Vol VFR dans des conditions météorologiques défavorables
Collision avec le relief
Cessna 182P Skylane (C-GASB)
Needle Peak (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Un après-midi, le Cessna 182P Skylane immatriculé C-GASB et portant le numéro de série 18264590 effectue un vol entre Abbotsford (Colombie-Britannique) et l'aéroport Springbank situé à Calgary (Alberta), mais il n'arrive pas à destination. Le système à satellites destiné à l'aviation détecte des signaux émis par la radiobalise de repérage d'urgence (ELT), et une opération de recherche et sauvetage est entreprise. Le même jour, l'épave est repérée par un aéronef de recherche, à moins d'un mille marin de l'autoroute Coquihalla, près de Needle Peak, à 17 milles marins au nord-est de Hope (Colombie-Britannique), à une altitude de 4 048 pieds au-dessus du niveau de la mer. L'aéronef a été détruit, mais il n'a pas pris feu. Les quatre occupants ont subi des blessures mortelles.
Renseignements de base
Avant de décoller d'Abbotsford, le pilote reçoit en personne un exposé météorologique prévol donné par le spécialiste de la station d'information de vol (FSS) d'Abbotsford. Ce dernier lui mentionne que les conditions météorologiques semblent favorables au vol selon les règles de vol à vue (VFR) et il suggère au pilote de communiquer avec la FSS d'Abbotsford sur la fréquence périphérique de 122,2 mégahertz (MHz) lorsqu'il se trouve près de Hope afin d'obtenir un compte rendu météo, car on sait que près de Hope, les conditions météorologiques changent parfois rapidement. La FSS d'Abbotsford ne reçoit à cet effet aucune communication en provenance de C-GASB. Le pilote est titulaire d'une qualification de vol aux instruments, mais il dépose un plan de vol VFR pour se rendre jusqu'à l'aéroport Springbank en passant par Revelstoke (Colombie-Britannique) en mentionnant qu'il se rend directement à Revelstoke.
L'appareil décolle d'Abbotsford à 14 h 5, heure avancée du Pacifique (HAP)Note de bas de page 1, et on le voit sur l'écran radar se diriger directement vers Hope en volant à une altitude de 5 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) à une vitesse-sol de 150 noeuds. À Hope, vers 14 h 30, les échos radar disparaissent à cause du relief montagneux.
D'après les dossiers, l'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Il avait été construit en 1976 et, avant le vol en cause, il totalisait 3 879,9 heures de vol. Un examen du carnet de route ainsi que des livrets cellule, moteur et de l'hélice n'a rien montré de particulier. Le moteur, un Lycoming O-470-S portant le numéro de série L-463943, totalisait 316 heures depuis la dernière révision et 2 251.6 heures depuis la mise en service initiale.
L'aéronef était équipé pour le vol aux instruments et avait notamment à son bord un transpondeur, deux récepteurs de radiophare omnidirectionnel VHF (VOR), l'équipement de mesure de distance (DME), un système de radiogoniométrie automatique basse fréquence (ADF) et un système mondial de localisation (GPS). Il n'était équipé d'aucun dispositif d'antigivrage ou de dégivrage.
Il a été impossible d'établir si le pilote a tenu compte de la masse et du centrage de l'aéronef; aucun calcul n'a été retrouvé. Avant d'atterrir à Abbotsford, l'appareil avait quitté Boeing Field à Seattle (Washington), où, d'après les dossiers, ses deux réservoirs grand rayon d'action avaient été remplis jusqu'à ce que le niveau de carburant atteigne l'entonnoir utilisé. D'après les renseignements fournis par le constructeur, ce niveau correspondrait à 37 galons américains dans chaque réservoir. La masse de l'appareil calculée lors de son décollage de Boeing Field était de 3 114 livres, c'est-à-dire 164 livres de plus que la masse maximale autorisée au décollage qui est de 2 950 livres. Le centre de gravité (CG) calculé se situait à 44,7 pouces. Bien qu'aucun des deux fournisseurs de carburant d'Abbotsford ait ravitaillé l'appareil, on a estimé qu'au décollage d'Abbotsford, la masse de l'appareil dépassait de 70 livres la masse maximale autorisée au décollage. On a calculé qu'au moment de l'accident, la masse de l'appareil était de 2 949 livres, valeur dans les limites prescrites, et que son CG se situait à 44,5 pouces, valeur comprise dans la plage normale allant de 33 à 48,5 pouces derrière la ligne de référence.
L'épave a été retrouvée sur une pente inclinée à 45 degrés densément boisée faisant face à l'ouest, à environ un mille marin au sud de la route directe entre Abbotsford et Revelstoke. L'appareil avait heurté la cime d'un arbre, puis le sol non loin de là. Les dommages qu'a subis l'arbre et les traces auxquelles a donné lieu l'impact laissent croire qu'au moment de l'accident, la trajectoire de vol de l'appareil était essentiellement verticale. Le principal composant de l'épave, à savoir le fuselage, s'est immobilisé à un cap de 330° magnétiques. L'aile gauche a été retrouvée 9 pieds plus bas le long de la pente, alors que l'hélice, le moteur et l'aile droite se trouvaient 24 pieds plus bas sur cette même pente. Le vilebrequin du moteur s'était rompu et l'hélice se trouvait à 17 pieds du moteur. La porte gauche se trouvait sur la pente, 39 pieds plus bas que le fuselage. Même si la température ambiante était d'environ zéro degré Celsius lors de l'inspection de l'épave, on n'a décelé aucune trace de givre sur celle-ci.
Le système mondial de localisation a été inspecté et les seules données que l'on a pu récupérer constituaient la dernière position enregistrée, laquelle correspondait à un endroit situé à environ ½ mille marin au nord des lieux de l'accident.
L'épave a d'abord été inspectée sur les lieux de l'accident. Par la suite, elle a été récupérée et placée en lieu sûr avant la poursuite de l'inspection que l'on a effectuée en vue de déceler des anomalies qui auraient pu exister avant l'impact. On a inspecté toutes les gouvernes sans déceler la moindre anomalie. L'inspection du moteur ainsi que de ses composants et systèmes n'a permis de déceler aucune défectuosité ni aucune anomalie ayant pu provoquer une perte de puissance moteur. La rupture du vilebrequin indique que le moteur tournait au moment de l'impact. Tous les dommages du moteur étaient attribuables aux forces d'impact. L'inspection visuelle n'a pas permis d'établir la puissance que le moteur fournissait au moment de l'impact.
Le pilote était titulaire d'une licence de pilote professionnel délivrée par Transports Canada (TC) et assortie d'une annotation de qualification sur avions terrestres monomoteurs et de qualification de vol aux instruments. Le certificat médical du pilote comportait une restriction selon laquelle ce dernier devait porter des verres pour piloter tout en indiquant que sa dernière évaluation médicale remontait au 10 janvier 2001, ce qui signifie qu'au moment de l'accident, la licence du pilote ne lui conférait que les privilèges accordés en vertu d'une licence de pilote privé : le vol en cause dans cet accident n'était pas à des fins commerciales. Le pilote totalisait quelque 3 370 heures de vol sur monomoteurs légers, notamment sur le Cessna 182P, et il était qualifié pour piloter un aéronef selon les règles de vol aux instruments (IFR).
D'après les dossiers d'autopsie et d'examens toxicologiques, rien n'indique que l'état de santé du pilote aurait pu mener ou contribuer à cet accident.
Les prévisions régionales graphiques, qui constituent un résumé des prévisions régionales importantes, publiées à 11 h, soit 3 heures 37 minutes avant l'accident, pour la région comprise entre Abbotsford et Calgary et celles publiées à 17 h, soit 2 heures 23 minutes après l'accident, pour cette même région, étaient presque identiques et elles étaient les suivantes : nuages fragmentés dont la base se trouve à 6 000 pieds asl et le sommet à 16 000 pieds asl; cumulus bourgeonnants épars dont le sommet se trouve à 20 000 pieds asl; visibilité dominante de plus de 6 milles terrestres dans des averses de pluie de faible intensité; après 13 h, formation de cumulonimbus isolés dont le sommet se trouve à 25 000 pieds; et visibilité dominante de plus de 6 milles terrestres dans des orages de faible intensité accompagnés de grêle le long des montagnes. Le niveau de congélation était prévu aux alentours de 6 200 pieds asl.
À 14 h 29, quelque 11 minutes avant l'accident, les conditions météorologiques signalées à Hope, qui se trouve à 17 milles marins au sud-ouest des lieux de l'accident, étaient les suivantes : vent du 280° vrais à 8 noeuds soufflant en rafale à 18 noeuds; visibilité de 9 milles terrestres dans de la pluie de faible intensité; nuages fragmentés à 5 300 pieds et à 8 700 pieds; température de 14°C; point de rosée de 2°C, calage altimétrique de 30,18 pouces de mercure.
À 15 h, quelque 23 minutes après l'accident, les conditions météorologiques signalées pour Princeton, qui se trouve à 25 milles marins à l'ouest-sud-ouest des lieux de l'accident, étaient les suivantes : vent du 260° vrais à 18 noeuds; visibilité de 15 milles terrestres; quelques cumulus bourgeonnants à 5 000 pieds et des nuages épars à 18 000 pieds; température de 14°C; et point de rosée de moins 3°C; calage altimétrique de 30,09 pouces de mercure; remarques : 2 octas de cumulus bourgeonnants, 2 octas d'altocumulus, rafales soufflant à 38 noeuds au cours de la dernière heure, pression de 1 019,0 hectopascals au niveau de la mer.
Des données additionnelles sur les conditions météorologiques ont été obtenues auprès de trois stations d'observations météorologiques du ministère des Transports de la Colombie-Britannique (BC MOT), toutes situées à quelques milles des lieux de l'accident. Ces stations enregistrent des données pour le système surveillant les avalanches et les conditions météorologiques du BC MOT. D'après ces données, au moment de l'accident, les conditions météorologiques étaient les suivantes : vent du sud-ouest soufflant à 24 noeuds, température aux alentours du point de congélation et quelques précipitations sous forme de neige.
Une bande vidéo de surveillance enregistrée au poste de péage de l'autoroute Coquihalla, situé à quelque cinq milles marins au nord-ouest des lieux de l'accident, montre que vers l'heure de l'accident, les conditions météorologiques à cet endroit étaient les suivantes : nuages à basse altitude, pluie et rafales de vent.
L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :
- LP 063/2002 – Instruments Analysis (Analyse d'instruments)
Ce rapport est disponible sur demande auprès du Bureau de la sécurité des transports du Canada.
Analyse
À la vitesse sol moyenne mesurée au radar à laquelle volait l'appareil, ce dernier aurait mis quelque sept minutes à parcourir la distance entre Hope et les lieux de l'accident, ce qui porterait l'heure de l'accident à environ 14 h 37.
D'après les renseignements provenant des trois stations enregistrant des données pour le système de surveillance des avalanches et des conditions météorologiques du BC MOT et la bande vidéo de surveillance enregistrée au poste de péage de l'autoroute Coquihalla, les conditions météorologiques sur les lieux et au moment de l'accident étaient probablement bien pires que celles prévues. Le plafond était probablement inférieur à celui de 6 000 pieds asl mentionné dans les prévisions et le niveau de congélation très près de la surface, aux alentours de 4 000 pieds asl. Le pilote a dû rencontrer un relief ascendant dans la région où est survenu l'accident. De plus, il a probablement dû rencontrer un plafond bas, lequel l'aurait, semble-t-il, forcé à descendre au-dessous de son altitude de croisière de 5 000 pieds asl, afin de poursuivre son vol VFR. Près de la base des nuages, il se peut qu'il ait rencontré de la turbulence, de la neige et du givrage de la cellule, mais il disposait de très peu de marge de manoeuvre pour descendre, car, dans cette région, le relief est relativement élevé puisqu'il ne comporte pas moins de cinq sommets de montagnes entre 6 009 à 7 088 pieds asl dans un rayon de 10 milles marins des lieux de l'accident.
Bien qu'il était titulaire d'une qualification valide de vol aux instruments et qu'il possédait une expérience considérable du vol aux instruments, le pilote n'était pas en communication avec le contrôle de la circulation aérienne (ATC), et il n'avait obtenu aucune autorisation IFR. À cause du relief élevé, pour communiquer avec l'ATC, il aurait fallu qu'il monte de plusieurs milliers de pieds. D'où il se trouvait, il aurait été dangereux de monter dans les nuages à cause des faibles performances de l'appareil dues à sa masse importante et à l'altitude élevée à laquelle il volait ainsi que de la grande proximité des nombreux sommets de montagnes qui se trouvaient aux alentours. Si le pilote avait abandonné le vol à vue pour faire la transition au vol aux instruments et s'il avait tenté de monter jusqu'à une altitude de sécurité, il aurait probablement rencontré des conditions de givrage et peut-être même des orages. Il a probablement choisi de voler à vue en risquant de rencontrer des conditions météorologiques de vol aux instruments.
Au moment de l'impact, la trajectoire de vol de l'appareil était principalement verticale, ce qui indique que le pilote ne maîtrisait pas l'appareil. L'étendue des dommages et l'angle avec lequel l'appareil a heurté le relief montrent qu'à l'impact, il se trouvait probablement dans un piqué en spirale et non en décrochage. Comme l'indiquent la dernière position de l'appareil enregistrée par le GPS et la position de l'appareil au moment de l'accident, au moment de l'impact, l'appareil volait vers le sud. L'orientation à 330° (vers le nord) du fuselage peut indiquer que l'appareil se trouvait dans un piqué en spirale. Un piqué en spirale est un virage serré en descente dans un piqué excessif. Il se caractérise par un angle d'attaque excessif, une vitesse qui augmente rapidement et un taux de descente qui s'accentue rapidement. Le scénario le plus plausible concernant cet accident met en cause un phénomène connu que rencontrent les pilotes survolant les régions montagneuses. Le relief élevé obscurcit l'horizon naturel et, dans cet accident, la difficulté à apercevoir l'horizon a été accrue par les nuages à basse altitude.
En rencontrant un relief élevé et des nuages à basse altitude, il est probable que le pilote a abaissé le nez de l'appareil pour éviter d'entrer dans les nuages et qu'il a amorcé un virage pour faire demi-tour. Du fait que le pilote n'aurait aperçu aucun horizon en regardant à l'extérieur de l'appareil, sa seule façon d'en garder la maîtrise au cours de ce virage aurait été de se fier aux instruments de bord. Pour des motifs qui demeurent inconnus, le pilote a perdu la maîtrise de l'appareil et, à cause de la proximité relative du relief, l'appareil a heurté un arbre avant que le pilote puisse en reprendre la maîtrise.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Le pilote a rencontré des conditions météorologiques défavorables en survolant un relief montagneux, il a probablement tenté de faire demi-tour alors que ses points de référence visuels étaient limités ou inexistants et il a perdu la maîtrise de l'appareil.
- Il est fort probable que l'aéronef était dans un piqué en spirale quand il a heurté la cime de l'arbre.
- La proximité relative du relief n'a laissé que peu de temps au pilote pour reprendre la maîtrise de l'aéronef.
Faits établis quant aux risques
- Aux décollages de Seattle (Washington) et d'Abbotsford (Colombie-Britannique), l'appareil était en surcharge.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée par le Bureau le .