Rapport d'enquête aéronautique A03C0029

Collision avec le relief
du Beech 99 C-GHVI
exploité par Bearskin Lake Air Service
à 2 nm au nord-ouest de Pikangikum (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le vol Bearskin 359, un Beech 99 immatriculé C-GHVI et portant le numéro de série U153, quitte Pikangikum (Ontario) à 18 h 38, heure normale du Centre (HNC), pour un vol de nuit selon les règles de vol à vue (VFR) à destination de Poplar Hill en ayant à son bord deux pilotes et trois passagers. Le commandant de bord, qui est le pilote aux commandes et se trouve en place droite, effectue un décollage normal. À environ 400 pieds au-dessus du sol, il entame un virage à droite en montant vers sa destination. Pendant le virage, le pilote aux commandes a de la difficulté à voir l'horizon artificiel et se concentre sur l'angle d'inclinaison latéral de l'avion. Le copilote annonce que l'avion est en descente à 2000 pieds/minute et il prend les commandes. L'avion percute la surface gelée du lac avant de rebondir et de reprendre l'air. Le copilote reste aux commandes pendant que le commandant de bord tente de mettre en drapeau l'hélice droite endommagée. Croyant que les deux hélices sont endommagées, le copilote procède à un atterrissage forcé sur la surface du lac. L'avion subit des dommages importants. Personne n'est blessé.

    Renseignements de base

    Au cours d'une suite de vols réguliers effectués par Bearskin Lake Air Service entre de petites municipalités dans la région de Red Lake (Ontario), le copilote est tombé malade. Pour remplacer ce dernier et terminer le trajet, on a fait venir un pilote suppléant à Red Lake par avion. À son arrivée, le pilote suppléant est devenu le commandant de bord de l'avion en raison de son ancienneté au sein de l'entreprise. Le commandant de bord original, qui devait maintenant agir comme copilote, avait piloté l'avion depuis le siège de gauche lors des premiers vols, et le poste de pilotage était adapté à ses besoins. Lorsque le nouveau commandant de bord est arrivé, il lui a été plus pratique de piloter l'avion depuis le siège de droite. Selon le manuel d'exploitation de Bearskin Lake Air Service, un pilote qualifié à piloter depuis le siège de gauche qui suit une formation annuelle pour piloter depuis le siège de droite peut piloter un appareil à partir de ce siège. Le commandant de bord n'avait jamais suivi de formation pour piloter depuis le siège de droite comme commandant de bord.

    Le commandant de bord et le copilote étaient tous deux titulaires d'une licence de pilote de ligne valide et les dossiers montraient que leur contrôle compétence pilote (CCP) et leur formation requise étaient à jour. Le commandant de bord avait cumulé 4800 heures de temps de vol en neuf ans de pilotage et il pilotait des Beech 99 comme commandant de bord depuis deux ans. Le copilote avait huit ans d'expérience de pilotage et avait cumulé 4200 heures de temps de vol. Il était aussi commandant de bord de Beech 99 depuis deux ans.

    Après le changement d'équipage, le vol 359 a poursuivi sa route vers Pikangikum en conditions météorologiques de vol à vue de nuit. En cours de vol, le copilote, qui était le pilote aux commandes de ce vol, a réglé l'éclairage des instruments du poste de pilotage pour les deux membres d'équipage. Le commandant de bord, qui n'était pas aux commandes, a trouvé l'intensité de l'éclairage trop élevée et a donc baissé l'éclairage des instruments du côté droit du poste de pilotage. Le vol 359 a atterri à Pikangikum, les passagers ont débarqué et les bagages ont été déchargés. Trois passagers ont embarqué avec leurs bagages pour le vol à destination de Poplar Hill. Pendant ce temps, l'équipage travaillait sous la forte clarté de l'aire de trafic. Après le chargement de l'avion, l'équipage a repris sa place, le commandant de bord, qui devait être le pilote aux commandes au départ de Pikangikum, assis en place droite. Le pilote aux commandes n'a pas réglé l'intensité de l'éclairage instruments du côté droit du poste de pilotage et l'a laissée au même niveau que pour le vol en direction de Pikangikum.

    Le pilote aux commandes a roulé jusqu'à la piste, effectué un décollage normal et commencé une montée à 1500 pieds/minute. Après confirmation par le copilote d'une vitesse ascensionnelle nette, le pilote aux commandes a demandé au copilote de rentrer le train d'atterrissage. Approximativement 15 secondes après le décollage, le copilote a fait l'annonce obligatoire à 400 pieds. Le pilote aux commandes lui a demandé de rentrer les volets et, après que le copilote eut confirmé que ces derniers étaient rentrés, il lui a demandé d'afficher la puissance ascensionnelle et de procéder aux vérifications après décollage. Le copilote a accusé réception, et le commandant de bord a indiqué qu'il entamait un virage vers Poplar Hill.

    Le copilote a réglé le régime de montée au moment où le pilote aux commandes entamait le virage. Le pilote aux commandes avait l'intention d'adopter un angle d'inclinaison de 20 à 25°. Toutefois, il ne pouvait bien voir l'horizon artificiel et, bien que l'avion fût incliné vis-à-vis l'un des repères de l'horizon artificiel, le pilote aux commandes n'était pas sûr de l'angle d'inclinaison atteint. Il s'est penché pour essayer de lire l'angle d'inclinaison sur l'horizon artificiel. C'est au moment où le pilote aux commandes sortait du virage que le copilote lui a annoncé que l'avion descendait à 2000 pieds/minute. Il s'est alors mis à tirer sur le manche et le copilote s'est joint à lui lorsqu'il a aperçu la surface gelée du lac qui approchait rapidement, mais leurs efforts conjoints n'ont pu empêcher l'avion de percuter la surface du lac. L'avion a percuté la glace, les ailes à l'horizontale, train rentré, avant de rebondir dans les airs. L'avion était équipé d'une nacelle ventrale qui a absorbé une grande partie des forces de l'impact. La surface gelée du lac était recouverte d'une couche de neige d'environ deux pieds d'épaisseur, laquelle a aussi contribué à réduire la force de l'impact.

    Le commandant de bord a remarqué que l'hélice droite ralentissait et a tenté de la mettre en drapeau. L'équipage s'est entendu pour dire que la meilleure chose à faire était d'atterrir immédiatement sur la glace, et le copilote a effectué un atterrissage forcé à environ 1,5 mille marin (nm) de l'extrémité départ de la piste 27. L'avion a glissé sur 300 pieds avant de s'arrêter sur la glace enneigée. L'équipage s'est servi des radios de l'avion pour entrer en contact avec le personnel de l'entreprise à la piste d'atterrissage. Peu de temps après, les passagers et l'équipage ont été reconduits à l'aérogare.

    On a examiné l'avion sur le lieu de l'accident. Les dommages se limitaient aux moteurs et aux hélices ainsi qu'au dessous du fuselage, des ailes et des volets. Une inspection de la cellule, des gouvernes et des moteurs n'a révélé aucune anomalie antérieure à l'impact. Les volets étaient en position de décollage et le train d'atterrissage était rentré. Le circuit carburant de l'aile droite avait coulé et le réservoir intérieur droit s'était vidé. La cabine et le poste de pilotage n'avaient subi aucun dommage interne. Les instruments de vol des deux côtés du tableau de bord ont été déposés et soumis à des essais, et rien d'anormal n'a été découvert. L'avion était équipé d'un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR) numérique qui a été dépouillé au Laboratoire technique du BST. Le CVR avait enregistré les conversations du poste de pilotage pendant approximativement deux heures avant que l'alimentation de l'avion soit coupée peu de temps après l'accident.

    Par la suite, le personnel de la maintenance de l'entreprise a décidé de soulever l'avion pour pouvoir sortir le train d'atterrissage et, ainsi, remorquer l'appareil jusqu'à la piste d'atterrissage. Environ trois semaines après l'accident, l'avion a été remis en service, une fois les réparations effectuées et les instruments de vol reposés.

    D'après les calculs, la masse et le centrage de l'appareil au moment de l'accident se trouvaient dans les limites permises.

    L'article 602.115 du Règlement de l'aviation canadien précise les exigences pour les vols de nuit exécutés selon les règles de vol à vue (VFR) dans un espace aérien non contrôlé :

    Il est interdit à quiconque d'utiliser un aéronef en vol VFR dans l'espace aérien non contrôlé, à moins que les conditions suivantes ne soient réunies :

    1. l'aéronef est utilisé avec des repères visuels à la surface;
    2. lorsque l'aéronef est utilisé à 1000 pieds AGL ou plus :
      1. la visibilité en vol est d'au moins un mille le jour,
      2. la visibilité en vol est d'au moins trois milles la nuit, ...

    Voici ce que disait le rapport météorologique spécial de 18 h 24, heure normale du Centre (HNC)Note de bas de page 1 pour Red Lake, à 46 milles marins au sud de Pikangikum : vents du 210° à 15 noeuds avec des rafales pouvant atteindre 25 noeuds, visibilité de 12 milles terrestres au milieu de faibles chutes de neige avec poudrerie, plafond de 2500 pieds avec nuages fragmentés et température de −15 °C. Selon ce qui a été rapporté, la température à Pikangikum était la même. La lune en était à son dernier quartier et elle n'offrait aucun éclairage. La nuit était très obscure.

    Analyse

    Le décollage et le départ ont été effectués conformément aux procédures d'opération normalisées de l'entreprise.

    Même si le commandant de bord, le pilote aux commandes, possédait des qualifications à jour pour piloter depuis le siège de gauche, il n'avait pas obtenu les qualifications annuelles requises pour piloter l'avion à partir du siège de droite. Par conséquent, le commandant de bord n'était pas qualifié pour piloter l'avion à partir du siège de droite.

    Les renseignements obtenus indiquaient que les volets étaient en position « UP » au décollage, mais après l'accident, les volets ont été trouvés en position de décollage. Il n'a pas été possible de déterminer si les volets avaient été réglés sur la position « UP » ou s'ils avaient été réglé sur cette position, puis sur celle de décollage avant l'accident.

    L'aire de trafic était fortement éclairée et l'équipage voyait clairement le tableau de bord; c'est pourquoi le commandant de bord n'a pas réglé l'intensité d'éclairage de l'horizon artificiel avant de décoller. Cependant, une fois l'avion dans les airs, l'éclairage a été trop faible pour permettre au commandant de bord de voir clairement l'horizon artificiel. Le pilote aux commandes s'est donc concentré sur l'angle d'inclinaison, mais il n'a pas vérifié l'angle de montée ni les autres instruments, et une vitesse de descente importante est rapidement apparue. Lorsque le copilote a annoncé qu'ils étaient en descente, le commandant de bord a été incapable de prendre conscience de la situation, et le copilote a judicieusement pris les commandes. Les dommages aux hélices et aux moteurs étaient tels qu'un atterrissage forcé à la surface du lac était la seule option possible.

    L'avion a décollé au-dessus d'un lac, et il n'y avait aucune lumière au sol sous l'avion ou autour de ce dernier après qu'il eut quitté l'aéroport. L'absence d'éclairage terrestre et céleste a créé des conditions qui ont rendu difficile, sinon impossible, le vol avec références visuelles en surface.

    Sans références visuelles extérieures suffisantes, un pilote, incertain de l'assiette de l'avion, regarderait certainement à l'extérieur pour regagner conscience de la situation. Les conditions d'éclairage ambiant (extérieur) après le décollage de l'avion accidenté n'auraient que peu ou pas aidé l'équipage à orienter l'avion. Il est hautement probable que le pilote aux commandes ne consultait que les instruments de bord, et ceux-ci n'étaient pas suffisamment éclairés pour déterminer avec certitude l'assiette de l'avion. vol. Essentiellement, ce vol n'était pas piloté selon les règles de vol à vue.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

    1. Le commandant de bord a décidé de piloter l'avion à partir du siège de droite au cours d'une sortie de nuit alors qu'il n'était pas à jour dans ses qualifications pour piloter cet avion depuis le siège de droite.
    2. Le commandant de bord n'a pas réglé l'éclairage des instruments correctement pour un décollage de nuit et n'a donc pas été en mesure d'utiliser l'horizon artificiel efficacement, ce qui s'est traduit par une perte de conscience de la situation après le décollage et, subséquemment, par la perte de maîtrise de l'avion.

    Autres faits établis

    1. Le vol avait été prévu comme un vol VFR alors qu'il s'est déroulé réellement dans des conditions de vol IFR.

    Mesures de sécurité

    Après l'accident, Transports Canada a rencontré des représentants de l'entreprise. Cette dernière a accepté la recommandation de Transports Canada voulant qu'elle révise ses procédures d'utilisation normalisées pour qu'elles prévoient l'interdiction de tout virage à moins de 1000 pieds au-dessus du sol après un décollage, sauf indication contraire de l'ATC. Transports Canada a ensuite effectué une vérification ordinaire de la conformité de l'entreprise, laquelle se penche actuellement sur les questions soulevées par cette vérification.

    Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .