Rapport d'enquête aéronautique A04C0190

Collision avec le relief
du Bell 212 C-GMOH
exploité par Hélicoptères canadiens Limitée
à la baie de Shepherd (Nunavut)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    L'hélicoptère Bell 212 (immatriculé C-GMOH, numéro de série 31133) exploité par Hélicoptères canadiens Limitée, ayant deux pilotes et trois passagers à bord, quitte l'installation radar de la baie de Shepherd (Nunavut) vers 11 h 10, heure avancée des Rocheuses, pour un vol de jour selon les règles de vol à vue de la défense à destination d'une autre installation radar, située à Gjoa Haven (Nunavut). Pendant le décollage de la baie de Shepherd, l'hélicoptère descend et s'écrase en piqué et en inclinaison à gauche sur le relief enneigé à environ 250 mètres de l'héliplate-forme de départ. Le commandant de bord et les trois passagers sont grièvement blessés, et le copilote est tué sur le coup. Les survivants sont en mesure de retourner à l'installation radar et d'alerter les services de recherche et de sauvetage. L'hélicoptère subit d'importants dommages, mais il n'y a aucun incendie.

    Renseignements de base

    Le siège social de la compagnie Hélicoptères canadiens Limitée est situé aux Cèdres (Québec). Cette compagnie exploite une grande flotte d'hélicoptères à partir de plusieurs bases réparties à travers le Canada. Ses hélicoptères Bell 212 sont certifiés pour des opérations de taxi aérien en vertu de la section 703 du Règlement de l'aviation canadien (RAC). L'hélicoptère C-GMOH était basé à Cambridge Bay (Nunavut) et il était certifié pour les vols couverts par la section 703 du RAC, tant pour les règles de vol à vue (VFR) que pour les règles de vol aux instruments (IFR). L'hélicoptère servait à transporter du personnel et du matériel d'entretien vers les installations du Système d'alerte du Nord.

    Description du lieu de l'accident

    Le complexe du Système d'alerte du Nord de la baie de Shepherd ne comprend aucun personnel, mais il possède des casernes bien équipées, pourvues de couchettes privées pour les équipes qui y sont déployées. Le complexe est construit sur une petite crête, et une piste d'atterrissage en gravier abandonnée est située au sud-est de la crête. Un hangar se trouve près de la piste, à environ un demi mille de l'héliplate-forme, et on peut voir le hangar à partir des installations du Système d'alerte du Nord. L'héliplate-forme se trouve du côté ouest du complexe, au bord de la crête, et des structures s'élèvent non loin de chaque côté de l'héliplate-forme et derrière celle-ci. Un système de sécurité vidéo surveille l'héliplate-forme, et l'on a pu obtenir un enregistrement vidéo du départ. L'héliplate-forme se trouve à 135 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). Elle est balisée de feux périphériques, lesquels étaient allumés lors du départ de l'hélicoptère C-GMOH. L'héliplate-forme s'incline légèrement dans la direction du départ, et la crête s'incline brusquement à environ 60 pieds du bord de la plate-forme vers le relief avoisinant. Le relief entourant la ligne de crête et le complexe est plat et sans particularités, si ce n'est le hangar situé au sud-est. Au moment de l'accident, le relief était entièrement recouvert de neige, et aucune végétation ni aucune roche n'étaient visibles.

    Conditions météorologiques

    Les conditions météorologiques au moment de l'accident, signalées par la station automatique d'observation météorologique de la baie de Shepherd à 11 h 11, heure avancée des RocheusesNote de bas de page 1, étaient les suivantes : visibilité de 1 mille terrestre, température de -18 °C, vent du 200° vrai à 7 noeuds, et calage altimétrique de 29,65. Avant le départ, l'équipage pouvait clairement voir le hangar situé à environ un demi mille de l'installation. La vidéo de sécurité a montré que le ciel était obscurci et qu'on ne pouvait distinguer l'horizon. On pouvait voir clairement les structures près de l'héliplate-forme; il n'y avait aucune ombre. Il n'y avait aucune averse de neige, mais de la neige folle a masqué la vue de la caméra après que l'hélicoptère eut amorcé sa montée à partir du vol stationnaire initial.

    Déroulement du vol

    Le jour de l'accident, l'équipage de l'hélicoptère C-GMOH se trouvait depuis quatre jours au complexe du Système d'alerte du Nord, à la baie de Shepherd, en compagnie de trois passagers et de leur équipement. Un départ avait d'abord été prévu à 8 h vers une autre installation du Système, au lac Simpson, et l'équipage s'était levé vers 6 h. Les renseignements météorologiques ont été obtenus de Radio Arctique, et un plan de vol selon les règles de vol à vue de la défense a été déposé; cependant, le vol à destination du lac Simpson a été annulé plus tard à cause des conditions météorologiques. L'installation du Système à Gjoa Haven a alors été choisie comme destination, et le plan de vol a été modifié. Du fait de préoccupations relatives à la météo à Gjoa Haven, le commandant de bord a demandé un appoint de carburant pour augmenter la quantité jusqu'à 2400 livres afin de pouvoir faire un déroutement vers Cambridge Bay, si c'était nécessaire. Des problèmes de communication à la baie de Shepherd ont retardé le départ jusque vers 11 h.

    Peu avant 11 h, l'hélicoptère a été chargé et préparé pour le vol. Le copilote occupait le siège de droite comme pilote en fonction (PF), et le commandant de bord exécutait les fonctions du pilote non en fonction (PNF) à partir du siège gauche. Les trois passagers occupaient le compartiment arrière, assis sur des sièges équidistants répartis dans l'hélicoptère. Le départ s'est déroulé normalement, et tous les systèmes fonctionnaient normalement, sauf le radiogoniomètre automatique, lequel n'était pas essentiel au vol. Après le démarrage, l'équipage a calé les altimètres à 29,63. L'altimètre du PF indiquait 90 pieds asl, et celui du PNF, 150 pieds asl. L'équipage a réglé les radioaltimètres à 200 pieds au-dessus du sol (agl), conformément aux instructions permanentes d'opérations (IPO). L'hélicoptère était orienté sur un cap de 165° sur l'héliplate-forme, et le cap de départ a été établi à 280°. Le PF a donné un exposé avant décollage, indiquant qu'il décollerait verticalement, placerait l'hélicoptère en vol stationnaire pendant qu'il virerait d'environ 90° vers la droite et que la performance en montée serait limitée.

    Le PF a placé l'hélicoptère en vol stationnaire à faible hauteur et a viré en même temps à droite pour prendre le cap de départ. La vidéo de sécurité montre clairement l'hélicoptère pendant le démarrage et le vol stationnaire initial à faible hauteur. Le PNF surveillait les instruments et il énonçait les avis pour le PF relativement à la position et aux performances de l'hélicoptère. Une fois l'hélicoptère établi en vol stationnaire à faible hauteur, le PNF a annoncé un couple de 85 % à 86 % de la boîte de transmission, ce qui indique qu'un couple additionnel de 15 % était disponible pour le décollage.

    La puissance maximale autorisée par le manuel de vol de l'hélicoptère pendant le décollage correspond à un couple de 15 % supérieur au couple en vol stationnaire. Alors qu'il se plaçait en vol stationnaire à faible hauteur, le PF a laissé l'hélicoptère dériver vers l'arrière alors qu'il se trouvait toujours au-dessus de l'héliplate-forme. Le PF a alors commencé à s'élever verticalement, et de la neige en mouvement a complètement masqué l'hélicoptère sur la vidéo de sécurité. Les deux pilotes étaient en mesure de distinguer des repères au sol et de voir les feux de l'héliplate-forme. La limite maximale de couple de 100 % a été atteinte dans les 15 secondes, et la montée verticale s'est arrêtée.

    Pour les 15 prochaines secondes, les pilotes ont fait état de références visuelles dans le voisinage de la plate-forme alors que l'hélicoptère était en vol stationnaire au-dessus de celle-ci. Le PNF a alors fait part de ses préoccupations au sujet du déplacement de l'hélicoptère vers l'arrière, en direction de certaines structures de l'installation, et il a pressé le PF de se déplacer vers l'avant pour le départ. Le couple a atteint 105 % au moment où l'hélicoptère a commencé à se déplacer vers l'avant. Bien que l'hélicoptère soit presque entièrement masqué par la neige en mouvement, on peut voir qu'il se déplace sur la vidéo du système de sécurité.

    L'hélicoptère s'est déplacé à hauteur constante, soit environ 20 pieds agl, de l'arrière de la plate-forme jusqu'à ce qu'il disparaisse de la vue au point de départ prévu sur la plate-forme. Au moment où l'hélicoptère se déplaçait vers l'avant, le PNF a donné instruction au PF d'abaisser le nez quelque peu et a annoncé un couple de 110 %. Le PF n'a pas répondu et il n'a fait aucune autre annonce ni réponse pendant les 15 dernières secondes du vol. Le PNF a alors abaissé le levier collectif et a alors annoncé un couple de 100 %. Dès que les feux de l'héliplate-forme ont disparu, le PNF regardait complètement à l'intérieur et croyait que les références visuelles extérieures avaient été perdues dans un voile blanc, même si l'hélicoptère était sorti de la neige en mouvement.

    Deux secondes environ après avoir annoncé un couple de 100 %, le PNF a annoncé que l'hélicoptère montait et que la vitesse était de 40 noeuds. Le PNF a alors indiqué au PF de continuer à monter et, environ cinq secondes plus tard, a lancé un avertissement au sujet du cap et indiqué que l'hélicoptère s'inclinait à gauche. Presque immédiatement, l'hélicoptère a percuté le relief. Les données obtenues du système de positionnement à couverture mondiale indiquent que l'hélicoptère a volé en translation à une vitesse supérieure à 30 noeuds pendant environ 18 secondes.

    Les marques laissées au sol pendant l'écrasement ont été recouvertes par un blizzard avant que les enquêteurs du Bureau de la sécurité des transports (BST) puissent les examiner. Néanmoins, les renseignements fournis par un survivant indiquent que la marque laissée au sol par le patin gauche était considérablement plus longue que celle laissée par le patin droit. Les patins avaient défoncé la surface gelée d'un étang, et les flotteurs à gonflage automatique s'étaient déployés.

    L'épave a été retrouvée à l'endroit, le patin gauche replié sous le fuselage principal. Des morceaux d'épave ont été retrouvés à environ 250 mètres de l'héliplate-forme, et l'épave principale se trouvait à environ 100 mètres plus loin. Le patin droit avait été arraché, et la partie inférieure du nez avait été considérablement endommagée par l'impact. La boîte de transmission s'était séparée de ses attaches et elle a été retrouvée à la droite de l'épave principale. Les pales du rotor principal s'étaient séparées de la tête rotor, et elles s'étaient brisées et décollées. Les dommages subis par les pales du rotor principal et la boîte de transmission correspondaient à une puissance moteur élevée au moment de l'impact. L'épave a été examinée dans la mesure du possible, compte tenu de l'endroit éloigné et de l'incapacité de la soulever; aucune anomalie avant impact n'a été découverte.

    Instruments de bord

    La radiobalise de repérage d'urgence (ELT) ne s'est pas déclenchée à l'impact; on l'a retrouvée endommagée sur le plancher du poste de pilotage. L'examen de ce dernier a révélé qu'une pale du rotor principal avait heurté la partie droite du poste de pilotage, endommageant par le fait même la radiobalise. L'enregistreur numérique des conversations dans le poste de pilotage (CVR) a été retrouvé dans le compartiment à bagages, intact mais débranché de sa source d'alimentation électrique. Le Laboratoire technique du BST a procédé au dépouillement de cet enregistreur. Les conversations dans le poste de pilotage et le bruit ambiant du vol du jour précédent et du vol en question ont été récupérés. Le segment du vol en question commençait avant le démarrage et il s'est poursuivi jusqu'à ce que le courant soit coupé au moment de l'impact. L'hélicoptère n'était pas équipé d'un enregistreur de données de vol et il n'y était pas tenu par la réglementation.

    L'hélicoptère était équipé pour le vol en double commande, et il disposait de deux radioaltimètres. Les variomètres étaient des variomètres standard, et non des variomètres à vitesse instantanée. Les instruments électriques primaires étaient aussi doubles et ils comprenaient des indicateurs de couple et de régime. L'hélicoptère était équipé d'un système de compensation d'efforts et d'un système d'augmentation de la stabilité. Il était également équipé d'un système de commande de vol automatique, qui ne doit pas être utilisé à une vitesse inférieure à 40 noeuds.

    Le Laboratoire technique du BST a testé le fonctionnement de l'altimètre barométrique, du variomètre, de l'indicateur d'assiette, de l'anémomètre et de l'indicateur de situation horizontale du pilote, et ceux-ci étaient en bon état de service. L'examen des instruments n'a révélé la présence d'aucune marque concluante relativement à leurs indications au moment de l'impact.

    Procédures en hélicoptère dans un voile blanc

    Les IPO relatives aux décollages dans un voile blanc ou par faible éclairement dans le cas des vols depuis les installations du Système d'alerte du Nord prescrivent la procédure de décollage suivante :

    1. Vérifications avant décollage exécutées
    2. Radioaltimètre réglé à 200 pieds
    3. Appels radio et tâches du PNF exécutées
    4. Déjaugeage dans un vol stationnaire stabilisé à faible hauteur et vérification de la puissance
    5. Continuer à s'élever depuis le vol stationnaire à faible hauteur - une fois franchis les 30 pieds, le PNF annonce « Rotation »
    6. Le PF abaisse alors le nez d'environ 5° - (la priorité est la vitesse ascensionnelle) - le PNF annonce « Taux de montée franc »
    7. À mesure que la vitesse augmente, le PNF annonce « Vitesse franche » - « 40 noeuds » - « 58 noeuds »
    8. À mesure que l'altitude augmente, le PNF annonce « 100 pieds » et les multiples de 100 pieds jusqu'à 500 pieds
    9. Le PF règle l'assiette pour monter à 70 noeuds à un couple de 80 %
    10. Aucun virage sous 500 pieds
    11. Appels radio essentiels seulement et aucune vérification de poste de pilotage avant l'atteinte de 1000 pieds
    12. Après avoir franchi 1000 pi agl, caler les deux radioaltimètres à 1000 pieds en route

    La Publication d'information aéronautique de Transports Canada, partie Air, article 2.12.7, décrit le voile blanc comme une condition de vol extrêmement dangereuse. Le voile blanc se produit si la couche de neige au sol est intacte et le ciel au-dessus est uniformément couvert. Parce que la lumière est diffusée, le ciel et le relief se confondent imperceptiblement pour masquer l'horizon. On ne peut discerner l'horizon, les ombres et les nuages. On perd le sens de la profondeur, et on ne peut voir que les objets très sombres situés tout près.

    Le vrai danger du voile blanc est que le pilote ne soupçonne pas le phénomène, car il vole en air calme. Dans de nombreux accidents dus au voile blanc, le pilote a percuté la surface recouverte de neige sans se douter qu'il avait descendu et en étant confiant qu'il pouvait voir le sol. Par conséquent, chaque fois qu'un pilote se trouve en présence des conditions de voile blanc décrites ci-dessus ou qu'il soupçonne simplement qu'il est en présence de ces conditions, il devrait immédiatement monter s'il se trouve à bas niveau ou se mettre en palier et se diriger vers un endroit où les détails de la typographie du terrain sont très évidents. Le pilote ne doit pas continuer le vol sauf s'il est préparé à traverser la zone de voile blanc aux instruments et s'il a la compétence nécessaire pour le faire.

    Le Manuel de vol aux instruments de Transports Canada (TP 2076F) traite des techniques de vol aux instruments en hélicoptère et des procédures de décollage aux instruments. Le manuel décrit le décollage aux instruments comme étant une procédure mixte (à vue et aux instruments) pourvu qu'il y ait deux pilotes. Il précise que le décollage aux instruments doit être exécuté alors qu'un pilote surveille les instruments de bord, et l'autre, les références visuelles extérieures. Le manuel insiste sur le fait que l'équipage doit s'assurer que le taux de montée est franc avant de passer au vol en translation, et il prévient qu'une rotation hâtive de l'hélicoptère avant que le taux de montée soit bien établi a causé des accidents. Les pilotes doivent d'abord surveiller le variomètre, puis l'altimètre pour déterminer si le taux de montée est franc.

    Dans un exposé sur le type de contre-vérification à utiliser pour les instruments, le manuel précise qu'en raison de la capacité de l'hélicoptère de monter, de descendre et de changer de cap sans une modification correspondante de l'assiette, la contre-vérification peut être compromise si le pilote fixe son attention de façon prolongée sur l'indicateur d'assiette. Le manuel fait aussi remarquer que la plupart des hélicoptères certifiés pour les vols IFR sont équipés d'un variomètre de vitesse instantanée. La conception de ce variomètre peut aider le pilote à voler en IFR puisque c'est un instrument efficace pour indiquer l'inclinaison en tangage. Par rapport à un variomètre ordinaire, le variomètre à vitesse instantanée ne présente aucun retard d'indication. Pour ce qui est des réglages de puissance au levier collectif et affichés au couplemètre, le manuel indique que lorsque la puissance est réduite sur un hélicoptère de construction nord-américaine, le nez va s'abaisser et accuser un mouvement de lacet à gauche.

    Comme partie intégrante des efforts visant à étudier les accidents de giravions ayant trait à des collisions avec des obstacles, la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis a financé la rédaction d'un rapport fondé sur l'analyse, la simulation au sol et des essais en vol des caractéristiques de pilotage de giravions dans des environnements de mauvaise visibilité. Le rapport mentionne que le principal repère permettant de se stabiliser à basse vitesse et en vol stationnaire est la micro-texture ou la résolution des détails plutôt que les gros objets.

    Un terrain recouvert de neige, surtout lorsque la neige est soufflée par le rotor, est un environnement dépourvu de micro-texture et dans lequel il faut s'attendre à des problèmes de pilotage. Le rapport conclut que le pilotage dans un environnement dégradé peut augmenter la charge de travail au-delà des capacités du pilote, et que cette situation augmente considérablement le risque de commettre une grave erreur. Le rapport mentionne qu'une stabilisation accrue a une importante conséquence positive pour le pilote puisqu'elle réduit la charge de travail de ce dernier lorsqu'il est difficile d'obtenir des références visuelles, et il recommande de stabiliser l'assiette dans ces conditions. Le rapport préconise aussi la mise sur pied d'un programme de sensibilisation en vue d'améliorer la conscience des risques que présentent les vols à basse vitesse et en stationnaire aux endroits où il est difficile d'obtenir des références visuelles.

    Qualifications des pilotes

    Le commandant de bord était titulaire d'une licence de pilote de ligne valide pour hélicoptères. La licence était annotée pour le Bell 212, assortie d'une qualification aux instruments de Groupe 4. Les dossiers de la compagnie indiquent que le commandant de bord avait totalisé plus de 6949 heures de vol, dont environ 1600 sur le Bell 212. Il avait volé environ 29,8 heures au cours des 30 derniers jours, et 21,8 heures aux instruments au cours de la dernière année. Il se trouvait dans la première de quatre semaines de déploiement dans l'Arctique. Au cours des 24 dernières heures précédant l'accident, le commandant de bord avait agi comme pilote en fonction lors du vol précédent. Le vol avait été de retour vers 14 h de l'après-midi, et le commandant de bord était allé se coucher vers 22 h.

    Le copilote était titulaire d'une licence de pilote de ligne valide pour hélicoptères. La licence était annotée pour le Bell 212, assortie d'une qualification aux instruments de Groupe 4. Les dossiers de la compagnie indiquent que le copilote avait totalisé plus de 13 000 heures de vol sur plusieurs types d'hélicoptère, dont 42 heures sur le Bell 212. Il avait volé environ 32 heures au cours des 30 derniers jours et 3,7 heures aux instruments au cours de la dernière année. Il était dans la dernière de quatre semaines de déploiement dans l'Arctique. Au cours des 24 dernières heures précédant l'accident, le copilote avait agi comme PNF lors du vol précédent et il était allé se coucher vers 22 h.

    Le copilote avait terminé son entraînement sur le Bell 212 dans les deux mois qui avaient précédé l'accident. Il avait reçu de l'instruction sur les décollages verticaux à Villeneuve (Alberta), un petit aéroport situé au nord d'Edmonton. Les départs se faisaient la nuit à partir de l'extrémité d'une piste pour simuler un manque de références visuelles. Il n'avait pas reçu de formation au simulateur.

    Le commandant de bord avait participé à l'instruction du copilote. Le commandant de bord s'était également exercé à des décollages à partir de Villeneuve, et il était d'avis que l'entraînement n'était pas idéal à cause de l'éclairage dans le voisinage de l'aéroport. Il n'avait pas non plus reçu de formation en simulateur.

    Masse et centrage de l'hélicoptère

    Aucun enregistrement de calculs de masse et de centrage pour le vol n'a pu être trouvé. Après l'accident, un devis de masse et de centrage a été calculé à partir des poids estimés et des renseignements obtenus pendant l'enquête. On a conclu que la masse au décollage était inférieure à la masse maximale totale admissible et que le centre de gravité se situait à l'intérieur de la plage requise pour un vol IFR.

    Analyse

    Les conditions à l'intérieur et autour des installations du Système d'alerte du Nord étaient trompeuses. Les objets, y compris le hangar situé à un demi mille de distance, étaient clairement visibles. Comme le mentionne la Publication d'information aéronautique de Transports Canada, le vrai danger du voile blanc est que le pilote ne soupçonne pas le phénomène, car il vole en air clair. L'équipage n'a pas discuté du risque de voile blanc; par contre, l'équipage a correctement noté que la neige folle pourrait présenter un danger à cause de sa mise en mouvement anticipée, et il a prévu de décoller verticalement. Le décollage vertical en lui-même aurait dû réduire le risque de voile blanc, mais l'équipage n'avait prévu aucune autre solution de rechange.

    La trajectoire de départ choisie présentait trois avantages : elle était dans la direction de la destination, elle était exempte d'obstacles artificiels qui seraient masqués par la neige en mouvement, et le relief s'inclinait vers le bas, un facteur de sécurité additionnel. Par contre, cette trajectoire présentait aussi plusieurs inconvénients : le vent, quoique léger, soufflait à 90° par rapport au cap de départ; le hangar, qui se trouvait à un demi mille de distance, ne pouvait être vu par rapport au cap de départ et ne pouvait donc pas être utilisé comme référence d'assiette; enfin, le terrain dans la direction du vol ne présentait aucune caractéristique et l'horizon était invisible. Le choix de cette trajectoire de départ a accru le risque de voile blanc.

    La marge de 15 % de couple existant lors du vol stationnaire à faible hauteur indique que l'hélicoptère disposait de la puissance nécessaire pour exécuter en toute sécurité le décollage et le départ. Toutefois, le Manuel de vol aux instruments et les instructions permanentes d'opérations (IPO) de la compagnie insistent sur le fait que le taux de montée a priorité sur la rotation. Les renseignements obtenus de la bande vidéo et de l'enregistreur de conversations dans le poste de pilotage indiquent que la puissance disponible avait été utilisée pour amener l'hélicoptère en vol stationnaire en altitude, un vol stationnaire dans lequel l'hélicoptère pouvait dériver vers l'arrière.

    L'équipage a pris 15 secondes pour discuter des références visuelles alors qu'il dérivait au-dessus de l'héliplate-forme. Cette dérive a annulé le déplacement vertical de l'hélicoptère et, au moment de la rotation pour passer en vol en translation, l'hélicoptère se trouvait en palier. Le sentiment d'urgence qui habitait le PNF et le couple excédant de 10 % le couple maximal autorisé de 100 % indiquent qu'on a fait une rotation de façon précipitée. Comme le décollage vertical n'avait pas été exécuté conformément aux IPO, la période pendant laquelle l'hélicoptère s'est trouvé dans la neige en mouvement a été prolongée, et cette situation s'est produite à proximité immédiate du terrain, au moment où l'hélicoptère est sorti du voile blanc.

    Bien que le PNF ait annoncé la montée, les renseignements obtenus de la bande vidéo et le court temps de vol avant que l'hélicoptère ne percute le relief indiquent qu'il est peu probable qu'un taux de montée franc ait été établi. Plusieurs facteurs auraient pu amener le PNF à croire à tort qu'il se trouvait en montée. Premièrement, un variomètre ordinaire peut indiquer avec un certain retard le véritable mouvement vertical de l'hélicoptère. Ce dernier peut aussi rebondir dans la neige en mouvement, ce qui induit en erreur. Deuxièmement, le radioaltimètre aurait montré une augmentation à mesure que l'hélicoptère se serait déplacé au-dessus du terrain qui s'inclinait en éloignement de l'héliplate-forme. Troisièmement, l'altimètre du PNF affichait 150 pieds sur la plate-forme alors que celle-ci se trouvait à 135 pieds; voilà qui pourrait donner l'impression de monter. En outre, l'instruction donnée par le PNF de continuer à monter pourrait indiquer qu'il n'était pas certain qu'un taux de montée franc avait été établi. Comme le radioaltimètre avait été réglé à 200 pieds au-dessus du sol, le voyant de hauteur de décision serait demeuré allumé pendant toute la procédure et il n'aurait donné aucune indication alors que l'hélicoptère se dirigeait en descente sur le relief. Un variomètre à vitesse instantanée aurait fourni à l'équipage des renseignements plus opportuns au sujet du déplacement vertical de l'hélicoptère.

    Même si l'équipage utilisait le système d'augmentation de la stabilité et de la pilotabilité, comme le recommandait l'étude de la FAA, la quantité d'avis fournis par le PNF et l'absence de réponses de la part du PF pendant le passage au vol en translation indiquent que le PF commençait à être débordé par les tâches et qu'il était sans doute incertain de ses références en assiette. Lorsque le PNF a modifié la puissance pour la faire passer de 110 % à 100 %, l'hélicoptère aurait eu tendance à piquer du nez et à amorcer un mouvement de lacet vers la gauche. Sans doute près d'être saturé par les tâches, le PF n'a pas compensé assez rapidement ces tendances, et l'hélicoptère a perdu la distance qui lui restait par rapport au sol, percutant le relief dans une assiette en piqué en inclinaison à gauche.

    Une fois la décision prise de passer en transition après avoir perdu le déplacement vertical de l'hélicoptère, l'équipage devait établir et maintenir un taux de montée franc. Quelque sept secondes avant l'impact, le PNF a interprété les lectures des instruments comme indiquant que l'hélicoptère montait. L'équipage a alors tenté de maintenir cette assiette pour monter. La principale préoccupation était de maintenir cette assiette, même si, en réalité, l'hélicoptère descendait. Par conséquent, comme l'indique le Manuel de vol aux instruments de Transports Canada, la contre-vérification de l'équipage a été compromise par une fixation prolongée sur l'indicateur d'assiette. Le lent balayage des instruments n'a pas fourni à l'équipage les renseignements nécessaires pour stopper la descente vers le relief. Les facteurs contributifs ont été la proximité du relief, la perte de déplacement vertical et la réduction de 10 % de la puissance.

    L'équipage était composé de pilotes d'hélicoptère très expérimentés; par contre, le PF n'avait qu'une expérience limitée sur type. Cette situation a probablement contribué à son manque de capacité à exécuter un décollage vertical et a aussi augmenté sa charge de travail. Aucun des pilotes n'avait une expérience suffisante récente aux instruments, et l'entraînement des deux pilotes à ce type de départ s'était déroulé dans un endroit où il y avait des repères visuels extérieurs. Ces facteurs peuvent expliquer pourquoi il y a eu une fixation prolongée sur l'indicateur d'assiette et un balayage lent des instruments.

    L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

    • LP 153/2004 – GPS Analysis (Analyse du GPS)
    • LP 156/2004 – Examination of Fractured Rod End (Examen d'une rotule brisée)
    • LP 159/2004 – Instruments Analysis (Analyse d'instruments)

    Ces rapports peuvent être obtenus sur demande auprès du Bureau de la sécurité des transports du Canada.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. L'hélicoptère est parti dans des conditions environnementales favorisant le voile blanc et une perte de la micro-texture permettant d'avoir des références visuelles d'assiette.
    2. Le risque de se trouver dans un voile blanc a été masqué par la visibilité d'objets se trouvant dans le voisinage du point de départ.
    3. L'équipage n'a pas accordé ni maintenu la priorité au taux de montée pendant la transition en vol en translation, n'a pas balayé suffisamment les instruments du regard et n'a pas été en mesure de surmonter le voile blanc et d'établir un taux de montée franc.

    Faits établis quant aux risques

    1. L'hélicoptère n'était pas équipé d'un variomètre à vitesse instantanée, et ce dernier n'était pas obligatoire. De fausses indications transitoires pouvaient être fournies par le variomètre installé dans l'hélicoptère.
    2. L'entraînement de l'équipage avait eu lieu dans un environnement qui ne démontrait pas les effets de l'absence de micro-texture, et l'équipage ne prévoyait pas d'autre voile blanc que celui créé par la neige en mouvement.
    3. Au cours de l'entraînement de l'équipage, on n'a pas abordé le balayage rapide des instruments du regard qui était nécessaire étant donné l'expérience minime de pilotage sur type et dans des conditions arctiques du pilote.

    Autre fait établi

    1. La radiobalise de repérage d'urgence a été endommagée et rendue inutilisable lorsque le rotor principal a heurté le poste de pilotage.

    Mesure de sécurité prise

    Comme partie intégrante de son système de gestion de la sécurité, Hélicoptères canadiens Limitée a procédé à une enquête interne pour tirer des leçons de cet accident. Elle a augmenté son recours à l'entraînement dans un simulateur de vol complet pour aider à reproduire des départs en conditions de voile blanc et pour surveiller l'interaction entre les membres d'équipage. À la suite d'une revue de ses instructions permanentes d'opérations en vigueur, l'entraînement en simulateur va mettre l'accent sur la conformité aux procédures. La compagnie a institué une politique exigeant un minimum de 50 heures sur type avant que les pilotes puissent effectuer des départs en conditions de voile blanc.

    Elle évalue présentement le recours à des balises à catadioptre surbaissées aux héliplates-formes du Système d'alerte du Nord pour offrir des repères visuels additionnels le long des trajectoires de départ et d'approche.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .