Perte de puissance moteur
du Cessna 185F C-GAXK
exploité par Stanton Mackenzie Flying Services Inc.
à 5 nm à l'est de CNJ4 (Mara) Orillia (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le Cessna 185F à flotteurs (immatriculation C-GAXK, numéro de série 18502673) fait route vers sa base d'attache située à Orillia (Ontario) après avoir pris à son bord deux passagers et leurs bagages à un camp de pêche éloigné situé à quelque 21 milles à l'est d'Orillia. Après le décollage, l'hydravion grimpe à quelque 1 000 pieds au-dessus du sol (agl) et se dirige vers Orillia. Tous les paramètres moteur sont d'abord normaux, mais quelques minutes après le début du vol, le moteur (Teledyne Continental IO-520-D) perd sa puissance. Le pilote règle la commande de richesse sur plein riche et met en marche la pompe à carburant auxiliaire électrique. Le moteur recouvre sa puissance et le vol se poursuit vers la base d'attache qui se trouve à quelque cinq milles plus loin. Peu après, le pilote coupe la pompe à carburant auxiliaire et le moteur perd aussitôt sa puissance. Le pilote met pleins gaz, règle l'alimentation sur les deux réservoirs, et met de nouveau en marche la pompe à carburant auxiliaire, mais le moteur ne recouvre pas sa puissance.
Le pilote effectue un atterrissage d'urgence dans une zone humide à 13 h 8, heure avancée de l'Est. Après le posé, l'hydravion parcourt une courte distance sur le sol mou et humide, il heurte un arbre et s'immobilise. Un passager est légèrement blessé, mais tous les occupants parviennent à évacuer l'appareil en toute sécurité. L'hydravion est lourdement endommagé. Le pilote parvient à maintenir les communications par radio et par téléphone cellulaire avec un autre appareil de la compagnie qui évolue dans la région, ainsi qu'avec sa base d'attache. Peu de temps après, les trois occupants sont évacués à bord d'un hélicoptère de recherche et sauvetage.
Renseignements de base
Les conditions météorologiques pendant le vol étaient les suivantes : vent du sud-ouest de 5 à 10 noeuds, visibilité de six milles marins (nm) ou plus, ciel couvert et température de 30 °C. Le bulletin météorologique automatique de 13 h 5, heure avancée de l'Est (HAE)Note de bas de page 1, pour Muskoka (Ontario), à quelque 16 nm au nord, indiquait les conditions suivantes : vent du 200 degrés à 6 noeuds, visibilité de six milles terrestres, nuages épars à 2500 pieds et à 8900 pieds, température de 28 °C, point de rosée de 23 °C, calage altimétrique de 29,85 po Hg. Le bulletin météorologique automatique de 13 h pour Lagoona, à quelque 12 nm au sud, indiquait les conditions suivantes : vent du 230 degrés à 10 noeuds, température de 27 °C, point de rosée de 25 °C, calage altimétrique de 29,84 po Hg.
Selon les dossiers, l'appareil était entretenu conformément à la réglementation existante et aux procédures approuvées. Le pilote était qualifié pour le vol.
Un hélicoptère a transporté l'hydravion des lieux de l'accident jusqu'à un hangar situé à sa base d'attache à Orillia. Le moteur installé sur l'appareil avait été remis à neuf dans un atelier de Teledyne Continental en septembre 2001 et il avait subséquemment accumulé quelque 480 heures de fonctionnement. Le dernier travail d'entretien effectué sur l'appareil, nommément la réparation d'un joint de pale d'hélice qui fuyait, avait été effectué six semaines avant l'accident. Il restait encore 14 heures de vol à l'hydravion avant qu'il doive subir sa prochaine inspection aux 50 heures.
La partie inférieure du puisard d'huile moteur a été endommagée pendant l'accident et le moteur a perdu presque toute son huile. Le filtre à huile n'était pas contaminé et les bougies ont fonctionné normalement lors des essais.
On a purgé un échantillon de carburant du filtre à carburant. La couleur de ce dernier correspondait à celle de l'essence à faible teneur en plomb 100LL, et il n'y avait pas de polluants. Le filtre à carburant interne contenait une petite quantité de sédiments, mais trop peu pour nuire à la circulation du carburant et diminuer la puissance produite par le moteur. Toutes les conduites de carburant situées à l'arrière du compartiment moteur étaient correctement fixées et ne présentaient aucune fuite.
On a débranché la conduite d'alimentation carburant reliée au distributeur carburant et on a mis en marche la pompe à carburant auxiliaire afin de vérifier le débit et la pression fournis par la pompe. Lors de la mise en marche, le débit et la pression du carburant ont augmenté. On a coupé la pompe auxiliaire et on a réglé le sélecteur sur l'autre réservoir d'aile avant de remettre la pompe en marche pour vérifier le débit carburant en provenance de l'autre réservoir d'aile. Pendant ces réglages et les réglages subséquents de la pompe auxiliaire, son fonctionnement est devenu intermittent et la pompe s'est finalement arrêté de fonctionner. Le câblage de la pompe à carburant auxiliaire montrait des signes de corrosion au niveau de la soudure sur le bloc de résistance. Le contact entre le câble et le bloc de résistance était minimal.
On a déposé le moteur, les câbles électriques et l'interrupteur de la pompe à carburant auxiliaire et on les a transportés aux installations régionales d'examen des épaves du BST pour que l'on procède à des examens plus approfondis. On a déposé les composants du circuit carburant du moteur et on les a envoyés à un atelier de révision agréé pour leur faire subir des essais de fonctionnement. À l'exception de la pompe à carburant entraînée par moteur, tous les composants ont fonctionné conformément aux spécifications du constructeur. Lorsque le débit carburant vers la pompe entraînée par moteur a été augmenté jusqu'au niveau spécifié par le constructeur, la pression de sortie a chuté sous la valeur prescrite. Lorsque la pression carburant a été augmentée jusqu'au niveau spécifié par le constructeur, le débit du carburant a chuté sous la valeur prescrite. On a retiré la pompe du banc d'essai et on l'a démontée pour l'examiner plus en profondeur.
On a examiné la pompe entraînée par moteur à la recherche de pièces endommagées ou excessivement usées ayant pu contribuer au mauvais fonctionnement de la pompe. On a déposé le clapet de dérivation du séparateur de vapeur, ainsi que le clapet à bille et ressort de la pompe entraînée par moteur. Un fragment de corps étranger, subséquemment identifié comme étant du produit d'étanchéité pour joints filetés, était logé entre la bille et son siège (voir Photo 1). C'est la seule anomalie qui a été constatée. La firme Teledyne Continental Motors (TCM) a confirmé que tout contaminant logé entre la bille et son siège est susceptible d'empêcher la fermeture de la bille et de permettre ainsi au carburant de circuler au travers du clapet de dérivation. Cette anomalie peut entraîner une perte de pression carburant qui, à son tour, peut causer une perte de puissance moteur. La mise en marche de la pompe à carburant auxiliaire peut cependant augmenter la pression carburant et permettre ainsi au moteur de fonctionner normalement.
La lettre d'information sur l'entretien numéro 99-2, révision B, obtenue de TCM, mentionne deux produits d'étanchéité approuvés : le produit de référence 646940 et le produit d'étanchéité pour joints filetés hydrauliques Loctite 569®. On a contacté de nombreux ateliers de révision de moteurs et de nombreux distributeurs afin d'obtenir des échantillons des deux produits d'étanchéité pour comparer leur composition à celle du contaminant découvert dans la pompe entraînée par moteur. Lorsqu'on a commandé le produit de réf. 646940, on a reçu une bouteille de Loctite 569® portant le numéro de réf. 646940 sur une étiquette collante apposée sur le côté de la bouteille. La firme TCM a subséquemment confirmé qu'elle utilisait bien ce numéro de référence pour désigner le produit Loctite 569®.
Le produit d'étanchéité trouvé sur les filets des composants du circuit carburant et le Loctite 569® étaient différents. Le produit d'étanchéité était de couleur gris beige pale et il était friable, tandis que le Loctite 569® était transparent, rouge et collant. On a envoyé au laboratoire technique du BST pour fins d'analyse le distributeur carburant, des segments de la pompe entraînée par moteur avec les raccords carburant en place,
le produit d'étanchéité des filets de tuyauterie (contaminant), ainsi que certains échantillons de Loctite 569®. Le laboratoire a déterminé que la composition chimique des deux produits d'étanchéité n'était pas identique. De plus, le produit d'étanchéité gris beige n'était pas soluble dans le carburant et il est demeuré à l'état solide même après avoir été immergé dans le carburant pendant plusieurs jours. La quantité et la répartition du produit d'étanchéité gris beige laissent croire qu'une quantité excessive de produit avait été appliquée sur les filets des composants de la pompe carburant (voir Photo 2).
On a demandé l'aide de la firme Loctite pour déterminer la provenance du produit d'étanchéité de couleur gris beige pale. Loctite a laissé entendre que ce produit avait le même aspect que son produit Loctite 565®. Le laboratoire technique du BST a obtenu un échantillon de ce dernier produit et il l'a soumis à une analyse spectrographique qui a révélé des ressemblances entre le Loctite 565® et le produit d'étanchéité gris beige en cause. Les deux échantillons contenaient du silicium, du titane, de l'oxygène et du carbone. Une telle ressemblance n'avait pas été constatée lors de l'analyse du Loctite 569®.
Les inscriptions de maintenance dans les carnets techniques de l'aéronef indiquaient que des travaux visant à sceller de nouveau le raccord de la conduite de retour de vapeur de la pompe entraînée par moteur avaient été effectués en septembre 2003 et que la conduite de retour de carburant de la pompe avait été remplacée en février 2004. Un nouveau tuyau flexible et un raccord avaient été installés sur la pompe en janvier 2005, et l'essai de pression de la nouvelle conduite n'avait révélé aucune fuite. Les dossiers ne fournissaient aucune indication sur la façon dont où un fragment de produit d'étanchéité aurait pu pénétrer à l'intérieur de la pompe entraînée par moteur ni sur le moment où serait survenue cette anomalie.
Analyse
Le moteur a recouvré sa puissance lorsque le pilote a réglé la commande de richesse sur plein riche et a mis en marche la pompe à carburant auxiliaire. La pression carburant supplémentaire fournie par la pompe auxiliaire était suffisante pour maintenir la puissance du moteur. Lorsque le pilote a coupé la pompe auxiliaire, le moteur a aussitôt perdu de nouveau sa puissance. Toutefois, lorsque le pilote a de nouveau commandé la mise en marche de la pompe à carburant auxiliaire, il n'a obtenu aucun effet sur le moteur, car le câblage électrique du bloc de résistance de la pompe à carburant auxiliaire était corrodé, ce qui causait un mauvais contact et un fonctionnement intermittent de la pompe.
Le fragment de corps étranger logé entre la bille et le siège du clapet de dérivation de la pompe entraînée par moteur a empêché qu'une pression carburant suffisante se rende au moteur pour en assurer le bon fonctionnement, à moins que la pompe à carburant auxiliaire ne soit en marche.
L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :
- LP 105/2005 – Fuel Pump Debris Identification (Identification de débris dans la pompe à carburant)
On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Un fragment de produit d'étanchéité pour joints filetés logé dans le clapet de dérivation de la pompe carburant entraînée par moteur a causé une baisse de la pression carburant, ce qui a compromis le fonctionnement normal du moteur.
- Un mauvais raccord électrique à l'intérieur de la pompe à carburant auxiliaire a causé un fonctionnement intermittent de cette pompe. Lorsque le pilote a de nouveau commandé la mise en marche de la pompe pour fournir une pression carburant supplémentaire au moteur, il n'a obtenu aucun résultat.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .