Perte d'espacement
Centre de contrôle régional d'Edmonton
exploité par NAV CANADA
à 60 nm au sud d'Edmonton (AB)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le BA3112 immatriculé C-GKGM et exploité sous le nom de Corpac Canada Ltd. (Corporate Express) CPB888 effectue un vol selon les règles de vol aux instruments (entre Fort McMurray et l'aéroport international de Calgary (Alberta). Le SA227DC immatriculé C-FDMR et exploité sous le nom d'Alta Flights (Charters Inc.) CNS213 effectue également un vol selon les règles de vol aux instruments entre l'aéroport international de Calgary et l'aéroport City Centre d'Edmonton. À cause d'activités orageuses intenses entre Edmonton et Calgary et de l'espace aérien réglementé associé à la conférence du G8 à Kananaskis, les deux appareils sont déroutés à l'est de la route prévue à leur plan de vol. À 16 h 10, heure avancée des Rocheuses, à environ 60 milles marins au sud-est de l'aéroport international d'Edmonton, les deux appareils se croisent sur des caps quasi réciproques à une altitude de 16 000 pieds au-dessus du niveau de la mer. L'espacement est de 200 pieds sur le plan vertical et de 1,3 mille marin sur le plan horizontal dans une zone où l'espacement obligatoire est de 1 000 pieds ou 5 milles marins. Les deux appareils passent dans les nuages, et aucun des équipages n'a vu l'autre appareil.
Renseignements de base
Les deux appareils étaient contrôlés par le Centre de contrôle régional (ACC) d'Edmonton (Alberta). La perte d'espacement s'est produite dans le secteur de Red Deer de la sous-unité en route de Calgary.
Selon son plan de vol, CPB888 devait effectuer le vol à une altitude de 16 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). Il a reçu l'instruction de suivre un cap de 175 degrés magnétiques afin d'intercepter le radial 354° du VOR de Calgary. En raison de vents soufflant de l'ouest, le route suivie était d'environ 164°. Le contrôle a ensuite été transféré au secteur des départs d'Edmonton, puis au secteur en route de Red Deer. L'avion est demeuré à 16 000 pieds.
Selon son plan de vol, CNS213 devait effectuer un vol entre Calgary et Edmonton à une altitude de 16 000 pieds asl en passant par V112 pour atteindre le VOR d'Edmonton. L'altitude initiale de l'avion était de 14 000 pieds asl. Cinq minutes avant l'événement, le contrôleur radar du secteur de Red Deer a autorisé CNS213 à maintenir une altitude de 16 000 pieds. Lorsque les deux avions se sont trouvés à environ 4,2 milles marins l'un de l'autre, le contrôleur des arrivées d'Edmonton a remarqué le conflit et l'a signalé au contrôleur des données de Red Deer par ligne terrestre. Ce dernier a ensuite transmis verbalement l'information au contrôleur radar de Red Deer, lequel a ordonné à CNS213 de descendre immédiatement à 15 000 pieds.
Lorsque les contrôleurs en route du secteur de Red Deer ont passé en revue les fiches de progression de vol et les écrans radar, ils n'ont pas détecté le conflit entre les appareils. Aucun des avions n'était équipé d'un système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions (TCAS), ce qui ne contrevenait pas à la réglementation canadienne. Il n'y avait aucun outil d'alerte de conflits au sol à l'ACC d'Edmonton au moment de l'événement.
Un avis météorologique à court terme (Airmet C1) publié à 14 h 59, heure avancée des RocheusesNote de bas de page 1, faisait état du développement d'une ligne de cumulo-nimbus épars allant du nord-ouest de Red Deer au sud-ouest de Calgary et qui se déplaçait vers le nord-est à environ 10 noeuds. On s'attendait à ce que les cellules prennent plus de force, particulièrement au nord-est de Calgary, alors que les sommets devaient atteindre une altitude se situant entre 38 000 et 45 000 pieds.
Un espace aérien réglementé de classe F (CYR255) a été établi pour une durée de trois jours en marge de la conférence du G8 se déroulant à Kananaskis afin de prévenir l'entrée d'appareils non autorisés dans la zone. L'espace aérien CYR255 était une zone de forme irrégulière qui couvrait un rayon d'environ 80 milles marins au-dessus de l'endroit où se déroulait la conférence (voir annexe A - Schéma de l'événement). Les appareils évoluant vers l'ouest à partir de Calgary devaient être dirigés vers le coin nord-est de l'espace CYR255 dans le secteur en route de Red Deer avant de pouvoir continuer vers l'ouest. Les vols civils ne devaient être autorisés à pénétrer dans l'espace aérien réglementé qu'en cas de situation d'urgence, et les appareils non autorisés qui y pénétraient courraient le risque d'être interceptés par des avions de chasse militaires.
Un superviseur de l'ACC d'Edmonton a été désigné comme coordonnateur de l'espace aérien du G8 afin d'assurer le lien entre les militaires et l'ACC dans la planification et la gestion de l'espace aérien réglementé du G8. Le coordonnateur a terminé son quart de travail et a quitté l'ACC 40 minutes avant l'événement. Personne n'avait été prévu pour le remplacer. Les appareils évoluant entre Edmonton et Calgary étaient déroutés vers l'est afin de contourner l'activité orageuse, et à cause du volume de trafic à Calgary, quatre avions en rapprochement ont reçu l'ordre d'attendre à l'écart de l'espace aérien terminal de Calgary pendant 20 minutes. Il y avait 13 appareils dans le secteur de Red Deer au moment de l'événement, ce qui signifiait que le niveau de trafic était de modéré à élevé et qu'il était de grande complexité.
Afin de faire face à la charge de travail associée aux activités du G8, l'effectif normal de 8 personnes qui travaillaient au secteur en route de Calgary a été porté à 11. Au moment de l'événement, 8 contrôleurs étaient en poste et 3 étaient en pause. Deux contrôleurs travaillaient au secteur en route de Red Deer. Un contrôleur radar dirigeait le trafic dans le secteur en surveillant l'écran radar et en s'occupant des communications avec les appareils tandis qu'un contrôleur des données aidait le contrôleur radar en s'occupant de la gestion des fiches de progression de vol et des communications par ligne terrestre.
Au cours des 34 minutes qui ont précédé l'événement, le contrôleur radar du secteur en route de Red Deer a pris part à 311 communications par radio ou ligne terrestre en plus des conversations non enregistrées qui ont eu lieu entre les deux contrôleurs. Les équipages de conduite ont signalé que vu le nombre de transmissions radio, le secteur de Red Deer était très occupé.
Au moment de l'événement, le superviseur responsable de la sous-unité en route de Calgary occupait un poste de contrôleur qui était physiquement situé directement derrière le secteur de Red Deer. Les responsabilités du superviseur comprenaient le maintien de la conscience de la situation du trafic, la gestion du personnel, y compris les pauses et, de concert avec le gestionnaire des quarts, la facilitation des prises de décision relatives aux mesures de régulation du trafic. Les superviseurs devaient aussi travailler périodiquement à un poste de contrôle afin de maintenir leur qualification de contrôleur.
Le contrôleur radar et le contrôleur des données possédaient tous les deux une licence valide conformément à la réglementation en vigueur. Le contrôleur radar avait 29 ans d'expérience, dont 14 au sein de la sous-unité en route de Calgary. Le jour de l'événement, celui-ci s'est présenté au travail à 8 h 15. L'événement s'est produit environ huit heures après le début de son quart et 55 minutes après sa dernière pause. Le contrôleur des données possédait 11 ans d'expérience, dont 4 au sein de la sous-unité en route de Calgary. Le jour de l'événement, le contrôleur des données s'est présenté au travail à 7 h. L'événement s'est produit neuf heures après le début de son quart et 46 minutes après sa dernière pause.
