Erreur de navigation et descente prématurée
de l'Airbus A319-114 C-FYKW
exploité par Air Canada
à Vernon (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le vol ACA183, effectué par un Airbus 319 d'Air Canada (numéro de série 0695, immatriculation C-FYKW), est un vol régulier entre Toronto (Ontario) et Kelowna (Colombie-Britannique). Avant le départ de Toronto, l'équipage est informé par un avis aux navigateurs aériens qu'en raison d'importants feux de forêt dans la région, seule une approche au radiophare non directionnel B (NDB B) est disponible à Kelowna. Lorsque le vol se trouve dans le voisinage du radiophare omnidirectionnel à très haute fréquence (VOR) Enderby, l'équipage est avisé par le Centre de contrôle régional de Vancouver que l'approche NDB B n'est plus disponible; la seule approche disponible pour l'aéroport de Kelowna est une approche à vue.
L'équipage commence à descendre vers Kelowna et indique au Centre de contrôle régional de Vancouver qu'il a l'aéroport de Kelowna en vue. Le contrôleur autorise ACA183 à exécuter une approche à vue de l'aéroport de Kelowna - la piste 15 est en service - et il transfère l'avion à la tour de Kelowna. ACA183 continue en rapprochement vers Kelowna sur une route qui survole la ville de Vernon. L'équipage configure l'avion pour l'atterrissage en sortant le train d'atterrissage et en réglant les volets sur la position 2. Lorsque le commandant de bord aperçoit la piste 23 de l'aéroport de Vernon, il vire sur un cap de 242 degrés magnétiques, sort les volets à la position 3 et commence une approche à vue de la piste 23 de l'aéroport de Vernon. Après 40 secondes, lorsque l'avion se trouve à environ 1,3 mille marin du seuil de la piste et à 730 pieds au-dessus du sol, l'équipage exécute une remise des gaz. Peu après le début de la remise des gaz, l'équipage de l'ACA183 reçoit un avis de trafic du système de surveillance du trafic et d'évitement des abordages, généré par un Cessna 152 se trouvant dans le circuit d'aérodrome de Vernon. ACA183 se met en palier à 6000 pieds au-dessus du niveau de la mer, puis le contrôleur de la tour de Kelowna lui communique alors des instructions pour l'aéroport de Kelowna. L'équipage effectue par la suite une approche à vue de la piste 15 à Kelowna et se pose sans autre incident.
Renseignements de base
La présence d'un grave feu de forêt au sud de l'aéroport de Kelowna a amené le bureau de régulation des vols d'Air Canada, à la demande de l'équipage, à faire trois appels téléphoniques à la tour de Kelowna - deux avant qu'ACA183 ne quitte Toronto et un pendant qu'il était en route - pour savoir si l'aéroport était ouvert. À aucun moment le ou les régulateurs ne se sont informés de la disponibilité des approches aux instruments, et le personnel de la tour de Kelowna n'a offert aucune information additionnelle. Le bureau de régulation des vols d'Air Canada ne savait pas pourquoi l'approche à l'aide du système d'atterrissage aux instruments et de l'équipement de mesure de distance (ILS/DME) 1 n'était pas autorisée, ni que l'approche NDB B pourrait être annulée pour la même raison.
Lorsque le contrôleur du Centre de contrôle régional (ACC) de Vancouver a avisé l'équipage qu'il n'y avait aucune approche aux instruments disponible, il n'a pas donné de raison, et l'équipage n'a pas demandé pourquoi. Le contrôleur n'a rien dit sur l'état de service des aides à la navigation destinées aux approches. Il y a deux approches aux instruments à Kelowna, soit l'approche NDB B et l'approche ILS/NDB 1, toutes deux pour la piste 15. Les approches aux instruments n'étaient pas autorisées parce que, dans chaque cas, la procédure d'approche interrompue qui y était associée empiétait sur la zone désignée de lutte contre le feu de forêt, dont la limite se trouvait tout juste au sud de l'aéroport. Les aides à la navigation destinées aux approches étaient en bon état de service.
ACA183 a commencé sa descente à partir du niveau de vol (FL) 350 sur un cap nord-ouest, alors qu'il se trouvait à 57,4 milles marins de l'aéroport de KelownaNote de bas de page 1, sur la voie aérienne J569 qui se prolonge au nord-ouest vers le VOR Enderby, puis au sud-ouest vers Kelowna. Au cours de la descente à partir du FL200, on a demandé à l'équipage de se presser à franchir 13 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). À trois occasions pendant la descente, l'équipage a indiqué au contrôleur de l'ACC de Vancouver qu'il avait l'aérodrome en vue. Le 15 septembre 2003, un avion King Air de Transports Canada, ayant à bord des enquêteurs du Bureau de la sécurité des transports, a suivi la trajectoire de vol et le profil du vol ACA183 vers Kelowna. On a déterminé qu'à aucun moment en suivant ce profil il était possible de voir l'aéroport de Kelowna. Au cours de la remise des gaz au-dessus de l'aéroport de Vernon, lorsque le King Air s'est trouvé au-dessus du lac Okanagan à 6000 pieds asl, l'aéroport de Kelowna est devenu visible.
Le Manuel de routes d'Air Canada renferme une procédure de transition visuelle pour la piste 33 de Kelowna, mais pas pour la piste 15, la piste en service au moment de l'incident. L'équipage a improvisé une approche à vue de la piste 33 à partir du tableau de la procédure en cas de panne de moteur. Le Manuel de routes d'Air Canada ne mentionne pas l'aéroport de Vernon ni sa fréquence de trafic d'aérodrome (ATF) sur les cartes de Kelowna.
Le Manuel d'exploitation d'Air Canada contient une politique d'approche à vue qui donne des indications générales pour effectuer des approches à vue. Des procédures d'approche à vue propres à chaque type d'aéronef figurent dans le Manuel de vol de chacun d'eux comme Procédures d'utilisation normalisées (SOP). Pour les avions A319/A320/A321, ces procédures mentionnent que les approches à vue sont planifiées en fonction d'une trajectoire de descente nominale de 3°, mais il n'y a aucune indication sur la façon de réaliser cette trajectoire de descente.
À 42,7 milles marins de l'aéroport de Kelowna, ACA183 se trouvait dans une descente franchissant 12 000 pieds asl, et l'équipage avait commencé à virer pour s'aligner sur le NDB LW (Kelowna). À 22,3 milles marins de l'aéroport de Kelowna, à une altitude de 4000 pieds asl, l'équipage a sorti les volets à la position 1, rapidement suivie de la position 2, a sorti le train d'atterrissage et a armé les aérofreins. Pendant la descente, le copilote a été distrait de ses tâches de surveillance de l'approche alors qu'il essayait de parler à du personnel de la compagnie à Kelowna en ce qui a trait à l'attribution d'une porte. À 18,6 milles marins de l'aéroport de Kelowna, à une altitude d'environ 2600 pieds asl, le commandant de bord a viré vers la piste 23 de l'aéroport de Vernon. Les volets ont été sortis en position 3, et le taux de descente a augmenté, passant d'environ 800 pieds par minute à environ 1800 pieds par minutes. Au bout de 40 secondes, lorsque ACA183 se trouvait à 1,3 mille marin de l'aéroport de Vernon, le copilote, connaissant la distance jusqu'à l'aéroport de Kelowna, a suggéré l'exécution d'une remise des gaz, qui a alors été exécutée par le commandant de bord. La remise des gaz a été amorcée à une altitude d'environ 2000 pieds asl, soit 730 pieds au-dessus du sol (agl). Tout le temps pendant l'approche, le système de navigation de l'avion avait été réglé pour fournir un cap et une distance par rapport à l'aéroport de Kelowna, mais aucun des pilotes n'a surveillé activement ou efficacement la trajectoire de vol et l'altitude par rapport à la distance menant à la piste d'atterrissage prévue.
Une fois que le contrôleur de l'ACC de Vancouver a autorisé l'avion à une approche à vue, le commandant de bord a porté son attention à l'extérieur de l'avion et a piloté en fonction des références visuelles au sol. Il n'a pas consulté la distance jusqu'à l'aéroport de Kelowna qui était à sa disposition sur les affichages du poste de pilotage et il n'a pas comparé les caps de l'avion avec le cap de la piste prévue.
Tant le contrôleur de l'ACC de Vancouver que le contrôleur de la tour de Kelowna croyaient que l'équipage pouvait voir l'aéroport de Kelowna, et les deux ont observé sur le radar l'avion descendre à une basse altitude dans le voisinage de Vernon. Lorsque ACA183 s'est trouvé à 3000 pieds asl et qu'il poursuivait sa descente, le contrôleur de la tour de Kelowna a demandé à ACA183 quelle était son altitude. L'avion a continué à descendre.
L'aéroport de Vernon est un aérodrome non contrôlé dont l'ATF désignée est utilisée dans un rayon de 5 milles marins et jusqu'à 4100 pieds asl. Les aéronefs qui pénètrent dans cette zone doivent communiquer leurs intentions sur 122,8 MHz, la fréquence unicom locale. On s'assure ainsi que tous les aéronefs évoluant à l'aéroport sachent où chacun d'entre eux se trouve; ACA183 n'a fait aucune communication à ce sujet.
Après l'atterrissage à Kelowna, le commandant de bord a téléphoné au pilote superviseur d'Air Canada et lui a relaté l'incident. Le commandant de bord a indiqué que, bien que l'avion soit descendu à une altitude inférieure à l'altitude habituelle, il n'avait jamais atteint une altitude trop basse. Les données de l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) n'ont pas été protégées à ce moment-là. Le CVR fonctionne en boucle continue de 30 minutes, et lorsque ACA183 a poursuivi ses vols réguliers vers Victoria et Vancouver, la partie digne d'intérêt de la bande du CVR a été oblitérée.
L'enregistreur de données de vol (FDR) a été retiré de l'avion, et ses données ont été récupérées aux fins d'analyse par le Laboratoire technique du BST.
Le commandant de bord était à l'emploi d'Air Canada depuis sept ans. Il était titulaire d'une licence de pilote de ligne (ATPL) canadienne valide, annotée pour les avions Airbus A319/320/321 et d'une qualification aux instruments de groupe 1. Il avait totalisé 10 500 heures de vol, dont 3520 heures sur Airbus A319/320/321, et 1351 heures comme commandant de bord. Il était titulaire d'une qualification pour l'aérodrome de Kelowna, soit une autorisation d'Air Canada de voler à l'aéroport de Kelowna, et il avait décollé de Kelowna et s'y était posé la semaine précédente.
Le copilote était à l'emploi d'Air Canada depuis trois ans. Il était titulaire d'une licence de pilote de ligne (ATPL) canadienne valide, annotée pour Airbus A319/320/321 et d'une qualification aux instruments de groupe 1. Il avait totalisé 5890 heures de vol, dont 658 heures comme copilote sur Airbus A319/320/321. Le copilote n'avait jamais volé à l'aéroport de Kelowna auparavant.
Au moment de l'incident, l'information suivante du Service automatique d'information en région terminale (ATIS) était en vigueur pour Kelowna :
[Traduction]
Information Golf sur l'aéroport de Kelowna - Météo à 1800 Zulu, vent du 190 à 7; visibilité de 15; quelques nuages à 6000, quelques nuages à 25 000; température de 20; point de rosée de 0; calage altimétrique de 30,02; approche IFR à vue, piste 15 en service. NOTAM : Aucune procédure aux instruments n'est autorisée pour la piste 15. Aucun départ IFR n'est autorisé de la piste 15 à cause du feu de forêt. Zone du feu de forêt allant de l'aéroport de Kelowna jusqu'à 4 milles au sud-ouest et de l'aéroport de Kelowna jusqu'à 19 milles au sud à 8000 msl et moins; tous les aéronefs doivent se tenir à l'écart. Permission préalable nécessaire. Demandez permission à la tour de Kelowna sur la fréquence 119,6. Informez l'ATC que vous avez l'information Golf.
Le personnel de la tour de Kelowna a signalé que, alors que la visibilité au sud de l'aéroport était quelque peu limitée à cause de la fumée se dégageant des feux de forêt, la visibilité dans le secteur nord n'était pas limitée.
Analyse
Le commandant de bord a pris la décision d'effectuer une approche à vue à l'aéroport de Kelowna parce qu'il connaissait la région de Kelowna et qu'il pouvait voir la zone où il savait trouver l'aéroport de Kelowna. Même si l'équipage ne pouvait pas encore voir l'aéroport de Kelowna, les conditions météorologiques étaient bonnes et l'équipage pouvait voir le sol; par conséquent, une approche à vue n'aurait dû présenter aucune difficulté.
On a conclu de l'information tirée de l'enregistreur de données de vol et de certaines simulations en vol que lorsque l'aéroport de Vernon est devenu visible, le commandant de bord l'a confondu avec l'aéroport de Kelowna et il a viré à droite pour aligner l'avion sur l'axe de la piste 23 à Vernon. Aucun des membres de l'équipage n'a remarqué que le cap de l'avion et celui de la piste présentaient un écart de 80° par rapport à la piste d'atterrissage prévue, soit la piste 15, et aucun d'eux n'a efficacement utilisé le système de navigation de l'avion pendant l'approche. Le copilote, bien que ne connaissant pas la région, s'est rendu compte d'après les écrans d'affichage du poste de pilotage qu'il restait une distance considérable avant que l'avion atteigne l'aéroport de Kelowna. Cependant, il a d'abord été distrait par les appels radio avec le personnel de la compagnie et a été lent à intervenir lors de l'approche à l'aéroport de Vernon.
L'équipage ne savait pas pourquoi les approches aux instruments n'étaient pas disponibles à l'aéroport de Kelowna, et il n'a pas cherché à le savoir. S'il avait su que c'était parce que les trajectoires en cas d'approche interrompue empiétaient sur la zone désignée de lutte contre les feux de forêt et que toutes les aides à la navigation destinées à l'approche fonctionnaient bien, il aurait pu effectuer une approche NDB B, ou même une approche ILS/DME 1 avec guidage sur la trajectoire de descente, pourvu qu'il demeure en conditions météorologiques de vol à vue (VMC) et qu'il ne survole pas le sud de l'aéroport de Kelowna.
L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :
- LP 80/2003 – FDR Analysis (Analyse d'un enregistreur de données de vol)
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Alors qu'il exécutait une approche à vue à l'aéroport de Kelowna, le commandant de bord a confondu l'aéroport de Vernon avec l'aéroport de Kelowna et a effectué une approche à vue à l'aéroport de Vernon, descendant à 730 pieds agl avant de remettre les gaz.
- Le copilote s'est rendu compte d'après ses écrans d'affichage dans le poste de pilotage que l'aéroport de Kelowna se trouvait à une bonne distance. Cependant, il a d'abord été distrait par des appels radio et a été lent à intervenir lors de l'approche à l'aéroport de Vernon.
Faits établis quant aux risques
- L'approche exécutée au mauvais aéroport a créé un risque de collision avec un autre aéronef et un risque d'atterrissage sur une piste ne convenant pas au type d'aéronef.
- Le Manuel de routes d'Air Canada renferme une procédure de transition visuelle pour la piste 33 à Kelowna, mais aucune pour la piste 15. L'équipage a dû improviser une approche à vue au moyen du tableau de la procédure en cas de panne moteur pour la piste 33.
Autres faits établis
- Après s'être posé à Kelowna, le commandant de bord a téléphoné au pilote superviseur et lui a indiqué que l'incident n'était pas grave. De ce fait, les données du CVR n'ont pas été protégées en vue de l'enquête.
- L'équipage ne savait pas précisément pourquoi les approches aux instruments n'étaient pas disponibles à Kelowna. S'il en avait su la raison, il aurait pu utiliser l'ILS ou le NDB de Kelowna pour se guider.
- L'aéroport de Vernon et sa fréquence de trafic d'aérodrome ne sont mentionnés dans aucune des cartes de Kelowna du Manuel de routes d'Air Canada. Si un équipage d'Air Canada devait se trouver sur le point d'empiéter sur la zone de cette fréquence, il serait dans l'impossibilité de trouver la fréquence sur laquelle il serait tenu de communiquer sa position et ses intentions.
Mesures de sécurité
Air Canada
Air Canada a étendu son concept du « poste de pilotage inaccessible » pour interdire toute communication radio entre les équipages et la compagnie lorsqu'ils se trouvent sous 10 000 pieds et pour mettre l'accent sur la surveillance des paramètres d'une approche bien exécutée.
Le 2 juin 2004, le Bureau de la sécurité des transports a envoyé un Avis de sécurité aérienne (615-A040025-1) à Air Canada. L'avis mettait l'accent sur l'importance d'utiliser tous les systèmes de navigation disponibles pour aider à demeurer conscient de la situation pendant les approches à vue.
La division de la sécurité aérienne d'Air Canada a mis en relief cet incident dans les trois derniers numéros du magazine de l'entreprise sur la sécurité aérienne. De plus, le rapport d'enquête interne sur la sécurité aérienne d'Air Canada a été communiqué au personnel des Normes et formation au pilotage pour suivi et de légères modifications aux règles. Le programme de recyclage annuel sur Airbus A319/320/321 a été modifié pour mettre cet incident en relief et encourager les échanges sur des situations similaires.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes