Contact entre l'aile et la piste à l'atterrissage
du Boeing 737-700 C-GWJF
de WestJet Airlines
à l'aéroport international de Halifax
(Nouvelle-Écosse)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le Boeing 737-700 de WestJet Airlines portant l'immatriculation C-GWJF et le numéro de série 32766 assure, sous le numéro de vol 798 (WJA798), un vol de transport de passagers à horaire fixe entre Toronto (Ontario) et Halifax (Nouvelle-Écosse). Juste avant l'atterrissage sur la piste 14 par faible visibilité, l'avion s'incline à droite et part vers le côté droit de la piste. Puis l'avion s'incline à gauche, et l'aile gauche percute la piste. Aucun des passagers et des membres d'équipage n'est blessé, et l'avion roule jusqu'à l'aérogare. L'incident se produit à 19 h 24, heure normale de l'Atlantique, pendant les heures d'obsécuritéé.
Renseignements de base
Le 25 décembre 2005 au matin, l'équipage de conduite avait pris son service à Regina (Saskatchewan) à 9 h 10, heure normale de l'AtlantiqueNote de bas de page 1, afin d'effectuer une série de vols de Regina à Calgary, Toronto et Halifax, où sa journée de service devait prendre fin. Au sol à Toronto, l'équipage avait contacté le personnel de régulation des vols de la compagnie au moyen du système embarqué de communications, d'adressage et de compte rendu (ACARS) afin de lui demander les derniers renseignements sur la portée visuelle de piste (RVR) à Halifax. Il lui avait été répondu que la RVR à Halifax était de 1100 pieds, soit 100 pieds au-dessous de la visibilité minimale de 1200 pieds entraînant une interdiction d'approcheNote de bas de page 2.
Le compte rendu ne précisait pas l'heure de mesure de la RVR ni la piste concernée, et l'équipage n'a demandé aucune précision à cet effet. En fait, le compte rendu de la RVR visait la piste 14 et, à ce moment-là, la RVR de la piste 23 était de 900 pieds. Rien, dans les manuels d'exploitation de la compagnie, ne demandait aux régulateurs de vol de préciser aux équipages de conduite la piste ou l'heure de mesure dans les comptes rendus de RVR.
Compte tenu des conditions météorologiques signalées à Halifax, le commandant de bord a demandé à ce que du carburant supplémentaire soit chargé à bord. Il avait l'intention d'effectuer une approche de la piste 23 à Halifax à l'aide du système d'atterrissage aux instruments (ILS) de catégorie II, à condition que la visibilité se trouve au moins à la limite permise pour un atterrissage au moment de l'arrivée de l'avion. L'aéroport de St John's (Terre-Neuve et Labrador) avait été indiqué dans le plan de vol comme terrain de dégagement, au cas où l'avion ne pourrait se poser à Halifax. Les passagers avaient été avisés des mauvaises conditions météorologiques à Halifax et du risque que l'avion ne puisse se poser à cet endroit. L'avion, à bord duquel se trouvaient 132 passagers et 6 membres d'équipage, a quitté Toronto à 17 h 48. Pendant ce segment, c'est le copilote, assis en place droite, qui était le pilote aux commandes (PF). Le commandant de bord, assis en place gauche, était le pilote qui n'était pas aux commandes (PNF).
En route vers Halifax, l'équipage a demandé et reçu au moyen de l'ACARS un autre compte rendu de la RVR à Halifax. Ce dernier indiquait que la RVR à Halifax s'était améliorée pour atteindre 1400 pieds, soit 200 pieds au-dessus de la visibilité minimale entraînant une interdiction d'approche. Ce compte rendu concernait la piste 14 et, une nouvelle fois, rien dans celui-ci ne précisait la piste à laquelle il faisait référence. L'équipage a continué à supposer que le compte rendu visait la piste 23. L'équipage a vu sa supposition renforcée quand il a reçu le message du service automatique d'information de région terminale (ATIS) de Halifax qui mentionnait que la piste en service était la piste 23. Compte tenu des renseignements du message ATIS, l'équipage s'est préparé à faire une approche à l'ILS de catégorie II de la piste 23 avec atterrissage automatique, et il a procédé à l'exposé en prévision de l'approche. L'avion était sur pilote automatique et l'est resté jusque dans les tout derniers moments avant l'atterrissage.
Après en avoir fait la demande, l'équipage a reçu une autorisation de descente du centre de contrôle régional de Moncton. En passant 16 000 pieds en descente, l'équipage a contacté le secteur des arrivées du contrôle terminal de Halifax et a fait savoir au contrôleur qu'il avait l'intention de faire une approche à l'ILS de catégorie II de la piste 23 suivie d'un atterrissage sur cette même piste. Le contrôleur a indiqué à l'équipage que la RVR à l'extrémité approche de la piste 23 était de 1000 pieds et que la RVR de la piste 14 était de 1200 pieds. Peu de temps après, comme la RVR de la piste 23 était sous les limites, l'équipage a demandé et reçu une autorisation de faire une approche à l'ILS de catégorie I de la piste 14. Compte tenu de ce changement, l'équipage a dû reprogrammer le calculateur du système de gestion de vol (FMS) et faire un autre exposé propre à cette nouvelle approche.
Environ 10 minutes avant l'atterrissage, l'équipage a été avisé qu'un autre avion venait tout juste de se poser sur la piste 14 et que les pilotes de cet avion avaient signalé avoir vu les feux de piste 250 pieds au-dessus du sol (agl). Ce chiffre se situe 50 pieds au-dessus de la hauteur de décision (DH) de l'approche ILS de la piste 14.
Une fois WJA798 établi en approche finale, l'équipage a contacté la tour de contrôle de Halifax et a été informé que le vent était calme et que la RVR de la piste 14 était maintenant de 1400 pieds. Le contrôleur de la tour a également autorisé WJA798 à se poser.
L'approche finale effectuée au pilote automatique était stabilisée et s'est déroulée de façon normale. Le PNF a vu les feux d'approche à 200 pieds agl (soit à la DH de cette approche), et le PF a fait la transition entre la surveillance des instruments de vol et l'acquisition des références visuelles en prévision de l'atterrissage. Après le survol des feux d'approche, la piste a semblé très sombre, et la visibilité était telle que le PF a eu du mal à trouver des repères visuels.
L'avion est demeuré aligné par rapport à la piste tout en restant sur la trajectoire de descente de l'ILS jusqu'à ce que, à 67 pieds aglNote de bas de page 3, le PF débraye le pilote automatique. Tout de suite après, le PF a tourné accidentellement le volant de quelque 30 degrés dans le sens horaire, faisant ainsi incliner l'avion vers la droite, tout en tirant légèrement sur le manche. Par voie de conséquence, l'avion a pris un mouvement de roulis vers la droite et s'est mis en palier. Celui-ci s'est retrouvé au-dessus de la trajectoire de descente et s'est écarté de trois degrés du cap de la piste pour prendre un cap de 147 degrés.
À 22 pieds agl, le PF a appuyé accidentellement sur l'interrupteur de puissance de décollage/remise des gaz (TOGA) situé sur les manettes de gaz plutôt que sur l'interrupteur commandant la coupure des automanettes. Cette mesure a été suivie par la sélection immédiate de la fonction de coupure des automanettes. En vertu des procédures d'utilisation normalisées (SOP) de l'exploitant, les automanettes doivent être coupées au plus tard à 50 pieds agl. L'avion est parti à droite de l'axe de la piste. Le PF a essayé de réaligner l'avion en tournant le volant rapidement et avec une certaine agressivité à gauche et à droite. Le commandant de bord a donné verbalement des instructions de descente et de virage à gauche presque immédiatement après les écarts par rapport à la trajectoire d'approche, signe qu'il avait suffisamment de repères visuels pour bien évaluer la position de l'avion.
L'avion s'est posé fermement sur le train principal gauche à quelque 2500 pieds au-delà du seuil de la piste, entre l'axe et le bord droit de la piste, incliné de 16 degrés à gauche. À ce même moment, l'aile gauche a fait contact avec la piste pendant environ une demi-seconde. Puis la jambe du train principal gauche s'est presque entièrement détendue, et l'inclinaison à gauche a augmenté à 18 degrés. L'aile gauche a une nouvelle fois fait contact avec la piste pendant environ deux secondes et, en même temps, le cap de l'avion a dévié vers la gauche jusqu'à 136 degrés, soit 8 degrés à gauche par rapport au cap de la piste.
L'avion a fini par reposer sur ses deux atterrisseurs principaux cinq secondes après le premier contact du train principal gauche, environ 3550 pieds au-delà du seuil de la piste. Une fois le train avant posé sur la piste, il y a eu un important freinage des roues destiné à ralentir l'avion. Huit secondes après le posé du train principal, le PF, après en avoir reçu l'instruction, a sélectionné l'inversion de poussée des deux moteurs. L'inversion de poussée est survenue quelque 5300 pieds au-delà du seuil de la piste. L'avion a ralenti à la vitesse de roulage alors qu'il restait environ 500 pieds de piste. Puis l'avion a roulé normalement jusqu'à la porte de débarquement de l'aérogare qui lui avait été assignée.
Les moteurs ont été coupés à la porte de débarquement. Pendant que l'avion subissait son inspection au sol normale, il est apparu que l'extrémité de l'aile, le bec de bord d'attaque extérieur, le feu de position arrière et le cône arrière du carénage de volet extérieur gauches avaient été endommagés. L'avion a été retiré du service jusqu'à ce que les réparations puissent être effectuées.
Les systèmes de l'avion ne présentaient aucun autre signe d'anomalie ou de mauvais fonctionnement. L'enregistreur de données de vol (FDR) ainsi que l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) ont été déposés et envoyés au Laboratoire technique du BST à des fins d'analyse. Des données de haute qualité ont été récupérées des deux enregistreurs. Le disjoncteur du CVR n'avait pas été déclenché après la découverte des dommages, si bien que seules les cinq dernières minutes de l'approche et de l'atterrissage se trouvaient sur l'enregistrement de deux heures. Le CVR ayant continué de fonctionner après l'atterrissage de l'avion, les renseignements propres à l'incident ont été effacés et remplacés par d'autres; par conséquent, l'équipe d'enquêteurs a été privée de renseignements potentiellement importants entourant cet événement.
Il existe au moins huit autres événements au cours desquels les renseignements du CVR ont été effacés et remplacés par d'autres à cause de la durée limitée d'enregistrement et/ou du fait qu'on a laissé fonctionner l'enregistreur après les faits sans se rendre compte de la perte de données (pour en savoir plus, voir l'annexe B). Le BST a envoyé récemment un avis de sécurité aérienne (A060008-1) sur la durée d'enregistrement des enregistreurs de la parole dans le poste de pilotage. En plus d'une augmentation de la durée d'enregistrement du CVR, il faudrait également mieux conscientiser les équipages de conduite et le personnel de maintenance à la perte potentielle de renseignements sur la sécurité susceptible de se produire si l'on permet à un CVR de continuer à fonctionner après un événement important touchant la sécurité.
L'aéroport international de Halifax est desservi par deux pistes : 23-05 et 14-32. La piste 14 mesure 7700 pieds de longueur sur 200 pieds de largeur et possède une approche ILS de catégorie I faisant appel à un dispositif lumineux simplifié d'approche de précision à feux indicateurs d'alignement de piste. La piste 23 mesure 8800 pieds de longueur sur 200 pieds de largeur et possède une approche ILS de catégorie II. Pour une piste catégorie II, le dispositif lumineux de l'approche et de la piste est supérieur au dispositif de catégorie I, en ce sens qu'il possède dispositif amélioré d'approche de précision à feux d'axe de piste et de zone de toucher des roues encastrés dans la surface de la piste. Ces aides visuelles améliorées aident le pilote à aligner visuellement son avion sur l'axe de la piste.
La DH des approches des catégories I et II est respectivement de 200 et 100 pieds agl. Les deux pistes étant équipées de transmissomètres de RVR, cela signifie que leurs approches sont assujetties aux limites d'interdiction d'approche. En vertu de cette interdiction, il est interdit à un pilote de faire une approche d'une piste desservie par une approche de catégorie I ou II lorsque la RVR est inférieure à 1200 pieds.
Les conditions météorologiques observées à l'aéroport de Halifax au moment de l'incident étaient les suivantes : vent de surface calme, visibilité au sol de 1/8 de mille terrestre dans du brouillard, visibilité verticale de 100 pieds, température de 1 °C, point de rosée de 1 °C et RVR des pistes 23 et 14 de 1000 et 1200 pieds respectivement. Les conditions météorologiques avaient très peu varié au cours des heures ayant précédé l'incident.
Le commandant de bord totalisait 11 000 heures de vol, dont 3200 sur Boeing 737. Quant au copilote, il totalisait environ 6570 heures de vol, dont 620 sur Boeing 737. L'équipage de conduite était qualifié et certifié pour effectuer le vol conformément à la réglementation en vigueur.
Le tableau qui suit montre l'expérience et la charge de travail en heures de l'équipage de conduite.
Commandant de bord | Copilote | |
Heures totales | 11 000 | 6570 |
Heures sur type | 3200 | 620 |
Heures de vol dans les 90 derniers jours | 88 | 170 |
Heures de vol dans les 30 derniers jours | 28 | 25 |
Heures de vol dans les 24 dernières heures | 6 | 6 |
Heures de service avant l'événement | 10 | 10 |
Heures libres avant l'événement | 11 | 11 |
Heures d'éveil avant l'incident | 11 | 12 |
Durée de la dernière période de sommeil | 7 | 6 |
Voici un extrait des SOP de l'exploitant portant sur les approches de catégorie I :
[Traduction]
APPROCHE SURVEILLÉE
GÉNÉRALITÉS
Les approches de CAT I par faible visibilité doivent être exécutées à l'aide du pilote automatique et dans le respect des procédures de l'approche surveillée.
Une procédure d'approche surveillée doit être utilisée :
pendant une approche de précision de CAT I dès que la RVR signalée est inférieure à 2600 pieds ou, en l'absence de RVR, dès que la visibilité dominante est inférieure à ½ sm.
Avant le début de l'approche, le copilote prend les commandes de l'avion et le commandant de bord surveille l'approche. Pour faciliter le transfert des commandes, le commandant de bord met sa main à la base des manettes de gaz au plus tard à 1000 pieds AGL. Le commandant de bord prend les commandes de l'avion avant l'atterrissage et le copilote surveille les instruments de vol pour le reste de l'approche, l'atterrissage et le roulage. Si une remise des gaz s'avère nécessaire après que le commandant de bord a pris les commandes de l'avion, le commandant de bord effectue l'approche interrompue pendant que le copilote surveille les instruments de vol.
Afin d'assurer le bon déroulement de l'approche surveillée, toutes les annonces sont faites aux altitudes appropriées, quel que soit le moment auquel la piste devient visible.
Le copilote est responsable du pilote automatique jusqu'à la DA(H), alors que le commandant de bord demande à prendre les commandes s'il possède les références visuelles nécessaires à l'atterrissage.
Le pilote automatique reste couplé au moins jusqu'à l'altitude de décision et au plus tard jusqu'à 50 pieds.
Si, à la DA(H), le commandant de bord ne fait aucune annonce ou qu'il annonce « GO AROUND » (remise de gaz), le copilote doit remettre les gaz.
Si le commandant de bord décide d'atterrir, le copilote continue de surveiller ses instruments de vol jusqu'au toucher et annonce tout écart qui se produit.
Cette façon de procéder permet d'équilibrer la charge de travail dans le poste de pilotage à un stade critique de l'approche (la transition à l'atterrissage), et elle améliore la prise de décisions quant à la poursuite de l'atterrissage ou à l'interruption de l'approche. En règle générale, elle permet également au membre d'équipage le plus expérimenté de faire atterrir l'avion lorsque les conditions météorologiques sont aux minimums. L'équipage n'a fait aucun exposé concernant une approche surveillée, pas plus qu'il n'a exécuté une telle approche.
Le BST a enquête sur un certain nombre d'événements au cours desquels des références visuelles insuffisantes dans les derniers stades de l'approche avaient contribué à un accident. Ces événements présentent un certain nombre de points communs. Tous se sont produits dans l'obsécuritéé par des visibilités inférieures à celles recommandées dans les cartes d'approche de pistes desservies par un ILS de catégorie I décrites dans le Canada Air Pilot (CAP). Au cours de ces événements, l'équipage voyait la piste aux minimums et avait choisi de se poser, mais avait par la suite éprouvé des difficultés à acquérir suffisamment de références visuelles pour maintenir l'avion aligné par rapport à la piste.
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada a déjà identifié les manquements à la sécurité associés aux approches effectuées par faible visibilité et a présenté à Transports Canada des recommandations qui pourraient atténuer ces manquements. La rubrique du présent rapport consacrée aux mesures de sécurité prises explique les initiatives prises par Transports Canada afin de donner suite à ces recommandations.
Analyse
Aucune anomalie n'a été découverte au niveau de l'avion, des installations aéroportuaires ou des services de la circulation aérienne. La présente analyse va se concentrer sur les aspects du vol qui ont été jugés comme étant des causes ou des facteurs contributifs de l'incident, ou encore qui ont été identifiés comme présentant un risque potentiel pour la sécurité.
Dès le début du vol depuis Toronto, l'équipage s'attendait à faire une approche de catégorie II de la piste 23 à Halifax. Cette attente découlait des comptes rendus de l'ACARS provenant de la régulation des vols de l'exploitant ainsi que des renseignements de l'ATIS à Halifax. C'est seulement pendant la descente vers Halifax que l'équipage s'est rendu compte qu'il ne pourrait faire une approche de la piste 23. À la suite de ce changement, l'équipage a dû reprogrammer le FMS, effectuer un autre exposé relatif à l'approche de la piste 14 et accélérer la descente à cause de la distance plus courte séparant l'avion de la piste 14. Tous ces éléments ont augmenté la charge de travail de l'équipage et ont peut-être contribué à l'oubli de la procédure d'approche surveillée qui s'imposait.
L'équipage n'a fait aucun exposé concernant une approche surveillée (PMA), pas plus qu'il n'a exécuté une telle approche, ce qui a annihilé un important moyen de défense mis en place par la compagnie pour gérer efficacement les conditions de faible visibilité. Pendant une PMA, la charge de travail est partagée au moment de la transition aux conditions visuelles, ce qui améliore ainsi la prise de décision quant à la poursuite de l'atterrissage. De plus, si une PMA avait été exécutée, c'est le membre d'équipage de conduite le plus expérimenté qui aurait posé l'avion dans les conditions de visibilité réduite.
La transition effectuée par le copilote est devenue instable au moment du débrayage du pilote automatique, situation qui s'est compliquée davantage quand le mode TOGA a été activé. Pendant les manoeuvres de l'avion destinées à corriger la situation, l'aile est entrée en contact avec la piste. Il a fallu attendre huit secondes après le contact du train avant sur la piste avant que l'inversion de poussée ne soit sélectionnée. Ces faits sont probablement le résultat d'une expérience sur type limitée et d'une charge de travail relativement stressante et lourde, à quoi se sont ajoutées des conditions d'obsécuritéé et de faible visibilité.
Le commandant de bord possédait suffisamment de références visuelles pour bien évaluer la position de l'avion et donner au copilote les mesures correctives à prendre. Le commandant de bord n'a pas pris les commandes ni n'a pas ordonné une remise des gaz, une fois la transition devenue instable, car il pensait que le copilote prenait les mesures correctives destinées à ramener l'avion dans l'axe de la piste et que l'atterrissage était récupérable.
L'avion a fini par reposer sur ses deux atterrisseurs principaux à environ 3550 pieds au-delà du seuil de la piste. Compte tenu du point de toucher, auquel il faut ajouter le retard mis dans l'utilisation de l'inversion de poussée, l'avion en décélération a atteint sa vitesse de roulage alors qu'il ne restait plus que quelque 500 pieds de piste. Si la piste avait été le moindrement contaminée, les risques d'une sortie en bout de piste auraient été plus élevés.
Le CVR ayant continué de fonctionner après l'atterrissage de l'avion, les renseignements propres à l'incident ont été effacés et remplacés par d'autres, ce qui a privé l'équipe d'enquêteurs de renseignements potentiellement importants entourant cet événement. Il s'agit là d'un problème récurrent touchant les avions munis de CVR, et une solution doit être trouvée.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- L'équipage n'a pas effectué une approche surveillée par le pilote comme le demandait les procédures de la compagnie, et il a ainsi annihilé un important moyen de défense mis en place pour permettre de réaliser des atterrissages en toute sécurité dans des conditions de faible visibilité.
- La transition de la phase d'approche à celle d'atterrissage est devenue instable lorsque le copilote a débrayé le pilote automatique, ce qui fait que l'aile de l'avion est entrée en contact avec la piste pendant les manoeuvres de l'avion destinées à corriger la situation.
- L'incapacité du pilote à garder l'avion stabilisé pendant la transition vers l'atterrissage et le fait qu'il ait sélectionné le mode décollage/remise des gaz (TOGA) sont probablement le résultat de son expérience sur type limitée et du stress inhérent à la faible visibilité et à la charge de travail relativement importante.
- Le commandant de bord n'a pas pris les commandes ni n'a ordonné une remise des gaz, une fois la transition devenue instable.
Fait établi quant aux risques
- Le point de toucher, auquel s'ajoute le retard mis dans l'utilisation de l'inversion de poussée, a augmenté les risques d'une sortie en bout de piste.
Autre fait établi
- L'enquête n'a pas pu compter sur des données importantes, car l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) n'a pas été coupé après qu'il a été établi que l'aile de l'avion avait percuté la piste, ce qui a privé l'équipe d'enquêteurs de renseignements potentiellement importants.
Mesures de sécurité
WestJet Airlines
L'équipage de conduite a reçu une formation en simulateur portant sur les approches par faible visibilité, puis il a subi des vérifications en ligne avec un pilote vérificateur de la compagnie.
Une note de service a été envoyée à tous les employés de la régulation des vols afin de les aviser que, lorsqu'ils transmettent des renseignements sur la portée visuelle de piste (RVR) aux équipages de conduite, ils doivent également inclure la piste concernée ainsi que la date et l'heure. De plus, cette note sera incluse dans la prochaine révision apportée au guide des opérations de régulation des vols. Les lignes directrices relatives aux renseignements à fournir seront données pendant la formation dispensée aux employés de la régulation des vols.
Des révisions aux procédures de formation des équipages de conduite ont été apportées afin de mettre davantage l'accent sur les dangers associés à la transition aux références visuelles par faible visibilité pendant les approches aux instruments et sur l'obligation d'utiliser les procédures d'approche surveillée dans de telles conditions. De plus, la formation va comprendre des discussions sur les procédures à suivre en cas de perte des références visuelles au-dessous de la hauteur de décision (DH), par exemple le recours aux procédures de remise des gaz ou d'atterrissage interrompu.
Les procédures d'approche des approches au système d'atterrissage aux instruments des catégories I et II sont en train d'être harmonisées afin de rendre les deux procédures le plus similaire possible.
L'exploitant a publié des modifications à son manuel d'exploitation de la compagnie afin de souligner les changements apportés aux limites de l'interdiction d'approche.
L'exploitant a procédé à une évaluation des risques à l'interne et a ouvert des discussions avec NAV CANADA, Transports Canada et d'autres organismes de l'industrie afin d'explorer la possibilité de faire des atterrissages automatiques pendant des approches ILS de catégorie I.
Transports Canada
La réglementation aéronautique a été modifiée afin d'interdire aux exploitants d'avions commerciaux d'entreprendre une approche lorsque la visibilité est mauvaise au point où il est peu probable de pouvoir mener l'approche jusqu'à l'atterrissage.
La réglementation va établir, sous la dénomination d'interdiction d'approche et pour toutes les pistes pour lesquelles la visibilité est signalée, la visibilité minimale dont devra disposer un équipage de conduite pour pouvoir entreprendre une approche.
Les modifications vont également étendre les exigences aux pistes pour lesquelles les conditions sont établies par un pilote titulaire d'une qualification de vol aux instruments ou par une personne qualifiée plutôt que par un capteur. De plus, la réglementation va aider à harmoniser la réglementation canadienne avec les normes internationales tout en répondant aux recommandations du BST.
Ces modifications sont entrées en vigueur le 1er décembre 2006 et elles visent les exploitants commerciaux. Les modifications les plus importantes à l'interdiction d'approche touchent les exploitants commerciaux possédant un certificat d'exploitation aérienne relevant des sous-parties 702, 703, 704 et 705 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) qui utilisent des avions selon les règles de vol aux instruments (IFR). De petites modifications s'appliquent aux opérations d'hélicoptères commerciaux en IFR ainsi qu'aux opérations d'aéronefs en IFR menées par des exploitants privés ou par l'aviation générale.
Pour de plus amples renseignements sur la réglementation entourant l'interdiction d'approche, consulter le site web de Transports Canada. Le tableau qui suit donne un résumé d'ensemble des minimums actuels d'interdiction d'approche et de ceux qui s'appliqueront après l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions réglementaires.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes
Annexe A - Illustration de la séquence des événements
Annexe B - Utilisation de l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage
A96A0035
Un Boeing 767-375 se pose à Halifax. L'avion survole le seuil de la piste à environ 20 pieds au-dessus du sol (agl) et se pose 200 pieds au-delà du seuil. L'arrière de l'avion percute la piste, ce qui cause d'importants dommages au patin de queue et à l'arrière du fuselage.
Une fois l'avion mis en stationnement, les renseignements de l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) sont effacés et remplacés par d'autres, car l'alimentation électrique du CVR n'a pas été coupée.
A97A0136
Au cours d'une tentative d'atterrissage, alors que l'hélicoptère Super Puma est sur le point de se poser, l'équipage se rend compte que l'appareil est plus bas que d'habitude et que le train d'atterrissage est toujours rentré. L'équipage essaie de mettre l'hélicoptère en stationnaire mais, au moment où le collectif est tiré, l'avant de l'hélicoptère touche la surface de la piste. Une fois l'appareil en stationnaire, le train d'atterrissage est sorti et l'hélicoptère se pose sans autre incident.
Bien que la réglementation ne l'exige pas, cet appareil est équipé d'un enregistreur de données de vol numérique et d'un CVR. D'ici à ce que l'exploitant soit avisé de la nécessité d'examiner les données de vol et que les enregistreurs soient envoyés pour analyse, les renseignements se rapportant au vol en question sont effacés et remplacés par d'autres couvrant le vol suivant.
A97F0059
Peu après le début de la course au décollage du Boeing 767, à une vitesse d'environ 20 noeuds, un violent bruit retentit et l'avion oblique brusquement à gauche. Le décollage est interrompu; il y a une alarme incendie au moteur gauche. L'équipage prend les mesures qui s'imposent et, après un arrêt complet des moteurs, l'avion est remorqué jusqu'à l'aérogare.
L'enregistrement du CVR est effacé et remplacé par un autre, car le CVR d'une capacité de 30 minutes n'est pas coupé après l'incident. Par conséquent, le CVR ne peut livrer aucun renseignement utile se rapportant à cet événement.
A00A0185
Un Fokker F-28 MK 1000 effectue de nuit un vol de transport de passagers à horaire fixe. Après l'atterrissage, l'avion sort en bout de piste.
Le CVR et l'enregistreur de données de vol (FDR) sont expédiés au Laboratoire technique du BST. À la lecture du CVR, il apparaît que l'enregistreur a continué de fonctionner pendant plus de 30 minutes après les faits, si bien que les renseignements se rapportant à cet événement ont été effacés et remplacés par d'autres.
A01W0117
Un Boeing 737 fait un atterrissage dur à Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest), touchant la piste à trois reprises. L'avion subit des dommages importants. Les renseignements du CVR sont effacés et remplacés par d'autres, et aucune donnée enregistrée ne se rapporte à cet événement.
A03A0012
À l'atterrissage, le pilote perd la maîtrise en direction de l'avion après le toucher des roues. Ce dernier dévie à gauche de l'axe de piste et la roue gauche s'approche du bord gauche de la piste avant que le commandant de bord ne reprenne la situation en main. Après l'incident, les passagers quittent normalement l'avion à la porte de débarquement qui lui a été assignée.
Le CVR de l'avion est envoyé au Laboratoire technique du BST pour y être analysé. Le CVR n'ayant pas été coupé après cet événement, tous les renseignements qui s'y rapportent ont été effacés et remplacés par d'autres.
A03P0259
Pendant une approche à vue de l'aéroport de Kelowna, le commandant de bord prend par erreur l'aéroport de Vernon pour celui de Kelowna et fait une approche à vue de l'aéroport de Vernon, descendant jusqu'à 730 pieds au-dessus du sol (agl) avant de remettre les gaz. Peu après la remise des gaz, il y a apparition d'un avis de trafic du TCAS (système d'avertissement de trafic et d'évitement d'abordage) généré par un Cessna 152 dans le circuit. L'appareil, un Airbus A320, continue alors sa route jusqu'à l'aéroport de destination distant d'une quinzaine de milles.
Les données du CVR n'ayant pas été isolées après l'atterrissage, les renseignements de la section pertinente du ruban du CVR ont été effacés et remplacés par d'autres.
A04A0057
Un Boeing 727-225 cargo effectue de nuit un vol de transport de fret. La croisière jusqu'à Moncton se déroule sans encombre. Arrivé à destination, l'équipage de conduite effectue en vain deux approches dans l'obsécuritéé et de mauvaises conditions météorologiques avant de réussir à se poser à la troisième tentative.
Le FDR et le CVR sont déposés de l'avion et envoyés au Laboratoire technique du BST pour y être analysés. Le CVR contient 30 minutes des renseignements audio de bonne qualité; cependant, tous les renseignements de la partie en vol ont été effacés et remplacés par d'autres, car le CVR a continué de fonctionner après le dernier atterrissage. Le CVR contient les commentaires de l'équipage après cet atterrissage.