Rapport d'enquête aéronautique A04Q0003

Perte d'espacement
mettant en cause le centre de contrôle régional de Montréal -
secteur La Grande
exploité par NAV CANADA
à 160 nm au sud-sud-ouest de La Grande (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le vol 167 d'American Airlines assuré par un Boeing 777 en route de l'aéroport John F. Kennedy de New York aux États-Unis, à destination de Narita au Japon, se trouve au niveau de vol 350 sur une route convergente avec celle du vol 943 de United Airlines assuré par un Boeing 767 évoluant au niveau de vol 350 en route de Paris en France à destination de Chicago (Illinois) aux États-Unis. Après avoir reçu un avis de résolution de leur système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions (TCAS), les équipages des deux avions prennent des mesures d'évitement. À 13 h 22, heure normale de l'Est, les deux appareils se croisent avec un espacement latéral inférieur à 600 pieds et un espacement vertical inférieur à 1100 pieds, à quelque 160 milles marins (nm) au sud de La Grande (Québec), dans un espace aérien contrôlé au radar. Les contrôleurs de la circulation aérienne n'avaient pas décelé le conflit avant que le programme d'alerte de conflit du contrôle de la circulation aérienne les avertisse. L'espacement obligatoire était de 5 nm sur le plan latéral ou de 2000 pieds sur le plan vertical.

    Renseignements de base

    À 11 h 4, heure normale de l'EstNote de bas de page 1, le vol 167 d'American Airlines (AAL 167), avec à son bord 15 membres d'équipage et 118 passagers, a décollé de l'aéroport John F. Kennedy (New York) aux États-Unis à destination du nouvel aéroport de Tokyo, situé à Narita au Japon. À 12 h 28, AAL 167 est entré dans l'espace aérien canadien contrôlé au radar en se dirigeant vers le nord au niveau de vol (FL) 350 par Massena; l'entrée s'est faite par le secteur Pontiac de la sous-unité Sud du centre de contrôle régional (ACC) de Montréal (Québec). L'itinéraire du plan de vol d'AAL 167 croisait le flot principal de la circulation qui se dirigeait vers l'ouest en provenance de l'océan Atlantique. À 12 h 51 min 36 s, lorsque AAL 167 a communiqué pour la première fois avec le secteur La Grande, un seul contrôleur était responsable du secteur combiné La Grande.

    À 6 h 33, le vol 943 de United Airlines (UAL 943), avec à son bord 12 membres d'équipage et 107 passagers, a décollé de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, à Paris en France en direction ouest vers l'aéroport O'Hare de Chicago (Illinois) aux États-Unis. À 12 h 59 min 23 s, UAL 943, qui se trouvait au FL 350, a communiqué avec le contrôleur du secteur La Grande, après le transfert du secteur Fontange. UAL 943 et AAL 167 se trouvaient alors sur des routes sécantes avec un espacement de 294 milles marins (nm).

    Les deux avions ont été identifiés au radar et ils étaient en communication avec le secteur combiné Manic / Chibougamau / La Grande à l'intérieur de la sous-unité Nord de l'espace aérien supérieur de l'ACC de Montréal. Ces trois secteurs s'étendent sur quelque 540 nm du nord au sud et sur 200 à 340 nm de l'est à l'ouest. Pour travailler, le contrôleur utilisait le sélecteur de distance réglé à 599 nm à l'écran d'affichage du système de traitement des données radar (RSiT). Le volume du trafic était considéré moyen et d'une complexité moyenne. On a jugé que les effectifs de la sous-unité Nord étaient suffisants au moment de l'événement.

    Au cours de la période qui a précédé l'incident, il y avait trois principaux flots de circulation qui traversaient le secteur combiné La Grande : un flot de circulation dans la partie sud du secteur Chibougamau en direction sud-ouest qui entrait dans le secteur Pontiac, un flot de circulation en direction sud-ouest (dont faisait partie UAL 943) dans la partie sud du secteur La Grande en direction du secteur Noranda, et un flot de circulation en direction nord (dont faisait partie AAL 167) qui traversait la partie ouest des secteurs Chibougamau et La Grande en direction de l'espace aérien contrôlé de l'ACC d'Edmonton (Alberta) (voir l'annexe A). L'espacement entre les avions qui faisaient partie de chacun de ces flots de circulation était adéquat.

    Vers 12 h 56, un instructeur en milieu de travail et un stagiaire ont pris la relève du poste de contrôle La Grande, après avoir fait une pause. Le transfert de poste comportait une période de révision et une période d'exposé verbal. Pendant la période de révision qui a duré environ quatre minutes, l'instructeur et le stagiaire ont jeté un coup d'oeil au tableau de progression de vol et au RSiT, et ils ont observé le premier contrôleur du poste de contrôle La Grande accepter le contrôle du vol UAL 943 et établir le contact initial avec l'équipage de cet avion. Il n'y avait alors aucun conflit imminent entre UAL 943 et les autres aéronefs à proximité.

    Une liste de vérifications énumérant les éléments à vérifier au moment de prendre la relève d'un poste est disponible à chaque poste de contrôle de l'ACC de Montréal. Cette liste de vérifications se veut un guide pour faire l'exposé de transfert afin qu'aucun renseignement ne soit négligé ou oublié. Le paragraphe 113.2.B.4 du Manuel d'exploitation - Contrôle de la circulation aérienne (MANOPS ATC) stipule que le contrôleur de relève doit passer en revue cette liste de vérifications avant l'exposé de transfert. La section 3.3.2 du manuel d'exploitation de la sous-unité Nord, en date du 14 novembre 2003, stipule qu'avant de quitter son poste, le contrôleur relevé doit sélectionner la page de transfert des responsabilités du Système automatisé d'affichage de l'information (CVIDS) pour s'assurer que l'exposé de transfert est complet. Le troisième élément de la liste de vérifications utilisée à la sous-unité Nord consistait à vérifier l'existence de tout conflit imminent; il n'y avait aucun conflit imminent au moment du transfert. Les contrôleurs n'ont pas décelé le conflit potentiel entre AAL 167 et UAL 943 (l'espacement entre eux était de 294 nm), et ce conflit n'a pas été mentionné pendant l'exposé de transfert.

    À 12 h 59 min 43 s, le contrôleur du secteur La Grande a commencé à donner l'exposé de transfert verbal à l'instructeur et au stagiaire. Même si UAL 943 avait été accepté au cours du transfert, juste avant le transfert de poste, sa fiche de progression de vol n'était pas marquée ni mise en évidence pour indiquer que certaines interventions étaient nécessaires. Le MANOPS ATC stipule que la « mise en évidence » des fiches de progression de vol est une technique de contrôle essentielle qui devrait être utilisée pour rappeler au contrôleur que certaines interventions doivent être exécutées. On peut utiliser un « W » rouge pour marquer une fiche une fois qu'un conflit a été décelé. À part la mise en évidence des fiches de progression de vol, il n'existe aucune procédure pour rappeler au contrôleur que d'autres interventions doivent être exécutées. Au moment de prendre la relève du secteur combiné La Grande, ni l'instructeur ni le stagiaire n'ont vérifié s'il y avait conflit entre des aéronefs qui volaient sur des routes sécantes à la même altitude à l'intérieur du secteur.

    Vers 13 h 1, l'instructeur a pris la responsabilité du secteur combiné La Grande. Le stagiaire se trouvait devant l'écran du RSiT du poste de contrôle radar, et l'instructeur se trouvait légèrement en arrière et à gauche du stagiaire, devant le tableau de progression de vol. Le stagiaire (qui utilisait la prise de l'opérateur de la console) communiquait avec les aéronefs sur la fréquence du secteur en utilisant un commutateur au pied. Ce commutateur ne fonctionne qu'avec la prise de l'opérateur; il ne fonctionne pas si la personne utilise la prise de l'instructeur. L'instructeur peut avoir priorité sur les communications du stagiaire et émettre en appuyant sur le bouton du microphone connecté au cordon de son casque d'écoute.

    Après le transfert de poste, le stagiaire était occupé à accepter les appareils en approche de la limite est du secteur combiné La Grande et à transférer les appareils qui sortaient de son espace aérien en direction ouest. La plupart de ces appareils se trouvaient à des niveaux entre le FL 350 et le FL 390. Le stagiaire était occupé à régler un problème de communication avec un appareil qui se trouvait dans le flot de circulation le plus au sud.

    À 13 h 16 min 18 s, le stagiaire a demandé à AAL 167 de passer sur une autre fréquence afin d'assurer une communication continue avec l'avion pendant le passage de ce dernier du secteur Chibougamau au secteur La Grande. UAL 943 et AAL 167 se trouvaient alors à moins de 6 minutes (72 nm) du point de croisement.

    À 13 h 20, le programme d'alerte de conflit de l'ATC a averti les contrôleurs du risque de perte d'espacement entre AAL 167 et UAL 943. Le stagiaire s'est rapidement éloigné de l'écran du RSiT, et l'instructeur s'est aussitôt installé au poste de contrôle, devant l'écran. L'instructeur a tenté de donner instruction à AAL 167 de descendre jusqu'au FL 340 et à UAL 943 de monter jusqu'au FL 360, mais, comme l'instructeur était branché à la prise de l'instructeur de la console et qu'il a utilisé le commutateur au pied pour émettre plutôt que le bouton du microphone, les pilotes des avions n'ont pas reçu ses instructions. La commande automatique de gain (CAG) du microphone du stagiaire a traité la voix de l'instructeur comme du bruit de fondNote de bas de page 2; en conséquence, les instructions de l'instructeur ont été atténuées, et les pilotes n'ont pu les recevoir. Lorsque l'instructeur s'est aperçu que les pilotes ne recevaient pas ses instructions, il a cru qu'il y avait un problème de fréquence. Il a alors tenté de régler le problème en transférant les deux appareils sur d'autres fréquences, mais en vain.

    À 13 h 20 min 44 s et 13 h 20 min 46 s, les deux appareils ont signalé qu'ils effectuaient une manoeuvre à la suite d'un avis de résolution (RA) de leur système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions (TCAS). AAL 167 est alors monté au FL 355 et UAL 943 est descendu au FL 344, ce qui a créé un espacement vertical de 1100 pieds entre les appareils avant que leurs trajectoires de vol se croisent. Lorsque le TCAS de chaque appareil a indiqué qu'il n'y avait plus de conflit, AAL 167 est redescendu au FL 350, et UAL 943 a été autorisé à maintenir le FL 340 jusqu'après sa sortie du secteur La Grande.

    Après le déclenchement de la première alarme du programme d'alerte de conflit, un autre contrôleur (le contrôleur de relève) qui se trouvait dans les environs est allé voir si les contrôleurs avaient besoin d'aide. Le contrôleur de relève a laissé l'instructeur s'occuper de la situation d'urgence, mais il a surveillé le reste du trafic du secteur pour s'assurer qu'il n'y avait aucun autre problème.

    À 13 h 24 min 18 s, le contrôleur de relève a pris la relève du poste, en remplaçant l'instructeur et le stagiaire. Le contrôleur de relève a branché son casque d'écoute dans la prise de l'opérateur de la console et il a utilisé le commutateur au pied. Il a pu communiquer clairement avec les appareils. Les deux appareils ont ensuite été transférés à l'organisme de contrôle suivant et ils ont poursuivi leur vol sans autre incident.

    Le premier contrôleur et l'instructeur possédaient les licences nécessaires en vertu de la réglementation en vigueur. L'instructeur est totalement responsable du poste de contrôle qu'il surveille en tant qu'instructeur. L'instructeur avait acquis de l'expérience comme formateur lorsqu'il travaillait comme spécialiste de l'information de vol. En mai 2002, il avait achevé une formation de cinq jours en matière de compétences pour devenir instructeur en milieu de travail. Ce cours est le seul qui est exigé afin de pouvoir donner de la formation en milieu de travail. Il est axé sur les relations interpersonnelles et les techniques d'enseignement utilisées pour la formation. Ce cours ne fournit pas de renseignements ni de conseils pratiques sur la manière de prendre la relève du stagiaire en cas de besoin.

    Les deux avions en cause dans le présent événement étaient immatriculés aux États-Unis, où le TCAS est obligatoire pour les appareils de transport de passagers. Dans le cas qui nous occupe, le TCAS a servi d'ultime dispositif de sécurité et a permis d'éviter une collision en vol. À l'heure actuelle, toutes les grandes entreprises canadiennes de transport aérien font installer un TCAS dans leurs appareils parce que ceux-ci survolent les États-Unis. Cependant, de nombreuses entreprises canadiennes de transport aérien plus petites exploitées au Canada et de gros avions cargos ne sont pas équipés de TCAS. La nouvelle réglementation canadienne en matière d'installation et d'utilisation obligatoires du TCAS est toujours en cours de révision. En juillet 1996, le BST a publié la recommandation A96-07 concernant l'utilisation obligatoire du TCAS.

    Le Système d'affichage de l'espace aérien du Nord (NADS) aide le contrôleur à assurer le maintien de l'espacement requis entre les aéronefs en route dans un espace aérien non radar. Le NADS permet aux contrôleurs de vérifier s'il y a des conflits, de prévoir les trajectoires de vol, de faire des estimations concernant l'itinéraire de vol et d'imprimer les fiches de progression de vol. Comme le NADS ne peut garder qu'une certaine quantité de données en mémoire, les données du plan de vol d'un aéronef volant dans un espace aérien contrôlé au radar sont supprimées par le contrôleur une dizaine de minutes après l'entrée de l'aéronef sous couverture radar.

    À l'origine, les données du plan de vol de UAL 943 se trouvaient dans le NADS, car elles provenaient d'un espace aérien océanique non radar, mais elles avaient été supprimées du NADS, conformément aux procédures locales, une fois le vol établi dans un espace aérien contrôlé au radar. Les données du vol AAL 167 ont été consignées dans le NADS et y sont demeurées parce que son itinéraire de vol était en direction nord, en provenance d'un espace aérien contrôlé au radar à un espace aérien non radar. Eurocontrol et NAV CANADA travaillent à la mise au point d'un système de détection de conflit à moyen terme pour utilisation dans l'espace aérien contrôlé au radar.

    Le tableau de progression de vol du secteur La Grande est organisé selon les points de sortie du secteur. En raison de ce type de présentation, les fiches de progression de vol de UAL 943 (sortant à l'ouest) et celles de AAL 167 (sortant au nord) étaient très espacées sur le tableau. Le MANOPS ATC précise que les tableaux de progression de vol peuvent être disposés selon les points de repère ou les indicatifs de points de repère d'altitude, le but visé étant « d'afficher chaque fiche décrivant la route de vol de l'aéronef sous l'indicatif du point de repère le plus convenable, pour que les situations potentielles de conflit puissent être constatées et évaluées avec précisionNote de bas de page 3. » On a constaté que, dans un environnement contrôlé au radar, on se fie de moins en moins aux fiches de progression de vol comme principal outil de détection de conflit.

    Conformément aux procédures de marquage des fiches de progression de vol de la partie 9 du MANOPS ATC, les contrôleurs doivent mettre en évidence de façon spécifique les conflits potentiels. Le RSiT fournit aux contrôleurs de nombreux outils permettant de déceler manuellement les conflits potentiels ou de mettre en évidence des aéronefs particuliers. Au nombre de ces outils, on compte :

    • la trajectoire de vol prévue (PTL)
    • la ligne d'azimut-distance (RBL);
    • le vecteur d'interception projeté (PIV);
    • un « halo » placé sur la cible de l'aéronef pour le mettre en évidence.

    Le stagiaire a utilisé quelques-uns des outils précités, mais il ne les a pas utilisés pour déterminer s'il y avait un conflit entre les vols AAL 167 et UAL 943 sur des routes convergentes. L'utilisation des procédures de marquage des fiches de progression de vol est obligatoire, mais l'utilisation des outils est facultative.

    Le programme d'alerte de conflit, qui est un dispositif de protection basé au sol, est devenu opérationnel dans l'espace aérien contrôlé supérieur de l'ACC de Montréal en mai 2003. Ce programme d'ordinateur donne aux contrôleurs deux types d'alarme à l'écran du RSiT. La première alarme s'affiche 60 secondes avant la perte d'espacement prévue et est synchronisée de façon à permettre au contrôleur d'intervenir pour empêcher la perte d'espacement. La deuxième alarme s'affiche après la perte d'espacement. L'enquête a révélé que certains contrôleurs comprenaient mal les paramètres du programme d'alerte de conflit en ce sens qu'ils croyaient qu'ils disposaient de moins de temps pour intervenir en cas de conflit qu'ils en avaient en réalité. Tous les contrôleurs de l'ACC de Montréal ont reçu une formation théorique sur le programme d'alerte de conflit. NAV CANADA ne donne pas aux contrôleurs de formation pratique en simulateur sur le programme d'alerte de conflit.

    Analyse

    Un grand nombre de procédures et d'outils ont été élaborés et mis à la disposition des contrôleurs pour les aider à déceler les conflits en vol. Dans un environnement contrôlé au radar, les contrôleurs ont tendance à travailler davantage à un niveau tactique qu'à un niveau stratégique à plus longue échéance. Les conflits qui risquent de survenir dans 10 ou 20 minutes ne requièrent habituellement pas une attention immédiate. Cependant, le plus tôt un contrôleur est averti d'un risque de conflit, le plus facilement il est en mesure de trouver une solution à ce conflit sans avoir à recourir à des mesures draconiennes.

    Même si AAL 167 traversait un flot de circulation constitué en majorité d'appareils qui volaient en direction ouest à une altitude qui aurait pu donner lieu à un conflit avec de nombreux appareils qui volaient également au FL 350, les contrôleurs n'ont pris aucune mesure particulière pour mettre en évidence la fiche de progression de vol ou la cible radar de l'appareil sur le RSiT. De plus, les contrôleurs n'ont pas utilisé les données des fiches de progression de vol ni aucun des outils fournis par le RSiT pour vérifier s'il y avait un conflit entre UAL 943 et AAL 167.

    Les fiches de progression de vol sont parfois utilisées comme dispositifs d'archivage plutôt que comme outils de détection de conflit. Dans le présent événement, la disposition du tableau de progression de vol ne favorisait pas la détection de conflit, car les fiches de progression de vol des deux appareils en question étaient très espacées. En conséquence, les deux avions ont évolué dans le secteur pendant 20 minutes sans que le conflit ne soit décelé.

    Il est possible que les procédures et les pratiques actuelles de prise de relève d'un poste de contrôle ne permettent pas d'assurer que tous les renseignements pertinents sont bel et bien transmis au contrôleur de relève par le contrôleur relevé. La liste de vérifications de relève d'un poste se veut un guide pour évaluer les conflits immédiats; elle ne concerne pas spécifiquement les conflits potentiels à plus longue échéance. À la fin du transfert des responsabilités du poste de contrôle, l'instructeur avait une image mentale du trafic qui lui indiquait qu'il n'y avait aucun conflit immédiat dans le secteur. Cette image mentale peut avoir créé chez l'instructeur et le stagiaire un faux sentiment de sécurité, et ces derniers ne se sont pas assurés que les appareils qui se trouvaient à l'intérieur du secteur La Grande, notamment UAL 943 et AAL 167, n'entraient pas en conflit avec d'autres aéronefs à un moment donné.

    Souvent, les contrôleurs développent leur propre routine et habitudes de travail. Par exemple, après avoir pris le contrôle d'un secteur, l'instructeur avait l'habitude, lorsqu'il travaillait seul, d'utiliser l'une des fonctions d'affichage du RSiT pour s'assurer qu'il n'y avait aucun conflit dans le secteur. Cependant, vu qu'un stagiaire occupait le poste de contrôle, l'instructeur n'a pas pu accéder directement aux fonctions d'affichage du RSiT. Comme le stagiaire n'a pas suivi la même routine que celle de l'instructeur, aucun des deux contrôleurs n'a décelé le conflit entre UAL 943 et AAL 167. Le cours d'instructeur ne traite pas de certains aspects de la formation en milieu de travail, comme l'échange efficace des connaissances professionnelles de l'instructeur avec le stagiaire, et la prise de contrôle rapide du poste du stagiaire par l'instructeur en cas de besoin. L'instructeur n'avait pas donné d'exposé au stagiaire sur la façon de procéder en cas de prise de contrôle du poste du stagiaire par l'instructeur en cas de besoin.

    Après le déclenchement de l'alarme de conflit, lorsque l'instructeur a brusquement eu à prendre le contrôle du poste du stagiaire, il a, par habitude, utilisé le commutateur au pied pour donner des instructions aux appareils. Il ne savait pas que ses instructions de résolution de conflit n'avaient pas été communiquées aux avions. Comme ce genre de situation peut être une source de stress important, il arrive que les contrôleurs commettent des erreurs ou utilisent de l'équipement ou des techniques incorrectes dans l'espoir de résoudre le conflit, ce qui peut placer les appareils dans une situation encore plus grave de risque de collision en vol. Plus de formation réaliste et périodique en simulateur pourrait aider les contrôleurs à réagir mieux et plus rapidement aux alarmes de conflit ainsi qu'aux autres situations d'urgence, et pourrait accroître la probabilité que des mesures correctives sont communiquées de façon efficace aux membres d'équipage. Seul le TCAS, qui constituait le dernier dispositif de sécurité, a avisé les deux équipages de conduite qu'ils devaient prendre des mesures d'évitement. Comme le TCAS n'est pas obligatoire au Canada, les aéronefs continuent de courir des risques inutiles de collision en vol à l'intérieur de l'espace aérien canadien.

    Si les données de vol de UAL 943 avaient été conservées dans le NADS, des renseignements sur le conflit potentiel avec AAL 167 auraient pu être communiqués aux contrôleurs du secteur La Grande. Il n'existe pas de système de détection de conflit à moyen terme pour l'espace aérien contrôlé au radar, système qui pourrait constituer un dispositif de protection supplémentaire pour les contrôleurs qui surveillent le radar ou se fient aux fiches de progression de vol. Pour l'instant, le dispositif de protection au sol contre les pertes d'espacement en cas d'erreur opérationnelle est l'alerte de conflit à court terme.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Le conflit entre UAL 943 et AAL 167 n'a pas été détecté quand UAL 943 a communiqué pour la première fois avec le secteur La Grande, et le premier contrôleur du secteur La Grande n'a pas pris de mesures pour rappeler au contrôleur suivant qu'aucune recherche de conflit n'avait été faite, ce qui a permis à un conflit de dégénérer en risque de collision en vol.
    2. Après avoir accepté le transfert du secteur La Grande, ni le stagiaire ni l'instructeur en milieu de travail n'ont passé en revue tous les appareils dont ils devaient assurer le contrôle pour être certains qu'il n'y avait pas de conflit; le conflit entre UAL 943 et AAL 167 n'a pas été détecté, ce qui a créé un risque de collision en vol entre ces avions.
    3. Le programme d'alerte de conflit du contrôle de la circulation aérienne a signalé la perte d'espacement imminente au stagiaire et à l'instructeur, mais l'instructeur n'a pas pu donner d'instructions aux avions concernés parce qu'il a utilisé le commutateur au pied au lieu du bouton de microphone pour actionner la radio. Les avions ont donc poursuivi leur vol jusqu'à ce que leur système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions (TCAS) leur donne un avis de résolution (RA), ce qui a permis d'éviter la collision possible.

    Faits établis quant aux risques

    1. Il n'existe pas de système de détection de conflit à moyen terme pour l'espace aérien contrôlé au radar, système qui pourrait constituer un dispositif de protection supplémentaire pour les contrôleurs qui surveillent le radar ou se fient aux fiches de progression de vol.
    2. Le système actuel de détection de conflit ne donne qu'un temps d'avertissement minime au contrôleur et exige que des mesures immédiates et souvent draconiennes soient prises par le contrôleur et l'équipage de conduite afin d'éviter une collision en vol.
    3. Comme le TCAS n'est pas obligatoire à bord des aéronefs au Canada, les aéronefs continuent de courir des risques inutiles de collision en vol à l'intérieur de l'espace aérien canadien.

    Autres faits établis

    1. Le manque de formation réaliste et périodique en simulateur pourrait être à l'origine de la réaction tardive de l'instructeur à la perte d'espacement ou pourrait avoir contribué à sa réaction incorrecte à l'alarme du programme d'alerte de conflit.
    2. L'instructeur avait reçu une formation axée sur les aspects interpersonnels de la surveillance des stagiaires. Cette formation ne portait pas sur certains aspects pratiques comme l'échange efficace des connaissances professionnelles de l'instructeur avec le stagiaire et les bonnes pratiques professionnelles, et la prise de contrôle rapide du poste du stagiaire par l'instructeur en cas de besoin.

    Mesures de sécurité

    Le centre de contrôle régional de Montréal a publié un bulletin d'exploitation (no 04008) qui renferme de l'information visant à s'assurer que tous les contrôleurs qui donnent de la formation en milieu de travail savent utiliser leur équipement de communication et reprendre immédiatement l'accès à leurs fréquences. Tous les contrôleurs ont dû assister à un exposé sur ce bulletin d'exploitation.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

    Annexes

    Annexe A - Trajectoires de vol des avions

    Remarque : Dans ce diagramme, toutes les heures sont exprimées en temps universel coordonné (heure normale de l'Est plus cinq heures).