La fatigue cognitive survient généralement après une longue période de travail au cours de laquelle la charge d'information est de niveau élevéNote de bas de page 2. Habituellement, cette fatigue a des effets sur la mémoire à court terme, la synchronisation des tâches et l'attentionNote de bas de page 3. Les deux contrôleurs du secteur de Red Deer et le superviseur ont déclaré qu'ils se sentaient passablement fatigués vers la fin de leur quart en raison de la charge de travail cumulative et du surplus de vigilance associé aux activités dans l'espace aérien du G8.
Les mesures de régulation du trafic sont des outils servant à réduire le trafic dans les zones terminales lorsque la demande dépasse les capacités du système ou lorsque l'on prévoit que ce sera le cas. Deux mesures de régulation du trafic suivantes ont été utilisées le jour de l'événement dans le but de contrôler le trafic dans la zone terminale de Calgary :
- l'attente en vol, qui contrôle le débit de trafic dans l'espace aérien terminal de Calgary en mettant les appareils en attente à l'extérieur de la zone terminale pour une période pouvant aller jusqu'à 20 minutes.
- les délais au sol, qui consistent à espacer les appareils au départ en provenance d'autres aéroports afin de contrôler le trafic à l'arrivée dans la zone terminale.
À l'ACC d'Edmonton, l'autorité permettant de mettre en oeuvre ces mesures revenait au gestionnaire de quart en service. Les contrôleurs ou les superviseurs du secteur en route étaient normalement consultés avant la mise en oeuvre ou l'annulation d'une mesure de régulation du trafic. On avait délégué au coordonnateur du contrôle terminal de Calgary l'autorité de mettre en oeuvre, au besoin, les mesures de régulation tactique du trafic à l'aéroport de Calgary.
À 14 h 30, l'aéroport de Calgary a été fermé afin de protéger le départ d'avions de dignitaires du G-8. À 15 h 30, soit après que la plupart des avions de dignitaires étaient partis, le coordonnateur du contrôle terminal de Calgary a levé la fermeture et a mis en oeuvre une mesure de contrôle du trafic afin de contrôler les arrivées et les départs à l'aéroport de Calgary. Cette mesure comprenait un délai au sol de cinq minutes entre les départs des avions au départ d'Edmonton et à destination de Calgary, ainsi qu'une attente en vol visant le trafic à destination de Calgary. Juste avant l'événement, quatre avions se dirigeant vers le sud, dont CPB888, étaient en attente ou faisaient l'objet d'une préparation pour une attente de 20 minutes à l'extérieur du terminal de Calgary. Puisque l'intersection TORON n'était pas disponible comme repère d'attente en raison des conditions météorologiques, le contrôleur radar de Red Deer a dû établir des repères d'attente révisés. De plus, à la demande du terminal de Calgary, une fenêtre « 16/17 » était en vigueur, ce qui signifiait que le trafic à l'arrivée était généralement maintenu à une altitude de 17 000 pieds et plus et le trafic au départ était maintenu à une altitude de 16 000 pieds et moins. Le coordonnateur du G8 avait quitté la salle des opérations, et le superviseur du secteur de Red Deer occupait un poste de contrôle. Aucun d'eux n'était disponible pour répondre au contrôleur du secteur de Red Deer qui s'inquiétait du niveau de trafic qui augmentait, mais un gestionnaire de quart en service avait été assigné à la surveillance de la gestion du trafic associé aux activités du G8.
Les routes IFR préférentielles figurant dans le TP1820, Manuel des espaces aériens désignés, sont décrites dans le MANOPS ATC comme étant un moyen d'assurer une gestion efficace et ordonnée du trafic aérien qui utilise normalement le réseau de voies aériennes en :
- guidant les pilotes lors de la planification de vol;
- minimisant les changements de route lors de la phase opérationnelle du vol; et
- optimisant la gestion du trafic aérien empruntant les voies aériennes.
L'article 602.34 du Règlement de l'aviation canadien exige que les appareils évoluent à une altitude de croisière ou au niveau de vol appropriés à la route empruntée comme l'indique le tableau accompagnant le réglementation, à moins qu'un ATC ne leur ait assigné une autre altitude. Les avions qui évoluent selon un route compris entre 180° et 359° doivent avoir une altitude de croisière paire (p. ex. 14 000, 16 000, FL180, etc.) et ceux dont le route se situe entre 000° et 179° doivent évoluer à une altitude impaire (p. ex. 13 000, 15 000, 17 000, etc.). Selon les cartes En route niveau inférieur LO1 et LO2 publiées par Ressources naturelles Canada, il était approprié pour les avions se dirigeant vers le sud sur V21 entre Fort McMurray et le VOR d'Edmonton de se trouver à des altitudes paires, puis d'évoluer à une altitude impaire pour le reste de la route jusqu'à l'intersection TORON.
La rubrique 432 du MANOPS ATC stipule qu'une altitude de croisière non appropriée peut être assignée si :
- aucune autre forme d'espacement ne peut être appliquée;
- l'espace est structuré pour le trafic en sens unique; ou
- l'aéronef le demande en raison de givrage, de turbulence, ou pour des considérations de carburant.
Aucun de ces critères ne s'appliquait dans l'événement en question. Bien que V21 était une route préférentielle en direction sud entre Edmonton et Calgary, elle n'avait pas été désignée comme une route à sens unique.
La rubrique 432.6 du MANOPS stipule que les contrôleurs doivent identifier les avions qui sont autorisés à évoluer à une altitude non appropriée à la direction du vol durant :
- la transmission et la réception d'un estimé de contrôle;
- la transmission et la réception d'un transfert radar; et
- la coordination avec une unité ou un secteur adjacent.
Le contrôleur doit aussi apposer un indicateur d'avertissement en encerclant en rouge l'altitude sur la fiche de progression de vol.
Pendant le contrôle de CPB888 par le terminal d'Edmonton et le secteur en route de Red Deer, aucune des mesures n'a été mise en oeuvre lorsque l'avion se trouvait à une altitude non appropriée à la direction du vol.
Le suivi des performances des contrôleurs et l'assurance de la qualité étaient effectués principalement grâce à des vérifications semi-annuelles en poste et à une supervision quotidienne continue. Les vérifications périodiques étaient effectuées par un superviseur qui utilisait une liste de vérifications normalisée qui comprenait la vérification du marquage des fiches. De temps à autre, le personnel de l'administration centrale de NAV CANADA passait en revue les enregistrements des données radar et vocales dans le cadre de vérifications périodiques. À l'ACC d'Edmonton, il n'était pas dans les pratiques courantes de gestion d'effectuer des vérifications aléatoires et non planifiées d'assurance de la qualité visant à vérifier si l'on assigne les altitudes appropriées et si le marquage des fiches est bien effectué. Après l'événement, les fiches de progression de vol des avions qui transitaient entre Fort McMurray et Calgary en passant par le terminal d'Edmonton et l'espace aérien en route de Calgary ont fait l'objet d'un examen. Au cours d'une période de 24 heures, au moins six avions ont été autorisés à traverser ces secteurs à une altitude non appropriée sans qu'aucun des critères du MANOPS ATC ne soient respectés en ce qui a trait aux justifications et au marquage des fiches. NAV CANADA ne possédait pas de politique nationale concernant la vérification aléatoire et non planifiée des fiches dans le cadre d'un programme d'assurance de la qualité.
En plus de comprendre une liste des routes IFR préférentielles, la section relative à la planification du Canada - Supplément de vol (CFS) stipule que dans les espaces aériens de classe A et B entre Edmonton et Calgary, l'ATC peut assigner des altitudes et des niveaux de vol non appropriés à la direction du vol en tout temps à un appareil évoluant au plus au FL250 sur la route préférentielle. S'appuyant en partie sur cet énoncé du CFS, les pilotes questionnent rarement les contrôleurs lorsqu'ils leur assignent une altitude non appropriée à la direction du vol.
Les cartes LO1 et LO2 contiennent des erreurs en ce qui concerne la route V21. Sur la carte LO1, les altitudes paires sont considérées comme appropriées pour les appareils en direction nord sur V21 entre le VOR d'Edmonton et l'intersection CALLY. Sur la carte LO2, les altitudes paires sont considérées comme appropriées dans la direction opposée sur la même section de voie aérienne.
Analyse
L'événement s'est produit à la suite d'une combinaison de circonstances comprenant des conditions météorologiques inclémentes, un espace aérien réglementé, une supervision réduite et une grande concentration de trafic complexe. À cause d'une charge de travail élevée dans leur secteur, le contrôleur radar et le contrôleur des données du secteur en route de Red Deer n'ont pas été en mesure de procéder à une contre-vérification efficace des fiches de progression de vol et de l'écran radar. Par conséquent, la conscience de la situation des deux contrôleurs s'est détériorée, et le risque de conflit entre CNS213 et CPB888, qui évoluaient à une altitude non appropriée à la direction du vol, est passé inaperçu.
Lorsque le terminal de Calgary a été rouvert, il y a eu une augmentation subite du trafic entrant et sortant de Calgary. Les appareils étaient autorisés à procéder à l'aide de mesures de régulation du trafic qui sont l'attente en vol et le délai au sol, et ce, à une cadence qui était réglée principalement en fonction du taux d'acceptation du trafic des installations du terminal de Calgary. Les effets combinés des conditions météorologiques, de l'espace aérien réglementé et de la concentration du trafic dans le secteur en route de Red Deer ont eu pour effet de concentrer l'embouteillage dans le secteur de Red Deer. Dans le cas présent, les mesures de régulation du trafic, qui sont des outils visant à gérer le trafic dans les zones terminales, ont entraîné un effet indésirable dans le secteur en route.
Puisqu'il y avait une importante activité orageuse qui bloquait les routes directes entre Edmonton et Calgary et que les restrictions s'appliquant à l'espace aérien CYR255 empêchaient les déroutement vers l'ouest, les contrôleurs du secteur en route de Red Deer ont dû diriger la majorité des appareils dans la portion est du secteur. Le coordonnateur du G8 n'était pas disponible, et le superviseur du secteur de Red Deer, qui travaillait à un poste de contrôle, n'était pas en mesure de répondre aux contrôleurs du secteur de Red Deer qui s'inquiétaient du niveau de trafic qui augmentait. Les contrôleurs n'ont donc pas été en mesure de mettre en oeuvre des mesures de régulation du trafic efficaces afin de réduire la concentration de trafic dans leur secteur.
En raison de la possibilité que des appareils non autorisés entrant par mégarde dans l'espace aérien CYR55 soient interceptés par des avions militaires, le contrôleur radar a porté son attention principalement sur les vols en direction ouest en provenance de Calgary qui transitaient par l'espace aérien étroit entre les orages et l'espace aérien réglementé. Cette situation a fait augmenter la charge de travail associée aux interventions visant le déroutement à l'écart des mauvaises conditions météorologiques et le guidage de plusieurs avions qui se trouvaient dans la partie est du secteur de Red Deer. La complexité du trafic dans le secteur s'est trouvée augmentée par la fenêtre 16/17 qui, en fait, réduisait les altitudes que pouvaient utiliser les contrôleurs et augmentait la charge de travail des contrôleurs.
Au cours de la période précédant l'événement, la sous-unité en route de Calgary n'a pas été considérée comme étant à court de personnel. La gestion de l'ACC avait augmenté le personnel en prévision d'une charge de travail plus élevée et plus complexe. Cependant, 3 des 11 contrôleurs de la sous-unité étaient en pause. S'il avait choisi de rappeler au moins un des contrôleurs en pause, le superviseur aurait pu se consacrer aux tâches de supervision plutôt que d'occuper un poste de contrôle. Il aurait alors pu aider les contrôleurs de Red Deer à gérer le trafic dans leur secteur.
Le contrôleur radar, le contrôleur des données et le superviseur ont indiqué qu'ils se sentaient passablement fatigués à cause de l'augmentation de la charge de travail cumulative associée aux activités du G8 et des déroutements qu'entraînaient les conditions météorologiques. Bien qu'il n'y ait aucune indication claire que la fatigue a été un facteur dans le présent événement, on sait que les effets de la fatigue cognitive - mémoire à court terme réduite, mauvaise synchronisation des tâches et niveau d'attention réduit - peuvent mener à de moins bonnes performances chez les contrôleurs de la circulation aérienne. Le mauvais marquage des fiches de progression de vol et le balayage inefficace des écrans radar ont été un facteur dans le présent événement.
Lorsque CPB888 est passé du secteur en route de La Biche au secteur terminal nord d'Edmonton, son altitude de 16 000 pieds était appropriée à la direction du vol. L'avion a ensuite viré sur un cap de 164°, ce qui faisait en sorte que l'altitude de 16 000 pieds était maintenant non appropriée. NAV CANADA ne possédait aucune politique visant à autoriser couramment les avions en direction sud à passer le terminal d'Edmonton et à pénétrer dans le secteur de Red Deer à des altitudes non appropriées à la direction du vol. Il n'y avait aucune disposition dans le système de routes préférentielles qui permettait aux contrôleurs de se soustraire à l'obligation de respecter les exigences du MANOPS ATC et du RAC. Puisque la majorité du trafic dans le secteur passait un temps considérable à monter et à descendre en raison des zones terminales, il était devenu normal entre contrôleurs de guider les avions vers l'intersection TORON à des altitudes non appropriées, souvent sans respecter les lignes directrices du MANOPS relatives au transfert de contrôle et au marquage des fiches.
Le plan de vol de l'équipage de CPB888 indiquait une altitude de 16 000 pieds pour tout le trajet même si un changement de route au VOR d'Edmonton nécessitait un changement d'altitude. Il prévoyait demeurer à 16 000 pieds, comme il l'avait déjà fait auparavant, et le virage dans une direction qui nécessitait un changement d'altitude n'a inquiété personne. Selon certaines indications, les pilotes de compagnies locales, y compris ceux en cause dans le présent événement, avaient l'habitude de recevoir des altitudes non appropriées à la direction du vol lorsqu'ils passaient par les secteurs terminal d'Edmonton et en route de Red Deer, et ils questionnaient rarement la validité de ces altitudes. Il est probable que cette situation découlait en partie de la section Planification du CFS qui stipule que les pilotes peuvent être autorisés à évoluer à des altitudes non appropriées à la direction du vol sur des routes préférentielles entre Edmonton et Calgary.
Le contrôleur des données du secteur en route de Red Deer n'avait pas marqué les fiches de progression de vol des deux avions en question conformément aux instructions du MANOPS ATC. La procédure de marquage a été élaborée dans le but d'alerter les contrôleurs lorsqu'un conflit potentiel se développe entre des avions qui évoluent à des altitudes non appropriées à la direction du vol. Les gestionnaires de NAV CANADA à l'ACC d'Edmonton n'ont pas vérifié régulièrement et de manière aléatoire les fiches de progression de vol afin de s'assurer qu'elles sont conformes aux normes relatives à l'assignation d'altitudes et au marquage des fiches. Ce faisant, ils n'étaient pas au courant que les contrôleurs des secteurs d'Edmonton et de Red Deer ne respectaient pas systématiquement les procédures obligatoires relatives à l'assignation d'altitudes.
Au moment de l'événement, le système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions du secteur en route de Red Deer de l'ACC d'Edmonton n'était pas entièrement installé et en bon état de marche. Ces systèmes sont conçus pour alerter les contrôleurs lorsqu'un conflit potentiel existe entre deux appareils.
Les cartes LO1 et LO2 comportaient une incohérence au niveau des altitudes appropriées à la direction du vol sur la route V21. Ces cartes étaient valides au moment de l'événement. Même si cette incohérence n'a pas été considérée comme un facteur dans le présent événement, elle aurait pu entraîner la confusion dans la planification des altitudes de vol et le contrôle de la circulation aérienne.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- CPB888 a été autorisé à évoluer à une altitude non appropriée à la direction du vol dans le secteur terminal d'Edmonton et le secteur en route de Red Deer de l'ACC d'Edmonton. Cette situation a réduit la marge de sécurité exigée par le RAC pour le trafic en direction opposée qui évolue à des altitudes spéciales.
- Les fiches de progression de vol n'étaient pas marquées de manière à alerter les contrôleurs que CPB888 évoluait à une altitude non appropriée à la direction du vol. Cette situation a réduit la probabilité que les contrôleurs détectent un conflit potentiel entre les appareils en question et le trafic en direction opposée qui évoluait à des altitudes appropriées.
- Le contrôleur radar n'a pas balayé adéquatement l'écran radar afin d'y détecter d'autres appareils avant d'autoriser CNS213 à évoluer à une altitude occupée par CPB888, et le conflit entre les deux avions n'a pas été détecté.
- Lorsque la nouvelle altitude de 16 000 pieds a été inscrite sur la fiche de progression de vol de CNS213, insuffisant examen des autres fiches du tableau n'a été effectué afin de déterminer s'il existait un conflit avec d'autres appareils. CPB888 et CNS213 ont alors été autorisés à évoluer à la même altitude dans des directions opposées.
- La complexité du trafic dû à la fin de l'attente en vol au terminal de Calgary, à l'espace réglementé du G8, à la fenêtre 16/17 et aux orages a imposé une charge de travail élevée aux contrôleurs du secteur en route de Red Deer. Les mesures de régulation du trafic comme outil de gestion du trafic ont eu un effet néfaste sur le secteur en route dans le présent événement.
- La gestion du personnel de la sous-unité de Calgary a été mal effectuée au moment où le trafic était intense et complexe puisque le superviseur a choisi de travailler à un poste de contrôle plutôt que de rappeler un contrôleur qui était en pause.
Faits établis quant aux risques
- La section Planification du Canada - Supplément de vol (CFS) stipule que des altitudes de vol non appropriées à la direction du vol peuvent être assignées en tout temps aux appareils évoluant sur les routes préférentielles entre Edmonton et Calgary. Cette situation peut réduire la probabilité que les pilotes mettent en doute la validité de telles altitudes.
- Les cartes LO1 et LO2 comportaient une incohérence au niveau des altitudes appropriées à la direction du vol sur la route V21. Par conséquent, il existe un risque de confusion chez les pilotes et les contrôleurs et une possibilité que des avions soient autorisés à évoluer à la même altitude en direction opposée sur les voies aériennes.
Mesures de sécurité
En réponse aux faits indiquant que les contrôleurs de l'ACC d'Edmonton ne respectaient pas systématiquement les procédures de marquage des fiches de progression de vol des avions évoluant à des altitudes non appropriées à la direction du vol, l'ACC d'Edmonton (NAV CANADA) a publié un bulletin d'opérations destiné aux contrôleurs qui souligne l'importance de suivre les directives du MANOPS ATC.
Depuis l'événement, un système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions a été installé, a fait l'objet d'essai et a été mis en service dans les secteurs en route d'Edmonton. Le système alerte les contrôleurs lorsqu'il existe des conflits potentiels entre avions évoluant à des altitudes de 14 000 pieds et plus.
NAV CANADA a publié un avis aux naviguant (NOTAM) qui fait état du problème d'incohérence relative à la route V21 sur la carte LO2. Une révision permanente a été incorporée à la modification, laquelle est entrée en vigueur le 15 mai 2003.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes