Collision avec le relief
du de Havilland DHC-2 Mk 1 C-GHAF
à 11 nm au nord-est de Penticton (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le Beaver amphibie de Havilland DHC-2 Mk 1 monté sur flotteurs portant l'immatriculation C-GHAF et le numéro de série 1408 quitte Nanaïmo (Colombie-Britannique) et atterrit à l'aéroport de Penticton à 12 h 32, heure avancée du Pacifique. Il est avitaillé au moyen de 184 litres de carburant, lesquels remplissent les trois réservoirs ventraux. C'est à ce moment qu'on observe que la partie arrière de la cabine de l'appareil est chargée de bagages et de fret. Le pilote, propriétaire de l'appareil, planifie son vol vers Calgary (Springbank), en Alberta, et passe au moins une heure à planifier son vol et à parler au téléphone avec le centre d'information de vol de Kamloops. Il éprouve de la difficulté à établir une route de vol jusqu'à Springbank à cause des restrictions de l'espace aérien dues aux feux de forêt, mais il opte pour la route Penticton, Kelowna, Vernon, Revelstoke et Springbank.
L'appareil décolle de l'aéroport de Penticton à 14 h 20 ayant à son bord le pilote et deux passagers, et s'écrase quelque sept minutes plus tard dans une coulée du ruisseau Penticton, à 11 milles marins au nord-est de l'aéroport de Penticton. Un incendie après impact se déclare et consume la majeure partie du fuselage. L'incendie allume un petit feu de forêt qu'aperçoit l'équipage d'un aéronef de lutte contre les incendies; l'appareil accidenté n'émet aucune communication radio. Les trois occupants subissent des blessures mortelles.
Renseignements de base
Le pilote était titulaire d'une licence de pilote privé délivrée par Transports Canada ainsi que d'une annotation sur les avions terrestres et les hydravions monomoteurs. Son certificat médical comportait une restriction l'obligeant à porter des lunettes et indiquait que son dernier examen médical remontait au 3 juillet 2002; il était valide jusqu'au premier jour du 25e mois suivant son examen. Le pilote totalisait quelque 915 heures de vol sur monomoteur léger, dont 615 heures sur le DHC-2 Beaver. L'autopsie et un examen toxicologique complet du pilote n'ont permis de déceler aucune condition n'ayant pu donner lieu ou contribuer à cet accident. Il a été impossible d'établir si le pilote portait ses lunettes au moment de l'accident.
L'un des passagers était titulaire d'une licence de pilote privé. Lorsque l'appareil est arrivé à Penticton, on a observé que cette passagère prenait place dans le siège de gauche, c'est-à-dire le siège du pilote, dans le DHC-2 Beaver. À Penticton, lorsque l'appareil avait dû être déplacé sur l'aire de trafic pour être avitaillé en carburant, on avait vu cette personne circuler au sol aux commandes de l'appareil, alors qu'elle prenait place dans le siège de gauche. Elle totalisait quelque 200 heures de vol sur des monomoteurs légers et elle avait déjà piloté l'appareil immatriculé C-GHAF, mais il a été impossible d'établir pendant combien d'heures. Il a été impossible d'établir qui prenait place dans le siège de gauche et qui pilotait l'appareil lors du décollage de Penticton; l'appareil était équipé de doubles commandes.
La passagère était titulaire d'une licence de pilote privé délivrée par Transports Canada ainsi que d'une annotation sur les avions terrestres et les hydravions monomoteurs. Son certificat médical indiquait que son dernier examen médical remontait au 16 octobre 2001 et il était valide jusqu'au premier jour du 25e mois suivant son examen. D'après des renseignements obtenus auprès du médecin de famille de la passagère, tout indique que cette dernière souffrait de nombreuses maladies, notamment d'une maladie coronaérienne, et qu'on l'avait prévenue que son état pouvait avoir un effet néfaste sur la sécurité aérienne. Le médecin de famille n'avait pas communiqué ces renseignements à Transports Canada, conformément à l'article 6.5 de la Loi sur l'aéronautique. Lorsqu'elle avait subi son plus récent examen médical, elle n'avait pas avisé l'examinateur médical de Transports Canada du diagnostic qu'elle avait récemment reçu concernant son état. Cependant, en juin 2003, elle avait subi des tests complets à la clinique Mayo, et on avait évalué que son état était stable. Elle avait continué de prendre des médicaments pour abaisser la tension artérielle, un bêtabloquant, un anticoagulant, de l'aspirine ainsi que différents médicaments contre des problèmes abdominaux. On a retrouvé des restes de contenants de certains de ces médicaments à l'intérieur de l'épave.
L'autopsie pratiquée sur les deux passagers s'est limitée à un examen externe, et aucun test toxicologique n'a été effectué.
D'après les dossiers, l'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. L'appareil avait été construit en 1958 et il totalisait 9029,9 heures de vol au 1er mai 2003. La revue des livrets de la cellule, du moteur et de l'hélice n'a permis de déceler rien de particulier, sauf ce qui est mentionné ci-dessous. Le moteur, un Pratt & Whitney R-985-AN-1 portant le numéro de série 42-21504, totalisait 558,4 heures depuis la dernière révision.
Les conditions météorologiques signalées à Penticton, située à 11 milles marins (nm) au sud-ouest des lieux de l'accident, à 14 h, quelque 27 minutes avant l'accident, étaient les suivantes : vent du 340 °V soufflant à 4 noeuds, visibilité de 10 milles terrestres (sm), quelques nuages à 7 000 pieds, température de 26 °C, point de rosée de 10 °C, calage altimétrique de 30,14; remarques : 1 octa de cumulus, fumée légère, pression au niveau de la mer de 1020,4 hectopascals. Les conditions météorologiques signalées à Penticton à 15 h 0, quelque 33 minutes après l'accident, étaient presque identiques. L'altitude-densité calculée pour Penticton était de 2427 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). Penticton se trouve à une altitude de 1129 pieds asl.
On a retrouvé l'épave au fond de la coulée escarpée dans laquelle coule le ruisseau Penticton, à une altitude de quelque 4800 pieds asl. L'épave se trouvait en travers du ruisseau, dans un cap de quelque 305 °M. L'appareil avait d'abord heurté la cime de quatre arbres. D'après les dommages causés aux arbres et les marques de contact, l'appareil a heurté la cime des deux premiers arbres les ailes à l'horizontale et en assiette de montée, et la cime des troisième et quatrième arbres dans une assiette de descente. Le sillon laissé par l'épave était orienté sur un cap de 360 °M, soit à 90 degrés par rapport au passage dont s'approchait l'appareil. L'incendie a consumé la majeure partie du fuselage, la partie intérieure de l'aile droite et le flotteur droit. On n'a décelé aucune traînée de suie sur l'aéronef; l'incendie a provoqué la formation de cloques de peinture.
Tous les câbles de commande et toutes les tiges-poussoirs ont été retrouvés intacts, coupés par le personnel de sauvetage, endommagés par les forces d'impact ou détruits par l'incendie. Les dommages importants causés par l'incendie n'ont pas permis de vérifier la continuité des câbles des gouvernes. Il n'y avait aucune odeur de carburant ni aucun autre signe de la présence de carburant dans les réservoirs en bout d'aile.
Sur une longueur d'un pied, la partie extérieure des deux pales de l'hélice présentait des signes d'ondulation importante, de dommages des bords d'attaque et d'éraflures dans le sens de la corde. La partie de l'hélice qui était demeurée fixée au moteur présentait des signes de pliage vers l'arrière et de torsion extrême sur une pale. Le moteur présentait quelques dommages dus aux forces d'impact et des dommages importants dus à l'incendie.
La partie du fuselage se trouvant à l'avant du compartiment à bagages a été détruite par les forces d'impact et l'incendie. Les trois réservoirs carburant ventraux ont été entièrement détruits par l'incendie, mais pas leurs transmetteurs de niveau respectifs. L'incendie a presque complètement détruit le flotteur droit. Le flotteur gauche est demeuré intact, mais la région du train avant a été quelque peu endommagée par les forces d'impact. Il a été établi que le train d'atterrissage était rentré.
On a pesé le fret et les autres articles retrouvés à l'intérieur et autour de l'épave au moyen de balances homologuées; la masse totale des articles récupérés était de 195 livres. Une partie du fret n'a pas été récupérée parce qu'elle a été détruite dans l'incendie, emportée des lieux de l'accident par le courant du ruisseau, tellement endommagée qu'il a été impossible de la récupérer (par exemple, des fragments de verre ou de poterie aperçus dans le ruisseau) ou non retrouvée. Certains articles qui ont été pesés auraient probablement été plus lourds à bord de l'appareil, avant l'écrasement. Par exemple, cinq contenants en plastique, endommagés mais non ouverts, d'huile aviation de 4 litres et un contenant en caoutchouc de 1,75 pinte d'huile usagée ont été récupérés, mais ils ne contenaient que des traces d'huile. Pleins, les cinq contenants non ouverts auraient pesé plus de 40 livres, et le contenant d'huile usagée, environ quatre livres.
Rien n'indique que le pilote ait effectué des calculs de masse et centrage avant le décollage de Penticton. D'après les calculs de masse et centrage effectués après l'accident et tenant compte du poids consigné des occupants, de réservoirs carburant ventraux pleins et de la masse du fret récupéré sur les lieux de l'accident, la masse de l'appareil au décollage était d'au moins 5350 livres, et le centre de gravité se situait à 3,2 pouces devant le point de référence. On exploitait l'appareil à une masse maximale autorisée au décollage (MTOW) de 5370 livres et on croyait que l'installation de flotteurs Wipline 6100A conformément au certificat de type supplémentaire (STC) numéro SA610GL, avait augmenté la MTOW jusqu'à 5370 livres. Cependant, ce certificat spécifie, en vertu de certaines limites et conditions, que la MTOW est de 5100 ou de 5370 livres lorsque les modifications structurales appropriées sont apportées. Il a été établi que seules deux de ces cinq modifications avaient été apportées. La MTOW correcte est donc de 5100 livres, et le centre de gravité autorisé se situe dans la plage comprise entre 1,25 et 6,1 pouces derrière le point de référence.
Analyse
Même s'il a été impossible de vérifier la continuité des câbles des gouvernes, rien n'indique qu'il y ait eu défaillance des gouvernes avant l'impact. Les marques et les dommages qu'ont subis les pales de l'hélice montrent que le moteur fournissait une puissance considérable à l'impact. D'après les calculs, les effets de l'altitude-densité auraient réduit les performances de l'appareil par rapport à ses performances habituelles d'un jour normal.
D'après des calculs effectués après l'accident, l'appareil pesait au moins 5350 livres, masse supérieure de 250 livres à sa masse maximale autorisée au décollage. La masse réelle de l'appareil était probablement même supérieure, car une partie du fret a été détruite dans l'incendie ou n'a pu être récupérée. Cette surcharge aurait eu pour effet de réduire davantage les performances de l'appareil, et il se peut qu'elle ait été un facteur ayant contribué à empêcher ce dernier de franchir le relief ascendant.
D'après les dommages causés aux arbres et les marques de contact, l'appareil était à l'horizontale et en assiette de montée lorsqu'il a heurté la cime des arbres. Il s'approchait du relief ascendant de face et très près du sommet. L'un des principes du vol en montagne veut qu'un pilote s'approche d'un passage à un angle de 45 degrés, afin de se laisser suffisamment d'espace pour effectuer un virage en vue de s'éloigner s'il devient évident que l'appareil n'arrivera pas à franchir un relief élevé. Il a été impossible d'établir pourquoi le pilote ne s'était pas approché à un angle de 45 degrés, puis n'avait pas par la suite simplement viré pour s'éloigner du relief ascendant au moment où le contact avec la cime des arbres est devenu imminent.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Alors que l'appareil s'approchait en montée d'un relief élevé, pour des motifs qui n'ont pu être établis, le pilote n'a pas viré pour s'éloigner de ce relief; l'appareil a heurté la cime des arbres et s'est écrasé.
- L'altitude-densité et la masse relativement élevée de l'appareil ont altéré les performances de montée de ce dernier à un point tel qu'il n'a pu franchir le relief élevé qui se trouvait devant lui.
Faits établis quant aux risques
- La passagère titulaire d'une licence n'avait pas avisé l'examinateur médical de Transports Canada qui lui avait fait subir son plus récent examen médical du diagnostic de maladie coronaérienne qu'elle avait reçu, situation qui présentait un risque qu'elle pilote un appareil alors qu'elle n'était pas médicalement apte à le faire.
- L'appareil était exploité à une masse supérieure à celle justifiée par le STC en vertu duquel il avait été converti en appareil amphibie. Certaines des modifications structurales qu'exigeait ce STC compte tenu de la masse supérieure de l'appareil n'avaient pas été apportées.
Autres faits établis
- Il a été impossible d'établir qui pilotait l'appareil en question dans cet accident.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .