Perte de maîtrise et collision avec le relief
du Dromader PZL-M-18 C-GMVE
exploité par Super Marine Aircraft Incorporated
à 25 nm au sud-est de Buchans
(Terre-Neuve-et-Labrador)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Une formation de quatre avions pulvérisateurs PZL-M-18 Dromader est en train d'épandre un produit au-dessus d'une zone de forêt. Pendant le virage visant à rejoindre la prochaine ligne de pulvérisation, le pilote de l'avion numéro 3 (immatriculé C-GMVE et portant le numéro de série 1Z002-03) transmet un message radio pour signaler qu'il éprouve des ennuis de moteur. L'avion effectue deux virages en spirale à gauche de plus en plus serrés, et il entre en collision avec un bouquet d'arbres dans une assiette proche de la verticale avant de s'écraser au sol. L'avion explose au moment de l'impact et est complètement détruit. Le carburant prend en feu et déclenche un petit feu de forêt. Le pilote, qui est seul à bord, est mortellement blessé. L'accident survient à la tombée de la nuit, vers 21 h, heure avancée de Terre-Neuve.
Renseignements de base
Les avions pulvérisateurs étaient basés à l'aérodrome de Buchans et ils effectuaient des opérations de pulvérisation aérienne sur la forêt pour le compte du gouvernement de Terre-Neuve et Labrador. Les opérations de pulvérisation quotidiennes se déroulaient normalement tôt le matin ou en soirée, ou les deux, lorsque les conditions de visibilité et de vent le permettaient. C'est à ces moments de la journée que les probabilités sont les plus élevées de disposer des conditions de vent faible ou nul les plus propices à la pulvérisation du produit. Les conditions météorologiques pour le vol en cause faisaient état d'un ciel clair, d'une visibilité illimitée et de vents très légers. Les autres pilotes de la formation n'ont pas rapporté de problème de givrage du carburateur.
Chaque appareil avait été entièrement ravitaillé en carburant avant le décollage pour le vol en cause, et on avait versé 550 litres de produit dans le réservoir de pulvérisation d'une capacité de 2500 litres de chaque avion. La masse et le centrage de chacun des appareils étaient à l'intérieur des limites prescrites. La formation a décollé vers 20 h 30, heure avancée de Terre-Neuve (HAT)Note de bas de page 1 et elle est arrivée dans la zone de pulvérisation environ 10 minutes plus tard. Les opérations de pulvérisation ont alors commencé normalement, les communications radio étant par ailleurs normales.
Pendant la pulvérisation d'une zone, les avions volent en formation légèrement relâchée près de la cime des arbres. L'espacement latéral entre les avions est d'environ 75 mètres, et chaque avion se tient légèrement en retrait de l'avion qui le précède. Les virages en formation sont connus sous le nom de « virages en P » et sont amorcés par le pilote de l'avion de tête. La manoeuvre débute par un virage en montée de 45 degrés, à droite de la dernière ligne de pulvérisation. À une altitude comprise entre 300 et 400 pieds au-dessus du sol (agl) environ, on interrompt la montée, et la formation manoeuvre pour prendre la direction opposée, puis elle redescend près de la cime des arbres et se replace au-dessus de la zone de pulvérisation. Au cours du vol en cause, les conditions du relief et du vol ne nécessitaient pas de manoeuvres excessivement agressives de la part des avions pendant les virages en P.
Au cours du quatrième virage en P, le pilote en cause a fait un appel radio pour signaler calmement que le moteur de son avion avait des retours de flamme. À ce moment-là, son avion était en position de vol horizontal en virage à gauche à une altitude comprise entre 300 et 400 pieds agl environ. En entendant l'appel radio, les pilotes des appareils numéro deux et numéro quatre se sont positionnés de manière à observer l'avion numéro trois.
Le M-18 est équipé d'un moteur PZL-KALISZ de modèle ASZ-62IR-M18. En cas de retour de flamme, une soupape à ressort, située dans la partie supérieure du moteur et en aval du carburateur, s'ouvre afin de libérer la contre-pression du circuit d'admission. Le pilote peut facilement voir fonctionner cette soupape et son fonctionnement peut également se voir d'une certaine distance lorsqu'il se produit un retour de flamme. Le pilote de l'avion numéro quatre a positionné son appareil de manière à pouvoir observer le fonctionnement de la soupape de retour de flamme de l'avion en cause. Pendant cette manoeuvre, le pilote de l'avion numéro quatre n'a pas eu à diminuer la puissance de son moteur pour maintenir un espacement constant avec l'avion numéro trois. Le pilote de l'avion numéro quatre a ensuite pu observer la soupape de retour de flamme de l'avion numéro trois et il ne l'a pas vue fonctionner. Pendant que l'avion numéro trois poursuivait son virage à gauche, il a amorcé un piqué en spirale qui s'est poursuivi pendant deux tours avant que l'avion ne heurte les arbres dans une assiette proche de la verticale. Le pilote de l'avion numéro deux a lancé un appel radio pour prévenir le pilote de la descente rapide, mais il n'a pas obtenu de réponse. Aucun des pilotes n'a vu de déplacement des gouvernes pouvant laisser croire à une tentative de redressement, et la charge de produit de pulvérisation n'a pas été larguée. Il était impossible de survivre à cet accident en raison de l'ampleur des forces de décélération.
Le pilote en cause était titulaire d'une licence canadienne de pilote de ligne valide. Selon les dossiers disponibles, le pilote totalisait plus de 7000 heures de vol. Il possédait de l'expérience sur divers types d'appareil et il avait déjà fait des opérations de pulvérisation; toutefois, il ne totalisait que 30 heures de vol sur le PZL-M18 Dromader et la totalité de cette expérience avait été acquise depuis le 14 juin 2003. Le pilote avait accumulé environ cinq heures de vol au cours des 90 jours avant le début des vols sur le Dromader. L'autopsie du pilote n'a révélé aucune affection préexistante susceptible d'avoir contribué à l'accident.
Le PZL-M18 Dromader est un avion agricole destiné aux travaux spécialisés ayant une capacité de charge moyenne et qui est propulsé par un moteur à cylindres en étoile d'une puissance de 967 horsepower. C'est un monoplace à aile basse en porte-à-faux, entièrement métallique, muni d'un train principal et d'une roulette de queue fixes. Selon les dossiers, l'avion était certifié et équipé conformément à la réglementation et aux procédures en vigueur. L'avion n'avait aucun point de maintenance en suspens et il avait fonctionné normalement depuis le début du contrat. L'appareil n'était pas équipé d'un enregistreur de données de vol (FDR), ni d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR), ce qui ne contrevenait pas à la réglementation en vigueur.
Les pilotes de M18 ont déclaré qu'ils devaient continuellement surveiller l'assiette de l'avion, car ce dernier devenait sensible à la compensation de la gouverne de profondeur à mesure que le produit était dispersé et que le carburant était consommé. Si le pilote ne garde pas le contact visuel avec l'horizon naturel, l'assiette de l'avion a tendance à changer rapidement.
Pendant les derniers moments de la descente, de nombreux arbres, dont le diamètre pouvait atteindre jusqu'à 11 pouces, ont été coupés à plusieurs reprises par l'hélice en rotation. Les quatre pales de l'hélice ont été endommagées par l'impact au sol. Deux de ces pales s'étaient enfoncées dans le sol et présentaient des vrillages complexes conformes à ceux causés par un moteur qui produit de la puissance. On a examiné les systèmes et les commandes de vol de l'avion dans la mesure du possible, et aucun signe de mauvais fonctionnement n'a été découvert . On a retrouvé toutes les commandes du groupe moteur et on a pu en confirmer la continuité. On a transporté le moteur à l'atelier régional d'examen des épaves du Bureau de la sécurité des transports du Canada, où il a fait l'objet d'un examen en cours de démontage. Tous les composants internes du moteur étaient en bon état. Tous les composants fixés au relais des accessoires avaient été lourdement endommagés par l'incendie. Mis à part la confirmation que ces composants étaient bien fixés, il a été impossible d'établir leur état de fonctionnement avant l'impact.
À l'alinéa b) du paragraphe 3.5 du Manuel de vol (AFM) portant sur les autres procédures d'urgence, on stipule ce qui suit :
[Traduction]
Fonctionnement irrégulier du moteur ou perte de puissance.
Immédiatement après avoir observé un signe de perte de puissance moteur (chute de pression dans les circuits de lubrification ou d'alimentation carburant), prendre les mesures suivantes :
- robinet d'arrêt carburant moteur - VÉRIFIER le réglage;
- basse pression carburant - ACTIONNER la pompe carburant de secours manuelle (ou électrique, le cas échéant) afin de rétablir la pression;
- réchauffage carburateur - ON (marche);
- commutateur de magnéto - BOTH (les deux).
Le robinet d'arrêt moteur, la pompe carburant manuelle et le commutateur de magnéto sont tous situés sur la console inférieure droite et le pilote doit regarder vers le bas et à droite pour confirmer les réglages. Afin d'actionner ces éléments, le pilote doit retirer sa main droite du manche et piloter à l'aide de la main gauche. La commande de réchauffage carburateur est située sur le bloc des commandes moteur du côté gauche du poste de pilotage et on l'actionne de la main gauche. Pour exécuter au complet et dans l'ordre les vérifications d'urgence, le pilote doit passer de la main droite à la main gauche sur le manche, il doit reprendre le manche de la main droite pour actionner le réchauffage carburateur, il doit reprendre le manche de la main gauche pour vérifier le commutateur de magnéto, puis il doit reprendre le manche de la main droite pour poursuivre le vol normalement.
Le manuel de vol de l'avion ne contient aucune instruction qui s'applique spécifiquement à une situation de fonctionnement irrégulier ou de panne moteur pendant des opérations de pulvérisation à basse altitude. Toutefois, il contient des procédures en cas de panne moteur au décollage et après le décollage. Le facteur de limitation mentionné dans ces deux procédures est relié à l'altitude, plus spécifiquement à une altitude de 330 pieds agl ou moins. Lorsque l'avion se trouve à 330 pieds agl ou moins, l'AFM stipule qu'il est impossible de revenir sur la piste et que le pilote doit tenter un atterrissage droit devant en ne virant que le moins possible pour éviter les obstacles. Aucune autre procédure n'est mentionnée.
Analyse
La masse et le centrage de l'avion étaient à l'intérieur des limites prescrites et il y avait suffisamment de carburant à bord pour effectuer le vol prévu. Les conditions météorologiques ne font pas partie des facteurs contributifs à cet accident.
Même si le pilote en cause a signalé que son moteur avait des retours de flamme, le pilote de l'avion numéro quatre n'a pas vu la soupape de retour de flamme fonctionner. En outre, le pilote de l'avion numéro quatre est parvenu à maintenir un espacement constant avec l'avion numéro trois sans avoir à réduire la puissance de son moteur, ce qui laisse croire que le moteur de l'avion numéro trois produisait une puissance suffisante pour maintenir la vitesse de vol. Les conifères coupés par l'hélice en rotation et les dommages subis par l'hélice au moment de l'impact laissent également croire que le moteur produisait de la puissance. L'examen de l'épave n'a pas révélé la cause du problème moteur, mais une perte de puissance, ou même une panne complète du moteur, n'aurait pas normalement provoqué une perte de maîtrise de l'appareil.
Il a été impossible de déterminer de façon précise les mesures prises par le pilote après l'appel radio, mais il est probable qu'il a tenté de résoudre le problème moteur. Selon l'AFM, la mesure ou les mesures les plus appropriées consistent à appliquer l'ensemble des procédures d'urgence en cas de fonctionnement irrégulier du moteur. Pour effectuer ces procédures dans l'ordre prescrit, le pilote doit détourner son attention des points de repère extérieurs pour la reporter sur les commandes du poste de pilotage. De plus, les vérifications obligent le pilote à changer de main sur le manche pour atteindre les éléments situés du côté droit du poste de pilotage. Pendant le changement de main sur le manche, il y a un risque de sollicitations involontaires des commandes. Ces sollicitations involontaires peuvent passer inaperçues si l'attention du pilote est centrée à l'intérieur de l'avion. Comme on n'a observé aucune tentative de manoeuvre de redressement, il est possible que le pilote concentrait son attention à l'intérieur du poste de pilotage pour trouver la cause du problème moteur et qu'il ne s'est pas rendu compte que l'avion amorçait un piqué en spirale avant d'être trop bas pour effectuer un redressement.
Pendant un vol à très basse altitude, la première mesure qu'il convient sans doute de prendre consiste à amorcer une montée jusqu'à une altitude plus sécuritaire avant de commencer les procédures de la liste de vérifications pertinente. À basse altitude, on ne devrait exécuter que les éléments les plus critiques de la liste de vérifications.
Faits établis
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Pour des raisons indéterminées, le pilote a perdu la maîtrise de l'avion, lequel a amorcé un piqué en spirale et s'est écrasé au sol.
Fait établi quant aux risques
- La section des procédures d'urgence de l'AFM contient des lignes directrices relatives à un problème moteur qui survient au cours du décollage, après le décollage et en vol, mais elle ne contient aucune instruction relative aux situations d'urgence qui se produisent aux très basses altitudes requises pour les opérations de pulvérisation aérienne.
Autre fait établi
- Il a été impossible de déterminer la nature ou la cause des ennuis de moteur signalés par le pilote.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .