau, le moteur est coupé et le chargement d'eau/de produit retardant est largué. Le moteur no 2 est ensuite remis en marche mais, comme l'hélice ne peut être dévirée, le moteur est de nouveau coupé. L'avion retourne à l'aéroport international d'Abbotsford sur un seul moteur, où il atterrit vers 16 h 40. Le contrôle de la circulation aérienne est mis au courant des événements, mais aucune situation d'urgence n'est déclarée.
Renseignements de base
Renseignements météorologiques
Au moment de l'incident, les conditions météorologiques qui prévalaient à Tofino étaient les suivantes : vent du 270° vrai (T) à 11 noeuds soufflant en rafales à 17 noeuds; visibilité de 15 milles terrestres; quelques nuages à 2 400 pieds au-dessus du niveau de la mer, nuages épars à 5 000 pieds, nuages fragmentés à 15 000 pieds, température de 15 °C, point de rosée de 10 °C.
Les opérations
La firme Cascade Aerospace Inc. fournit des services d'ingénierie en conception, en fabrication et en certification de produits personnalisés, et elle est un organisme d'approbation de conception (OAC) agréé ainsi qu'un organisme de construction agréé (OCA). Au moment de l'incident, l'avion-citerne Q400 converti à partir d'un Bombardier DHC-8-400 de conception initiale subissait des essais en vol de certification en vue de l'obtention d'un certificat de type supplémentaire (CTS) devant lui permettre de servir d'appareil de lutte contre les incendies. Les pilotes étaient à l'emploi de Conair Group Inc. et avaient tous les deux suivi le cours initial de pilote de Dash 8 Q400 au centre d'apprentissage de FlightSafety International, à Toronto, en novembre 2004.
L'aéronef
Le Bombardier DHC-8-400 est un avion de transport régional qui est actuellement produit dans le segment des appareils de 70 places. Il est motorisé par deux turbopropulseurs PW150A de Pratt & Whitney Canada (P&WC) et il est piloté par un équipage constitué de deux pilotes. L'avion-citerne Q400 converti par la firme Cascade Aerospace Inc. était doté d'un système de largage de produit ignifuge d'une capacité de 10 000 litres. Au décollage de l'aéroport international d'Abbotsford, l'avion avait une masse brute de 68 200 livres et, pour les essais en vol, son chargement était placé de manière à se situer à la limite de centrage la plus arrière possible. Une partie des modifications relatives à l'obtention du CTS portait sur l'augmentation jusqu'à 68 200 livres de la masse brute au décollage de l'avion.
L'avion était exploité en vertu d'un permis de vol expérimental délivré par Transports Canada. Il s'agissait du huitième vol d'essai effectué dans le cadre de l'élaboration d'un CTS devant servir à la conversion en avion-citerne. Après le vol, l'étude par le personnel de maintenance des données enregistrées par l'unité de surveillance des moteurs (EMU) n'a permis d'identifier aucune défectuosité d'un composant.
Les enregistreurs de vol
L'avion était équipé d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) à semi-conducteurs Honeywell et d'un enregistreur de données de vol (FDR) à semi-conducteurs Allied Signal. Les données du FDR ont pu être extraites, mais pas celles du CVR. Les données pertinentes du CVR avaient été effacées quand une source d'alimentation électrique externe avait été branchée à l'avion à la suite du vol au cours duquel l'incident s'était produit.
Les groupes motopropulseurs
L'appareil était équipé de deux moteurs PW150A de P&WC. Le PW150A est constitué d'un turbomoteur à turbine libre qui entraîne une hélice Dowty Aerospace à six pales de modèle R408 au moyen d'un réducteur à deux étages. Le turbomoteur comprend le compresseur basse pression et sa turbine basse pression, le compresseur centrifuge monoétage haute pression et sa turbine haute pression ainsi que la turbine de travail biétages et son arbre, lequel entraîne le réducteur. Ces trois ensembles tournants ne sont pas reliés les uns aux autres et ils tournent à des vitesses différentes, dans des directions opposées. Un boîtier d'entraînement des accessoires est entraîné par l'arbre de la turbine haute pression grâce à un arbre de commande du support d'accessoires et d'un boîtier de renvoi. Le boîtier d'entraînement des accessoires entraîne le dispositif de dosage de carburant, lequel dispositif comprend la pompe carburant, le générateur/démarreur et d'autres accessoires.
La limite de l'angle de tangage des moteurs
Pendant l'élaboration du programme d'essais en vol, on a produit une série de fiches d'essais en vol. L'une de celles-ci décrivait les objectifs, les procédures et les préoccupations en matière de sécurité pour chaque vol. Le groupe d'ingénierie des essais en vol de la firme Cascade Aerospace Inc. a consulté la documentation d'orientation sur les essais en vol rédigée par TC et par la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis, ainsi que le manuel de vol de l'avion (AFM) du constructeur. L'AFM a été le principal document utilisé pour déterminer les limites d'exploitation de l'avion. La section 2.2.5 de l'AFM qui traite des facteurs de charge limite de manoeuvre stipule que les facteurs de charge limite pour cet avion, en configuration lisse, sont de +2,5 à −1,0 g. Cette section stipule de plus que ces chiffres limitent l'angle d'inclinaison latérale permis dans les virages ainsi que l'ampleur des manoeuvres d'amorce de montée et de descente.
La firme Cascade Aerospace Inc. s'est imposée à elle-même, sur le permis de vol de TC, une autre condition qui limitait à 0 g le facteur minimal de charge limite de manoeuvre. La fiche d'essais en vol no 8 ne comportait aucune limite d'angle de tangage. D'après les données extraites du FDR, pendant les manoeuvres, on a obtenu des angles de tangage de quelque 43 et 46° lors des deuxième et troisième amorces de montées, respectivement, et on a enregistré un facteur de charge minimal de −0,08 g au moment de la dernière amorce de descente. Le FDR et l'indicateur d'assiette du commandant de bord reçoivent normalement des renseignements sur le tangage qui proviennent de l'unité de référence d'assiette et de cap située du même côté.
Le manuel d'installation du moteur préparé le motoriste (document exclusif fourni à l'avionneur, mais habituellement pas distribué aux propriétaires/exploitants d'aéronefs) renfermait des limites statiques d'utilisation des moteurs concernant les angles de tangage et de roulis démontrés ainsi que les laps de temps connexes à la fin desquels il pourrait y avoir un manque de lubrification satisfaisante des moteurs. Ce manuel n'a pas été offert au groupe d'ingénierie des essais en vol de la firme Cascade Aerospace Inc., et celui-ci ne l'a pas demandé non plus. Même si l'avion n'a pas dépassé le facteur de charge limite prescrit dans l'AFM, la limite statique d'utilisation des moteurs portant sur l'angle de tangage a été dépassée au cours de la manoeuvre exécutée pendant le essais en vol, et ce, sans que l'équipe des essais en vol ne s'en aperçoive. Même si l'angle de tangage physique a atteint 46°, lorsque l'on tient compte des forces d'accélération et de décélération, l'effet final sur le moteur a été l'équivalent d'un angle de tangage constant de quelque 8°. D'après le manuel d'installation du moteur, la limite de tangage dans des conditions stables d'exploitation normale est de 25°.
La relation entre la pression d'huile et l'hélice d'un moteur
Chaque hélice et chaque moteur (ensemble réducteur et turbomoteur) partagent la même huile; donc, lorsque les deux moteurs ont subi une perte de pression d'huile, les deux hélices en ont également subi une. À la suite de la perte de pression d'huile, le mécanisme de contrepoids et les forces de rotation de chaque hélice ont fait passer chacune des deux hélices en grand pas, déplacement qui s'est traduit par une sous-vitesse (Np [turbine de travail] < 80 pour cent). Il ne s'agissait pas d'une mise en drapeau automatique, car le système de mise en drapeau automatique avait été désactivé conformément aux procédures normales. D'après les données extraites du FDR, avant la perte de pression d'huile des deux moteurs, ceux-ci tournaient en développant un couple inférieur à 50 pour cent. À peu près au moment où les pressions d'huile des moteurs se sont rétablies et où les voyants de basse pression d'huile se sont éteints, on a poussé sur la manette des gaz no 2 de manière à augmenter le tangage de quelque 8° (48 à 56°), puis, peu après, sur la manette des gaz no 1.
Pendant cette période qui a duré de deux à trois secondes, le couple du moteur no 2 a augmenté jusqu'à plus de 50 pour cent, et les conditions d'activation (couple > 50 pour cent et régime d'hélice < 80 pour cent pendant plus d'une seconde) du circuit matériel automatique de protection contre les sous-vitesses (AUPC) de l'hélice no 2 ont été remplies. Ce circuit désactive dans les faits le logiciel de commande électronique de l'hélice, et il commande en continu le pas des pales de l'hélice à un taux régulé vers le petit pas, forçant l'hélice à tourner à 1 060 tr/min grâce au régulateur de survitesse hydromécanique. Dans le cas du moteur no 1, on n'a enregistré aucune activation semblable de l'AUPC ni aucun code de défaillance correspondant, ce qui indique que les conditions nécessaires à l'activation de l'AUPC de l'hélice no 1 n'ont pas été remplies pendant la transition. Dans le cas du moteur no 1, une fois la pression d'huile rétablie, l'hélice a simplement repris son fonctionnement normal.
Le dévirage de l'hélice
Après avoir vérifié que l'hélice du moteur no 1 fonctionnait normalement, l'équipage s'est conformé à la liste de vérifications de l'AFM en effectuant manuellement la mise en drapeau de l'hélice no 2 et en coupant le moteur no 2. Après une consultation en vol du personnel de maintenance, on a par la suite redémarré le moteur no 2; devant l'impossibilité de dévirer l'hélice, on a de nouveau coupé le moteur. Conformément à la conception du système, l'hélice ne pouvait être dévirée à la suite de l'activation de l'AUPC. L'avionneur a adopté une philosophie voulant que le système de contrôle se charge automatiquement de certaines conditions de défaillance de l'hélice, ce qui fait que l'hélice est mise en drapeau jusqu'à ce que les conditions de défaillance soient corrigées au moyen des travaux de maintenance appropriés. L'AUPC déclenche ce mode de fonctionnement et empêche le dévirage de l'hélice, car son activation est l'équivalent d'une perte de contrôle du pas de l'hélice par le logiciel de commande électronique de l'hélice.
Les dossiers de l'avion et de maintenance
D'après les dossiers de l'avion, le moteur gauche, portant le numéro de série PCE-FA0020, totalisait quelque 1 952 heures de vol depuis sa mise en service initiale (TTSN) et le moteur droit, portant le numéro de série PCE-FA0015, totalisait quelque 1 991 heures de vol depuis sa mise en service initiale (TTSN). Le bulletin de service (BS) 35038, révision 3, avait été incorporé aux deux moteurs, et il s'appliquait à tous les moteurs de production PW150A. Ce BS exigeait le remplacement du clapet de surpression d'huile (PRV) moteur d'origine par un PRV modifié. On avait apporté cette modification à la suite d'une odeur d'huile dans la cabine passagers due à une fuite d'huile dans l'air de prélèvement, lorsque des joints de paliers du moteur avaient été dépressurisés pendant la séquence de démarrage et d'arrêt. Cette modification servait à empêcher une alimentation excessive en huile des cavités des paliers du moteur, laquelle alimentation excessive pourrait provoquer un noyage par l'huile au moment du démarrage et de l'arrêt, en relâchant plus rapidement la pression d'huile résiduelle.
La recherche
Une recherche dans la base de données des rapports de difficultés en service de TC n'a permis de repérer aucun cas similaire au Canada ni aux États-Unis. Actuellement, le seul appareil civil équipé du moteur PW150A est le DHC-8-400.
Pendant cette enquête, on a remarqué que le dénouement de cet incident a été différent de celui des démonstrations antérieures de certification d'essais en vol de 0 g effectuées par Bombardier en 1999. À la suite de cet incident, P&WC a procédé à une série d'essais sur un moteur expérimental de même modèle, afin de déterminer si la modification du PRV (BS 35038, révision 3) avait un effet sur le fonctionnement de l'hélice, et de quelle façon cette séquence d'événements se comparait aux démonstrations de certification d'essais en vol d'origine avec le PRV d'origine.
Un PRV en configuration d'origine a été installée dans le moteur utilisé au banc d'essai d'hélice de P&WC. Pendant ces démonstrations, le groupe motopropulseur et l'hélice ont continué de fonctionner comme au cours des essais de certification d'origine, pendant toute la période au cours de laquelle ils ont été artificiellement soumis à une pression d'huile moteur temporairement basse. Ces essais simulaient artificiellement la perte de pression d'huile par l'introduction d'air sous pression à l'entrée de la pompe à huile jusqu'à ce que la pression d'huile principale chute à 10 lb/po² et, donc, que tout effet du vol dans des conditions inférieures à 1 g disparaisse. Avec un PRV en configuration d'origine ayant fait l'objet d'essais à deux niveaux de puissance différents, le fonctionnement de l'hélice est resté le même pendant toute la durée du cycle de perte et de rétablissement de la pression d'huile.
Avec un PRV en configuration modifiée, il y a eu des fluctuations dans le fonctionnement de l'hélice, et la pression d'huile principale du moteur a chuté à moins de 10 lb/po² et elle a mis plus de temps à se rétablir. Le fonctionnement de l'hélice s'est rétabli environ quatre secondes après le rétablissement de la pression d'huile du circuit principal et du réducteur.
Les essais ont confirmé que, dans des conditions de basse pression d'huile moteur, le PRV modifié faisait se déplacer l'angle des pales de l'hélice vers la position de mise en drapeau. L'hélice recouvre son état de fonctionnement antérieur, une fois la pression d'huile rétablie. Cependant, une perte de la pression d'huile pendant plus de 3 ou 4 secondes peut provoquer l'activation de l'AUPC.
Analyse
D'après les données extraites du FDR, même s'il y a eu des perturbations dans le fonctionnement de l'hélice, l'avion n'a dépassé aucune des limites prescrites dans l'AFM. Même si la limite statique d'utilisation des moteurs concernant l'angle de tangage a été dépassée sans que l'on ne s'en aperçoive, et qu'il se peut que cela ait contribué à une perte temporaire et simultanée de la pression d'huile des deux moteurs, la résolution des vecteurs d'accélération a démontré que l'effet de l'angle de tangage a été l'équivalent d'un angle de tangage constant respectant les limites pendant la manoeuvre.
On sait que des conditions de basse pression d'huile surviennent pendant des manoeuvres de g négatif avec le PRV d'origine, mais les conditions de basse pression d'huile n'ont pas duré assez longtemps pour avoir un effet sur le fonctionnement de l'hélice. D'après les données, le PRV modifié a contribué à la perturbation du régime de l'hélice en prolongeant les conditions de basse pression d'huile. On a obtenu de nouveau ce même résultat lors d'essais en vol ultérieurs avec des amorces de descente jusqu'à environ - 0,10 g à partir d'angles de tangage positifs de quelque 23°, ce qui indique que l'on peut s'attendre à ce qu'il y ait des perturbations dans le fonctionnement de l'hélice chaque fois que l'on se trouve en présence de conditions de g négatif. Cette conséquence antérieurement inconnue fait l'objet de discussions entre le constructeur et TC.
La section 2.2.5 de l'AFM qui traite des facteurs de charge limite de manoeuvre stipule que les facteurs de charge permis limitent l'angle d'inclinaison latérale permis dans les virages ainsi que l'ampleur des manoeuvres d'amorce de montée et de descente. Les angles d'inclinaison latérale ne constituaient pas un problème dans cet incident, et il est vrai que les facteurs de charge limite ont restreint l'ampleur des manoeuvres d'amorce de montée et de descente. Même si les objectifs en matière de facteurs de charge des essais en vol respectaient les limites mentionnées dans l'AFM, ce dernier n'est pas conçu comme un guide de conception d'essais en vol. Les programmes de certification des essais en vol peuvent comporter des manoeuvres considérées extrêmes pour la catégorie d'un aéronef. Le groupe d'ingénierie des essais en vol de la firme Cascade Aerospace Inc. ne savait pas exactement quel angle de tangage serait atteint dans le cadre de la série prévue de manoeuvres. Il serait donc prudent de la part des groupes d'ingénierie d'effectuer une recherche complète sur les limites des systèmes, comme les systèmes de lubrification et de carburant, lors de la conception de tels programmes d'essais en vol et d'intégrer les renseignements ainsi obtenus dans les fiches d'essais en vol pertinentes à chaque vol.
Le cellulier a conclu que l'assiette en tangage obtenue était extrême et qu'il était peu probable d'en obtenir une semblable dans le cadre d'opérations normales aux commandes de ce type d'avion. Cependant, une demande d'un autre exploitant de DHC-8 (autre qu'Q400) a indiqué que des angles de tangage positif importants (30° ou plus) pouvaient être obtenus lors de manoeuvres d'entraînement en vol. Il n'est donc pas déraisonnable de croire qu'il est possible que des facteurs de charge inférieurs à 0 g soient induits pendant un exercice d'entraînement, ou pendant de vraies manoeuvres d'évitement des autres aéronefs ou du relief. Si l'on ignore les conséquences qui y sont associées, une manoeuvre déjà anormale pourrait comporter des risques beaucoup plus élevés si un équipage de conduite peu méfiant était victime d'une simple ou d'une double perte de pression d'huile moteur et, par la suite, de conditions de survitesse d'hélice.
Les démonstrations de certification d'essais en vol d'origine effectuées par Bombardier n'ont permis de déceler aucune anomalie de fonctionnement des hélices avec l'installation du PRV d'origine à l'intérieur des moteurs. Depuis l'introduction du PRV modifié (BS 35038, révision 3), cet incident en vol et des résultats obtenus ultérieurement au banc d'essai ont démontré que la durée de la perte de pression d'huile moteur avait été prolongée par le PRV modifié et que cette perte de pression s'était traduite par un sous-régime de l'hélice lorsque les pales ont été entraînées en direction du grand pas. On n'avait pas prévu cet effet de la modification du PRV. Comme le prouve le retour de l'hélice du moteur no 1 à son état de fonctionnement antérieur, lorsque cet incident est survenu, le reste du système a fonctionné de la façon prévue à la conception. Comme les moteurs tournaient en développant un couple inférieur à 50 pour cent, n'eut été de l'augmentation du couple due à la poussée exercée sur la manette des gaz no 2 - laquelle poussée a rempli les conditions requises à l'activation de l'AUPC - l'hélice du moteur no 2 aurait probablement également recouvré son état de fonctionnement antérieur. Si les moteurs avaient tourné en développant un couple supérieur à 50 pour cent, on aurait pu forcer les deux hélices à tourner en suivant les régulateurs de survitesse. Il ne s'agissait pas d'un événement critique, et l'avion aurait pu poursuivre son vol dans cet état jusqu'à un aérodrome.
À la suite d'une coupure en vol intentionnelle et d'un redémarrage en vol ultérieur du moteur no 2, l'équipage s'est aperçu qu'il était impossible de dévirer l'hélice. Aucun des manuels de l'avion ni aucun document de formation, pas plus que le cours de formation des pilotes de FlightSafety International, n'enseignent aux équipages de conduite que, lorsque le PEC décèle un problème nécessitant la mise en drapeau de l'hélice, il est ensuite impossible de se prévaloir de la fonction de dévirage de l'hélice, même dans le cas d'une situation d'urgence plus importante. Quelque 30 heures de vol plus tard, ce même avion s'est justement trouvé dans une situation d'urgence plus importante (rapport numéro A05P0137 du BST), lorsque le moteur no 1 s'est arrêté en vol sans aucun signe précurseur.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Pendant la manoeuvre des essais en vol, les deux moteurs de l'avion ont subi une perte de pression d'huile lorsqu'ils ont été soumis à un angle de tangage important accompagné d'une brève et faible condition de g négatif. Lorsque le clapet modifié de surpression d'huile moteur a été soumis à des conditions de basse pression d'huile, celles-ci ont pu durer suffisamment longtemps pour nuire au fonctionnement des hélices.
- Compte tenu de leur durée prolongée, les conditions de basse pression d'huile ont entraîné des fluctuations dans le régime des hélices ainsi que l'entrée des deux hélices dans une situation de sous-vitesse, ce qui respectait l'une des trois exigences nécessaires au passage ultérieur de l'hélice no 2 en situation de survitesse.
- Pendant que l'hélice no 2 se trouvait en situation de sous-vitesse, la poussée exercée sur la manette des gaz no 2 a fait augmenter le couple du moteur jusqu'à plus de 50 pour cent, ce qui respectait la deuxième exigence nécessaire au passage ultérieur de l'hélice no 2 en situation de survitesse. Le fait que ces deux conditions soient survenues simultanément pendant plus d'une seconde remplissait toutes les exigences nécessaires à l'activation du circuit automatique de protection contre les sous-vitesses (AUPC) de l'hélice no 2, et a provoqué la situation de survitesse de l'hélice no 2.
Faits établis quant aux risques
- Tout facteur de charge inférieur à 0 g, induit pendant un exercice d'entraînement ou pendant de vraies manoeuvres d'évitement des autres aéronefs ou du relief, aurait pu comporter des risques beaucoup plus élevés si un équipage de conduite peu méfiant avait été distrait par un deuxième incident imprévu, comme une simple ou une double perte de pression d'huile moteur et, par la suite, par une situation de survitesse d'hélice.
- Aucun des manuels de l'avion ni aucun document de formation, pas plus que le cours de formation des pilotes de FlightSafety International, n'enseignent aux équipages de conduite que, lorsque le logiciel de commande électronique de l'hélice (PEC) décèle un problème nécessitant la mise en drapeau de l'hélice, il est ensuite impossible de se prévaloir de la fonction de dévirage de l'hélice, même dans le cas d'une situation d'urgence plus importante.
Autre fait établi
- Il a été impossible d'extraire les données de l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR), car celles-ci avaient été effacées quand une source d'alimentation électrique externe avait été branchée à l'avion à la suite du vol au cours duquel l'incident s'était produit.
Mesures de sécurité
À la suite de cet incident, Transports Canada (TC) a annulé le permis de vol jusqu'à ce que l'on puisse démontrer que des inspections suffisantes permettent d'établir que l'exploitation de l'avion était sécuritaire. Le 10 juin 2005, un nouveau permis de vol a été délivré pour le reste du programme d'essais en vol.
La firme Cascade Aerospace Inc. s'est imposée à elle-même une restriction astreignant le reste du programme d'essais en vol à une limite de manoeuvre minimale intentionnelle de +0,5 g, par opposition à la limite de 0 g qu'elle s'était antérieurement fixée.
Le 21 juillet 2005, le bureau régional du Pacifique du BST a distribué deux bulletins d'information sur l'événement. L'un traitait du problème de disponibilité des renseignements concernant la limite en tangage des moteurs, et l'autre, du problème de disponibilité des renseignements aux équipages de conduite concernant l'incapacité de dévirer une hélice à la suite d'un problème en ayant nécessité la mise en drapeau.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .